Titre : Alger-étudiant : organe officiel de l'Association générale des étudiants d'Alger
Auteur : Association générale des étudiants d'Algérie. Auteur du texte
Éditeur : Association générale des étudiants d'Alger (Alger)
Date d'édition : 1933-04-08
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32685365z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 3712 Nombre total de vues : 3712
Description : 08 avril 1933 08 avril 1933
Description : 1933/04/08 (A12,N159). 1933/04/08 (A12,N159).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k57284715
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-60882
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/01/2011
ALGER-ETUDIANT
Les femelles y laisseront quelques plumes
Nouvelle inédite par Sandra-lHario
Suite et fin
RESUME DU PRECEDENT
NUMERO .-
L'aventure se passe il y a quel-
ques années déjà.
Le colon Jean Martial, fils de .
paysans français, transplanté en i
Algérie depuis peu, s'éprend de
Suzon Bonnefère, fille acorte d'un <
riche fermier de la Mitidja. Pour <
elle il est prêt à commettre les <
pires folies : il va notamment lui <
acheter 2.000 francs un troupeau
de moutons qui en vaut à peine
1.500. Suzon lui accordera un bai- 1
ser après la signature du contrat. *
Cest alors que Cupidon entre c
en jeu... s
F
Sur le toit de la ferme, dans un n
froufroutement d'ailes, roucoulent
les pigeons.
En bas, Jean, l'ancien berger
courtise sa bergère.
Ici on aime. Là on conte fleu-
rette. " s<
Les femelles y laisseront quel-
ques plumes. Ir
c<
** é(
Jean Martial est parti. n<
Appuyé au battant de la porte "(
de fer qui ferme la cour, Suzon a
pu le voir galoper sur la route en- "j
farinée, défoncée d'un bout de u
l'année à l'autre par les lourds
chariots qui transportent le ciment co
et la chaux de l'usine de Rivet. m
La carrière où cette usine puise se
sa poussière fait une tâche san-
glante sur la montagne éventrée. sa;
. A droite, le marabout jette un pi
blanc signal au-dessus du village
comme une bénédiction, et toute la ra
poésie de ce coin d'Algérie» Mais te]
il s'agit bien de poésie !... STl
Suzon Bonnefère, la fille du ri- *a
che colon, ignore les méditations rei
attendrissantes. Elle vient rouvrir m{
tout simplement son livre de *a
comptes et trempe sa plume dans qu
l'encrier. de
Vingt quatre et six... trente et rer
cinq... trente-cinq et deux., tren- lac
te-sept mille. Aïe donc ! 1
Or ce petit coquin d'amour dé- de
cida, sur le champ, de faire une I
blague à Suzon la vénale. roi
Tandis qu'elle supputait le bé- I
néfice de sa journée,.et se félici- S
tait, songeant à son habile mani- rus
gance, lui, Cupidon fourbissait rau
une flèche. 1
Il n'était point question de se ne
servir de l'arc. L
L'arc, Mesdames, c'est pour les sau:
occasions exceptionnelles : les A
coups de foudre, par exemple. J
Ici, ce n'était point le cas. se, i
Donc, cette nuit, lorsque Suzon un
reposerait sur son lit de nonne qui Si
fleurait bon la lavande, il péné- le c
trerait dans la chambre avec moult sa c
précautions pour ne point éveiller cis,
sa victime, et, dans les parages du —
sein gauche, il glisserait, tout doux deu:
tout doux. zon.
Il opérerait sans douleur. Il
Ce serait, si vous voulez, de la te-fe
pénétration pacifique. se di
** ta le
Huit et quatre douze. . et six sépa
dix-huit... et trois... Dans la salle
basse où flotte encore un relent de (il 1'
patchouli, Suzon additionne et d'êtr
multiplie avec entrain. Di
Cupidon, assis sur un nuage, je- qu'e]
Lait de temps à autre, un coup HT
(l'oeil sur la terre. pend
II astiquait la flèche, la montrait neric
de loin à Phébus, avec un clin ne d
d'oeil significatif. métii
II examinait Suzon toujours embi
penchée sur son sinistre livre de enroi
comptes, à couverture noire, et il pédi;
riait comme une petite folle. Da- eu »,
me Nuit n'attendait que le départ Le:
de son rouge adversaire pour des- dre,
cendre sur la plaine. la ce
Majestueux et lent, Maître So- coq -
leil se retira enfin derrière les coi- lever
lines du Sahel, mais avant de dis- Le
paraître, il lança un bref sourire ' cer i'
\TT de feu sur le nuage où trônait Cu-
pidon, comme pour lui dire « bon- c
ne chance » et l'autre, agitant son •
juel- carquois, rendit la politesse.
Vers minuit, fendant les ténè-
s de bres, Cupidon pénétra dans la r
'■ en chambre de Suzon.
I de II découvrit un sein qu'il jugea 1>
d'un en belle et bonne forme, et notre a
your chirurgien joufflu, à chevelure
• les d'ange, glissa sa flèche au bon en- r(
; lui droit. ' fi
yeau ^ ***
eine A l'aube qui suivit cet exploit,
bai- le premier chant du coq de la fer-
irat. me Bonnefère éveilla une poule P
itre qui était Suzon. Elle ouvrit un oeil, v<
s'étira, se sentit toute chose.
Tiens, pardi !!... si
. .- N'y avait-il pas, devant elle, au ax
pied de son lit ,un coq superbe- t0
, ^ ment crête de deux billets de mille -
lent f™B<* ? T
Hallucination ? m
-o-er Non. Réalité prochaine.
