Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-06-21
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 21 juin 1910 21 juin 1910
Description : 1910/06/21 (Numéro 9611). 1910/06/21 (Numéro 9611).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/05/2008
Vingt-Septième Année. N° 9611 n
SEUL JOURNAL FRANÇAIS RELIANT PAR SES FILS SPECIAUX LES QUATRE PREMIÈRES CAPITALES DU 6L0BE
n Mardi 21 Juin 1910
Un déluge a ravagé
la Suède, le Tyrol,
les pays du Rhin, la Belgique,
la Transylvanie, la Serbie,
l'Arménie
Le déboisement n est pour rien
La forêt aggrave les inondations
ou Jieu de les atténuer
Après Paris, voici maintenant la
Suisse, le Tyrol, les pays du Rhin, la
Belgique, la Transylvanie, la Serbie,
voirie même l'Arménie ravagés par de
calamiteuses inondations. Par son éten-
due comme par sa violence, le 'désastre
dépasse en horreur celui qui nous a
frappés, il y a cinq mois. La formidable
crue que nous avons subie eh janvier
dernier était celle d'un fleuve tranquille.
Or la plupart des rivières qui, dans les
pays voisins, viennent de déborder sont
des torrents, c'est-à-dire des cours d'eau
dont le courant peut être vingt fois plus
rapide. que celui de la Seine en temps
ordinaire,qui charrient non plus sim-
plement' des barriques 'et des madriers,
mais des quartiers de: roche, et dont le
niveau monte d'un mètre et plus à
l'heure, alors que notre fleuve employait
un jour.pour s'élever de cette quantité.
Aussi bien, en de nombreuses localités
de Suisse, du Tyrol et de Transylvanie,
maisons, usines, ponts ont été empor-
tés par ces courants de foudre, les cul-
tures détruites, le sol raviné et décapé.
Bref, dans les régions récemment frap-
pées, c'est la destruction et la ruine
pour plusieurs années. Et non seule-
ment les dégâts matériels sont énormes,
mais encore de nombreuses vies humai-
nes ont été perdues. Si les premières
statistiques ne sont pas exagérées, seu-
lement en Suisse et en Autriche-Hon-
grie, c'est à plusieurs centaines que
s'élève le nombre des victimes de ces
nouvelles inondations.
Quélle a été la cause de ce cataclysme
calamiteux ? Tout simplement le même
phénomène météorologique que celui
qui a déterminé la montée de la Seine
en janvier des "pluies diluviennes.
Pour expliquer le mécanisme du phé-
nomène, examinons sa marche en Suis-
se, dont la topographie nous est fami-
lière. Comme ot! le sait, au-dessus de
ce que l'on appelle la plaine suisse, les
Alpes -s'élèvent en un rempart' abrupt
orienté sud- ouest-nord-est. Rencon-
trant ce relief, les caurants aériens s'élè-
vent* pour le iranchir en montant, ils
se dilatent, et en se dilatant, ils se re-
froidissent et par suite laissent tomber
toute l'eau dont i's sont chargés.. Les
montagnes' ont la propriété d'exprime
l'eau des nuages, pourrait-on dire. En
raison de cette circonstance, le front
nord-ouest des Alpes est la région la
plus pluvieuse de la. Suisse, comme
nombre, dé touristes ont pu en faire
l'expérience. Combien en effet ont gravi
1e Righi ou le Pilate, dans l'espérance
d'embrasser un magnifique panorama,
et n'ont contemplé de, ces sommets, fa-
meux qu'une mer de nuages fondant en
C'est ce phénomène normal qui s'est
produit la semaine dernière, et qui ex-
plique en même temps que seul le ver-
sant nord des Alpes ait été ravagé. Ce
qui est anormal, c'est l'ampleur et l'in-
tensité de cette manifestation météoro-
logique. Au lieu d'être localisée sur
quelques points, comme, cela a lieu gé-
néralement, la pluie s'est abattue en
même temps sur tout le front des Alpes,
depuis Berne jusqu'au lac de Cons-
tance, et même plus à l'est, dans le Ty-
rol bavarois: et. partout les nuées ont
déchargé de véritables trombes. Les
fauteurs d'eau enregistrées aux pluvio-
mètres sont fantastiques. En vingt-qua-
tre*J heures, à Zurich 50 millimètres
au Righi, 198 au Senties, 183 Traduits
en langage clair, ces nombres signifient
qu'un jour il est tombe à Zurich 50 li-
tres d'eau par mètre carré; au Righi,
198, et au Saentis, 183. Prenant la va-
leur maximum, celle du Righi, cela fait
8 litres de pluie reçus à l'heure par mè-
tre superficiel. Un véritable déluge
Comme en janvier dernier dans le
bassin de la Seine, les effets de cette
pluviosité excessive ont été multipliés
par l'état de saturation du sol 'sur lequel
élle s'est produite. Nous sommes actuel-
lement à l'époque de la fonte des neiges
dans les Alpes. Sur les pentes inférieu-
res, elles ont déjà disparu, mais en lais-
sant le sol gonflé d'eau; par suite, le
terrain n'a pu absorber, là où il était
perméable, qu'une partie infime des
averses qu'il a reçues. D'autre part, les
couches épaisseâ qui garnissaient en-
core les pentes supérieures se sont li-
quéfiées en grande partie sous l'in-
fluence de ces douches tièdes. L'effet a
été le même que si, pendant la chute de
ces pluies diluviennes, on eût ouvert
les vannes des réservoirs installés sur
teûrs sommets.
Sollicitées par des pentes très décli-
ves, les eaux se sont précipitées vers
les vallées, en produisant les accidents
v habituels de la torrentialité, que nos fo-
restiers ont -si bien étudia et contre,
lesquels, trop souvent, ils luttent en
vain. En quelques heures, 'es moindres
ruisseaux sont devenus des mascarets
Vertigineux, enlevant et rasant tout sur
leur passage. En même temps, sous la
poussée de ces eaux sauvages, des pans
de rochers se décollaient et roulaient
en avalanches, tandis qu les argiles
imbibées « foiraient » et que les terres
délayées fluaient. De là ces nombreux
éboulements meurtriers meitionnés
dans les dépêches.
Ces ^précipitations ayant été généra-
les sur le front nord-ouest des Alpes,
tous les torrents de cette région sont
entrés en même temps en crue et ont
dégorgé à la fois des trombes d'eau dans
leurs deux grands collecteurs le Rhin
supérieur, et l'Aar. Grossi par ses af-
fluents, le Rhin supérieur a déversé une
jréritaWe marée dans le teo de Gpas-.l
LE MAT1H ORGANISE LA PREMIÈRE-COURSE DE L'AIR
lOOpod francs
V 'aéroplane a traversé les villes, passé les forêts,
franchi la Manche
MAIS IL A CHOISI SON JOUR
Le "Matin "choisit 6 jours et 6 parcours
Et dit 1 00,000 FRANCS à l'aéroplane qui marchera
ces- six jours et qui ira le plus vite
Six semaines seulement nous séparent, du Circuit de L'Est.
D.ans six semâmes les habitants de Troy es, de ÏÏdncyù de* Douai ou
d'Amiens, les montagnards des Vosges. et .les, paysans champenois verront,
.quelque matin à l'aube, ou quelque soir au coucher du soleil., passer au-dessus
de leur tête une troupe de grands oiseaux blancs ce seront; les' aéroplane,s du
Circuit du Matin, qui s'en iront de Paris à Troy es, de Troyes à Nancy, de Sancy
à MézicresJCharleville,de Mèzièrcs-Charleville à Douai, de Douai à Amiens, et
d'Amiens à Paris
Ce que nous' avons voulu [aire, vous le savez, afhislectei.tr s, ou vous l'avez
deviné. Nous avons d'abord voulu démontrer d'une façon éclatante tous que
l'aéroplane, cette invention française; qui a vu Le jour en France, qui porte la
marque du génie français, était définitivement entré dans le domaine, de la réa-
Lisation pratique.
« C'est dans tair dit une, de nos vieilles locutions f amilières. L'aéjo-
plane sera évidemment toujours « dans l'air » mais.il est aussi un peu mieux
quc ddns l'air. Il commence déjà à ëtrè asservi à la volonté de L'homme, ei dans
quelques années, il sera entre ses mains le même jo-uet docile que l'axitovnobile
ou le sous-marin. Est-il téméraire d'affirmer qu'une épreuve comme. celle du
Circuit de l'Est hâtera l'heure du compLet apprivoisement de L'oiseau .encore
indocile, aura raison de ses dernières résistances, de sa suprême révolte.
Nous avons ensuite voulu, dans une certaine mesure et seLon nos mary-ens, ̃
contribuer à l'outillage moderne de notre défense nationale. On, sait quel.mcr-
veilleux engin de guerre l'aéroplane sera un jour, quels- service il pourra'ren-
dre pour l'amélioration du terrain, pour la reconnaissan.ee en pays ennemi,-
pour la transmission des ordres. La-dessus, tous les techniciens- sont d'accord.
De l'autre côté de la frontière, ils ont dé\à toute une flotte de, dirigeables.- Ils
aiment tout ce qui est grand, tout ce qui est imposant. Et leur tendance na-'
turelle devait les porter vers les énormes croiseurs de l'air, comme elle les a
portés vers les gigantesques cuirassés d'Océan. Ces -croiseurs, '.nous Les axerons
sans doute aussi un joue mais nous pouvons dès maintenant et rapidement
avoir une multitude de petits » aéroplanes, comme nous avons mie multi-
tude de petits » sous -marins: Et à qui pouvait-on miteux montrer Les services
que rendra l'aéroplane qu'à ces patriotiques populations de Vïlst, qui sont un
peu aujourd'hui comme le 'coeur de La France, et qui, depuis des sièclcf, en'
ont été le rempart naturel contre les incursions des barbares da Nord?
Un comité composé d'hommes éminents, choisis sans di.vtixœtion d'opi-
nions ou de partis, sous la, prestance de M. Paul Dovmer. œarirn président
de la Chambre des députés, diriaera, surveillera, contrôler le Circuit de l'Est.
C'est ce comité d'organisation qui aura la charge de tarcte l'organisation, et c'est
à lui que reviendra l'honneur de la réussite. Pour nous, nous ne réclamons que
le bénéfice moral de l'idée, heureux dépenser qu'elle n'aura pcu.t-être pas été
inutile au développement d'un des plus merveilleux outils de la civilisation^
et au lien de la nation? '̃̃ ̃
LE MATIN.
Le plan des étapes du circuit de ITBSt
VOIR EN QUATRIEME PAGE LE REGLEMENT DU CIRCUIT
tance. Ce bassin a e;n magasiné une par-
tie de ces apports, après avoir inondé,
il est vrai, les terres basses qui l'entou-
rent par suite, là crue du Rhin se se-
rait atténuée vers l'aval, sans l'Aar.
Drainant les bassins qui avaient reçu
le maximum de pluie; cette dernière ri7
vière a apporté dans le Rhin une énor-
me masse liquide et l'a de nouveau
transformé en torrent dévastateur qui a
fondu sur Baie et sur l'Alsace.
Très certainement, sous l'empire des
théories propagées en France dans ces
dernières années, on invoquera le dé-
boisement comme la cause de ces cala-
miteux débordements. Or les crues qu
viennent de ravager une partie de l'Eu-
rope apportent une nouvelle preuve que
les forêts ne constituent nullement un
palliatif des inondations, comme on se
plaît. l'affirmer: En effet, loin d'être
pelé et dénudé, le versant nord des Al-
pes, en Suisse comme en Tyrol; est re-
vêtu d'une bonne armature végétale, et
la Transylvanie forme un massif fores-
tier très dense. Bien plus, au lieu d'at-
ténuer les inondations, ainsi qu'on l'af-
'firme gratuitement, la forêt en aggrave,
au contraire, les ravages en montagne.
Il arrive en effet que les arbres déra-
cinés par le torrent s'amoncellent en
travers de son lit en barricades, der-
rière lesquelles ,les eaux s'accumulent
avec les monceaux de pierres et de boue
qu'elles charrient. Vienne une forte
poussée la digue ainsi formée cède, et
il se produit une débâcle très violente,
plus destructrice que si le flot s'était
écoulé librement.
Chercher à atténuer de pareils cata-
clysmes, peine perdue Le cycle des
manifestations géologiques n'est pas ter-
miné. Il y a quelques mois, la Seine
atteignait les dimensions qu'elle avait
à l'aube de l'humanité, et que, croyait-
on, elle ne pouvait récupérer. Aujour-
d'hui, un phénomène de même ordre
vient d'affecter une autre région de l'Eu-
rope. Il a été; par malheur, singulière-
ment meurtrier
Charles Rabot,
Membre du conseil de ia Société
PROPOS D'UN pARISIEN
Vous connaissez l'histoire du monsieur
qui rentre chez lui, affolé, et raconte à sa
femme, 'd'une voix haletante
C'est affreux Je viens d'échapper à
une mort atroce.
Ciel! Que t'est-il arrivé ?.
̃ Voici j'étais sur la plate-forme d*un
omnibus. Tout à coup un individu vêtu
en chasseur saute sar le marche-pied. Tu
comprends, il aurait pu avoir son fusil, ce
fusil aurait pu êtce chargé, le coup aurait
pu partir,et j'aurais pu être tué Oh la
la. je sens que je vais me trouver mal.
Vite, du vinaigre
Hier, unes brave dame, presque aussi
émue, me disait
Pensez que jiai failli prendre le train
samedi soir
Le train de Villepreux ?
-Non, le train de Bécon-les-Bruyères.
Enfin, cette épouvantable catastrophe au-
rait aussi bien pu se produire à Bécon
qu'ailleurs
Rien d'horrible, évidemment, comme la
tragédie de Villepreux. Mais il ne faut pas
généraliser ces accidents sont extrême
ment rares.
Nous avons eu à déplorer plusieurs acci-
dents de sons-marins mais l'an dernier
plus de dix mille plongées ont été faites
trois ou quatre aviateurs se sont tués, mais
des miïEers de vols ont été exécutés sans
anicroche. C'est ce que savent bien les
marins et les aviateurs. Nous leur ressem-
blons, nous aussi, qui ne sommes pourtant
pas des héros.
L'autre jour, je .suis allé attendre à la
gare une dame extrêmement impression-
nables, Elle descendait d'un rapide qui,
dans la nuit opaque, avait traversé; à cent
kilomètres à l'heure, des, forêts, dès soli-
tudes immenses, des agglomérations,bondi
par-dessus des fleuves, des torrents, des
précipices.
Qu'avez-vous fait, lui. demandai-je,
pendant le voyage ?
Moi ? .dit-elle, j'ai bien dormi.
Clément Vaptei^
LA CATASTROPHE DE VILLEPREUX
Où sont (es r esponsabiiités?
lie méeanieien LeduG se défend avee ealme
M. MILLBRAND ACCUSE LE MATÉRIEL DE L'OUEST
LEDDC
mécanicien du train tamponneur
? Argentan, 20 juin. Dépêche de notre
envoyé spécial. Après la catastro-
phe, le mécanicien Leduc et le chauffeur
Lecordier, de l'express de Granville, sont
partis tous deux pour Argentan, ce qui a
pu faire croire pendant quelques heures
qu'ils étaient en fuite. Il n'en était rien
tous deux sont blesses tous deux sont soi-
gnés ù leur domicile. A vrai dire, leurs bles-
sures sont peu graves, et pour Leduc, il ne
s'agit que de brûlures a la cuisse.
Depuis hier, l'un d'eux, Leduc, est pri-
sonnier. Un gendarme veille au chevet de
son lit. Il a fallu, dans l'après-midi d'au-
jourd'hui, quel le docteur Foucher, de la
Compagnie de l'Ouest, qui le visite, décla-
rât qu'il ne s'opposait pas au transfert du
prisonnier pour que M. le juge d'instruction
d'Argentan put le mettre à la disposition
de son collègue de Versailles.
Ensuite, la substitut du procureur de la.:
République d'Argentan, agissant en vertu
d'une commission rogatoire, s'est, rendu au
domicile de Leduc, lui ri fait subir tin. inter-
rogatoire d'identité et l'a: informé que de-
main matin, à sept heures, il serait expédié
à Versailles.
