Titre : Les Annales politiques et littéraires : revue populaire paraissant le dimanche / dir. Adolphe Brisson
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1887-02-13
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34429261z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 42932 Nombre total de vues : 42932
Description : 13 février 1887 13 février 1887
Description : 1887/02/13 (A5,T8,N190). 1887/02/13 (A5,T8,N190).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k57060135
Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2009-34518
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2010
LES ANNALES POLITIQUES ET LITTERAIRES
105,
Patrie, que l'aimable et gracieux auteur
de Mandolinata.
La Chasse fantastique est une fantaisie
symphonie du genre de celles qu'affec-
tionnait Weber. N'est-ce pas au bruit du
cor et des fanfares forestières que le
chantre du Freischùtz donnait la volée
aux mille étranges motifs qui se heur-
taient dans son cerveau ? Ce sont des
sensations analogues à celles qu'éprou-
vait Freischùtz courant les bois,grimpant
dans les arbres et vivant, selon le mot de
Blaze, de la vie inquiète et nomade d'un
écureuil, que Guiraud a voulu rendre
dans la langue des sons. Il a saisi le mo-
ment où la forêt s'éclaire dans ses pro-
fondeurs de lueurs extraordinaires, où
des ombres passent dans les futaies et
des voix lointaines crient : En chasse ! A
entendre les successions d'accords de la
Chasse fantastique, affolées et rapides
comme des flèches, on éprouve une sorte
de saisissement. Nous avons lieu d'es-
pérer que les habitués des Nouveaux-
Concerts prêteront une attention plus
soutenue, et jugeront mieux à une pro-
chaine audition l'oeuvre d'Ernest Guiraud.
Lamoureux a conduit son remarquable
orchestre avec sa maîtrise accoutumée.
ELY-EDMOND GRIMARD.
PAGES OUBLIÉES
LES PETITES BOTTES
Le matin, quand je quittais ma chambre,
j'apercevais, soigneusement alignées devant
la porte, ses chaussures et les miennes. C'é-
taient de petites bottines lacées, un peu ava-
chies, et ternies par le rude usage auquel il
les soumettait. La semelle était amincie à
gauche et un petit trou menaçait à l'extré-
mité, du pied droit. Les cordons, fatigués et
lâches, pendaient à droite et à gauche. Au
gonflement du cuir, on reconnaissait la place
de ses doigts et de son pouce et tous les
mouvements accoutumés de son peton avaient
laissé leur trace par des plis insensibles ou
profonds.
Pourquoi ai-je retenu tout cela ? je ne sais
en vérité, mais il me semble encore voir les
bottes du cher petit, posées là, sur le tapis, à
côté des miennes, — deux grains de sable près
de deux pavés, un chardonneret en compa-
gnie d'un éléphant. C'étaient ses bottes de
tous les jours, ses camarades de jeu, celles
avec lesquelles il entrait dans les montagnes
de sable et explorait les flaques d'eau. —
Elles lui étaient dévouées et partageaient si
intimement son. existence que quelque chose
de lui-même se retrouvait en elles. — Je les
aurais reconnues entre mille : elles avaient
pour moi une physionomie particulière, il
me semblait qu'un lien invisible les ratta-
chait à moi et je ne pouvais regarder leur
forme encore indécise, leur grâce comique
et charmante sans me rappeler leur petit
maître et m'avouer qu'elles lui ressemblaient.
Tout ce qui touche aux bébés devient un
peu bébé aussi et prend cette expression de
grâce maladroite et naïve qui leur est propre.
A côté de ces petites bottes rieuses, gaies,
de belle humeur, ne demandant qu'à courir
les champs, mes chaussures paraissaient
monstrueuses, lourdes, grossières, absurdes,
avec leurs gros talons... A leur air pesant
et désillusionné, on sentait que pour elles la
vie était grave, les courses longues et le far-
deau à supporter tout à fait sérieux.
Le contraste était saisissant et l'enseigne-
ment profond. Je m'approchais de ces petites
bottines tout doucement, pour ne point
éveiller le petit homme qui dormait encore
dans la pièce voisine. Je les tâtais, je les re-
tournais, je les regardais de tous côtés et je
me sentais gagner par un sourire délicieux.
Jamais le vieux gant qui sentait la violette et
qui traîna si longtemps dans le plus profond
secret de mon tiroir ne me procura une aussi
douce émotion.
L'amour paternel n'est pas de l'amour pour
rien : il a ses folies, ses faiblesses, il est pué-
ril ou sublime, il ne s'analyse pas, ni ne s'ex-
plique : il se ressent, et je m'y laissais aller
délicieusement.
