Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1912-12-11
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328123058
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 123753 Nombre total de vues : 123753
Description : 11 décembre 1912 11 décembre 1912
Description : 1912/12/11 (Numéro 10515). 1912/12/11 (Numéro 10515).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k570367b
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/05/2008
La 2 a
LE MATIN
a–a
CONCOURS
DES AVIATEURS
ORGANISE PAR
LE MATIN
DU 28 NOVEMBRE AU 6 JANVTEB
500.000 francs de prix
DUBONNET
Jeune vétéran des sports et vieux routier
des airs, Emile Dubonnet est né à Paris le
18 octobre 1883. Football, aviron, auto et pa-
tinage n'eurent, dès le tendre de l'âge, plus
de secrets pour lui.
En février 1906, il reçut, en sphérique, son
premier baptêm& de l'air, avec pour par-
rain Jacques Faure.
De l'Epiphanie à Noël, et de la Trinité à
Pâques, pour lui, désormais, ce sera tous les
jours l'ascension. Il s'entraîne aux atterris-
sages les plus imprévus dans tous les coins
de la France, puis en Espagne, en Westpha-
lie, en Hollande, en Ang' 'erre et, finale-
ment, à tous les diables. L prend part aux
Coupes Gordon-Bennett, en 1908 à Berlin, en
1909 à Zurich, et en 1911 à Kansas-City, où
il défend seul les couleurs françaises.
Le 6 janvier dernier, il s'élevait de la
Motte-Beuvron, pour atterrir, le 8, à So-
kolowska (Russie), s'octroyant, par 1.954 ki-
lomètres, le record du monde de distance,
détenu depuis 1900 par le comte de La Vaulx.
Ce record a été porté depuis lors à 2.191 kilo-
mètres par M. Bienaimé, le vainqueur de la
Coupe Gordon-Bennett 1912.
C'est au commencement de 19i0, nous
dit-il, que je vins à l'aviation, après avoir
assisté aux expériences de mon cher et re-
jgretté ami Hubert Lathant.
Son brevet,en date du 7 avril, porte le n°
47 il fut par conséquent un des pilotes de
la première heure. Le 3 avril, sur son mono-
plan Tellier, il accomplit le parcours Juvisy-
La-Ferté-Saint-Aubin, 109 kilomètres, en 1 h.
48' 54" 4/5, s'attribuant le record de la dis-
tance pour vol à travers pays. Le 23 du mê-
me mois, il vole de Juvisy à Bagatelle, réali-
sant, le premier, la traversée de Paris dans
toute sa longueur.
Après une série de beaux vols dans la plu-
part des grands meetings, il atterrit à ce
paradis heureux que les poètee et les jeunes
fiancés s'accordent à situer au septième
« Mes premières impressions, écrit-il,
furent excellentes, et celles qui suivirent le
sont restées également. Je n'ai renoncé à ce
«port captivant que depuis mon mariage.
Rappelons que pour prendre part an con-
cours il suffit d'envoyer, avec la solution,
vingt-cinq portraits différents, pris parmi
les quarante que le « Matin »,publiera tous
les jours comme ci-dessus.
L'ÉQUILIBRE DU BUDGET
M. Henry Chéron a présenté hier à la com-
mission son rapport sur l'équilibre du budget.
La commission en a commencé la discussion,
qu'elle terminera demain.
Sur 'a proposition du rapporteur général,
elle a substitué au texte proposé par le gou-
vernement, en ce qui concerne les engage-
ments de dépenses pour l'avenir, un texte plus
strict qui est ainsi conçu
A partir de l'exercice 1914 il sera annexé
chaque année à la loi de finances un état par
ministère des dépenses résultant de tois votées
ou d'engagements pris.
A dater de la promulgation de la présente
ioi, toute loi entraînant la charge de t'Etat
des dépenses nouvelles d'un carartère perma-
nent ne pourra être mise à exécution qu'après
le vote, soit dans cette loi elle-même, soit dans
la loi de finances, des voies et moyens permet-
tant de faire face à ces dépenses
[SUITE DE NOTEE ARXUXE DE ln PACK, 6e COL.]
sang que nous avons versé 'et aux millions
que nous avons dépensés; de venir écouler
Daisib'ement leurs produits, sans que les nô-
tres aient seulement le droit de bénéficier du
moindre avantage.
Et cela ne serait rien encore, si des ques-
tions de gros sous n'étaient venues rendre
plus difficile la mission que nous rem-
plissons, dans l'intérêt de l'Europe, au
détriment de nos forces nationales et de
notre fortune publique.
Ce qui a fatigué le plus nos troupes et
occasionné presque tous nos décès pour ma-
ladie et nos évacuations,ce sont les escortes
de convoi, qui, par tous les temps, dans tou-
tes les régions, ob:igent nos soldats à des al-
lées et venues continuelles.
Le ravitaillement de nos postes avancés,
comme Fez et Marrakech, absorbe toute
l'activité des postes intermédiaires, qui sont
occupés, du matin au soir, à accompagner
fastidieusement des charrettes de munitions
et de vivres.'
Depuis longtemps, des voies ferrées au-
raient sillonné tout le Maroc si la, finance
internationale, qui veille à la barrière d'Al-
gésiras, n'était intervenue pour disputer,
au nom d'une limited Association ou d'une
Marokko C° quelconque, le morceau de
rail dont la pose, de tel endroit à tel autre,
fera augmenter les dividendes de ses action-
naires cosmopolites
Ainsi nous dépensons des centaines
de millions, nous sacrifions des milliers de
vies humaines, nous affaiblissons notre dé-
fense nationale dans les moments les plus
critiques, afin de permettre aux autres na-
tions, tranquillement installées chez elles,
de fabriquer paisiblement des produits appe-
lés à venir concurrencer les nôtres au Ma-
roc même nous leur ouvrons un pays qui
servira de débouché à leur activité commer-
ciale et industrielle, et nous n'avons même
pas le droit d'avoir un matériel à peu près
convenable pour assurer le ravitaillement
de plus de 57.000 hommes de troupe, dissé-
minés sur un territoire déjà presque aussi
grand que la France 1
La diplomatie est vraiment une bien belle.
chose. pour tous ceux qui ne sont pas.
Français, tant qu'on la comprendra ainsi
en France 1
Et c'est pourquoi cette Europe, avide et
mercantile, qui profite déjà de tous nos ef-
forts en hommes et en argent, ne nous a au-
torisés construire que des voies dérisoires
de 60 centimètres d'écartement, avec des
rails de 9 kil. 500 seulement
Que lui importe'qu'en moins de deux an-
nées notre manque de transports rapides
nous ait coûté neuf cent treize morts de ma-
ladie et six mille quatre cent vingt-cinq ma-
lades, pourvu qu'elle puisse placer un jour
ou l'autre une de ses bonnes locomotives
a made in Germany Il. ou ailleurs
Hubert-Jacques
A la manière
de la "Main noire"
Mme Mirabel de Lagrange, 46, avenue
Charles-Floquet, reçut, voici quelque temps,
une lettre singulière. Cette missive, dacty-
lographiée, était ainsi conçue
Par la présente lettre vous êtes informée que
vous aurez à nous verser dimanche prochain
une rançon de 10.000 francs, sinon vous mour-
rez. Nous savons que vous pouvez disposer
aisément de cette somme dans ce délai, car
nos agents vous surveillent depuis quelque
temps et vos allées et venues seront observées
spécialement jusqu'au jour où vous aurez ver-
sé la somme.
Il vous est donc conseillé de ne faire part à
personne de notre démarche ni d'avertir la
police ou n'importe qui que ce soit, car cela
entraînerait votre mort immédiate.
L'agent qui. en ce cas. exécutera ce Juge-
ment se souciera peu s'il est arrêté ou non. et
il y en aura seize autres pour le venger. Pour
que les agents qui se chargeront de votre cas
puissent prendre aisément réception de sa
rançon, vous aurez à observer strictement, et
sous peine de mort également, ce qui suit
Préparez la somme en or ou en rouleaux de
1.000 francs faites-en un paquet aussi petit
que possible, en sorte que l'argent ne sonne
pas en déposant le paquet.
Dimanche prochain vous irez aux vêpres à
l'église Notre-Dame-des-Victoires-Vous y serez à
3 heures de l'après-midi juste. Entrez par la
porte à votre droite et placez-vous dans le
coin où se trouve la statue de saint Pierre.
Exactement après le prêche, vous poserez
le paquet dans un coin du petit banc devant
Si vous observez bien tottt ce oai est écrit
ici, il ne vous sera fait aucun maL
Vu Makcelw Gaill
Mme Mirabel de Lagrange ne donna pas
signe de vie. Bientôt la lettre de menaces
était confirmée par deux pneumatiques.
Alors Mme Mirabel de Lagrange déposa
une plainte au parquet.
M. le juge d instruction Boachardon fut
chargé de suivre l'affaire.
L'enquête qui fut alors ouverte amena le
magistrat à penser que Fauteur de la tenta-
tive de chantage n'était autre qu'une an-
cienne domestique de Mme Mirabel de La-
grange. La femme soupçonnée a été inter-
rogée hier par le juge d'instruction. Elle
nié avec énergie et indingation, mais son
écriture ressemble étrangement à celle des
deux pneumatiques adressés à Mme Ntrabel
de Lagrange. D'autre part, chez l'amant de
cette femme, on a saisi une machine à
écrire qui parait être celle dont on s'est
servi pour écrire la lettre de menaces.
Mme Mirabel de Lagrange, dont le conseil
est Me Raphaël Adad, a été entendue hier
par M. Bouchardon. Elle maintient sa
plainte.
La rapport de M. Emile Faire
sur
le rachat de
M. Emile Favre, député de la Haute-Sa.
voie, a montré récemment, dans le Matin,
comment la France était, en Suisse, victime
d'une différence sensible d'égards par rap-
port à l'Allemagne. Il a exposé notamment
comment le rachat, par le canton de Genève,
de la ligne du Léman et de la gare française
de Cornavin, lésait gravement nos intérêts
et menaçait la région du Chablis et du Fau-
cigny, dams la Haute-Savoie, de n'être plus
reliée avec Paris que par la Suisse. Et c'est
pendant oe temps que l'Allemagne trouve à
Baie tant de commodités 1 j
Une commission parlementaire vient
d'être appelée à se prononcer sur le projet
de loi qui consacrera ce traitement de défa
veur. Le ministre des travaux publics, en-
tendu, a déclaré que les Chambres lui pa-
raissaient liées par la convention de 1909
avec le gouvernemènt fédéral Aussi la com-
mission a-t-elle, à son corps détendant,
adopté le projet.
Mais il est intéressant de reproduire la
motion qu'elle a votée à l'unanimité et qui se
trouve transcrite dans le rapport dont M.
