Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-06-12
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 12 juin 1908 12 juin 1908
Description : 1908/06/12 (Numéro 8872). 1908/06/12 (Numéro 8872).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/05/2008
LE MATIN
12 -6–08
itf n,
CONTE DES MILLE ET UN MATINS
*LE SECOND VOYAGE
DE. MONSIEUR SUIFRE
La préfecture de police a dé-
cidé la suppression des portes
tournantes dans les cafés.
M. Suifre, de Margouillit-le-Charme
(Sarthe-et-Loire), tirait un orgueil immense
de sa. connaissance de Paris. Et au café du
Plat-d'Etain, sur la grand'place, à l'heure
de la manille, entre M. Sirollet le charcu-
tier, le père Prout, le gros cultivateur, et ce
sacré Laprune, le brigadier douanier, M.
Suifre, coquetier, ne tarissait pas sur Pa-
ris « A Paris, on fait. ci. A Paris, on
fait ça. »
Puissance de l'affirmation M. Suifre n'a-
vait, dans toute sa vie, passé qu'un mois à
Paris, en 1889. M. Badroulle, le pharmacien,
et M. Foubert, le receveur-buraliste, ve-
naient, eux. directement de la capitale, qu'ils
avaient habitée. Cela n'empêchait pas tout
Margouillit de s'écrier Ah pour quel-
qu'un qui connaît Paris, parlez-nous de Jo-
seph Suifre »:
Pourtant, un jour, Brédillon, le notaire
(cela ne lui a porté chance, il a fait faillite
depuis), s'avisa de faire observer
,Mais il date de l'autre siècle, votre
;voyage, Suifre 1
Cette constatation du millésime fit une
i grande impression sur M. Suifre, et son fa-
meux voyage lui parut tout à coup reculé
de cent ans dans le passé.
Le résultat de cette émotion fut cette nou-
velle répandue dans Margouillit, comme un
trait de foudre « M. Suifre va partir pour
Paris. Cela s'annonçait de môme que l'on
dit « Le roi Edouard revient à Londres, le
tsar rentre à Tsarkoié-Selo. »
A
M. Suifre est parti pour Paris Là, une
première déception l'attendait. Malgré les
observations du chef de train, qui lui con-
seillait de descendre au quai d'Orsay
Je connais bien mon Paris. On me
prend pour un provincial.
M. Suifre descendit à la gare d'Austerlitz,
ce qui l'obligea d'aller rejoindre à pied son
bagage dirigé sur la gare terminus. La route
est assez longue, et malgré sa parfaite con-
naissance de Paris, M. Suifre voulut recou-
rir à l'obligeance d'un agent. A peine l'agent
interrogé eut-il entendu l'accent de terroir
assez étrange et prononcé dé M. Suifre qu'il
répondit « Yes, sir, speak english.
M. Suifre ouvrit de tels yeux ahuris, sans
répliquer, que l'agent, pensant commettre
une erreur et avisant un collègue qui flâ-
nait à dix pas, lui cria
V'la un Alboche pour toi, Gédéon.
Et Gédéon, immédiatement, questionna
Wass wilnschen sie, mein herr ?
Stupeur profonde de M. Suifre, interpellé
en anglais et en allemand. Pour un instant,
il eut la sensation d'un cauchemar inouï,
au milieu duquel, croyant arriver à Paris, il
se serait trouvé transporté du même coup
et en même temps à Londres et à Berlin.
Heureusement, l'homme, qui connaissait
Paris, s'étant écrié « Mais je cause fran-
çais les deux agents polyglottes éclatè-
rent de .rire.
Devant leur méprise, et tout en renseignant
M. Suifre, l'un d'eux dit Voilà la chose
de ne pas avoir l'accent parisien. Il Observa-
tion qui froissa M. Suifre.
Une. fois en possession de sa malle, M.
Suifre reprit un peu d'aplomb. Un fiacre est
hélé, et, fouette cocher, pour aller surpren-
dre. rue de Fleurus, le cousin et la cousine
Rapoil, sans nouvelles de M. Suifre depuis
un an.
Confortablement installé sur les coussins,
M. Suifre contemplait Paris, son fameux
Paris, -qui défilait devant lui. Voici la Cham-
bre, voici le ministère de la uerre: M. Sui-
fre redevient Parisien. Ah les délices de
la- vie parisienne. Pan un choc rude. M.
Suifre s'en va donner du nez contre sa
malle, et le cocher est presque précipité à
bas de son siège. Une auto vient de les tam-
ponner. Ainsi brutalement arraché à son
rêve favori, M. Suifre ne trouva qu'un seul
mot -« Assassin Il s'écria-t-il. Le chauf-
feur, doux comme la bête dont il porte la
peau, répliqua. Le cocher- hurla. Grâce au
ciel, un agent cycliste arrivait.
Agent, prenez le nom de ce misérable,
qui a voulu nous tuer, vociféra M. Suifre.
Mais l'agent, s'adressant avec bienveil-
lance au chauffeur
Vous teniez bien votre droite ?
Et, se tournant avec sévérité vers le co-
cher:
Qu'est-ce que vous fichiez au milieu de
la rue ?
M. Suifre protesta
Mais, c'est nous les écrasés, agent.
r-r-r C'est votre faute D'ailleurs, ce n'est
pas mon affaire de vous défendre. Je suis
de la brigade pour la protection des autos.
Cette fois, M. Suifre, qui connaissait Pa-
ris, eut un choc anéantissant. Non seule-
ment les agents de police ne parlaient plus
français, mais encore ils protégeaient les
automobilistes contre les écrasés.
D'un bond il fut à terre, laissant son fia-
ére porter sa malle et préférant achever la
route à pied. Arrivé rue de l'leurua, malgré
sa connaissance de la capitale, M. Suifre ne
s'y reconnut pas. La maison de Rapoil avait
été jetée v terre pour le percement du bou-
levard Raspail. Et ce furent des démarches
auprès des concierges des environs, afin
d'obtenir la nouvelle adresse des cousins,
qui; maintenant, habitaient Montmartre.
Enfin, de nouveau hissé sur son fiacre,
porteur de son bagage, M. Suifre retraversa
Paris, qu'il voyait vraiment bien changé.
Grâce au ciel, il trouva la cousine Rapoil
chez elle. Surprise, embrassades. Le cou-
sin Suifre était le bienvenu. Des nouvelles
du pays, etc.
Mais où est donc le cousin Rapoil ?
Au café Papillon, rue de Clignancourt.
Et voici le cousin Suifre dehors.
-NI. Suifre était arrivé juste devant le café
Papillon, 'une petite brasserie d'habitués.
Tout de suite, à travers la devanture, il
aperçut le cousin Rapoil très absorbé à sur-
veiller ses cartes. Un peu vieilli, le cousin
la vie de Paris sans doute. Dame,
tout le monde ne pouvait pas;, la supporter
aussi bien que M. Suifre, qui la menait de-
puis dix-huit ans. à Margouillit-le-Charme.
̃ Mais, sapristi comment entre-t-on
dans ce débit ?
Eh cousin. cousin Rapoil. clamait
M. Suifre, planté en face d'une sorte de lo-
gette en angle aigu, fermée par deux gla-
ces, et qui formait une manière de guérite
au beau milieu du café Papillon.
Le cousin n'entendait pas.
Entrez donc en poussant. Vous ne con-
naissez donc pas les portes tournantes ?
Mais si. Les portes tournantes, vingt
dieux je ne connais que ça
Et, résolument entré dans la petite guérite
fin angle, il se mit pousser devant lui,
tambourinant sur la glace et criant
Hé cousin Cousin Rapoil hurlé
à tue-tête avec l'accent de Margouillit.
Par là Poussez par là indiquait un
garçon de l'intérieur, voyant qu'il poussait
dans le mauvais sens.
Comment, par là fit M. Suifre, indi-
gné. Une mauvaise farce. On ne me la fait
pas. Hé cousin, cousin, faites-moi ouvrir.
Devant l'obstination tapageuse et impuis-
sante de M. Suifre, tous les consommateurs
avaient levé la tête le cousin Rapoil fit
comme les autres. Les garçons, le gérant,
tous les consommateurs criaient à M. Sui-
fre
Pas par là. Dans l'autre sens
M. Suifre, rouge, honteux, furieux, entêté,
ne saisissait pas, n'entendait pas et pous-
sait toujours, si bien que, las de crier, Ra-
poil et le gérant s'engagèrent, de l'intérieur,
a leur tour, dans la porte pour la faire tour-
nuer et amener, par l'exemple, M. Suifre à
reconnaître quelle était son erreur.
Malheureusement, l'homme, qui connais-
sait Paris, ne comprenait rien à leur ma-
nœuvre. D'une épaule robuste, il redoubla
ses efforts, annihilant, les leurs.
Crac Plac Rac Le bruyant éclat d'une
glace qui se Prise, la porte a viré sous la
poussée violente de Rapoil et du gérant, et
M. Suifre, après avoir fendu avec son. dos
le panneau vitre derrière lui, se trouva pro-
jeté sur le trottoir.
La foule riait, le gérant jurait. Rapoil était
vexé.
C'est une porte tournante. Vous ne le
voyez donc pas, argua le gérant dédaigneux
et faisant tourner la porte en manière de
démonstration:
Ça une porte répliqua M. Suifre, li-
vide de colère. Dans mon pays, on nomme
ça une girouette.
L'incident se liquida par une centaine-de
francs d'indemnité.
M. Suifre n'a pas fait long feu chez les
Rapoil. Le cousin Rapoil, qui avait une ar-
doise au café Papillon, n'avait pas été sa-
tisfait de l'incident de la porte et puis ses
amis le blaguèrent au sujet de M. Suifre.
M. Suifre, qui connaissait si bien Paris,
est rentré à Margouillit-le-Charme. Ques-
tionné sur ce qu'il a vu de curieux dans son
voyage à Paris, dont il ne disait pas grand'
chose, il répondit
Les Parisiens ont des portes qui tour-
nent comme des girouettes, sans rien ajou-
ter.
M. Suifre n'a jamais donné d'explication.
Comme il ne parle plus de Paris, on trouve
qu'il baisse beaucoup, et l'opinion générale-
ment accréditée est qu'il a dû faire à Paris
une de ces noces qui vous achèvent un
homme.
Dernièrement, en lisant le journal, il s'est
écrié
Enfin,' on va les supprimer, les saletésl
L'on n'a jamais su s'il s'agissait de portes,
de girouettes ou de. Mais on se pousse du
coude quand on le voit et chacun dit
n s'est sérieusement amuse à Paris ce
sacré Suifre
CLAUDE BERTON.
ACADÉMIE
Lecture a été donnée d'une lettre par laquelle M.
le lieutenant-colonel Lavlsse, dirticteur de l'Ecole
do Saint-Maixent, informe l'Académie du décès de
M. Gaston Boissier, son beau-père, secrétaire, perpé.
tue de la Compagnie.
M. le marquis de Ségur. président, retrace ensuite
en quelques paroles émues et sympathiques la vie et
les oeuvres du regretté défunt, puis déclare la séance
levée en signe de deuil.
Par suite des nombreux décès survenus récemment
parmi les membres de la Compagnie et de la maladie
de M. Boissier, il était survenu une certaine irrégu-
larité dans le fonctionnement des séances et des tra-
vaux relatifs a l'examen des ouvrages présentés pour
les divers concours des prix à décerner fn 1908. Aussi,
tes membres présents, avant de se séparer, -ont-ils
décidé que l'Académie tiendrait une séance supplé-
mentaire mardi prochain 16 juin.
Nous croyons savoir que, pour ces mêmes raisons,
l'élection du successeur de M. Boissier comme secré-
taire perpétuel aurait lieu dans quinze jours, c'est--
iL dire le jeudi 25 juin.
Carnet du Fonctionnaire
Les percepteurs et receveurs.
M. Caillaux a reçu hier une délégation de l'Asso-
ciation fraternslle de prévoyance des percepteurs et
receveurs spéciaux de France, qui lui a remis l'a-
dresse suivante, votée à l'unanimité du congrès
qu'elle vient de tenir à Paris.