Que le papa sans faiblesse me lance la pre-
mière pierre, les mamans me vengeront.
Songez que cette bottine lacée et percée du
bout me rappelait son petit pied grassouillet
et que mille souvenirs se rattachaient à ce
peton chéri.
Je me le figurais, le cher enfant, lorsque je
lui coupais les ongles, et qu'il se débattait en
me tirant la barbe et en riant malgré lui, car
il était chatouilleux.
Je me le figurais, lorsque le soir,' au coin
d'un bon feu, je lui enlevais ses petits bas. —
Quelle fêté!
Je disais une... deux... Et lui, enveloppé
dans sa grande chemise de nuit, les mains
perdues dans ses manches trop longues, il
attendait, l'oeil brillant tout prêt à éclater de
rire, le fameux trois.
Enfin, après mille rétards, mille petites ta-
quineries qui excitaient son impatience et qui
me permettaient de lui voler cinq ou six bai-
sers, je disais : trois.
Le bas s'envolait au loin. — Alors c'était
une joie folle, il se renversait sur mon bras
et ses jambes nues s'agitaient en l'air. De sa
bouche, grande ouverte, dans les profondeurs
de laquelle on voyait les deux rangées de ses
petites perles brillantes, s'échappait une cas-
cade de bons rires sonores.
Sa mère, qui riait aussi, lui disait au beut
d'un instant :
« Voyons, bébé ; voyons, mon petit ange,
tu vas t'enrhumer.
« Mais retiens-le donc... Veux-tu finir, pe-
tit démon. »
Elle voulait gronder, mais elle ne pouvait
retrouver son sérieux à la vue de sa bonne
grosse tête blonde, épanouie, colorée, heu-
reuse, renversée sur mon genou.
Ma femme me regardait et me disait :
« Il est insupportable... Mon Dieu, quel
enfant ! »
Mais je comprenais que cela voulait dire :
« Regarde comme il est beau, bien portant et
« heureux, notre bambin, notre petit homme,
« notre fils à nous deux ! »
Et, dans le fait, il était adorable, du moins
je le voyais ainsi.
J'ai eu la sagesse, — je peux le dire main-
tenant que mes cheveux sont blancs,— de ne
pas laisser passer un seul de ces bons mo-
ments sans en jouir amplement ; et, en vé-
rité, j'ai bien fait. Pitié pour les pères qui ne
savent point être papas le plus souvent pos-
sible, qui ne savent point se rouler sur le ta-
pis, jouer au cheval, faire le gros loup; dé-
shabiller leur bambin, imiter l'aboiement du
chien et le rugissement du lion, mordre à
pleines dents sans se faire de mal et se ca-
cher derrière les fauteuils en se laissant
voir.
Pitié sincère pour ces infortunés ! Ce ne
sont pas seulement d'agréables enfantillages
qu'ils négligent là, ce sont de vrais plaisirs,
de délicieuses jouissances; ce sont les par-
celles, les miettes de ce bonheur, qu'on ca-
lomnie si fort, qu'on accuse de ne point
exister, parce qu'on attend qu'il tombe du
ciel tout d'une pièce, sous forme de lingot,
alors qu'il est' à nos pieds, réduit en pous-
sière fine. Ramassons-en les menus frag-
ments et ne nous plaignons pas trop; chaque
jour amène son pain et sa ration de bon-
heur.
Marchons lentement et regardons à nos
pieds, fouillons autour de nous, cherchons
dans les petits coins ; c'est là que la Provi-
dence fait ses cachettes.
J'ai toujours ri des gens qui traversent la
vie bride abattue, les narines dilatées, les
yeux inquiets et le regard à l'horizon. Il
semble que le présent leur brûle les pieds,
et, quand on leur dit : « Mais arrêtez-vous
donc un instant, mettez pied à terre, prenez
un verre de ce bon vin doré, causons un
peu, rions un instant, embrassons votre en-
fant. »
— Impossible, vous répondent-ils, on m'àt-
tend là-bas. Là-bas, je causerai; là-bas, je
boirai un vin délicieux ; là-bas, je me livre-
rai à la tendresse paternelle; là-bas, je serai
heureux.... là-bas.... Et quand ils sont ar-
rivés là-bas, haletants, brisés, qu'ils récla-
ment en criant le prix de leurs fatigues, le
présent, qui rit sous ses lunettes, leur dit :
— Monsieur, la caisse est fermée
L'avenir promet, — c'est le présent qui
paie, et il faut être en bonne intelligence arec
celui qui tient les clefs de la caisse.
