Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1906-01-14
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 janvier 1906 14 janvier 1906
Description : 1906/01/14 (Numéro 7994). 1906/01/14 (Numéro 7994).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2008
Année.
SIX PAGES Pms et Mp&rtemenis CINQ CENTIMES
Dimanche 14 Janvier 1906
DERNIERS TÉLÉGRAMMES DE LA NUIT
LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE ENTIER
AUTOUR DE LA SÉPARATION
Un jour d'octobre lumineux et doux
que je chassais dans le Sidobre, et où les
bruits les pl.us légers avaient des vibra-
tions de cristaL-où le ciel semblait tendu
de vieille soie fanée, je vis ceci.
Au penchant d'une colline derrière la-
quelle montaient de grands nuages, dans
une étroite pièce de terre que couvraient
'des ronces et des chardons, un prêtre, la
soutane retroussée jusqu'aux genoux,
l'aiguillon'dans la main gauche, le man-
che de la charrue dans la. droite, hibou-
rait, harcelait de la voix et du geste deux
bœufs de misère, maigres et poussifs. Des
bergeronnettes et des étourneaux vole-
taient autour de, lui,, comme des feuilles
mortes, s'abattaient avides sur les mottes
de terre humide que fendait le soc. Vous
auriez songé aussitôt devant cet homme
au visage de bonté, aux yeux de fran-
chise, aux, membres lourds; de paysan,
qui paraissait se rajeunir, goûter une joie
profonde eu peinant sur Ja glèbe, qui as-
pirait à pleines narines l'odeur acre et
fraîche des sillons, à l'angélique Fran-
çois d'Assise qui prêchait l'Evangile aux
> arbres et aux oiseaux.
Je m'approchai de lui et le saluai.
Il n'attendit pas ma question et s'écria
'Vous êtes surpris,, monsieur, de ce
que je fais.On s'imagine plutôt un curé*
en train de lire le bréviaire, de,dire la
messe ou de catéchiser' l'es petits enfants
qu'en sabots et courbé sur une charrue.
[Voilà. J'étais allé consoler et soigner
un de mes pauy,r«s paroissiens, le vieux
père Nigoul, dont vous pouvez aperce-
voir l'humble maison, là-bas, au milieux
(le ce. bouquet de peupliers. L'ancien
«st. cloué dans'son lit depuis plus d'une
'semaine. Et.j'ai été si ému de sa détres-
se, de sa douleur parce qu'il n'avait pas
de quoi se louer un valet et qu'il ne pou-
vait soi-même préparer son champ pour
îles semailles prochaines, que je lui ai
(proposé tout de suite de commencer le
'travail. Et; sans me flatter, je crois
m'en être assez proprement tiré.
Il essuya id'Ujft large mouchoir` à car-
reaux son qui ruisselait de sueur
e^continua» -ayee- cet accent 4h Langue-,
Gaillac l ̃
Pensez qu'il y a au moins quinze
ans que cela ne m'était pas arrivé .de tra-
cer un sillon, mais tous les miens ont
poussé la charrue et ce fut la première
chose qu'ils m'enseignèrent. Qui sait,
à présent que l'on ne. -veut plus de nous,
que l'on.nous traite de bouches inutiles,
peut-être me faudra-t-il gagner ainsi à
nouveau mon pain, chercher sans 'res-
pect humain une place dans quelque mé-
tairie, profiter de ce que j'ai les bras
ïorts et de ce que je ne crains .pas la fa-
tigue. J'offrirai ça au bon Dieu pour
qa'il m'accorde le bonheur éternel dans
l'autre vie. Et puis, qu'est-ce que vous
.vouiez, j'aime mieux cotte vie-là,» quel-
que dure, quelque amère qu'elle puisse
être,, que de tendre la main à la charité
d'autrui,. d'obliger des malheureux qui
ne savent déjà comment joindre les deux
bouts à payer comme un nouvel impôt
pour l'église et le presbytère. Je suis
certain que Notre Seigneur, ce pauvre
(errant qui était l'ami des pires déshéri-
tés, nous conseillerait d'agir de cette ma-
trière s'ii revenait pour la seconde fois
apporter la paix aux hommes de. bonne
Je' vous admire, monsieur le curé,
fis-je, mais je doute que vous ayez, mê-
me dans le clergé des campagnes, des
nombreux imitateurs.
= Tant pis si certains s'illusionnent
ailleurs, si des imprudents se figurent
que, même dans les paroisses les moins
atteintes par l'indifférence en matière
de religion, les moins acquises aux, mi-
rages, du socialisme, les moins réfractai-
ies aux pratiques traditionnelles et où le
curé a gardé de l'influence, demeure le
canseiller indulgent et affectueux à qui
chacun s'empresse d'avouer ses fautes
.et ses peines, demande de l'espérance,
a recours lorsqu'il touche le fond de la
souffrance, lorsqu'il traverse une suite
d'épreuves, lorsqu'il pleure devant la
mort, dévant l'abandon, devant les dé-
sastres, l'on trouvera, ne. serait-ce 'que
durant trois années, des fidèles pour leur
venir en aide, pour leur faire l'aumône,
pour les héberger, les nourrir et les ha-
biller. Le paysan, qu'accable. son la-
beur, qui n'est jamais sur du lendemain,
qu'un ouragan ou un coup de grêle ré-
duit à la misère si souvent, à la veille des
plus belles moissons, des plus magnifi-
ques vendanges, s'inquiétera de voir son
bas de laine se dégonfler, fermera' sa
porte au curé famélique comme il la fer-
mait naguère avec d'ironiques plaisan-
teries auxsorciers alourdis d'une besace
de mendiant. »
• J'ensuis persuadé.
Pauvre Eglise de France Pauvres
de nous Ne va-t-an pas jusqu'à préten-
dre que si le Saint-Père parait si peu. s'é-
mouvoir et s'offenser de cette démolition
du Concordat, dé la loi qui nous met
«hors de l'Etat, c'est qu'il a, passez-moi
l'expression, son idée de derrière la tête,
qu'il s'apprête à nous remplacer, pour
la plupart, dans, nos modestes eures de
villages, par tous ces réguliers, tous ces
frelons de la ruche dont il ne sait que
faire et qui' puiseront leurs traitements
dans les caisses, de leurs ordres ? ?-,Qui,
les fils de paysans ou de petits proprié-
taires campagnards que nous sommes
tous ou presque tous, les humbles prê-
tres enracinés au sol natal'et qui con-
naissent les coutumes, le patois, les be-
soins, l'âme de leurs ouailles, devront," de
par la force 'des choses, faire la retraite,
abdiquer leur sacerdoce dans,des mains
étrangères, livrer leur église au rebut de
ces intrigants, as.somptionnistes, capu-
cins ou oblats, d'où vient tout le mal dont
nous allons pâtir ? Qui conseille donc Sa
Sainteté ? Qui lui dicte d'aussi funestes
projets ? Et que de 'déboires, que d'ava-
messe préparent ces intrus ? Dieu écarte
de nous ce suprême calice 1
Le soleil déclinait, les ombres s'allon-
geaient.
Le curé réveilla d'un appel guttural
les boeufs qui somnolaient au repos et
reprit, bonhomme
–Excusez-moi, monsieur, le travail
presse. Nigoulsera si heureux de le sa-
voir fini. Venez donc un de ces jours.
J'ai un petit vin de coteau qui se laisse
boire. Et puis je vous raconterai com-
ment se fabrique un curé de campagne.
A l'avantage
Et il nettoya à coups de sabots le soc
où s'enchevêtraient des racines- et des
herbes'
Jean d'Orsay.
DE MIDI. A MINUIT
Les faits d'hier £21 France et à l'étranger.
Clôture de la Bourse, ferme 3 99 02
Par suite de la violenté tempête qui a ré-
gné sur la Manche, plusieurs navires se sont
trouvés en détresse ou se sont échoué. Le
sloop anglais Ft/e/ty s'est perdu corps et
biens.
La grève de l'usine des aciéries de Sam-
bre-et-Meuse à Stenay, est complète. Qua-
rante gendarmes assurent l'ordre.
Le gouverneur de l'Algérie s'est embarqué
à. Alger,. se rendant directement .à Paris.
L'Honorable J. W. Lowlher, speaker de la
Chambre des communes, été sans
concurrent dans le comté de Cumberlahd-
Fenrith. L'Honorable J.G. Talbot et sir W.R.