« Les membres de l'Association fraternelle de pré-
voyance des percepteurs et des receveurs spéciaux
de France, réunis en assemblée générale à la mai-
rie du neuvième arrondissement de Paris, le 7 juin
19a8, expriment à :IL Caillaux, ministre des finances,
leur profonde reconnaissance pour lts réformes heu-
reuses et considérables dont il vient de les faire bé-
néticier. Ils l'assurent de leur dévouement et le
prient respectueusement de vouloir bien leur conti-
nuer sa haute bienveillance en examinant avec in-
térêt les améliorations encore désirées par les per-
cepteurs et receveurs spéciaux. »
L'attentat du Panthéon. M. Albanel,
poursuivant son enquête, a entendu hier
plusieurs témoins, et tout d'abord M. Alfred
Dreyfus. Celui-ci a confirmé au magistrat
la déposition qu'il lui avait faite le lende-
main de l'attentat. Mme Dreyfus fut ensuite
interrogée. Puis on entendit le fils de M.
Alfred Dreyfus et M. Cassan, garde du Pan-
théon, et Mlle Antoinette, femme de cham-
bre de.Mme Dreyfus (sur l'incident des ro-
ses), enfin M. Carri, armurier, qui, le 23
mai dernier, vendit à M. Gregori le revolver
dont il fit usage
Je m'étonne que des munitions sortant
de chez moi aient produit une blessure si
peu grave, fit M. Carri, commerçant sou-
cieux de contenter Ea clientèle.
Pour terminer sa journée, NI. Albanel
confronta M. Gregori et le commandant
Dreyfus.
Confrontation très brève
J'ai agi sciemment, je le répète, fit M.
Gregori. Je revendique la responsabilité que
j'ai encourue. Je m'expliquerai en cour d'as-
sises.
C'est cela, répliqua M. Alfred Dreyfus,
s'adressant au juge. Je n'ai point à discuter
ici avec ce monsieur. Nous nous retrouve-
rons devant le jury.
Les cambrioleurs opèrent.- MM. les cam-
brioleurs, gens distingués, ne sont point
partisans du stérile chômage. Nuit et jour,
ils opèrent avec une activité fiévreuse, et
leurs coups de main, non dépourvus d'au-
dace, sont accomplis avec une belle crâne-
rie et une élégance de bon ton. Leur dernier
exploit mérite d'être conté.
Ces personnages adroits, souples et sub-
tils s'introduisirent, la nuit dernière, 76,
Rue Manin, dans un pavillon qui se trouve
enclavé dans un chantier appartenant à
M. Muller, entrepreneur de charpentes. Cet
homme paisible goûte ces jours-ci un salu-
taire repos aux champs.1 Les cambrioleurs,
hommes avisés, profitèrent de cette bienheu-
reuse absence.
Après avoir fracturé la porte, ils péné-
trèrent dans le bureau de M. Muller, qui se
trouve au deuxième étage. Là, ils attaquè-
rent un coffre-fort assez volumineux pour
procéder avec plus d'aisance, ils renversè-
rent le meuble sur un matelas, afin d'évi-
ter tout bruit malencontreux, et, munis de
barres de fer prises sur le Chantier voi-
sin, ils forcèrent la serrure résistante.
Le coffre-fort ne contenait point d'argent
par contre, de nombreux bijoux de haut prix
et des écrins d'argenterie furent pour nos
cambrioleurs une prise excellente.
Les filous disparurent prestement dans la
nuit. M. Cuvillier, commissaire de police du
quartier du Combat, et des inspecteurs de la
Sûreté, ne désespèrent pas de les retrou-
ver.
a Dix sous, s'il vous plaît 1 » Arsène
Deuil, valet de chambre, remontait d'un pas
sonore, à minuit, l'avenue d'Iéna. Il sifflait
gaiement et faisait tournoyer sa canne •
dans la poche de son pardessus mastic,
dix-huit billets bleus constituaient un épais
matelas.
Deux femmes marchaient, côte à côte,
dans l'ombre, deux formes blanches. Elles
s'approchent, leur regard est doux, leurs
propos flatteurs. Le valet de chambre a le
cœur en fête il s'arrête et la conversation
s'engage.
Mais Deuil est pressé il lui faudra, de-
main, se lever de très bonne heure Il ré-
siste au charme des sirènes et veut partir.
Donnez-nous dix sous pour prendre le
train insistent-elles.
Dix sous Quand on porte une fortune
Le valet de chambre ouvre son pardessus
et prend dans son gousset deux pièces blan-
ches. Puis il s'éloigne, hâtif.
Infortuné larbin A l'aube, il a vainement
cherché son portefeuille et fouillé ses po-
cbps Les billets étaient loin.
Retrouvera-t-on les hardies voleuses ?
En tuant des punaises. Depuis que les
chaleurs ont commencé à se faire sentir,
M. François Lavilledieu, demeurant 18, rue
Darcet, ne cesse de maugréer contre les pu-
naises.
Non seulement, la nuit, elles galopent en
rangs serrés sur son corps, mais encore il
en découvre jusque dans ses aliments. Ces
vilaines petites bêtes ont envahi sa cuisine.
Comme M. Lavilledieu avait usé en vain
de tous les insecticides possibles, avant-
hier, en désespoir de cause, il acheta un
nouvel appareil destructeur dont on lui avait
dit grand bien. Les expériences qu'il fit lui
donnèrent, en effet, un si beau résultat, que
tout de suite il se transporta chez sa belle-
mère, 19, rue de la Victoire. Celle-ci, tout
comme son gendre et pour la même cause
ne pouvait .fermer l'œil.
Eureka lui dit-il, nous sommes sau-
vés.
Et il se mit à manoeuvrer 1 appareil saù-
v eur. Tout à coup,' alors que de nombreu-
ses punaises gisaient déjà inanimées sur les
draps, le système à gaz asphyxiant fit ex-
plosion et, tout comme les petites bêtes qu'il
venait de tuer, M. Lavilledieu roula ina-
nimé sur le sol.
Heureusement que lui on put le ranimer
chez un pharmacien voisin. Il est soigné à
son domicile.
PETITS FAITS'DIVERS
M. Martial Sohier, interne, descend de
gardes à Saint-Louis. Pris d'un malaise subit,
on l'emporte à son domicile. Il meurt avant
d'arriver. « Affection cardiaque », disent ses
amis.
M. Drapier, juge d'instruction, a fait su-
bir un interrogatoire d'identité à Olive The-
bault, cette jeune Bretonne qui, la veille, par
jalousie, blessa mortellement à. coups de cou-
teau, 29, rue Saint-Placide. son amant, Mau-
rice Debrousse. Olive Thebault a déclaré
qu'elle avait voulu se venger, mais sans in-
tention de tuer l'infidèle. Elle a confié le soin
de sa défense à M" Hélène MiropolsKy.
La lampe glisse dans la main de Mme An-
toinette Girard, 875, boulevard Voltaire. Un
tourbillon d'étincelles. Grèvement brûlée, on
la transporte à l'hôpital Saint-Antoine. En-
core une malencontreuse lampe, 5, place de
la République, communique le feu à un ate-
lier de fleuristes. Les mains de Mlle Margue-
rite Petit, gente ouvrière, souffrent du baiser
cuisant de la flamme.
Un crâne au ricanement sinistre se mor-
fondait au fond'd'une cave, 19. rae Clavel.
Pièce anatomique, prononce M. Cuu,illier,
commissaire de police.
e Veux-tn être ma femme ? » demande,
l'oeil strié de fauves lueurs, le corroyeur Jac-
ques Piccaro à sa jolie voisine, Berthe Robet,
mécanicienne. « Jamais jamais 1 » crie celle-
ci. Le corroyeur, d'un couteau brutal, pique
au ventre, Faubourg-Saint-Denis, l'irréducti-
hla Berthe. Au Dépôt
Elle revenait du marché, la pauvre
vieille, un panier de légumes au bras, et tra-
versait la'rue Lecourbe à pas mesurés..Une
auto vient, menaçante, et mugit. Dame Pelté
a l'ouïe dure. L'auto l'accroche par ses cottes
et la renverse. Gros émoi, contusions légères.
Procès-verbal au chauffeur, Léon Cazet.
Un enfant, dont on ignore l'identité, pa-
raissant âgé de neuf ans, est tombé hier après-
midi dans le canal Saint-Martin. On repêcha
son cadavre. L'enfant est blond, vêtu de ve-
lours gris, son linge porte la marque N. Sur
son cou, une humble médaille.
« Venez chez moi vous verrez » répond
d'un air de défi Auguste Pont, employé d'un
grand magasin, à ceux qui l'interrogent sur
des vols récente. On y va. Dans une chambre.
impasse des Eaux, des vêtements, des cou-
pons, du linge, dix mille francs de marchan-
dises. Au Dépôt l'indélicat vendeur.
A cette époque de l'année on ne saurait
être trop difficile dans le choix de ses ali-
ments. Il y a deux jours, pour avoir mangé
du homard de qualité douteuse, M. Winger-
ter, rue Montmartre, a été victime avec
sa famille d'un empoisonnement qui aurait pu
avoir les plus graves conséquences. Une en-
quête est ouverte pour établir la responsabi-
lité exacte du fournisseur.
Un fou, Léon Etiennet. veut faire un mau-
vais parti à la jeune Marie Suzat, rue de Pa-
radis. Survient le courageux chauffeur, M.
Miollet, qui, dans son auto, conduit le dément
au commissariat. M. Lefort, commissaire de
police, envoie Etiennet à l'infirmerie spéciale.
A TRAVERS DEPARTEMENTS
ALENÇON. Les gendarmes de Couterne,
en tournée, viennent de découvrir dans la
Mayenne le cadavre de François Dain, cin-
quante-six ans, originaire de Cleden-Doher
(Finistère). Le docteur Petit, de Couterno, ap-
pelé, ne put faire de constatations utiles par
suite de l'état de décomposition du cadavre.
(Dépêche particulière.)
HAZEBROUCK, Les ouvriers du tissage
Planer étant pu grève depuis cinquante
jours par suite de l'installation des nouveaux
métiers, ont eu hier une grande réunion à
l'estaminet des Trois-Rois.
Là, ils demandèrent aux ouvriers qui tra-
vaillent sur les nouveaux métiers de cesser
le travail. L'un d'eux, Bouquet, refusa. Alors
les grévistes, au nombre de quatre cents, se
rendirent à la maison de Bouquet et saccagè-
rent tout. Ne trouvant pas de pierres, ils dé-
molirent un mur. Là gendarmerie, prévenue
aussitôt, arriva sur les lieux, mais trop tard.
On craint de graves troubles. (pép. particul.)
LE MANS. A propos des Beaux yeux d'une
jolie bohémienne, les hôtes de douze roulot-
tes installées aux portes du Mans se sont li-
vrés, cette huit, à une bataillé qui a vérita-
Moment terrifié les habitants du quartier. Di-
visés en deux camps, les nomades se sont,
pendant plusieurs heures, poursuivis à coups
de fusil et à coups de pierre sur les routes de
Saint-Aubin et d Alençon. Ce matin, on comp-
tait plusieurs blessés. L'un d'eux,nommé Dau-
bert, a reçu une très grave blessure à la nu-
que. Une roulotte a été mise en miettes. Une
enquête faite par la police amène l'arrestation
des frères Chellet, vingt et vingt-quatre ans.
{Dépêche particulière.)
1 UN DON DE DIX MILLIONS
AUX VIEILLARDS DE PARIS
A la séance du conseil de surveillance de
l'Assistance publique, M. Mesureur, directeur
général, a fait, au sujet du magnifique legs
de Mme de Provigny. la communication sui-
vante. qui confirme les renseignements déjà
donnés par le Matin
J'ai reçu de M. Henri Kastler, notaire à Paris,
communication, des dispositions testamentaires de
Mme veuve de, Provigny, née Besson, décédée le 29
inat 1908. Il résulte de ce testament que Mme de
Provigny donne et lègue à l'Assistance publique
de Paris sa propriété ct'Arcueil la petite ferme
d'Arcueil, le potager, une propriété louée, ainsi
qu'une somme de dix millions.