Prisonnier, envoyé à Versailles la dis-
position du juge d'instruction, Leduc n<
s'est pas troublé il n'a' soulevé aucune ob-
jection.
Je m'expliquerai, a-t-il dit, devant la
justice sur l'inculpation qui est relevée con-
tre moi.
Il s'est borné à déclarer au,substitut qu'il
n'était pas mécanicien, ainsi, qu'on le
croyait, mains seulement chauffeur de cin.
quième classe, autorisé d conduire.
L'enquête que nous avons pu, faire ici don-
ne sur Leduc les meilleurs renseignements.
Il appartient depuis «douze ans à la Compa-
gnie de, l'Ouest, Depuis trois mois, il fait
fonction de mécanicien, chargé des rempla-
cements, et'depuis quinze jours seulement,
il est affecté au service de l'express Paris-
Gran ville. C'est un chauffeur et non un mé-
canicien. Leduc est âgé de trente-cinq ans;
marié, père de famille il a trois enfants
un de neuf ans, un de cinq ans et un autre
de trois mois. Il demeure impasse du Crois-
sant, dans un petit logement, près de la
gare.
Chez Leduc,
La désolation règne dans le ménage du
mécanicien, au moment où nous lui rendons
visite. Autour de son lit sont groupés plu-
sieurs de, ses parents, employés à la Com-
pagnie de l'Ouest-Etat, venus de Granville,
de Dreux et de Paris pour lui:iapporter leurs
consolations. Tous front l'éloge de .Leduc au
point de vue professionnel. Ils le considè-
rent comme la victime d'un enchaînement
de circonstances, et tout en déplorant la ter-
rible catastrophe de samedi, ils affirment
que Leduc ne pouvait en aucune façon l'é-
viter.
Nous avons voulu tenir de la bouche mê-
me du mécanicien Je récit du terrible si-
nistre .̃'̃
Samedi matin j'avais conduit d'Argen-
tan à Paris l'express 456, de Granville. J'é-
tais arrivé à trois heures dix-neuf en gare
des Invalides. Durant ce voyage, l'injecteur
gauche de ma machine avait. eu, entre Ar-
gentan et Dreux, deux «: ratés ». J'avais dû
recourir à mon régulateur d'eau. Avec la
même machine je repartis à cinq heures
quatorze de la gare des Invalides pour con-
duire l'express jusqu'à Argentan, où un au-
tre mécanicien me remplace. Je devais m'ar-
réter seulement à Versailles. J'arrivai en
gare des Chantiers avec un léger retard. Il
fut encore augmenté par le chargement des
colis, très nombreux ce jour-là.
Je quittai donc les Chantiers" avec qua-
tre minutes de retard. En arrivant la
hauteur de la gare des Matelots, je remar-
quai que le signal avancé de Saint-Cyr
était à l'arrêt. Je serrai mes freins et je
ralentis mon allure jusqu'à 300 mètres de
la station. Là, je vis le second. signal. Il
marquait Il voie libre ». Dans ces condi-
tions, je n'avais plus à tenir compte du si-
gnal avancé, et je repris ma vitesse que
j'amenai à 30 ou 35 kilomètres à l'heure
J'augmentai celle-ci peu à peu, pour donner
au convoi son allure réglementaire. J'avais
d'ailleurs à, rattraper mpn retard.
Quelques minutes après avoir brûlé la
station de Saint-Cyr, je devais rencontrer,
avant Villepreux, deux autres signaux pla-
cés, l'un, rond, sur potence, à 300 mètres
environ de l'embranchement des voies, vers
Chartres et' vers Granville l'autre, carré
et automatique, à rembrancHIment mênie.
Le premier sert d'avertissement pour .-le si-
gnal suivant, dont' il' reproduit Ia position.
Ces deux signaux me donnant également
voie, libre, je passai en augmentant, ma vi-
tesse, pour arriver à atteindre les, 102 ki-
lomètres que j,ayais au moment de lâ colli-
sion. J'étais alors à égale distance de
Saint-Cyr et de Villepreux-lés-Clayes, est
je m engageai dans les courbes de la rampe
qui aboutit à cette dernière station.
» L'injecteur droit de ma machine était en
service et fonctionnait irrégulièrement.L'ex-
cédent de vapeur qui s'en échappait m'en-
veloppait et gênait ma manœuvre. En outre
j'avais besoin d'eau dans nia chaudière, et
pour en amener je devais utiliser le deuxiè-
me injecteur. Je devais aussi, pour faire
fonctionner cet appareil, refouler de la va-
peur vers les caisses il eau, afin d'enlever la
crasse qui pouvait se trouver dans le tuyau
d'injection.
» Tout en procédant cette opération, je
me rendais compte de ma position sur la
voie.. Je ne pouvais alors apercevoir le si-
gnal avancé de Villepreux pour plusieurs
raisons tout d'abord le soleil m'aveuglait,
ensuite la vapeur formait un brouillard au-
tour de la machine, et d'ailleurs le signal
était encore trop éloigné. Je me remis donc
travailler et je tentai d'amorcer mon
deuxième injecteur. Très absorbé par ce tra-
vail, je dépassai le signal. Etait-il ouvert ?
Etait-il fermé ? Je l'ignore.
Dans la courbe
nJ'arrivai à la courbe de Viïlepreux. A cent
mètres de la station, '«>:sl-à-dire à, .l'extré-
mité du -quai, j'aperçus le drapeau rouge
agité pour couvrir le train -167. Ma position
dans le plus grand rayon ne m'avait pas
permis de le voir plus tôt. Or je marchais à
102 kilomètres à l'heure, et là distance fut
vite franchi, bien que. j'eusse aussitôt blo-
qué mes freins.
» L'express arriva comme une trombe sur
l'arrière du train 467. Le choc se produisit,
épouvantable. Ma machine, arrêtée dans
son élan, se cabra d'abord pour se renver-
ser ensuite sur le flanc droit. Je fus projeté
sur mon chauffeur, et nos corps se trouvè-
rent engagés sous des débris'de foutes sor-
tes. ̃
Sous la locomotive
» Nous étions aveuglés par la fumée, la
poussière du charbon écrasé et celle qui avait
été soulevée par le ohoc. La vapeur qui
s'échappait de tous côtés nous causait de
terribles brûlures.
v Il En rampant, je parvins il me tirer de
cette 'position. J'aidai mon chauffeur à en
sortir. Puis, nous nous dirigeâmes vers la
gare, pour le cas où l'on aurait besoin de
nous.
» Le plus grand affolement y régnait, les
trains brûlaient, les blessés poussaient des
clameurs effroyables. J'aurais voulu leur
porter secours, mais les brûlures de ma jam-
be m'immobilisaient.
n ,Je restai ainsi, accoudé au passage, à ni-
veau, jusqu'à huit heures du soir, m'effor-
çant de garder mc>n:; sans-froid. Puis à ce
m.omeitt un. prêtre, aya.nl pansé mes plaies,
je pris le premier train popr Dreux et Argen-
tan, ou j'arrivai à quatre heures: et demie.
» Voila les faits. (Ju'pn les juge en toute
indépendancp. J'affirme qu'aucun signal ne
me fut donné par drapeau, sauf celui que
j'aperçus à >^nt mètres à peine du train.
On ne posa pas non plus ,de pétards sur la
voie. J'ai en jna pqssèssion la lettre d'un
employé, chargé d'en poser un certain nom-
bre afln d'attirer mon attention. Il déclare
que la vitesse à laquelle mon convoi mar-
chait l'avait .empêché de remplir sa tâche. n
Le chauffeur Lecordier
Nous avons pu voir te chauffeur Lecor-
dier au moment où le juge d'instruction ve-
nait, sur commission rogatoire de son col-
lègue de Versailles, de recueillir son té-
moignage. M. Lecordier est gravement brûlé
au visage et presque sur toutes les parties
du corps. Le repos le plus absolu lui est
prescrit. Aussi n'a-t-il pu que nous confir-
mer ,la courte déclaration qu'il fit au juge.,
ElleAt d'ailleurs conforme à celle'du mé-
canicien. lecordier, pendant le trajet de
Saint-Cyr à Viïlepreux fut exclusivement oc-
cupé à casser du charbon. Il ne s'occupait
pas dés signaux. Quand il eut fihi sa'beso-
gne, le train entrait dans là courbe de Ville-
preux. Lecordier aperçut à 80 mètres du
train le drapeau rouge agité par un em-
ployé. Alors il cria à sori mécanicien
Nous attrapons dans le train 1
Le mécanicien avait renversé la vapeur,
mais il était trop tard.
NOTRE ENQUÊTE
La catastrophe de Villepreux engage une
double responsabilité. D'une part, celle du
chef de gare et du mécanicien ont-ils ap-
,pliqué toutes les prescriptions des règle-
mènts Et d'autre part, celle de ces règle-
ments eux-mêmes, dont on peut se deman-
der s'ils assurent aux voyageurs le maxi-
mum de sécurité.
Il est nécessaire da dira ici comment la
gare de Villepréux est protégée. Deux dis-
es la couvrent l'un à 50 mètres l'autre,
dit « disque avancé », à 1,800 mètres. Lors-
que ce dernier se trouve fermé, un train
venant de Paris ne doit pas stopper, mais
ralentir suffisamment. sa .marche pour pou-
voir s'arrêter en l'espace de quelques mè-
tres devant le second disque, si le signal le
lui indique.
Or de l'enquête menée il'résulte 1° que
le chef de gare de Villepreux a fait tout son
devoir, puisque, pour couvrir le convoi en
détresse, il a fermé les deux disques
2° que le mécanicien Leduc a u brûlé » le
signal avancé, ce qui le mettait dans l'im-
possibilité matérielle dé stopper avant la
gare. Il est donc, réglementairement, la
cause unique de l'accident.
Il reste enfin une dernière question celle
de la défectuosité du matériel. Si la locomo-
tive du premier train n'avait pas subi d'ava-
rie, rien ne serait arrivé. Or cette lbcomotive
datait de 1867
M. Millerand,' ministre des travaux pu-
blics, a fait à ce sujet la déclaration sui-
vante
Le matériel de l'Ouest, dont l'Etat a hé-
rité, était dans un délabrement tel qu'aussi-
tôt l'inventaire terminé, j'ai crû devoir avi-
ser la Chambre, afin de dégager notre rès-
ponsabilité.
» Le temps nous a manqué encore pour
procéder à la reconstitution nécessaire.
Soyez'assuré que nous nous y employons
activement. » ̃'̃̃•;•
Le ministre a. ajouté, sur la catastrophe
elle-méme, qu'il saurait tenir compte der
tristes enseignements qu'elle comportait, et
pour 1 faire rechercher les modifications et
améliorations à apporter la protection des
trains et au service d'incendie:
Le chef de gare Cozic
M. Rozenfeld, juge d'instruction il Ver-
saîlles, a poursuivi hier acres-midi son en-
guète la gare de Vitteprêiu. Le joagietrat
Phot.. « Matin
M. COZIC
le chef de gare de Villepreux.
a entendu un certain nombre de témoins,
parmî lesquels les hommes d'équipe Verger
et I)ebove, chargés d'assurer la protection
du train en panne au moyens de leurs si-
gnaux, et le chef de gare, M. Cozic.
Le juge, nous déclara-t-il, a pu.se con-
vaincre à nouveau que. les responsabilités
de l'accident n'incombaient nullement au
personnel de la gare de, Viïlepreux.
Nous avons pu converser quelques ins-
tants avec M. Cozic, au moment où le juge
venait de le quitter. Le pauvre homme est
peine remis encore de l'effroyable se-
cousse morale qu'il, a éprouvée. pâle, les
jambes flageolantes. la parole, basse et
mal assurée, M. Cozic nous reçoit en pré-
sence de sa femme et de sà jeune fille,
dans la petite, salle à manger, où on la
transporta. samedi soir, lorsque, comme
fiappé de la foudre, après l'horrible vision,
il fut venu s'affaisser au bas de Tesca-
lier.
Je ne puis pas vous dire (Trqnd'chose,
prononce, l'air un peu égaré encore, l'hum-
ble et brave'fonctionnaire. C'est à peine si
en rassemblant mes souvenirs' Voici. Il
était six heures. r!, demie. Je venais da
rentrer dans mon Bureau pour télégraphier,
demandant qu'on .nl'envoyùt un pilote de
secours pour lé train en souffrance. Je ve-
nais de terminer, lorsque je perçus la cla-
meur énorme, déchirante de la foule « Le
train 'L'express Voilà l'express
» Puis le convoi, qui arrivàit en trombe,
des hurlements d'épouvante, de ,douleur.
Et nuis. et puis. »
Cadavres anonymes
Sept cercueils voilà ce qu'on a pu em-
plir avec les restes informes arrachés, aux
décombres, calcinés, broyés, méconnaissa-
bles, impossibles à identifier sur iepr seul
aspect, Et maintenant que la liste des morts
reconnus, des' morts que l'horrible trépas
n'avait point entièrement défigurés, est dé-
finitivement établie, les autorités chargées
de procéder au sinistre bilan s'effarent du
nombre des disparitions qu'on leur signale.
Combien chacun des cercueils contiendrait-
il donc de cadavres ?
Sur chacun des cercueils sans nom qui
attendent dans la chapelle ardente, un nu-
mérd d'ordre a été inscrit. D'autre part, des
vêtements et objets de. tontes sortes trou-
vés' sur chacun dés débris humains' anony-
mes ou près d'eux, il a été fait un lot
que l'on a soigneusement, pieusement il
faut, le dire recueilli, empaqueté et nu-
méroté. Les numéros des lots correspon-
dent à ceuxdes cercueils,' et c'est ainsi, que
pourront, approximativement hélas se
poursuivre les reconnaissances.
MM. Crimail, chef d'arrondissement, et
Touchard, inspecteur du mouvement, assis-
tés d'un brigadier de gendarmerie, de deux
gendarmes et de quelques employés, sont
préposés à ces pénibles fonctions. Tous s'en
acquittent avec une minutie et une délica-
tesse parfaites.
Dans le hangar où sont rangés les funè-
bres « lots », ce fut tout l'après-midi d'hier,
un défilé incessant d'hommes, de femmes,
d'enfants éplorés. Dans l'affreuse atmor
sphère du réduit, ils entraient, tour à tour,
refoulant leurs sanglots, pour répondre aux
questions des autorités, pour palper de
leurs mains tremblantes, les pauvres loques
souillées et fétides, qui avaient. été de frin-
gantes coiffures, de légères" toilettes, les
pauvres bijoux bosselés, brisés, ternis, dont
les disparus s'étaient naguère parés avaq
joie.
Et, par instant, un cri de désespoir, un
gémissement de douleur. « C'est lui "C'est
elle » La liste funèbre allait compter un
nom de plus.
Plusieurs furent reconnus ainsi: trois d'un
coup, trois de la même famille M. Albert
Leriche, employé au ministère des finances,
demeurant 10, rue Beaugrenelle, avait pria
place, samedi soir, dans le train fatal, avec
sa jeune femme, âgée de vingt-deux ans, ses
déux fillettes, Simonne, deux ans, et un bébé
de quelques mois, est sa mère, âgée d'une
soixantaine d'années. Sa femme, sa mère et
sa petite Simonne sont mortes. Le malheu-
reux n'en peut plus douter maintenant, pas
plns que son frère, pas plus que les amis
venus pour l'assister en cette atroce circons-
tance.
M. Duboeq, de Gallois (Seine-et-Oise),
n'avait plus. de nouvelles de sa femme, née
Marie Thibault,' trente-trois ans, depuis la
catastrophe. Il .vient de la reconnaître à un
bandage herniaire qu'elle portait, à un pa-
nier qu'elle avait pris en partant.
Mlle Laure Grichois, cinquante ans, ven-
deuse, rue du Sentier s'était embarquée
samedi après-midi, à' la gare des Invalides,
dans l'express tamponne îr comme tous
les samedis, elle se rendait Chez sa soeur, à
Dreux. Sa famille l'attendit en vain toute
la nuit à la gare de Dreux. Dimanche, sa
sœur, en apprenant la catastrophe, prit lé
train pour Villepreux. On ne put lui don-
ner aucun renseignement à ce moment-là
alors elle reprit le train pour 'Paris et.'sa
rendit, 13, rue de Béarn, au domicile de la
disparue. On n'avait point eu de ses nou-
velles denuis samedi
Hier, des Darenta de Mlle Laure Grichoi^
SEUL JOURNAL FRANÇAIS RELIANT PAR SES FILS SPECIAUX LES QUATRE PREMIÈRES CAPITALES DU 6L0BE
n Mardi 21 Juin 1910
Un déluge a ravagé
la Suède, le Tyrol,
les pays du Rhin, la Belgique,
la Transylvanie, la Serbie,
l'Arménie
Le déboisement n est pour rien
La forêt aggrave les inondations
ou Jieu de les atténuer
Après Paris, voici maintenant la
Suisse, le Tyrol, les pays du Rhin, la
Belgique, la Transylvanie, la Serbie,
voirie même l'Arménie ravagés par de
calamiteuses inondations. Par son éten-
due comme par sa violence, le 'désastre
dépasse en horreur celui qui nous a
frappés, il y a cinq mois. La formidable
crue que nous avons subie eh janvier
dernier était celle d'un fleuve tranquille.
Or la plupart des rivières qui, dans les
pays voisins, viennent de déborder sont
des torrents, c'est-à-dire des cours d'eau
dont le courant peut être vingt fois plus
rapide. que celui de la Seine en temps
ordinaire,qui charrient non plus sim-
plement' des barriques 'et des madriers,
mais des quartiers de: roche, et dont le
niveau monte d'un mètre et plus à
l'heure, alors que notre fleuve employait
un jour.pour s'élever de cette quantité.
Aussi bien, en de nombreuses localités
de Suisse, du Tyrol et de Transylvanie,
maisons, usines, ponts ont été empor-
tés par ces courants de foudre, les cul-
tures détruites, le sol raviné et décapé.
Bref, dans les régions récemment frap-
pées, c'est la destruction et la ruine
pour plusieurs années. Et non seule-
ment les dégâts matériels sont énormes,
mais encore de nombreuses vies humai-
nes ont été perdues. Si les premières
statistiques ne sont pas exagérées, seu-
lement en Suisse et en Autriche-Hon-
grie, c'est à plusieurs centaines que
s'élève le nombre des victimes de ces
nouvelles inondations.
Quélle a été la cause de ce cataclysme
calamiteux ? Tout simplement le même
phénomène météorologique que celui
qui a déterminé la montée de la Seine
en janvier des "pluies diluviennes.
Pour expliquer le mécanisme du phé-
nomène, examinons sa marche en Suis-
se, dont la topographie nous est fami-
lière. Comme ot! le sait, au-dessus de
ce que l'on appelle la plaine suisse, les
Alpes -s'élèvent en un rempart' abrupt
orienté sud- ouest-nord-est. Rencon-
trant ce relief, les caurants aériens s'élè-
vent* pour le iranchir en montant, ils
se dilatent, et en se dilatant, ils se re-
froidissent et par suite laissent tomber
toute l'eau dont i's sont chargés.. Les
montagnes' ont la propriété d'exprime
l'eau des nuages, pourrait-on dire. En
raison de cette circonstance, le front
nord-ouest des Alpes est la région la
plus pluvieuse de la. Suisse, comme
nombre, dé touristes ont pu en faire
l'expérience. Combien en effet ont gravi
1e Righi ou le Pilate, dans l'espérance
d'embrasser un magnifique panorama,
et n'ont contemplé de, ces sommets, fa-
meux qu'une mer de nuages fondant en
C'est ce phénomène normal qui s'est
produit la semaine dernière, et qui ex-
plique en même temps que seul le ver-
sant nord des Alpes ait été ravagé. Ce
qui est anormal, c'est l'ampleur et l'in-
tensité de cette manifestation météoro-
logique. Au lieu d'être localisée sur
quelques points, comme, cela a lieu gé-
néralement, la pluie s'est abattue en
même temps sur tout le front des Alpes,
depuis Berne jusqu'au lac de Cons-
tance, et même plus à l'est, dans le Ty-
rol bavarois: et. partout les nuées ont
déchargé de véritables trombes. Les
fauteurs d'eau enregistrées aux pluvio-
mètres sont fantastiques. En vingt-qua-
tre*J heures, à Zurich 50 millimètres
au Righi, 198 au Senties, 183 Traduits
en langage clair, ces nombres signifient
qu'un jour il est tombe à Zurich 50 li-
tres d'eau par mètre carré; au Righi,
198, et au Saentis, 183. Prenant la va-
leur maximum, celle du Righi, cela fait
8 litres de pluie reçus à l'heure par mè-
tre superficiel. Un véritable déluge
Comme en janvier dernier dans le
bassin de la Seine, les effets de cette
pluviosité excessive ont été multipliés
par l'état de saturation du sol 'sur lequel
élle s'est produite. Nous sommes actuel-
lement à l'époque de la fonte des neiges
dans les Alpes. Sur les pentes inférieu-
res, elles ont déjà disparu, mais en lais-
sant le sol gonflé d'eau; par suite, le
terrain n'a pu absorber, là où il était
perméable, qu'une partie infime des
averses qu'il a reçues. D'autre part, les
couches épaisseâ qui garnissaient en-
core les pentes supérieures se sont li-
quéfiées en grande partie sous l'in-
fluence de ces douches tièdes. L'effet a
été le même que si, pendant la chute de
ces pluies diluviennes, on eût ouvert
les vannes des réservoirs installés sur
teûrs sommets.
Sollicitées par des pentes très décli-
ves, les eaux se sont précipitées vers
les vallées, en produisant les accidents
v habituels de la torrentialité, que nos fo-
restiers ont -si bien étudia et contre,
lesquels, trop souvent, ils luttent en
vain. En quelques heures, 'es moindres
ruisseaux sont devenus des mascarets
Vertigineux, enlevant et rasant tout sur
leur passage. En même temps, sous la
poussée de ces eaux sauvages, des pans
de rochers se décollaient et roulaient
en avalanches, tandis qu les argiles
imbibées « foiraient » et que les terres
délayées fluaient. De là ces nombreux
éboulements meurtriers meitionnés
dans les dépêches.
Ces ^précipitations ayant été généra-
les sur le front nord-ouest des Alpes,
tous les torrents de cette région sont
entrés en même temps en crue et ont
dégorgé à la fois des trombes d'eau dans
leurs deux grands collecteurs le Rhin
supérieur, et l'Aar. Grossi par ses af-
fluents, le Rhin supérieur a déversé une
jréritaWe marée dans le teo de Gpas-.l
LE MAT1H ORGANISE LA PREMIÈRE-COURSE DE L'AIR
lOOpod francs
V 'aéroplane a traversé les villes, passé les forêts,
franchi la Manche
MAIS IL A CHOISI SON JOUR
Le "Matin "choisit 6 jours et 6 parcours
Et dit 1 00,000 FRANCS à l'aéroplane qui marchera
ces- six jours et qui ira le plus vite
Six semaines seulement nous séparent, du Circuit de L'Est.
D.ans six semâmes les habitants de Troy es, de ÏÏdncyù de* Douai ou
d'Amiens, les montagnards des Vosges. et .les, paysans champenois verront,
.quelque matin à l'aube, ou quelque soir au coucher du soleil., passer au-dessus
de leur tête une troupe de grands oiseaux blancs ce seront; les' aéroplane,s du
Circuit du Matin, qui s'en iront de Paris à Troy es, de Troyes à Nancy, de Sancy
à MézicresJCharleville,de Mèzièrcs-Charleville à Douai, de Douai à Amiens, et
d'Amiens à Paris
Ce que nous' avons voulu [aire, vous le savez, afhislectei.tr s, ou vous l'avez
deviné. Nous avons d'abord voulu démontrer d'une façon éclatante tous que
l'aéroplane, cette invention française; qui a vu Le jour en France, qui porte la
marque du génie français, était définitivement entré dans le domaine, de la réa-
Lisation pratique.
« C'est dans tair dit une, de nos vieilles locutions f amilières. L'aéjo-
plane sera évidemment toujours « dans l'air » mais.il est aussi un peu mieux
quc ddns l'air. Il commence déjà à ëtrè asservi à la volonté de L'homme, ei dans
quelques années, il sera entre ses mains le même jo-uet docile que l'axitovnobile
ou le sous-marin. Est-il téméraire d'affirmer qu'une épreuve comme. celle du
Circuit de l'Est hâtera l'heure du compLet apprivoisement de L'oiseau .encore
indocile, aura raison de ses dernières résistances, de sa suprême révolte.
Nous avons ensuite voulu, dans une certaine mesure et seLon nos mary-ens, ̃
contribuer à l'outillage moderne de notre défense nationale. On, sait quel.mcr-
veilleux engin de guerre l'aéroplane sera un jour, quels- service il pourra'ren-
dre pour l'amélioration du terrain, pour la reconnaissan.ee en pays ennemi,-
pour la transmission des ordres. La-dessus, tous les techniciens- sont d'accord.
De l'autre côté de la frontière, ils ont dé\à toute une flotte de, dirigeables.- Ils
aiment tout ce qui est grand, tout ce qui est imposant. Et leur tendance na-'
turelle devait les porter vers les énormes croiseurs de l'air, comme elle les a
portés vers les gigantesques cuirassés d'Océan. Ces -croiseurs, '.nous Les axerons
sans doute aussi un joue mais nous pouvons dès maintenant et rapidement
avoir une multitude de petits » aéroplanes, comme nous avons mie multi-
tude de petits » sous -marins: Et à qui pouvait-on miteux montrer Les services
que rendra l'aéroplane qu'à ces patriotiques populations de Vïlst, qui sont un
peu aujourd'hui comme le 'coeur de La France, et qui, depuis des sièclcf, en'
ont été le rempart naturel contre les incursions des barbares da Nord?
Un comité composé d'hommes éminents, choisis sans di.vtixœtion d'opi-
nions ou de partis, sous la, prestance de M. Paul Dovmer. œarirn président
de la Chambre des députés, diriaera, surveillera, contrôler le Circuit de l'Est.
C'est ce comité d'organisation qui aura la charge de tarcte l'organisation, et c'est
à lui que reviendra l'honneur de la réussite. Pour nous, nous ne réclamons que
le bénéfice moral de l'idée, heureux dépenser qu'elle n'aura pcu.t-être pas été
inutile au développement d'un des plus merveilleux outils de la civilisation^
et au lien de la nation? '̃̃ ̃
LE MATIN.
Le plan des étapes du circuit de ITBSt
VOIR EN QUATRIEME PAGE LE REGLEMENT DU CIRCUIT
tance. Ce bassin a e;n magasiné une par-
tie de ces apports, après avoir inondé,
il est vrai, les terres basses qui l'entou-
rent par suite, là crue du Rhin se se-
rait atténuée vers l'aval, sans l'Aar.
Drainant les bassins qui avaient reçu
le maximum de pluie; cette dernière ri7
vière a apporté dans le Rhin une énor-
me masse liquide et l'a de nouveau
transformé en torrent dévastateur qui a
fondu sur Baie et sur l'Alsace.
Très certainement, sous l'empire des
théories propagées en France dans ces
dernières années, on invoquera le dé-
boisement comme la cause de ces cala-
miteux débordements. Or les crues qu
viennent de ravager une partie de l'Eu-
rope apportent une nouvelle preuve que
les forêts ne constituent nullement un
palliatif des inondations, comme on se
plaît. l'affirmer: En effet, loin d'être
pelé et dénudé, le versant nord des Al-
pes, en Suisse comme en Tyrol; est re-
vêtu d'une bonne armature végétale, et
la Transylvanie forme un massif fores-
tier très dense. Bien plus, au lieu d'at-
ténuer les inondations, ainsi qu'on l'af-
'firme gratuitement, la forêt en aggrave,
au contraire, les ravages en montagne.
Il arrive en effet que les arbres déra-
cinés par le torrent s'amoncellent en
travers de son lit en barricades, der-
rière lesquelles ,les eaux s'accumulent
avec les monceaux de pierres et de boue
qu'elles charrient. Vienne une forte
poussée la digue ainsi formée cède, et
il se produit une débâcle très violente,
plus destructrice que si le flot s'était
écoulé librement.
Chercher à atténuer de pareils cata-
clysmes, peine perdue Le cycle des
manifestations géologiques n'est pas ter-
miné. Il y a quelques mois, la Seine
atteignait les dimensions qu'elle avait
à l'aube de l'humanité, et que, croyait-
on, elle ne pouvait récupérer. Aujour-
d'hui, un phénomène de même ordre
vient d'affecter une autre région de l'Eu-
rope. Il a été; par malheur, singulière-
ment meurtrier
Charles Rabot,
Membre du conseil de ia Société
PROPOS D'UN pARISIEN
Vous connaissez l'histoire du monsieur
qui rentre chez lui, affolé, et raconte à sa
femme, 'd'une voix haletante
C'est affreux Je viens d'échapper à
une mort atroce.
Ciel! Que t'est-il arrivé ?.
̃ Voici j'étais sur la plate-forme d*un
omnibus. Tout à coup un individu vêtu
en chasseur saute sar le marche-pied. Tu
comprends, il aurait pu avoir son fusil, ce
fusil aurait pu êtce chargé, le coup aurait
pu partir,et j'aurais pu être tué Oh la
la. je sens que je vais me trouver mal.
Vite, du vinaigre
Hier, unes brave dame, presque aussi
émue, me disait
Pensez que jiai failli prendre le train
samedi soir
Le train de Villepreux ?
-Non, le train de Bécon-les-Bruyères.
Enfin, cette épouvantable catastrophe au-
rait aussi bien pu se produire à Bécon
qu'ailleurs
Rien d'horrible, évidemment, comme la
tragédie de Villepreux. Mais il ne faut pas
généraliser ces accidents sont extrême
ment rares.
Nous avons eu à déplorer plusieurs acci-
dents de sons-marins mais l'an dernier
plus de dix mille plongées ont été faites
trois ou quatre aviateurs se sont tués, mais
des miïEers de vols ont été exécutés sans
anicroche. C'est ce que savent bien les
marins et les aviateurs. Nous leur ressem-
blons, nous aussi, qui ne sommes pourtant
pas des héros.
L'autre jour, je .suis allé attendre à la
gare une dame extrêmement impression-
nables, Elle descendait d'un rapide qui,
dans la nuit opaque, avait traversé; à cent
kilomètres à l'heure, des, forêts, dès soli-
tudes immenses, des agglomérations,bondi
par-dessus des fleuves, des torrents, des
précipices.
Qu'avez-vous fait, lui. demandai-je,
pendant le voyage ?
Moi ? .dit-elle, j'ai bien dormi.
Clément Vaptei^
LA CATASTROPHE DE VILLEPREUX
Où sont (es r esponsabiiités?
lie méeanieien LeduG se défend avee ealme
M. MILLBRAND ACCUSE LE MATÉRIEL DE L'OUEST
LEDDC
mécanicien du train tamponneur
? Argentan, 20 juin. Dépêche de notre
envoyé spécial. Après la catastro-
phe, le mécanicien Leduc et le chauffeur
Lecordier, de l'express de Granville, sont
partis tous deux pour Argentan, ce qui a
pu faire croire pendant quelques heures
qu'ils étaient en fuite. Il n'en était rien
tous deux sont blesses tous deux sont soi-
gnés ù leur domicile. A vrai dire, leurs bles-
sures sont peu graves, et pour Leduc, il ne
s'agit que de brûlures a la cuisse.
Depuis hier, l'un d'eux, Leduc, est pri-
sonnier. Un gendarme veille au chevet de
son lit. Il a fallu, dans l'après-midi d'au-
jourd'hui, quel le docteur Foucher, de la
Compagnie de l'Ouest, qui le visite, décla-
rât qu'il ne s'opposait pas au transfert du
prisonnier pour que M. le juge d'instruction
d'Argentan put le mettre à la disposition
de son collègue de Versailles.
Ensuite, la substitut du procureur de la.:
République d'Argentan, agissant en vertu
d'une commission rogatoire, s'est, rendu au
domicile de Leduc, lui ri fait subir tin. inter-
rogatoire d'identité et l'a: informé que de-
main matin, à sept heures, il serait expédié
à Versailles.
Prisonnier, envoyé à Versailles la dis-
position du juge d'instruction, Leduc n<
s'est pas troublé il n'a' soulevé aucune ob-
jection.
Je m'expliquerai, a-t-il dit, devant la
justice sur l'inculpation qui est relevée con-
tre moi.
Il s'est borné à déclarer au,substitut qu'il
n'était pas mécanicien, ainsi, qu'on le
croyait, mains seulement chauffeur de cin.
quième classe, autorisé d conduire.
L'enquête que nous avons pu, faire ici don-
ne sur Leduc les meilleurs renseignements.
Il appartient depuis «douze ans à la Compa-
gnie de, l'Ouest, Depuis trois mois, il fait
fonction de mécanicien, chargé des rempla-
cements, et'depuis quinze jours seulement,
il est affecté au service de l'express Paris-
Gran ville. C'est un chauffeur et non un mé-
canicien. Leduc est âgé de trente-cinq ans;
marié, père de famille il a trois enfants
un de neuf ans, un de cinq ans et un autre
de trois mois. Il demeure impasse du Crois-
sant, dans un petit logement, près de la
gare.
Chez Leduc,
La désolation règne dans le ménage du
mécanicien, au moment où nous lui rendons
visite. Autour de son lit sont groupés plu-
sieurs de, ses parents, employés à la Com-
pagnie de l'Ouest-Etat, venus de Granville,
de Dreux et de Paris pour lui:iapporter leurs
consolations. Tous front l'éloge de .Leduc au
point de vue professionnel. Ils le considè-
rent comme la victime d'un enchaînement
de circonstances, et tout en déplorant la ter-
rible catastrophe de samedi, ils affirment
que Leduc ne pouvait en aucune façon l'é-
viter.
Nous avons voulu tenir de la bouche mê-
me du mécanicien Je récit du terrible si-
nistre .̃'̃
Samedi matin j'avais conduit d'Argen-
tan à Paris l'express 456, de Granville. J'é-
tais arrivé à trois heures dix-neuf en gare
des Invalides. Durant ce voyage, l'injecteur
gauche de ma machine avait. eu, entre Ar-
gentan et Dreux, deux «: ratés ». J'avais dû
recourir à mon régulateur d'eau. Avec la
même machine je repartis à cinq heures
quatorze de la gare des Invalides pour con-
duire l'express jusqu'à Argentan, où un au-
tre mécanicien me remplace. Je devais m'ar-
réter seulement à Versailles. J'arrivai en
gare des Chantiers avec un léger retard. Il
fut encore augmenté par le chargement des
colis, très nombreux ce jour-là.
Je quittai donc les Chantiers" avec qua-
tre minutes de retard. En arrivant la
hauteur de la gare des Matelots, je remar-
quai que le signal avancé de Saint-Cyr
était à l'arrêt. Je serrai mes freins et je
ralentis mon allure jusqu'à 300 mètres de
la station. Là, je vis le second. signal. Il
marquait Il voie libre ». Dans ces condi-
tions, je n'avais plus à tenir compte du si-
gnal avancé, et je repris ma vitesse que
j'amenai à 30 ou 35 kilomètres à l'heure
J'augmentai celle-ci peu à peu, pour donner
au convoi son allure réglementaire. J'avais
d'ailleurs à, rattraper mpn retard.
Quelques minutes après avoir brûlé la
station de Saint-Cyr, je devais rencontrer,
avant Villepreux, deux autres signaux pla-
cés, l'un, rond, sur potence, à 300 mètres
environ de l'embranchement des voies, vers
Chartres et' vers Granville l'autre, carré
et automatique, à rembrancHIment mênie.
Le premier sert d'avertissement pour .-le si-
gnal suivant, dont' il' reproduit Ia position.
Ces deux signaux me donnant également
voie, libre, je passai en augmentant, ma vi-
tesse, pour arriver à atteindre les, 102 ki-
lomètres que j,ayais au moment de lâ colli-
sion. J'étais alors à égale distance de
Saint-Cyr et de Villepreux-lés-Clayes, est
je m engageai dans les courbes de la rampe
qui aboutit à cette dernière station.
» L'injecteur droit de ma machine était en
service et fonctionnait irrégulièrement.L'ex-
cédent de vapeur qui s'en échappait m'en-
veloppait et gênait ma manœuvre. En outre
j'avais besoin d'eau dans nia chaudière, et
pour en amener je devais utiliser le deuxiè-
me injecteur. Je devais aussi, pour faire
fonctionner cet appareil, refouler de la va-
peur vers les caisses il eau, afin d'enlever la
crasse qui pouvait se trouver dans le tuyau
d'injection.
» Tout en procédant cette opération, je
me rendais compte de ma position sur la
voie.. Je ne pouvais alors apercevoir le si-
gnal avancé de Villepreux pour plusieurs
raisons tout d'abord le soleil m'aveuglait,
ensuite la vapeur formait un brouillard au-
tour de la machine, et d'ailleurs le signal
était encore trop éloigné. Je me remis donc
travailler et je tentai d'amorcer mon
deuxième injecteur. Très absorbé par ce tra-
vail, je dépassai le signal. Etait-il ouvert ?
Etait-il fermé ? Je l'ignore.
Dans la courbe
nJ'arrivai à la courbe de Viïlepreux. A cent
mètres de la station, '«>:sl-à-dire à, .l'extré-
mité du -quai, j'aperçus le drapeau rouge
agité pour couvrir le train -167. Ma position
dans le plus grand rayon ne m'avait pas
permis de le voir plus tôt. Or je marchais à
102 kilomètres à l'heure, et là distance fut
vite franchi, bien que. j'eusse aussitôt blo-
qué mes freins.
» L'express arriva comme une trombe sur
l'arrière du train 467. Le choc se produisit,
épouvantable. Ma machine, arrêtée dans
son élan, se cabra d'abord pour se renver-
ser ensuite sur le flanc droit. Je fus projeté
sur mon chauffeur, et nos corps se trouvè-
rent engagés sous des débris'de foutes sor-
tes. ̃
Sous la locomotive
» Nous étions aveuglés par la fumée, la
poussière du charbon écrasé et celle qui avait
été soulevée par le ohoc. La vapeur qui
s'échappait de tous côtés nous causait de
terribles brûlures.
v Il En rampant, je parvins il me tirer de
cette 'position. J'aidai mon chauffeur à en
sortir. Puis, nous nous dirigeâmes vers la
gare, pour le cas où l'on aurait besoin de
nous.
» Le plus grand affolement y régnait, les
trains brûlaient, les blessés poussaient des
clameurs effroyables. J'aurais voulu leur
porter secours, mais les brûlures de ma jam-
be m'immobilisaient.
n ,Je restai ainsi, accoudé au passage, à ni-
veau, jusqu'à huit heures du soir, m'effor-
çant de garder mc>n:; sans-froid. Puis à ce
m.omeitt un. prêtre, aya.nl pansé mes plaies,
je pris le premier train popr Dreux et Argen-
tan, ou j'arrivai à quatre heures: et demie.
» Voila les faits. (Ju'pn les juge en toute
indépendancp. J'affirme qu'aucun signal ne
me fut donné par drapeau, sauf celui que
j'aperçus à >^nt mètres à peine du train.
On ne posa pas non plus ,de pétards sur la
voie. J'ai en jna pqssèssion la lettre d'un
employé, chargé d'en poser un certain nom-
bre afln d'attirer mon attention. Il déclare
que la vitesse à laquelle mon convoi mar-
chait l'avait .empêché de remplir sa tâche. n
Le chauffeur Lecordier
Nous avons pu voir te chauffeur Lecor-
dier au moment où le juge d'instruction ve-
nait, sur commission rogatoire de son col-
lègue de Versailles, de recueillir son té-
moignage. M. Lecordier est gravement brûlé
au visage et presque sur toutes les parties
du corps. Le repos le plus absolu lui est
prescrit. Aussi n'a-t-il pu que nous confir-
mer ,la courte déclaration qu'il fit au juge.,
ElleAt d'ailleurs conforme à celle'du mé-
canicien. lecordier, pendant le trajet de
Saint-Cyr à Viïlepreux fut exclusivement oc-
cupé à casser du charbon. Il ne s'occupait
pas dés signaux. Quand il eut fihi sa'beso-
gne, le train entrait dans là courbe de Ville-
preux. Lecordier aperçut à 80 mètres du
train le drapeau rouge agité par un em-
ployé. Alors il cria à sori mécanicien
Nous attrapons dans le train 1
Le mécanicien avait renversé la vapeur,
mais il était trop tard.
NOTRE ENQUÊTE
La catastrophe de Villepreux engage une
double responsabilité. D'une part, celle du
chef de gare et du mécanicien ont-ils ap-
,pliqué toutes les prescriptions des règle-
mènts Et d'autre part, celle de ces règle-
ments eux-mêmes, dont on peut se deman-
der s'ils assurent aux voyageurs le maxi-
mum de sécurité.
Il est nécessaire da dira ici comment la
gare de Villepréux est protégée. Deux dis-
es la couvrent l'un à 50 mètres l'autre,
dit « disque avancé », à 1,800 mètres. Lors-
que ce dernier se trouve fermé, un train
venant de Paris ne doit pas stopper, mais
ralentir suffisamment. sa .marche pour pou-
voir s'arrêter en l'espace de quelques mè-
tres devant le second disque, si le signal le
lui indique.
Or de l'enquête menée il'résulte 1° que
le chef de gare de Villepreux a fait tout son
devoir, puisque, pour couvrir le convoi en
détresse, il a fermé les deux disques
2° que le mécanicien Leduc a u brûlé » le
signal avancé, ce qui le mettait dans l'im-
possibilité matérielle dé stopper avant la
gare. Il est donc, réglementairement, la
cause unique de l'accident.
Il reste enfin une dernière question celle
de la défectuosité du matériel. Si la locomo-
tive du premier train n'avait pas subi d'ava-
rie, rien ne serait arrivé. Or cette lbcomotive
datait de 1867
M. Millerand,' ministre des travaux pu-
blics, a fait à ce sujet la déclaration sui-
vante
Le matériel de l'Ouest, dont l'Etat a hé-
rité, était dans un délabrement tel qu'aussi-
tôt l'inventaire terminé, j'ai crû devoir avi-
ser la Chambre, afin de dégager notre rès-
ponsabilité.
» Le temps nous a manqué encore pour
procéder à la reconstitution nécessaire.
Soyez'assuré que nous nous y employons
activement. » ̃'̃̃•;•
Le ministre a. ajouté, sur la catastrophe
elle-méme, qu'il saurait tenir compte der
tristes enseignements qu'elle comportait, et
pour 1 faire rechercher les modifications et
améliorations à apporter la protection des
trains et au service d'incendie:
Le chef de gare Cozic
M. Rozenfeld, juge d'instruction il Ver-
saîlles, a poursuivi hier acres-midi son en-
guète la gare de Vitteprêiu. Le joagietrat
Phot.. « Matin
M. COZIC
le chef de gare de Villepreux.
a entendu un certain nombre de témoins,
parmî lesquels les hommes d'équipe Verger
et I)ebove, chargés d'assurer la protection
du train en panne au moyens de leurs si-
gnaux, et le chef de gare, M. Cozic.
Le juge, nous déclara-t-il, a pu.se con-
vaincre à nouveau que. les responsabilités
de l'accident n'incombaient nullement au
personnel de la gare de, Viïlepreux.
Nous avons pu converser quelques ins-
tants avec M. Cozic, au moment où le juge
venait de le quitter. Le pauvre homme est
peine remis encore de l'effroyable se-
cousse morale qu'il, a éprouvée. pâle, les
jambes flageolantes. la parole, basse et
mal assurée, M. Cozic nous reçoit en pré-
sence de sa femme et de sà jeune fille,
dans la petite, salle à manger, où on la
transporta. samedi soir, lorsque, comme
fiappé de la foudre, après l'horrible vision,
il fut venu s'affaisser au bas de Tesca-
lier.
Je ne puis pas vous dire (Trqnd'chose,
prononce, l'air un peu égaré encore, l'hum-
ble et brave'fonctionnaire. C'est à peine si
en rassemblant mes souvenirs' Voici. Il
était six heures. r!, demie. Je venais da
rentrer dans mon Bureau pour télégraphier,
demandant qu'on .nl'envoyùt un pilote de
secours pour lé train en souffrance. Je ve-
nais de terminer, lorsque je perçus la cla-
meur énorme, déchirante de la foule « Le
train 'L'express Voilà l'express
» Puis le convoi, qui arrivàit en trombe,
des hurlements d'épouvante, de ,douleur.
Et nuis. et puis. »
Cadavres anonymes
Sept cercueils voilà ce qu'on a pu em-
plir avec les restes informes arrachés, aux
décombres, calcinés, broyés, méconnaissa-
bles, impossibles à identifier sur iepr seul
aspect, Et maintenant que la liste des morts
reconnus, des' morts que l'horrible trépas
n'avait point entièrement défigurés, est dé-
finitivement établie, les autorités chargées
de procéder au sinistre bilan s'effarent du
nombre des disparitions qu'on leur signale.
Combien chacun des cercueils contiendrait-
il donc de cadavres ?
Sur chacun des cercueils sans nom qui
attendent dans la chapelle ardente, un nu-
mérd d'ordre a été inscrit. D'autre part, des
vêtements et objets de. tontes sortes trou-
vés' sur chacun dés débris humains' anony-
mes ou près d'eux, il a été fait un lot
que l'on a soigneusement, pieusement il
faut, le dire recueilli, empaqueté et nu-
méroté. Les numéros des lots correspon-
dent à ceuxdes cercueils,' et c'est ainsi, que
pourront, approximativement hélas se
poursuivre les reconnaissances.
MM. Crimail, chef d'arrondissement, et
Touchard, inspecteur du mouvement, assis-
tés d'un brigadier de gendarmerie, de deux
gendarmes et de quelques employés, sont
préposés à ces pénibles fonctions. Tous s'en
acquittent avec une minutie et une délica-
tesse parfaites.
Dans le hangar où sont rangés les funè-
bres « lots », ce fut tout l'après-midi d'hier,
un défilé incessant d'hommes, de femmes,
d'enfants éplorés. Dans l'affreuse atmor
sphère du réduit, ils entraient, tour à tour,
refoulant leurs sanglots, pour répondre aux
questions des autorités, pour palper de
leurs mains tremblantes, les pauvres loques
souillées et fétides, qui avaient. été de frin-
gantes coiffures, de légères" toilettes, les
pauvres bijoux bosselés, brisés, ternis, dont
les disparus s'étaient naguère parés avaq
joie.
Et, par instant, un cri de désespoir, un
gémissement de douleur. « C'est lui "C'est
elle » La liste funèbre allait compter un
nom de plus.
Plusieurs furent reconnus ainsi: trois d'un
coup, trois de la même famille M. Albert
Leriche, employé au ministère des finances,
demeurant 10, rue Beaugrenelle, avait pria
place, samedi soir, dans le train fatal, avec
sa jeune femme, âgée de vingt-deux ans, ses
déux fillettes, Simonne, deux ans, et un bébé
de quelques mois, est sa mère, âgée d'une
soixantaine d'années. Sa femme, sa mère et
sa petite Simonne sont mortes. Le malheu-
reux n'en peut plus douter maintenant, pas
plns que son frère, pas plus que les amis
venus pour l'assister en cette atroce circons-
tance.
M. Duboeq, de Gallois (Seine-et-Oise),
n'avait plus. de nouvelles de sa femme, née
Marie Thibault,' trente-trois ans, depuis la
catastrophe. Il .vient de la reconnaître à un
bandage herniaire qu'elle portait, à un pa-
nier qu'elle avait pris en partant.
Mlle Laure Grichois, cinquante ans, ven-
deuse, rue du Sentier s'était embarquée
samedi après-midi, à' la gare des Invalides,
dans l'express tamponne îr comme tous
les samedis, elle se rendait Chez sa soeur, à
Dreux. Sa famille l'attendit en vain toute
la nuit à la gare de Dreux. Dimanche, sa
sœur, en apprenant la catastrophe, prit lé
train pour Villepreux. On ne put lui don-
ner aucun renseignement à ce moment-là
alors elle reprit le train pour 'Paris et.'sa
rendit, 13, rue de Béarn, au domicile de la
disparue. On n'avait point eu de ses nou-
velles denuis samedi
Hier, des Darenta de Mlle Laure Grichoi^
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