Emile Favre a été chargé. La voici
Si notre commission des travaux publics
ne peut rien pour emp2cher le rachat de La
ligne de Genève à la Ptairte et de la gare de
Genève-Cornavin par Le canton de Genève,
s'il n'est pas davantage possible d'éviter les
conséquences de ce rachat dont la convention
qui est actuellement soumise à la commis-
sion des travaux publics est la plus directe,
il n'en est pas mo·ns vrai qu'il sérail puéril
de se dissimuler que ce rachat a pour consé-
quence une diminution de l'inlluence iran-
çaise Genève et sur tes bords du lac Lé-
man. Et sans cesser de montrer à nos vot-
srns suisses du lac Léman l'esprit le plus
amical, nous avons le devoir d'en exprimer
le regret, surtout en présence des efforts qui
sont laits par tes autres pags voisins de la
Confédération helvétique pour y augmenter
chaque jour leur influence et y développer
leur culture propre.
En conséquence, la oocnmiesion demande
au gouvernement
1° De prendre toutes les mesures nécessai-
res pour sauvegarder les intérêts des popu-
lations françaises du lac Léman contre les
conséquences du rachat de la ligne de Ge-
nève à la Plaine et de la gare de Genève-
Cornavin
2° De prendre toutes tes mesures néces-
saires pour assurer la pleine indépendance
des relations par voie ferrée du bassin fran-
çais du lac Léman avec Paris et avec les
principales villes franoaises de la région de
D'autre part, dans sajxmctasion, le rap-
porteur ajoute ™
« Depuis 1860, la France n'a jamais cédé
sur cette question de la Savoie, se préoccu-
pant même à juste titre de ce que, par le
fait qu'on avait tracé la première ligne avant
l'annexion dans la direction de Gornavin,
on avait involontairement favorisé le Léman
suisse par rapport au Léman français.
Aussi est-il bien dans l'esprit de la com,
mission que si la France continue, par la
convention actuelle, à faire des sacrifices
dans la direction du Léman suisse, elle ne
doit pas oublier la route française au sud du
canton, route qui joue un. rôle fondamental
dans l'avenir du tourisme français, et qui
se trouve être à la fois une voie d'accès na-
tionale vers Genève et le chemins direct du
Léman français et des Alpes franco-italien-
ne.
Les coloniaux indélicats
Sons le nom de Société africaine du cré-
dit mobilier, Paul Sabourault, &gé de qua-
rante-deux ans, avait fondé, à Dakar, une
sorte de mont-de-piété, qui devait con-
sentir des prêts d'argent sur des objets mo-
biliers. Le siège social était à Paris, 6, rue
de Sèze. En sa qualité de conseiller général
du 'Sénégal, Sabourault, qui est surtout un
agent d'affaires, n'avait point tardé à re-
cueillir des sommes importante, nécessai-
res à la création et au fractionnement de
cette société. En moins de deux ans, il en-
caissa, en effet, plus de 250.000 francs. L'un
de ses amis, Louis-Marie Cherioux, âgé de
cinquante ans, qui se dit importateur colo-
nial, lui avait servi de rabatteur dans cette
affaire.
La société aurait pu fonctionner et donner
des bénéfices appréciables aux actionnaires,
car elle répondait à un besoin dans le pays
mais le conseiller général et son ami com-
mencèrent par disposer, pour leurs besoins
personnels, de l'argent qu'ils recevaient. On
prêta bien pendant quelque temps, mais à
de tels taux que la clientèle se fit de plus en
plus rare. Finalement les actionnaires
s'émurent et déposèrent des plaintes au par-
quet.
M. Tortat, juge d'instruction, saisi à son
tour, chargea M. Benezoch, commissaire
aux délégations judiciaires, de perquisition-
ner au siège de la société, en compagnie de
M. Germain, expert comptable. Le magis-
trat, vite édifié sur le fonctionnement de la
société, décida, séance tenante, de mettre
Sabourault et Chérioux en état d'arrestation.
La caisse était vide.
LA CHAMBRE
L'O.-E. VA MIEUX
Il-a pu transporter les pommes
de Normandie
M. Qaveille est le directeur heureux d'un
réseau qui a des histoires.
A droite, M. de Chappedelaine se plut à re-
connaître les nombreuses améliorations réa-
lisées cette année sur les chemins de fer de
l'Etat, grâce à M. Claveille.
Pour le transport des pommes, notam-
ment, dit M. de Chappedelaine, qui est de
Dinan, nos expéditeurs ont eu cette année
des facilités qu'ils n'avaient jamais con-
nues.
Jamais corrobora M. Henry Chéron,
rapporteur généraL
M. Joseph Denais, qui représente le quar-
tier des Batignolles, souligna, lui aussi, les
progrès très appréciables constatés dans les
conditions générales de l'exploitation. Ce-
pendant il fit les réserves les plus expresses
sur la circulaire du directeur de l'Etat qui
vise les recommandations.
Certes, reconnut M. Joseph Denais, il
est mauvais qu'une personne étrangère au
réseau, quelle qu'elle soit, intervienne dans
les relations qui existent entre les chefs de
service et leurs subordonnés. Mais lorsqu'il
s'agit d'attirer l'attention sur la valeur mo-
rale.
La circulaire, interrompit M. Jean Dn-
puy, ministre des travaux publics, ne s'ap-
plique pas à cet ordre d'idées.
Il est donc entendu, insista M. Joseph
Denais, qu'il est possible de recommander
les postulants avant leur entrée dans l'ad-
ministration ?
Oui, affirma M. Jean Dupuy. La circu-
laire porte uniquement sur les recomman-
dations qui concernent les agents soumis à
un examen ou à un concours. C'est là un
acte de bonne administration qui s'accorde
avec l'intérêt même des agents.
M. Lauraine, qui est député de Saintes,
demanda au ministre des travaux publics de
dire à la Chambre quelle va être la règle
suivie pour l'attribution des médailles
d'honneur aux vieux employés et ouvriers
des chemins de fer de l'Etat.
D'une manière générale, répondit M.
Jean Dupuy, la médaille du travail est due
à tous les travailleurs qui ont plus de trente
ans de bons services. Le décret qui régit
cette question ne fait cependant pas de ce
devoir une obligation, mais une simple fa-
culté. Cette année, nous n'avons pu, faute
de crédits suffisants, décerner en tout que
220 médailles sur 278. Je suis convaincu
que la commission du budget voudra bien
voter le crédit supplémentaire qui me per-
mettra d'accorder à ces modestes et dévoués
serviteurs la récompense à laquelle ils ont
droit.
M. Augagneur, ancien ministre des tra-
vaux publics dans le cabinet précédent, éle-
va certaines critiques d'ordre technique con-
tre le projet d'une gare souterraine à Saint-
Lazare et couire l'électrification de plusieurs
lignes de banlieue, dont le trafic, d'après
lui, fléchit chaque année.
La loi des cadres
Comme suite à son discours militaire,
M. Jaurès avait déposé un contre-projet la
loi des cadres, organisant l'armée nou-
velle. L' 1( armée nouvelle » fut mise en piè-
ces, de façon brillante, par.M. Henry Pâté.
On doit se garder, fit remarquer le dé-
puté de la Seine, de faire de nos officiers des
pédagogues, des rêveurs, et de donner la
prépondérance à la pensée sur l'action.
Le contre-projet de M. Jaurès fut repoussé
par 481 voix contre 93.
M. Jaurès fut de nouveau pris à partie
par M. Messimy qui, malgré que violem-
ment interrompu à l'extrême-gauche, entre-
prit, très crânement, de marquer la respon-
sabilité du parti socialiste unifié dans le dé-
veloppement de la propagande antipatrio-
tique.
Pendant dix ans, s'écria-t-il, on a fait
une propagande incessante dans des jour-
naux et des meetings on a dit aux jeu-
nes soldats qu'ils n'avaient pas de patrie.
Il n'est donc pas étonnant que le nombre des
déserteurs et des insoumis ait augmenté
dans de telles proportions. Le parti républi-
cain a le devoir impérieux de mettre un ter-
me à cette propagande.
L'ancien ministre de la guerre, reprenant
les paroles prononcées la veille par M. Jau-
rès contre la désertion, fit remarquer qu'il
a fallu que l'orateur d'extrême-gauche fût
pris dans un dilemme pour répudier toute
complicité avec les misérables qui attaquent
l'armée dans ses bases essentielles.
S'il en est, conclut éloquemment M.Mes-
simy, qui considèrent l'antipatriotisme com-
me un épouvantail à moineaux, libre à eux.
Quant à moi, je m'efforcerai, de toute mon
énergie, d'empêcher mon pays de négliger
le côté moral du problème militaire.
Après plusieurs observations d'ordre parti-
culier, et notamment un excellent discours
de M. Girod, député du Doubs, la Chambre
vota le projet sans y apporter de modifica-
tion. La nouvelle loi porte le nombre des
régiments d'infanterie de 163 à 173, soit dix
de plus cette augmentation intéresse les
chasseurs à pied, les zouaves, les tirailleurs
indigènes et l'infanterie légère d'Afrique
le rég'ment des sapeurs-pompiers de la Ville
de Paris fait partie dorénavant des cadres
de l'infanterie.
LE SÉNAT
UNE LOI SOCIALE
Elle facilitera la construction
des habitafions à bon marché
Le Sénat a abordé hier, pour la troisième
fois depuis le vote de la loi de 1894, le grand
problème des habitations à bon marché. Il
s'agissait cette fois de voter le projet de loi
adopté par la Chambre et qui provoquera
un nouvel essor dans la construction des
foyers ouvriers salubres et à prix modiques.
Au seuil de cette discussion, le très dis-
tingué rapporteur, M. Paul Strauss, fut
écouté avec beaucoup d'attention Mais l'as-
semblée fut bientôt captivée par un beau
discours de M. Ribot qui, avec l'éloquence
moelleuse et persuasive qu'on lui connaît,
sut faire applaudir unanimement le princi-
pe de la réforme et recueillit un succès per-
sonnel très marqué.
M. Strauss présenta donc le tableau la-
mentable du surpeuplement urbain. En
1891, il y avait à Paris 72.000 logements in-
salubres pour 321.000 personnes. En 1901,
le premier chiffre s'était abaissé par suite
des démolitions, mais le second s'était élevé
de 10.000 Aujourd'hui, 50.000 ménages n'ont
encore qu'une pièce pour se loger.
La loi nouvelle, par un tarif dégressif
des valeurs locatives, encouragera les fa-
milles nombreuses. Les immunités fiscalea
accordées aux sociétés d'habitations à bon
marché seront étendues aux entreprises de
bains-douches, aux sociétés de jardins ou-
vriers et aux sociétés de crédit immobilier
fondées pour l'application de la loi Ribot; des
facilités de crédit nouvelles seront accordées
à toutes ces œuvres philanthropiques. Enfin
la loi nouvelle permettra aux communes de
se livrer elles-mêmes, sous certaines condi-
tions, à la construction et à l'exploitation
d'habitations à bon marché.
La conclusion du rapporteur, c'est que les
pouvoirs publics doivent inaugurer une a po-
litique sanitaire a, suivant un plan d'ensem-
ble méthodiquement exécuté.