Ce legs, suivant la volonté de la donatrice, est
fait avec l'obligation pour l'Assistance publique do
créer une maison de retraite pour les vieillard des
deux sexes. Pour être admis, ces vieillards devront
n'avoir subi aucune condamnation judiciaire, être
agés de soixante ans aü moins et citoyens français;
il ne sera tenu compte d'aucune opinion politique
ou religieuse.
La donation prendra et conservera à perpétuité
là nom de Maison de retfatte Cousin de Méricourt
et Bcsson.
Le service en sera assuré par les soeurs de Saint-
Vincent-de-Paul c'est là une condition totmelle
et déterminante dont l'inexécution entraînerait la
nullité absolue du legs.
La maison sera autant que possible établie sur la
hauteur près de la grille d'entrée, et une chapelle
sera établie attenante aux bâtiments.
L'acceptation du legs devra avoir Ileu au plus
tard deux ans après le décès de la bienfaitrice, et
l'inauguration de la maison être effectuée au moins
cinq ans après le décès, le tout à peine de nullité.
L'exécuteur testamentaire, d'accord avec l'Assis-
tance publique, arrêtera les plans des conditions
d'organisation, d'administration, d'admission, de
surveillance, et fixera le nombre des lits en dortoir
ou en chambre gratuits ou payants. Il lui sera ré-
servé a perpétuité, conjointement avec les légataires
universels, un droit de présentation à concurrence
au moins de deux dixièmes des lits.
Je tenais aussi à déclarer dès aujourd'hui qu'il
n'y a rien dans cette disposition qui ne soit conct
liable avec les lois actuelles et qui n? soit conform3
aux traditions de l'Assistance publique, qui a tou-
jours scrupuleusement respecté les volontés de ses
donateurs.
Ce dernier passage de la communication de
M. G. Mesureur fait surtout allusion à la
clause relative aux sœurs de Saint-Vincent-
de-Paul, dont la légalité n'est pas contestable.
A l'Opéra.
C'est ce soir que Mme Rose, Caron reparaît
dans Salammbô. NI. Alvarez chante Matho,
M. Dehnas Narr-Havas les autres interprétes
sont MM. Gautier, Boulogne, Gilly, Delpouget,
Nucelly.
Demain samedi, Mlle Mary Garden chantera
pour la première fois le rôle de Marguerite
dans Faust, avec M. Muratore (Faust), Mlles
Martyl et Goulancourt, MAI. A. Gresse, Gilly
etLequien.
A la Comédie-Française.
Mme Bartet fera sa rentrée ce soir dans
l'Autre Danger, de M. Maurice Donnay, et
jouera demain samedi les Deux Hommes, de
M. Alfred Capus.
C'est le 22 juin prochain qu'aura lieu la re-
prise du Misanthrope avec Mlle Berthe Cerny,
pour la première fois dans le rôle de Célimène;
M. Leitner jouera Alceste.
Ce même soir on donnera la première re-
présentation de l'Ecran brisé, pièce de M.
Henry Bordeaux, qui fut jouée, il y a deux
ans, à Nice. Mme Bartet et M. Jacques Fe-
noux reprendront les rôles qu'ils ont créés à
cette époaue..
A l'Opéra-Comique.
Ce soir, reprise de Pellêas et Mélisande,
avec Mlle Maggie Teyte, MM. Jean Périer, Du-
frani'le et Vieuille.
Lundi, à 8 h. 1/4, représentation populaire à
prix réduits (avec location), Mignon (Mlle B.
Lamare, Mme Guionie, MM.Francell, Vieuille).
A l'Odéon.
Pendant la fermeture, différents travaux in-
térieurs et extérieurs vont être exécutés. C'est
ainsi que, actuellement, on refait entièrement
tout le côté droit du bâtiment où sont situés
les bureaux de l'administration. Les frais de
ces travaux sont supportés par rEtat.
MM. Isola frères viennent de céder définiti-
vement la direction des Folies-Bergère à M.
Bannel, qui fut leur collaborateur pendant de
longues années*.
Au Conservatoire.
Voici quelles sont les dates des prochains
concours.
Dimanche 14 iuin, mise en loge de 6 h. du
matin à minuit harmonie hommes. Di-
manche 21 juin, mise en loge de 6 h. du ma-
tin à minuit harmonie femmes. Dimanche
28 iuin, mise en loge de 6 h. du matin à-mi-
nuit contrepoint. Dimanche 19 juillet, mise
en loge de 6 h. du matin à minuit fugue,
Concours à huis clos.
Vendredi 12 juin, à 9 h.: dictée et théorie
(solfège chanteurs). Samedi 13 juin, à 9 h.:
lecture (solfège chanteurs). Lundi 16 juin,
à 1 h.: harmonie hommes. Mercredi 17 juin,
à 9 h.: dictée et théorie (solfège instrumen-
tistes). Jeudns juin, à 9 h.: lecture (solfège
instrumentistes). Vendredi 19 juin, à 1 h.:
orgue. Samedi 20 juin, à 1 h.: accompagne-
ment au piano. Lundi 22 juin, à 1 ni: har-
monie femmes. Lundi 29 juin, à 1 h.: con-
trepoint. Samedi 18 juillet, à 9 h.: violon
préparatoire. et à 1 h.: piano préparatoire
Lundi 20 juillet, à 9 h.: fuguu.
Ce soir, à 1'Alcazar, débuts de Dranem dans son
répertoire. Grâce à une entente passée entre les
Ambassadeurs et l'Alcazar, Dranem continuera à
jouer dans Paris tout, nu, .la revue des Ambassar,
deurs.
Dimanche, soirée de gala avec au programme
Polln, Dranem, Jules Moy
Hdteî-vous d'entendre la « Pie
Qui chante », car lundi matin
Elle partira, c'est certain,
Loin, dans la campagne fleurie.
Malgré l'immense succès du pragramme actuel
et malgré les recettes élevées du moment, les deux
aimables directeurs Oharles Fallot et Paul Mari-
nier ont décidé de donner dimanche soir 14 juin
la dernière de la saison. Réouverture au commen-
cement de septembre. 159, rue Montmartre. T. S25-67.
TRIBUNAUX
Boxing ecclésiastique.
Thonon-les-Bains, 11 juin. par-
ticulière du « nfaüv ». Le tribunal a lugé
cet après-midi l'affaire de coups et blessu-
res portés par le vicaire"de Margencel sur
le maire de cette commune, M. Bouvet. Il
a condamné M. Duoh^able, curé, à 100 francs
d'amende avec sursis pour menaces, 16
francs pour port d'armes et 15 francs pour
violences légères. Le vicaire, M. Buffet, a
été condamné à. huit jours de prison avec
sursis et à 60 francs de dommages-intérêts
envers M. Bouvet.
Nouvelles judiciaires.
Au moment où, le 13 mai, vers une heure
du matin, trois agents cyclistes passaient
dans la rue Croix-Nivert, les cris de « Au
secours f A nous se firent entendre.
C'étaient deux jeunes gens, Dondot.«t Cou-
tent, qui appelaient ainsi à l'aide.
Les gardiens de la paix se rendirent en hâte
à l'endroit d'où partaient les cris. Ils aperçu-
rent alors un individu, Menther, dont le corps
était pris dans une ouverture pratiquée dans
la porte d'une usine, où le cambrioleur vou-
lait pénétrer avec effraction.
Dondot et Coûtent eurent le cynisme, lors-
que les agents se présentèrent, de prétendre
que leur camarade Menther, en proie à une
crise alcoolique, avait, en se débattant, dé-
foncé malencontreusement la porte de l'usine,
d'où il ne pouvait plus sortir.
Les agents s'empressèrent d'emmener au
poste les trois malfaiteurs, qui avaient, par
mégarde, laissé près de la forte attrape-cam-
brioleurs une pince-monseigneur et un trous-
seau de fausses clefs.
Les trois apaches, assistés de M0 Henri Car
net et de Me Campinchi, ont comparu hier de-
vant la onzième chambre, présidée par M.
des Etangs.
Dondet et Menther ont été condamnés à
quinze mois de prison. Quant à Coutent, 11
s'en est tiré avec un an d'emprisonnement.
Entré, le 27 octobre 1906, à dix heures du
matin, comme a extra » chez M. Echoppe, mar-
chand de vins avenue d'Orléans, le garçon
de café Jean Chevalier, âgé de vingt ans,
quittait deux heures après, c'est-à-dire à
midi, la boutique de son patron, emportant
les 1,120 francs contenus dans la caisse de
l'établissement.
Jean Chevalier, qui n'a été arrêté que ces
temps derniers, vient d'être condamné par la'J
cour d'assises de la Seine à cinq ans de reclu*'
sion.
Poursuivi devant la cour d'assises de la
Seine sous l'accusation de dix attentats à la
pudeur sur des enfants de six à onze ans,
.le porteur aux ilalles Nicolas Guilodi a été
condamne, hier, à sept années de réclusion.
Nominations judiciaires.
Sont nommés .•̃̃"̃'̃
Greffiers dts tribunaux de première instanoo de
Nice, M. Dubergà; Dijon, M. Berlin; Vésoul; M. Lell-
maun; du tribunal de commerce de Mentnn, M. Ja-
nln; des iustices de paix de Lisieux (Calvados), 2'
canton, M. Perreti© Montbron (Charente), M. La-
coste Tulle (Corrèze), canton sud, M. Poussier; Thl-,
bervillo (Eure), il. blartin Fronton (Haute-Garonne),
M..Fauré; Maure (IÙe-et-ViJaine), M. Pochette; Saint-
GeorgfS-en-Couzan (Loire), M. Fraisse; La Pacaudière
(Loire), .M, .Rtbeyre; Quettehou (Manche), M. He-
gnault Questembert (Morbihan), M. Herrou; Is'or-
reut-Font-es (Pas-de-Calais). M. Rousseau; lia Ventia
(Pas-de-Calais), Ni. Villcbois; Neuilly-l'Evêque (Hau-
te-Marne), M. Matin.
Aux termes de ce même décret, M.' Ferez, ancien
greffler à Cambrai, est nommé greffier honoraire,
et M. Cambts, greffier i1 Arles, est révoqué.
Offre pEiîjantliropique
A ceux qui souffrant et ont on
vain essayé tous les remèdes
• ppéGotaSsés*
Sous le titre de Médecine Végétale, j'al
écrit un livre de santé, afin que chacun
puisse se préserver et se guérir de toute
maladie par les sucs et principes vitaux
des plantes. Tous ceux qui sont atteints
d'une maladie de la peau, des nerfs, du
sang, de l'estomac, de la poitrine, de la
vessie ou contagieuse, y trouveront un
moyen infaillible de se guérir radicalement,
comme ces milliers de malades qui se
sont guéris définitivement après avoir es-»
sayé sans résultat les autres traitements.
Dans un but de vulgarisation scientifique^
j'envoie la Médecine Végétale, fort volume
de 491 pages, 825 articles et 126 dessins ana-
tomiques, franco contre 75 centimes en liai*
bres-poste adressés à M. Narodeski, pfiar»
macien, 16, rue Vivienne, Paris.
LEÏÏREDIEËRERECOMU
Martigné, le 25 septembre 1907. <
Monsieur,
Je viens vous donner des renseignements!
sur ma fillette âgée de 14 ans, reconnue tu-,
berculeuse par plusieurs médecins, et qui
s'est trouvée mieux sitôt qu'elle a fait usa-,
ge de votre « Curatif Vaugirard ». Je vais
vous raconter comment la maladie est ve*
nue.
Elle était dans une pension religieuse,,
lorsqu'aux vacances de Pâques elle nous
revint avec une mine superbe cependant
au bout d'une quinzaine de jours, elle tom-
ba gravement malade d'une pneumonie qui
l'amaigrit et la fatigua beaucoup. Le mé-4
decin constata à ce moment un point tuber-*
culeux. Connaissant votre médicament,.
nous fîmes commencer de suite le traite'
ment à la dose de 6 cuillerées par jour. A4
bout de quelques jours, l'appétit était rei
venu, et de 89 livres qu'elle pesait elle est
aujourd'hui à 117 livres.
Elle ne souffre plus ni de l'estomac nid.
la poitrine, elle ne tousse plus. Le médecin
qui lui en donnait pour un an ou diXHhui|
mois, a été très surpris de cette cure =eN
veilleuse.
Croyez bien, monsieur, que je ferai tout
mon possible pour faire connaître dans mes
relations un remède d'une si grande efflea»
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rard » à la pharmacie E. Logeais, 37, ave.
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DU 12 JUIN 1908
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LÉON MALICET
DEUXIEME PARTIE
Les Epaves
n
L'ÉTERNELLE HISTOIRE
(suite)
C'est possible, mais je t'assure, il faut
nous préparer à partir.
Eh bien nous partirons.
Où irons-nous ? Tu sais que moi je ne
suis pas libre, et que je devrai me cacher.
Nous irons à Paris. Là, tu n'auras rien
à 'craindre, tu seras perdue dans la foule
comme dans un désert, personne ne te re-
trouvera, sois tranquille.
• Mais comment vivrons-nons
Ne t'ai-je pas dit que j'avais cinquante
métiers à Paris, je suis chez moi, je sais
me débrouiller, je ne suis pas en peine.
Une étreinte achevait la conversation, une
caresse aurait suffi à la rassurer si elle avait
eu la moindre inquiétude.
Ce qu'elle avait prévu pourtant arriva. Un
matin le patron appela Pinsonnet
Mon garçon, voici les blés rentrés ou
mis en meule il partir d'aujourd'hui, il n'y
a plus qu'à se croiser les bras et je n'ai plus,
Traduction et reproduction formellement Inter-
dites.
besoin de toi. Voilà le compte de tes jour-
nées, regarde s'il est exact voilà l'argent
que je te dois, compte-le, signe-moi un reçu,
je-vais te signer ton livret et tu seras libre.
Un peu pàle, Pinsonnet glissait l'argent
dans la poche de son gilet il hasarda
Je croyais, patron, que vous m'auriez
gardé encore quelques jours.
Pour quoi faire ?
Vous avez encore des avoines à cou-
per, j'aurais pu vous être utile.
Non, merci, les gens de la maison suf-
firont à la besogne.
Et puis cela m'aurait donné le temps
de chercher une autre place.
Je n'y puis rien.
Pinsonnet se mordit les lèvres, puis il re-
prit
Tenez, patron, gardez-moi encore qua-
tre ou cinq jours pour ma nourriture seule-
ment, juste le temps d'écrire quelques let-
tres et d'avoir les réponses.
Dans ces conditions-là et si cela peut te
rendre service, je veux bien.
Il s'en alla en souriant, comme si le ré-
pit de quelques jours qu'il venait de gagner
l'avait soulagé, lui avait enlevé une inquié-
tude ou une préoccupation.
Il allait vers la grange pour y cacher son
trésor, mais de la soupente, au-dessus de
l'écurie, une voix l'appela, et il rejoignit So-
lange, qui l'avait guetté.
Elle était pale, ses lèvres tremblaient, ses
yeux étaient pleins d'inquiétude. Elle lui prit
les mains, l'attira près d'elle.
II t'a renvoyé, n'est-ce pas ? Je viens
d'entendre les domestiques.
Oui, mais nous avons encore plusieurs
jours, je coupe les avoines avant de partir
Elle respira
Ah tant mieux, car je n'ai encore
rien préparé pour mon départ.
Tu as tout le temps.
Il s'éloigneit, elle le retint
Ecoute encore. Je ne puis m'en aller
tance serait prévenue, retrouverait ma trace.
Bon, tu viendras me rejoindre.
Oh 1 non, je ne veux pas te quitter un
instant, nous partirons ensemble, la nuit,
nous prendrons le train à Gallardon, si tu
veux.
Oui, oui, nous arrangerons cela plus
tard, il ne faut pas qu'on me trouve ici.
Il se sauva et elle ne le revit plus de la
journée. Elle, compta les heures avec une
sorte de fièvre.
Devant elle la plaine s'étendait à perte de
vue, nue et triste, et cette grande tristesse
de la nature dépouillée la poignait. Elle était
attachée à. cette terre où elle avait grandi,
tous les buissons lui étaient familiers, c'est
à eux qu'elle avait confié ses gros chagrins
d'enfant, ils avaient surpris ses désirs de
jeune fille, ils avaient été témoins de son
amour. Car, pour elle aussi, l'homme était
venu, qui avait moissonné son cœur.
Il lui semblait que tant qu'elle serait là,
parmi ces chaumes desséchés, dans la dé-
solation de tous ces champs dévastés, il n'y
aurait plus de bonheur pour elle, et elle avait
hâte d'être partie, d'être loin, sous un autre
soleil, dans un autre printemps.
.Elle ne put parler à Pinsonnet avant la
nuit. Il était venu la rejoindre dans sa sou-
pente, elle l'entretint de mille projets, il ac-
ceptait tout ce qu'elle désirait, il la quitta
heureuse.
Pour; sortir, il lui fallait descendre une
échelle et passer par l'écurie. Ce iour-là il
manqua un échelon, glissa, essaya de se rat-
trapper à l'échelle, qui tomba.
Il s'aplatit contre le mur, mais le vieux
domestique qui couchait à l'écurie, s'éveilla
en sursaut et, dans l'obscurité, lui lança une
injure.
Tiens, se dit Pinsonnet un peu surpris,
le bonhomme n'a plus rien à apprendre, il
sait que c'est moi qui suis ici et il sait ce
que j'y viens faire.
Il sourit, n'attacha aucune importance à
ce détail.
Le lendemain, Solange acheva ses prépa-
ratifs. Tout en faisant sa besogne, elle ras-
sembla toutes ses hardes, en fit un paquet
qu'elle cacha sous son lit.
Cette nuit-là encore, son amant vint la re-
trouver vers dix heures quand tout le mon-
de fut couché. Il entra avec précaution, lui
raconta son accident de la nuit précédente.
Ils en rirent tous les deux. Peu leur im-
portait maintenant qu'on connût leur liaison
et leurs rendez-vous. Demain, ils ne crain-
draient plus personne, personne ne vien-
drait les séparer, car ils fixèrent tout de
suite et d'un commun accord leur départ au
lendemain.
N'empêche, disait Pinsonnet, je tiens,
avant de partir, à faire une farce à ce. vieux
grigou, qui m'a insulté hier et toi aussi,
sans que je puisse lui répondre. Je veux
qu'il garde un souvenir de moi je ne désire
pas, au surplus, que ce souvenir soit bon.
Ils en revinrent encore à leur départ,
puis, heureuse d'en voir tous les détails en-
fin réglés, Solange se pendit au cou de son
amant..
Jamais Pinsonnet n'avait été plus tendre
et plus caressant, jamais la jeune fille ne
l'aima autant elle vécut là quelques -heures
d'ivresse dont elle devait conserver toute sa
vie le doux souvenir.
Vers trois heures, Pinsonnet la quitta
elle dormait, la gorge découverte, la tête
renversée, il se pencha, mit sur ses cheveux
un baiser furtif, descendit sans bruit, s'at-
tarda un peu dans l'écurie, sans doute pour
préparer la farce qu'il réservait au vieux
domestique, car lorsqu'il sortit sur la pointe
des pieds, il riait silencieusement.
Un instant, il s'arrêta dans la cour, pro-
mena son regard sur les bâtiments gris, sur
les fenêtres closes, puis vers la soupente où
dormait Solange et, lentement, il se glissa
vers sa grange.
A la fin août, le soleil tarde déjà à se le-
ver il était près de cinq heures quand la
ferme s'éveilla. Les chevaux s'ébrouaient,
tiraient sur leur chame, se mordillaient, se
disputaient la ration que le domestique leur
partageait. Puis, dans la cour, des coqs s'é-
gosillèrent, des chiens aboyèrent, et tous les
bâtiments s'emplirent de cris et d'appels.
Ces bruits familiers ne troublaient pas le
sommeil de Solange elle était restée assom-
mée sur sa couche, telle que Pinsonnet l'a-
vait quittée, la tête rejetée en arrière, la bou-
che entr'ouverte montrant le clair émail des
dents. Un cri, soudain, la fit se dresser
elle s'assit sur son lit, les yeux clignotants
dans la lumière crue du plein soleil. D'en
bas, une voix criait
Descendras-tu, paresseuse
Elle regarda, étonnée, autour d'elle. En
effet, il devait être très tard. En hâte, elle
enfila ses bas, noua ses cheveux, se préci-
pita. Le patron était là, au bas de l'échelle,
et la fermière et les domestiquée, tous l'at-
tendaient, les uns moqueurs, les autres sé-
vères.,
Elle se frottait les yeux, se demandait,ce
que tout cela signifiait. La fermière la mit
tout de suite au courant
Tu es fatiguée et tu sembles avoir mal
dormi, la belle Eh bien I ce soir, tu dormi-
ras ailleurs, car je ne veux pas de toutes
ces saletés chez moi, tu entends
Elle crut deviner que le domestique avait
parlé et, voulant braver ceux qui la dévisa-
geaient, elle sq mit à rire.
Oh là là que d'histoires Oui, j'ai
un amant, et après ? J'ai bien le droit d ai-
'mer qui Je veux, je pense. Est-ce que je vous
épie, moi, est-ce que je m'occupe de vous ?
Vous ne voulez pas que je couche ici, soyez
tranquilles, nous ne vous embarrasserons
pas, nous partirons lui et moi.
Un éclat de rire l'interrompit et le vieux
domestique la menaça du poing.
Et qu'est-ce qui me rendra les vingt
francs qu'il m'a pris, ton Parisien de
malheur ? Oui, il m'a volé mon porte-mon-
naie cette nuit en descendant de chez toi,
coquine Ah qui se ressemble s'assem-
ble Un voleur et une fille, les deux font
la paire.
Elle l'arrêta
C'est une plaisanterie. Appelez donc
Pinsonnet, il saura vous répondre. Mais
vous n'oseriez pas l'attaquer en face.
Et où irions-nous le chercher ? Il est
loin d'ici, ton joli galant il y a longtemps
qu'il est parti avec son baluchon, et, si tu
dois le rejoindre, il te faudra courir.
Elle blêmit, d'un bond fut à la grange,
mais elle ne l'ouvrit pas elle s'était arrêtée
hypnotisée devant la porte, sur laquelle,
avec un morceau de charbon, Pinsonnet
avait écrit
« Je me tire, bonne santé à tous.
Ce fut un coup brutal et. terrible, Dix fois
ses yeux relurent cette phrase, puis elle eut
un cri déchirant, un cri de bête qu'on égorgl
et elle s'écroula sur les pierres de la cour»
son corps se tordit sous la douleur, elle si
roula, se déchira à tous les. cailloux.
Froidement, la fermière la regardait elle
ricana
-Tiens, tiens, tu es moins arrogante. Tu
le seras demain moins encore, car ce soir tu-
rentreras à l'hospice.
Elle la regarda affolée, puis elle se redres»
sa, courut comme une insensée à la pour.
suite de celui qui l'abandonnait.
Il avait été court son rêve de bonheur,
court comme le songe d'une belle nuit. Elle
ne pouvait pas croire encore pourtant à cette
basse trahison, à cette lâche infamie. Ella
conservait encore sur ses lèvres la brûlure
des lèvres de son amant. Etait-il possible que
les baisers de cette nuit aient été les der-«
niers ? Non, elle ne pouvait le croire, elles
allait le retrouver, l'attendant dans quelque
coin. Elle courut par les champs, les battit
en tous sens, s'épuisa en vain. Elle ne pou-
vait plus douter, il était parti, elle ne le ré.
verrait plus, elle ne trouverait plus le refuga
de ses bras, elle n'entendrait plus la caresse
da sa voix.
Et comme aux grands désespoirs, il n'ap.
paraît d'abord qu'un remède, elle songea à
mourir. Comment la fermière avait-elle osé
lui parler de prison, après une telle éclaircie
dans-sa vie ? Comment avait-elle cru qu'elle
pourrait vivre avec une telle blessure ?
Non, elle mourrait avec son rêve et le dere
nier battement de son cœur serait un bat-
tement d'amour.
Elle se trouvait à quelques pas d'un étang,
elle s'y dirigea tranquillement. Un instant,
elle regarda l'eau profonde et moirée, puis
elle chercha encore autour d'elle. Elle était
bien seule, bien abandonnée elle eut uç(
cri de détresse suprême et lentement ?
laissa glisser.
12 -6–08
itf n,
CONTE DES MILLE ET UN MATINS
*LE SECOND VOYAGE
DE. MONSIEUR SUIFRE
La préfecture de police a dé-
cidé la suppression des portes
tournantes dans les cafés.
M. Suifre, de Margouillit-le-Charme
(Sarthe-et-Loire), tirait un orgueil immense
de sa. connaissance de Paris. Et au café du
Plat-d'Etain, sur la grand'place, à l'heure
de la manille, entre M. Sirollet le charcu-
tier, le père Prout, le gros cultivateur, et ce
sacré Laprune, le brigadier douanier, M.
Suifre, coquetier, ne tarissait pas sur Pa-
ris « A Paris, on fait. ci. A Paris, on
fait ça. »
Puissance de l'affirmation M. Suifre n'a-
vait, dans toute sa vie, passé qu'un mois à
Paris, en 1889. M. Badroulle, le pharmacien,
et M. Foubert, le receveur-buraliste, ve-
naient, eux. directement de la capitale, qu'ils
avaient habitée. Cela n'empêchait pas tout
Margouillit de s'écrier Ah pour quel-
qu'un qui connaît Paris, parlez-nous de Jo-
seph Suifre »:
Pourtant, un jour, Brédillon, le notaire
(cela ne lui a porté chance, il a fait faillite
depuis), s'avisa de faire observer
,Mais il date de l'autre siècle, votre
;voyage, Suifre 1
Cette constatation du millésime fit une
i grande impression sur M. Suifre, et son fa-
meux voyage lui parut tout à coup reculé
de cent ans dans le passé.
Le résultat de cette émotion fut cette nou-
velle répandue dans Margouillit, comme un
trait de foudre « M. Suifre va partir pour
Paris. Cela s'annonçait de môme que l'on
dit « Le roi Edouard revient à Londres, le
tsar rentre à Tsarkoié-Selo. »
A
M. Suifre est parti pour Paris Là, une
première déception l'attendait. Malgré les
observations du chef de train, qui lui con-
seillait de descendre au quai d'Orsay
Je connais bien mon Paris. On me
prend pour un provincial.
M. Suifre descendit à la gare d'Austerlitz,
ce qui l'obligea d'aller rejoindre à pied son
bagage dirigé sur la gare terminus. La route
est assez longue, et malgré sa parfaite con-
naissance de Paris, M. Suifre voulut recou-
rir à l'obligeance d'un agent. A peine l'agent
interrogé eut-il entendu l'accent de terroir
assez étrange et prononcé dé M. Suifre qu'il
répondit « Yes, sir, speak english.
M. Suifre ouvrit de tels yeux ahuris, sans
répliquer, que l'agent, pensant commettre
une erreur et avisant un collègue qui flâ-
nait à dix pas, lui cria
V'la un Alboche pour toi, Gédéon.
Et Gédéon, immédiatement, questionna
Wass wilnschen sie, mein herr ?
Stupeur profonde de M. Suifre, interpellé
en anglais et en allemand. Pour un instant,
il eut la sensation d'un cauchemar inouï,
au milieu duquel, croyant arriver à Paris, il
se serait trouvé transporté du même coup
et en même temps à Londres et à Berlin.
Heureusement, l'homme, qui connaissait
Paris, s'étant écrié « Mais je cause fran-
çais les deux agents polyglottes éclatè-
rent de .rire.
Devant leur méprise, et tout en renseignant
M. Suifre, l'un d'eux dit Voilà la chose
de ne pas avoir l'accent parisien. Il Observa-
tion qui froissa M. Suifre.
Une. fois en possession de sa malle, M.
Suifre reprit un peu d'aplomb. Un fiacre est
hélé, et, fouette cocher, pour aller surpren-
dre. rue de Fleurus, le cousin et la cousine
Rapoil, sans nouvelles de M. Suifre depuis
un an.
Confortablement installé sur les coussins,
M. Suifre contemplait Paris, son fameux
Paris, -qui défilait devant lui. Voici la Cham-
bre, voici le ministère de la uerre: M. Sui-
fre redevient Parisien. Ah les délices de
la- vie parisienne. Pan un choc rude. M.
Suifre s'en va donner du nez contre sa
malle, et le cocher est presque précipité à
bas de son siège. Une auto vient de les tam-
ponner. Ainsi brutalement arraché à son
rêve favori, M. Suifre ne trouva qu'un seul
mot -« Assassin Il s'écria-t-il. Le chauf-
feur, doux comme la bête dont il porte la
peau, répliqua. Le cocher- hurla. Grâce au
ciel, un agent cycliste arrivait.
Agent, prenez le nom de ce misérable,
qui a voulu nous tuer, vociféra M. Suifre.
Mais l'agent, s'adressant avec bienveil-
lance au chauffeur
Vous teniez bien votre droite ?
Et, se tournant avec sévérité vers le co-
cher:
Qu'est-ce que vous fichiez au milieu de
la rue ?
M. Suifre protesta
Mais, c'est nous les écrasés, agent.
r-r-r C'est votre faute D'ailleurs, ce n'est
pas mon affaire de vous défendre. Je suis
de la brigade pour la protection des autos.
Cette fois, M. Suifre, qui connaissait Pa-
ris, eut un choc anéantissant. Non seule-
ment les agents de police ne parlaient plus
français, mais encore ils protégeaient les
automobilistes contre les écrasés.
D'un bond il fut à terre, laissant son fia-
ére porter sa malle et préférant achever la
route à pied. Arrivé rue de l'leurua, malgré
sa connaissance de la capitale, M. Suifre ne
s'y reconnut pas. La maison de Rapoil avait
été jetée v terre pour le percement du bou-
levard Raspail. Et ce furent des démarches
auprès des concierges des environs, afin
d'obtenir la nouvelle adresse des cousins,
qui; maintenant, habitaient Montmartre.
Enfin, de nouveau hissé sur son fiacre,
porteur de son bagage, M. Suifre retraversa
Paris, qu'il voyait vraiment bien changé.
Grâce au ciel, il trouva la cousine Rapoil
chez elle. Surprise, embrassades. Le cou-
sin Suifre était le bienvenu. Des nouvelles
du pays, etc.
Mais où est donc le cousin Rapoil ?
Au café Papillon, rue de Clignancourt.
Et voici le cousin Suifre dehors.
-NI. Suifre était arrivé juste devant le café
Papillon, 'une petite brasserie d'habitués.
Tout de suite, à travers la devanture, il
aperçut le cousin Rapoil très absorbé à sur-
veiller ses cartes. Un peu vieilli, le cousin
la vie de Paris sans doute. Dame,
tout le monde ne pouvait pas;, la supporter
aussi bien que M. Suifre, qui la menait de-
puis dix-huit ans. à Margouillit-le-Charme.
̃ Mais, sapristi comment entre-t-on
dans ce débit ?
Eh cousin. cousin Rapoil. clamait
M. Suifre, planté en face d'une sorte de lo-
gette en angle aigu, fermée par deux gla-
ces, et qui formait une manière de guérite
au beau milieu du café Papillon.
Le cousin n'entendait pas.
Entrez donc en poussant. Vous ne con-
naissez donc pas les portes tournantes ?
Mais si. Les portes tournantes, vingt
dieux je ne connais que ça
Et, résolument entré dans la petite guérite
fin angle, il se mit pousser devant lui,
tambourinant sur la glace et criant
Hé cousin Cousin Rapoil hurlé
à tue-tête avec l'accent de Margouillit.
Par là Poussez par là indiquait un
garçon de l'intérieur, voyant qu'il poussait
dans le mauvais sens.
Comment, par là fit M. Suifre, indi-
gné. Une mauvaise farce. On ne me la fait
pas. Hé cousin, cousin, faites-moi ouvrir.
Devant l'obstination tapageuse et impuis-
sante de M. Suifre, tous les consommateurs
avaient levé la tête le cousin Rapoil fit
comme les autres. Les garçons, le gérant,
tous les consommateurs criaient à M. Sui-
fre
Pas par là. Dans l'autre sens
M. Suifre, rouge, honteux, furieux, entêté,
ne saisissait pas, n'entendait pas et pous-
sait toujours, si bien que, las de crier, Ra-
poil et le gérant s'engagèrent, de l'intérieur,
a leur tour, dans la porte pour la faire tour-
nuer et amener, par l'exemple, M. Suifre à
reconnaître quelle était son erreur.
Malheureusement, l'homme, qui connais-
sait Paris, ne comprenait rien à leur ma-
nœuvre. D'une épaule robuste, il redoubla
ses efforts, annihilant, les leurs.
Crac Plac Rac Le bruyant éclat d'une
glace qui se Prise, la porte a viré sous la
poussée violente de Rapoil et du gérant, et
M. Suifre, après avoir fendu avec son. dos
le panneau vitre derrière lui, se trouva pro-
jeté sur le trottoir.
La foule riait, le gérant jurait. Rapoil était
vexé.
C'est une porte tournante. Vous ne le
voyez donc pas, argua le gérant dédaigneux
et faisant tourner la porte en manière de
démonstration:
Ça une porte répliqua M. Suifre, li-
vide de colère. Dans mon pays, on nomme
ça une girouette.
L'incident se liquida par une centaine-de
francs d'indemnité.
M. Suifre n'a pas fait long feu chez les
Rapoil. Le cousin Rapoil, qui avait une ar-
doise au café Papillon, n'avait pas été sa-
tisfait de l'incident de la porte et puis ses
amis le blaguèrent au sujet de M. Suifre.
M. Suifre, qui connaissait si bien Paris,
est rentré à Margouillit-le-Charme. Ques-
tionné sur ce qu'il a vu de curieux dans son
voyage à Paris, dont il ne disait pas grand'
chose, il répondit
Les Parisiens ont des portes qui tour-
nent comme des girouettes, sans rien ajou-
ter.
M. Suifre n'a jamais donné d'explication.
Comme il ne parle plus de Paris, on trouve
qu'il baisse beaucoup, et l'opinion générale-
ment accréditée est qu'il a dû faire à Paris
une de ces noces qui vous achèvent un
homme.
Dernièrement, en lisant le journal, il s'est
écrié
Enfin,' on va les supprimer, les saletésl
L'on n'a jamais su s'il s'agissait de portes,
de girouettes ou de. Mais on se pousse du
coude quand on le voit et chacun dit
n s'est sérieusement amuse à Paris ce
sacré Suifre
CLAUDE BERTON.
ACADÉMIE
Lecture a été donnée d'une lettre par laquelle M.
le lieutenant-colonel Lavlsse, dirticteur de l'Ecole
do Saint-Maixent, informe l'Académie du décès de
M. Gaston Boissier, son beau-père, secrétaire, perpé.
tue de la Compagnie.
M. le marquis de Ségur. président, retrace ensuite
en quelques paroles émues et sympathiques la vie et
les oeuvres du regretté défunt, puis déclare la séance
levée en signe de deuil.
Par suite des nombreux décès survenus récemment
parmi les membres de la Compagnie et de la maladie
de M. Boissier, il était survenu une certaine irrégu-
larité dans le fonctionnement des séances et des tra-
vaux relatifs a l'examen des ouvrages présentés pour
les divers concours des prix à décerner fn 1908. Aussi,
tes membres présents, avant de se séparer, -ont-ils
décidé que l'Académie tiendrait une séance supplé-
mentaire mardi prochain 16 juin.
Nous croyons savoir que, pour ces mêmes raisons,
l'élection du successeur de M. Boissier comme secré-
taire perpétuel aurait lieu dans quinze jours, c'est--
iL dire le jeudi 25 juin.
Carnet du Fonctionnaire
Les percepteurs et receveurs.
M. Caillaux a reçu hier une délégation de l'Asso-
ciation fraternslle de prévoyance des percepteurs et
receveurs spéciaux de France, qui lui a remis l'a-
dresse suivante, votée à l'unanimité du congrès
qu'elle vient de tenir à Paris.
« Les membres de l'Association fraternelle de pré-
voyance des percepteurs et des receveurs spéciaux
de France, réunis en assemblée générale à la mai-
rie du neuvième arrondissement de Paris, le 7 juin
19a8, expriment à :IL Caillaux, ministre des finances,
leur profonde reconnaissance pour lts réformes heu-
reuses et considérables dont il vient de les faire bé-
néticier. Ils l'assurent de leur dévouement et le
prient respectueusement de vouloir bien leur conti-
nuer sa haute bienveillance en examinant avec in-
térêt les améliorations encore désirées par les per-
cepteurs et receveurs spéciaux. »
L'attentat du Panthéon. M. Albanel,
poursuivant son enquête, a entendu hier
plusieurs témoins, et tout d'abord M. Alfred
Dreyfus. Celui-ci a confirmé au magistrat
la déposition qu'il lui avait faite le lende-
main de l'attentat. Mme Dreyfus fut ensuite
interrogée. Puis on entendit le fils de M.
Alfred Dreyfus et M. Cassan, garde du Pan-
théon, et Mlle Antoinette, femme de cham-
bre de.Mme Dreyfus (sur l'incident des ro-
ses), enfin M. Carri, armurier, qui, le 23
mai dernier, vendit à M. Gregori le revolver
dont il fit usage
Je m'étonne que des munitions sortant
de chez moi aient produit une blessure si
peu grave, fit M. Carri, commerçant sou-
cieux de contenter Ea clientèle.
Pour terminer sa journée, NI. Albanel
confronta M. Gregori et le commandant
Dreyfus.
Confrontation très brève
J'ai agi sciemment, je le répète, fit M.
Gregori. Je revendique la responsabilité que
j'ai encourue. Je m'expliquerai en cour d'as-
sises.
C'est cela, répliqua M. Alfred Dreyfus,
s'adressant au juge. Je n'ai point à discuter
ici avec ce monsieur. Nous nous retrouve-
rons devant le jury.
Les cambrioleurs opèrent.- MM. les cam-
brioleurs, gens distingués, ne sont point
partisans du stérile chômage. Nuit et jour,
ils opèrent avec une activité fiévreuse, et
leurs coups de main, non dépourvus d'au-
dace, sont accomplis avec une belle crâne-
rie et une élégance de bon ton. Leur dernier
exploit mérite d'être conté.
Ces personnages adroits, souples et sub-
tils s'introduisirent, la nuit dernière, 76,
Rue Manin, dans un pavillon qui se trouve
enclavé dans un chantier appartenant à
M. Muller, entrepreneur de charpentes. Cet
homme paisible goûte ces jours-ci un salu-
taire repos aux champs.1 Les cambrioleurs,
hommes avisés, profitèrent de cette bienheu-
reuse absence.
Après avoir fracturé la porte, ils péné-
trèrent dans le bureau de M. Muller, qui se
trouve au deuxième étage. Là, ils attaquè-
rent un coffre-fort assez volumineux pour
procéder avec plus d'aisance, ils renversè-
rent le meuble sur un matelas, afin d'évi-
ter tout bruit malencontreux, et, munis de
barres de fer prises sur le Chantier voi-
sin, ils forcèrent la serrure résistante.
Le coffre-fort ne contenait point d'argent
par contre, de nombreux bijoux de haut prix
et des écrins d'argenterie furent pour nos
cambrioleurs une prise excellente.
Les filous disparurent prestement dans la
nuit. M. Cuvillier, commissaire de police du
quartier du Combat, et des inspecteurs de la
Sûreté, ne désespèrent pas de les retrou-
ver.
a Dix sous, s'il vous plaît 1 » Arsène
Deuil, valet de chambre, remontait d'un pas
sonore, à minuit, l'avenue d'Iéna. Il sifflait
gaiement et faisait tournoyer sa canne •
dans la poche de son pardessus mastic,
dix-huit billets bleus constituaient un épais
matelas.
Deux femmes marchaient, côte à côte,
dans l'ombre, deux formes blanches. Elles
s'approchent, leur regard est doux, leurs
propos flatteurs. Le valet de chambre a le
cœur en fête il s'arrête et la conversation
s'engage.
Mais Deuil est pressé il lui faudra, de-
main, se lever de très bonne heure Il ré-
siste au charme des sirènes et veut partir.
Donnez-nous dix sous pour prendre le
train insistent-elles.
Dix sous Quand on porte une fortune
Le valet de chambre ouvre son pardessus
et prend dans son gousset deux pièces blan-
ches. Puis il s'éloigne, hâtif.
Infortuné larbin A l'aube, il a vainement
cherché son portefeuille et fouillé ses po-
cbps Les billets étaient loin.
Retrouvera-t-on les hardies voleuses ?
En tuant des punaises. Depuis que les
chaleurs ont commencé à se faire sentir,
M. François Lavilledieu, demeurant 18, rue
Darcet, ne cesse de maugréer contre les pu-
naises.
Non seulement, la nuit, elles galopent en
rangs serrés sur son corps, mais encore il
en découvre jusque dans ses aliments. Ces
vilaines petites bêtes ont envahi sa cuisine.
Comme M. Lavilledieu avait usé en vain
de tous les insecticides possibles, avant-
hier, en désespoir de cause, il acheta un
nouvel appareil destructeur dont on lui avait
dit grand bien. Les expériences qu'il fit lui
donnèrent, en effet, un si beau résultat, que
tout de suite il se transporta chez sa belle-
mère, 19, rue de la Victoire. Celle-ci, tout
comme son gendre et pour la même cause
ne pouvait .fermer l'œil.
Eureka lui dit-il, nous sommes sau-
vés.
Et il se mit à manoeuvrer 1 appareil saù-
v eur. Tout à coup,' alors que de nombreu-
ses punaises gisaient déjà inanimées sur les
draps, le système à gaz asphyxiant fit ex-
plosion et, tout comme les petites bêtes qu'il
venait de tuer, M. Lavilledieu roula ina-
nimé sur le sol.
Heureusement que lui on put le ranimer
chez un pharmacien voisin. Il est soigné à
son domicile.
PETITS FAITS'DIVERS
M. Martial Sohier, interne, descend de
gardes à Saint-Louis. Pris d'un malaise subit,
on l'emporte à son domicile. Il meurt avant
d'arriver. « Affection cardiaque », disent ses
amis.
M. Drapier, juge d'instruction, a fait su-
bir un interrogatoire d'identité à Olive The-
bault, cette jeune Bretonne qui, la veille, par
jalousie, blessa mortellement à. coups de cou-
teau, 29, rue Saint-Placide. son amant, Mau-
rice Debrousse. Olive Thebault a déclaré
qu'elle avait voulu se venger, mais sans in-
tention de tuer l'infidèle. Elle a confié le soin
de sa défense à M" Hélène MiropolsKy.
La lampe glisse dans la main de Mme An-
toinette Girard, 875, boulevard Voltaire. Un
tourbillon d'étincelles. Grèvement brûlée, on
la transporte à l'hôpital Saint-Antoine. En-
core une malencontreuse lampe, 5, place de
la République, communique le feu à un ate-
lier de fleuristes. Les mains de Mlle Margue-
rite Petit, gente ouvrière, souffrent du baiser
cuisant de la flamme.
Un crâne au ricanement sinistre se mor-
fondait au fond'd'une cave, 19. rae Clavel.
Pièce anatomique, prononce M. Cuu,illier,
commissaire de police.
e Veux-tn être ma femme ? » demande,
l'oeil strié de fauves lueurs, le corroyeur Jac-
ques Piccaro à sa jolie voisine, Berthe Robet,
mécanicienne. « Jamais jamais 1 » crie celle-
ci. Le corroyeur, d'un couteau brutal, pique
au ventre, Faubourg-Saint-Denis, l'irréducti-
hla Berthe. Au Dépôt
Elle revenait du marché, la pauvre
vieille, un panier de légumes au bras, et tra-
versait la'rue Lecourbe à pas mesurés..Une
auto vient, menaçante, et mugit. Dame Pelté
a l'ouïe dure. L'auto l'accroche par ses cottes
et la renverse. Gros émoi, contusions légères.
Procès-verbal au chauffeur, Léon Cazet.
Un enfant, dont on ignore l'identité, pa-
raissant âgé de neuf ans, est tombé hier après-
midi dans le canal Saint-Martin. On repêcha
son cadavre. L'enfant est blond, vêtu de ve-
lours gris, son linge porte la marque N. Sur
son cou, une humble médaille.
« Venez chez moi vous verrez » répond
d'un air de défi Auguste Pont, employé d'un
grand magasin, à ceux qui l'interrogent sur
des vols récente. On y va. Dans une chambre.
impasse des Eaux, des vêtements, des cou-
pons, du linge, dix mille francs de marchan-
dises. Au Dépôt l'indélicat vendeur.
A cette époque de l'année on ne saurait
être trop difficile dans le choix de ses ali-
ments. Il y a deux jours, pour avoir mangé
du homard de qualité douteuse, M. Winger-
ter, rue Montmartre, a été victime avec
sa famille d'un empoisonnement qui aurait pu
avoir les plus graves conséquences. Une en-
quête est ouverte pour établir la responsabi-
lité exacte du fournisseur.
Un fou, Léon Etiennet. veut faire un mau-
vais parti à la jeune Marie Suzat, rue de Pa-
radis. Survient le courageux chauffeur, M.
Miollet, qui, dans son auto, conduit le dément
au commissariat. M. Lefort, commissaire de
police, envoie Etiennet à l'infirmerie spéciale.
A TRAVERS DEPARTEMENTS
ALENÇON. Les gendarmes de Couterne,
en tournée, viennent de découvrir dans la
Mayenne le cadavre de François Dain, cin-
quante-six ans, originaire de Cleden-Doher
(Finistère). Le docteur Petit, de Couterno, ap-
pelé, ne put faire de constatations utiles par
suite de l'état de décomposition du cadavre.
(Dépêche particulière.)
HAZEBROUCK, Les ouvriers du tissage
Planer étant pu grève depuis cinquante
jours par suite de l'installation des nouveaux
métiers, ont eu hier une grande réunion à
l'estaminet des Trois-Rois.
Là, ils demandèrent aux ouvriers qui tra-
vaillent sur les nouveaux métiers de cesser
le travail. L'un d'eux, Bouquet, refusa. Alors
les grévistes, au nombre de quatre cents, se
rendirent à la maison de Bouquet et saccagè-
rent tout. Ne trouvant pas de pierres, ils dé-
molirent un mur. Là gendarmerie, prévenue
aussitôt, arriva sur les lieux, mais trop tard.
On craint de graves troubles. (pép. particul.)
LE MANS. A propos des Beaux yeux d'une
jolie bohémienne, les hôtes de douze roulot-
tes installées aux portes du Mans se sont li-
vrés, cette huit, à une bataillé qui a vérita-
Moment terrifié les habitants du quartier. Di-
visés en deux camps, les nomades se sont,
pendant plusieurs heures, poursuivis à coups
de fusil et à coups de pierre sur les routes de
Saint-Aubin et d Alençon. Ce matin, on comp-
tait plusieurs blessés. L'un d'eux,nommé Dau-
bert, a reçu une très grave blessure à la nu-
que. Une roulotte a été mise en miettes. Une
enquête faite par la police amène l'arrestation
des frères Chellet, vingt et vingt-quatre ans.
{Dépêche particulière.)
1 UN DON DE DIX MILLIONS
AUX VIEILLARDS DE PARIS
A la séance du conseil de surveillance de
l'Assistance publique, M. Mesureur, directeur
général, a fait, au sujet du magnifique legs
de Mme de Provigny. la communication sui-
vante. qui confirme les renseignements déjà
donnés par le Matin
J'ai reçu de M. Henri Kastler, notaire à Paris,
communication, des dispositions testamentaires de
Mme veuve de, Provigny, née Besson, décédée le 29
inat 1908. Il résulte de ce testament que Mme de
Provigny donne et lègue à l'Assistance publique
de Paris sa propriété ct'Arcueil la petite ferme
d'Arcueil, le potager, une propriété louée, ainsi
qu'une somme de dix millions.
Ce legs, suivant la volonté de la donatrice, est
fait avec l'obligation pour l'Assistance publique do
créer une maison de retraite pour les vieillard des
deux sexes. Pour être admis, ces vieillards devront
n'avoir subi aucune condamnation judiciaire, être
agés de soixante ans aü moins et citoyens français;
il ne sera tenu compte d'aucune opinion politique
ou religieuse.
La donation prendra et conservera à perpétuité
là nom de Maison de retfatte Cousin de Méricourt
et Bcsson.
Le service en sera assuré par les soeurs de Saint-
Vincent-de-Paul c'est là une condition totmelle
et déterminante dont l'inexécution entraînerait la
nullité absolue du legs.
La maison sera autant que possible établie sur la
hauteur près de la grille d'entrée, et une chapelle
sera établie attenante aux bâtiments.
L'acceptation du legs devra avoir Ileu au plus
tard deux ans après le décès de la bienfaitrice, et
l'inauguration de la maison être effectuée au moins
cinq ans après le décès, le tout à peine de nullité.
L'exécuteur testamentaire, d'accord avec l'Assis-
tance publique, arrêtera les plans des conditions
d'organisation, d'administration, d'admission, de
surveillance, et fixera le nombre des lits en dortoir
ou en chambre gratuits ou payants. Il lui sera ré-
servé a perpétuité, conjointement avec les légataires
universels, un droit de présentation à concurrence
au moins de deux dixièmes des lits.
Je tenais aussi à déclarer dès aujourd'hui qu'il
n'y a rien dans cette disposition qui ne soit conct
liable avec les lois actuelles et qui n? soit conform3
aux traditions de l'Assistance publique, qui a tou-
jours scrupuleusement respecté les volontés de ses
donateurs.
Ce dernier passage de la communication de
M. G. Mesureur fait surtout allusion à la
clause relative aux sœurs de Saint-Vincent-
de-Paul, dont la légalité n'est pas contestable.
A l'Opéra.
C'est ce soir que Mme Rose, Caron reparaît
dans Salammbô. NI. Alvarez chante Matho,
M. Dehnas Narr-Havas les autres interprétes
sont MM. Gautier, Boulogne, Gilly, Delpouget,
Nucelly.
Demain samedi, Mlle Mary Garden chantera
pour la première fois le rôle de Marguerite
dans Faust, avec M. Muratore (Faust), Mlles
Martyl et Goulancourt, MAI. A. Gresse, Gilly
etLequien.
A la Comédie-Française.
Mme Bartet fera sa rentrée ce soir dans
l'Autre Danger, de M. Maurice Donnay, et
jouera demain samedi les Deux Hommes, de
M. Alfred Capus.
C'est le 22 juin prochain qu'aura lieu la re-
prise du Misanthrope avec Mlle Berthe Cerny,
pour la première fois dans le rôle de Célimène;
M. Leitner jouera Alceste.
Ce même soir on donnera la première re-
présentation de l'Ecran brisé, pièce de M.
Henry Bordeaux, qui fut jouée, il y a deux
ans, à Nice. Mme Bartet et M. Jacques Fe-
noux reprendront les rôles qu'ils ont créés à
cette époaue..
A l'Opéra-Comique.
Ce soir, reprise de Pellêas et Mélisande,
avec Mlle Maggie Teyte, MM. Jean Périer, Du-
frani'le et Vieuille.
Lundi, à 8 h. 1/4, représentation populaire à
prix réduits (avec location), Mignon (Mlle B.
Lamare, Mme Guionie, MM.Francell, Vieuille).
A l'Odéon.
Pendant la fermeture, différents travaux in-
térieurs et extérieurs vont être exécutés. C'est
ainsi que, actuellement, on refait entièrement
tout le côté droit du bâtiment où sont situés
les bureaux de l'administration. Les frais de
ces travaux sont supportés par rEtat.
MM. Isola frères viennent de céder définiti-
vement la direction des Folies-Bergère à M.
Bannel, qui fut leur collaborateur pendant de
longues années*.
Au Conservatoire.
Voici quelles sont les dates des prochains
concours.
Dimanche 14 iuin, mise en loge de 6 h. du
matin à minuit harmonie hommes. Di-
manche 21 juin, mise en loge de 6 h. du ma-
tin à minuit harmonie femmes. Dimanche
28 iuin, mise en loge de 6 h. du matin à-mi-
nuit contrepoint. Dimanche 19 juillet, mise
en loge de 6 h. du matin à minuit fugue,
Concours à huis clos.
Vendredi 12 juin, à 9 h.: dictée et théorie
(solfège chanteurs). Samedi 13 juin, à 9 h.:
lecture (solfège chanteurs). Lundi 16 juin,
à 1 h.: harmonie hommes. Mercredi 17 juin,
à 9 h.: dictée et théorie (solfège instrumen-
tistes). Jeudns juin, à 9 h.: lecture (solfège
instrumentistes). Vendredi 19 juin, à 1 h.:
orgue. Samedi 20 juin, à 1 h.: accompagne-
ment au piano. Lundi 22 juin, à 1 ni: har-
monie femmes. Lundi 29 juin, à 1 h.: con-
trepoint. Samedi 18 juillet, à 9 h.: violon
préparatoire. et à 1 h.: piano préparatoire
Lundi 20 juillet, à 9 h.: fuguu.
Ce soir, à 1'Alcazar, débuts de Dranem dans son
répertoire. Grâce à une entente passée entre les
Ambassadeurs et l'Alcazar, Dranem continuera à
jouer dans Paris tout, nu, .la revue des Ambassar,
deurs.
Dimanche, soirée de gala avec au programme
Polln, Dranem, Jules Moy
Hdteî-vous d'entendre la « Pie
Qui chante », car lundi matin
Elle partira, c'est certain,
Loin, dans la campagne fleurie.
Malgré l'immense succès du pragramme actuel
et malgré les recettes élevées du moment, les deux
aimables directeurs Oharles Fallot et Paul Mari-
nier ont décidé de donner dimanche soir 14 juin
la dernière de la saison. Réouverture au commen-
cement de septembre. 159, rue Montmartre. T. S25-67.
TRIBUNAUX
Boxing ecclésiastique.
Thonon-les-Bains, 11 juin. par-
ticulière du « nfaüv ». Le tribunal a lugé
cet après-midi l'affaire de coups et blessu-
res portés par le vicaire"de Margencel sur
le maire de cette commune, M. Bouvet. Il
a condamné M. Duoh^able, curé, à 100 francs
d'amende avec sursis pour menaces, 16
francs pour port d'armes et 15 francs pour
violences légères. Le vicaire, M. Buffet, a
été condamné à. huit jours de prison avec
sursis et à 60 francs de dommages-intérêts
envers M. Bouvet.
Nouvelles judiciaires.
Au moment où, le 13 mai, vers une heure
du matin, trois agents cyclistes passaient
dans la rue Croix-Nivert, les cris de « Au
secours f A nous se firent entendre.
C'étaient deux jeunes gens, Dondot.«t Cou-
tent, qui appelaient ainsi à l'aide.
Les gardiens de la paix se rendirent en hâte
à l'endroit d'où partaient les cris. Ils aperçu-
rent alors un individu, Menther, dont le corps
était pris dans une ouverture pratiquée dans
la porte d'une usine, où le cambrioleur vou-
lait pénétrer avec effraction.
Dondot et Coûtent eurent le cynisme, lors-
que les agents se présentèrent, de prétendre
que leur camarade Menther, en proie à une
crise alcoolique, avait, en se débattant, dé-
foncé malencontreusement la porte de l'usine,
d'où il ne pouvait plus sortir.
Les agents s'empressèrent d'emmener au
poste les trois malfaiteurs, qui avaient, par
mégarde, laissé près de la forte attrape-cam-
brioleurs une pince-monseigneur et un trous-
seau de fausses clefs.
Les trois apaches, assistés de M0 Henri Car
net et de Me Campinchi, ont comparu hier de-
vant la onzième chambre, présidée par M.
des Etangs.
Dondet et Menther ont été condamnés à
quinze mois de prison. Quant à Coutent, 11
s'en est tiré avec un an d'emprisonnement.
Entré, le 27 octobre 1906, à dix heures du
matin, comme a extra » chez M. Echoppe, mar-
chand de vins avenue d'Orléans, le garçon
de café Jean Chevalier, âgé de vingt ans,
quittait deux heures après, c'est-à-dire à
midi, la boutique de son patron, emportant
les 1,120 francs contenus dans la caisse de
l'établissement.
Jean Chevalier, qui n'a été arrêté que ces
temps derniers, vient d'être condamné par la'J
cour d'assises de la Seine à cinq ans de reclu*'
sion.
Poursuivi devant la cour d'assises de la
Seine sous l'accusation de dix attentats à la
pudeur sur des enfants de six à onze ans,
.le porteur aux ilalles Nicolas Guilodi a été
condamne, hier, à sept années de réclusion.
Nominations judiciaires.
Sont nommés .•̃̃"̃'̃
Greffiers dts tribunaux de première instanoo de
Nice, M. Dubergà; Dijon, M. Berlin; Vésoul; M. Lell-
maun; du tribunal de commerce de Mentnn, M. Ja-
nln; des iustices de paix de Lisieux (Calvados), 2'
canton, M. Perreti© Montbron (Charente), M. La-
coste Tulle (Corrèze), canton sud, M. Poussier; Thl-,
bervillo (Eure), il. blartin Fronton (Haute-Garonne),
M..Fauré; Maure (IÙe-et-ViJaine), M. Pochette; Saint-
GeorgfS-en-Couzan (Loire), M. Fraisse; La Pacaudière
(Loire), .M, .Rtbeyre; Quettehou (Manche), M. He-
gnault Questembert (Morbihan), M. Herrou; Is'or-
reut-Font-es (Pas-de-Calais). M. Rousseau; lia Ventia
(Pas-de-Calais), Ni. Villcbois; Neuilly-l'Evêque (Hau-
te-Marne), M. Matin.
Aux termes de ce même décret, M.' Ferez, ancien
greffler à Cambrai, est nommé greffier honoraire,
et M. Cambts, greffier i1 Arles, est révoqué.
Offre pEiîjantliropique
A ceux qui souffrant et ont on
vain essayé tous les remèdes
• ppéGotaSsés*
Sous le titre de Médecine Végétale, j'al
écrit un livre de santé, afin que chacun
puisse se préserver et se guérir de toute
maladie par les sucs et principes vitaux
des plantes. Tous ceux qui sont atteints
d'une maladie de la peau, des nerfs, du
sang, de l'estomac, de la poitrine, de la
vessie ou contagieuse, y trouveront un
moyen infaillible de se guérir radicalement,
comme ces milliers de malades qui se
sont guéris définitivement après avoir es-»
sayé sans résultat les autres traitements.
Dans un but de vulgarisation scientifique^
j'envoie la Médecine Végétale, fort volume
de 491 pages, 825 articles et 126 dessins ana-
tomiques, franco contre 75 centimes en liai*
bres-poste adressés à M. Narodeski, pfiar»
macien, 16, rue Vivienne, Paris.
LEÏÏREDIEËRERECOMU
Martigné, le 25 septembre 1907. <
Monsieur,
Je viens vous donner des renseignements!
sur ma fillette âgée de 14 ans, reconnue tu-,
berculeuse par plusieurs médecins, et qui
s'est trouvée mieux sitôt qu'elle a fait usa-,
ge de votre « Curatif Vaugirard ». Je vais
vous raconter comment la maladie est ve*
nue.
Elle était dans une pension religieuse,,
lorsqu'aux vacances de Pâques elle nous
revint avec une mine superbe cependant
au bout d'une quinzaine de jours, elle tom-
ba gravement malade d'une pneumonie qui
l'amaigrit et la fatigua beaucoup. Le mé-4
decin constata à ce moment un point tuber-*
culeux. Connaissant votre médicament,.
nous fîmes commencer de suite le traite'
ment à la dose de 6 cuillerées par jour. A4
bout de quelques jours, l'appétit était rei
venu, et de 89 livres qu'elle pesait elle est
aujourd'hui à 117 livres.
Elle ne souffre plus ni de l'estomac nid.
la poitrine, elle ne tousse plus. Le médecin
qui lui en donnait pour un an ou diXHhui|
mois, a été très surpris de cette cure =eN
veilleuse.
