Titre : Le Petit Parisien : journal quotidien du soir
Éditeur : Le Petit Parisien (Paris)
Date d'édition : 1911-12-22
Contributeur : Roujon, Jacques (1884-1971). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 22 décembre 1911 22 décembre 1911
Description : 1911/12/22 (Numéro 12837). 1911/12/22 (Numéro 12837).
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Source : Bibliothèque nationale de France, Gr Fol-Lc2-3850
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 30/06/2008
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t)lace de la Bourss. PARIS
ÉDITION DE PARIS
VIEUX SOUVENIRS
Rien n'est plus curieux que d'évoquer
à la lumière des événements contempo-
rains les souvenirs d'un passé assez ré-
cent pour qù'il soit encore dans la mé-
moire de tous, assez lointain déjà pour
qu'une différence profonde le sépare du
temps présent.
C'est l'impression que l'on ressent en
lisant les documents nombreux publiés
en ce moment en France et en Italie
sous le nom général de mémoires de
Crispi.
François Crispi est mort depuis plu-
sieurs années.
Que sait de lui la majorité du public
français ? Pas grand'chose
Qu'il commença aux premiers rangs
du parti révolutionnaire et qu'il finit
ministre d'une monarchie qu'il fut
souvent président du Conseil et que son
gouvernement coïncida avec la période
la plus tendue des relations franco-ita-
liennes. En général, on le rend respon-
sable de l'entrée de l'Italie dans l'al-
liance Jt deux, qui, de ce fait, devint la
triple alliance. On remarque aussi que
le rapprochement franco-italien suivit
de peu sa chute, survenue après le dou-
loureux échec des armes. italiennes en
Ethiopie. ̃ -̃
Mais voici que s'aupi-nJ, les mémoi-
res, et ce qui tout à l'heure était de la
politique abstraite, peu séduisante pour
l'imagination du lecteur, s'anims du
souffle de la vie.
C'est en 1877. Crispi, à ce moment, est
président de la Chambre, gros person-
nage déjà qualifié d'Excellence. 11 voya-
ge soi-disant pour étudier des problè-
mes de' doctrine législative, en réalité
pour préparer des réalisations très posi-
ti ves.
Il arrive dans une petite ville d'eaux
allemande, où se trouve un baigneur
de marque. Ce baigneur, c'est le prince
de Bismarck. Le soir même, le prési-
dent italien et le chancelier allemand
sont attablés devant les chopes, d'où
ruisselle l'écume blanche de la bière.
La fumée des cigares s'amasse sous le
plafond bas. Les chiens dorment aux
pieds du maître. Et Crispi, de sa voix
musicale, commence à exposer sa re-
quête. Car c'est en solliciteur qu'il est
,venu.
Je suis chargé de vous demander
si vous seriez disposé à stipuler avec
nous un traité d'alliance éventuelle,
pour le cas où nous serions contraints à
noua battre avec la France ou avec
l'Autriche?
Et Bismarck répond. Il fait ses condi-
tions. Excellente façon d'exciter le désir
de l'interlocuteur. Le calcul réussit et
l'Italie, quelques mois plus tard, se jette
tête baissée dans la triple alliance,
sans conditions, sans garanties, simple-
ment parce qu'elle n'aimait pas Fran-
ce, parce qu'elle allait nous aimer moins
encore après notre installation à Tunis.
Tout cela avait été préparé par le
voyage de 1877, en buvant de la bière
bien fraiche.
Une autre remarque s'impose, lors-
qu'on tourne ces pages déjà jaunies
-d'une histoire pourtant récente.
On nous dit quelquefois que nous n'a-
vons, nous Français, fait que de mau-
vaise besogne en matière de politique
étrangère. Et pourtant?. Lisez les mé-
moires de Crispi vous verrez quelles
étaient, il y a trente ans, nos relations
avec deux puissances, dont l'une est au-
jourd'hui étroitement liée à la France,
dont l'autre entretient avec elle les rela-
tions les plus cordiales j'ai nommé
l'Angleterre et l'Italie.
Vers 1885, savez-vous de quoi on cau-
sait entre Rome et Londres ? D'une
¡guerre avec la France, et, en vue de
'cette guerre, Crispi demandait et lord
Salisbury promettait que la flotte an-
glaise de la Méditerranée serait rapide-
ment renforcée. Est-ce un si mauvais
résultat d'être venu, de si loin, jusqu'à
Famitié ? Je ne le pense pas, et person-
ne ne saurait le soutenir.
Combien il est curieux, d'autre part,
de retrouver dans le passé les premiers
linéaments des grands événements aux-
quels nous assistons. Voyez l'affaire de
Tripoli. Elle se poursuit sans donner
lieu entre la France et l'Italie à autre
chose qu'à des manifestations de sym-
pathie. Elle ne s'annonçait pas ainsi en
i890. Crispi, dès ce moment, avouait les
convoitises de son pays, et il s'agissait
pour lui d'empêcher la France de pren-
dre Tripoli.
Rien n'est plus amusant que de suivre
au jour le jour ses intrigues racontées
par lui-même. Elles font songer aux dé-
marches et visites d'un monsieur qui
aurait envie de recevoir les palmes aca-
démiques. Crispi frappe à toutes les
portes, réclame à chacun son appui, dit
blanc à celui-ci et noir à celui-là. Aux
Allemands, il demande d'éviter à l'Italie
un véritable désastre. Aux Anglais, il
explique que de Bizerte la France va se
rendre maîtresse de toute la Méditer-
ranée.
Je comparais tout à l'heure ces efforts
historiques aux sollicitations d'un can-
didat. Ecoutez la réponse anglaise et
voyez si elle ne rappelle pas l'échappa-
toire habituelle du sollicité au sollici-
teur
« Sans doute, c'est très juste. Vous
avez raison. Mais, croyez-moi, ne vous
pressez pas. Vous aurez la Tripolitaine.
Mais le chasseur, pour tirer le cerf, doit
attendre qu'il passe à portée de son fu-
sil, afin qu'il ne s'enfuie pas, même
blessé. »
Un bon sourire, et tout est dit. S'il
ne s'agissait des affaires de deux grands
l peuples, on dirait une scène d'Henri
Monnier ou de Georges Courteline.