Anson, tous deux unionistes, ont été réélus
sans concurrents membres de la Chambre
des communes' pour l'Université d'Oxford.
Le Reichstag a renvoyé à une commission
le projet de réforme des financés de l'empire
allemand.
Au Caucase,, des Tartares,. déguisés on co-
saques, ont incendié deux localités armé-
niennes. Le comité révolutionnaire de Tillis
a proclamé la fin dé la grève. La circulation
normale: des trains a été rétablie entre 'l'i-.
His, Bakou, Erivan et Kars. De graves dé-
sordres ;agraires ont éclaté dans plusieurs
districts de Le comte Witlc'a reçu
de nombreux télégrammes réclamant la con-
vocation de la Douma.
Le ministre de la guerre de Corée, actuel-
lement à Saint-Péleisbourg a été blessé
d'un coup de revolver et de onze coups flè";
couteau par son secrétaire.
Le roi Alphonse. XIII, a signé les pleins
Çaballçro, qui représenteront l'Espagne à jai
Le croiseur français. Cassiftiù. quitté Cbris-
tianici. Par suite d'un incendie dans une fa-
brique dé'pbudre à Nitedal (Norvège), quatre
jeunes, filles ont péri.
Le feu a éclaté dans un hôtel de llfontréal,
causant pour l;25O,000 francs de dégâts.
PROPOS D'UN PARISIEN
Il n'est pas d'usagé que la nation re-
.mette au président de la République, quand
il quitte l'Etysée; un certificat constatant ses
bons et loyaux services, autrement M. Lou-
bet1 aurait droit certificat semblable.
L'immense majorité du pays est, en ef-
fet, d'avis qu'il le mérite amplement. C'est
pourquoi elle serait fort contente si le Con-
grès lui donnait un autre Loubet. Son am-
bition, ne. va pas au delà.
11 nous faut un. président de tout repos,
un brave homme de président, sage et d'es-
prit' rassis, considérant ses fonctions comme
le couronnement d'une carrière, et non
.comme, un échelon susceptible de le mener
plus haut.
Nous n'avons pas besoin d'un président
se mettant à. torturer la Constitution afin
d'y trouver les moyens d'exercer le pouvoir
personnel, ce qui serait le rêve de quelques
agités.,
Le pouvoir personnel, nous en ayons
soupe, 'si j'ose dire.. Nous en voulons d'au-
tant moins que nous nous en passons de-
puis trente-cinq ans et que nous nous en
trouvons fort bien.
Donc, pas d'expériences. Les expériences
coûtent cher et sont dangereuses on ne
sait jamais ce qui en sortira..
Et puis, il arriverait fatalement ce qui est
déjà arrivé. Un conflit se produirait entre la
présidence de la République et le Parle-
ment. Point n'est besoin de préparer cette
cause d'agitation au pays, qui demande sur-
tout qu'on, le laisse travailler en paix et que
la politique ne soit pas trop envahissante.
Il ne vit pas, en effet, de. politique, ,comme
lespplitipiens de métier. ̃̃̃.•̃•̃
Et, là-dessus,, attendons les événements,
avec l'espoir que le vote.du Congrès nous
assurera sept ans de tranquillitî^u. côté de
l'Elysée. H. IIarduin.
LE TRUST DES AUTEURS
C'est demain que l'assemblée générale doit
décider l'exclusion de deux autres socié-
taires La générosité de M. An-
tony Mars.
Le trust des auteurs a convoqué tous ses
sociétaires pour demain lundi en assemblée
générale extraordinaire. Après, avoir exclu
il y a un mois MM. Tristan Bernard et An-
dré Godfernaux, auteurs du Triplcpatto de
l'Athénée, il. s'agit,, celle fois, d'exclure de
la société MM. Kéroul et Barré, coupables
d'avoir donné aux Folies-Dramatiques leur
pièce Uite veine de D'autre part, M. An-
tony Mars, qui, avec un à-propos douteux,
avait émis le voeu.que tout membre rejeté
du.sein dé la société n'y puisse jamais plus
rentrer, va voir sa généreuse proposition
discutée par ses (confrères.
M. Antony Mars demande la guerre
d'autres, qui ont pris leur part des
précédentes batailles livrées pour la liberté
du théâtre, n'ont, bien au contraire, qu'un
désir la paix, mais une paix conforme à
la justice et à l'équité.
Souhaitons que la majorité des confrères
de M: Antony Mars. partage, à 1'assem-
blée: de demain, cet avis pacifique.
C'est souvent au moment où la bataille
est la plus vive que l'on hisse le drapeau
blanc et que la paix se conclut.
LA RÉFORME TELEPHONIQUE
AlIorAIloI
Le projet de M. Bérard, sous-secrétaire d'E-
tat, comporte la transformation de l'ou-
tillage téléphonique, très défectueux,
et la création d'un nouveau bu-
reàu central à la limite du
réseau' de Gutenberg et
de Wagràm.
De tous les services de l'administration
des postes, celui qui intéresse le plus la po-
pulation parisienne est incontestablement le
service des 'télépbonés. Avec le télégraphe,
on ne risque guère que d'avoir de petits
mouvements d'impatience avec les bureaux
de poste, on. ne risque que d'attrapper des
microbes mais avec le téléphone, tel qu'il
fonctionne à< l'heure actuelle, on devient in-
failliblement neurasthénique.
Dans le projet de'.loi qui vient d'être dé-
posé ces jours-ci sur le bureau de la Cham-
bre des 'députés, et que nous avons analysé
en détail dans le Matin, M. Bérard reconnaît
avec.bonne, grâce que le téléphone fonctionne
fort mal à Paris.
Il nous dit bien qu'il y a un peu de la
faute du public. Ce public ne tient-pas, pa-
rait-il, un compte toujours suffisant des re-
commandations qui lui sont faites par l'ad-
ministration. C'est ainsi qu'on obtient -ûirfi-
cilement des abonnés que, lorsqu'ils ont ter-
miné leur communication, ils appuient sur
le bouton de sonnerie pour signifier qu'ils
ont fni-de causer. L'administration des té-
léphones, qui semble être une statisticienne
des plus distinguées, a calculé que le signal
de « fin de communication » n'est pas donné
dans la proportion de 40 Il en resulte une
perturbation certaine dans le service télé-
phonique en effet, la demoiselle du bureau,
n'étant pas avertie que la conversation est
terminée, ne retire/pas les cordons qui oc-
(Pliot Waléry)
M. Alexandre BËRARD
Sous-secrétaire d'Etat aux postes
et télégraphes
cupent.les. lignes ses petites camarades,
ayant besoin de ces lignes, n'en trouvent pas
de. disponibles c'est alors que souvent on
répond à des demandes de communications
par le terrible «-Pas libre qui rend apo-
plectiques certains messieurs et provoque
des crises de nerfs chcx certaines dames.
Sur cinquante « Pas libre vous pouvez
être certain ,dit M. Bérard que vingt-
cinq fois il y a de la faute de t'abonné, qui
n'a pas fait le geste si simple et si aisé d'ap-
puyer sur le bouton de sonnerie de son té-
léphone.
Donc, il y a un peu de ta faute, 6 public
Mais M. Bérard est un homme juste et équi-
table, et il convient très franchement que ce
n'est pas ta fauté seule qui engendre tous
les, maux. ̃.•̃••
Avant tout, l'outillage est défectueux, et
l'un des premiers soins de l'administration
de la rue de Grenelle.est de vouloir le trans-
former. C'est une des parties les plus inté-
ressantes-du projet de loi qui est soumis aux
Chambres. Rappelons que rien que pour
l'amélioration des services téléphoniques de
Paris, M. Bérard demande immédiatement
plus de 10 millions' de crédits de premier éta-
blissement.
Ces 10 millions vont être employés deux
choses absolument distinctes on va trans-
former complètement l'outillage actuel on
va ensuite créer-un nouveau bureau cen-
tral.
L'Ol/T/LLAÛE
Parlons d'abord de l'outillage.
Le système qui va être adopté pour tous
les abonnés de Paris est un système' qui,
parait-il; est actuellement en vigueur à New-
York et a. donné, aux Etats-Unis, les résul-
tats les plus satisfaisant».
D'abord, on n'aura plus besoin de sonner.