Croyez bien, monsieur, que je ferai tout
mon possible pour faire connaître dans mes
relations un remède d'une si grande efflea»
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FEUILLETON DU u MATIN
DU 12 JUIN 1908
Grapd Romap Ipédit
LÉON MALICET
DEUXIEME PARTIE
Les Epaves
n
L'ÉTERNELLE HISTOIRE
(suite)
C'est possible, mais je t'assure, il faut
nous préparer à partir.
Eh bien nous partirons.
Où irons-nous ? Tu sais que moi je ne
suis pas libre, et que je devrai me cacher.
Nous irons à Paris. Là, tu n'auras rien
à 'craindre, tu seras perdue dans la foule
comme dans un désert, personne ne te re-
trouvera, sois tranquille.
• Mais comment vivrons-nons
Ne t'ai-je pas dit que j'avais cinquante
métiers à Paris, je suis chez moi, je sais
me débrouiller, je ne suis pas en peine.
Une étreinte achevait la conversation, une
caresse aurait suffi à la rassurer si elle avait
eu la moindre inquiétude.
Ce qu'elle avait prévu pourtant arriva. Un
matin le patron appela Pinsonnet
Mon garçon, voici les blés rentrés ou
mis en meule il partir d'aujourd'hui, il n'y
a plus qu'à se croiser les bras et je n'ai plus,
Traduction et reproduction formellement Inter-
dites.
besoin de toi. Voilà le compte de tes jour-
nées, regarde s'il est exact voilà l'argent
que je te dois, compte-le, signe-moi un reçu,
je-vais te signer ton livret et tu seras libre.
Un peu pàle, Pinsonnet glissait l'argent
dans la poche de son gilet il hasarda
Je croyais, patron, que vous m'auriez
gardé encore quelques jours.
Pour quoi faire ?
Vous avez encore des avoines à cou-
per, j'aurais pu vous être utile.
Non, merci, les gens de la maison suf-
firont à la besogne.
Et puis cela m'aurait donné le temps
de chercher une autre place.
Je n'y puis rien.
Pinsonnet se mordit les lèvres, puis il re-
prit
Tenez, patron, gardez-moi encore qua-
tre ou cinq jours pour ma nourriture seule-
ment, juste le temps d'écrire quelques let-
tres et d'avoir les réponses.
Dans ces conditions-là et si cela peut te
rendre service, je veux bien.
Il s'en alla en souriant, comme si le ré-
pit de quelques jours qu'il venait de gagner
l'avait soulagé, lui avait enlevé une inquié-
tude ou une préoccupation.
Il allait vers la grange pour y cacher son
trésor, mais de la soupente, au-dessus de
l'écurie, une voix l'appela, et il rejoignit So-
lange, qui l'avait guetté.
Elle était pale, ses lèvres tremblaient, ses
yeux étaient pleins d'inquiétude. Elle lui prit
les mains, l'attira près d'elle.
II t'a renvoyé, n'est-ce pas ? Je viens
d'entendre les domestiques.
Oui, mais nous avons encore plusieurs
jours, je coupe les avoines avant de partir
Elle respira
Ah tant mieux, car je n'ai encore
rien préparé pour mon départ.
Tu as tout le temps.
Il s'éloigneit, elle le retint
Ecoute encore. Je ne puis m'en aller
tance serait prévenue, retrouverait ma trace.
Bon, tu viendras me rejoindre.
Oh 1 non, je ne veux pas te quitter un
instant, nous partirons ensemble, la nuit,
nous prendrons le train à Gallardon, si tu
veux.
Oui, oui, nous arrangerons cela plus
tard, il ne faut pas qu'on me trouve ici.
Il se sauva et elle ne le revit plus de la
journée. Elle, compta les heures avec une
sorte de fièvre.
Devant elle la plaine s'étendait à perte de
vue, nue et triste, et cette grande tristesse
de la nature dépouillée la poignait. Elle était
attachée à. cette terre où elle avait grandi,
tous les buissons lui étaient familiers, c'est
à eux qu'elle avait confié ses gros chagrins
d'enfant, ils avaient surpris ses désirs de
jeune fille, ils avaient été témoins de son
amour. Car, pour elle aussi, l'homme était
venu, qui avait moissonné son cœur.
Il lui semblait que tant qu'elle serait là,
parmi ces chaumes desséchés, dans la dé-
solation de tous ces champs dévastés, il n'y
aurait plus de bonheur pour elle, et elle avait
hâte d'être partie, d'être loin, sous un autre
soleil, dans un autre printemps.
.Elle ne put parler à Pinsonnet avant la
nuit. Il était venu la rejoindre dans sa sou-
pente, elle l'entretint de mille projets, il ac-
ceptait tout ce qu'elle désirait, il la quitta
heureuse.
Pour; sortir, il lui fallait descendre une
échelle et passer par l'écurie. Ce iour-là il
manqua un échelon, glissa, essaya de se rat-
trapper à l'échelle, qui tomba.
Il s'aplatit contre le mur, mais le vieux
domestique qui couchait à l'écurie, s'éveilla
en sursaut et, dans l'obscurité, lui lança une
injure.
Tiens, se dit Pinsonnet un peu surpris,
le bonhomme n'a plus rien à apprendre, il
sait que c'est moi qui suis ici et il sait ce
que j'y viens faire.
Il sourit, n'attacha aucune importance à
ce détail.
Le lendemain, Solange acheva ses prépa-
ratifs. Tout en faisant sa besogne, elle ras-
sembla toutes ses hardes, en fit un paquet
qu'elle cacha sous son lit.
Cette nuit-là encore, son amant vint la re-
trouver vers dix heures quand tout le mon-
de fut couché. Il entra avec précaution, lui
raconta son accident de la nuit précédente.
Ils en rirent tous les deux. Peu leur im-
portait maintenant qu'on connût leur liaison
et leurs rendez-vous. Demain, ils ne crain-
draient plus personne, personne ne vien-
drait les séparer, car ils fixèrent tout de
suite et d'un commun accord leur départ au
lendemain.
N'empêche, disait Pinsonnet, je tiens,
avant de partir, à faire une farce à ce. vieux
grigou, qui m'a insulté hier et toi aussi,
sans que je puisse lui répondre. Je veux
qu'il garde un souvenir de moi je ne désire
pas, au surplus, que ce souvenir soit bon.
Ils en revinrent encore à leur départ,
puis, heureuse d'en voir tous les détails en-
fin réglés, Solange se pendit au cou de son
amant..
Jamais Pinsonnet n'avait été plus tendre
et plus caressant, jamais la jeune fille ne
l'aima autant elle vécut là quelques -heures
d'ivresse dont elle devait conserver toute sa
vie le doux souvenir.
Vers trois heures, Pinsonnet la quitta
elle dormait, la gorge découverte, la tête
renversée, il se pencha, mit sur ses cheveux
un baiser furtif, descendit sans bruit, s'at-
tarda un peu dans l'écurie, sans doute pour
préparer la farce qu'il réservait au vieux
domestique, car lorsqu'il sortit sur la pointe
des pieds, il riait silencieusement.
Un instant, il s'arrêta dans la cour, pro-
mena son regard sur les bâtiments gris, sur
les fenêtres closes, puis vers la soupente où
dormait Solange et, lentement, il se glissa
vers sa grange.
A la fin août, le soleil tarde déjà à se le-
ver il était près de cinq heures quand la
ferme s'éveilla. Les chevaux s'ébrouaient,
tiraient sur leur chame, se mordillaient, se
disputaient la ration que le domestique leur
partageait. Puis, dans la cour, des coqs s'é-
gosillèrent, des chiens aboyèrent, et tous les
bâtiments s'emplirent de cris et d'appels.
Ces bruits familiers ne troublaient pas le
sommeil de Solange elle était restée assom-
mée sur sa couche, telle que Pinsonnet l'a-
vait quittée, la tête rejetée en arrière, la bou-
che entr'ouverte montrant le clair émail des
dents. Un cri, soudain, la fit se dresser
elle s'assit sur son lit, les yeux clignotants
dans la lumière crue du plein soleil. D'en
bas, une voix criait
Descendras-tu, paresseuse
Elle regarda, étonnée, autour d'elle. En
effet, il devait être très tard. En hâte, elle
enfila ses bas, noua ses cheveux, se préci-
pita. Le patron était là, au bas de l'échelle,
et la fermière et les domestiquée, tous l'at-
tendaient, les uns moqueurs, les autres sé-
vères.,
Elle se frottait les yeux, se demandait,ce
que tout cela signifiait. La fermière la mit
tout de suite au courant
Tu es fatiguée et tu sembles avoir mal
dormi, la belle Eh bien I ce soir, tu dormi-
ras ailleurs, car je ne veux pas de toutes
ces saletés chez moi, tu entends
Elle crut deviner que le domestique avait
parlé et, voulant braver ceux qui la dévisa-
geaient, elle sq mit à rire.
Oh là là que d'histoires Oui, j'ai
un amant, et après ? J'ai bien le droit d ai-
'mer qui Je veux, je pense. Est-ce que je vous
épie, moi, est-ce que je m'occupe de vous ?
Vous ne voulez pas que je couche ici, soyez
tranquilles, nous ne vous embarrasserons
pas, nous partirons lui et moi.
Un éclat de rire l'interrompit et le vieux
domestique la menaça du poing.
Et qu'est-ce qui me rendra les vingt
francs qu'il m'a pris, ton Parisien de
malheur ? Oui, il m'a volé mon porte-mon-
naie cette nuit en descendant de chez toi,
coquine Ah qui se ressemble s'assem-
ble Un voleur et une fille, les deux font
la paire.
Elle l'arrêta
C'est une plaisanterie. Appelez donc
Pinsonnet, il saura vous répondre. Mais
vous n'oseriez pas l'attaquer en face.
Et où irions-nous le chercher ? Il est
loin d'ici, ton joli galant il y a longtemps
qu'il est parti avec son baluchon, et, si tu
dois le rejoindre, il te faudra courir.
Elle blêmit, d'un bond fut à la grange,
mais elle ne l'ouvrit pas elle s'était arrêtée
hypnotisée devant la porte, sur laquelle,
avec un morceau de charbon, Pinsonnet
avait écrit
« Je me tire, bonne santé à tous.
Ce fut un coup brutal et. terrible, Dix fois
ses yeux relurent cette phrase, puis elle eut
un cri déchirant, un cri de bête qu'on égorgl
et elle s'écroula sur les pierres de la cour»
son corps se tordit sous la douleur, elle si
roula, se déchira à tous les. cailloux.
Froidement, la fermière la regardait elle
ricana
-Tiens, tiens, tu es moins arrogante. Tu
le seras demain moins encore, car ce soir tu-
rentreras à l'hospice.
Elle la regarda affolée, puis elle se redres»
sa, courut comme une insensée à la pour.
suite de celui qui l'abandonnait.
Il avait été court son rêve de bonheur,
court comme le songe d'une belle nuit. Elle
ne pouvait pas croire encore pourtant à cette
basse trahison, à cette lâche infamie. Ella
conservait encore sur ses lèvres la brûlure
des lèvres de son amant. Etait-il possible que
les baisers de cette nuit aient été les der-«
niers ? Non, elle ne pouvait le croire, elles
allait le retrouver, l'attendant dans quelque
coin. Elle courut par les champs, les battit
en tous sens, s'épuisa en vain. Elle ne pou-
vait plus douter, il était parti, elle ne le ré.
verrait plus, elle ne trouverait plus le refuga
de ses bras, elle n'entendrait plus la caresse
da sa voix.
Et comme aux grands désespoirs, il n'ap.
paraît d'abord qu'un remède, elle songea à
mourir. Comment la fermière avait-elle osé
lui parler de prison, après une telle éclaircie
dans-sa vie ? Comment avait-elle cru qu'elle
pourrait vivre avec une telle blessure ?
Non, elle mourrait avec son rêve et le dere
nier battement de son cœur serait un bat-
tement d'amour.
Elle se trouvait à quelques pas d'un étang,
elle s'y dirigea tranquillement. Un instant,
elle regarda l'eau profonde et moirée, puis
elle chercha encore autour d'elle. Elle était
bien seule, bien abandonnée elle eut uç(
cri de détresse suprême et lentement ?
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