J'°
[eu. Tout une longue semaine, Jean t0
se fit attendre. m
ael_ Il n'était point coupable, certes, sa
mais le vieux père Martial, têtu ^a
comme un baudet, tenant à ses
écus comme I'arapède au rocher, U 13
ne voulait j^oint entendre parler ce!
irte de ces Uioutons : d'(
Q a « Deux mille francs !!... Mille P*'
en_ dieux ! : Mon fils, tu serais-t'y
,je d'venu fou ?» j'
r ent complicité de son frère et, prit en tel
;t# maugréant cinq cents francs sur
jse ses économies.
an. Ah ! garce , t'm'en fais faire un len
,_ sang d'encre, mais j't'aurai, v'Ia 1' j'l£
un P^us c*air de l'histoire ». ell<
[ge Ces huit jours d'attente accablé- tu
là rent Suzon d'une nervosité inat- dis^
afs tendue et presque irritante. Pro- ^ra
gressivement, l'espoir du gain céda mo
rj. la place à un désir plus simple : I
ins revoir le beau garçon. A tous mo- raî]
rjr ments, elle soulevait le rideau de "S
,Je la cuisine pour interroger la route la 1
ns qu'il devait suivre, flanaît autour ni '
de la ferme et les domestiques vi- foi
et rent bien que la surveillance se re- cett
n. lâchait. C
Impatiente ? Suzon ? racl
Chacun son tour, ma belle. —
Pour qui cette frisette au bord qui
é- de la tempe ? E
îë Et pour quelle tentation cette j'ai
robe de fraîche mousseline.
é- Pour Jean Martial ??... ! L
i- Mais alors ? Ce n'était plus un ont
i- rustre, un niquedouille, un mar- le ci
it raut ? «
Tu l'aimes ?... Non .. Oui... tu re p
le ne te rends pas bien compte. d'trj
Le galop d'un cheval la fit sur- man
ÎS sauter. qu'L
!s Ah ! Lui ! Tout de même. si ».
Jean est entré dans la salle bas- El
se, avec cette assurance que donne tour
a un portefeuille bien garni. vrotl
i Suzon, tout miel et tout sourire, tait
i- le débarrassa de son chapeau, de ham
t sa cravache, mais lui, direct, pré- Ui
r cis, s'expliqua sans préambule. Suzo
i — « Nous avons dit, en tout : Amo
i deux mille, n'est-ce pas M'zelle Su- J'ain
zon. On T,
Il ouvrit son veston, et d'un por- Mais
i te-feuille crasseux retira une lias- J'ai j
se de billets de banque. A un
De son pouce humide il comp- Qu'u:
ta les billets, les posa en petits tas L'ait
: séparés sur la table. Amoi
. ■— Eh ! ben les v'Ia ; maintenant Enan
t (il l'attira à lui) c'est mon tour Sm
: d'être payé. Depu
Dieu me pardonne, je crois parti»
qu'elle s'est jetée dans ses bras. aman
Huit heures. Le coucou de la ouver
pendule, ponctuel comme une son- de la
nerie militaire, sortit de sa caba- comp
ne de bois peint, pour faire son vie.
métier, n'est-ce pas, et, sur leurs Ell<
embrassements, d'une voix un peu reven:
enrouée, huit fois de suite, il ex- compi
pédia un « cocu », « cocu », « co- anciei
eu », sans préciser le destinataire, à les
Les pigeons parlent d'amour ten- ordur
dre, sur le toit de la ferme. Dans laidei
la cour de cette même ferme, le l'ama
coq — du moins il le croit — fait Ces
lever le soleil de co:
Le coucou se contente d'annon- les a i
'cer l'adultère. j.feuilli
: Cu- Toute une histoire en trois m
bon- coups de gosier. re
; son
« Une lettre pour toi Jean ». à
:énè- Joseph Martial tendit à son frè-
]a re, Une grande emreloppe bleue, de
Jean fumait sous la treille, à ca- pa
jo-ea lifourchon sur sa chaise, les bras m»
otre appuyés au dossier devant lui. dé
lure — Ah oui, grogna-t-il — ayant
en_ reconnu l'écriture, c'est encore c'te fié
fille. lo]
— « Quelle fille ?
I0jt — « Ben, la Suzon, pardi. lar
fer_ — « Dis-donc, mon vieux, ça n'a les
raie Pas l'3* 1 de t'enchanter de rece- la
oejj_ voir des lettres d'amour !
— « Eh ! non, répondit Jean, tre
si jTécoutais, j'ficherais plus rien pai
au aux champs, faudrait que j'soye en1
r]je_ toujours avec elle. tar,
ille - P°ur t°ut dire, la vérité, tu veux ton
que j'te dise, Joseph, ben j'en ai I
marre ». I
— « C'est pour m'avouer ça au- Br<
jourd'hui que t'as fait tant d'his- cou
san toires, tant d'manigances, y a un me:
mois tout juste ■— et, qu'tu pen- re (
tes. sa*s qu'à cette créature ! Et qu'tu S
gtu la voulais ! ret<
8es . Jean lança d'abord devant lui, Boi
ien un grand jet de salive, secoua la vi c
ler cendre de sa cigarette et tenta cicé
d'expliquer à son frère les multi- por
Jje pies raisons de son revirement. L
t'y •— Ben oui, mon vieux Joseph, cett
j' l'aie eue. J' l'ai possédée. J'ai lent
\a même été l'premier à l'avoir. Ça —
en ten bouche un coin ça hein ? ! solu
iUr — « Sans blague ! reai
— « C'est comme j'te l'dis. Seu- de i
un lement voilà : elle est mal foutue, rive
1' jTa croyais mieux qu' ça, et puis M
elle a un sale caractère la môme, autr
le. tu sais.. et puis, tu veux que j'te près
at- dise, ben elle m'a volé' cinq cents pon<
:o. francs quand jTui ai acheté ses
tJa moutons. PJ
. D'un coup, il lâcha sa secrète ente
10„ rancune. port
£e Son désir assouvi, ce n'était pas où e
te la mauvaise humeur de l'amante, giffl*
ar ni son anatomie qui détruisait en burn
7j. lui toute velléité de retour vers et sa
e- cette cupide maîtresse. «
C'était ces cinq cents francs ar- Jean
rachés à ses économies. pas,
— Voui, pardi, un tour de co- coup
•d quin. Pr
Et puis, ajouta-t-il, mystérieux, taure
te j'ai un autre projet en tête. sourc
*'* J ei
Les visites de Jean s'espaçantj II :
n ont éveillé la malignité de la vieil- Sa
r- le cuisinière berrichonne. ment
« Ah ! la patronne a été si du- Aii
u re pour le pauv'monde qu'à besoin chucl
d'travailler pour gagner et d'quoi épris
> manger et d'quoi dormir, faut ben On p
qu'la drôlesse soye maltraitée aus- les.
si ». Où
i- Et comme « c'est chacun mon ce de
s tour de s'rejouir ».... Ursule che- ferme
vrotte mie bergerette qu'on chan- tranq
:, tait en tisonnant l'âtre dans son le, à i
î hameau. j matin
Ursule élève la voix pour que ter a 1
Suzon l'entende : et les
: Amour, que vous ai-je fait ? riée, <
- J'aimais hélas ! sans être aimée. son ré
On me dit riche à souhaits Cet!
• Mais à lui — point je n'agrée peut c
• J'ai peur, fai bien peur qu'il n'ait un vo
A une autre mis sa pensée bas de
■ Qu'une autre belle charmée eucaly
L'ait mis en émoi lées cl
Amour douce et désirée Et t
Enamourez-le de moi les pit
Suzon languit et se morfond, reau.
Depuis dix jours, trois lettres sont Suzc
parties à l'adresse de Jean, cet tout c<
amant cher entre tous qui lui a Quo:
ouvert un monde nouveau; celui trois s
de la volupté et par qui elle a Com
compris, semble-t-il, le sens de la persier
vie. clysme
Elle le supplie, chaque fois, de mue, e
revenir à leurs étreintes, s'attarde vais,
complaisamment au récit de leurs A vi
anciennes débauches. Elle cherche rait la
à les raviver par des mots presque comme
orduriers sans se douter que leur perdu,
laideur éloigne encore plus d'elle mesure
l'amant refroidi. POUJ
Ces messages, Braliim, l'homme attend)
de confiance de Mlle Bonnefère, traité,
les a enfouis dans son vaste porte- l'envie
(feuille de cuir rouge et, fidèle- dans si
cois ment (consigne, consigne !) les a
remis au fils Martial. <
Mais, chaque fois, il a rapporté <
>. à Suzon une décevante réponse,
frè- Jean se dérobe, louvoie, invoque <
:e. des prétextes imbéciles pour ne (
ca- pas se déranger, et ces atermoie-
ras ments inclinent la délaissée à la t
désespérance,
ant Aujourd'hui, encore, elle a con- '
:'te fié à l'estafette une longue enve- f
loppe bleue, et Brahim est parti. \
Fier de sa mission secrète, ba- c
lançant sa matraque, il fait à pieds l
n'a les trois Kilomètres qui séparent ^
ce- la ferme Bonnefère du village. t:
D'un geste large, de temps à au- v
m, tre, il rejette sur son épaule les t'
en pans de son burnous et parce qu'il h
ye entend le sifflet du train de Cons-
tantine, il connaît que le vent a. p
ux tourné. n
ai II y aura de l'orage ce soir...
Un tourbillon blanc se déplace, q
IU- Brahim ayant consulté les nuées r<
is- couleur d'ardoise et leur lourde
in menace, hâte le pas vers la demeu- ni
n- re de Jean Martial. p;
tu Suzon guette, anxieusement le
retour de Brahim, quand le père tr
ù, Bonnefère échevèîé, haletant, sui- la
la vi du petit bédouin qui lui sert de j';
ta cicérone, ouvre brusquement la
i- porte de la salle basse tr
La rafale s'est engouffrée dans
h, cette demeure comme pour y vio- es
ai lenter ceux qui s'y réfugient. sa
]a — Suzon, ma fille, il faudra ab- la:
somment nous débarrasser du tau- qt
reau, il a failli encore éventrer un
i- de nos hommes, tu verras qu'il ar- co
s, rivera un malheur. m<
is Mais distraite, préoccupée d'un c'e
3, autre genre de malheur qu'elle ga
e pressent plus proche, Suzon ré- fe
:s pond simplement : ça.
:s « Bien, père, on verra ».
Prête à se mettre à table, elle au:
e entend grincer sur ses gonds le Su
portail de la cour. Dans l'ombre po
s où elle s'est précipitée, la pluie la les
:, giffle sans merci; elle voit un clair 1
i burnous gonflé comme une voile re
s et sait que Brahim est de retour, vaj
« Oila, dit le messager, M'sieu col
- Jean, il a dit comme ça, j'y viens lié)
pas, j'y pas pouvoir, y en a beau- i
- coup M travail ». cav
Près d'eux, dans sa cellule, le ^
, taureau éenrvé par l'orage piétine cou
sourdement sa litière. ma
Jean ne viendra pas. del:
:j II ne viendra plus. de
Sa secrète inquiétude, subite- fer
ment prend forme et la torture. A
Ainsi c'est donc vrai ce qu'on pris
chuchotte au village : Jean serait mêl
épris de cette Madeleine Nadurot? cou:
On parle même de leurs épousail- N
les. J<
Où Suzon trouvera-t-elle la for- vom
ce de vivre, de diriger encore sa mie:
ferme, de se composer un visage re, <
tranquille lorsque la vieille Ursu- closi
le, à qui elle a encore rationné ce la ti
matin, le sucre et le café, lui con- D:
tera la noce Martial, les ripailles Pi
et les danses, et la robe de la ma- de 1
riée, émaillant intentionnellement M
son récit de cuisants détails. foen
Cette nuit, Suzon ne dort et ne Ia d;
peut dormir. Le vent s'acharne sur pren
un volet détraqué qui claque au Jean
bas de sa lucarne ; il tourmente les dans
eucalyptus; leurs branches écheve- epou
lées clament une désespérance. I D1
Et toujours, dans l'étable isolée, La
les piétinements sourds du tau- de &
reau. dans
Suzon mesure l'effondrement dé Du
tout ce qu'elle aime *
Quoi ! Son bonheur aura duré peut
trois semaines, pas même !
Comme le vent qui ébranle les
persiennes avec des bruits de cata- ^^
clysme, la tempête intérieure re- ^H
mue, en elle, des sentiments mau- V
vais. rÀ
A vingt-quatre ans, Suzon igno- W '
rait la tristesse, mais cette nuit, et ^
comme pour rattraper le temps ^Bj
perdu, le destin lui a fait bonne H|
mesure. BB j
Pourtant pas une larme. Aucun K
attendrissement dans ce coeur mal- BB
traité, mais sournoise et féminine, ITJIL
l'envie d'une revanche s'insinue HH|
dans ses plus secrètes pensées.
ss a A l'aube, Suzon est descendue
dans la salle basse. Personne n'est
jrté encore levé.
se. Sur une enveloppe bleue, elle
que écrit l'adresse de Jean. Ce sera le
ne dernier message,
oie- Ce qu'elle lui dit ?... Mon Dieu,
la des choses très raisonnables.
« Du moment que tu ne m'ai-
on- mes plus, Jean, il vaut mieux en
ve- finir tout de suite et proprement
ti. Le père se fait bien vieux, il vou-
ba- drait me voir mariée. Un jour ou
eds l'autre, je lui donnerai satisfaction,
ent Alors, Jean, rapporte-moi mes let-
tres. Je te rendrai les tiennes Et
au- voilà nous resterons bons amis. Si
les tu peux, porte-les ce soir, vers six
i'il heures.
ns- Jean agacé a déchiré Tenvelop-
: a pe que Brahim vient de lui re-
mettre.
Mais sa figure se rassérène
ce. quand il a lu ce que Suzon dési-
;es re :
de Qu'on en finisse ? Mais certai-
;u- nement, Jean ne demande que ça,
parbleu !
le — Mais oui, Brahim, mais oui,
re tu diras à la demoiselle que j'irai
îi- la voir à 6 heures. C'est entendu,
de j'y manquerai pas.
la Toutefois le calme de cette let-
tre l'humilie un peu.
as II se flattait d'être lassé, mais il
o- espérait bien, tout de même, pour
sa vanité de « coq du village »,
b- laisser au coeur de sa maîtresse un
u- quelconque regret,
m « Enfin !!... pensa-t-il, vaut en-
r- core mieux que ça soye fini com-
me ça. Sainte Mère de Dieu ! où
n c'est-y qu'elle m'aurait mené la
le garce, avec sa rouerie... Cinq cents
é- francs qu'elle m'a soutirés, comme
ça. . avec le sourire. »
A l'heure convenue Jean partit
'.e aux « Eucalyptus ». Les lettres de
e Suzon, il les avait mises dans la
e poche de son veston, sans même
a les relire.
r Brahim s'était dissimulé derriè-
e re la cave, et dans sa tête de sau-
:. vage, salie d'une barbe noire en
n collier, roulaient des idées singu-
s bières.
i- A l'affût, il guettait l'arrivée du
cavalier.
3 A peine celui-ci fut-il dans la
Î cour de la ferme, l'Arabe en refer-
ma la porte à double tour ,et, du
dehors, par un ingénieux système
de cordes, ouvrit le portillon de
. fer qui livra passage au taureau.
Au galop forcené du cheval sur-
i pris dans cette cour sans issue se
; mêlèrent d'horribles appels au se-
cours.
Nul ne répondit.
Jean, piétiné par les deux bêtes,
vomissait déjà son sang. Au pre-
mier étage de la maison Bonnefè-
re, derrière les persiennes demi-
closes, Suzon, froidement assista à"
la tuerie. *%
Ding, ding, dong...
Par trois coups isolés, la cloche
de l'église renseigne le village.
Madeleine Nadurot songe au
bien-aimé absent, et regarde pour
la dixième fois un M brodé sur le
premier drap de son trousseau.
Jean Martial s'est enfin décidé,
dans six semaines elle sera son
épouse
Ding, ding, dong.
La fiancée rêve dans la tiédeur
de ce soir de juin. Il fait doux
dans son coeur pur.
Ding, ding, dong.
« Tiens ?... un mort ?... Qui ça
peut bien être ?... »
SANDRA-MARIO.
(Tous droits réservés)
Les femelles y laisseront quelques plumes
Nouvelle inédite par Sandra-lHario
Suite et fin
RESUME DU PRECEDENT
NUMERO .-
L'aventure se passe il y a quel-
ques années déjà.
Le colon Jean Martial, fils de .
paysans français, transplanté en i
Algérie depuis peu, s'éprend de
Suzon Bonnefère, fille acorte d'un <
riche fermier de la Mitidja. Pour <
elle il est prêt à commettre les <
pires folies : il va notamment lui <
acheter 2.000 francs un troupeau
de moutons qui en vaut à peine
1.500. Suzon lui accordera un bai- 1
ser après la signature du contrat. *
Cest alors que Cupidon entre c
en jeu... s
F
Sur le toit de la ferme, dans un n
froufroutement d'ailes, roucoulent
les pigeons.
En bas, Jean, l'ancien berger
courtise sa bergère.
Ici on aime. Là on conte fleu-
rette. " s<
Les femelles y laisseront quel-
ques plumes. Ir
c<
** é(
Jean Martial est parti. n<
Appuyé au battant de la porte "(
de fer qui ferme la cour, Suzon a
pu le voir galoper sur la route en- "j
farinée, défoncée d'un bout de u
l'année à l'autre par les lourds
chariots qui transportent le ciment co
et la chaux de l'usine de Rivet. m
La carrière où cette usine puise se
sa poussière fait une tâche san-
glante sur la montagne éventrée. sa;
. A droite, le marabout jette un pi
blanc signal au-dessus du village
comme une bénédiction, et toute la ra
poésie de ce coin d'Algérie» Mais te]
il s'agit bien de poésie !... STl
Suzon Bonnefère, la fille du ri- *a
che colon, ignore les méditations rei
attendrissantes. Elle vient rouvrir m{
tout simplement son livre de *a
comptes et trempe sa plume dans qu
l'encrier. de
Vingt quatre et six... trente et rer
cinq... trente-cinq et deux., tren- lac
te-sept mille. Aïe donc ! 1
Or ce petit coquin d'amour dé- de
cida, sur le champ, de faire une I
blague à Suzon la vénale. roi
Tandis qu'elle supputait le bé- I
néfice de sa journée,.et se félici- S
tait, songeant à son habile mani- rus
gance, lui, Cupidon fourbissait rau
une flèche. 1
Il n'était point question de se ne
servir de l'arc. L
L'arc, Mesdames, c'est pour les sau:
occasions exceptionnelles : les A
coups de foudre, par exemple. J
Ici, ce n'était point le cas. se, i
Donc, cette nuit, lorsque Suzon un
reposerait sur son lit de nonne qui Si
fleurait bon la lavande, il péné- le c
trerait dans la chambre avec moult sa c
précautions pour ne point éveiller cis,
sa victime, et, dans les parages du —
sein gauche, il glisserait, tout doux deu:
tout doux. zon.
Il opérerait sans douleur. Il
Ce serait, si vous voulez, de la te-fe
pénétration pacifique. se di
** ta le
Huit et quatre douze. . et six sépa
dix-huit... et trois... Dans la salle
basse où flotte encore un relent de (il 1'
patchouli, Suzon additionne et d'êtr
multiplie avec entrain. Di
Cupidon, assis sur un nuage, je- qu'e]
Lait de temps à autre, un coup HT
(l'oeil sur la terre. pend
II astiquait la flèche, la montrait neric
de loin à Phébus, avec un clin ne d
d'oeil significatif. métii
II examinait Suzon toujours embi
penchée sur son sinistre livre de enroi
comptes, à couverture noire, et il pédi;
riait comme une petite folle. Da- eu »,
me Nuit n'attendait que le départ Le:
de son rouge adversaire pour des- dre,
cendre sur la plaine. la ce
Majestueux et lent, Maître So- coq -
leil se retira enfin derrière les coi- lever
lines du Sahel, mais avant de dis- Le
paraître, il lança un bref sourire ' cer i'
\TT de feu sur le nuage où trônait Cu-
pidon, comme pour lui dire « bon- c
ne chance » et l'autre, agitant son •
juel- carquois, rendit la politesse.
Vers minuit, fendant les ténè-
s de bres, Cupidon pénétra dans la r
'■ en chambre de Suzon.
I de II découvrit un sein qu'il jugea 1>
d'un en belle et bonne forme, et notre a
your chirurgien joufflu, à chevelure
• les d'ange, glissa sa flèche au bon en- r(
; lui droit. ' fi
yeau ^ ***
eine A l'aube qui suivit cet exploit,
bai- le premier chant du coq de la fer-
irat. me Bonnefère éveilla une poule P
itre qui était Suzon. Elle ouvrit un oeil, v<
s'étira, se sentit toute chose.
Tiens, pardi !!... si
. .- N'y avait-il pas, devant elle, au ax
pied de son lit ,un coq superbe- t0
, ^ ment crête de deux billets de mille -
lent f™B<* ? T
Hallucination ? m
-o-er Non. Réalité prochaine.
J'°
[eu. Tout une longue semaine, Jean t0
se fit attendre. m
ael_ Il n'était point coupable, certes, sa
mais le vieux père Martial, têtu ^a
comme un baudet, tenant à ses
écus comme I'arapède au rocher, U 13
ne voulait j^oint entendre parler ce!
irte de ces Uioutons : d'(
Q a « Deux mille francs !!... Mille P*'
en_ dieux ! : Mon fils, tu serais-t'y
,je d'venu fou ?» j'
r
;t# maugréant cinq cents francs sur
jse ses économies.
an. Ah ! garce , t'm'en fais faire un len
,_ sang d'encre, mais j't'aurai, v'Ia 1' j'l£
un P^us c*air de l'histoire ». ell<
[ge Ces huit jours d'attente accablé- tu
là rent Suzon d'une nervosité inat- dis^
afs tendue et presque irritante. Pro- ^ra
gressivement, l'espoir du gain céda mo
rj. la place à un désir plus simple : I
ins revoir le beau garçon. A tous mo- raî]
rjr ments, elle soulevait le rideau de "S
,Je la cuisine pour interroger la route la 1
ns qu'il devait suivre, flanaît autour ni '
de la ferme et les domestiques vi- foi
et rent bien que la surveillance se re- cett
n. lâchait. C
Impatiente ? Suzon ? racl
Chacun son tour, ma belle. —
Pour qui cette frisette au bord qui
é- de la tempe ? E
îë Et pour quelle tentation cette j'ai
robe de fraîche mousseline.
é- Pour Jean Martial ??... ! L
i- Mais alors ? Ce n'était plus un ont
i- rustre, un niquedouille, un mar- le ci
it raut ? «
Tu l'aimes ?... Non .. Oui... tu re p
le ne te rends pas bien compte. d'trj
Le galop d'un cheval la fit sur- man
ÎS sauter. qu'L
!s Ah ! Lui ! Tout de même. si ».
Jean est entré dans la salle bas- El
se, avec cette assurance que donne tour
a un portefeuille bien garni. vrotl
i Suzon, tout miel et tout sourire, tait
i- le débarrassa de son chapeau, de ham
t sa cravache, mais lui, direct, pré- Ui
r cis, s'expliqua sans préambule. Suzo
i — « Nous avons dit, en tout : Amo
i deux mille, n'est-ce pas M'zelle Su- J'ain
zon. On T,
Il ouvrit son veston, et d'un por- Mais
i te-feuille crasseux retira une lias- J'ai j
se de billets de banque. A un
De son pouce humide il comp- Qu'u:
ta les billets, les posa en petits tas L'ait
: séparés sur la table. Amoi
. ■— Eh ! ben les v'Ia ; maintenant Enan
t (il l'attira à lui) c'est mon tour Sm
: d'être payé. Depu
Dieu me pardonne, je crois parti»
qu'elle s'est jetée dans ses bras. aman
Huit heures. Le coucou de la ouver
pendule, ponctuel comme une son- de la
nerie militaire, sortit de sa caba- comp
ne de bois peint, pour faire son vie.
métier, n'est-ce pas, et, sur leurs Ell<
embrassements, d'une voix un peu reven:
enrouée, huit fois de suite, il ex- compi
pédia un « cocu », « cocu », « co- anciei
eu », sans préciser le destinataire, à les
Les pigeons parlent d'amour ten- ordur
dre, sur le toit de la ferme. Dans laidei
la cour de cette même ferme, le l'ama
coq — du moins il le croit — fait Ces
lever le soleil de co:
Le coucou se contente d'annon- les a i
'cer l'adultère. j.feuilli
: Cu- Toute une histoire en trois m
bon- coups de gosier. re
; son
« Une lettre pour toi Jean ». à
:énè- Joseph Martial tendit à son frè-
]a re, Une grande emreloppe bleue, de
Jean fumait sous la treille, à ca- pa
jo-ea lifourchon sur sa chaise, les bras m»
otre appuyés au dossier devant lui. dé
lure — Ah oui, grogna-t-il — ayant
en_ reconnu l'écriture, c'est encore c'te fié
fille. lo]
— « Quelle fille ?
I0jt — « Ben, la Suzon, pardi. lar
fer_ — « Dis-donc, mon vieux, ça n'a les
raie Pas l'3* 1 de t'enchanter de rece- la
oejj_ voir des lettres d'amour !
— « Eh ! non, répondit Jean, tre
si jTécoutais, j'ficherais plus rien pai
au aux champs, faudrait que j'soye en1
r]je_ toujours avec elle. tar,
ille - P°ur t°ut dire, la vérité, tu veux ton
que j'te dise, Joseph, ben j'en ai I
marre ». I
— « C'est pour m'avouer ça au- Br<
jourd'hui que t'as fait tant d'his- cou
san toires, tant d'manigances, y a un me:
mois tout juste ■— et, qu'tu pen- re (
tes. sa*s qu'à cette créature ! Et qu'tu S
gtu la voulais ! ret<
8es . Jean lança d'abord devant lui, Boi
ien un grand jet de salive, secoua la vi c
ler cendre de sa cigarette et tenta cicé
d'expliquer à son frère les multi- por
Jje pies raisons de son revirement. L
t'y •— Ben oui, mon vieux Joseph, cett
j' l'aie eue. J' l'ai possédée. J'ai lent
\a même été l'premier à l'avoir. Ça —
en ten bouche un coin ça hein ? ! solu
iUr — « Sans blague ! reai
— « C'est comme j'te l'dis. Seu- de i
un lement voilà : elle est mal foutue, rive
1' jTa croyais mieux qu' ça, et puis M
elle a un sale caractère la môme, autr
le. tu sais.. et puis, tu veux que j'te près
at- dise, ben elle m'a volé' cinq cents pon<
:o. francs quand jTui ai acheté ses
tJa moutons. PJ
. D'un coup, il lâcha sa secrète ente
10„ rancune. port
£e Son désir assouvi, ce n'était pas où e
te la mauvaise humeur de l'amante, giffl*
ar ni son anatomie qui détruisait en burn
7j. lui toute velléité de retour vers et sa
e- cette cupide maîtresse. «
C'était ces cinq cents francs ar- Jean
rachés à ses économies. pas,
— Voui, pardi, un tour de co- coup
•d quin. Pr
Et puis, ajouta-t-il, mystérieux, taure
te j'ai un autre projet en tête. sourc
*'* J ei
Les visites de Jean s'espaçantj II :
n ont éveillé la malignité de la vieil- Sa
r- le cuisinière berrichonne. ment
« Ah ! la patronne a été si du- Aii
u re pour le pauv'monde qu'à besoin chucl
d'travailler pour gagner et d'quoi épris
> manger et d'quoi dormir, faut ben On p
qu'la drôlesse soye maltraitée aus- les.
si ». Où
i- Et comme « c'est chacun mon ce de
s tour de s'rejouir ».... Ursule che- ferme
vrotte mie bergerette qu'on chan- tranq
:, tait en tisonnant l'âtre dans son le, à i
î hameau. j matin
Ursule élève la voix pour que ter a 1
Suzon l'entende : et les
: Amour, que vous ai-je fait ? riée, <
- J'aimais hélas ! sans être aimée. son ré
On me dit riche à souhaits Cet!
• Mais à lui — point je n'agrée peut c
• J'ai peur, fai bien peur qu'il n'ait un vo
A une autre mis sa pensée bas de
■ Qu'une autre belle charmée eucaly
L'ait mis en émoi lées cl
Amour douce et désirée Et t
Enamourez-le de moi les pit
Suzon languit et se morfond, reau.
Depuis dix jours, trois lettres sont Suzc
parties à l'adresse de Jean, cet tout c<
amant cher entre tous qui lui a Quo:
ouvert un monde nouveau; celui trois s
de la volupté et par qui elle a Com
compris, semble-t-il, le sens de la persier
vie. clysme
Elle le supplie, chaque fois, de mue, e
revenir à leurs étreintes, s'attarde vais,
complaisamment au récit de leurs A vi
anciennes débauches. Elle cherche rait la
à les raviver par des mots presque comme
orduriers sans se douter que leur perdu,
laideur éloigne encore plus d'elle mesure
l'amant refroidi. POUJ
Ces messages, Braliim, l'homme attend)
de confiance de Mlle Bonnefère, traité,
les a enfouis dans son vaste porte- l'envie
(feuille de cuir rouge et, fidèle- dans si
cois ment (consigne, consigne !) les a
remis au fils Martial. <
Mais, chaque fois, il a rapporté <
>. à Suzon une décevante réponse,
frè- Jean se dérobe, louvoie, invoque <
:e. des prétextes imbéciles pour ne (
ca- pas se déranger, et ces atermoie-
ras ments inclinent la délaissée à la t
désespérance,
ant Aujourd'hui, encore, elle a con- '
:'te fié à l'estafette une longue enve- f
loppe bleue, et Brahim est parti. \
Fier de sa mission secrète, ba- c
lançant sa matraque, il fait à pieds l
n'a les trois Kilomètres qui séparent ^
ce- la ferme Bonnefère du village. t:
D'un geste large, de temps à au- v
m, tre, il rejette sur son épaule les t'
en pans de son burnous et parce qu'il h
ye entend le sifflet du train de Cons-
tantine, il connaît que le vent a. p
ux tourné. n
ai II y aura de l'orage ce soir...
Un tourbillon blanc se déplace, q
IU- Brahim ayant consulté les nuées r<
is- couleur d'ardoise et leur lourde
in menace, hâte le pas vers la demeu- ni
n- re de Jean Martial. p;
tu Suzon guette, anxieusement le
retour de Brahim, quand le père tr
ù, Bonnefère échevèîé, haletant, sui- la
la vi du petit bédouin qui lui sert de j';
ta cicérone, ouvre brusquement la
i- porte de la salle basse tr
La rafale s'est engouffrée dans
h, cette demeure comme pour y vio- es
ai lenter ceux qui s'y réfugient. sa
]a — Suzon, ma fille, il faudra ab- la:
somment nous débarrasser du tau- qt
reau, il a failli encore éventrer un
i- de nos hommes, tu verras qu'il ar- co
s, rivera un malheur. m<
is Mais distraite, préoccupée d'un c'e
3, autre genre de malheur qu'elle ga
e pressent plus proche, Suzon ré- fe
:s pond simplement : ça.
:s « Bien, père, on verra ».
Prête à se mettre à table, elle au:
e entend grincer sur ses gonds le Su
portail de la cour. Dans l'ombre po
s où elle s'est précipitée, la pluie la les
:, giffle sans merci; elle voit un clair 1
i burnous gonflé comme une voile re
s et sait que Brahim est de retour, vaj
« Oila, dit le messager, M'sieu col
- Jean, il a dit comme ça, j'y viens lié)
pas, j'y pas pouvoir, y en a beau- i
- coup M travail ». cav
Près d'eux, dans sa cellule, le ^
, taureau éenrvé par l'orage piétine cou
sourdement sa litière. ma
Jean ne viendra pas. del:
:j II ne viendra plus. de
Sa secrète inquiétude, subite- fer
ment prend forme et la torture. A
Ainsi c'est donc vrai ce qu'on pris
chuchotte au village : Jean serait mêl
épris de cette Madeleine Nadurot? cou:
On parle même de leurs épousail- N
les. J<
Où Suzon trouvera-t-elle la for- vom
ce de vivre, de diriger encore sa mie:
ferme, de se composer un visage re, <
tranquille lorsque la vieille Ursu- closi
le, à qui elle a encore rationné ce la ti
matin, le sucre et le café, lui con- D:
tera la noce Martial, les ripailles Pi
et les danses, et la robe de la ma- de 1
riée, émaillant intentionnellement M
son récit de cuisants détails. foen
Cette nuit, Suzon ne dort et ne Ia d;
peut dormir. Le vent s'acharne sur pren
un volet détraqué qui claque au Jean
bas de sa lucarne ; il tourmente les dans
eucalyptus; leurs branches écheve- epou
lées clament une désespérance. I D1
Et toujours, dans l'étable isolée, La
les piétinements sourds du tau- de &
reau. dans
Suzon mesure l'effondrement dé Du
tout ce qu'elle aime *
Quoi ! Son bonheur aura duré peut
trois semaines, pas même !
Comme le vent qui ébranle les
persiennes avec des bruits de cata- ^^
clysme, la tempête intérieure re- ^H
mue, en elle, des sentiments mau- V
vais. rÀ
A vingt-quatre ans, Suzon igno- W '
rait la tristesse, mais cette nuit, et ^
comme pour rattraper le temps ^Bj
perdu, le destin lui a fait bonne H|
mesure. BB j
Pourtant pas une larme. Aucun K
attendrissement dans ce coeur mal- BB
traité, mais sournoise et féminine, ITJIL
l'envie d'une revanche s'insinue HH|
dans ses plus secrètes pensées.
ss a A l'aube, Suzon est descendue
dans la salle basse. Personne n'est
jrté encore levé.
se. Sur une enveloppe bleue, elle
que écrit l'adresse de Jean. Ce sera le
ne dernier message,
oie- Ce qu'elle lui dit ?... Mon Dieu,
la des choses très raisonnables.
« Du moment que tu ne m'ai-
on- mes plus, Jean, il vaut mieux en
ve- finir tout de suite et proprement
ti. Le père se fait bien vieux, il vou-
ba- drait me voir mariée. Un jour ou
eds l'autre, je lui donnerai satisfaction,
ent Alors, Jean, rapporte-moi mes let-
tres. Je te rendrai les tiennes Et
au- voilà nous resterons bons amis. Si
les tu peux, porte-les ce soir, vers six
i'il heures.
ns- Jean agacé a déchiré Tenvelop-
: a pe que Brahim vient de lui re-
mettre.
Mais sa figure se rassérène
ce. quand il a lu ce que Suzon dési-
;es re :
de Qu'on en finisse ? Mais certai-
;u- nement, Jean ne demande que ça,
parbleu !
le — Mais oui, Brahim, mais oui,
re tu diras à la demoiselle que j'irai
îi- la voir à 6 heures. C'est entendu,
de j'y manquerai pas.
la Toutefois le calme de cette let-
tre l'humilie un peu.
as II se flattait d'être lassé, mais il
o- espérait bien, tout de même, pour
sa vanité de « coq du village »,
b- laisser au coeur de sa maîtresse un
u- quelconque regret,
m « Enfin !!... pensa-t-il, vaut en-
r- core mieux que ça soye fini com-
me ça. Sainte Mère de Dieu ! où
n c'est-y qu'elle m'aurait mené la
le garce, avec sa rouerie... Cinq cents
é- francs qu'elle m'a soutirés, comme
ça. . avec le sourire. »
A l'heure convenue Jean partit
'.e aux « Eucalyptus ». Les lettres de
e Suzon, il les avait mises dans la
e poche de son veston, sans même
a les relire.
r Brahim s'était dissimulé derriè-
e re la cave, et dans sa tête de sau-
:. vage, salie d'une barbe noire en
n collier, roulaient des idées singu-
s bières.
i- A l'affût, il guettait l'arrivée du
cavalier.
3 A peine celui-ci fut-il dans la
Î cour de la ferme, l'Arabe en refer-
ma la porte à double tour ,et, du
dehors, par un ingénieux système
de cordes, ouvrit le portillon de
. fer qui livra passage au taureau.
Au galop forcené du cheval sur-
i pris dans cette cour sans issue se
; mêlèrent d'horribles appels au se-
cours.
Nul ne répondit.
Jean, piétiné par les deux bêtes,
vomissait déjà son sang. Au pre-
mier étage de la maison Bonnefè-
re, derrière les persiennes demi-
closes, Suzon, froidement assista à"
la tuerie. *%
Ding, ding, dong...
Par trois coups isolés, la cloche
de l'église renseigne le village.
Madeleine Nadurot songe au
bien-aimé absent, et regarde pour
la dixième fois un M brodé sur le
premier drap de son trousseau.
Jean Martial s'est enfin décidé,
dans six semaines elle sera son
épouse
Ding, ding, dong.
La fiancée rêve dans la tiédeur
de ce soir de juin. Il fait doux
dans son coeur pur.
Ding, ding, dong.
« Tiens ?... un mort ?... Qui ça
peut bien être ?... »
SANDRA-MARIO.
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