Pourquoi s'imaginer qu'on est dupe de la
Providence ?
Croyez-vous qu'elle ait le loisir, cette
bonne Providence, de servir à chacun de
vous un bonheur complet, tout découpé sur
un plat d'or, et de nous faire de la musique
pendant le repas, par-dessus le marché?.».
C'est pourtant ce que beaucoup de gens vou-
draient.
Il faut être raisonnables, retrousser nos
manches,nous occuper nous-mêmes de notre
cuisine et ne point exiger que le ciel se dé-
range pour écumer notre pot-au-feu.
Je pensais à tout cela, le soir, lorsque mon
bébé était dans mes bras, que son haleine
humide et régulière m'effleurait la main. Je
pensais aux bons moments que le petit
homme m'avait déjà procurés et je lui en
étais reconnaissant.
Comme c'est simple ! me disais-je, d'être
heureux, et la singulière manie d'aller en
Chine pour se distraire.
Ma femme était de mon avis, et nous res-
tions de longues heures à tisonner tout en
causant sur ce que nous éprouvions.
— Toi, vois-tu, mon ami, tu l'aimes autre-
ment que moi, me disait-elle souvent.— Les
papas calculent plus... Leur affection est
comme un échange... Ils n'aiment bien leur
enfant que le jour où leur amour-propre d'au-
teur esc flatté... Il y a du propriétaire dans
le papa... Vous pouvez analyser l'amour pa-
ternel, en découvrir les causes, dire : « J'aime
mon enfant parce qu'il est de telle ou telle
façon. »
Pour la maman, cette analyse est impos-
sible, elle n'aime pas son enfant parce qu'il
est beau ou laid, intelligent ou absurde, qu'il
lui ressemble ou ne lui ressemble pas, qu'il
a ses goûts ou ses gestes, ou ne les a pas.
Elle l'aime parce qu'elle ne peut pas faire au-
trement ; c'est une nécessité.
L'amour maternel est un sentiment inné
chez la femme. — L'amour paternel est chez
l'homme le résultat des circonstances. Chez
elle, c'est un instinct ; chez lui, c'est un cal-
cul dont il n'a pas conscience, il est vrai;
mais enfin, c'est le résultat de plusieurs au-
tres sentiments.
— C'est très bien, ne te gêne pas, lui di-
sais-je : nous n'avons ni coeur ni entraillés,
105,
Patrie, que l'aimable et gracieux auteur
de Mandolinata.
La Chasse fantastique est une fantaisie
symphonie du genre de celles qu'affec-
tionnait Weber. N'est-ce pas au bruit du
cor et des fanfares forestières que le
chantre du Freischùtz donnait la volée
aux mille étranges motifs qui se heur-
taient dans son cerveau ? Ce sont des
sensations analogues à celles qu'éprou-
vait Freischùtz courant les bois,grimpant
dans les arbres et vivant, selon le mot de
Blaze, de la vie inquiète et nomade d'un
écureuil, que Guiraud a voulu rendre
dans la langue des sons. Il a saisi le mo-
ment où la forêt s'éclaire dans ses pro-
fondeurs de lueurs extraordinaires, où
des ombres passent dans les futaies et
des voix lointaines crient : En chasse ! A
entendre les successions d'accords de la
Chasse fantastique, affolées et rapides
comme des flèches, on éprouve une sorte
de saisissement. Nous avons lieu d'es-
pérer que les habitués des Nouveaux-
Concerts prêteront une attention plus
soutenue, et jugeront mieux à une pro-
chaine audition l'oeuvre d'Ernest Guiraud.
Lamoureux a conduit son remarquable
orchestre avec sa maîtrise accoutumée.
ELY-EDMOND GRIMARD.
PAGES OUBLIÉES
LES PETITES BOTTES
Le matin, quand je quittais ma chambre,
j'apercevais, soigneusement alignées devant
la porte, ses chaussures et les miennes. C'é-
taient de petites bottines lacées, un peu ava-
chies, et ternies par le rude usage auquel il
les soumettait. La semelle était amincie à
gauche et un petit trou menaçait à l'extré-
mité, du pied droit. Les cordons, fatigués et
lâches, pendaient à droite et à gauche. Au
gonflement du cuir, on reconnaissait la place
de ses doigts et de son pouce et tous les
mouvements accoutumés de son peton avaient
laissé leur trace par des plis insensibles ou
profonds.
Pourquoi ai-je retenu tout cela ? je ne sais
en vérité, mais il me semble encore voir les
bottes du cher petit, posées là, sur le tapis, à
côté des miennes, — deux grains de sable près
de deux pavés, un chardonneret en compa-
gnie d'un éléphant. C'étaient ses bottes de
tous les jours, ses camarades de jeu, celles
avec lesquelles il entrait dans les montagnes
de sable et explorait les flaques d'eau. —
Elles lui étaient dévouées et partageaient si
intimement son. existence que quelque chose
de lui-même se retrouvait en elles. — Je les
aurais reconnues entre mille : elles avaient
pour moi une physionomie particulière, il
me semblait qu'un lien invisible les ratta-
chait à moi et je ne pouvais regarder leur
forme encore indécise, leur grâce comique
et charmante sans me rappeler leur petit
maître et m'avouer qu'elles lui ressemblaient.
Tout ce qui touche aux bébés devient un
peu bébé aussi et prend cette expression de
grâce maladroite et naïve qui leur est propre.
A côté de ces petites bottes rieuses, gaies,
de belle humeur, ne demandant qu'à courir
les champs, mes chaussures paraissaient
monstrueuses, lourdes, grossières, absurdes,
avec leurs gros talons... A leur air pesant
et désillusionné, on sentait que pour elles la
vie était grave, les courses longues et le far-
deau à supporter tout à fait sérieux.
Le contraste était saisissant et l'enseigne-
ment profond. Je m'approchais de ces petites
bottines tout doucement, pour ne point
éveiller le petit homme qui dormait encore
dans la pièce voisine. Je les tâtais, je les re-
tournais, je les regardais de tous côtés et je
me sentais gagner par un sourire délicieux.
Jamais le vieux gant qui sentait la violette et
qui traîna si longtemps dans le plus profond
secret de mon tiroir ne me procura une aussi
douce émotion.
L'amour paternel n'est pas de l'amour pour
rien : il a ses folies, ses faiblesses, il est pué-
ril ou sublime, il ne s'analyse pas, ni ne s'ex-
plique : il se ressent, et je m'y laissais aller
délicieusement.
Que le papa sans faiblesse me lance la pre-
mière pierre, les mamans me vengeront.
Songez que cette bottine lacée et percée du
bout me rappelait son petit pied grassouillet
et que mille souvenirs se rattachaient à ce
peton chéri.
Je me le figurais, le cher enfant, lorsque je
lui coupais les ongles, et qu'il se débattait en
me tirant la barbe et en riant malgré lui, car
il était chatouilleux.
Je me le figurais, lorsque le soir,' au coin
d'un bon feu, je lui enlevais ses petits bas. —
Quelle fêté!
Je disais une... deux... Et lui, enveloppé
dans sa grande chemise de nuit, les mains
perdues dans ses manches trop longues, il
attendait, l'oeil brillant tout prêt à éclater de
rire, le fameux trois.
Enfin, après mille rétards, mille petites ta-
quineries qui excitaient son impatience et qui
me permettaient de lui voler cinq ou six bai-
sers, je disais : trois.
Le bas s'envolait au loin. — Alors c'était
une joie folle, il se renversait sur mon bras
et ses jambes nues s'agitaient en l'air. De sa
bouche, grande ouverte, dans les profondeurs
de laquelle on voyait les deux rangées de ses
petites perles brillantes, s'échappait une cas-
cade de bons rires sonores.
Sa mère, qui riait aussi, lui disait au beut
d'un instant :
« Voyons, bébé ; voyons, mon petit ange,
tu vas t'enrhumer.
« Mais retiens-le donc... Veux-tu finir, pe-
tit démon. »
Elle voulait gronder, mais elle ne pouvait
retrouver son sérieux à la vue de sa bonne
grosse tête blonde, épanouie, colorée, heu-
reuse, renversée sur mon genou.
Ma femme me regardait et me disait :
« Il est insupportable... Mon Dieu, quel
enfant ! »
Mais je comprenais que cela voulait dire :
« Regarde comme il est beau, bien portant et
« heureux, notre bambin, notre petit homme,
« notre fils à nous deux ! »
Et, dans le fait, il était adorable, du moins
je le voyais ainsi.
J'ai eu la sagesse, — je peux le dire main-
tenant que mes cheveux sont blancs,— de ne
pas laisser passer un seul de ces bons mo-
ments sans en jouir amplement ; et, en vé-
rité, j'ai bien fait. Pitié pour les pères qui ne
savent point être papas le plus souvent pos-
sible, qui ne savent point se rouler sur le ta-
pis, jouer au cheval, faire le gros loup; dé-
shabiller leur bambin, imiter l'aboiement du
chien et le rugissement du lion, mordre à
pleines dents sans se faire de mal et se ca-
cher derrière les fauteuils en se laissant
voir.
Pitié sincère pour ces infortunés ! Ce ne
sont pas seulement d'agréables enfantillages
qu'ils négligent là, ce sont de vrais plaisirs,
de délicieuses jouissances; ce sont les par-
celles, les miettes de ce bonheur, qu'on ca-
lomnie si fort, qu'on accuse de ne point
exister, parce qu'on attend qu'il tombe du
ciel tout d'une pièce, sous forme de lingot,
alors qu'il est' à nos pieds, réduit en pous-
sière fine. Ramassons-en les menus frag-
ments et ne nous plaignons pas trop; chaque
jour amène son pain et sa ration de bon-
heur.
Marchons lentement et regardons à nos
pieds, fouillons autour de nous, cherchons
dans les petits coins ; c'est là que la Provi-
dence fait ses cachettes.
J'ai toujours ri des gens qui traversent la
vie bride abattue, les narines dilatées, les
yeux inquiets et le regard à l'horizon. Il
semble que le présent leur brûle les pieds,
et, quand on leur dit : « Mais arrêtez-vous
donc un instant, mettez pied à terre, prenez
un verre de ce bon vin doré, causons un
peu, rions un instant, embrassons votre en-
fant. »
— Impossible, vous répondent-ils, on m'àt-
tend là-bas. Là-bas, je causerai; là-bas, je
boirai un vin délicieux ; là-bas, je me livre-
rai à la tendresse paternelle; là-bas, je serai
heureux.... là-bas.... Et quand ils sont ar-
rivés là-bas, haletants, brisés, qu'ils récla-
ment en criant le prix de leurs fatigues, le
présent, qui rit sous ses lunettes, leur dit :
— Monsieur, la caisse est fermée
L'avenir promet, — c'est le présent qui
paie, et il faut être en bonne intelligence arec
celui qui tient les clefs de la caisse.
Pourquoi s'imaginer qu'on est dupe de la
Providence ?
Croyez-vous qu'elle ait le loisir, cette
bonne Providence, de servir à chacun de
vous un bonheur complet, tout découpé sur
un plat d'or, et de nous faire de la musique
pendant le repas, par-dessus le marché?.».
C'est pourtant ce que beaucoup de gens vou-
draient.
Il faut être raisonnables, retrousser nos
manches,nous occuper nous-mêmes de notre
cuisine et ne point exiger que le ciel se dé-
range pour écumer notre pot-au-feu.
Je pensais à tout cela, le soir, lorsque mon
bébé était dans mes bras, que son haleine
humide et régulière m'effleurait la main. Je
pensais aux bons moments que le petit
homme m'avait déjà procurés et je lui en
étais reconnaissant.
Comme c'est simple ! me disais-je, d'être
heureux, et la singulière manie d'aller en
Chine pour se distraire.
Ma femme était de mon avis, et nous res-
tions de longues heures à tisonner tout en
causant sur ce que nous éprouvions.
— Toi, vois-tu, mon ami, tu l'aimes autre-
ment que moi, me disait-elle souvent.— Les
papas calculent plus... Leur affection est
comme un échange... Ils n'aiment bien leur
enfant que le jour où leur amour-propre d'au-
teur esc flatté... Il y a du propriétaire dans
le papa... Vous pouvez analyser l'amour pa-
ternel, en découvrir les causes, dire : « J'aime
mon enfant parce qu'il est de telle ou telle
façon. »
Pour la maman, cette analyse est impos-
sible, elle n'aime pas son enfant parce qu'il
est beau ou laid, intelligent ou absurde, qu'il
lui ressemble ou ne lui ressemble pas, qu'il
a ses goûts ou ses gestes, ou ne les a pas.
Elle l'aime parce qu'elle ne peut pas faire au-
trement ; c'est une nécessité.
L'amour maternel est un sentiment inné
chez la femme. — L'amour paternel est chez
l'homme le résultat des circonstances. Chez
elle, c'est un instinct ; chez lui, c'est un cal-
cul dont il n'a pas conscience, il est vrai;
mais enfin, c'est le résultat de plusieurs au-
tres sentiments.
— C'est très bien, ne te gêne pas, lui di-
sais-je : nous n'avons ni coeur ni entraillés,
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.98%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.98%.
- Collections numériques similaires Guillon Félix Guillon Félix /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Guillon Félix" or dc.contributor adj "Guillon Félix")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 9/16
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k57060135/f9.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k57060135/f9.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k57060135/f9.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k57060135/f9.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k57060135
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k57060135
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k57060135/f9.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest