Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1906-01-05
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 05 janvier 1906 05 janvier 1906
Description : 1906/01/05 (Numéro 7985). 1906/01/05 (Numéro 7985).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2008
Vi^Troïsiè^e ^Éiêèi ̃ K° 798S
SIX PAGES Paris CÏN0 CÉNTMlÉS
Vendredi 5 Janvier 190$
SEUL JOORiyU^niAWÇAJS BECEVANT PAR FILS SPECIAUX LES
CE QUE DIT M. SERÉ DE RIVIÈRES
"• 'fPhot.. •Henri Manuel.)
V • M. Ï.K PJïiLsiDENT SlîRÉ DE ̃ HlVlËHES
ilue pense du mariage moderne le juge
moderne ? C'est ce que nous avons été
'demander à M. Seré de Rivières, qu'on
nomme volontiers au Palais « le meil-
leur juge », en souvenir de M. Magnàud,
de Château-Thierry.
Le président ne s'est pas fait prier
pour répondre. Très carrément, il nous
a déclaré
Le divorce a créé' une crise du ma-
non pas tant dans ce qu'on appelle
Ié monde, où il n'est employé qu'à la der-
nière extrémité, que dans la masse, où
sa fréquence augmente d'année en an-
née. En raison même de cette crise, le
mariage n'est plus qu'une sorte de con-
trat temporaire il devient donc essen-
tiel de refondre les conditions dans les-
quelles il est contracté.
» Il faut, à côté du mariage d'argent,
créer le mariage d'amour, ou plutôt
substituer l'un à l'autre, car il ne doit
pas y avoir deux mariages, et il est à es-
pérer que l'humanité issue des' unions
nouvelles sera meilleure.
» JUhe femme do
du monde, l'amour avait été la seule rai-
son des unions contractées, les hom-
mes seraient meilleurs ,plus beaux,
mieux portants.
x
v> Le mariage, tel que nous le conce-
vons, doit être libre, c'est-à-dire se pas-
ser de l'autorisation des parents. En An-
gleterre, l'union légale se fait dans beau-
coup de cas sans cette autorisation et
n'en est pas plus malheureuse. Pourtant,
la collectivité est intéressée à ce que les
mariages ne se contractent pas par de
ttop, jeunes conjoints. Je maintiendrai
donc le consentement des parents, qui,
somme toute, sont, dans l'espèce, les
délégués de la collectivité, jusqu'à la ma-
jorité matrimoniale, c'est-à-dire jusqu'à
vingt et un ans, quitte à abaisser cette
majorité dans nos colonies.
Et puis, je supprimerai également l'o-
bligation pour les beaux-frères et belles-
sueurs, pour les oncles et nièces, tantes
̃*»“ et- neveux, d'obtenir un décret du prési-
dent de la République pour se marier.
En quoi le chef de l'Etat peut-il interve-
nir ? Ces mariages sont-ils, impurs ? Il
ne saurait alors leur' conférer la pureté.
qui leur manquerait. C'est encore une
entrave qu'il faut supprimer et qui n'a
d'autres conséquences actuelles que de
créer des enfants incestueux. Car, le
croirait-on, si un beau-frère et une belle-
soeur ont un enfant naturel avant d'a-
voir obtenu le fameux décret, il est in-
cestueux, c'est-à-dire qu'il ne peut être
ni reconnu ni légitimé par le mariage
subséquent. Ses frères ou ses sœurs,"
nés des mêmes individus, mais après
l'autorisation présidentielle, seront légi-
times, et lui restera « incestueux)) à per-
pétuité.
Je voudrais, enlin, la séparation de-.
biens comme régime légal. On n'aurait
plus besoin de faire faire des contrats
onéreux un simple inventaire sous
seing privé et enregistré suffirait. Les
contrats authentiques, les régimes ma-
trimoniaux, si compliqués; si, féconds en
procès et interprétations, toute cette chi-
noiserie qui n'intéresse que l'argent et
les notaires disparaîtrait des formalités
S du mariage. « Sans dot n C'est le mot de
Molière, c'est le mot des mariages an-
glais. Et la femme deviendrait proprié-
taire de son salaire, qui trop souvent, hé-
las 1 est changé.par le mari en alcool.
a Suppression pure et simple des pu-
blications légales. Cette précaution con-
tre la bigamie est absolument superflue,
car la bigamie est extrêmement rare
dans le monde où « on a des moyens ».
On s'y contente de mariages annexes.
» Ajoutons à ces réformes, et afin de
maintenir l'intégrité des unions avouées
et consenties, la recherche de la pater-
nité, les dommages et intérêts pour sé-
duction, la reconnaissance possible pour
tous les enfants, même adultérins. Car,
ainsi que je l'ai déjà dit,,la loi est incohé-
rente à leur égard elle défend de les re-
connaître, tout en ordonnant de les nour-
V tir, c'est-à-dire de les connaître.
Toutes ces réformes, dont ie me
boj-oeàfairtf rémmciatioH a titre d-exem*
ple et.sans limitation, sont loin d'être ré-
volutionnaires elles existent déjà dans
des pays mpnarchiques comme l'Allema-
gne et l'Angleterre. Le régime démocra-
tique qui est le nôtre doit tenir à hon-
neur de les réaliser son tour, comme
il a fait pour cette généreuse loi sur les
accidents du travail, qui fonctionnait de-
puis quinze ans en Allemagne lorsqu'elle
fut votée en France !»
DE MIDI A MINUIT
Les faits d'hier Eç Franoe et à l'étranger.
Clôture de la Borirse, molle. 3 98 92
Extérieure, 92 75 Russe Consolidé,
Turc, Rio, 1,086 Rand Mines. 183.
M. Thomson, ministre de la marine, a
accordé aux cinq ouvriers brestois frappés
d'expulsion, à la suite de la dernière grève,
le paiement de vingt journées de salaire.
Le lieutenant Thomas, le meurtrier de
Rosé de Noël, condamné à sept ans de ré-
clusion par les assises des Deux-Sèvres,
s'est pourvu en cassation.
M: Etienne, ministre de la guerre, qui
vient de parcourir la Côte d'Azur;- a quitté
Marseille a huit heures, se dirigeant sur
L'amiral Besson, préfet maritime de Cher-
bourg, a rendu un non-lieu en faveur des
trois employés de l'hôpital inculpés de frau-
des et détournements.
Le cadavre d'un marin naufragé du Hilda
a élé trouvé sur la côte de Jersey.
L'insurrection se poursuit en Courlande,
où des châteaux ont été incendiés. De nou-
velles arrestations ont été opérées à Mos-
cou.
L'Italie a délégué le marquis Visconti-
Venosta comme représentant à la confé-
rence d'Algésiras. Plusieurs maisons se
sont écroulées à Genzano (Italié). Quatorze
personnes ont été ensevelies sous les dé-
cembres;
Le Sobranié bulgare a autorisé le gouver-
nement à appliquer, à partir du 14 janvier,
le traité de commerce conclu avec la France,
et également celui avec l'Italie, dans le cas
où il serait conclu d'ici à cette époque. l
Après le vote de crédits extraordinaires
de 68. millions, la Chambre roumaine s'est
ajournée au 24 janvier, il cause des fêtes
de Noël. De ces nouveaux crédits, 30 mil-
lions seront employés pour l'armement et
l'achat de canons tir rapide.
MESURE DE CLEMENCE
Le ministre de la marine décide que vingt
journées de salaire seront payées aux
ouvriers brestois, punis d'exclusion
lors de la grève Satisfaction
dans les ports.
• Brést,; i janvier..
du :&' Malin- W "On nous communique, à la
préfecture maritime, la note suivante
A l'occasion de la nouvelle année et comme
mesure de clémence, le ministre de la marine,
tenant compte de ce que les délégués des ou-
vriers des arsenaux à Paris ont retiré toute
parole injurieuse prononcée à l'adresse des au-
torités maritimes, vient de passer au port de
Brest l'ordre de payer vingt journées de sa-
laire' aux cinq ouvriers punis pour ce motif,
le'2 novembre dernier, d'un mois d'exclusion
de l'arsenal.
Ajoutons qu'il s'agit en l'espèce des ou-
vriers Martin, Demeule, Guillou, Muller et
Le Bott, qui s'étaient solidarisés avec leur
camarade Pengam.
L'accueil de la décision à Toulon.
TOULON, 4 janvier., Dépêche particulière
dit « Matin ». La mesure prise par M.
Thomson en faveur des ouvriers brestois a
été accueillie ici avec joie, et le syndicat du
port la commente en ces tèrmes
Le ministre vient enfin de donner satisfac-
tion aux désirs exprimés par les délégués au
dernier congrès. Une dépêche nous apprend
que nos camarades de Brest, punis d'un '!nois
d'exclusion à la suite des manifestations ou
réunions tenues à Brest, sont l'objet d'une me-
sure non de clémence, mais de justice, et
qu'une indemnité de vingt journées de solde
leur sera attribuée pour le temps perdu par
eux.
Nous sommes heureux de cette décision, due
en partie à l'acte de solidarité des ouvriers des
arsenaux, Quoique tardive, cette décision peut
être considérée comme une victoire proléta-
rienne.
LE SYNDICAT DES OUVRIERS DU PORT.
PROPOS D'UN PARISIEN
Un citoyen de mes amis, qui cultive la
haute politique, a entrepris de me dévoiler
les secrets desseins de l'Allemagne. Je l'ai
rencontré dans la rue, et nous voilà sur
le trottoir, bousculés par les passants, lui
me tenant par le bouton de mon paletot,
moi écoutant, victime résignée. Il com-
mence
Suivez bien mon raisonnement.
Allez. Je lui emboîte le pas.
L'Allemagne a maintenant de grands
intérêts commerciaux dans le monde. Pour
les protéger, elle a créé une. marine de
guerre.
Bon.
,-Mais,une marine destinée à rayonner
dans les mers lointaines, si elle ne trouve
pas sur sa route des ports où ses vaisseaux
puissent se ravitailler et se mettre à l'abri,
qu'est-ce que c'est ?
Rien du tout, fis-je avec conviction.
•– L'Allemagne rêve donc de posséder des
stations navales sur différents points du
globe. Lorsqu'elle a soulevé les difficultés
que vous savez, à propos du, Maroc, c'est
que l'occasion lui a semblé propice pour'
réaliser ses projets. Son intervention a été,
aussitôt, ,suivie de la proposition de réunir
une conférence. Devinez-vous pourquoi ?
Non, déclarai-je, plein de bonne foi.
Parce' que, cette conférence étant réu-
nie, l'Allemagne' cherchera à'se faire concé-
der, par les puissances, un port sur la côte
occidentale d'Afrique, à la hauteur du Ma-
roc, un port qui servira d'escale, de refuge
au besoin, à ses vaisseaux de guerre ou
marchands. Vous suivez toujours mon rai-
sonnement ?
Avec' ardeur.
'̃̃ Que le port soit concédé et, instanta-
nément, l'Allemabne se désintéresse de 'a
question marocaine. Avez-vous compris,
maintenant, le pourquoi de la conférence ?
C'est ça qu'elle vise. Vous ne le voyez pas ?
Si, si. Je vois. En effet, c'est cela.
A moins que ce ne soit autre chose.
,Mon interlocuteur avait lâché le bouton à
l'aide .duquel il m'immobilisait. J'en profitai
pour aller à mes affaires. H. Hardwn.
Lorsqu'un acte de courage, de
dévouement civique ou de palriotis-
me vient à la connaissance du peu-
*5 pie, les simples citoyens, émus d'un
§ enthousiasme sincère, s'inquiètent
peu des lenteurs administratives et
des formules officielles ils saluent
aussitôt de leurs acclamations cor-
i diàles les braves gens qui ont ainsi
donné le bon exemple.'»
Le Matin a voulu consacrer par
un témoignage durable ce tribut
spontané de l'admiration populaire:
il a fondé, voilà un an, une médaille
5 d'honneur destinée à récompenser les
belles actions qu'un gouvernement
discerne lentement et, que lentement
il proclame quand même il né les
oublie pas tout à fait.
Ce journal a pensé que si la vertu,
comme dit Montesquieu, « est le res-
sort de l'état républicain », c'est bien
le moins que la République s'aper-
çoive des mérites éclatants qui Vho-
£̃ norent. Il a voulu abréger les d.élaih\
6 réparer les négligences, luUër ̃'̃£'«<, ^|
r comphssement d'un
» devoir national, et, re-
3 cueillant les échos de
la reconnaissance pu-
5 blique, il décerne ain-
si sans retard aux mé-
6 ritants le signe d'hon-
» neur qu'a demande
pour eux la voix una-
nime de leurs conci-
toyens.
Û Et qu'il nous soit
permis de remercier
ici publiquement ceux
5 qui nous'ont aidé dans
notre tâche. Les pré-
lets les maires, les
pouvoirs publics qui,
$ par leurs enquétes of-
ficielles, nous ont
éclairé et contrôlé.
Voilà un an, disons-
nous, que cette mé-
daille a été créée.-
Rappelons ici que son
premier exemplaire a
été remis à l'éminent
&̃ fours,
en
toutes circonstances un modèle de
g simple courage et de dévouement
sans bornes aux intérêts de la patrie
Rappelons que M. Emile Loubet, à
qui la France entière avait secrète-
ment voté cette médaille, avant que
le Matin la lui offrît, a bien voulu
en accepter le cordial hommage et
lui a donné de la sorte la plus haute
consécration qu'elle pût obtenir.
Les autres distinctions honorifi-
5 ques, soit que.des services éclatants
les justifient, soit que des recom-
s mandations pressantes les appellent,
descendent d'ordinaire des régions
dû pouvoir sur les candidats qui
tendent les mains pour les recevoir
g la médaille du Matin va librement
£ décorer toutes les poitrines où bat
$ un cour généreux. Elle ne descend
è ni ne naonte elle est votée par des
g égaux pour leurs égaux.
À Point de sollicitations personnel-
1 les! Point de brigue ni d'intrigue
« El c'est un trait bien caractéristique
li signaler, qùe, parmi les milliers
de lettres qui nous sont parvenues,
pas une seule n'émane d'une person-
ne se croyant digne de notre récom-
pense toutes nous signalent le me-
« rite d'autrui.
f Volr à nos quatrième et cinquième pages,: la liste complète des médaillés du Matin. î
LE MYSTÈRE DU MANOIR BRETON
Nous avons raconté ces jours-ci la coma-
nesque aventure arrivée à Mlle Briant,
sage-femme au village du Folgoët, qui, pré-
cipitamment sollicitée pour accomplir sa
mission dans une maison du voisinage, fut
emportée dans une voiture rapide, puis,
pendant le parcours, eut les yeux bandés.
On ne lui permit de recouvrer la vue que
lorsqu'elle se trouva dans une somptueuse
demeure,, auprès d'une jeune femme qui ve-
nait d'accoucher.
Après avoir prodigué a sa mystérieuse
cliente tous les soins utiles, elle voulut se
retirer, mais on la pria sur le mode impé-
ratif de demeurer. Cette sorte de séquestra-
tion dura vingt-quatre heures.
Au moment méme où celte étrange aven-
ture était divulguée au parquet de Brest, on
appren,ait que, peu de jours après, un mon-
sieur d'élégante allure avait déposé dans la
demeure du cantonnier de Lesneven,ouverte
mais inhabitée momentanément, un enfant
nouveau-né que la femme du cantonnier
trouva en rentrant. Gonflé une voisine, le
bébé fut démailloté et l'on trouva dans ses
langes une liasse de billets de banque de
La coïncidence qui existe entre l'aventure
de Mlle Briant et l'anecdote dernière crée
une vive curiosité dans la région.
Notre envoyé spécial nous communique il
ce propos, le résultat d'une première en-
quête
Brest, 4 janvier. Dépêche de notre en-
voyé spécial. En ces temps de prosaïsme
et de plate banalité, certains esprits roma-
nesques envieraient sans doute les émotions
par lesquelles, une nuit de juillet dernier,
passa Mlle l)riant, la sage-femme du Fol-
stupéfiante aventure. Et cetje aventure est.
-bien; en vérité, la plus extraordinaire,, la
plus fantastique qu'il soit possible de rêver.
Gaboriau et Ponson du Terrail n'en auraient
pas renié la paternité, encore que, par
crainte de paraître invraisemblables, ils
n'eussent, osé la situer en notre pays et a
notre énoque les temps de La Ligue et do
'Ainsi, nous avorts eu la bonne for- 0
tune d'instituer une forme de déco-
ration pour ainsi diTe intime et pri-
v'ée, qui, permet au peuple français ^5
d'acquitter envers les gens qu'il ad-
mire sa dette de reconnaissance et
d'affection. C'est lui qui nous les si-
gnale, c'est lui qui plaide pour eux,
et, par notre entremvse, c'est lui qui
les honoré.
Et leur nombre est si grand que
vraiment on a le droit de se deman-
der si nous savons bien nous-mêmes p
tout ce que nous valons 1 Il nous a
suffi d'inviter nos lecteurs à nous si-
gnaler_ les actes héroïques, les dé-
vouements éclatants et les mérites
cachés qu'ils ont connus ou surpris,
pour que, de toute part, avec une sin-
cérilé parfaite et une exactitude scru-
puleuse, nous fussent rap-portés les
faits les plus lfrobants.
L'applaudissement universel a,
comme on sait, accueilli nos premiè- »
Tes listes de médaillés. On y lisait
f tes noms du docteur Daviot, doyen
des médecins de Fran- «
ce, non décore de la
Légion
après soixante-dix ans $
de soins donnés gra- 9
tuitement aux pau- »
vres de la doyenne
des infirmières, Mme
veuve Brochard, de
l'hôpital Saint-Antôi-
ne, qui a consacré sa
vieillesse au seruice
des tuberculeux de
M. Gasrvier, chef de
gare à A bancourt, qui,
au péril de sa vie, car
il fui cruellement blés-
se, sauva un voyageur
d'une mort horrible
sous les roues d'une
lucomotive du chalu- o
tier Castaing, qui sau-
va trente et un mate-
lots naufragés au per- w
tuis d'Antioche du
simple soldat Gour- $$
nay, qui eut l'idée gé- S*
illettrés, de sa compagnie, tous la
ses. instants dé loisir et toutes ses |
heures de permission. $
Combien de cas encore, où le con-
sentement unanime a ratifié la dési- j§
gnation des lauréats 1.
Chaque jour qui vient rvous en si-
gnale d'autres et nous dicte de nou-
veaux diplômes: Illustres ou modes-
tes, les noms se pressent sous notre
plume, et si nous inscrivons aufour- wj
d'hui notre liste, pour danvier
1906, le docteur Behring, dont Les
patients travaux ont déjà vaincu la
tuberculose bovine, en attendant
qu'ils vierane?2t à bout du pire fléau
qui décirne l'humanité; du docteur
Jean Charcot, qui. a porté le drapeau
français jusqu'aux confins du mon-
de antarctique, à la tête de la mission
du Matin d'autres encore qui ont
marqué leurs traces dans les anna-
les des dcux mondes, nous n'avons
garde aussi d'oublier cette armée im-
et toujours renouvelée des
vaillants qui sont en même temps des
humbles et des pauvres qui sont en
même temps des héros. C'est à eux, §
à eux tous, que la médaille du Matin &
est promise, car tous, au même titre, g
ils glorifient la patrie et honorent S§
LE MATIN.
Fontenelle seuls permettraient d'admettre
pareille odyssée.
DANS LA LANDE
Imaginez, en pleine lande déserte, au
croisement de quatre routes interminable-
ment droites, un groupement de trois ou
quatre maisonnettes basses, isolées du reste
du village. Au centre du carrefour, au som-
met d'un caltaire de pierre, un long christ
moussu sorti, dirait-on, de quelque tableau
du Cranach allemand, étend le geste
éploré de ses bras maigres et crispés. Sans
cesse, les vents d'ouest soufflent en mugis-
sant sur, cette désolation, tordant les ajoncs
rabougris poussés çà et la dans la plaine.
Voilà pour le décor.
Un peu de la tristesse sauvage de ce coin
perdu a déteint sur ses habitants. Dès la
nuit tombée, les volets bien clos,4 ils s'en-
forment a double tour, éteignent toute lu-
mière et se couchent. C'est dans une de ces
maisons que le père Briant, qui, sous un
hangar annexé à sa demeure, exerce le mé-
tier de forgeron, habite avec ses deux filles,
Jeanne et Marie-Yvonne, la sage-femme.
Le père Briant est vieux Jeanne a vingt
l'héroïne, Marie- Yvonne, que j'ai vue
cet après-midi, en a vingt-sept. Elle est in-
firme à la suite d'un accident survenu pen-
dant sa jeunesse, et qui nécessita l'amputa-
tion de la jambe gauche le métier de sage-
femme, qu'elle apprit à la faculté de Rennes,
lui permet d'aider au bien-être de la famille.
Voilà pour les personnages.
L'ENLÈVEMENT DE LA SAGE-FEMME
Ç'est exactement le 27 juillet dernier qu'eut
lieu le 'fait. C'est d'abord la longue fuite de
ln calèche, emportée dans la nuit par deux
vigoureux chevaux et l'épouvante de la sa-
ge-femme entre les deux inconnus qui sont
venus la chercher et qui, dès le départ, lui
ont- bandé les yeux. Pour calmer son effrui,
ils lui disent qu'elle doit ignorer où on la
conduit, qu'il s'agit d'un important secret
de famille, et lui promettent ..une large ré-
lrrunération. Puis son arrivée dans la cham-
lire d'une demeure mystérieuse, où on lux
enlève enfin son bandeau, et aussi les pré-
cautions qu'on prend pour l'empêcher de sor-
tir de.cette pièce, où, en présence de deux
dames âgées, elle vient d'aider à l'accouche-
ment d'une jeune femme de vingt ans.
De cette chambre, elle ne se rappelle
qu'une. chose, c'est qu'elle était luxueuse-
ment meublée et que, devant les deux hautes
fenêtres qui l'éclairaient, un épais rideau
d'arbres masquait le paysage. En silence,
autour d'eUe, 'les deux dames allaient et ve-
naient, prodiguaient leurs soins. à la jeune
accouchée. Enfin, la nuit venue, on lui re-
met deux cents francs en lui annonçant que
sa mission était terminée et qu'on allait, la
ramené/ chez elle, au Folgoët. On la somme
de ne jamais révéler tes faits dont elle ve-
nait d'être le témoin, sous peine des pires
dangers pour elle.
De nouveau, on lui couvre les yeux dun
bandeau et on la conduit au dehors, où une
voituré attend. Elle y monte. Deux hommes
prennent nlace à ses côtés, et l'équipage re-
part au grand trot. Il ne s'arrête qu'après
quatre heures d'une course folle. On' enlève
le mouchoir qui couvre les yeux de la s
ge-femme. Elle se trouve au Folgoet, devant
sa propre maison mais elle n'a pas le temps
de considérer ceux qui l'avaient accompa-
gnée en hâte, ceux-ci avaient repris place
dans la voiture, qui s'était rapidement éloi-
gnée et avait disparu dans la nuit.
TOUT SE SAITI
Affulée par les menaces qui lui avaient
été faites: à son départ, de la mystérieuse de-
meure,* craignant en outre de trahir le se-
cret professionnel, Mlle Brisant, longtemps
avait tu son aventure'. Ce n'est qu'acciden-
tellement que le bruit en est parvenu aux
oreilles des autorités. Il y a quelques se-
maines, la sage-femme, minée par ce secret.
se décida enfin à le confier à une de ses voi-
sines du holgoët, Mme Le Saint. Celle-ci
s'empressa de le raconter à sa soeur, Mme
Bourhis, ménagère au village de Kératric-
en-Ploudaniei, et c'est ainsi que bientôt la
nouvelle se répandit au Folgoët et dans les
villages environnants. Le maire du Folgoët,
informé à son tour de l'aventure, crut de
son devoir. de prévenir le procureur de la
République de Brest, qui ordonna aussitôt
une enquête.
Mlle Briant, interrogée par la gendarme-
rie et par M. Freund, juge de paix de Lesne-
ven, confirma ce qu'elle avait déjà narré.
Elle ajouta néanmoins que, bien qu'ignorant
le lieu où elle avait été conduite par les
deux mystérieux inconnus, il lui avait sem-
blé reconnaître pourtant, à certains tour-
nants du chemin suivi par la voiture qui
l'emmenait, qu'elle suivait la'route condui-
sant à Landivisiau.
Toutes les recherches entreprises jusqu'ici
pour retrouver la mystérieuse demeure sont
restées vaines. Il convient toutefois de noter
la curieuse coïncidence signalée déjà hier
par le Ittatin de la- découverte, dans un
village du Léon, à la porte de Ia maison
du cantonnier, d'un enfant nouveau-né
abandonné par des automobilistes, et dans
les langes duquel avaient été trouvées cin-
quante -billots dfl mille francs. A lo vérité,
ou je, nie, snis livré aujourd'hui il une en-
quête approfondie, qu'eut lieu cette décou-
verte, et dans la région, personne ne se
souvient d'un tel fait. Il est vrai que le dé-
pàrtement du Finistère compte plusieurs vil-
lages portant le nom de Plounéour; le suffixe
seul diffère. Mais le point intéressant est
que cette information fut publiée le 29 juil-
let dernier, c'est-à-dire deux jours après
l'enlèvement nocturne de Mlle Briant, par
un journal de Rennes, qui l'avait reçue d'un
correspondant occasionnel. Urie erreur de
transmission sans doute avait fait croire à
ce journal qu'il s'agissait du village de Plou-
néour-Trez. Or, vers Landivisiau c'est-à-
dire dans la direction où pense avoir été
emmenée Mlle Briant se trouve un autre
Plounéour, Plounéour-Menez, et c'est de ce
coté que. je porterai demain mes investiga-
tions.
ANTIMILITARISTE
M. Amilcar Cipriani a fait hier placarder sur
les murs de Paris l'affiche rouge, si-
gnée cette fois de son seul nom
Il en explique les, raisons.
M. Amilcar Cipriani, acquitté par la cour
d'assises de la Seine, a fait il nouveau pla-
carder, dans Paris, l'affiche antimilitariste
qui a valu il 26 de ses signataires des con-
damnations, mitigées ou non par des cir-
constances, atténuantes. Cette fois, la seule
signature de M. Cipriani s'étale au bas du
placard, en gros caractères noirs sur le fond
rouge de l'affiche.
II était intéressant de connaître la raison
de ce geste. Nous nous sommes rendu chez
celui qui en était l'auteur.
Dans l'avenue de Clichy, un passage en-
ténébré, plein d'embûches pour les pieds
citadins habitués au pavage en bois des
maisons basses, comme accroupies dans la
fange de hauts murs arides, et, dans un
recoin obscur, en haut d'un escalier il peu
près bourgeois, une petite chambre, une al-
côve.
Dans l'alcôve, un lit, de soldat, paillasse,
draps, couvertures. Dans la' chambre, une
table, des livres. C'est le cadre intime d'A-
milcar Cipriani.
Notre visite ne surprend pas notre visité.
Il s'attendait à quelque bruit, au lendemain
de sa récidive, et c'est aimablement que le
grand vieillard, s'asseyant, nous fait, d'une
voix un peu couverte, mais chantante et
douce, la déclaration suivante
Tout le monde sait que l'acquittement
du jury de la Seine m'a profondément ré-
volté, indigné, et cette indignation, je l'ai
manifestée au tribunal même et dans les
journaux. Mais je n'étais pas satisfait. Il
me fallait quelque chose de plus « saisis-
sant alors j'ai conçu l'idée que, étant ac-
quitté par le jury de la Seine, j'étais le seul
de.tous les signataires de l'afriche autorisé
à faire de la propagande antimilitariste. De.
là, l'idée de publier tel quel le manifeste,
avec un post-scriptum que vous connaissez.
En m'acquittant, le 30 décembre, le jury
de la Seine a proclamé que je n'avais com-
mis aucun délit.
Il a reconnu mondroit à la propagande.
J'en use.
Mon but est logique. Si j'ai été poursuivi,
c'est que, comme mes anus, j'étais coupa-
ble ;.si je suis coupable, il fallait me con-
damner, comme ils l'ont été eux-mêmes. Si
j'ai été acquitté, ils devraient l'être.
Voilà le langage que je tiendrai au jury,
dont je ne veux ni l'aumône, ni la pitié. Ac-
quittez mes amis ou condamnez-moi avec
eux
Sur ce mot, le grand vieillard se lève.
Dans sa robe de chambre, il a de faux airs
de moine, comme sa demeure a de faux airs
de cellule.
Je les ai mis au pied du mur, dit-il, et
je les y attends.
La porte ouverte, il se dresse sur le seuil
dans un aimable salut, plein de cordialité,
et prend congé de l'envoyé du Matin avec
une urbanité charmante, un peu chaude
l'urbanité dé l'exubérante Italie.
SCANDALE JUDICIAIRE
Le cas de Me Destrez
M. le juge d'instruction Cavaillon maintient
qu'il avait le devoir et le droit d'inculper
le défenseur de Mirabel Me Des-
trez persiste à contester l'exac-
titude des assertions du par-
quet de Marseille.
L'incident Destrez-Cavaillon émeut fort le
monde du Palais, aussi bien les magistrats
que les avocats.
Hier, toutes les conversations des groupes
de la salle des Paa-Pérdus roulaient sur l'ar-
(Phot. Pirou. bd St-Germain)
Bâtonnier de l'ordre, des avocats de Paris
restation et la « fouille de Me Emile. Des-
irez.
On s'indignait généralement de cette façon
de procéder du magistrat instructeur mar-
seillais.
En présence, disait-on, d'un avocat,
dont la qualité n'était pas discutée. M. Ca-
vaillon, même absolument convaincu de la
complicité de M" Désirez, ne pouvait procé-
der comme ii l'a fait, A Me Destrez, lui de-
mandant communication du dossier-de l'af-
faire de la bande des » voleurs internatio-
naux il devait répondre par un refus, puis
informer sur-lé-champ le procureur, de la,
République de Marseille, qui lui, en eût' ré-'
féré immédiatement à son procureur géné-
ral. Celui-ci. eût télégraphié à la chancelle-
rie.' Après avoir mis le bâtonnier de l'ordre,
des avocats de la cour de Paris au courant
de l'incident, le ministre de la justice aurait
pris une .décision.Mais' M. Cavaillon ne ̃gqfà- -» •
vaili.tje sa propre autorité, procéder comme
il fa fait, c'est-à-dire faire arrêter et fouiller
un avocat.
Pardon, répliquaient quelques dissi-
dents, Il. n'existe pas de procédure particu-
lière en faveur des avocats, à quelque bar-
reau qu'ils appartiennent. Quoi qu'on en dise,
pas plus que le cabinet de l'avocat, la per-
sonne de l'avocat n'est inviolable. Si le ré-
quisitoire définitif du parqtiét de Marseille
était relatif il Mirabel ET autres, M. le juge
d'instruction Cavaillon pouvait, à sa conve-
nance, faire procéder, u immédiatement
l'arrestation de Me Destrez. Il n'avait à en
référer il personne. Son acte, poui\sortir de
l'ordinaire, n'en était pas moins tout à fait
conforme à la loi.
Pendant une semaine au moins la ques-
tion Destrez-Cavaillon va rester à l'ordre -du
jour des conversations dans les groupes de
la salle des Pas-Perdus.
Le juge maintient ses dires.
Marseille, 4 janvier. Dépêche particu-
lière dit n Matin ». La lecture des jour-
nàux de Paris commentant l'information du
Matin au sujet de l'incident Destrez n'a pas
été sans produire une certaine impression
sur le parquet de Marseille. M. Cavaillon
n'en persiste pas moins à croire qu'en incul-
pant M0 Destrez il n'a pas -porté atteinte
aux droits sacrés de la défense, mais qu'il a
agi dans la plénitude de ses droits et accom-
pli son devoir de magistrat..
Je vous ai dit hier que les motifs qui ont
déterminé le juge d'instruction à impliquer
1 avocat parisien, dans les- poursuites résul-
tent' d'une lettre adressée par le fils Bau-
doin à sa mère, et dont les termes pouvaient
laisser supposer que M0 Destrez était au
courant des opérations de, la bande. Cette
lettre étant le document capital du débat,
j'ai demandé Cavaillon de vouloir bien
me la communiquer' et m'en laisser pren-
dre copie M. Cavaillon s'y est formelle-
ment refusé. Il- a. consenti, toutefois, à me
communiquer le passage principal, passage
que voici
A l'instant. je quitte Destrez et l'affaire est
terminée par un sac. (billet, de mille francs)
que je lui. ai donné, et un autrc sac après.
Quant l'autre affaire, il nous manque les
papiérs dérivée, .car on n'a pas encore fixé
le jour quë ce sera terminé. Je suis- content
d'avoir pris le cercle, maintenant gue l'ai vu
Destrez^ Dans quatre ou cinq jours,, recevrez
pli recommandé cotatenant les brillants (Ce
mot est effacé et remnlaeé par cet autre mot
la feuille) qtae Destrez vous enverra poste
restante (Ce mot est'également effacé et rem-
placé par à la maison), sous le nom de "Ba-
vel. Ecrivez-moi toujours poste, restante, au
nom de Joseph Larcre. Le bonjour à Antoine.
Cette lettre est écrite sur du papier à en-
tête du café de l'Etoile, Lyon. Elle porte
aussi les mots conventionnels-: Paturel.
Sors. Jalabert. M. Cavaillon persiste à voir
dans cette lettre la preuve que M« Destrez
était plus ou moins mêlé aux opérations de
la bande Mirabel il ajoute que cette preuvo"
est corroborée par l'insistance de l'avocat
demander la, destruction de. cette pièce.
Pourquoi, dit-il, Me Destrez aurait-il
demandé qu'elle fût détruite, s'il ne là trou-
vait pas compromettante?
Quant à la scène de, la supplication, il
faut la rectifier, sinon dans' le fond, au
moins dans les détails. Une première fois, i
Me Destrez a demandé au juge la destruc-
tion de la lettre dans le cabinet du juge
d'instruction, en présence de son greffier,
M. Peyre. Quelques minutes plus tard, il
renouvelait cette demande dans le bureau
des délégations judiciaires, en présence du
commissaire, M. Thiriat, de son secrétaire
et d'un agent. Enfin, il aurait formulé cette
demande pour la troisième fois dans le ca-
binet du procureur de la République.
La phrase « Je me traînerai, s'il le faut,
aux genoux du procureur de la République,
mais il faut que cette lettre disparaisse u, est
affirmée par les témoins cités plus haut.
Mais que s'est-il passé exactement dans le
cabinet du procureur, de la République ?
m'expliquer son r.ôle dans cette affaire, rôle
purement passif, me dit-il, avec insistance,
-™ Je ne suis intervenu à aucun moment
SIX PAGES Paris CÏN0 CÉNTMlÉS
Vendredi 5 Janvier 190$
SEUL JOORiyU^niAWÇAJS BECEVANT PAR FILS SPECIAUX LES
CE QUE DIT M. SERÉ DE RIVIÈRES
"• 'fPhot.. •Henri Manuel.)
V • M. Ï.K PJïiLsiDENT SlîRÉ DE ̃ HlVlËHES
ilue pense du mariage moderne le juge
moderne ? C'est ce que nous avons été
'demander à M. Seré de Rivières, qu'on
nomme volontiers au Palais « le meil-
leur juge », en souvenir de M. Magnàud,
de Château-Thierry.
Le président ne s'est pas fait prier
pour répondre. Très carrément, il nous
a déclaré
Le divorce a créé' une crise du ma-
non pas tant dans ce qu'on appelle
Ié monde, où il n'est employé qu'à la der-
nière extrémité, que dans la masse, où
sa fréquence augmente d'année en an-
née. En raison même de cette crise, le
mariage n'est plus qu'une sorte de con-
trat temporaire il devient donc essen-
tiel de refondre les conditions dans les-
quelles il est contracté.
» Il faut, à côté du mariage d'argent,
créer le mariage d'amour, ou plutôt
substituer l'un à l'autre, car il ne doit
pas y avoir deux mariages, et il est à es-
pérer que l'humanité issue des' unions
nouvelles sera meilleure.
» JUhe femme do
du monde, l'amour avait été la seule rai-
son des unions contractées, les hom-
mes seraient meilleurs ,plus beaux,
mieux portants.
x
v> Le mariage, tel que nous le conce-
vons, doit être libre, c'est-à-dire se pas-
ser de l'autorisation des parents. En An-
gleterre, l'union légale se fait dans beau-
coup de cas sans cette autorisation et
n'en est pas plus malheureuse. Pourtant,
la collectivité est intéressée à ce que les
mariages ne se contractent pas par de
ttop, jeunes conjoints. Je maintiendrai
donc le consentement des parents, qui,
somme toute, sont, dans l'espèce, les
délégués de la collectivité, jusqu'à la ma-
jorité matrimoniale, c'est-à-dire jusqu'à
vingt et un ans, quitte à abaisser cette
majorité dans nos colonies.
Et puis, je supprimerai également l'o-
bligation pour les beaux-frères et belles-
sueurs, pour les oncles et nièces, tantes
̃*»“ et- neveux, d'obtenir un décret du prési-
dent de la République pour se marier.
En quoi le chef de l'Etat peut-il interve-
nir ? Ces mariages sont-ils, impurs ? Il
ne saurait alors leur' conférer la pureté.
qui leur manquerait. C'est encore une
entrave qu'il faut supprimer et qui n'a
d'autres conséquences actuelles que de
créer des enfants incestueux. Car, le
croirait-on, si un beau-frère et une belle-
soeur ont un enfant naturel avant d'a-
voir obtenu le fameux décret, il est in-
cestueux, c'est-à-dire qu'il ne peut être
ni reconnu ni légitimé par le mariage
subséquent. Ses frères ou ses sœurs,"
nés des mêmes individus, mais après
l'autorisation présidentielle, seront légi-
times, et lui restera « incestueux)) à per-
pétuité.
Je voudrais, enlin, la séparation de-.
biens comme régime légal. On n'aurait
plus besoin de faire faire des contrats
onéreux un simple inventaire sous
seing privé et enregistré suffirait. Les
contrats authentiques, les régimes ma-
trimoniaux, si compliqués; si, féconds en
procès et interprétations, toute cette chi-
noiserie qui n'intéresse que l'argent et
les notaires disparaîtrait des formalités
S du mariage. « Sans dot n C'est le mot de
Molière, c'est le mot des mariages an-
glais. Et la femme deviendrait proprié-
taire de son salaire, qui trop souvent, hé-
las 1 est changé.par le mari en alcool.
a Suppression pure et simple des pu-
blications légales. Cette précaution con-
tre la bigamie est absolument superflue,
car la bigamie est extrêmement rare
dans le monde où « on a des moyens ».
On s'y contente de mariages annexes.
» Ajoutons à ces réformes, et afin de
maintenir l'intégrité des unions avouées
et consenties, la recherche de la pater-
nité, les dommages et intérêts pour sé-
duction, la reconnaissance possible pour
tous les enfants, même adultérins. Car,
ainsi que je l'ai déjà dit,,la loi est incohé-
rente à leur égard elle défend de les re-
connaître, tout en ordonnant de les nour-
V tir, c'est-à-dire de les connaître.
Toutes ces réformes, dont ie me
boj-oeàfairtf rémmciatioH a titre d-exem*
ple et.sans limitation, sont loin d'être ré-
volutionnaires elles existent déjà dans
des pays mpnarchiques comme l'Allema-
gne et l'Angleterre. Le régime démocra-
tique qui est le nôtre doit tenir à hon-
neur de les réaliser son tour, comme
il a fait pour cette généreuse loi sur les
accidents du travail, qui fonctionnait de-
puis quinze ans en Allemagne lorsqu'elle
fut votée en France !»
DE MIDI A MINUIT
Les faits d'hier Eç Franoe et à l'étranger.
Clôture de la Borirse, molle. 3 98 92
Extérieure, 92 75 Russe Consolidé,
Turc, Rio, 1,086 Rand Mines. 183.
M. Thomson, ministre de la marine, a
accordé aux cinq ouvriers brestois frappés
d'expulsion, à la suite de la dernière grève,
le paiement de vingt journées de salaire.
Le lieutenant Thomas, le meurtrier de
Rosé de Noël, condamné à sept ans de ré-
clusion par les assises des Deux-Sèvres,
s'est pourvu en cassation.
M: Etienne, ministre de la guerre, qui
vient de parcourir la Côte d'Azur;- a quitté
Marseille a huit heures, se dirigeant sur
L'amiral Besson, préfet maritime de Cher-
bourg, a rendu un non-lieu en faveur des
trois employés de l'hôpital inculpés de frau-
des et détournements.
Le cadavre d'un marin naufragé du Hilda
a élé trouvé sur la côte de Jersey.
L'insurrection se poursuit en Courlande,
où des châteaux ont été incendiés. De nou-
velles arrestations ont été opérées à Mos-
cou.
L'Italie a délégué le marquis Visconti-
Venosta comme représentant à la confé-
rence d'Algésiras. Plusieurs maisons se
sont écroulées à Genzano (Italié). Quatorze
personnes ont été ensevelies sous les dé-
cembres;
Le Sobranié bulgare a autorisé le gouver-
nement à appliquer, à partir du 14 janvier,
le traité de commerce conclu avec la France,
et également celui avec l'Italie, dans le cas
où il serait conclu d'ici à cette époque. l
Après le vote de crédits extraordinaires
de 68. millions, la Chambre roumaine s'est
ajournée au 24 janvier, il cause des fêtes
de Noël. De ces nouveaux crédits, 30 mil-
lions seront employés pour l'armement et
l'achat de canons tir rapide.
MESURE DE CLEMENCE
Le ministre de la marine décide que vingt
journées de salaire seront payées aux
ouvriers brestois, punis d'exclusion
lors de la grève Satisfaction
dans les ports.
• Brést,; i janvier..
du :&' Malin- W "On nous communique, à la
préfecture maritime, la note suivante
A l'occasion de la nouvelle année et comme
mesure de clémence, le ministre de la marine,
tenant compte de ce que les délégués des ou-
vriers des arsenaux à Paris ont retiré toute
parole injurieuse prononcée à l'adresse des au-
torités maritimes, vient de passer au port de
Brest l'ordre de payer vingt journées de sa-
laire' aux cinq ouvriers punis pour ce motif,
le'2 novembre dernier, d'un mois d'exclusion
de l'arsenal.
Ajoutons qu'il s'agit en l'espèce des ou-
vriers Martin, Demeule, Guillou, Muller et
Le Bott, qui s'étaient solidarisés avec leur
camarade Pengam.
L'accueil de la décision à Toulon.
TOULON, 4 janvier., Dépêche particulière
dit « Matin ». La mesure prise par M.
Thomson en faveur des ouvriers brestois a
été accueillie ici avec joie, et le syndicat du
port la commente en ces tèrmes
Le ministre vient enfin de donner satisfac-
tion aux désirs exprimés par les délégués au
dernier congrès. Une dépêche nous apprend
que nos camarades de Brest, punis d'un '!nois
d'exclusion à la suite des manifestations ou
réunions tenues à Brest, sont l'objet d'une me-
sure non de clémence, mais de justice, et
qu'une indemnité de vingt journées de solde
leur sera attribuée pour le temps perdu par
eux.
Nous sommes heureux de cette décision, due
en partie à l'acte de solidarité des ouvriers des
arsenaux, Quoique tardive, cette décision peut
être considérée comme une victoire proléta-
rienne.
LE SYNDICAT DES OUVRIERS DU PORT.
PROPOS D'UN PARISIEN
Un citoyen de mes amis, qui cultive la
haute politique, a entrepris de me dévoiler
les secrets desseins de l'Allemagne. Je l'ai
rencontré dans la rue, et nous voilà sur
le trottoir, bousculés par les passants, lui
me tenant par le bouton de mon paletot,
moi écoutant, victime résignée. Il com-
mence
Suivez bien mon raisonnement.
Allez. Je lui emboîte le pas.
L'Allemagne a maintenant de grands
intérêts commerciaux dans le monde. Pour
les protéger, elle a créé une. marine de
guerre.
Bon.
,-Mais,une marine destinée à rayonner
dans les mers lointaines, si elle ne trouve
pas sur sa route des ports où ses vaisseaux
puissent se ravitailler et se mettre à l'abri,
qu'est-ce que c'est ?
Rien du tout, fis-je avec conviction.
•– L'Allemagne rêve donc de posséder des
stations navales sur différents points du
globe. Lorsqu'elle a soulevé les difficultés
que vous savez, à propos du, Maroc, c'est
que l'occasion lui a semblé propice pour'
réaliser ses projets. Son intervention a été,
aussitôt, ,suivie de la proposition de réunir
une conférence. Devinez-vous pourquoi ?
Non, déclarai-je, plein de bonne foi.
Parce' que, cette conférence étant réu-
nie, l'Allemagne' cherchera à'se faire concé-
der, par les puissances, un port sur la côte
occidentale d'Afrique, à la hauteur du Ma-
roc, un port qui servira d'escale, de refuge
au besoin, à ses vaisseaux de guerre ou
marchands. Vous suivez toujours mon rai-
sonnement ?
Avec' ardeur.
'̃̃ Que le port soit concédé et, instanta-
nément, l'Allemabne se désintéresse de 'a
question marocaine. Avez-vous compris,
maintenant, le pourquoi de la conférence ?
C'est ça qu'elle vise. Vous ne le voyez pas ?
Si, si. Je vois. En effet, c'est cela.
A moins que ce ne soit autre chose.
,Mon interlocuteur avait lâché le bouton à
l'aide .duquel il m'immobilisait. J'en profitai
pour aller à mes affaires. H. Hardwn.
Lorsqu'un acte de courage, de
dévouement civique ou de palriotis-
me vient à la connaissance du peu-
*5 pie, les simples citoyens, émus d'un
§ enthousiasme sincère, s'inquiètent
peu des lenteurs administratives et
des formules officielles ils saluent
aussitôt de leurs acclamations cor-
i diàles les braves gens qui ont ainsi
donné le bon exemple.'»
Le Matin a voulu consacrer par
un témoignage durable ce tribut
spontané de l'admiration populaire:
il a fondé, voilà un an, une médaille
5 d'honneur destinée à récompenser les
belles actions qu'un gouvernement
discerne lentement et, que lentement
il proclame quand même il né les
oublie pas tout à fait.
Ce journal a pensé que si la vertu,
comme dit Montesquieu, « est le res-
sort de l'état républicain », c'est bien
le moins que la République s'aper-
çoive des mérites éclatants qui Vho-
£̃ norent. Il a voulu abréger les d.élaih\
6 réparer les négligences, luUër ̃'̃£'«<, ^|
r comphssement d'un
» devoir national, et, re-
3 cueillant les échos de
la reconnaissance pu-
5 blique, il décerne ain-
si sans retard aux mé-
6 ritants le signe d'hon-
» neur qu'a demande
pour eux la voix una-
nime de leurs conci-
toyens.
Û Et qu'il nous soit
permis de remercier
ici publiquement ceux
5 qui nous'ont aidé dans
notre tâche. Les pré-
lets les maires, les
pouvoirs publics qui,
$ par leurs enquétes of-
ficielles, nous ont
éclairé et contrôlé.
Voilà un an, disons-
nous, que cette mé-
daille a été créée.-
Rappelons ici que son
premier exemplaire a
été remis à l'éminent
&̃ fours,
en
toutes circonstances un modèle de
g simple courage et de dévouement
sans bornes aux intérêts de la patrie
Rappelons que M. Emile Loubet, à
qui la France entière avait secrète-
ment voté cette médaille, avant que
le Matin la lui offrît, a bien voulu
en accepter le cordial hommage et
lui a donné de la sorte la plus haute
consécration qu'elle pût obtenir.
Les autres distinctions honorifi-
5 ques, soit que.des services éclatants
les justifient, soit que des recom-
s mandations pressantes les appellent,
descendent d'ordinaire des régions
dû pouvoir sur les candidats qui
tendent les mains pour les recevoir
g la médaille du Matin va librement
£ décorer toutes les poitrines où bat
$ un cour généreux. Elle ne descend
è ni ne naonte elle est votée par des
g égaux pour leurs égaux.
À Point de sollicitations personnel-
1 les! Point de brigue ni d'intrigue
« El c'est un trait bien caractéristique
li signaler, qùe, parmi les milliers
de lettres qui nous sont parvenues,
pas une seule n'émane d'une person-
ne se croyant digne de notre récom-
pense toutes nous signalent le me-
« rite d'autrui.
f Volr à nos quatrième et cinquième pages,: la liste complète des médaillés du Matin. î
LE MYSTÈRE DU MANOIR BRETON
Nous avons raconté ces jours-ci la coma-
nesque aventure arrivée à Mlle Briant,
sage-femme au village du Folgoët, qui, pré-
cipitamment sollicitée pour accomplir sa
mission dans une maison du voisinage, fut
emportée dans une voiture rapide, puis,
pendant le parcours, eut les yeux bandés.
On ne lui permit de recouvrer la vue que
lorsqu'elle se trouva dans une somptueuse
demeure,, auprès d'une jeune femme qui ve-
nait d'accoucher.
Après avoir prodigué a sa mystérieuse
cliente tous les soins utiles, elle voulut se
retirer, mais on la pria sur le mode impé-
ratif de demeurer. Cette sorte de séquestra-
tion dura vingt-quatre heures.
Au moment méme où celte étrange aven-
ture était divulguée au parquet de Brest, on
appren,ait que, peu de jours après, un mon-
sieur d'élégante allure avait déposé dans la
demeure du cantonnier de Lesneven,ouverte
mais inhabitée momentanément, un enfant
nouveau-né que la femme du cantonnier
trouva en rentrant. Gonflé une voisine, le
bébé fut démailloté et l'on trouva dans ses
langes une liasse de billets de banque de
La coïncidence qui existe entre l'aventure
de Mlle Briant et l'anecdote dernière crée
une vive curiosité dans la région.
Notre envoyé spécial nous communique il
ce propos, le résultat d'une première en-
quête
Brest, 4 janvier. Dépêche de notre en-
voyé spécial. En ces temps de prosaïsme
et de plate banalité, certains esprits roma-
nesques envieraient sans doute les émotions
par lesquelles, une nuit de juillet dernier,
passa Mlle l)riant, la sage-femme du Fol-
stupéfiante aventure. Et cetje aventure est.
-bien; en vérité, la plus extraordinaire,, la
plus fantastique qu'il soit possible de rêver.
Gaboriau et Ponson du Terrail n'en auraient
pas renié la paternité, encore que, par
crainte de paraître invraisemblables, ils
n'eussent, osé la situer en notre pays et a
notre énoque les temps de La Ligue et do
'Ainsi, nous avorts eu la bonne for- 0
tune d'instituer une forme de déco-
ration pour ainsi diTe intime et pri-
v'ée, qui, permet au peuple français ^5
d'acquitter envers les gens qu'il ad-
mire sa dette de reconnaissance et
d'affection. C'est lui qui nous les si-
gnale, c'est lui qui plaide pour eux,
et, par notre entremvse, c'est lui qui
les honoré.
Et leur nombre est si grand que
vraiment on a le droit de se deman-
der si nous savons bien nous-mêmes p
tout ce que nous valons 1 Il nous a
suffi d'inviter nos lecteurs à nous si-
gnaler_ les actes héroïques, les dé-
vouements éclatants et les mérites
cachés qu'ils ont connus ou surpris,
pour que, de toute part, avec une sin-
cérilé parfaite et une exactitude scru-
puleuse, nous fussent rap-portés les
faits les plus lfrobants.
L'applaudissement universel a,
comme on sait, accueilli nos premiè- »
Tes listes de médaillés. On y lisait
f tes noms du docteur Daviot, doyen
des médecins de Fran- «
ce, non décore de la
Légion
après soixante-dix ans $
de soins donnés gra- 9
tuitement aux pau- »
vres de la doyenne
des infirmières, Mme
veuve Brochard, de
l'hôpital Saint-Antôi-
ne, qui a consacré sa
vieillesse au seruice
des tuberculeux de
M. Gasrvier, chef de
gare à A bancourt, qui,
au péril de sa vie, car
il fui cruellement blés-
se, sauva un voyageur
d'une mort horrible
sous les roues d'une
lucomotive du chalu- o
tier Castaing, qui sau-
va trente et un mate-
lots naufragés au per- w
tuis d'Antioche du
simple soldat Gour- $$
nay, qui eut l'idée gé- S*
illettrés, de sa compagnie, tous la
ses. instants dé loisir et toutes ses |
heures de permission. $
Combien de cas encore, où le con-
sentement unanime a ratifié la dési- j§
gnation des lauréats 1.
Chaque jour qui vient rvous en si-
gnale d'autres et nous dicte de nou-
veaux diplômes: Illustres ou modes-
tes, les noms se pressent sous notre
plume, et si nous inscrivons aufour- wj
d'hui notre liste, pour danvier
1906, le docteur Behring, dont Les
patients travaux ont déjà vaincu la
tuberculose bovine, en attendant
qu'ils vierane?2t à bout du pire fléau
qui décirne l'humanité; du docteur
Jean Charcot, qui. a porté le drapeau
français jusqu'aux confins du mon-
de antarctique, à la tête de la mission
du Matin d'autres encore qui ont
marqué leurs traces dans les anna-
les des dcux mondes, nous n'avons
garde aussi d'oublier cette armée im-
et toujours renouvelée des
vaillants qui sont en même temps des
humbles et des pauvres qui sont en
même temps des héros. C'est à eux, §
à eux tous, que la médaille du Matin &
est promise, car tous, au même titre, g
ils glorifient la patrie et honorent S§
LE MATIN.
Fontenelle seuls permettraient d'admettre
pareille odyssée.
DANS LA LANDE
Imaginez, en pleine lande déserte, au
croisement de quatre routes interminable-
ment droites, un groupement de trois ou
quatre maisonnettes basses, isolées du reste
du village. Au centre du carrefour, au som-
met d'un caltaire de pierre, un long christ
moussu sorti, dirait-on, de quelque tableau
du Cranach allemand, étend le geste
éploré de ses bras maigres et crispés. Sans
cesse, les vents d'ouest soufflent en mugis-
sant sur, cette désolation, tordant les ajoncs
rabougris poussés çà et la dans la plaine.
Voilà pour le décor.
Un peu de la tristesse sauvage de ce coin
perdu a déteint sur ses habitants. Dès la
nuit tombée, les volets bien clos,4 ils s'en-
forment a double tour, éteignent toute lu-
mière et se couchent. C'est dans une de ces
maisons que le père Briant, qui, sous un
hangar annexé à sa demeure, exerce le mé-
tier de forgeron, habite avec ses deux filles,
Jeanne et Marie-Yvonne, la sage-femme.
Le père Briant est vieux Jeanne a vingt
l'héroïne, Marie- Yvonne, que j'ai vue
cet après-midi, en a vingt-sept. Elle est in-
firme à la suite d'un accident survenu pen-
dant sa jeunesse, et qui nécessita l'amputa-
tion de la jambe gauche le métier de sage-
femme, qu'elle apprit à la faculté de Rennes,
lui permet d'aider au bien-être de la famille.
Voilà pour les personnages.
L'ENLÈVEMENT DE LA SAGE-FEMME
Ç'est exactement le 27 juillet dernier qu'eut
lieu le 'fait. C'est d'abord la longue fuite de
ln calèche, emportée dans la nuit par deux
vigoureux chevaux et l'épouvante de la sa-
ge-femme entre les deux inconnus qui sont
venus la chercher et qui, dès le départ, lui
ont- bandé les yeux. Pour calmer son effrui,
ils lui disent qu'elle doit ignorer où on la
conduit, qu'il s'agit d'un important secret
de famille, et lui promettent ..une large ré-
lrrunération. Puis son arrivée dans la cham-
lire d'une demeure mystérieuse, où on lux
enlève enfin son bandeau, et aussi les pré-
cautions qu'on prend pour l'empêcher de sor-
tir de.cette pièce, où, en présence de deux
dames âgées, elle vient d'aider à l'accouche-
ment d'une jeune femme de vingt ans.
De cette chambre, elle ne se rappelle
qu'une. chose, c'est qu'elle était luxueuse-
ment meublée et que, devant les deux hautes
fenêtres qui l'éclairaient, un épais rideau
d'arbres masquait le paysage. En silence,
autour d'eUe, 'les deux dames allaient et ve-
naient, prodiguaient leurs soins. à la jeune
accouchée. Enfin, la nuit venue, on lui re-
met deux cents francs en lui annonçant que
sa mission était terminée et qu'on allait, la
ramené/ chez elle, au Folgoët. On la somme
de ne jamais révéler tes faits dont elle ve-
nait d'être le témoin, sous peine des pires
dangers pour elle.
De nouveau, on lui couvre les yeux dun
bandeau et on la conduit au dehors, où une
voituré attend. Elle y monte. Deux hommes
prennent nlace à ses côtés, et l'équipage re-
part au grand trot. Il ne s'arrête qu'après
quatre heures d'une course folle. On' enlève
le mouchoir qui couvre les yeux de la s
ge-femme. Elle se trouve au Folgoet, devant
sa propre maison mais elle n'a pas le temps
de considérer ceux qui l'avaient accompa-
gnée en hâte, ceux-ci avaient repris place
dans la voiture, qui s'était rapidement éloi-
gnée et avait disparu dans la nuit.
TOUT SE SAITI
Affulée par les menaces qui lui avaient
été faites: à son départ, de la mystérieuse de-
meure,* craignant en outre de trahir le se-
cret professionnel, Mlle Brisant, longtemps
avait tu son aventure'. Ce n'est qu'acciden-
tellement que le bruit en est parvenu aux
oreilles des autorités. Il y a quelques se-
maines, la sage-femme, minée par ce secret.
se décida enfin à le confier à une de ses voi-
sines du holgoët, Mme Le Saint. Celle-ci
s'empressa de le raconter à sa soeur, Mme
Bourhis, ménagère au village de Kératric-
en-Ploudaniei, et c'est ainsi que bientôt la
nouvelle se répandit au Folgoët et dans les
villages environnants. Le maire du Folgoët,
informé à son tour de l'aventure, crut de
son devoir. de prévenir le procureur de la
République de Brest, qui ordonna aussitôt
une enquête.
Mlle Briant, interrogée par la gendarme-
rie et par M. Freund, juge de paix de Lesne-
ven, confirma ce qu'elle avait déjà narré.
Elle ajouta néanmoins que, bien qu'ignorant
le lieu où elle avait été conduite par les
deux mystérieux inconnus, il lui avait sem-
blé reconnaître pourtant, à certains tour-
nants du chemin suivi par la voiture qui
l'emmenait, qu'elle suivait la'route condui-
sant à Landivisiau.
Toutes les recherches entreprises jusqu'ici
pour retrouver la mystérieuse demeure sont
restées vaines. Il convient toutefois de noter
la curieuse coïncidence signalée déjà hier
par le Ittatin de la- découverte, dans un
village du Léon, à la porte de Ia maison
du cantonnier, d'un enfant nouveau-né
abandonné par des automobilistes, et dans
les langes duquel avaient été trouvées cin-
quante -billots dfl mille francs. A lo vérité,
ou je, nie, snis livré aujourd'hui il une en-
quête approfondie, qu'eut lieu cette décou-
verte, et dans la région, personne ne se
souvient d'un tel fait. Il est vrai que le dé-
pàrtement du Finistère compte plusieurs vil-
lages portant le nom de Plounéour; le suffixe
seul diffère. Mais le point intéressant est
que cette information fut publiée le 29 juil-
let dernier, c'est-à-dire deux jours après
l'enlèvement nocturne de Mlle Briant, par
un journal de Rennes, qui l'avait reçue d'un
correspondant occasionnel. Urie erreur de
transmission sans doute avait fait croire à
ce journal qu'il s'agissait du village de Plou-
néour-Trez. Or, vers Landivisiau c'est-à-
dire dans la direction où pense avoir été
emmenée Mlle Briant se trouve un autre
Plounéour, Plounéour-Menez, et c'est de ce
coté que. je porterai demain mes investiga-
tions.
ANTIMILITARISTE
M. Amilcar Cipriani a fait hier placarder sur
les murs de Paris l'affiche rouge, si-
gnée cette fois de son seul nom
Il en explique les, raisons.
M. Amilcar Cipriani, acquitté par la cour
d'assises de la Seine, a fait il nouveau pla-
carder, dans Paris, l'affiche antimilitariste
qui a valu il 26 de ses signataires des con-
damnations, mitigées ou non par des cir-
constances, atténuantes. Cette fois, la seule
signature de M. Cipriani s'étale au bas du
placard, en gros caractères noirs sur le fond
rouge de l'affiche.
II était intéressant de connaître la raison
de ce geste. Nous nous sommes rendu chez
celui qui en était l'auteur.
Dans l'avenue de Clichy, un passage en-
ténébré, plein d'embûches pour les pieds
citadins habitués au pavage en bois des
maisons basses, comme accroupies dans la
fange de hauts murs arides, et, dans un
recoin obscur, en haut d'un escalier il peu
près bourgeois, une petite chambre, une al-
côve.
Dans l'alcôve, un lit, de soldat, paillasse,
draps, couvertures. Dans la' chambre, une
table, des livres. C'est le cadre intime d'A-
milcar Cipriani.
Notre visite ne surprend pas notre visité.
Il s'attendait à quelque bruit, au lendemain
de sa récidive, et c'est aimablement que le
grand vieillard, s'asseyant, nous fait, d'une
voix un peu couverte, mais chantante et
douce, la déclaration suivante
Tout le monde sait que l'acquittement
du jury de la Seine m'a profondément ré-
volté, indigné, et cette indignation, je l'ai
manifestée au tribunal même et dans les
journaux. Mais je n'étais pas satisfait. Il
me fallait quelque chose de plus « saisis-
sant alors j'ai conçu l'idée que, étant ac-
quitté par le jury de la Seine, j'étais le seul
de.tous les signataires de l'afriche autorisé
à faire de la propagande antimilitariste. De.
là, l'idée de publier tel quel le manifeste,
avec un post-scriptum que vous connaissez.
En m'acquittant, le 30 décembre, le jury
de la Seine a proclamé que je n'avais com-
mis aucun délit.
Il a reconnu mondroit à la propagande.
J'en use.
Mon but est logique. Si j'ai été poursuivi,
c'est que, comme mes anus, j'étais coupa-
ble ;.si je suis coupable, il fallait me con-
damner, comme ils l'ont été eux-mêmes. Si
j'ai été acquitté, ils devraient l'être.
Voilà le langage que je tiendrai au jury,
dont je ne veux ni l'aumône, ni la pitié. Ac-
quittez mes amis ou condamnez-moi avec
eux
Sur ce mot, le grand vieillard se lève.
Dans sa robe de chambre, il a de faux airs
de moine, comme sa demeure a de faux airs
de cellule.
Je les ai mis au pied du mur, dit-il, et
je les y attends.
La porte ouverte, il se dresse sur le seuil
dans un aimable salut, plein de cordialité,
et prend congé de l'envoyé du Matin avec
une urbanité charmante, un peu chaude
l'urbanité dé l'exubérante Italie.
SCANDALE JUDICIAIRE
Le cas de Me Destrez
M. le juge d'instruction Cavaillon maintient
qu'il avait le devoir et le droit d'inculper
le défenseur de Mirabel Me Des-
trez persiste à contester l'exac-
titude des assertions du par-
quet de Marseille.
L'incident Destrez-Cavaillon émeut fort le
monde du Palais, aussi bien les magistrats
que les avocats.
Hier, toutes les conversations des groupes
de la salle des Paa-Pérdus roulaient sur l'ar-
(Phot. Pirou. bd St-Germain)
Bâtonnier de l'ordre, des avocats de Paris
restation et la « fouille de Me Emile. Des-
irez.
On s'indignait généralement de cette façon
de procéder du magistrat instructeur mar-
seillais.
En présence, disait-on, d'un avocat,
dont la qualité n'était pas discutée. M. Ca-
vaillon, même absolument convaincu de la
complicité de M" Désirez, ne pouvait procé-
der comme ii l'a fait, A Me Destrez, lui de-
mandant communication du dossier-de l'af-
faire de la bande des » voleurs internatio-
naux il devait répondre par un refus, puis
informer sur-lé-champ le procureur, de la,
République de Marseille, qui lui, en eût' ré-'
féré immédiatement à son procureur géné-
ral. Celui-ci. eût télégraphié à la chancelle-
rie.' Après avoir mis le bâtonnier de l'ordre,
des avocats de la cour de Paris au courant
de l'incident, le ministre de la justice aurait
pris une .décision.Mais' M. Cavaillon ne ̃gqfà- -» •
vaili.tje sa propre autorité, procéder comme
il fa fait, c'est-à-dire faire arrêter et fouiller
un avocat.
Pardon, répliquaient quelques dissi-
dents, Il. n'existe pas de procédure particu-
lière en faveur des avocats, à quelque bar-
reau qu'ils appartiennent. Quoi qu'on en dise,
pas plus que le cabinet de l'avocat, la per-
sonne de l'avocat n'est inviolable. Si le ré-
quisitoire définitif du parqtiét de Marseille
était relatif il Mirabel ET autres, M. le juge
d'instruction Cavaillon pouvait, à sa conve-
nance, faire procéder, u immédiatement
l'arrestation de Me Destrez. Il n'avait à en
référer il personne. Son acte, poui\sortir de
l'ordinaire, n'en était pas moins tout à fait
conforme à la loi.
Pendant une semaine au moins la ques-
tion Destrez-Cavaillon va rester à l'ordre -du
jour des conversations dans les groupes de
la salle des Pas-Perdus.
Le juge maintient ses dires.
Marseille, 4 janvier. Dépêche particu-
lière dit n Matin ». La lecture des jour-
nàux de Paris commentant l'information du
Matin au sujet de l'incident Destrez n'a pas
été sans produire une certaine impression
sur le parquet de Marseille. M. Cavaillon
n'en persiste pas moins à croire qu'en incul-
pant M0 Destrez il n'a pas -porté atteinte
aux droits sacrés de la défense, mais qu'il a
agi dans la plénitude de ses droits et accom-
pli son devoir de magistrat..
Je vous ai dit hier que les motifs qui ont
déterminé le juge d'instruction à impliquer
1 avocat parisien, dans les- poursuites résul-
tent' d'une lettre adressée par le fils Bau-
doin à sa mère, et dont les termes pouvaient
laisser supposer que M0 Destrez était au
courant des opérations de, la bande. Cette
lettre étant le document capital du débat,
j'ai demandé Cavaillon de vouloir bien
me la communiquer' et m'en laisser pren-
dre copie M. Cavaillon s'y est formelle-
ment refusé. Il- a. consenti, toutefois, à me
communiquer le passage principal, passage
que voici
A l'instant. je quitte Destrez et l'affaire est
terminée par un sac. (billet, de mille francs)
que je lui. ai donné, et un autrc sac après.
Quant l'autre affaire, il nous manque les
papiérs dérivée, .car on n'a pas encore fixé
le jour quë ce sera terminé. Je suis- content
d'avoir pris le cercle, maintenant gue l'ai vu
Destrez^ Dans quatre ou cinq jours,, recevrez
pli recommandé cotatenant les brillants (Ce
mot est effacé et remnlaeé par cet autre mot
la feuille) qtae Destrez vous enverra poste
restante (Ce mot est'également effacé et rem-
placé par à la maison), sous le nom de "Ba-
vel. Ecrivez-moi toujours poste, restante, au
nom de Joseph Larcre. Le bonjour à Antoine.
Cette lettre est écrite sur du papier à en-
tête du café de l'Etoile, Lyon. Elle porte
aussi les mots conventionnels-: Paturel.
Sors. Jalabert. M. Cavaillon persiste à voir
dans cette lettre la preuve que M« Destrez
était plus ou moins mêlé aux opérations de
la bande Mirabel il ajoute que cette preuvo"
est corroborée par l'insistance de l'avocat
demander la, destruction de. cette pièce.
Pourquoi, dit-il, Me Destrez aurait-il
demandé qu'elle fût détruite, s'il ne là trou-
vait pas compromettante?
Quant à la scène de, la supplication, il
faut la rectifier, sinon dans' le fond, au
moins dans les détails. Une première fois, i
Me Destrez a demandé au juge la destruc-
tion de la lettre dans le cabinet du juge
d'instruction, en présence de son greffier,
M. Peyre. Quelques minutes plus tard, il
renouvelait cette demande dans le bureau
des délégations judiciaires, en présence du
commissaire, M. Thiriat, de son secrétaire
et d'un agent. Enfin, il aurait formulé cette
demande pour la troisième fois dans le ca-
binet du procureur de la République.
La phrase « Je me traînerai, s'il le faut,
aux genoux du procureur de la République,
mais il faut que cette lettre disparaisse u, est
affirmée par les témoins cités plus haut.
Mais que s'est-il passé exactement dans le
cabinet du procureur, de la République ?
m'expliquer son r.ôle dans cette affaire, rôle
purement passif, me dit-il, avec insistance,
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