M. Ribot demande qu'on'
construise enfin pour les pauvres
Quand M. Ribot prit la parole, l'assemblée
était très nombreuse et quatre ministres
siégeaient au banc du gouvernement, MM.
Léon Bourgeois, Briand, Pams et Guist'hau.
L'éminent président de la commission de-
manda instamment le vote rapide de la loi.
Le problème du logement populaire est pour
lui le problème central autour duquel se
groupent tous les autres alcoolisme et cri-
i minalité juvénile, notamment.
Il faut, dit-il, relever la dignité des fa-
milles nombreuses et pour cela ne pas les
laisser errer d'un logis à l'autre, repoussés
de partout. x
Et examinant la cité parisienne, l'orateur
a le courage de dire
On construit pour les riches, mais pas
pour les pauvres.
M. Ribot a beaucoup étudié la vie an-
glaise. Une bonne partie de son discours fut
employée à comparer la situation de l'ou-
vrier anglais et celle de l'ouvrier français.
L'avantage n'est pas au dernier. La
moyenne du nombre des pièces par logement
est en'France de 2 à 3, en Angleterre de 4
à 5. 12 0/0 de la population ouvrière vit chez
nous dans des logements d'une seule pièce
le chiffre correspondant anglais est de
1,6 0/0.
Parlant des encouragements publics an
relèvement du foyer, M. Ribot constate que
nous sommes encore en retard sur l'Angle-
terre, sur l'Allemagne et même sur la Bel-
gique. Avec des détails touchants, l'orateur
raconta comment fonctionne dans sa région
la loi de 1908 qui porte fort justement son
nom.
La loi a réussi, dit-il, parce que l'Etat a
fait à prix réduit des avances aux sociétés
l'Etat prête à 2 les sociétés à 3 L'an-
nuité de l'ouvrier est en général inférieure
au loyer qu'il aurait à payer s'il était sim-
plement locataire. L'ouvrier, fier d'être chez
lui, discute avec un empressement jaloux
toutes les dépenses il soigne sa maison.
C'est une grande joie dans la famille et com-
me résultat un grand apaisement social.
Cette heureuse loi recevra une extension,
car les sociétés d'utilité publique vont pou-
voir emprunter à 2 Les associations
d'employés de chemins de fer, par exemple,
pourront entrer dans le mouvement. Les
municipalités pourront construire. Toute-
fois M. Ribot regrette qu'on n'ait pas adopté
le système de la régie intéressée.
Revenant à la capitale, l'orateur déclara
énergiquement qu'il fallait démolir les forti-
fications. Et comme M. Léon Bourgeois lui
exposait le projet de déclassement, M. Ri-
bot, dans un mouvement de fine ironie qui
mit le Sénat en gaieté, lui répliqua
Je suis plus radical que vous, mon cher
ministre
Et, accentuant sa boutade, il ajouta un peu
plus tard, et ce fut sa conclusion
On a dit que nous faisions du socialis-
me c'est du socialisme libérateur, en don-
nant à l'ouvrier une habitation salubre, en
faisant de lui un propriétaire. Le Sénat, sur
cette question, oubliera qu'il y a des partis
et des passions politiques et nous serons
tous d'accord pour faire une œuvre néces-
saire au pays, à sa grandeur et à la dignité
de ses habitants.
Et le Sénat, en effet, couvrit d'applaudis-
sements ce brillant discours.
Avant de passer à la discussion des arti-
cles, il y eut encore une déclaration de M.
Pierre Baudin qui, au nom de la commission
des finances, dont il est le rapporteur géné-
ral, apporta son approbation'au projet une
protestation de M. Félix Martin, rétorquée
par MM. Strauss et Léon Bourgeois, sur la
nécessité de résoudre préalablement le pro-
blème de l'alcoolisme, enfin l'adoption de
l'urgence.
Et les articles 1; 2 et 3 furent votés, non
sans que M. Peyrot se fût plaint que des
habitations au loyer minimum de 400 francs
ne seront guère accessibles aux ouvriers ga-
gnant 5 francs par jour ce à quoi le minis-
tre du travail répondit qu'on favoriserait les
œuvres d'initiative privée, comme celles qu'a
contribué si généreusement à créer le pro-
fesseur Peyrot.
Le conflit municipal
de Bordeaux
Bordeaux, 10 décembre. Du correspon-
dant particulier du « Matin » (par téléphone).
Le conseil municipal de Bordeaux devait
tenir ce soir une séance publique. A l'heure
indiquée, tous les conseillers étaient pré-
sents, sauf un.
Au début de la séance, M. Gambade, con-
seiller,' parlant au nom du groupe de l'Al-
liance démocratique, auquel il appartient,
a déclaré qu'après les incidents de la veille
en commission réunie on sait que les
conseillers socialistes refusent l'examen du
budget tout travail utile était impossible
et que ses collègues et lui allaient quitter la
salle des séances.
Les conseillers républicains, libéraux et
progressistes ont quitté la salle, dans la-
quelle demeurèrent seulement le maire les
conseillers socialistes, les deux conseillers
radicaux et les royalistes, soit en tout dix-
huit conseillers.
M. Saint-Marc, conseiller municipal roya-
liste, a voulu continuer la séance, mais le
maire a lu un article de loi d'après lequel les
conseillers devaient être au moins dix-neuf
pour pouvoir délibérer et a levé la séance.
Cet incident n'a fait qu'aggraver la situa-
tion d'hier et est une nouvelle étape vers 14
dissolution.
La a National Gallery » chez soi
Dans les Grands Musées du Monde illus-
trés en couleurs, la librairie Pierre Lafitte
et Cie commence la publication des chefs-
d'œuvre de la National Gallery, le célèbre
musée anglais. C'est une collection que tous
les amateurs d'art voudront posséder. (Le
fascicule 1 fr. 50. Six planches en couleurs).
On souscrit à la collection des Grands Mu-
sées du Monde, èn fascicules; moyennant
66 fr. 75 et à l'ouvrage, en six volumes re-
liés, moyennant 90 francs. (Payements
5 francs par mois). {communiqué.^
Gaveau aux grands concerts
Les grands concerts de la quinzaine qui
vient de s'écouler, ont consacré une fois de
plus les qualités artistiques des Gaveau »,
ces incomparables pianos, dont la grande
réputation remonte au milieu du siècle der-
nier.
Aux Concerts Lamoureux, le célèbre pia-
niste russe, Joseph Lhévinne, qui donna, en
outre, un récital, dont le succès fut énorme.
Aux Concerts Colonne Mark Hambourg,
très acclamé par un public enthousiasmé.
Puis ce furent M. Maurice Dumesnil, au
Concert E. Moor; M. Paul Schramm, aux
Concerts du conservatoire de Nancy et
dans son concert donné il. la salle de la rue
La-Boétie.
Tout commentaire affaiblirait la portée de
cette significative unanimité. icomnuançut^
Exposition
Exposition de mobiliers complets par mil-
liers aux Grands Magasins Dufayel siè-
ges, tapis, tentures, articles de chauffage,
éclairage, ménage, outillage, voyage, porce-
laines et cristaux toile et blanc, cycles,
voitures d'enfants, machines à coudre, etc_
Nombreuses attractions. {Comnuadqué.\
Les cadeaux de Noël
Enfant on reçoit des cadeaux; l'on en
donne quand l'âge est venu. Certes, tout
l'avantage est du côté de l'enfance.
Pour certains, choisir le cadeau qui doit
certainement plaire est chose difficile, on
cherche, on calcule et souvent l'on déses-
père, et pourtant quoi de plus simple qu'une
visite aux trésors d'ameublements et de
décorations de
MERCIER FRÈRES
100, Faubourg Saint-Antoine, à PARIS
et dès votre retour, vous serez salué par les
cris de joie de ceux que vous aurez voulu
favoriser de vos dons. (Communiqué
II est. reconnu que
Lehm, 12, rue Laffitte, achète les diamants,
pertes et bijoux très cher Il dégage gratui-
tement les reconnaissances du Mont-de-Piété
et les achète 100 0/0 et plus. {Communiqué.)
Les dieux ont faim
Oui, l'ambroisie était la nourriture
Des dieux, neuf fois plus douce que le miel!
Mais plus heureux que les dieux du vieux ciel,
Nous avons, nous, Picon, ta confiture.
Georges Docqdois.
{Communiqué.)
FEUILLETON DU MATIN »
DU 11 DÉCEMBRE 1912
Pardaillan
et Fausta
GRAND ROMAN INÉDIT
par Michel ZÉVACO
RÉSUMÉ DES PRÉCÉDENTS FEUILLETONS
Aidé pardon Inigo de Espinosa, grand in-
quisiteur d'Espagne le cardinal de Montalte,
neveu du pape Sixte-Quint et adorateur pas-
sionné de Fausta. a obtenu de son oncle, par
1 La, force, la grâce de la princesse, en même
temps qu'un parchemin signé d'Henri III qui
tègue le trône de France à Philippe Il d'Espa-
ane Fausta va porter le document à Madrid,
après avoir laissé en Sûreté à Borne le fils
au'elle a eu de Pardaillan:
bfais Sixte-Quint, décidé à tout pour que le
parchemin qu'on lui a prts par violence soit
détruit, fait venir le grand jupe, Hercule Sfon-
drato, autre amoureux passionné de Pausta,
de nomme duc de Ponte-Map giore et l'envoie
Éous Paris, au camp d'Henri de A'avarre, avec
ordre de dire el Pardaillan
Fausta est vivante l Pmista porte à Phf-
lippe d'Espagne un document qui lui livre la
couronrie de France
Ponte-Maaaiore arrive sous Paris assiégé et
e2tre en contact avec le roi Henri et le che-
valier de Pardaillan.
CE CHEVALIER DE PARDJULUK
•- (suite)
fie roi ayant mis à terre, Pardaillan qui,
>ns doute, l'avait avisé de la venue d'un en-
du pape, présenta le duc
Sire, j'ai l'honneur de présenter à Votre
été le seigneur Hercule Sfondrato, duc
>nte-Mag£jiore et Marciano, ambassa-
de S. S. Sixte-Quint auprès de S. M. le
nri et auprès de M. le chevalier de
v|jetir, dit le roi, veuillez nous sui-
leur de Pardaillan, quand vous au-
ts ào reproduction de traduction et
réservés pour tous pays.
rez reçu la commun'cation que monsieur le
duc est chargé de vous faire, n'oubliez pas
que nous vous attendons.
Et, tandis que le chevalier s'inclinait,
Henri IV se tourna vers des hommes occu-
pés à transporter des sacs. Le heurt d'un de
ces sacs avait produit un son argentin et
ce bruit avait fait dresser l'oreille au Béar-
nais, -toujours à court d'argent. Avisant un
personnage qui surveillait le transport des
précieux colis, le roi lui cria gaiement
Hé Sancy Avez-vous enfin trouvé un
acquéreur pour votre merveilleux dia-
mant (1) et nous apportez-vous quelque ar-
gent pour garnir nos coffres vides ?
Sire, j'ai en effet trouvé, non pas un
acquéreur, mais un prêteur qui, sur la ga-
rantie de ce diamant, a consenti à m'avan-
cer quelques milliers de pistoles que j'ap-
porte à mon roi.
Merci, mon brave Sancy.
Et, avec une pointe d'émotion
Je ne sais quand, ni si jamais je pour-
rai vous les rendre, mais, ventre-saint-gris
argent n'est pas pâture pour des gentils-
hommes comme vous et moi (2)
Et, à Ponte-Maggiore, stupéfait
Venez, monsieur.
Quand il fut dans la salle qui lui servait
de cabinet et où travaillaient encore ses
deux secrétaires Rusé de Beaulieu et For-
get de Fresne
Parlez, monsieur.
Sire, dit Ponte-Maggiore en s'inclinant,
je suis chargé par Sa Sainteté de remettre
à Votre Majesté cette copie d'un document
qui l'intéresse au plus haut point.
Henri IV lut avec la plus extrême atten-
tion la copie de la proclamation d'Henri III
que l'on connaît. Quand il eût terminé, im-
passible
-Et l'original, monsieur 1
Je suis chargé de dire à Votre Majesté
que l'origind! se trouve entre les mains de
Mme la princesse Fausta, laquelle, accom-
pagnée de S. E. le cardinal Montalte, doit
être, à l'heure présente, en route vers l'Es-
pagne pour le remettre aux mains de Sa
Majesté Catholique.
,Ensuite, monsieur ?
(1) Il s'agit du fameux diamant de Sancy,
encore aujourd'hui considéré comme l'un des
plus beaux qui existent
C'est tout, sire. Le souverain pontife
a cru devoir donner à Votre Majesté ce té-
moignage de son amitié en l'avertissant.
Quant au reste, le Saint-Père connaît trop
bien la vaste intelligence de Votre Majesté
pour n'être pas assuré que vous saurez
prendre telles mesures que vous jugerez
utiles.
Henri IV inclina la tête en signe d'adhé-
sion. Puis, après un léger silence, en fixant
Ponte-Maggiore
Le cardinal Montalte n'est-il pas pa-
rent de Sa Sainteté ?
Le duc s'inclina.
Alors ?
'Le cardinal Montaîte est en état de
rébellion ouverte contre le Saint-Père dit
rudement Ponte-Maggiore.
Bien
Et s'adressant à un des deux secrétaires
Rusé, conduisez M. le duc au-
près de M. le chevalier de Pardaillan,,
et faites en sorte qu'ils se puissent entre-
tenir librement Puis, quand ils auront ter-
miné, vous m'amènerez M. de Pardaillan.
Et, avec un gracieux sourire
Allez, monsieur l'ambassadeur, et
n'oubliez pas qu'il me sera agréable de vous
revoir avant votre départ.
Quelques instants après, Ponte-Maggiore
se trouvait en tête-à-tête avec le chevalier
de Pardaillan, assez intrigué au fond, mais
dissimulant sa curiosité sdup un masque
d'ironie et d'insouciance.
Monsieur, dit le chevalier d'un ton très
naturel, vous plairait-il me dire ce qui me
vaut l'insigne honneur que veut bien me
faire le Samt-Père en m'adressant, à moi,
pauvre gentilhomme sans feu ni lieu, un
personnage illustre tel que M. le duc de
Ponte-Maggiore et Marciano ?
Monsieur, Sa Sainteté m'a chargé de
vous faire savoir que la princesse Fausta
est vivante. vivante et libre.
Le chevalier eut un imperceptible tressail-
lement et tout aussitôt
Tiens tiens Mme Fausta est vi-
vante L.. Eh bien, mais. en quoi cette
nouvelle peut-elle m'intéresser ?
Il Vous dites, monsieur ? dit Ponte-Mag-
giore, abasourdi.
Je dis qu'est-ce que cela peut me faire
à moi, que Mme Fausta soit vivante ? ré-
péta le chevalier d'un air si ingénument
étonné que Ponte-Maggiore murmura
Oh mais. il ne l'aime donc pas Y.
Mais alors ceci change bien les choses
Pardaillan reprit
Où se trouve la princesse Fausta, en
ce moment ? Y
La princesse est en route pour l'Espa-
gne.
L'Espagne 1 songea Pardaillan, le pays
de l'Inquisition Le génie ténébreux de
Fausta devait fatalement se tourner vers
cette sombre institution de despotisme.
oui, c'était fatal
La princesse porte à Sa. Majesté Catho-
lique un document qui doit assurer le trône
de France à Philippe d'Espagne.
Le trône de France ?. Peste mon-
sieur. Et qu'est-ce donc, je vous prie, que ce
document qui livre ainsi tout un pays ?
Une déclaration du feu roi Henri troi-
sième, reconnaissant Philippe II pour uni-
que héritier.
Un instant, Pardaillan resta plongé dans
j nne profonde méditation, puis relevant sa
tête fine et narquoise
Est-ce tout ce que vous aviez à me dire
t de la part de Sa Sainteté ?
C'est tout, monsieur.
En ce cas, veuillez m'excuser, mon-
sieur, mais S. M. le roi Henri m*at-
tend, comme vous savez. Veuillez donc
transmettre à Sa Sainteté l'expression de
ma reconnaissance pour le précieux avis
qu'elle a bien voulu me faire passer et
agréer pour vous-même les remerciements
de votre très humble serviteur.
Henri IV avait accueilli la communication
de Ponte-Maggiore avec une impassabilité
toute royale, mais en réalité, le coup était
terrible et à l'instant il avait entrevu les
conséquences funestes qu'il pouvait avoir
Il avait aussitôt convoqué en conseil secret
ceux de ses fidèles qu'il avait sous la main
et lorsque le chevalier fut introduit, il trou-
va auprès du roi Rosny, du Bartas, Sancy
et Agrippa d'Aubigné, accourus en hâte.
Dèsque le chevalier eut pris place, le roi,
qui n'attendait que lui, fit un résumé de son
entretien avec Ponte-Maggiore et donna lec-
ture de la copie que Sixte-Quint lui avait
fait remettre.
Pardaillan, qui savait à quoi s'en tenir,
uavait pas bronché. Mais chez les quatre
conseillers ce fut un moment de stupeur in-
dicible aussitôt suivi de cette explosion
Il faut arrêter ce parchemin en rou-
te Il faut le détruire
Seul, Pardaillan ne dit rien. Alors le roi
qui ne le quittait pas des yeux
Et vous, monsieur de Pardaillan, que
dites-vous ?
Je dis comme ces messieurs, .sire Il
faut reprendre ce parchemin ou c'en est fait
de vos espérances, dit froidement le cheva-
lier.
Le roi approuva d'un signe de tête, et
fixant le chevalier comme s'il eût voulu lui
suggérer la réponse qu'il souhaitait, il mur-
mura
Quel sera l'homme assez fort, assez
audacieux, assez subtil pour mener à bien
une telle entreprise ?
D'un commun accord, comme s'ils se fus-
sent donné le mot, Rosny, Sancy. du Bar-
tas, d'Aubigné se tournèrent vers Pardail-
lan. Et cet hommage muet, venu d'hommes
illustres ayant donné des preuves éclatantes
de leur mérite à la guerre ou dans l'intri-
gue, cet hommage fut si spontané, si sin-
cère que le chevalier se sentit doucement
ému. Mais se raidissant, il répondit avec
cette simplicité si remarquable chez lui
Je serai donc celui-là.
Vous consentez donc ? Ah 1 chevalier,
s'écria le Béarnais, si jamais je suis roi.
roi de France. je vous devrai ma cou-
ronne
Eh sire vous ne me devrez rien.
Et avec un sourire étrange
Mme Fausta, voyez-vous, est une an-
cienne connaissance à moi à qui je ne serai
pas fâché de dire deux mots.. Je tâcherai
donc de faire en sorte que ce document n'ar-
rive jamais aux mains de Sa Majesté Catho-
lique. Quant aux moyens à employer.
Monsieur, interrompit vivement le roi,
ceci vous regarde seul. Vous avez pleins
pouvoirs.
Pardaillan eut un sourire de satisfaction.
Le roi réfléchit un instant, et
Pour faciliter autant que possible l'exé-
cution de cette mission forcément occulte,
mais qui doit aboutir coûte que coûte, il est
nécessaire que vous soyez couvert par une
autre mission, officielle, celle-là En consé-
quence, vous irez trouver le roi Philippe
d'Espagne et vous le mettrez en demeure
de retirer les troupes qu'il entretient dans
Et se tournant vers son secrétaire
Rusé, préparez des lettres accréditant
M. le chevalier de Pardaillan comme notre
ambassadeur extraordinaire auprès de S. M.
Philippe d'Espagne. Préparez, en outre, des
pleins pouvoirs pour M. l'ambassadeur.
Pardaillan, mélancolique et résigné, son-
geait
-Allons il était écrit que je finirais dans
la peau d'un diplomate Mais que dirait
monsieur mon père si, sortant du tombeau,
il voyait son fils promu à la dignité d'am-
bassadeur extraordinaire ?
Et à cette pensée, un sourire ironique ar-
quait le coin de sa lèvre moqueuse.
Combien d'hommes désirez-vous que je
mette à votre disposition ? reprenait le roi.
Des hommes Pourquoi faire, sire ?.
fit Pardaillan avec son air naïvement éton-
né.
Comment, pourquoi faire ?. s'écria le
roi sfupéfait. Vous ne prétendez pourtant
pas entreprendre cette affaire-là seul ? Vous
ne prétendez pas lutter seul contré le roi
d'Espagne et son inquisition ?. Vous ne
prétendez pas enfin, et toujours seul, dispu-
ter la couronne de France à Philippe pour
me la donner à moi ?.
Ma foi, sire, répondit le chevalier avec
un flegme imperturbable, je ne prétends
rien Mais il est de fait que si je dois
réussir dans cette affaire, c'est seul que je
réussirai. C'est donc seul que je l'entre-
prendrai, ajouta-t-il froidement, en fixant
sur le roi un oeil étincelant.
Ventre-saint-gris cria le roi suffoqué.
Pardaillan s'inclina pour manifester que
sa résolution était inébranlable.
Le Béarnais le considéra un moment avec
une admiration qu'il ne chercha pas à ca-
cher. Puis ses yeux se portèrent sur ses
conseillers, muets de stupeur, et enfin il leva
les bras en l'air dans un geste qui signi-
fiait '̃̃•̃̃:
Après tout, avec ce diable d'homme, il
faut s'attendre à tout, même à l'impossible.
Et à Pardaillan, qui attendait très calme,
presque indifférent
Quand comptez-vous partir ?
A l'instant, sire.
Ouf Voilà un homme, au moins L..
Touchez-là. monsieur.
Pardaillan serra la main du roi et sortit
aussitôt, suivi de près par de Sancy, à qui
le roi venait de donner un ordre à voix
LE MATIN
a–a
CONCOURS
DES AVIATEURS
ORGANISE PAR
LE MATIN
DU 28 NOVEMBRE AU 6 JANVTEB
500.000 francs de prix
DUBONNET
Jeune vétéran des sports et vieux routier
des airs, Emile Dubonnet est né à Paris le
18 octobre 1883. Football, aviron, auto et pa-
tinage n'eurent, dès le tendre de l'âge, plus
de secrets pour lui.
En février 1906, il reçut, en sphérique, son
premier baptêm& de l'air, avec pour par-
rain Jacques Faure.
De l'Epiphanie à Noël, et de la Trinité à
Pâques, pour lui, désormais, ce sera tous les
jours l'ascension. Il s'entraîne aux atterris-
sages les plus imprévus dans tous les coins
de la France, puis en Espagne, en Westpha-
lie, en Hollande, en Ang' 'erre et, finale-
ment, à tous les diables. L prend part aux
Coupes Gordon-Bennett, en 1908 à Berlin, en
1909 à Zurich, et en 1911 à Kansas-City, où
il défend seul les couleurs françaises.
Le 6 janvier dernier, il s'élevait de la
Motte-Beuvron, pour atterrir, le 8, à So-
kolowska (Russie), s'octroyant, par 1.954 ki-
lomètres, le record du monde de distance,
détenu depuis 1900 par le comte de La Vaulx.
Ce record a été porté depuis lors à 2.191 kilo-
mètres par M. Bienaimé, le vainqueur de la
Coupe Gordon-Bennett 1912.
C'est au commencement de 19i0, nous
dit-il, que je vins à l'aviation, après avoir
assisté aux expériences de mon cher et re-
jgretté ami Hubert Lathant.
Son brevet,en date du 7 avril, porte le n°
47 il fut par conséquent un des pilotes de
la première heure. Le 3 avril, sur son mono-
plan Tellier, il accomplit le parcours Juvisy-
La-Ferté-Saint-Aubin, 109 kilomètres, en 1 h.
48' 54" 4/5, s'attribuant le record de la dis-
tance pour vol à travers pays. Le 23 du mê-
me mois, il vole de Juvisy à Bagatelle, réali-
sant, le premier, la traversée de Paris dans
toute sa longueur.
Après une série de beaux vols dans la plu-
part des grands meetings, il atterrit à ce
paradis heureux que les poètee et les jeunes
fiancés s'accordent à situer au septième
« Mes premières impressions, écrit-il,
furent excellentes, et celles qui suivirent le
sont restées également. Je n'ai renoncé à ce
«port captivant que depuis mon mariage.
Rappelons que pour prendre part an con-
cours il suffit d'envoyer, avec la solution,
vingt-cinq portraits différents, pris parmi
les quarante que le « Matin »,publiera tous
les jours comme ci-dessus.
L'ÉQUILIBRE DU BUDGET
M. Henry Chéron a présenté hier à la com-
mission son rapport sur l'équilibre du budget.
La commission en a commencé la discussion,
qu'elle terminera demain.
Sur 'a proposition du rapporteur général,
elle a substitué au texte proposé par le gou-
vernement, en ce qui concerne les engage-
ments de dépenses pour l'avenir, un texte plus
strict qui est ainsi conçu
A partir de l'exercice 1914 il sera annexé
chaque année à la loi de finances un état par
ministère des dépenses résultant de tois votées
ou d'engagements pris.
A dater de la promulgation de la présente
ioi, toute loi entraînant la charge de t'Etat
des dépenses nouvelles d'un carartère perma-
nent ne pourra être mise à exécution qu'après
le vote, soit dans cette loi elle-même, soit dans
la loi de finances, des voies et moyens permet-
tant de faire face à ces dépenses
[SUITE DE NOTEE ARXUXE DE ln PACK, 6e COL.]
sang que nous avons versé 'et aux millions
que nous avons dépensés; de venir écouler
Daisib'ement leurs produits, sans que les nô-
tres aient seulement le droit de bénéficier du
moindre avantage.
Et cela ne serait rien encore, si des ques-
tions de gros sous n'étaient venues rendre
plus difficile la mission que nous rem-
plissons, dans l'intérêt de l'Europe, au
détriment de nos forces nationales et de
notre fortune publique.
Ce qui a fatigué le plus nos troupes et
occasionné presque tous nos décès pour ma-
ladie et nos évacuations,ce sont les escortes
de convoi, qui, par tous les temps, dans tou-
tes les régions, ob:igent nos soldats à des al-
lées et venues continuelles.
Le ravitaillement de nos postes avancés,
comme Fez et Marrakech, absorbe toute
l'activité des postes intermédiaires, qui sont
occupés, du matin au soir, à accompagner
fastidieusement des charrettes de munitions
et de vivres.'
Depuis longtemps, des voies ferrées au-
raient sillonné tout le Maroc si la, finance
internationale, qui veille à la barrière d'Al-
gésiras, n'était intervenue pour disputer,
au nom d'une limited Association ou d'une
Marokko C° quelconque, le morceau de
rail dont la pose, de tel endroit à tel autre,
fera augmenter les dividendes de ses action-
naires cosmopolites
Ainsi nous dépensons des centaines
de millions, nous sacrifions des milliers de
vies humaines, nous affaiblissons notre dé-
fense nationale dans les moments les plus
critiques, afin de permettre aux autres na-
tions, tranquillement installées chez elles,
de fabriquer paisiblement des produits appe-
lés à venir concurrencer les nôtres au Ma-
roc même nous leur ouvrons un pays qui
servira de débouché à leur activité commer-
ciale et industrielle, et nous n'avons même
pas le droit d'avoir un matériel à peu près
convenable pour assurer le ravitaillement
de plus de 57.000 hommes de troupe, dissé-
minés sur un territoire déjà presque aussi
grand que la France 1
La diplomatie est vraiment une bien belle.
chose. pour tous ceux qui ne sont pas.
Français, tant qu'on la comprendra ainsi
en France 1
Et c'est pourquoi cette Europe, avide et
mercantile, qui profite déjà de tous nos ef-
forts en hommes et en argent, ne nous a au-
torisés construire que des voies dérisoires
de 60 centimètres d'écartement, avec des
rails de 9 kil. 500 seulement
Que lui importe'qu'en moins de deux an-
nées notre manque de transports rapides
nous ait coûté neuf cent treize morts de ma-
ladie et six mille quatre cent vingt-cinq ma-
lades, pourvu qu'elle puisse placer un jour
ou l'autre une de ses bonnes locomotives
a made in Germany Il. ou ailleurs
Hubert-Jacques
A la manière
de la "Main noire"
Mme Mirabel de Lagrange, 46, avenue
Charles-Floquet, reçut, voici quelque temps,
une lettre singulière. Cette missive, dacty-
lographiée, était ainsi conçue
Par la présente lettre vous êtes informée que
vous aurez à nous verser dimanche prochain
une rançon de 10.000 francs, sinon vous mour-
rez. Nous savons que vous pouvez disposer
aisément de cette somme dans ce délai, car
nos agents vous surveillent depuis quelque
temps et vos allées et venues seront observées
spécialement jusqu'au jour où vous aurez ver-
sé la somme.
Il vous est donc conseillé de ne faire part à
personne de notre démarche ni d'avertir la
police ou n'importe qui que ce soit, car cela
entraînerait votre mort immédiate.
L'agent qui. en ce cas. exécutera ce Juge-
ment se souciera peu s'il est arrêté ou non. et
il y en aura seize autres pour le venger. Pour
que les agents qui se chargeront de votre cas
puissent prendre aisément réception de sa
rançon, vous aurez à observer strictement, et
sous peine de mort également, ce qui suit
Préparez la somme en or ou en rouleaux de
1.000 francs faites-en un paquet aussi petit
que possible, en sorte que l'argent ne sonne
pas en déposant le paquet.
Dimanche prochain vous irez aux vêpres à
l'église Notre-Dame-des-Victoires-Vous y serez à
3 heures de l'après-midi juste. Entrez par la
porte à votre droite et placez-vous dans le
coin où se trouve la statue de saint Pierre.
Exactement après le prêche, vous poserez
le paquet dans un coin du petit banc devant
Si vous observez bien tottt ce oai est écrit
ici, il ne vous sera fait aucun maL
Vu Makcelw Gaill
Mme Mirabel de Lagrange ne donna pas
signe de vie. Bientôt la lettre de menaces
était confirmée par deux pneumatiques.
Alors Mme Mirabel de Lagrange déposa
une plainte au parquet.
M. le juge d instruction Boachardon fut
chargé de suivre l'affaire.
L'enquête qui fut alors ouverte amena le
magistrat à penser que Fauteur de la tenta-
tive de chantage n'était autre qu'une an-
cienne domestique de Mme Mirabel de La-
grange. La femme soupçonnée a été inter-
rogée hier par le juge d'instruction. Elle
nié avec énergie et indingation, mais son
écriture ressemble étrangement à celle des
deux pneumatiques adressés à Mme Ntrabel
de Lagrange. D'autre part, chez l'amant de
cette femme, on a saisi une machine à
écrire qui parait être celle dont on s'est
servi pour écrire la lettre de menaces.
Mme Mirabel de Lagrange, dont le conseil
est Me Raphaël Adad, a été entendue hier
par M. Bouchardon. Elle maintient sa
plainte.
La rapport de M. Emile Faire
sur
le rachat de
M. Emile Favre, député de la Haute-Sa.
voie, a montré récemment, dans le Matin,
comment la France était, en Suisse, victime
d'une différence sensible d'égards par rap-
port à l'Allemagne. Il a exposé notamment
comment le rachat, par le canton de Genève,
de la ligne du Léman et de la gare française
de Cornavin, lésait gravement nos intérêts
et menaçait la région du Chablis et du Fau-
cigny, dams la Haute-Savoie, de n'être plus
reliée avec Paris que par la Suisse. Et c'est
pendant oe temps que l'Allemagne trouve à
Baie tant de commodités 1 j
Une commission parlementaire vient
d'être appelée à se prononcer sur le projet
de loi qui consacrera ce traitement de défa
veur. Le ministre des travaux publics, en-
tendu, a déclaré que les Chambres lui pa-
raissaient liées par la convention de 1909
avec le gouvernemènt fédéral Aussi la com-
mission a-t-elle, à son corps détendant,
adopté le projet.
Mais il est intéressant de reproduire la
motion qu'elle a votée à l'unanimité et qui se
trouve transcrite dans le rapport dont M.
Emile Favre a été chargé. La voici
Si notre commission des travaux publics
ne peut rien pour emp2cher le rachat de La
ligne de Genève à la Ptairte et de la gare de
Genève-Cornavin par Le canton de Genève,
s'il n'est pas davantage possible d'éviter les
conséquences de ce rachat dont la convention
qui est actuellement soumise à la commis-
sion des travaux publics est la plus directe,
il n'en est pas mo·ns vrai qu'il sérail puéril
de se dissimuler que ce rachat a pour consé-
quence une diminution de l'inlluence iran-
çaise Genève et sur tes bords du lac Lé-
man. Et sans cesser de montrer à nos vot-
srns suisses du lac Léman l'esprit le plus
amical, nous avons le devoir d'en exprimer
le regret, surtout en présence des efforts qui
sont laits par tes autres pags voisins de la
Confédération helvétique pour y augmenter
chaque jour leur influence et y développer
leur culture propre.
En conséquence, la oocnmiesion demande
au gouvernement
1° De prendre toutes les mesures nécessai-
res pour sauvegarder les intérêts des popu-
lations françaises du lac Léman contre les
conséquences du rachat de la ligne de Ge-
nève à la Plaine et de la gare de Genève-
Cornavin
2° De prendre toutes tes mesures néces-
saires pour assurer la pleine indépendance
des relations par voie ferrée du bassin fran-
çais du lac Léman avec Paris et avec les
principales villes franoaises de la région de
D'autre part, dans sajxmctasion, le rap-
porteur ajoute ™
« Depuis 1860, la France n'a jamais cédé
sur cette question de la Savoie, se préoccu-
pant même à juste titre de ce que, par le
fait qu'on avait tracé la première ligne avant
l'annexion dans la direction de Gornavin,
on avait involontairement favorisé le Léman
suisse par rapport au Léman français.
Aussi est-il bien dans l'esprit de la com,
mission que si la France continue, par la
convention actuelle, à faire des sacrifices
dans la direction du Léman suisse, elle ne
doit pas oublier la route française au sud du
canton, route qui joue un. rôle fondamental
dans l'avenir du tourisme français, et qui
se trouve être à la fois une voie d'accès na-
tionale vers Genève et le chemins direct du
Léman français et des Alpes franco-italien-
ne.
Les coloniaux indélicats
Sons le nom de Société africaine du cré-
dit mobilier, Paul Sabourault, &gé de qua-
rante-deux ans, avait fondé, à Dakar, une
sorte de mont-de-piété, qui devait con-
sentir des prêts d'argent sur des objets mo-
biliers. Le siège social était à Paris, 6, rue
de Sèze. En sa qualité de conseiller général
du 'Sénégal, Sabourault, qui est surtout un
agent d'affaires, n'avait point tardé à re-
cueillir des sommes importante, nécessai-
res à la création et au fractionnement de
cette société. En moins de deux ans, il en-
caissa, en effet, plus de 250.000 francs. L'un
de ses amis, Louis-Marie Cherioux, âgé de
cinquante ans, qui se dit importateur colo-
nial, lui avait servi de rabatteur dans cette
affaire.
La société aurait pu fonctionner et donner
des bénéfices appréciables aux actionnaires,
car elle répondait à un besoin dans le pays
mais le conseiller général et son ami com-
mencèrent par disposer, pour leurs besoins
personnels, de l'argent qu'ils recevaient. On
prêta bien pendant quelque temps, mais à
de tels taux que la clientèle se fit de plus en
plus rare. Finalement les actionnaires
s'émurent et déposèrent des plaintes au par-
quet.
M. Tortat, juge d'instruction, saisi à son
tour, chargea M. Benezoch, commissaire
aux délégations judiciaires, de perquisition-
ner au siège de la société, en compagnie de
M. Germain, expert comptable. Le magis-
trat, vite édifié sur le fonctionnement de la
société, décida, séance tenante, de mettre
Sabourault et Chérioux en état d'arrestation.
La caisse était vide.
LA CHAMBRE
L'O.-E. VA MIEUX
Il-a pu transporter les pommes
de Normandie
M. Qaveille est le directeur heureux d'un
réseau qui a des histoires.
A droite, M. de Chappedelaine se plut à re-
connaître les nombreuses améliorations réa-
lisées cette année sur les chemins de fer de
l'Etat, grâce à M. Claveille.
Pour le transport des pommes, notam-
ment, dit M. de Chappedelaine, qui est de
Dinan, nos expéditeurs ont eu cette année
des facilités qu'ils n'avaient jamais con-
nues.
Jamais corrobora M. Henry Chéron,
rapporteur généraL
M. Joseph Denais, qui représente le quar-
tier des Batignolles, souligna, lui aussi, les
progrès très appréciables constatés dans les
conditions générales de l'exploitation. Ce-
pendant il fit les réserves les plus expresses
sur la circulaire du directeur de l'Etat qui
vise les recommandations.
Certes, reconnut M. Joseph Denais, il
est mauvais qu'une personne étrangère au
réseau, quelle qu'elle soit, intervienne dans
les relations qui existent entre les chefs de
service et leurs subordonnés. Mais lorsqu'il
s'agit d'attirer l'attention sur la valeur mo-
rale.
La circulaire, interrompit M. Jean Dn-
puy, ministre des travaux publics, ne s'ap-
plique pas à cet ordre d'idées.
Il est donc entendu, insista M. Joseph
Denais, qu'il est possible de recommander
les postulants avant leur entrée dans l'ad-
ministration ?
Oui, affirma M. Jean Dupuy. La circu-
laire porte uniquement sur les recomman-
dations qui concernent les agents soumis à
un examen ou à un concours. C'est là un
acte de bonne administration qui s'accorde
avec l'intérêt même des agents.
M. Lauraine, qui est député de Saintes,
demanda au ministre des travaux publics de
dire à la Chambre quelle va être la règle
suivie pour l'attribution des médailles
d'honneur aux vieux employés et ouvriers
des chemins de fer de l'Etat.
D'une manière générale, répondit M.
Jean Dupuy, la médaille du travail est due
à tous les travailleurs qui ont plus de trente
ans de bons services. Le décret qui régit
cette question ne fait cependant pas de ce
devoir une obligation, mais une simple fa-
culté. Cette année, nous n'avons pu, faute
de crédits suffisants, décerner en tout que
220 médailles sur 278. Je suis convaincu
que la commission du budget voudra bien
voter le crédit supplémentaire qui me per-
mettra d'accorder à ces modestes et dévoués
serviteurs la récompense à laquelle ils ont
droit.
M. Augagneur, ancien ministre des tra-
vaux publics dans le cabinet précédent, éle-
va certaines critiques d'ordre technique con-
tre le projet d'une gare souterraine à Saint-
Lazare et couire l'électrification de plusieurs
lignes de banlieue, dont le trafic, d'après
lui, fléchit chaque année.
La loi des cadres
Comme suite à son discours militaire,
M. Jaurès avait déposé un contre-projet la
loi des cadres, organisant l'armée nou-
velle. L' 1( armée nouvelle » fut mise en piè-
ces, de façon brillante, par.M. Henry Pâté.
On doit se garder, fit remarquer le dé-
puté de la Seine, de faire de nos officiers des
pédagogues, des rêveurs, et de donner la
prépondérance à la pensée sur l'action.
Le contre-projet de M. Jaurès fut repoussé
par 481 voix contre 93.
M. Jaurès fut de nouveau pris à partie
par M. Messimy qui, malgré que violem-
ment interrompu à l'extrême-gauche, entre-
prit, très crânement, de marquer la respon-
sabilité du parti socialiste unifié dans le dé-
veloppement de la propagande antipatrio-
tique.
Pendant dix ans, s'écria-t-il, on a fait
une propagande incessante dans des jour-
naux et des meetings on a dit aux jeu-
nes soldats qu'ils n'avaient pas de patrie.
Il n'est donc pas étonnant que le nombre des
déserteurs et des insoumis ait augmenté
dans de telles proportions. Le parti républi-
cain a le devoir impérieux de mettre un ter-
me à cette propagande.
L'ancien ministre de la guerre, reprenant
les paroles prononcées la veille par M. Jau-
rès contre la désertion, fit remarquer qu'il
a fallu que l'orateur d'extrême-gauche fût
pris dans un dilemme pour répudier toute
complicité avec les misérables qui attaquent
l'armée dans ses bases essentielles.
S'il en est, conclut éloquemment M.Mes-
simy, qui considèrent l'antipatriotisme com-
me un épouvantail à moineaux, libre à eux.
Quant à moi, je m'efforcerai, de toute mon
énergie, d'empêcher mon pays de négliger
le côté moral du problème militaire.
Après plusieurs observations d'ordre parti-
culier, et notamment un excellent discours
de M. Girod, député du Doubs, la Chambre
vota le projet sans y apporter de modifica-
tion. La nouvelle loi porte le nombre des
régiments d'infanterie de 163 à 173, soit dix
de plus cette augmentation intéresse les
chasseurs à pied, les zouaves, les tirailleurs
indigènes et l'infanterie légère d'Afrique
le rég'ment des sapeurs-pompiers de la Ville
de Paris fait partie dorénavant des cadres
de l'infanterie.
LE SÉNAT
UNE LOI SOCIALE
Elle facilitera la construction
des habitafions à bon marché
Le Sénat a abordé hier, pour la troisième
fois depuis le vote de la loi de 1894, le grand
problème des habitations à bon marché. Il
s'agissait cette fois de voter le projet de loi
adopté par la Chambre et qui provoquera
un nouvel essor dans la construction des
foyers ouvriers salubres et à prix modiques.
Au seuil de cette discussion, le très dis-
tingué rapporteur, M. Paul Strauss, fut
écouté avec beaucoup d'attention Mais l'as-
semblée fut bientôt captivée par un beau
discours de M. Ribot qui, avec l'éloquence
moelleuse et persuasive qu'on lui connaît,
sut faire applaudir unanimement le princi-
pe de la réforme et recueillit un succès per-
sonnel très marqué.
M. Strauss présenta donc le tableau la-
mentable du surpeuplement urbain. En
1891, il y avait à Paris 72.000 logements in-
salubres pour 321.000 personnes. En 1901,
le premier chiffre s'était abaissé par suite
des démolitions, mais le second s'était élevé
de 10.000 Aujourd'hui, 50.000 ménages n'ont
encore qu'une pièce pour se loger.
La loi nouvelle, par un tarif dégressif
des valeurs locatives, encouragera les fa-
milles nombreuses. Les immunités fiscalea
accordées aux sociétés d'habitations à bon
marché seront étendues aux entreprises de
bains-douches, aux sociétés de jardins ou-
vriers et aux sociétés de crédit immobilier
fondées pour l'application de la loi Ribot; des
facilités de crédit nouvelles seront accordées
à toutes ces œuvres philanthropiques. Enfin
la loi nouvelle permettra aux communes de
se livrer elles-mêmes, sous certaines condi-
tions, à la construction et à l'exploitation
d'habitations à bon marché.
La conclusion du rapporteur, c'est que les
pouvoirs publics doivent inaugurer une a po-
litique sanitaire a, suivant un plan d'ensem-
ble méthodiquement exécuté.
M. Ribot demande qu'on'
construise enfin pour les pauvres
Quand M. Ribot prit la parole, l'assemblée
était très nombreuse et quatre ministres
siégeaient au banc du gouvernement, MM.
Léon Bourgeois, Briand, Pams et Guist'hau.
L'éminent président de la commission de-
manda instamment le vote rapide de la loi.
Le problème du logement populaire est pour
lui le problème central autour duquel se
groupent tous les autres alcoolisme et cri-
i minalité juvénile, notamment.
Il faut, dit-il, relever la dignité des fa-
milles nombreuses et pour cela ne pas les
laisser errer d'un logis à l'autre, repoussés
de partout. x
Et examinant la cité parisienne, l'orateur
a le courage de dire
On construit pour les riches, mais pas
pour les pauvres.
M. Ribot a beaucoup étudié la vie an-
glaise. Une bonne partie de son discours fut
employée à comparer la situation de l'ou-
vrier anglais et celle de l'ouvrier français.
L'avantage n'est pas au dernier. La
moyenne du nombre des pièces par logement
est en'France de 2 à 3, en Angleterre de 4
à 5. 12 0/0 de la population ouvrière vit chez
nous dans des logements d'une seule pièce
le chiffre correspondant anglais est de
1,6 0/0.
Parlant des encouragements publics an
relèvement du foyer, M. Ribot constate que
nous sommes encore en retard sur l'Angle-
terre, sur l'Allemagne et même sur la Bel-
gique. Avec des détails touchants, l'orateur
raconta comment fonctionne dans sa région
la loi de 1908 qui porte fort justement son
nom.
La loi a réussi, dit-il, parce que l'Etat a
fait à prix réduit des avances aux sociétés
l'Etat prête à 2 les sociétés à 3 L'an-
nuité de l'ouvrier est en général inférieure
au loyer qu'il aurait à payer s'il était sim-
plement locataire. L'ouvrier, fier d'être chez
lui, discute avec un empressement jaloux
toutes les dépenses il soigne sa maison.
C'est une grande joie dans la famille et com-
me résultat un grand apaisement social.
Cette heureuse loi recevra une extension,
car les sociétés d'utilité publique vont pou-
voir emprunter à 2 Les associations
d'employés de chemins de fer, par exemple,
pourront entrer dans le mouvement. Les
municipalités pourront construire. Toute-
fois M. Ribot regrette qu'on n'ait pas adopté
le système de la régie intéressée.
Revenant à la capitale, l'orateur déclara
énergiquement qu'il fallait démolir les forti-
fications. Et comme M. Léon Bourgeois lui
exposait le projet de déclassement, M. Ri-
bot, dans un mouvement de fine ironie qui
mit le Sénat en gaieté, lui répliqua
Je suis plus radical que vous, mon cher
ministre
Et, accentuant sa boutade, il ajouta un peu
plus tard, et ce fut sa conclusion
On a dit que nous faisions du socialis-
me c'est du socialisme libérateur, en don-
nant à l'ouvrier une habitation salubre, en
faisant de lui un propriétaire. Le Sénat, sur
cette question, oubliera qu'il y a des partis
et des passions politiques et nous serons
tous d'accord pour faire une œuvre néces-
saire au pays, à sa grandeur et à la dignité
de ses habitants.
Et le Sénat, en effet, couvrit d'applaudis-
sements ce brillant discours.
Avant de passer à la discussion des arti-
cles, il y eut encore une déclaration de M.
Pierre Baudin qui, au nom de la commission
des finances, dont il est le rapporteur géné-
ral, apporta son approbation'au projet une
protestation de M. Félix Martin, rétorquée
par MM. Strauss et Léon Bourgeois, sur la
nécessité de résoudre préalablement le pro-
blème de l'alcoolisme, enfin l'adoption de
l'urgence.
Et les articles 1; 2 et 3 furent votés, non
sans que M. Peyrot se fût plaint que des
habitations au loyer minimum de 400 francs
ne seront guère accessibles aux ouvriers ga-
gnant 5 francs par jour ce à quoi le minis-
tre du travail répondit qu'on favoriserait les
œuvres d'initiative privée, comme celles qu'a
contribué si généreusement à créer le pro-
fesseur Peyrot.
Le conflit municipal
de Bordeaux
Bordeaux, 10 décembre. Du correspon-
dant particulier du « Matin » (par téléphone).
Le conseil municipal de Bordeaux devait
tenir ce soir une séance publique. A l'heure
indiquée, tous les conseillers étaient pré-
sents, sauf un.
Au début de la séance, M. Gambade, con-
seiller,' parlant au nom du groupe de l'Al-
liance démocratique, auquel il appartient,
a déclaré qu'après les incidents de la veille
en commission réunie on sait que les
conseillers socialistes refusent l'examen du
budget tout travail utile était impossible
et que ses collègues et lui allaient quitter la
salle des séances.
Les conseillers républicains, libéraux et
progressistes ont quitté la salle, dans la-
quelle demeurèrent seulement le maire les
conseillers socialistes, les deux conseillers
radicaux et les royalistes, soit en tout dix-
huit conseillers.
M. Saint-Marc, conseiller municipal roya-
liste, a voulu continuer la séance, mais le
maire a lu un article de loi d'après lequel les
conseillers devaient être au moins dix-neuf
pour pouvoir délibérer et a levé la séance.
Cet incident n'a fait qu'aggraver la situa-
tion d'hier et est une nouvelle étape vers 14
dissolution.
La a National Gallery » chez soi
Dans les Grands Musées du Monde illus-
trés en couleurs, la librairie Pierre Lafitte
et Cie commence la publication des chefs-
d'œuvre de la National Gallery, le célèbre
musée anglais. C'est une collection que tous
les amateurs d'art voudront posséder. (Le
fascicule 1 fr. 50. Six planches en couleurs).
On souscrit à la collection des Grands Mu-
sées du Monde, èn fascicules; moyennant
66 fr. 75 et à l'ouvrage, en six volumes re-
liés, moyennant 90 francs. (Payements
5 francs par mois). {communiqué.^
Gaveau aux grands concerts
Les grands concerts de la quinzaine qui
vient de s'écouler, ont consacré une fois de
plus les qualités artistiques des Gaveau »,
ces incomparables pianos, dont la grande
réputation remonte au milieu du siècle der-
nier.
Aux Concerts Lamoureux, le célèbre pia-
niste russe, Joseph Lhévinne, qui donna, en
outre, un récital, dont le succès fut énorme.
Aux Concerts Colonne Mark Hambourg,
très acclamé par un public enthousiasmé.
Puis ce furent M. Maurice Dumesnil, au
Concert E. Moor; M. Paul Schramm, aux
Concerts du conservatoire de Nancy et
dans son concert donné il. la salle de la rue
La-Boétie.
Tout commentaire affaiblirait la portée de
cette significative unanimité. icomnuançut^
Exposition
Exposition de mobiliers complets par mil-
liers aux Grands Magasins Dufayel siè-
ges, tapis, tentures, articles de chauffage,
éclairage, ménage, outillage, voyage, porce-
laines et cristaux toile et blanc, cycles,
voitures d'enfants, machines à coudre, etc_
Nombreuses attractions. {Comnuadqué.\
Les cadeaux de Noël
Enfant on reçoit des cadeaux; l'on en
donne quand l'âge est venu. Certes, tout
l'avantage est du côté de l'enfance.
Pour certains, choisir le cadeau qui doit
certainement plaire est chose difficile, on
cherche, on calcule et souvent l'on déses-
père, et pourtant quoi de plus simple qu'une
visite aux trésors d'ameublements et de
décorations de
MERCIER FRÈRES
100, Faubourg Saint-Antoine, à PARIS
et dès votre retour, vous serez salué par les
cris de joie de ceux que vous aurez voulu
favoriser de vos dons. (Communiqué
II est. reconnu que
Lehm, 12, rue Laffitte, achète les diamants,
pertes et bijoux très cher Il dégage gratui-
tement les reconnaissances du Mont-de-Piété
et les achète 100 0/0 et plus. {Communiqué.)
Les dieux ont faim
Oui, l'ambroisie était la nourriture
Des dieux, neuf fois plus douce que le miel!
Mais plus heureux que les dieux du vieux ciel,
Nous avons, nous, Picon, ta confiture.
Georges Docqdois.
{Communiqué.)
FEUILLETON DU MATIN »
DU 11 DÉCEMBRE 1912
Pardaillan
et Fausta
GRAND ROMAN INÉDIT
par Michel ZÉVACO
RÉSUMÉ DES PRÉCÉDENTS FEUILLETONS
Aidé pardon Inigo de Espinosa, grand in-
quisiteur d'Espagne le cardinal de Montalte,
neveu du pape Sixte-Quint et adorateur pas-
sionné de Fausta. a obtenu de son oncle, par
1 La, force, la grâce de la princesse, en même
temps qu'un parchemin signé d'Henri III qui
tègue le trône de France à Philippe Il d'Espa-
ane Fausta va porter le document à Madrid,
après avoir laissé en Sûreté à Borne le fils
au'elle a eu de Pardaillan:
bfais Sixte-Quint, décidé à tout pour que le
parchemin qu'on lui a prts par violence soit
détruit, fait venir le grand jupe, Hercule Sfon-
drato, autre amoureux passionné de Pausta,
de nomme duc de Ponte-Map giore et l'envoie
Éous Paris, au camp d'Henri de A'avarre, avec
ordre de dire el Pardaillan
Fausta est vivante l Pmista porte à Phf-
lippe d'Espagne un document qui lui livre la
couronrie de France
Ponte-Maaaiore arrive sous Paris assiégé et
e2tre en contact avec le roi Henri et le che-
valier de Pardaillan.
CE CHEVALIER DE PARDJULUK
•- (suite)
fie roi ayant mis à terre, Pardaillan qui,
>ns doute, l'avait avisé de la venue d'un en-
du pape, présenta le duc
Sire, j'ai l'honneur de présenter à Votre
été le seigneur Hercule Sfondrato, duc
>nte-Mag£jiore et Marciano, ambassa-
de S. S. Sixte-Quint auprès de S. M. le
nri et auprès de M. le chevalier de
v|jetir, dit le roi, veuillez nous sui-
leur de Pardaillan, quand vous au-
ts ào reproduction de traduction et
réservés pour tous pays.
rez reçu la commun'cation que monsieur le
duc est chargé de vous faire, n'oubliez pas
que nous vous attendons.
Et, tandis que le chevalier s'inclinait,
Henri IV se tourna vers des hommes occu-
pés à transporter des sacs. Le heurt d'un de
ces sacs avait produit un son argentin et
ce bruit avait fait dresser l'oreille au Béar-
nais, -toujours à court d'argent. Avisant un
personnage qui surveillait le transport des
précieux colis, le roi lui cria gaiement
Hé Sancy Avez-vous enfin trouvé un
acquéreur pour votre merveilleux dia-
mant (1) et nous apportez-vous quelque ar-
gent pour garnir nos coffres vides ?
Sire, j'ai en effet trouvé, non pas un
acquéreur, mais un prêteur qui, sur la ga-
rantie de ce diamant, a consenti à m'avan-
cer quelques milliers de pistoles que j'ap-
porte à mon roi.
Merci, mon brave Sancy.
Et, avec une pointe d'émotion
Je ne sais quand, ni si jamais je pour-
rai vous les rendre, mais, ventre-saint-gris
argent n'est pas pâture pour des gentils-
hommes comme vous et moi (2)
Et, à Ponte-Maggiore, stupéfait
Venez, monsieur.
Quand il fut dans la salle qui lui servait
de cabinet et où travaillaient encore ses
deux secrétaires Rusé de Beaulieu et For-
get de Fresne
Parlez, monsieur.
Sire, dit Ponte-Maggiore en s'inclinant,
je suis chargé par Sa Sainteté de remettre
à Votre Majesté cette copie d'un document
qui l'intéresse au plus haut point.
Henri IV lut avec la plus extrême atten-
tion la copie de la proclamation d'Henri III
que l'on connaît. Quand il eût terminé, im-
passible
-Et l'original, monsieur 1
Je suis chargé de dire à Votre Majesté
que l'origind! se trouve entre les mains de
Mme la princesse Fausta, laquelle, accom-
pagnée de S. E. le cardinal Montalte, doit
être, à l'heure présente, en route vers l'Es-
pagne pour le remettre aux mains de Sa
Majesté Catholique.
,Ensuite, monsieur ?
(1) Il s'agit du fameux diamant de Sancy,
encore aujourd'hui considéré comme l'un des
plus beaux qui existent
C'est tout, sire. Le souverain pontife
a cru devoir donner à Votre Majesté ce té-
moignage de son amitié en l'avertissant.
Quant au reste, le Saint-Père connaît trop
bien la vaste intelligence de Votre Majesté
pour n'être pas assuré que vous saurez
prendre telles mesures que vous jugerez
utiles.
Henri IV inclina la tête en signe d'adhé-
sion. Puis, après un léger silence, en fixant
Ponte-Maggiore
Le cardinal Montalte n'est-il pas pa-
rent de Sa Sainteté ?
Le duc s'inclina.
Alors ?
'Le cardinal Montaîte est en état de
rébellion ouverte contre le Saint-Père dit
rudement Ponte-Maggiore.
Bien
Et s'adressant à un des deux secrétaires
Rusé, conduisez M. le duc au-
près de M. le chevalier de Pardaillan,,
et faites en sorte qu'ils se puissent entre-
tenir librement Puis, quand ils auront ter-
miné, vous m'amènerez M. de Pardaillan.
Et, avec un gracieux sourire
Allez, monsieur l'ambassadeur, et
n'oubliez pas qu'il me sera agréable de vous
revoir avant votre départ.
Quelques instants après, Ponte-Maggiore
se trouvait en tête-à-tête avec le chevalier
de Pardaillan, assez intrigué au fond, mais
dissimulant sa curiosité sdup un masque
d'ironie et d'insouciance.
Monsieur, dit le chevalier d'un ton très
naturel, vous plairait-il me dire ce qui me
vaut l'insigne honneur que veut bien me
faire le Samt-Père en m'adressant, à moi,
pauvre gentilhomme sans feu ni lieu, un
personnage illustre tel que M. le duc de
Ponte-Maggiore et Marciano ?
Monsieur, Sa Sainteté m'a chargé de
vous faire savoir que la princesse Fausta
est vivante. vivante et libre.
Le chevalier eut un imperceptible tressail-
lement et tout aussitôt
Tiens tiens Mme Fausta est vi-
vante L.. Eh bien, mais. en quoi cette
nouvelle peut-elle m'intéresser ?
Il Vous dites, monsieur ? dit Ponte-Mag-
giore, abasourdi.
Je dis qu'est-ce que cela peut me faire
à moi, que Mme Fausta soit vivante ? ré-
péta le chevalier d'un air si ingénument
étonné que Ponte-Maggiore murmura
Oh mais. il ne l'aime donc pas Y.
Mais alors ceci change bien les choses
Pardaillan reprit
Où se trouve la princesse Fausta, en
ce moment ? Y
La princesse est en route pour l'Espa-
gne.
L'Espagne 1 songea Pardaillan, le pays
de l'Inquisition Le génie ténébreux de
Fausta devait fatalement se tourner vers
cette sombre institution de despotisme.
oui, c'était fatal
La princesse porte à Sa. Majesté Catho-
lique un document qui doit assurer le trône
de France à Philippe d'Espagne.
Le trône de France ?. Peste mon-
sieur. Et qu'est-ce donc, je vous prie, que ce
document qui livre ainsi tout un pays ?
Une déclaration du feu roi Henri troi-
sième, reconnaissant Philippe II pour uni-
que héritier.
Un instant, Pardaillan resta plongé dans
j nne profonde méditation, puis relevant sa
tête fine et narquoise
Est-ce tout ce que vous aviez à me dire
t de la part de Sa Sainteté ?
C'est tout, monsieur.
En ce cas, veuillez m'excuser, mon-
sieur, mais S. M. le roi Henri m*at-
tend, comme vous savez. Veuillez donc
transmettre à Sa Sainteté l'expression de
ma reconnaissance pour le précieux avis
qu'elle a bien voulu me faire passer et
agréer pour vous-même les remerciements
de votre très humble serviteur.
Henri IV avait accueilli la communication
de Ponte-Maggiore avec une impassabilité
toute royale, mais en réalité, le coup était
terrible et à l'instant il avait entrevu les
conséquences funestes qu'il pouvait avoir
Il avait aussitôt convoqué en conseil secret
ceux de ses fidèles qu'il avait sous la main
et lorsque le chevalier fut introduit, il trou-
va auprès du roi Rosny, du Bartas, Sancy
et Agrippa d'Aubigné, accourus en hâte.
Dèsque le chevalier eut pris place, le roi,
qui n'attendait que lui, fit un résumé de son
entretien avec Ponte-Maggiore et donna lec-
ture de la copie que Sixte-Quint lui avait
fait remettre.
Pardaillan, qui savait à quoi s'en tenir,
uavait pas bronché. Mais chez les quatre
conseillers ce fut un moment de stupeur in-
dicible aussitôt suivi de cette explosion
Il faut arrêter ce parchemin en rou-
te Il faut le détruire
Seul, Pardaillan ne dit rien. Alors le roi
qui ne le quittait pas des yeux
Et vous, monsieur de Pardaillan, que
dites-vous ?
Je dis comme ces messieurs, .sire Il
faut reprendre ce parchemin ou c'en est fait
de vos espérances, dit froidement le cheva-
lier.
Le roi approuva d'un signe de tête, et
fixant le chevalier comme s'il eût voulu lui
suggérer la réponse qu'il souhaitait, il mur-
mura
Quel sera l'homme assez fort, assez
audacieux, assez subtil pour mener à bien
une telle entreprise ?
D'un commun accord, comme s'ils se fus-
sent donné le mot, Rosny, Sancy. du Bar-
tas, d'Aubigné se tournèrent vers Pardail-
lan. Et cet hommage muet, venu d'hommes
illustres ayant donné des preuves éclatantes
de leur mérite à la guerre ou dans l'intri-
gue, cet hommage fut si spontané, si sin-
cère que le chevalier se sentit doucement
ému. Mais se raidissant, il répondit avec
cette simplicité si remarquable chez lui
Je serai donc celui-là.
Vous consentez donc ? Ah 1 chevalier,
s'écria le Béarnais, si jamais je suis roi.
roi de France. je vous devrai ma cou-
ronne
Eh sire vous ne me devrez rien.
Et avec un sourire étrange
Mme Fausta, voyez-vous, est une an-
cienne connaissance à moi à qui je ne serai
pas fâché de dire deux mots.. Je tâcherai
donc de faire en sorte que ce document n'ar-
rive jamais aux mains de Sa Majesté Catho-
lique. Quant aux moyens à employer.
Monsieur, interrompit vivement le roi,
ceci vous regarde seul. Vous avez pleins
pouvoirs.
Pardaillan eut un sourire de satisfaction.
Le roi réfléchit un instant, et
Pour faciliter autant que possible l'exé-
cution de cette mission forcément occulte,
mais qui doit aboutir coûte que coûte, il est
nécessaire que vous soyez couvert par une
autre mission, officielle, celle-là En consé-
quence, vous irez trouver le roi Philippe
d'Espagne et vous le mettrez en demeure
de retirer les troupes qu'il entretient dans
Et se tournant vers son secrétaire
Rusé, préparez des lettres accréditant
M. le chevalier de Pardaillan comme notre
ambassadeur extraordinaire auprès de S. M.
Philippe d'Espagne. Préparez, en outre, des
pleins pouvoirs pour M. l'ambassadeur.
Pardaillan, mélancolique et résigné, son-
geait
-Allons il était écrit que je finirais dans
la peau d'un diplomate Mais que dirait
monsieur mon père si, sortant du tombeau,
il voyait son fils promu à la dignité d'am-
bassadeur extraordinaire ?
Et à cette pensée, un sourire ironique ar-
quait le coin de sa lèvre moqueuse.
Combien d'hommes désirez-vous que je
mette à votre disposition ? reprenait le roi.
Des hommes Pourquoi faire, sire ?.
fit Pardaillan avec son air naïvement éton-
né.
Comment, pourquoi faire ?. s'écria le
roi sfupéfait. Vous ne prétendez pourtant
pas entreprendre cette affaire-là seul ? Vous
ne prétendez pas lutter seul contré le roi
d'Espagne et son inquisition ?. Vous ne
prétendez pas enfin, et toujours seul, dispu-
ter la couronne de France à Philippe pour
me la donner à moi ?.
Ma foi, sire, répondit le chevalier avec
un flegme imperturbable, je ne prétends
rien Mais il est de fait que si je dois
réussir dans cette affaire, c'est seul que je
réussirai. C'est donc seul que je l'entre-
prendrai, ajouta-t-il froidement, en fixant
sur le roi un oeil étincelant.
Ventre-saint-gris cria le roi suffoqué.
Pardaillan s'inclina pour manifester que
sa résolution était inébranlable.
Le Béarnais le considéra un moment avec
une admiration qu'il ne chercha pas à ca-
cher. Puis ses yeux se portèrent sur ses
conseillers, muets de stupeur, et enfin il leva
les bras en l'air dans un geste qui signi-
fiait '̃̃•̃̃:
Après tout, avec ce diable d'homme, il
faut s'attendre à tout, même à l'impossible.
Et à Pardaillan, qui attendait très calme,
presque indifférent
Quand comptez-vous partir ?
A l'instant, sire.
Ouf Voilà un homme, au moins L..
Touchez-là. monsieur.
Pardaillan serra la main du roi et sortit
aussitôt, suivi de près par de Sancy, à qui
le roi venait de donner un ordre à voix
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.58%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.58%.
- Collections numériques similaires Prisse d'Avennes Émile Prisse d'Avennes Émile /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Prisse d'Avennes Émile" or dc.contributor adj "Prisse d'Avennes Émile")
- Auteurs similaires Prisse d'Avennes Émile Prisse d'Avennes Émile /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Prisse d'Avennes Émile" or dc.contributor adj "Prisse d'Avennes Émile")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 2/8
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k570367b/f2.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k570367b/f2.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k570367b/f2.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k570367b/f2.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k570367b
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k570367b
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k570367b/f2.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest