Titre : Les Annales politiques et littéraires : revue populaire paraissant le dimanche / dir. Adolphe Brisson
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-11-20
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34429261z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 42932 Nombre total de vues : 42932
Description : 20 novembre 1910 20 novembre 1910
Description : 1910/11/20 (A28,T55,N1430). 1910/11/20 (A28,T55,N1430).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5725574t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2009-34518
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2010
504
LES ANNALES
N° 1430
Les Lettres de la Cousine
Sa Barque
Ma chère cousine,
je suis très frappée d'un fait que je vais
vous dire... jamais, peut-être, à aucune
époque, il ne s'est trouvé tant de femmes
d'esprit, tant de femmes de talent, tant d'in-
tellectuelles..,, ou, si vous trouvez le mot dis-
gracieux, tant d'intelligences. Et, cependant,
je crois que jamais les femmes n'ont mis plus
de maladresse à diriger cette barque si fra-
gile : leur vie.
Elles raisonnent sur tout, sauf sur les choses
raisonnables ; s'il le fallait, elles dirigeraient
leur pays, mais le gouvernement de l'office ou
de la cuisine leur est un épouvantail ; elles dé-
brouillent sans peine les quintessences de la
psychologie de Nietzsche, mais l'âme de l'en-
fant, du petit enfant qu'elles ont mis au monde,
échappe à leur compréhension... Il semble
que la faculté qu'elles ont acquise de s'assi-
miler les plus rudes problèmes métaphysiques
leur enlève cette autre faculté toute simple,
toute bonne, de s'adapter aux circonstances
plus ou moins obligeantes de leur propre
destinée. Elles ont des yeux de lynx pour
l'humanité, et sont chez elles, dans leur
propre foyer, de pauvres aveugles.
Pourquoi? Vous l'êtes-vous demandé, cou-
sine? Pourquoi, alors qu'on cultive avec
succès les sciences, les lettres, la sociologie et
les sports, pourquoi laisse-t-on de côté cet
art délicieux et discret qui devrait être le
triomphe de la femme : l'art d'arranger sa vie
et, partant, celle des êtres qu'on aime? C'est
pourtant là un ouvrage délicat, qui convient
à sa tendresse naturelle, à ses maternels ins-
tincts, à ses petites mains si habiles... Pour-
quoi ?
je crois bonnement que c'est faute d'y
penser... Ce ne sont pas les bonnes volontés
qui manquent, mais le sens directeur qui les
peut utiliser. Car, sans en avoir l'air, il n'y a
rien qui demande une attention plus avisée
que la composition d'un programme de vie
intelligent, mesuré, aimable, en rapport di-
rect avec la situation qu'on occupe. Et juste-
ment, parce que la tâche est aride, sans éclat
apparent, les femmes s'en détournent...;
l'énergie, la volonté, l'intelligence qui se sont
développées en elles, s'échappent par ailleurs,
sans beaucoup d'ordre, mais avec infiniment
de passion.
Vous avez rencontré de ces personnes
agitées et bonnes, qui font le malheur de
tous leurs proches, avec des intentions admi-
rables. Elles n'ont point le temps de regar-
der ce qui se passe chez elles, tant leur
coeur est occupé au dehors du bien gé-
néral. Elles rentrent à la maison, trépidantes,
excitées, sans cesse en retard. Le mari, pressé
de retourner à ses affaires, un peu mélanco-
lique, attend..., le déjeuner brûle et le petit
René tousse : il a pris, la veille, un refroi-
dissement dans les couloirs glacés de l'ap-
partement. Madame, sur le coup d'une
heure, surgit dans la salle à manger, ne
s'excuse pas et s'écrie, en tombant sur sa
chaise ; « Ah ! mon ami, je suis morte!... J'ai
vu, ce matin, au dispensaire... »
Ce qu'elle a vu est toujours inimagina-
ble, épouvantable, incroyable...Son sang-froid
a émerveillé l'assistance... Le docteur lui a
dit : « Madame, vous êtes sublime... »
Elle allait rentrer, quand un petit garçon..
« Tu sais, mon ami, un amour, gentil à
croquer, un vrai chérubin comme René..,
Ah! tiens, au fait, où donc est René ?... »
Petit René est au lit, couché par les soins
de sa bonne, qui n'y entend point malice,
mais a bien vu que « M. René avait un drôle
d'air »...« Pauvre chou! remarque Madame, ce
ne sera rien. » Et, sans plus s'inquiéter, elle
reprend le fil de ses discours. Monsieur est
excédé. II voudrait trouver le repos à la
maison et aussi le sourire, la détente. Les ré-
cits héroïques de sa femme l'assomment ; il
estime qu'il y a temps pour tout, et que sa
qualité de mari lui vaut au moins quelques
égards. Il n'en espère pas autant que l'in-
connu du dispensaire, assurément..., mais en-
fin L. Madame bondit : « Garde ton ironie
pour de meilleures occasions, mon cher... Ce
n'est pas ça qui m'empêchera de faire mon
devoir. » Et elle part à fond de train sur le
rôle de la femme dans la société moderne...
Le mari,naturellement, de hausser les épaules.
Pourtant, cette femme a de la générosité,
de l'enthousiasme; mais elle en fait un usage
déréglé. Ce qui lui manque, c'est le sens direc-
teur, c'est-à-dire la « mise en place » des sen-
timents dans l'ordre qu'ils doivent occuper.
La charité est une adorable vertu, peut-être la
plus belle de toutes; mais elle n'acquiert tout
son prix que lorsqu'elle s'exerce discrètement,
pudiquement presque, sans incommoder ni
blesser personne. Or, la plus délicate des
bontés est celle qui enveloppe les hôtes de la
maison d'abord ; assurer le bonheur des cinq
ou six personnes qui vivent dans votre air et
de votre rayonnement, ce n'est déjà pas une
chanté si commune, et c'est celle à laquelle
on attache le moins d'importance, je suis
toujours stupéfiée du nombre de femmes et
de jeunes filles qui éparpillent aux quatre
vents du monde des trésors d'esprit, de grâce,
et même, à l'occasion, de dévouement et
qui, dans la famille, se montrent des dia-
blesses.
Elles s'octroient mille obligations « à côté »,
souvent extrêmement louables, mais qui ne
devraient venir qu'en seconde ligne, après
les devoirs sacrés et charmants de la famille.
Leur tort est justement de ne pas savoir re-
connaître l'essentiel de l'accessoire et, mettant
au premier plan ce qui n'y peut figurer, de
détruire ainsi l'harmonie d'une belle vie.
Ce que je dis là ressemble à une vérité de
M. de La Palice, et pourtant, cousine, croyez-
vous que cela soit si bête de savoir donner
aux événements leur importance véritable:
aux parents, aux amis, à sa religion, la juste
part d'affection ou d'amour qui leur re-
vient; aux enfants, la tendresse qu'on leur
doit; aux êtres malheureux, quelque chose
de son coeur et de sa fortune; au monde,
beaucoup de bonne grâce ; à la maison, toute
l'intimité de sa pensée, — et de trouver encore
la place de la lecture, du travail et ce que nos
pères appelaient les « choses de l'esprit » ?
J'estime, au contraire, que cet équilibre est
un art délicieux qui mérite qu'on le cultive.
Regardez attentivement vivre toutes ces
femmes modernes, bien douées et neuras-
théniques. Il y a comme une disproportion
entre la qualité de leur intelligence et l'usage
qu'elles en font. Elles ressemblent à ces ma-
chines puissantes et fines, à ressorts perfec-
tionnés, dont les mouvements, insuffisam-
ment réglés, obéissent par bonds. Rien ne
paraît être en place... Celle-ci fait trop de lit-
térature, celle-là trop de musique ; cette autre
abuse des sports, cette autre s'épuise en mon-
danités. Juliette s'enferme dans son labora-
toire et s'anémie à des recherches vaines de
microscopes ; Charlotte s'est découvert des
aptitudes d'homme d'affaires et lance des
combinaisons financières ; Mariette ruine son
mari en dîners et en fêtes et Suzanne rompt
les oreilles de son pauvre Georges, en his-
toires et potins domestiques, Il y a excès de
vitesse, excès de bonne volonté, excès de
zèle, excès de tout...
Les vies sont tantôt molles, désossées et
lasses, comme sans but ; tantôt nerveuses, am-
bitieuses, trépidantes, avec le découragement
au bout. On dirait qu'elles apportent toujours
le regret de la veille et point, ce qui.est la
meilleure raison du bonheur, l'espoir, la vo-
lonté du lendemain. La machine n'est pas
réglée.
Or, pour conduire joliment une vie, il faut
d'abord la régler et bien s'assurer que les
ressorts de la machine sont bons. C'est le
moment, ensuite, de sortir un peu de sagesse,
beaucoup de réflexion et un grand esprit de
suite. Et, alors, on peut interroger tout bas
cette amie fidèle : la conscience, et lui de-
mander ;
— Ceci est-il essentiel, ou seulement acces-
soire?... Et cela est-ce une douleur profonde
dont mon âme doit être bouleversée, ou seu-
lement une petite peine que, demain, je juge-
rai ridicule?... Et cette méchanceté m'atteint-
elle gravement ou effleure-elle seulement
l'épiderme de mon amour-propre ?... Et cet
acte que je commets prend-il sa source
dans la vraie bonté, ou, seulement, dans
le désir que j'ai de paraître bonne?... Et. .
ce travail auquel je me livre avec pas-
sion est-il profitable à ceux, que j'aime ou
flatte-t-il seulement mon ambition person-
nelle?... En m'abandonnant à ce penchant, ne
fais-je point tort à quelque devoir supé-
rieur ?...
Et, quand on s'est posé quelques questions
de ce genre, et qu'on a pris l'habitude d'y
répondre sans mentir, la machine se trouve
rajustée d'aplomb.
On comprend alors que le prix de la vie
dépend de son emploi et on s'applique à en
faire bon usage. On sent aussi que la vie
est un ouvrage d'art qu'il s'agit de façonner
d'une main pieuse, et on y travaille. Croyez-
moi, cousine. Il faut, quelquefois, plus de
génie pour écrire ce livre-là, vivant et hu-
main, que pour composer sur du papier un
bel ouvrage... Apprenons à penser avec notre
coeur autant qu'avec notre intelligence, et
nous conduirons mieux notre barque.
YVONNE SARCEY.
LE CERCLE DES « ANNALES » DE TOURS
Dimanche, 20 novembre, à deux heures et
demie, salle Besnard, 18, boulevard Béran-
ger, conférence de M. Eugène Brieux, de
l'Académie française. Pour tous renseigne-
ments, écrire 8, rue de la Barre, à Tours.
Petite Jurisprudence Pratique .
Employés, Domestiques, Accidents, As-
surances. — Un patron (papetier, par exemple)
commande à un de ses employés de lui descendre un
registre juché en haut d'un rayon. L'employé tombe
de l'échelle et se casse la jambe. Un maître ordonne
à son domestique de nettoyer les carreaux ; celui-ci
perd l'équilibre et se luxe le bras. Voilà deux exem-
ples, pris au hasard, qui peuvent exposer patron ou
maître à payer à la victime, blessée dans l'accomplis-
sement d'un travail commandé, des dommages-inté-
rêts; souvent, même, il y a discussion et procès entre
les parties, tant sur le principe de la responsabilité
que sur le quantum de l'indemnité.
" Quel ennui, m'écrivent certains correspondants,
que nous ne puissions pas, tout comme un manu-
facturier ou un usinier, nous assurer contre les acci-
dents du travail, conformément aux dispositions de
la loi du 9 avril 1898 ! »
LES ANNALES
N° 1430
Les Lettres de la Cousine
Sa Barque
Ma chère cousine,
je suis très frappée d'un fait que je vais
vous dire... jamais, peut-être, à aucune
époque, il ne s'est trouvé tant de femmes
d'esprit, tant de femmes de talent, tant d'in-
tellectuelles..,, ou, si vous trouvez le mot dis-
gracieux, tant d'intelligences. Et, cependant,
je crois que jamais les femmes n'ont mis plus
de maladresse à diriger cette barque si fra-
gile : leur vie.
Elles raisonnent sur tout, sauf sur les choses
raisonnables ; s'il le fallait, elles dirigeraient
leur pays, mais le gouvernement de l'office ou
de la cuisine leur est un épouvantail ; elles dé-
brouillent sans peine les quintessences de la
psychologie de Nietzsche, mais l'âme de l'en-
fant, du petit enfant qu'elles ont mis au monde,
échappe à leur compréhension... Il semble
que la faculté qu'elles ont acquise de s'assi-
miler les plus rudes problèmes métaphysiques
leur enlève cette autre faculté toute simple,
toute bonne, de s'adapter aux circonstances
plus ou moins obligeantes de leur propre
destinée. Elles ont des yeux de lynx pour
l'humanité, et sont chez elles, dans leur
propre foyer, de pauvres aveugles.
Pourquoi? Vous l'êtes-vous demandé, cou-
sine? Pourquoi, alors qu'on cultive avec
succès les sciences, les lettres, la sociologie et
les sports, pourquoi laisse-t-on de côté cet
art délicieux et discret qui devrait être le
triomphe de la femme : l'art d'arranger sa vie
et, partant, celle des êtres qu'on aime? C'est
pourtant là un ouvrage délicat, qui convient
à sa tendresse naturelle, à ses maternels ins-
tincts, à ses petites mains si habiles... Pour-
quoi ?
je crois bonnement que c'est faute d'y
penser... Ce ne sont pas les bonnes volontés
qui manquent, mais le sens directeur qui les
peut utiliser. Car, sans en avoir l'air, il n'y a
rien qui demande une attention plus avisée
que la composition d'un programme de vie
intelligent, mesuré, aimable, en rapport di-
rect avec la situation qu'on occupe. Et juste-
ment, parce que la tâche est aride, sans éclat
apparent, les femmes s'en détournent...;
l'énergie, la volonté, l'intelligence qui se sont
développées en elles, s'échappent par ailleurs,
sans beaucoup d'ordre, mais avec infiniment
de passion.
Vous avez rencontré de ces personnes
agitées et bonnes, qui font le malheur de
tous leurs proches, avec des intentions admi-
rables. Elles n'ont point le temps de regar-
der ce qui se passe chez elles, tant leur
coeur est occupé au dehors du bien gé-
néral. Elles rentrent à la maison, trépidantes,
excitées, sans cesse en retard. Le mari, pressé
de retourner à ses affaires, un peu mélanco-
lique, attend..., le déjeuner brûle et le petit
René tousse : il a pris, la veille, un refroi-
dissement dans les couloirs glacés de l'ap-
partement. Madame, sur le coup d'une
heure, surgit dans la salle à manger, ne
s'excuse pas et s'écrie, en tombant sur sa
chaise ; « Ah ! mon ami, je suis morte!... J'ai
vu, ce matin, au dispensaire... »
Ce qu'elle a vu est toujours inimagina-
ble, épouvantable, incroyable...Son sang-froid
a émerveillé l'assistance... Le docteur lui a
dit : « Madame, vous êtes sublime... »
Elle allait rentrer, quand un petit garçon..
« Tu sais, mon ami, un amour, gentil à
croquer, un vrai chérubin comme René..,
Ah! tiens, au fait, où donc est René ?... »
Petit René est au lit, couché par les soins
de sa bonne, qui n'y entend point malice,
mais a bien vu que « M. René avait un drôle
d'air »...« Pauvre chou! remarque Madame, ce
ne sera rien. » Et, sans plus s'inquiéter, elle
reprend le fil de ses discours. Monsieur est
excédé. II voudrait trouver le repos à la
maison et aussi le sourire, la détente. Les ré-
cits héroïques de sa femme l'assomment ; il
estime qu'il y a temps pour tout, et que sa
qualité de mari lui vaut au moins quelques
égards. Il n'en espère pas autant que l'in-
connu du dispensaire, assurément..., mais en-
fin L. Madame bondit : « Garde ton ironie
pour de meilleures occasions, mon cher... Ce
n'est pas ça qui m'empêchera de faire mon
devoir. » Et elle part à fond de train sur le
rôle de la femme dans la société moderne...
Le mari,naturellement, de hausser les épaules.
Pourtant, cette femme a de la générosité,
de l'enthousiasme; mais elle en fait un usage
déréglé. Ce qui lui manque, c'est le sens direc-
teur, c'est-à-dire la « mise en place » des sen-
timents dans l'ordre qu'ils doivent occuper.
La charité est une adorable vertu, peut-être la
plus belle de toutes; mais elle n'acquiert tout
son prix que lorsqu'elle s'exerce discrètement,
pudiquement presque, sans incommoder ni
blesser personne. Or, la plus délicate des
bontés est celle qui enveloppe les hôtes de la
maison d'abord ; assurer le bonheur des cinq
ou six personnes qui vivent dans votre air et
de votre rayonnement, ce n'est déjà pas une
chanté si commune, et c'est celle à laquelle
on attache le moins d'importance, je suis
toujours stupéfiée du nombre de femmes et
de jeunes filles qui éparpillent aux quatre
vents du monde des trésors d'esprit, de grâce,
et même, à l'occasion, de dévouement et
qui, dans la famille, se montrent des dia-
blesses.
Elles s'octroient mille obligations « à côté »,
souvent extrêmement louables, mais qui ne
devraient venir qu'en seconde ligne, après
les devoirs sacrés et charmants de la famille.
Leur tort est justement de ne pas savoir re-
connaître l'essentiel de l'accessoire et, mettant
au premier plan ce qui n'y peut figurer, de
détruire ainsi l'harmonie d'une belle vie.
Ce que je dis là ressemble à une vérité de
M. de La Palice, et pourtant, cousine, croyez-
vous que cela soit si bête de savoir donner
aux événements leur importance véritable:
aux parents, aux amis, à sa religion, la juste
part d'affection ou d'amour qui leur re-
vient; aux enfants, la tendresse qu'on leur
doit; aux êtres malheureux, quelque chose
de son coeur et de sa fortune; au monde,
beaucoup de bonne grâce ; à la maison, toute
l'intimité de sa pensée, — et de trouver encore
la place de la lecture, du travail et ce que nos
pères appelaient les « choses de l'esprit » ?
J'estime, au contraire, que cet équilibre est
un art délicieux qui mérite qu'on le cultive.
Regardez attentivement vivre toutes ces
femmes modernes, bien douées et neuras-
théniques. Il y a comme une disproportion
entre la qualité de leur intelligence et l'usage
qu'elles en font. Elles ressemblent à ces ma-
chines puissantes et fines, à ressorts perfec-
tionnés, dont les mouvements, insuffisam-
ment réglés, obéissent par bonds. Rien ne
paraît être en place... Celle-ci fait trop de lit-
térature, celle-là trop de musique ; cette autre
abuse des sports, cette autre s'épuise en mon-
danités. Juliette s'enferme dans son labora-
toire et s'anémie à des recherches vaines de
microscopes ; Charlotte s'est découvert des
aptitudes d'homme d'affaires et lance des
combinaisons financières ; Mariette ruine son
mari en dîners et en fêtes et Suzanne rompt
les oreilles de son pauvre Georges, en his-
toires et potins domestiques, Il y a excès de
vitesse, excès de bonne volonté, excès de
zèle, excès de tout...
Les vies sont tantôt molles, désossées et
lasses, comme sans but ; tantôt nerveuses, am-
bitieuses, trépidantes, avec le découragement
au bout. On dirait qu'elles apportent toujours
le regret de la veille et point, ce qui.est la
meilleure raison du bonheur, l'espoir, la vo-
lonté du lendemain. La machine n'est pas
réglée.
Or, pour conduire joliment une vie, il faut
d'abord la régler et bien s'assurer que les
ressorts de la machine sont bons. C'est le
moment, ensuite, de sortir un peu de sagesse,
beaucoup de réflexion et un grand esprit de
suite. Et, alors, on peut interroger tout bas
cette amie fidèle : la conscience, et lui de-
mander ;
— Ceci est-il essentiel, ou seulement acces-
soire?... Et cela est-ce une douleur profonde
dont mon âme doit être bouleversée, ou seu-
lement une petite peine que, demain, je juge-
rai ridicule?... Et cette méchanceté m'atteint-
elle gravement ou effleure-elle seulement
l'épiderme de mon amour-propre ?... Et cet
acte que je commets prend-il sa source
dans la vraie bonté, ou, seulement, dans
le désir que j'ai de paraître bonne?... Et. .
ce travail auquel je me livre avec pas-
sion est-il profitable à ceux, que j'aime ou
flatte-t-il seulement mon ambition person-
nelle?... En m'abandonnant à ce penchant, ne
fais-je point tort à quelque devoir supé-
rieur ?...
Et, quand on s'est posé quelques questions
de ce genre, et qu'on a pris l'habitude d'y
répondre sans mentir, la machine se trouve
rajustée d'aplomb.
On comprend alors que le prix de la vie
dépend de son emploi et on s'applique à en
faire bon usage. On sent aussi que la vie
est un ouvrage d'art qu'il s'agit de façonner
d'une main pieuse, et on y travaille. Croyez-
moi, cousine. Il faut, quelquefois, plus de
génie pour écrire ce livre-là, vivant et hu-
main, que pour composer sur du papier un
bel ouvrage... Apprenons à penser avec notre
coeur autant qu'avec notre intelligence, et
nous conduirons mieux notre barque.
YVONNE SARCEY.
LE CERCLE DES « ANNALES » DE TOURS
Dimanche, 20 novembre, à deux heures et
demie, salle Besnard, 18, boulevard Béran-
ger, conférence de M. Eugène Brieux, de
l'Académie française. Pour tous renseigne-
ments, écrire 8, rue de la Barre, à Tours.
Petite Jurisprudence Pratique .
Employés, Domestiques, Accidents, As-
surances. — Un patron (papetier, par exemple)
commande à un de ses employés de lui descendre un
registre juché en haut d'un rayon. L'employé tombe
de l'échelle et se casse la jambe. Un maître ordonne
à son domestique de nettoyer les carreaux ; celui-ci
perd l'équilibre et se luxe le bras. Voilà deux exem-
ples, pris au hasard, qui peuvent exposer patron ou
maître à payer à la victime, blessée dans l'accomplis-
sement d'un travail commandé, des dommages-inté-
rêts; souvent, même, il y a discussion et procès entre
les parties, tant sur le principe de la responsabilité
que sur le quantum de l'indemnité.
" Quel ennui, m'écrivent certains correspondants,
que nous ne puissions pas, tout comme un manu-
facturier ou un usinier, nous assurer contre les acci-
dents du travail, conformément aux dispositions de
la loi du 9 avril 1898 ! »
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