Oui, vous avez bien lu :'on n'aura plus be-
soin de sonner. Vous n'aurez qu'a décro-
cher votre récepteur. Immédiatement et au-
tornatiquëment,. au bureau de quartier, une
petite lampe électrique s'allumera au-dessus
des cheveux blonds de votre demoiselle du
téléphone. En contemplant cette lumière,
elle saura d'une manière indubitable que
vous .toyez appelée et, avec prestesse, en-
foncera sa fiche de réponse dans le « jack .)
auquel a'boutit votre ligne. Et ouf votre
petite lampe s'éteint. Selon la formule sa-
cramentèllè, vous demandez alors votre
communication,: «Allô allô le 103-04 1.
La téléphoniste appelle le 103-04. Pour cela.
elle appuie-uue. seule fois sur un bouton
d'appel, qui resle enfoncé jusqu'à ce que le
103-04, averti par .un carillon qui ne discon-
tinue pas, ait décroché sori récepteur pour
demander, de l'air le plus affable du
monde « Allô allô qu'y a-t-il Et
c'est tout les deux abonnés peuvent cau-
ser. Dès qu'ils ont fini de parler, leurs pe-
tites lampes respectives se rallument, et la
demoiselle du téléphone, peut alors rompre
la communication sans avoir eu besoin, au
préalable, de se porter sur votre ligne et de
venir vous interrompre au moment le plus
palpitant.de votre, conversation.
Ce système lumineux sans calembour
s'appelle le système de da batterie cen-
trale, terme militaire et ronflant s'il en fut
Il a, comme je vous l'ai dit plus haut, donné
des résultats merveilleux à New-York, où,
d'après les statistiques officielles, le temps
qui s'écoule entre l'appel de l'abonné et la
réponse de la téléphoniste ne dépasse ja-
mais six à sept secondes. Six à sept se.
condes, quel rêve, quel idéal
La dépense totale' prévue pour cet outil-
s'élève. environ à 4,800,000 francs. Je
crois bien que nous donnerions 20 millions
pour n'avoir jamais à attendre, plus de six
à sept secondes.
La deuxième grande transformation pré-
vue par M. Bérard va intéresser particuliè-
rement les abonnés du téléphone qui dépen-
dent du bureau de Wagrarn.
Ceux qui font usage du téléphone ont déjà
pu établir maintes fois des distinctions entre
les divers bureaux. D'une manière générale,
on convient que les demoiselles de Passy
sont fort agréables, que celles de Guten-
berg sont complaisantes, etc. Par contre, on
déclare volontiers que celles de Wagram
sont des péronnelles. Or, M. Bérard explique
d'une manière fort claire, dans ses rapports,
lés raisons du péronnellisme des demoiselles
de Wagram.Les pauvres sont surmenées.
Elles ont 7,5Q0 abonnés à servir. Vous ren- j
dez-vous compte de ce que ce doit être ye
d'avoir 7,500 abonnés qui carillonnent, crient
et réclament en même temps. Convenez que,
quand on a 7,500 abonnés à servir, on a le
droit d'être un peu péronnelle. Et ce qu'il y
a de plus grave, c'est qu'il n'y a que 8,400
places utilisables dans le bureau de Wa-
gram donc d'ici quelques mois, impossible
d'accepter aucun nouvel abonnement.
UN NOUVfAU BUREAU
Le projet de M. Bérard comporte, en con-
séquence, la construction d'un bâtiment spé.
cial, qui sera édifié à la frontière du réseau
de Gutenberg et de Wagram. Ce bâtiment
recevra les abonnés venant de l'une et de
L'autre des anciennes circonscriptions, .d6-.
chargera les multiples correspondants, et
permettra d'y créer de,s disponibilités pour
recevoir les nouveaux abonnés. Ce bureau,
qui sera installé selon les préceptes les
plus confortables, sera doté d'un multiple de
dix mille places.
La dépense à prévoir est assez forte elle
8 élève à 4,200,000 francs environ. Mais elle
paralt, elle aussi, absolument indispensable.
Gageons que les abonnés de Wagram ne s'en
plaindront pas.
:11.`Bécard prévoit encore dans son projet
de réorganisation léléphonique certaines
améliorations très intéressantes c'est ainsi
qu'on veut augmenter le nonibre de dames
parlant des langues étrangères.
Figurez-vous que, actuellement, il y a en
tout et pour tout dix jeunes filles télépho.
nistes seulement sachant un peu d'allemand
et d'anglais. La prime qu'on leur donne pour
cette connaissance est bien peu élevée
20 francs par mois. Or, depuis 1901, de nou-
veaux circuits internationaux ont été ou
verts au service, les,relations ont été éten-
dues à plusieurs grands centres européens,
et nous nous trouvons d'une infériorité hu-
miliante en matière de langues étrangères
au téléphone. Il faut réformer cela de toute
nécessité, et M; Bérard fait une petite pro-
position bien modeste, qui ne risque pas de
mettre en déficit le budget de M. Merlou
il demande la'permission d'avoir deux da-
mes de plus parlant des langues étrangè-
res huit téléphonistes pour la langue an-
glaise, quatre téléphonistes pour la langue
allërn'iinde.. (II faut, en dl'fpt, que l'eiit^nte
cordiale conserve sa supériorite sur le mo-
,dits vivendi franco-allemand.) Cela néces-
sitera une petite augmentation que personne
ne peut décemment lui refuser. Enfin, ajou-
tons que des employées pouvant converser
en italien seront également affectées aux
postes centraux de Paris, Lyon, Marseille et
Nice. Mais tout cela sera forcément un peu
provisoire. Il est bien entendu que, quand
le téléphone ira jusqu'à Saint-Pétersbourg,
il faudra des employées qui parlent le russe,
et, quand il ira jusqu'en Bohême, il faudra
qu'il y en ait qui sachent s'exprimer correc-
tement en ù agrach Il 1
ASSASSINÉ 'EN WAGON
M. Durel, directeur du kursaal de Genève,
a.été assassiné par un inconnu, dans le
train venant de Nice, et jeté sur la
voie, au passage du tunnel
de Virieu.
Genève, 13 janvier. Dépêche particu-
lièrç du Matin ». La stupéfaction fut
profonde et la sensation grande dans le pu-
blic genevois, quand on apprit ce matin, par
un télégramme de Ctiloz, que M. Durel, pro-
priétaire du Kursaal de Genève, avait été
assassiné dans un train due Lyon-Genève
et qu'on avait trouvé son cadavre mutilé
sur la voie, entre les gares de Rossillon et
de Virieux-le-Grand.
M. Durel était en effet fort connu dans no-
tre ville, qu'il habitait depuis une vingtaine
d'années.
A' Nice, Paris, Bruxelles et autres villes,
M. Durel avait d'importants intérêts qui l'o-
bligeaient, à de fréquents voyages. Parti de
Genève mercredi soir pour Nice, il devait
revenir cette nuit, par le train de minuit 25,
et avait télégraphié son arrivée.
En visitant les compartiments en gare de
Genève, un employé trouva dans le wagon
de classe 4660, attelé en queue du train,
un pardessus, un panier de fleurs et une
couverture celle-ci était étendue sur la ban-
quette, pour masquer de larges flaques :ljB
sang. NI. Durel a dû être tué en plein som-
meil,.car il n'y a pas de trace de sang ail.
leurs .que sur la banquette.
.Le vagon de 3e classe suivant, que j'ai
vu en gare dé Genève, après le wagon du
crime, porte, tout le long dé sa paroi exté-
rieure, de multiples maculatures sanglantes
qui se sont produitès lorsque le cadavre a
été je!é sur la voie, au passage du tunnel
situé entre Rossillion et Virieu-le-Grand.
Ces 'deux wagons ont été placés sous scel-
lés, dès la première heure, pour être mis à
la disposition du parquet de Belley, chargé
de l'instruction.
Du* compartiment voisin de celui où dut
être commis le meurtre est descendu .un
voyageur porteur d'un billet de demi-tarif
d'abonné. On a télégraphié à Paris pour sa-
voir le nom de cet abonné, sur lequel on
h'à jusqu'à présent aucun autre renseigne-
ment.
Le crime a dû être minutieusement pré-
paré par un personnage appartenant au
monde des casinos de Nice et de Genève, et
qui savait que M. Durel voyageait souvent,
et presque toujours par les mêmes trains.
Le directeur du kursaal était constamment
porteur de sommes importantes mercredi,
il était parti pour Nice afin de réaliser une
grosse opération, qu'on dit dépasser 200,000
francs, somme qu'il devait avoir sur lui en
levenant à Genève.
M. Durel était une physionomie très cu-
rieuse. Très entreprenant architecte, il avait
construit tout un quartier à Genève, tout en
dirigeant le kursaal il était l'auteur de
plusieurs ballets ou pantomimes qui ont ob-
tenu un réel succès, notamment la Cons-
cience de Pierrot et Don Juan, joués à l'O-
lympia de Paris. Sa fortune, évaluée à huit
millions, était représentée entièrement par
des immeubles. Il habitait le château de Rei-
gnier (Haute-Savoie) depuis qu'il avait aban-
donné la direction du kursaal, c'est-ù-dire
depuis quatre ans. M. Durel laisse une veuve
et quatre enfants, dont l'aîné a douze ans.
LES CANDIDATS A LA PRÉSIDENCE »
AU PAYS iFïllLLÏÈRES
L'envoyé spécial du "Matin est allé dans FAgenais,
de Mezin à Nérac, de, Nérac au Loupillon, sur
les rives heureuses de la Gelise, recueillir
les impressions des concitoyens
du président du Sénat.
LAQUELLE SERA PRÉSIDENTE ?
(D'après des clichés de l'Illustration.)
L'Agenais tout entier est en effervescence.
Les Gascons, sont ardents. Nul ne l'ignore.
Et, quand ils ont la politique en tête. rien ne
saurait endigues leur faconde gutturale.
D'Agen Nérac, de Nêrac Vianne, à Me-
zin, à Villeneuve, ù Marmande, à Sos, dans
le, rues, dans les cafés, chez les plus hum-
bles débitants de vin, un nom léger ailé,
volette sur toutes les lèvres Fallières Fal-
lières, Falli&res.
C'est qu'au lendemain de l'élection séna-
toriale, la veille d'une autre élection plus
flatteuse encore, Jpus s'Intéressent passion-
nement il leur célèbre compatriote. Et les
adversaires mêmes du président du Sénat ne
le nomment qu'avec déférence.
Celui-là est bien de Il chez eux n. C'est un
vigneron comme eux, un homme qui est lié
par de profondes attaches au sol gascon.
Malgré les fluctuations de sa carrière poli-
tique, il ne s'est point « déraciné n. Sa per-
sonnalité résulte d'une éducation locale. Il
porte en lui de lourdes richesses ataviques.
Les formes qui entourèrent son enfance se
sont profondément incrustées en lui.
Et son coin de Gascogne, tantôt austère
avec ses collines nues et ses ronces traîtres-
ses, tantôt délicieusement accueillant sous
la douceur argentée des saules penchés vers
les ruisselets espiègles, il l'aime d'un cœur
passionné.
Chacun le sait, chacun le clame, et tous-
ceux que j'approchai, jeunes ou vieux, lé-
moins de sa fougueuse adolescence ou de son
âge mûr, les Descudé, les Fieux, les Bar-
rère, les d'Almeïda, les Lacome, les Peyrey,
lés Lajus, que sais-je encore, m'ont dit com-
bien il était resté des leurs, malgré sa for-
tune politique. Et c'est cependant un hom-
me d Etat. Un homme d'Etat d'autant plus
perspicace qu'il s'ést beaucoup mêlé aux
hommes. Celui-là ne vécut jamais de façon
exceptionnelle et rien de ce qui touche à
l'homme ne lui est étranger.
Il connut, heureusement, les petites fai-
blesses communes à tous et n'a point la pré-
lention de présenter au monde surpris une
figure "héroïque. Car il a beaucoup de goût
et possède une intelligence fort élégante.
Si une mollesse plus apparente que réelle
contribue à le. rendre indulgent et d'un scep-
ticisme souriant, sa volonté, son « entête-
ment ii, disent quelques-uns, lui fait tou-
jours accomplir ce qu'il croit juste et bon.
NI:: Fallières naquit à Mezin en 1841, dans
la maison du forgeron qu'était son aïeul.
Cette maison, accotée jadis à l'église millé-
naire, orgueil légitime de Meïin, n'existe
plus aujourd'hui mais un soin attentif la
fit reconstruire à peu près exactement dans
les environs de la ville,
Mais c'est en somme il. Nérac qu'il vécut
activement. C'est là qu'il commença ses étu-
des, dans une petite école où il n'y avait
guère que huit ou dix élèves, puis il retourna
au: collège de Mezin, jusqu'en quatrième.
Comme, il- était supérieurement doué, il ne
se croyait pas forcé de travailler trop âpre-
ment. Il musait un peu, l'esprit tout à ces
i-Ayes gros d'espoirs et de mélancolie à la
fois, qui sont plus utiles pour former un
homme que l'étude approfondie du thème
grec.
Jugeant qu'il avait besoin de stimulants,
son père l'envoya au lycée d'Angoulême.
d'où il sortit bachelier ès lettres à dix-huit
La propriété du Loupillon
Où M. Fallières passe les loisirs heureux que lui laisse la politique
ans. Puis il partit il Bordeaux pour, préparer
son baccalauréat ès sciences. Enfin, en 1860,
ü s'en fut à Paris pour faire une année de
droit. Il n'y resta que peu de temps. Sa fa-
mille trouva qu'il employait son temps do
futile manière et l'envoya il, Toulouse. Là. il
travailla fort assidûment, et revint à Paris
pour passer, deux ans après, sa licence en
droit. Après être resté quelques mois chez
un avoué qu'il choisit au hasard, il revint
Nérac pour s'inscrire au barreau.
C'ést moitié à Mezin, moitié dans la jolie
et paisible petite ville de Nérac, toute em-
plie encore du souvenir de Henri IV et de
son escadron galant, que M. railières, avant
de' conquérir une notoriété locale comme avo-
cat, venait passer ses vacances. Il se con-
duisait alors comme tous les jeunes hom-
mes de vingt ans libérés récemment de la
contrainte du collège. Sans doute,, il indigna
Nérac en tirant la nuit les sonnettes de pai-
sibles demeures sans doute, il ne dédai-
gna ni le vin du cru ni le sourire des ou-
vrières bouchonniôres de Mezin même.«-
consentit avec quelques camarades à des
facéties un peu grosses, comme celte qui fit
voir aux dévotes de Mezin se rendant à la
messe un récipient incongru se balancer de-
vant l'église à la place du réverbère. Ces
choses sont.fort innocentes, et le « père Fal-
hures en riait le,premier.
Ce « j)ère -FaMières » était un type. Il eu.
raillait les fonctions de greffier de la justice
de paix et d'expert géomètre. C'était une
sorte de colosse, grand mangeur, beau vi-
4eur de pots, indulgent à la jeunesse, rude
San1"*6 un.paysan et fin. comme un pay.
Il resta le meilleur ami de son fils jus-
qu'au jour où celui-ci afficha hautement des
théories républicaines. Le réactionnaire se
fâcha, Et c'est dater de' ce jour que la car-
rière d'Armand Fallières se dessine. Son
talent incontesté d'avocat l'avait mis en vue
1l devient maire et conseiller général de Né-
rac'quelque temps après avoir épousé Mi!e
Bresson, fille d'un avoué de Nérac.
Mais son prédécesseur à la mairie monte
une cabale contre lui. On le trouve d'idées
trop a avancées n. Il est révoqué de ses
fonctions. Cela ne dura pas longtemps Il
rentra bientôt à la mairie, parmi les ac-
clamations. En 1876, il était élu député ne
1 arrondissement, et, en 1SS0, sous le minis-
tère Ferry, il était sous-secrétaire d'Etat à
l'intérieur. La carrière de M. Fallières est
trop connue pour insister.
C'est donc Nérac qui est le berceau poli-
tique de M. Fallières.
Le département de Lot-et-Garonne est
d'ailleurs une pépinière de ministres nous
lui devons, en outre d'Armand Fallières,
MM. Faye, Deluns-Montaud, G. Leygues,
Darlan et Chaumié. C'est un record.
Maintenant que M. Fallières est président
du Sénat, tout près peut-être de devenir ma-
gistrat suprême de la République, ses allu-
res n'ont point changé. Assurément, il ne
tire plus les cordons 'de sonnette. Mais sa
bonhomie et sa simplicité sont restées les
mêmes. Il n'a pas besoin de prendre une
haute allure pour être respecté.
Une admiration affectueuse l'entoure par-
tout, et lorsque, de sa propriété du Loupil-
lon, près de Villeneuve, il vient à Né*»
SIX PAGES Pms et Mp&rtemenis CINQ CENTIMES
Dimanche 14 Janvier 1906
DERNIERS TÉLÉGRAMMES DE LA NUIT
LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE ENTIER
AUTOUR DE LA SÉPARATION
Un jour d'octobre lumineux et doux
que je chassais dans le Sidobre, et où les
bruits les pl.us légers avaient des vibra-
tions de cristaL-où le ciel semblait tendu
de vieille soie fanée, je vis ceci.
Au penchant d'une colline derrière la-
quelle montaient de grands nuages, dans
une étroite pièce de terre que couvraient
'des ronces et des chardons, un prêtre, la
soutane retroussée jusqu'aux genoux,
l'aiguillon'dans la main gauche, le man-
che de la charrue dans la. droite, hibou-
rait, harcelait de la voix et du geste deux
bœufs de misère, maigres et poussifs. Des
bergeronnettes et des étourneaux vole-
taient autour de, lui,, comme des feuilles
mortes, s'abattaient avides sur les mottes
de terre humide que fendait le soc. Vous
auriez songé aussitôt devant cet homme
au visage de bonté, aux yeux de fran-
chise, aux, membres lourds; de paysan,
qui paraissait se rajeunir, goûter une joie
profonde eu peinant sur Ja glèbe, qui as-
pirait à pleines narines l'odeur acre et
fraîche des sillons, à l'angélique Fran-
çois d'Assise qui prêchait l'Evangile aux
> arbres et aux oiseaux.
Je m'approchai de lui et le saluai.
Il n'attendit pas ma question et s'écria
'Vous êtes surpris,, monsieur, de ce
que je fais.On s'imagine plutôt un curé*
en train de lire le bréviaire, de,dire la
messe ou de catéchiser' l'es petits enfants
qu'en sabots et courbé sur une charrue.
[Voilà. J'étais allé consoler et soigner
un de mes pauy,r«s paroissiens, le vieux
père Nigoul, dont vous pouvez aperce-
voir l'humble maison, là-bas, au milieux
(le ce. bouquet de peupliers. L'ancien
«st. cloué dans'son lit depuis plus d'une
'semaine. Et.j'ai été si ému de sa détres-
se, de sa douleur parce qu'il n'avait pas
de quoi se louer un valet et qu'il ne pou-
vait soi-même préparer son champ pour
îles semailles prochaines, que je lui ai
(proposé tout de suite de commencer le
'travail. Et; sans me flatter, je crois
m'en être assez proprement tiré.
Il essuya id'Ujft large mouchoir` à car-
reaux son qui ruisselait de sueur
e^continua» -ayee- cet accent 4h Langue-,
Gaillac l ̃
Pensez qu'il y a au moins quinze
ans que cela ne m'était pas arrivé .de tra-
cer un sillon, mais tous les miens ont
poussé la charrue et ce fut la première
chose qu'ils m'enseignèrent. Qui sait,
à présent que l'on ne. -veut plus de nous,
que l'on.nous traite de bouches inutiles,
peut-être me faudra-t-il gagner ainsi à
nouveau mon pain, chercher sans 'res-
pect humain une place dans quelque mé-
tairie, profiter de ce que j'ai les bras
ïorts et de ce que je ne crains .pas la fa-
tigue. J'offrirai ça au bon Dieu pour
qa'il m'accorde le bonheur éternel dans
l'autre vie. Et puis, qu'est-ce que vous
.vouiez, j'aime mieux cotte vie-là,» quel-
que dure, quelque amère qu'elle puisse
être,, que de tendre la main à la charité
d'autrui,. d'obliger des malheureux qui
ne savent déjà comment joindre les deux
bouts à payer comme un nouvel impôt
pour l'église et le presbytère. Je suis
certain que Notre Seigneur, ce pauvre
(errant qui était l'ami des pires déshéri-
tés, nous conseillerait d'agir de cette ma-
trière s'ii revenait pour la seconde fois
apporter la paix aux hommes de. bonne
Je' vous admire, monsieur le curé,
fis-je, mais je doute que vous ayez, mê-
me dans le clergé des campagnes, des
nombreux imitateurs.
= Tant pis si certains s'illusionnent
ailleurs, si des imprudents se figurent
que, même dans les paroisses les moins
atteintes par l'indifférence en matière
de religion, les moins acquises aux, mi-
rages, du socialisme, les moins réfractai-
ies aux pratiques traditionnelles et où le
curé a gardé de l'influence, demeure le
canseiller indulgent et affectueux à qui
chacun s'empresse d'avouer ses fautes
.et ses peines, demande de l'espérance,
a recours lorsqu'il touche le fond de la
souffrance, lorsqu'il traverse une suite
d'épreuves, lorsqu'il pleure devant la
mort, dévant l'abandon, devant les dé-
sastres, l'on trouvera, ne. serait-ce 'que
durant trois années, des fidèles pour leur
venir en aide, pour leur faire l'aumône,
pour les héberger, les nourrir et les ha-
biller. Le paysan, qu'accable. son la-
beur, qui n'est jamais sur du lendemain,
qu'un ouragan ou un coup de grêle ré-
duit à la misère si souvent, à la veille des
plus belles moissons, des plus magnifi-
ques vendanges, s'inquiétera de voir son
bas de laine se dégonfler, fermera' sa
porte au curé famélique comme il la fer-
mait naguère avec d'ironiques plaisan-
teries auxsorciers alourdis d'une besace
de mendiant. »
• J'ensuis persuadé.
Pauvre Eglise de France Pauvres
de nous Ne va-t-an pas jusqu'à préten-
dre que si le Saint-Père parait si peu. s'é-
mouvoir et s'offenser de cette démolition
du Concordat, dé la loi qui nous met
«hors de l'Etat, c'est qu'il a, passez-moi
l'expression, son idée de derrière la tête,
qu'il s'apprête à nous remplacer, pour
la plupart, dans, nos modestes eures de
villages, par tous ces réguliers, tous ces
frelons de la ruche dont il ne sait que
faire et qui' puiseront leurs traitements
dans les caisses, de leurs ordres ? ?-,Qui,
les fils de paysans ou de petits proprié-
taires campagnards que nous sommes
tous ou presque tous, les humbles prê-
tres enracinés au sol natal'et qui con-
naissent les coutumes, le patois, les be-
soins, l'âme de leurs ouailles, devront," de
par la force 'des choses, faire la retraite,
abdiquer leur sacerdoce dans,des mains
étrangères, livrer leur église au rebut de
ces intrigants, as.somptionnistes, capu-
cins ou oblats, d'où vient tout le mal dont
nous allons pâtir ? Qui conseille donc Sa
Sainteté ? Qui lui dicte d'aussi funestes
projets ? Et que de 'déboires, que d'ava-
messe préparent ces intrus ? Dieu écarte
de nous ce suprême calice 1
Le soleil déclinait, les ombres s'allon-
geaient.
Le curé réveilla d'un appel guttural
les boeufs qui somnolaient au repos et
reprit, bonhomme
–Excusez-moi, monsieur, le travail
presse. Nigoulsera si heureux de le sa-
voir fini. Venez donc un de ces jours.
J'ai un petit vin de coteau qui se laisse
boire. Et puis je vous raconterai com-
ment se fabrique un curé de campagne.
A l'avantage
Et il nettoya à coups de sabots le soc
où s'enchevêtraient des racines- et des
herbes'
Jean d'Orsay.
DE MIDI. A MINUIT
Les faits d'hier £21 France et à l'étranger.
Clôture de la Bourse, ferme 3 99 02
Par suite de la violenté tempête qui a ré-
gné sur la Manche, plusieurs navires se sont
trouvés en détresse ou se sont échoué. Le
sloop anglais Ft/e/ty s'est perdu corps et
biens.
La grève de l'usine des aciéries de Sam-
bre-et-Meuse à Stenay, est complète. Qua-
rante gendarmes assurent l'ordre.
Le gouverneur de l'Algérie s'est embarqué
à. Alger,. se rendant directement .à Paris.
L'Honorable J. W. Lowlher, speaker de la
Chambre des communes, été sans
concurrent dans le comté de Cumberlahd-
Fenrith. L'Honorable J.G. Talbot et sir W.R.
Anson, tous deux unionistes, ont été réélus
sans concurrents membres de la Chambre
des communes' pour l'Université d'Oxford.
Le Reichstag a renvoyé à une commission
le projet de réforme des financés de l'empire
allemand.
Au Caucase,, des Tartares,. déguisés on co-
saques, ont incendié deux localités armé-
niennes. Le comité révolutionnaire de Tillis
a proclamé la fin dé la grève. La circulation
normale: des trains a été rétablie entre 'l'i-.
His, Bakou, Erivan et Kars. De graves dé-
sordres ;agraires ont éclaté dans plusieurs
districts de Le comte Witlc'a reçu
de nombreux télégrammes réclamant la con-
vocation de la Douma.
Le ministre de la guerre de Corée, actuel-
lement à Saint-Péleisbourg a été blessé
d'un coup de revolver et de onze coups flè";
couteau par son secrétaire.
Le roi Alphonse. XIII, a signé les pleins
Çaballçro, qui représenteront l'Espagne à jai
Le croiseur français. Cassiftiù. quitté Cbris-
tianici. Par suite d'un incendie dans une fa-
brique dé'pbudre à Nitedal (Norvège), quatre
jeunes, filles ont péri.
Le feu a éclaté dans un hôtel de llfontréal,
causant pour l;25O,000 francs de dégâts.
PROPOS D'UN PARISIEN
Il n'est pas d'usagé que la nation re-
.mette au président de la République, quand
il quitte l'Etysée; un certificat constatant ses
bons et loyaux services, autrement M. Lou-
bet1 aurait droit certificat semblable.
L'immense majorité du pays est, en ef-
fet, d'avis qu'il le mérite amplement. C'est
pourquoi elle serait fort contente si le Con-
grès lui donnait un autre Loubet. Son am-
bition, ne. va pas au delà.
11 nous faut un. président de tout repos,
un brave homme de président, sage et d'es-
prit' rassis, considérant ses fonctions comme
le couronnement d'une carrière, et non
.comme, un échelon susceptible de le mener
plus haut.
Nous n'avons pas besoin d'un président
se mettant à. torturer la Constitution afin
d'y trouver les moyens d'exercer le pouvoir
personnel, ce qui serait le rêve de quelques
agités.,
Le pouvoir personnel, nous en ayons
soupe, 'si j'ose dire.. Nous en voulons d'au-
tant moins que nous nous en passons de-
puis trente-cinq ans et que nous nous en
trouvons fort bien.
Donc, pas d'expériences. Les expériences
coûtent cher et sont dangereuses on ne
sait jamais ce qui en sortira..
Et puis, il arriverait fatalement ce qui est
déjà arrivé. Un conflit se produirait entre la
présidence de la République et le Parle-
ment. Point n'est besoin de préparer cette
cause d'agitation au pays, qui demande sur-
tout qu'on, le laisse travailler en paix et que
la politique ne soit pas trop envahissante.
Il ne vit pas, en effet, de. politique, ,comme
lespplitipiens de métier. ̃̃̃.•̃•̃
Et, là-dessus,, attendons les événements,
avec l'espoir que le vote.du Congrès nous
assurera sept ans de tranquillitî^u. côté de
l'Elysée. H. IIarduin.
LE TRUST DES AUTEURS
C'est demain que l'assemblée générale doit
décider l'exclusion de deux autres socié-
taires La générosité de M. An-
tony Mars.
Le trust des auteurs a convoqué tous ses
sociétaires pour demain lundi en assemblée
générale extraordinaire. Après, avoir exclu
il y a un mois MM. Tristan Bernard et An-
dré Godfernaux, auteurs du Triplcpatto de
l'Athénée, il. s'agit,, celle fois, d'exclure de
la société MM. Kéroul et Barré, coupables
d'avoir donné aux Folies-Dramatiques leur
pièce Uite veine de D'autre part, M. An-
tony Mars, qui, avec un à-propos douteux,
avait émis le voeu.que tout membre rejeté
du.sein dé la société n'y puisse jamais plus
rentrer, va voir sa généreuse proposition
discutée par ses (confrères.
M. Antony Mars demande la guerre
d'autres, qui ont pris leur part des
précédentes batailles livrées pour la liberté
du théâtre, n'ont, bien au contraire, qu'un
désir la paix, mais une paix conforme à
la justice et à l'équité.
Souhaitons que la majorité des confrères
de M: Antony Mars. partage, à 1'assem-
blée: de demain, cet avis pacifique.
C'est souvent au moment où la bataille
est la plus vive que l'on hisse le drapeau
blanc et que la paix se conclut.
LA RÉFORME TELEPHONIQUE
AlIorAIloI
Le projet de M. Bérard, sous-secrétaire d'E-
tat, comporte la transformation de l'ou-
tillage téléphonique, très défectueux,
et la création d'un nouveau bu-
reàu central à la limite du
réseau' de Gutenberg et
de Wagràm.
De tous les services de l'administration
des postes, celui qui intéresse le plus la po-
pulation parisienne est incontestablement le
service des 'télépbonés. Avec le télégraphe,
on ne risque guère que d'avoir de petits
mouvements d'impatience avec les bureaux
de poste, on. ne risque que d'attrapper des
microbes mais avec le téléphone, tel qu'il
fonctionne à< l'heure actuelle, on devient in-
failliblement neurasthénique.
Dans le projet de'.loi qui vient d'être dé-
posé ces jours-ci sur le bureau de la Cham-
bre des 'députés, et que nous avons analysé
en détail dans le Matin, M. Bérard reconnaît
avec.bonne, grâce que le téléphone fonctionne
fort mal à Paris.
Il nous dit bien qu'il y a un peu de la
faute du public. Ce public ne tient-pas, pa-
rait-il, un compte toujours suffisant des re-
commandations qui lui sont faites par l'ad-
ministration. C'est ainsi qu'on obtient -ûirfi-
cilement des abonnés que, lorsqu'ils ont ter-
miné leur communication, ils appuient sur
le bouton de sonnerie pour signifier qu'ils
ont fni-de causer. L'administration des té-
léphones, qui semble être une statisticienne
des plus distinguées, a calculé que le signal
de « fin de communication » n'est pas donné
dans la proportion de 40 Il en resulte une
perturbation certaine dans le service télé-
phonique en effet, la demoiselle du bureau,
n'étant pas avertie que la conversation est
terminée, ne retire/pas les cordons qui oc-
(Pliot Waléry)
M. Alexandre BËRARD
Sous-secrétaire d'Etat aux postes
et télégraphes
cupent.les. lignes ses petites camarades,
ayant besoin de ces lignes, n'en trouvent pas
de. disponibles c'est alors que souvent on
répond à des demandes de communications
par le terrible «-Pas libre qui rend apo-
plectiques certains messieurs et provoque
des crises de nerfs chcx certaines dames.
Sur cinquante « Pas libre vous pouvez
être certain ,dit M. Bérard que vingt-
cinq fois il y a de la faute de t'abonné, qui
n'a pas fait le geste si simple et si aisé d'ap-
puyer sur le bouton de sonnerie de son té-
léphone.
Donc, il y a un peu de ta faute, 6 public
Mais M. Bérard est un homme juste et équi-
table, et il convient très franchement que ce
n'est pas ta fauté seule qui engendre tous
les, maux. ̃.•̃••
Avant tout, l'outillage est défectueux, et
l'un des premiers soins de l'administration
de la rue de Grenelle.est de vouloir le trans-
former. C'est une des parties les plus inté-
ressantes-du projet de loi qui est soumis aux
Chambres. Rappelons que rien que pour
l'amélioration des services téléphoniques de
Paris, M. Bérard demande immédiatement
plus de 10 millions' de crédits de premier éta-
blissement.
Ces 10 millions vont être employés deux
choses absolument distinctes on va trans-
former complètement l'outillage actuel on
va ensuite créer-un nouveau bureau cen-
tral.
L'Ol/T/LLAÛE
Parlons d'abord de l'outillage.
Le système qui va être adopté pour tous
les abonnés de Paris est un système' qui,
parait-il; est actuellement en vigueur à New-
York et a. donné, aux Etats-Unis, les résul-
tats les plus satisfaisant».
D'abord, on n'aura plus besoin de sonner.
Oui, vous avez bien lu :'on n'aura plus be-
soin de sonner. Vous n'aurez qu'a décro-
cher votre récepteur. Immédiatement et au-
tornatiquëment,. au bureau de quartier, une
petite lampe électrique s'allumera au-dessus
des cheveux blonds de votre demoiselle du
téléphone. En contemplant cette lumière,
elle saura d'une manière indubitable que
vous .toyez appelée et, avec prestesse, en-
foncera sa fiche de réponse dans le « jack .)
auquel a'boutit votre ligne. Et ouf votre
petite lampe s'éteint. Selon la formule sa-
cramentèllè, vous demandez alors votre
communication,: «Allô allô le 103-04 1.
La téléphoniste appelle le 103-04. Pour cela.
elle appuie-uue. seule fois sur un bouton
d'appel, qui resle enfoncé jusqu'à ce que le
103-04, averti par .un carillon qui ne discon-
tinue pas, ait décroché sori récepteur pour
demander, de l'air le plus affable du
monde « Allô allô qu'y a-t-il Et
c'est tout les deux abonnés peuvent cau-
ser. Dès qu'ils ont fini de parler, leurs pe-
tites lampes respectives se rallument, et la
demoiselle du téléphone, peut alors rompre
la communication sans avoir eu besoin, au
préalable, de se porter sur votre ligne et de
venir vous interrompre au moment le plus
palpitant.de votre, conversation.
Ce système lumineux sans calembour
s'appelle le système de da batterie cen-
trale, terme militaire et ronflant s'il en fut
Il a, comme je vous l'ai dit plus haut, donné
des résultats merveilleux à New-York, où,
d'après les statistiques officielles, le temps
qui s'écoule entre l'appel de l'abonné et la
réponse de la téléphoniste ne dépasse ja-
mais six à sept secondes. Six à sept se.
condes, quel rêve, quel idéal
La dépense totale' prévue pour cet outil-
s'élève. environ à 4,800,000 francs. Je
crois bien que nous donnerions 20 millions
pour n'avoir jamais à attendre, plus de six
à sept secondes.
La deuxième grande transformation pré-
vue par M. Bérard va intéresser particuliè-
rement les abonnés du téléphone qui dépen-
dent du bureau de Wagrarn.
Ceux qui font usage du téléphone ont déjà
pu établir maintes fois des distinctions entre
les divers bureaux. D'une manière générale,
on convient que les demoiselles de Passy
sont fort agréables, que celles de Guten-
berg sont complaisantes, etc. Par contre, on
déclare volontiers que celles de Wagram
sont des péronnelles. Or, M. Bérard explique
d'une manière fort claire, dans ses rapports,
lés raisons du péronnellisme des demoiselles
de Wagram.Les pauvres sont surmenées.
Elles ont 7,5Q0 abonnés à servir. Vous ren- j
dez-vous compte de ce que ce doit être ye
d'avoir 7,500 abonnés qui carillonnent, crient
et réclament en même temps. Convenez que,
quand on a 7,500 abonnés à servir, on a le
droit d'être un peu péronnelle. Et ce qu'il y
a de plus grave, c'est qu'il n'y a que 8,400
places utilisables dans le bureau de Wa-
gram donc d'ici quelques mois, impossible
d'accepter aucun nouvel abonnement.
UN NOUVfAU BUREAU
Le projet de M. Bérard comporte, en con-
séquence, la construction d'un bâtiment spé.
cial, qui sera édifié à la frontière du réseau
de Gutenberg et de Wagram. Ce bâtiment
recevra les abonnés venant de l'une et de
L'autre des anciennes circonscriptions, .d6-.
chargera les multiples correspondants, et
permettra d'y créer de,s disponibilités pour
recevoir les nouveaux abonnés. Ce bureau,
qui sera installé selon les préceptes les
plus confortables, sera doté d'un multiple de
dix mille places.
La dépense à prévoir est assez forte elle
8 élève à 4,200,000 francs environ. Mais elle
paralt, elle aussi, absolument indispensable.
Gageons que les abonnés de Wagram ne s'en
plaindront pas.
:11.`Bécard prévoit encore dans son projet
de réorganisation léléphonique certaines
améliorations très intéressantes c'est ainsi
qu'on veut augmenter le nonibre de dames
parlant des langues étrangères.
Figurez-vous que, actuellement, il y a en
tout et pour tout dix jeunes filles télépho.
nistes seulement sachant un peu d'allemand
et d'anglais. La prime qu'on leur donne pour
cette connaissance est bien peu élevée
20 francs par mois. Or, depuis 1901, de nou-
veaux circuits internationaux ont été ou
verts au service, les,relations ont été éten-
dues à plusieurs grands centres européens,
et nous nous trouvons d'une infériorité hu-
miliante en matière de langues étrangères
au téléphone. Il faut réformer cela de toute
nécessité, et M; Bérard fait une petite pro-
position bien modeste, qui ne risque pas de
mettre en déficit le budget de M. Merlou
il demande la'permission d'avoir deux da-
mes de plus parlant des langues étrangè-
res huit téléphonistes pour la langue an-
glaise, quatre téléphonistes pour la langue
allërn'iinde.. (II faut, en dl'fpt, que l'eiit^nte
cordiale conserve sa supériorite sur le mo-
,dits vivendi franco-allemand.) Cela néces-
sitera une petite augmentation que personne
ne peut décemment lui refuser. Enfin, ajou-
tons que des employées pouvant converser
en italien seront également affectées aux
postes centraux de Paris, Lyon, Marseille et
Nice. Mais tout cela sera forcément un peu
provisoire. Il est bien entendu que, quand
le téléphone ira jusqu'à Saint-Pétersbourg,
il faudra des employées qui parlent le russe,
et, quand il ira jusqu'en Bohême, il faudra
qu'il y en ait qui sachent s'exprimer correc-
tement en ù agrach Il 1
ASSASSINÉ 'EN WAGON
M. Durel, directeur du kursaal de Genève,
a.été assassiné par un inconnu, dans le
train venant de Nice, et jeté sur la
voie, au passage du tunnel
de Virieu.
Genève, 13 janvier. Dépêche particu-
lièrç du Matin ». La stupéfaction fut
profonde et la sensation grande dans le pu-
blic genevois, quand on apprit ce matin, par
un télégramme de Ctiloz, que M. Durel, pro-
priétaire du Kursaal de Genève, avait été
assassiné dans un train due Lyon-Genève
et qu'on avait trouvé son cadavre mutilé
sur la voie, entre les gares de Rossillon et
de Virieux-le-Grand.
M. Durel était en effet fort connu dans no-
tre ville, qu'il habitait depuis une vingtaine
d'années.
A' Nice, Paris, Bruxelles et autres villes,
M. Durel avait d'importants intérêts qui l'o-
bligeaient, à de fréquents voyages. Parti de
Genève mercredi soir pour Nice, il devait
revenir cette nuit, par le train de minuit 25,
et avait télégraphié son arrivée.
En visitant les compartiments en gare de
Genève, un employé trouva dans le wagon
de classe 4660, attelé en queue du train,
un pardessus, un panier de fleurs et une
couverture celle-ci était étendue sur la ban-
quette, pour masquer de larges flaques :ljB
sang. NI. Durel a dû être tué en plein som-
meil,.car il n'y a pas de trace de sang ail.
leurs .que sur la banquette.
.Le vagon de 3e classe suivant, que j'ai
vu en gare dé Genève, après le wagon du
crime, porte, tout le long dé sa paroi exté-
rieure, de multiples maculatures sanglantes
qui se sont produitès lorsque le cadavre a
été je!é sur la voie, au passage du tunnel
situé entre Rossillion et Virieu-le-Grand.
Ces 'deux wagons ont été placés sous scel-
lés, dès la première heure, pour être mis à
la disposition du parquet de Belley, chargé
de l'instruction.
Du* compartiment voisin de celui où dut
être commis le meurtre est descendu .un
voyageur porteur d'un billet de demi-tarif
d'abonné. On a télégraphié à Paris pour sa-
voir le nom de cet abonné, sur lequel on
h'à jusqu'à présent aucun autre renseigne-
ment.
Le crime a dû être minutieusement pré-
paré par un personnage appartenant au
monde des casinos de Nice et de Genève, et
qui savait que M. Durel voyageait souvent,
et presque toujours par les mêmes trains.
Le directeur du kursaal était constamment
porteur de sommes importantes mercredi,
il était parti pour Nice afin de réaliser une
grosse opération, qu'on dit dépasser 200,000
francs, somme qu'il devait avoir sur lui en
levenant à Genève.
M. Durel était une physionomie très cu-
rieuse. Très entreprenant architecte, il avait
construit tout un quartier à Genève, tout en
dirigeant le kursaal il était l'auteur de
plusieurs ballets ou pantomimes qui ont ob-
tenu un réel succès, notamment la Cons-
cience de Pierrot et Don Juan, joués à l'O-
lympia de Paris. Sa fortune, évaluée à huit
millions, était représentée entièrement par
des immeubles. Il habitait le château de Rei-
gnier (Haute-Savoie) depuis qu'il avait aban-
donné la direction du kursaal, c'est-ù-dire
depuis quatre ans. M. Durel laisse une veuve
et quatre enfants, dont l'aîné a douze ans.
LES CANDIDATS A LA PRÉSIDENCE »
AU PAYS iFïllLLÏÈRES
L'envoyé spécial du "Matin est allé dans FAgenais,
de Mezin à Nérac, de, Nérac au Loupillon, sur
les rives heureuses de la Gelise, recueillir
les impressions des concitoyens
du président du Sénat.
LAQUELLE SERA PRÉSIDENTE ?
(D'après des clichés de l'Illustration.)
L'Agenais tout entier est en effervescence.
Les Gascons, sont ardents. Nul ne l'ignore.
Et, quand ils ont la politique en tête. rien ne
saurait endigues leur faconde gutturale.
D'Agen Nérac, de Nêrac Vianne, à Me-
zin, à Villeneuve, ù Marmande, à Sos, dans
le, rues, dans les cafés, chez les plus hum-
bles débitants de vin, un nom léger ailé,
volette sur toutes les lèvres Fallières Fal-
lières, Falli&res.
C'est qu'au lendemain de l'élection séna-
toriale, la veille d'une autre élection plus
flatteuse encore, Jpus s'Intéressent passion-
nement il leur célèbre compatriote. Et les
adversaires mêmes du président du Sénat ne
le nomment qu'avec déférence.
Celui-là est bien de Il chez eux n. C'est un
vigneron comme eux, un homme qui est lié
par de profondes attaches au sol gascon.
Malgré les fluctuations de sa carrière poli-
tique, il ne s'est point « déraciné n. Sa per-
sonnalité résulte d'une éducation locale. Il
porte en lui de lourdes richesses ataviques.
Les formes qui entourèrent son enfance se
sont profondément incrustées en lui.
Et son coin de Gascogne, tantôt austère
avec ses collines nues et ses ronces traîtres-
ses, tantôt délicieusement accueillant sous
la douceur argentée des saules penchés vers
les ruisselets espiègles, il l'aime d'un cœur
passionné.
Chacun le sait, chacun le clame, et tous-
ceux que j'approchai, jeunes ou vieux, lé-
moins de sa fougueuse adolescence ou de son
âge mûr, les Descudé, les Fieux, les Bar-
rère, les d'Almeïda, les Lacome, les Peyrey,
lés Lajus, que sais-je encore, m'ont dit com-
bien il était resté des leurs, malgré sa for-
tune politique. Et c'est cependant un hom-
me d Etat. Un homme d'Etat d'autant plus
perspicace qu'il s'ést beaucoup mêlé aux
hommes. Celui-là ne vécut jamais de façon
exceptionnelle et rien de ce qui touche à
l'homme ne lui est étranger.
Il connut, heureusement, les petites fai-
blesses communes à tous et n'a point la pré-
lention de présenter au monde surpris une
figure "héroïque. Car il a beaucoup de goût
et possède une intelligence fort élégante.
Si une mollesse plus apparente que réelle
contribue à le. rendre indulgent et d'un scep-
ticisme souriant, sa volonté, son « entête-
ment ii, disent quelques-uns, lui fait tou-
jours accomplir ce qu'il croit juste et bon.
NI:: Fallières naquit à Mezin en 1841, dans
la maison du forgeron qu'était son aïeul.
Cette maison, accotée jadis à l'église millé-
naire, orgueil légitime de Meïin, n'existe
plus aujourd'hui mais un soin attentif la
fit reconstruire à peu près exactement dans
les environs de la ville,
Mais c'est en somme il. Nérac qu'il vécut
activement. C'est là qu'il commença ses étu-
des, dans une petite école où il n'y avait
guère que huit ou dix élèves, puis il retourna
au: collège de Mezin, jusqu'en quatrième.
Comme, il- était supérieurement doué, il ne
se croyait pas forcé de travailler trop âpre-
ment. Il musait un peu, l'esprit tout à ces
i-Ayes gros d'espoirs et de mélancolie à la
fois, qui sont plus utiles pour former un
homme que l'étude approfondie du thème
grec.
Jugeant qu'il avait besoin de stimulants,
son père l'envoya au lycée d'Angoulême.
d'où il sortit bachelier ès lettres à dix-huit
La propriété du Loupillon
Où M. Fallières passe les loisirs heureux que lui laisse la politique
ans. Puis il partit il Bordeaux pour, préparer
son baccalauréat ès sciences. Enfin, en 1860,
ü s'en fut à Paris pour faire une année de
droit. Il n'y resta que peu de temps. Sa fa-
mille trouva qu'il employait son temps do
futile manière et l'envoya il, Toulouse. Là. il
travailla fort assidûment, et revint à Paris
pour passer, deux ans après, sa licence en
droit. Après être resté quelques mois chez
un avoué qu'il choisit au hasard, il revint
Nérac pour s'inscrire au barreau.
C'ést moitié à Mezin, moitié dans la jolie
et paisible petite ville de Nérac, toute em-
plie encore du souvenir de Henri IV et de
son escadron galant, que M. railières, avant
de' conquérir une notoriété locale comme avo-
cat, venait passer ses vacances. Il se con-
duisait alors comme tous les jeunes hom-
mes de vingt ans libérés récemment de la
contrainte du collège. Sans doute,, il indigna
Nérac en tirant la nuit les sonnettes de pai-
sibles demeures sans doute, il ne dédai-
gna ni le vin du cru ni le sourire des ou-
vrières bouchonniôres de Mezin même.«-
consentit avec quelques camarades à des
facéties un peu grosses, comme celte qui fit
voir aux dévotes de Mezin se rendant à la
messe un récipient incongru se balancer de-
vant l'église à la place du réverbère. Ces
choses sont.fort innocentes, et le « père Fal-
hures en riait le,premier.
Ce « j)ère -FaMières » était un type. Il eu.
raillait les fonctions de greffier de la justice
de paix et d'expert géomètre. C'était une
sorte de colosse, grand mangeur, beau vi-
4eur de pots, indulgent à la jeunesse, rude
San1"*6 un.paysan et fin. comme un pay.
Il resta le meilleur ami de son fils jus-
qu'au jour où celui-ci afficha hautement des
théories républicaines. Le réactionnaire se
fâcha, Et c'est dater de' ce jour que la car-
rière d'Armand Fallières se dessine. Son
talent incontesté d'avocat l'avait mis en vue
1l devient maire et conseiller général de Né-
rac'quelque temps après avoir épousé Mi!e
Bresson, fille d'un avoué de Nérac.
Mais son prédécesseur à la mairie monte
une cabale contre lui. On le trouve d'idées
trop a avancées n. Il est révoqué de ses
fonctions. Cela ne dura pas longtemps Il
rentra bientôt à la mairie, parmi les ac-
clamations. En 1876, il était élu député ne
1 arrondissement, et, en 1SS0, sous le minis-
tère Ferry, il était sous-secrétaire d'Etat à
l'intérieur. La carrière de M. Fallières est
trop connue pour insister.
C'est donc Nérac qui est le berceau poli-
tique de M. Fallières.
Le département de Lot-et-Garonne est
d'ailleurs une pépinière de ministres nous
lui devons, en outre d'Armand Fallières,
MM. Faye, Deluns-Montaud, G. Leygues,
Darlan et Chaumié. C'est un record.
Maintenant que M. Fallières est président
du Sénat, tout près peut-être de devenir ma-
gistrat suprême de la République, ses allu-
res n'ont point changé. Assurément, il ne
tire plus les cordons 'de sonnette. Mais sa
bonhomie et sa simplicité sont restées les
mêmes. Il n'a pas besoin de prendre une
haute allure pour être respecté.
Une admiration affectueuse l'entoure par-
tout, et lorsque, de sa propriété du Loupil-
lon, près de Villeneuve, il vient à Né*»
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