HAN FDOLU
L'accord franco-allemand
item le Sénat
AUJOURD'HUI LA HAUTE ASSEMBLÉE
ÉLIRA SA COMMISSION
Elle comprendra, notamment, sept anciens
présidents du Conseil et dix
anciens ministres
Le Sénat est saisi de l'accord franco-alle-
mand. M. de Selves a déposé dans l'après-
midi d'hier le projet voté la veille par la
Chambre des députés c'est maintenant la
haute assemblée qui va retenir l'attention.
C'est elle qui doit dire le dernier mot, et
tant qu'elle ne se sera pas prononcée" le trai-
té du 4 novembre 1911 ne pourra pas jouer.
Les sénateurs n'étaient pas très nom-
breux, mais toutes les « tétes » étaient là.
Ni. Caillaux et M. de Selves étaient au banc
du gouvernement.
A quatre heures, le ministre des Affaires
étrangères demanda la parole.
J'ai l'honneur, dit-il. de déposer le projet de
loi, adopté par la Chambre des députés, portant
approbation de la convention conclue entre la
hrance et l'Allemagne, le novembre 1911, pour
la délimitation de leur? possessions respectives
dans l'Afrique équïrtoriale.
Je demande au Sénat de prononcer l'urgence
pour qu'il puisse le plus rapidement possible
élire sa commission.
M. Ratier, président de l'union républi-
caine, appuya la demande formulée par M.
de Selves
Le Sénat voudra s'associer à la demande d'ur-
gence, il voudra nommer le plus tôt possible sa
commission. Je demande, au nom des groupes
de gauche, ctu'elle soit composée de vingt-8*:i4-
membres élus au scrutin de liste, Nous estimions
que. dans une question de politique nationale,
il est bon que tous les partis unissent leurs ef-
forts et que les commissaires soient élus, non
plus au hasard des bureaux, mais par une sé-
lection raisonnée. Si nous sommes divisés dans
des questions intérieures, dans le domaine de
la politique extérieure nous avons tous le même
souci du devoir patriotique, des intérêts et de
l'honneur de la France. (Très bien n
A droite. Oui, et comment sert élue la com-
mission ? 7
M. Ratier. Le vote ne peut se faire que
dans les bureaux, qui interviennent comme des
sections de vote.
Le Sénat, après avoir déclaré l'urgence,
se rangea à l'opinion de M. Ratier en déci-
dant que la commission comprendrait vingt-
sept membres et serait élue au scrutin de
liste, dans les bureaux considérés comme
sections de vote.
DANS LES GROUPES
De troi.s quatre heures, les comités di-
recteurs des groupes de gauche, l'union ré-
publicaine et la gauche démocratique radi-
cale et radicale socialiste se sont réunis sous
la présidence de M. Antony Ratier.
Après une longue discussion, les comités
directeurs ont décidé de répartir les vingt-
Sept sièges de la commission chargée d'exa-
miner l'accord franco-allemand ainsi qu'il
suit quatorze sièges à la gauche démocra-
tique radicale et radicale socialiste, huit siè-
ges à l'union républicaine, trois sièges à la
gauche républicaine et detix à la droite.
L'union républicaine a désigné MM. Ribot,
Decrais, DeveUe, Jean Dupuy, d'Estournel-
les de Constant, Lozé, Poincaré et Ratier.
La gauche démocratique radicale et radicale
socialiste a choisi MM. Léon Bourgeois, Cle-
menceau, Monis, Sarrien, Stephen l'ichon,
Chautemps, Milliès-Lacroix, Trouillot, Pier-
re Baudin, d'Aunay, Chapuis, Gervais, Pey-
tral et Paul Strauss. La gauche républicaine
a désigné MM. Charles Dupuy, Méline et de
Courcel. A noter que la gauche républicaine
a choisi M. Charles Dupuy, qui n'est inscrit
à aucun groupe.
Enfin, la droite a désigné MM. de Lamar-
zelle et de Las-Cases. Un troisième candi-
dat avait été indiqué, M. Jenouvrier, la droi-
te comptant avoir trois sièges, mais à la sui-
te de la décision prise par les groupes de
gauche, le sénateur d'Ille-et-Vilaine s'est re-
tiré.
La commission comprendra sept anciens
présidents du Conseil MM. Bourgeois, Mo-
nis, Sarrien, Clemenceau, Ribot, Charles
Dupuy, Myéline quatre anciens ministres
des Affaires étrangères MM. Bourgeois,
Pichon. Ribot, Develle quatre anciens mi-
nistres des Colonies MM. Milliès-Lacroix,
Trouillot, Decrais, Chautemps quatre, an-
ciens ministres.: M. PeytraL, Pierre Bau-
din, Jean Dupuy et Poincaré sept anciens
ambassadeurs ou anciens ministres pléni-
potentiaires MM. Bourgeois, d'Aunav,
Lozé, de Courcel, Decrais, Pichon et d'l;s-
tournelles de Constant.
Deux anciens présidents du Conseil ne fi-
gurent pas sur la liste établie, ce sont MM.
de Freycinet et Emile Combes.
Les candidats considèrent que la commis-
sion doit examiner tous les détails du traité
avec un soin infini. Rien ne sera négligé.
1.a commission se constituera cet après-
midi même et commencera ses travaux de-
main. Elle tiendra plusieurs séances la se-
maine prochaine. La discussion publique
pourra s'engager devant le Sénat, croit-on,
vers le 20 janvier.
Plusieurs sénateurs, notamment MM.
Louis Martin, Goy et Besnard, voulaient de-
mander au Sénat de renvoyer au mois de
janvier la nomination de 'la commission,
afin de permettre à leurs collègues sortants
de se rendre dans leurs départements et
aux nouveaux élus de prendre part au scru-
tin. Mais au dernier moment ils ont renon-
cé à leur projet, désireux de ne susciter au-
cune difficulté d'aucun ordre.
Paul GREZ.
Les grandes nmi du 1912
Les grandes manœuvres d'automne de
1912 se dérouleront dans l'ouest; sous la di-
rection dl général Joffre, chef d'état-major
général. Elles seront des plus importantes,
eu égard aux effectifs employés.
Deux armées seront, en présence. Elles
seront respectivement commandées par les
généraux Galliéni et Marier membres du
conseil supérieur de la guerre, et compren-
dront
Les 10" et corps d'armée la 9o di-
vision d'infanterie corps) la division
d'infanterie coloniale une division de ré-
serve formée par le 4e corps d'armée les
1™ et divisions de cavalerie les 4» et
brigades de cavalerie et une artillerie lourde
formée au moyen des groupes de Rueil, du
Mans et de Poitiers.
L'artillerie des 101 et corps sera
complétée par les 8e, 4e et 126 brigades
celle de la division coloniale sera fournie
par la brigade coloniale.
La division de réserve sera complétée en
infanterie par un régiment de réserve du
12" corps et un du corps.
L'effectif des unités de manœuvres cnm-
pdtindra toutes les ressources disponibles
vec l'appoint des réservistes.
LE CONSEIL DE GUERRE DE TOULON
Les officiers de la «Liberté»:
Toulon, 21 décembre.
Les débats sur ta '.parte do cuirassé Lt-'
beritl sp sont déroulés aujourd'hui devant le
conseil de gaerre maritime, présidé pur le
vice-amiral Jauréguiberry, assisté des con-
tre-arniraus Le 1'ord, Sourrieux, Bouxin,
Ramey de Sugny et des capitaines de vais-
seau (cément et. Vincent. Le comman-
dant Grosse uccupe les fonctions de com-
missaire du gouvernement, assisté d'un de
ses substituls, le capitaine de frégate
Caillol.
Le capitaine de vaisseau Paul Jaurès, le
capitaine de frégate Joubert, le lieutenant de
vaisseau Carnier et le lieutenant de vais-
seau Bignon sont au banc des accusés.
Après l'interrogatoire d'identité, le greffier,
M. Esquies, donne lecture du rapport du
commissaire enquêteur.
L'interrogatoire du commandant Jaurès
commence aussitôt après cette lecture
Le président. Le jour de l'explosion, vous
étiez en congé régulier. Vous avez procédé à la
formalité réglemenlaire de la transmission du
commandement
Le commandant Jaurès. J'ai fait appeler
dans ma chambre le capitaine de frégate doubert
et je lui ai fait connaître mon ebsence, de quel-
ques jours v peine, en lui dormant l'ordre de
prendre le commandement de la Liberté.
Le président. Vous n'ignorez pas, cependant,
que l'absence du co:nmandant entraîne régulière-
ment une mutation du commandant en second?
Le commandant. Jaurès. J'ai pensé que oela
n'était pas> indispensable, étant donné quç mon
absence devait être de courte durée.
Le commandant Joubert explique sou
•tour '-dans quelles. continuons il se tfôttvjHÏ
absent de la Liberté ah moment de la ca-
tastrophe. Un de ses enfants étant malade,
il avait du passer la nuit à son chevet.
Suivent 1 interrogatoire du lieutenant de
vaisseau Garnier, auquel l'amiral adresse
des félicitations pour s befle attitude, et
celui du lieutenant Bignon, qui ne nous ap-
prend rien de nouveau..
Les témoins
L'interrogatoire terminé, le défilé des té-
moins commence.
L'amiral Bellue est appelé le premier. Au
cours de l'inspection générale, qui avait eu
lieu quelques semaines auparavant, il n'a-
vait eu. qu'à se féliciter de l'état général de
la Liberté. Son commandant lui avait paru
parfaitement au courant de tous les servi-
ces.
Viennent après lui le contre-amiral Gas-
charcl, président de la commission d'enqué-
te, ainsi que plusieurs officiers supérieurs
de la deuxième escadre.
A propos de la déposition du mécanicien
en chef f'unereau, une assez longue discus-
sion s'élève sur le point de savoir si oui
ou non il était posssiblc d'inonder les soutes
en moins d'une demi-heure.
Puis on entend un certain nombre d'offi-
ciers mariniers et de matelots, dont certains
sont félicités par l'amiral président pour
leur belle, conduite.
A 3 h. 50, l'amiral donne la;parole aq
capitaine de vaisseau Grosse, commissaire
du gouvernement, qui rend hommage aux
Commandant Capitaine de frégate
Jaurès Joubert
Lieuf de vaisseau Làeut' de vaisseau
Bignon Garnier
malheureuses victimes de la terrible catas-
trophe. Il regrette que l'officier de quart
n'ait pas fait sonner immédiatement la gé-
nérale, mus il..exalte l'admirable conduite
des officiers et, des hommes de l'équipage.
Devant la soudaineté du lléau, le noyage
des soutes devenait une manœuvre impos-
sible.
Le lieutenant de vaisseau Garnier, ajoute
M. Grosse, n'a pas fait évacuer le bâtiment. Qui
de nous oserait- lui en faire un grief? Il tui man-
quait une autorité à bord. Cette.autorité se trou-
i vait à bord du cuirassé Justice, en la personne
du commandant de la division. Il faut re-
gretter que cette autorité ne se soit pas mani-
festée.
Le commandant Grosse dénonce la pou-
dre B comme le véritable malfaiteur, et ses
conclusions tendent à l'acquittement des
quatre inculpés.
La tàehe des officiers défenseurs, après
les conclusions du commandant Grosse, se
trouve considérablement' facilitée.
Le capitaine de vaisseau Serre montre que
la faute du commandant Jaurès, en ce qui
1 concerne la transmission de l'autorité du
bord, doit être appréciée avec l'atténuation
que lui donnent des habitudes devenues cou-
rantes.
l'arrêt
Après les plaidoiries des autres officiars'
défenseurs, le conseil se retire pour délibé-,
rer.
Il rentre en séance à 6 heures avec un
verdict négatif sur toutes les questions.
En conséquence, Ik conseil de gii"rre ac-
quitte à l'unanimité les commandants Jau-
rès et Joubert, les lieutenants de vaisseau
G&rnier et Mignon. Puis, s'adressant ces
deux derniers, immcdiutcment Rappelés en
séance, le vice-amiral Jaurcguiberry a pro-
noncé, dans le plus grand silence, 1 es paro-
les suivantes
Je suis heureux détre l'interprète du conseil
de guerre et de vous faire connaître son verdict
I d'acquittement. Je vous félicita d'avoir fait tout
votre devoir, ainsi que l'ont dit tout à l'heurr
vos défenseurs. Vous ne pouviez pas, vous ne
deviez pas abandonner la Liberté.. Il n'y a d'ins-
crits sur nos navires que dem mots Honneur
et patrie » en aucun cas le mot fuite ne doit
être prononcé.
Quelques minutes après, lecture du juge-
ment a été donnée aux commandants Jau
rcs et Joubert en présence de la garde ma-
rine.
Un Argentin dépouillé
de plus d'un million
par un banquier parisien
CELUI-CI ET SES COMPLICES
priétaire, 'd'origine espagnole, M. Carpen-
tier, quittait, avec sa femme, Buenos-Ayres,
où il possédait de nombreux immeubles, et
venait habiter Paris, 113, boulevard Pereire.
Dans un café des grands boulevards, M.
Carpentier fit, peu après son arrivée, la
connaissance d'un financier, M. Louis-
Alexandre-Antoine Ningler, âgé de trente-
trois ans, banquier, 36, rue Taitbout.
Cet homme menait une existence en par-
tie double. A Saint-Cloud, d, rue Pasteur, il
possédait une modeste villa où vivaient sa
femme et ses enfants à Neuilly-sur-Seine,
4(i, rue de LongChamps, dans une somptueu-
se propriété, il avait installé sa maîtresse,"
une ancienne écuvère, Marguerite Pringaud,
et pour surveiller celle-ci, son employé prin-
cipal et homme de confiance* Henri Cham-
pion et sa femme.
L'amorçage
Je n'ai pas mon pareil, confia-t-il un
jour à son nouvel ami, M. Carpentier, pour
faire fructifier l'argent, que me confient mes
clients. Si vous voulez vous en rendre comp-
te, remettez-moi quelques billets de mille.
.Vous n'aurez pas à regretter de m'avoir ac^
*• Quelque temps plus tard, le propriétaire
argentin remettait à M. Ningler une somme
de quinze mille francs. Un mois après, jour
pour jour, le banquier versait à M. Carpen-
tier exactement trente mille francs. C'était
tout simplement merveilleux.
Des relations tout à fait intimes s'établi-
rent entre M. Ningler, sa maîtresse qu'il
avait présentée à son client comme son épou-
se légitime et M. et Mme Carpentier.
Le financier présenta à ses amis son mé-
decin, le docteur J.
Les trois hommes, bientôt, ne se quittè-
rent plus. De leur côté, Marguerite Prin-
gaud et Mme J. voyaient presque jour-
i nellement Mme Carpentier qui, sans rela-
tiens à Paris, avait répondu, avec plaisir,
aux invitations que lui avaient adressées
ces dames.
Quand M. Ningler demanda à M. Carpen-
tier de le commanditer pour fonder une ban-
que plus importante, sous le titre de « Crédit
français immobilier)', celui-ci s'engagea jus-
j qu'à concurrence d'un million de francs-. On
loua un immeuble 23, avenue de Messine et il
en paya le loyer d'avance
Mais ces versements successifs l'avaient
quelque peu désargenté » et, à la fin d'oc-
tobre, il partait à Buenos-Ayres vendre deux
immeubles, afin d'en affecter le prix aux en-
treprises de M. Ningler.
Il laissait Mme Carpentier à Paris. Mais
celle-ci n'eut pas le temps de s'ennuyer. Son
hôtel fut envahi par M. Ningler, sa to^Jtnss-
ae, le docteur J. sa femme, Champion
i etc. Tous les soirs, il y eut des banquets,
suivis de soirees artistiques
Mme Charpentier était grisée, fatiguée, et
elle était presque méconnaissable quand son
mari revint de l'Argentine.
M. Carpentier avait quitté Buenos-Ayres
le S novembre. Il avait chargé une banque
locale de,lui faire parvenir, par transfert
télégraphique, pour le 16 décembre, à la
London River Plate. 22. rue Halévy, à Pa-
ris, les sommes provenant de la vente des
deux immeubles.
Le retour du mari
Le 13 décembre il débarquait à Lisbonne.
Avec sa femme, M. Ningler et Mme J.
l'attendaient.
Mme Carpentier est un peu déprimée,
lui dit le. banquier; c'est sans doute l'ennui'
résultant dô votre absence qui en est cause.
Il faudrait, avant de rentrer à Paris, la dis-
traire im peu.
On s'attarda en Portugal et en Espagne.,
Pendant que ce, voyage s'accomplissait,
Mme Pringaud, la maîtresse du financier,
n'était pas restée inactive. Elle s'était fait
livrer, par un groom de Mme Carpentier,
les clefs de l'hôtel du boulevard Pereire et'
donnait l'ordre de faire suivre toute la cor-
respondance de M. et Mme Carpentier il la
banque Ningler, 23, avenue de Messine.
C'est ainsi que le 16 décembre un pneu-
I rriatique de la London River Plate, adresse
à Mme Carpentier, tombait entre les mains
de Mme Pringaud. Celle-ci le décachetait:
Le petit bleu avisait NI. et Mme Carpentier
qu'une somme de 500,000 francs, produit de
la vente des immeubles de Buenos-Ayres,
était à leur disposition.
Avant de laisser partir Mme Carpentier
pour Lisbonne, on était parvenu, par des,
manœuvres restées jusqu'ici assez mysté-
rieuses, il. lui faire signer un chèque en
blanc. Mme Pringaud n'eut qu'à le remplir,
à l'ordre d'un ami de son amant, M. A.
artiste peintre, pour que celui-ci pût en-
caisser les 500,Ou(¡ francs.
M. Carpentier arriva à Paris le 18 décem-
bre. Son premier soin fut de passer à la
London River Plate. Il ne fut pas peu stupé-
j fait en apprenant que le demi-million avait
été touché en son absence.
C'est alors qu'il sut que sa femme avait
| été hypnotisée, piquée à la morphine, eni-
vrée qu'après avoir été rendue ainsi in-
consciente, on lui avait fait signer un chè-
que en blanc qu'on lui avait enlevé un
collier de perles d une valeur de francs
pour l'engager pour 17.000 francs à Londres,
et que \1. Ningler avait vendu l'automobile
qu'il avait mise en dépôt chez lui.
Une rapide enquête lui fit connaitre, en
outre, que le banquier avait fait des dépen-
ses excessives, achetant notamment, à sa
maîtresse, une propriété francs,
darfè les environs d'Evreux. Mais il lui fut
iinpossible de savoir ce qu'étaient devenus
leb.500,000 francs.
j\\me Carpentier disparait
Dinvane lie dernier, il eut, à ce sujet, une
discussion avec sa femme. Mme Carpentier,
téléphona, en sa présence, à la femme du
1 dortt'ur J. puis elle lui dit
Ne t'inquiète pas, l'argent est en lieu
sur.
Rassuré, M. Carpentier descendit dans la
rue. Quand il revint, vers cmq heures. Mme
Carpentier avait disparu. Depuis. on ne l'a
(:'est alors que M. Carpentier se décida à
s'adresser à la justice.
Mercredi, son avocat, M» Léon Ledercq,
alla remettre au parquet une plainte en abus
de confiance et en escroquerie contre M.
Ningler.
iLire en 10 page le récit de l'arrestation mouve-
mentée de Af. Ninijlcr, ric sa maîtresse, d'un de
ses domestiques et des époux Champion.)
EN PLEINE RUE, EN PLEIN JOUR
Quatre bandits, en automobile,
assaillent un encaisseur et fuient
en fusillant les passants
II semble que, depuis quelque temps, les
malfaiteurs aient choisi pour victimes de
leurs sinistres exploits les garçons de ban-
que, dont il conviendrait vraiment d'assurer
la protection efficace contre les embûches
tendues, avec une audace incroyable, à cha-
cun de leur pas. La sauvage agression dont
fut l'objet, hier matin, rue Ordener, un gar-
çon de caisse auxiliaire de la Société Généra-
le, dépasse en tragique horreur tout ce que
l'on peut imaginer, (.'est miracle que le mal-
heureux souffre seul l'heure actuelle à
l'hôpital Bichat, et -que, parmi les nombreu-
ses personnes qui se portèrent à son se-
cours et essuyèrent une véritable pluie de
balles, aucune n'ait payé de sa vie sa cou-
rageuse attitude.
C'était quelques minutes avant neuf heu-
res. La succursale de la Société Générale, si-
tuée rue Ordener, à l'angle de la cité Nollez,
allait ouvrir ses portes. Plusieurs employés
s'y trouvaient déjà réunis et l'on n'attendait
plus que l'arrivée du garçon encaisseur, M.
Ernest Caby, qui allait apporter la sacoche
contenant- les- fonds nécessaires aux opéra-
tions de caisse et une certaine quantité de
titres.
Selon l'usage. un démarcheur avait été
désigné pour" aller attendre le garçon de
caisse à l'arrêt du tramway, devant le nu-
méro 102 de la rue Damrémont, au coin de
la rue Ordener. Cette semaine, cet office
incombait à un démarcheur de la succur-
sale, M. Alfred Peemans.
Dans la rue, la pluie tombait, les passants
étaient rares. En face de la succursale, de-
vant le dépôt de vins tenu par M. Chassan,
une automobile fermée stationnait. Elle
avait été tout récemment peinte, ou plus
exactement barbouillée car ses panneaux
n'avaient rien du vernis des grands carros-
siers d'un épais enduit bleu foncé, tirant
sur le noir. Le moteur était en marche. Les
deux voyageurs qui avaient pris place à
l'intérieur regardaient tranquillement au de-
hors, vers Montmartre. Attentif, le chauf-
coiffé d'une casquette de cycliste, em-
mitouflé dans un vaste manteau et un ca-
che-nez qui ne laissait apercevoir que ses
yeux et sa moustache brune, surveillait sa
machine. On le sentait prêt à démarrer au
premier ordre reçu. Nul ne s'inquiétait de
rette voiture, dont In stationnement parais-
sait là tout naturel.
Les ménagèrls allaient aux provisions,
les commerçants achevaient de dresser
leurs étalages les passants, ouvriers ou
employés, se rendraient leur tray,a.il.j_î:>er;
1 culière à cette automobile
L'attentat
Mais voici que' le lourd tramway qui va
de la place de la Trinté à Enghien vient de
stopper à l'arrêt de la rue Ordener. Quel-
ques voyageurs descendent; parmi eux se
trouve l'encaisseur Caby. Il porte en ban-
doulière une sacoche de cuir et, de sa main
gauche, serre, dans la poche intérieure de
son veston, le portefeuille où il a enfermé
les billets de banque. Le démarcheur se di-
rige vers lui. Les deux hommes échangent
uu bonjour, se serrent la main, et, côte à
côte, se dirigent vers la succursale de la
banque. Ils ont traversé la chaussée de la
rue Ordener déjà M. Caby vient de poser
le pied sur le truttoir. Il passe devant l'épi-
cerie tenue, au numéro par M. Rochon,
lorsqu'un individu vêtu d'un long pardessus
noir et coiffé d'un chapeau melon noir
s'avance délibérément vers lui, l'agrippe par
le col de son pardessus, et braque sur lui un
revolver qu'il décharge à t.rois reprises.
L'encaisseur trombe à genoux. Dans un
effort surhumain, il tente de se relever, puis
il s'abat. sur le côté droit. Son agresseur se
précipite sur lui, saisit la courroie de la
sacoche et, brutalement, il cherche à la sou-
lever. L'encaisseur se défend de la main
droite, il s'accroche à la grille d'un arbre
déjà la vie l'abandonne, mais il n'abandon-
nera pas le dépôt qui lui a été confié. Alors,
un second individu s'approche. Lui aussi
tient un revolver. Tandis que son complice
enlève la sacoche, il tire sur le malheureux
Caby. Cette scène a duré quelques secondes
à peine. Aux premières détonations, affolé,
M. Peemans a couru vers la succursale toute
proche. D'une voix étranglée par la terreur,
il crie « Au secours On tue Caby
Cependant, cette fusillade a fait sortir
tout le monde. L'épicier Rochon, qui à ce
moment servait une cliente, se retourne. Il
1 aperçoit l'encaisseur gisant au pied de l'ar-
bre, la poitrine couverte de sang; devant
lui, deux hommes armés de revolvers. Cou-
rageusement, l'épicier sort de son magasin;
il court sur le bandit. Mais il s'arrête.
L'homme l'a mis en joue une balle, deux
balles, trois balles sifflent à ses oreilles.
LE LIEU DU DRAME
C'est à l'endroit marqué 1 que l'encaisseur a été attaqué il se rendait aux bureaux de la
Société Générale (2). Dans le médatllon, le démarcheur Peemans.
Dane le ptan, la ligne pointillèe indique le chemin suivi par Vautomobile des bandits. M. Peemanr
atiendait M. Ernesi Caby'à l'angle de la rue Damrémont et de la rue des Cloys,
à l'endroit marqué d'un point noir.
M. Rochon s'efface et rentre dans son ma-
gasin.
Pendant ce temps, le bandit qui aréussi à
enlever à l'encaisseur sa sacoche -a sauté
dans l'autamobile. Elle démarre et, lente-
ment, pour laisser à son complice, resté
face à iace avec M. Rochon, le temps df- le.
rejoindre, le chauffeur va se ranges au coin
des rues Ordener et des Ctoys. A recnlons;
lé bandit, qui brandit, toujours son revolver
traverse la chaussée. Les passants sont ter-
rorisés. Personne n'ose approcher de lui.
L'homme gravit le trottoir puis se rapproche
de l'automobile. Il saute sur lu man-nepied
et aussitôt, à toute vitesse, la voiture s'en-
gage dans la nre des Cioys.
L'automobile mitrailleuse
A ce moment un autobus en essai sort
du dépôt de la rue Ordener. U va se jeter
sur l'automobile. Déjà. les témoins se féli-
citent de cette rencontre inattendue. Mais
le chauffeur, d'autobus, qui ne comprend
rien, qui n'entend que des clameurs iniprét
cises, n'écoute que sa prudence, de conduc-
teur. A tout il évitera la. collision, .11-
serre ses ïreiaas, donné un vigoureux" coup
de volant et frôle l'automobile, qui; trouvant
sa route libre, file de.plLs belle.
En voyant fuir les bandits, les plus timo-
rés ont un sursaut de révolte. Les canailles
n'iront pas loin comme cela. A toutes jam-
bes,,ils se mettent à la poursuit* de l'auto-
mobile. De loin, ils crient aux passants' do
l'arrêter. Mais voici qu'à chaque portière,
un homme apparaît, revolver au hoing. Des
détonations éclatent, en une salve ininter-
rompue. Les bandits sont armés et i.ls se dé-
fendent.
Dans cette fusillade, l'automobila poursuit
sa route. Meus voici qu'an milieu de la chaus-
sée une voiture de livraison descend la rue
des Cloys. Le cocher comprend vaguement
ce dont il s'agit. Au lieu de se. ranger, il
tient sa route. Le chauffeur a un moment
d'indécision passera-t-il à droite ou à gau-
che ? Finalement, il se décide pour cette
dernière direction, il frôle la voiture rt, au
moment où il la dépasse, un de; ba-n-dits se
penche par la portière et tire sur le charre.
tier une balle de revolver.
Cette fois, l'automobile infernale trouve, le
champ libre devant rlle. Pour dépister tes
poursuivante, elle s'cngage à droite dans la
rue Montcalm, traverse la rue Damrémont,
tourne encore à droite dans la rue Vauv*-
nargues, prend la rue Championnet, et, pur
l'avenue de Saint-Ouen. sort de Paris. Des
gens l'ont vu passer ils ont remarqué sa
couleur bleu sombre, sa vitesse anormale,
mais ignorant quels bandits elle emportait,
ils n'ont pas cherché à lui barrer la route.
Les blessures de Caby
Pendant que se déroulait cette poursuite
mouvementée, des employés de la succur-
sale de la Société générale étaient sortis,
avaient relevé leur -malheureux collègue
Caby et l'avaient transporté dans rf.e phar-
macie voisine. Le malheureux encaisseur
avait été atteint par deux bâties. Comme
son état paraissait désespéré, um; automo-
bile avait été aussitôt mandée rl On.by était,
en toute hâte, amené à l'hôpital Bichat.
Ia docteur Hartmann vint aussitôt lui
prodiguer ses soins. Les blessures de Caby
sont des plus graves et l'on conserve peii
d'espoir qu'il puisse survivre. Un des pro-
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ÉDITION DE PARIS
VIEUX SOUVENIRS
Rien n'est plus curieux que d'évoquer
à la lumière des événements contempo-
rains les souvenirs d'un passé assez ré-
cent pour qù'il soit encore dans la mé-
moire de tous, assez lointain déjà pour
qu'une différence profonde le sépare du
temps présent.
C'est l'impression que l'on ressent en
lisant les documents nombreux publiés
en ce moment en France et en Italie
sous le nom général de mémoires de
Crispi.
François Crispi est mort depuis plu-
sieurs années.
Que sait de lui la majorité du public
français ? Pas grand'chose
Qu'il commença aux premiers rangs
du parti révolutionnaire et qu'il finit
ministre d'une monarchie qu'il fut
souvent président du Conseil et que son
gouvernement coïncida avec la période
la plus tendue des relations franco-ita-
liennes. En général, on le rend respon-
sable de l'entrée de l'Italie dans l'al-
liance Jt deux, qui, de ce fait, devint la
triple alliance. On remarque aussi que
le rapprochement franco-italien suivit
de peu sa chute, survenue après le dou-
loureux échec des armes. italiennes en
Ethiopie. ̃ -̃
Mais voici que s'aupi-nJ, les mémoi-
res, et ce qui tout à l'heure était de la
politique abstraite, peu séduisante pour
l'imagination du lecteur, s'anims du
souffle de la vie.
C'est en 1877. Crispi, à ce moment, est
président de la Chambre, gros person-
nage déjà qualifié d'Excellence. 11 voya-
ge soi-disant pour étudier des problè-
mes de' doctrine législative, en réalité
pour préparer des réalisations très posi-
ti ves.
Il arrive dans une petite ville d'eaux
allemande, où se trouve un baigneur
de marque. Ce baigneur, c'est le prince
de Bismarck. Le soir même, le prési-
dent italien et le chancelier allemand
sont attablés devant les chopes, d'où
ruisselle l'écume blanche de la bière.
La fumée des cigares s'amasse sous le
plafond bas. Les chiens dorment aux
pieds du maître. Et Crispi, de sa voix
musicale, commence à exposer sa re-
quête. Car c'est en solliciteur qu'il est
,venu.
Je suis chargé de vous demander
si vous seriez disposé à stipuler avec
nous un traité d'alliance éventuelle,
pour le cas où nous serions contraints à
noua battre avec la France ou avec
l'Autriche?
Et Bismarck répond. Il fait ses condi-
tions. Excellente façon d'exciter le désir
de l'interlocuteur. Le calcul réussit et
l'Italie, quelques mois plus tard, se jette
tête baissée dans la triple alliance,
sans conditions, sans garanties, simple-
ment parce qu'elle n'aimait pas Fran-
ce, parce qu'elle allait nous aimer moins
encore après notre installation à Tunis.
Tout cela avait été préparé par le
voyage de 1877, en buvant de la bière
bien fraiche.
Une autre remarque s'impose, lors-
qu'on tourne ces pages déjà jaunies
-d'une histoire pourtant récente.
On nous dit quelquefois que nous n'a-
vons, nous Français, fait que de mau-
vaise besogne en matière de politique
étrangère. Et pourtant?. Lisez les mé-
moires de Crispi vous verrez quelles
étaient, il y a trente ans, nos relations
avec deux puissances, dont l'une est au-
jourd'hui étroitement liée à la France,
dont l'autre entretient avec elle les rela-
tions les plus cordiales j'ai nommé
l'Angleterre et l'Italie.
Vers 1885, savez-vous de quoi on cau-
sait entre Rome et Londres ? D'une
¡guerre avec la France, et, en vue de
'cette guerre, Crispi demandait et lord
Salisbury promettait que la flotte an-
glaise de la Méditerranée serait rapide-
ment renforcée. Est-ce un si mauvais
résultat d'être venu, de si loin, jusqu'à
Famitié ? Je ne le pense pas, et person-
ne ne saurait le soutenir.
Combien il est curieux, d'autre part,
de retrouver dans le passé les premiers
linéaments des grands événements aux-
quels nous assistons. Voyez l'affaire de
Tripoli. Elle se poursuit sans donner
lieu entre la France et l'Italie à autre
chose qu'à des manifestations de sym-
pathie. Elle ne s'annonçait pas ainsi en
i890. Crispi, dès ce moment, avouait les
convoitises de son pays, et il s'agissait
pour lui d'empêcher la France de pren-
dre Tripoli.
Rien n'est plus amusant que de suivre
au jour le jour ses intrigues racontées
par lui-même. Elles font songer aux dé-
marches et visites d'un monsieur qui
aurait envie de recevoir les palmes aca-
démiques. Crispi frappe à toutes les
portes, réclame à chacun son appui, dit
blanc à celui-ci et noir à celui-là. Aux
Allemands, il demande d'éviter à l'Italie
un véritable désastre. Aux Anglais, il
explique que de Bizerte la France va se
rendre maîtresse de toute la Méditer-
ranée.
Je comparais tout à l'heure ces efforts
historiques aux sollicitations d'un can-
didat. Ecoutez la réponse anglaise et
voyez si elle ne rappelle pas l'échappa-
toire habituelle du sollicité au sollici-
teur
« Sans doute, c'est très juste. Vous
avez raison. Mais, croyez-moi, ne vous
pressez pas. Vous aurez la Tripolitaine.
Mais le chasseur, pour tirer le cerf, doit
attendre qu'il passe à portée de son fu-
sil, afin qu'il ne s'enfuie pas, même
blessé. »
Un bon sourire, et tout est dit. S'il
ne s'agissait des affaires de deux grands
l peuples, on dirait une scène d'Henri
Monnier ou de Georges Courteline.
HAN FDOLU
L'accord franco-allemand
item le Sénat
AUJOURD'HUI LA HAUTE ASSEMBLÉE
ÉLIRA SA COMMISSION
Elle comprendra, notamment, sept anciens
présidents du Conseil et dix
anciens ministres
Le Sénat est saisi de l'accord franco-alle-
mand. M. de Selves a déposé dans l'après-
midi d'hier le projet voté la veille par la
Chambre des députés c'est maintenant la
haute assemblée qui va retenir l'attention.
C'est elle qui doit dire le dernier mot, et
tant qu'elle ne se sera pas prononcée" le trai-
té du 4 novembre 1911 ne pourra pas jouer.
Les sénateurs n'étaient pas très nom-
breux, mais toutes les « tétes » étaient là.
Ni. Caillaux et M. de Selves étaient au banc
du gouvernement.
A quatre heures, le ministre des Affaires
étrangères demanda la parole.
J'ai l'honneur, dit-il. de déposer le projet de
loi, adopté par la Chambre des députés, portant
approbation de la convention conclue entre la
hrance et l'Allemagne, le novembre 1911, pour
la délimitation de leur? possessions respectives
dans l'Afrique équïrtoriale.
Je demande au Sénat de prononcer l'urgence
pour qu'il puisse le plus rapidement possible
élire sa commission.
M. Ratier, président de l'union républi-
caine, appuya la demande formulée par M.
de Selves
Le Sénat voudra s'associer à la demande d'ur-
gence, il voudra nommer le plus tôt possible sa
commission. Je demande, au nom des groupes
de gauche, ctu'elle soit composée de vingt-8*:i4-
membres élus au scrutin de liste, Nous estimions
que. dans une question de politique nationale,
il est bon que tous les partis unissent leurs ef-
forts et que les commissaires soient élus, non
plus au hasard des bureaux, mais par une sé-
lection raisonnée. Si nous sommes divisés dans
des questions intérieures, dans le domaine de
la politique extérieure nous avons tous le même
souci du devoir patriotique, des intérêts et de
l'honneur de la France. (Très bien n
A droite. Oui, et comment sert élue la com-
mission ? 7
M. Ratier. Le vote ne peut se faire que
dans les bureaux, qui interviennent comme des
sections de vote.
Le Sénat, après avoir déclaré l'urgence,
se rangea à l'opinion de M. Ratier en déci-
dant que la commission comprendrait vingt-
sept membres et serait élue au scrutin de
liste, dans les bureaux considérés comme
sections de vote.
DANS LES GROUPES
De troi.s quatre heures, les comités di-
recteurs des groupes de gauche, l'union ré-
publicaine et la gauche démocratique radi-
cale et radicale socialiste se sont réunis sous
la présidence de M. Antony Ratier.
Après une longue discussion, les comités
directeurs ont décidé de répartir les vingt-
Sept sièges de la commission chargée d'exa-
miner l'accord franco-allemand ainsi qu'il
suit quatorze sièges à la gauche démocra-
tique radicale et radicale socialiste, huit siè-
ges à l'union républicaine, trois sièges à la
gauche républicaine et detix à la droite.
L'union républicaine a désigné MM. Ribot,
Decrais, DeveUe, Jean Dupuy, d'Estournel-
les de Constant, Lozé, Poincaré et Ratier.
La gauche démocratique radicale et radicale
socialiste a choisi MM. Léon Bourgeois, Cle-
menceau, Monis, Sarrien, Stephen l'ichon,
Chautemps, Milliès-Lacroix, Trouillot, Pier-
re Baudin, d'Aunay, Chapuis, Gervais, Pey-
tral et Paul Strauss. La gauche républicaine
a désigné MM. Charles Dupuy, Méline et de
Courcel. A noter que la gauche républicaine
a choisi M. Charles Dupuy, qui n'est inscrit
à aucun groupe.
Enfin, la droite a désigné MM. de Lamar-
zelle et de Las-Cases. Un troisième candi-
dat avait été indiqué, M. Jenouvrier, la droi-
te comptant avoir trois sièges, mais à la sui-
te de la décision prise par les groupes de
gauche, le sénateur d'Ille-et-Vilaine s'est re-
tiré.
La commission comprendra sept anciens
présidents du Conseil MM. Bourgeois, Mo-
nis, Sarrien, Clemenceau, Ribot, Charles
Dupuy, Myéline quatre anciens ministres
des Affaires étrangères MM. Bourgeois,
Pichon. Ribot, Develle quatre anciens mi-
nistres des Colonies MM. Milliès-Lacroix,
Trouillot, Decrais, Chautemps quatre, an-
ciens ministres.: M. PeytraL, Pierre Bau-
din, Jean Dupuy et Poincaré sept anciens
ambassadeurs ou anciens ministres pléni-
potentiaires MM. Bourgeois, d'Aunav,
Lozé, de Courcel, Decrais, Pichon et d'l;s-
tournelles de Constant.
Deux anciens présidents du Conseil ne fi-
gurent pas sur la liste établie, ce sont MM.
de Freycinet et Emile Combes.
Les candidats considèrent que la commis-
sion doit examiner tous les détails du traité
avec un soin infini. Rien ne sera négligé.
1.a commission se constituera cet après-
midi même et commencera ses travaux de-
main. Elle tiendra plusieurs séances la se-
maine prochaine. La discussion publique
pourra s'engager devant le Sénat, croit-on,
vers le 20 janvier.
Plusieurs sénateurs, notamment MM.
Louis Martin, Goy et Besnard, voulaient de-
mander au Sénat de renvoyer au mois de
janvier la nomination de 'la commission,
afin de permettre à leurs collègues sortants
de se rendre dans leurs départements et
aux nouveaux élus de prendre part au scru-
tin. Mais au dernier moment ils ont renon-
cé à leur projet, désireux de ne susciter au-
cune difficulté d'aucun ordre.
Paul GREZ.
Les grandes nmi du 1912
Les grandes manœuvres d'automne de
1912 se dérouleront dans l'ouest; sous la di-
rection dl général Joffre, chef d'état-major
général. Elles seront des plus importantes,
eu égard aux effectifs employés.
Deux armées seront, en présence. Elles
seront respectivement commandées par les
généraux Galliéni et Marier membres du
conseil supérieur de la guerre, et compren-
dront
Les 10" et corps d'armée la 9o di-
vision d'infanterie corps) la division
d'infanterie coloniale une division de ré-
serve formée par le 4e corps d'armée les
1™ et divisions de cavalerie les 4» et
brigades de cavalerie et une artillerie lourde
formée au moyen des groupes de Rueil, du
Mans et de Poitiers.
L'artillerie des 101 et corps sera
complétée par les 8e, 4e et 126 brigades
celle de la division coloniale sera fournie
par la brigade coloniale.
La division de réserve sera complétée en
infanterie par un régiment de réserve du
12" corps et un du corps.
L'effectif des unités de manœuvres cnm-
pdtindra toutes les ressources disponibles
vec l'appoint des réservistes.
LE CONSEIL DE GUERRE DE TOULON
Les officiers de la «Liberté»:
Toulon, 21 décembre.
Les débats sur ta '.parte do cuirassé Lt-'
beritl sp sont déroulés aujourd'hui devant le
conseil de gaerre maritime, présidé pur le
vice-amiral Jauréguiberry, assisté des con-
tre-arniraus Le 1'ord, Sourrieux, Bouxin,
Ramey de Sugny et des capitaines de vais-
seau (cément et. Vincent. Le comman-
dant Grosse uccupe les fonctions de com-
missaire du gouvernement, assisté d'un de
ses substituls, le capitaine de frégate
Caillol.
Le capitaine de vaisseau Paul Jaurès, le
capitaine de frégate Joubert, le lieutenant de
vaisseau Carnier et le lieutenant de vais-
seau Bignon sont au banc des accusés.
Après l'interrogatoire d'identité, le greffier,
M. Esquies, donne lecture du rapport du
commissaire enquêteur.
L'interrogatoire du commandant Jaurès
commence aussitôt après cette lecture
Le président. Le jour de l'explosion, vous
étiez en congé régulier. Vous avez procédé à la
formalité réglemenlaire de la transmission du
commandement
Le commandant Jaurès. J'ai fait appeler
dans ma chambre le capitaine de frégate doubert
et je lui ai fait connaître mon ebsence, de quel-
ques jours v peine, en lui dormant l'ordre de
prendre le commandement de la Liberté.
Le président. Vous n'ignorez pas, cependant,
que l'absence du co:nmandant entraîne régulière-
ment une mutation du commandant en second?
Le commandant. Jaurès. J'ai pensé que oela
n'était pas> indispensable, étant donné quç mon
absence devait être de courte durée.
Le commandant Joubert explique sou
•tour '-dans quelles. continuons il se tfôttvjHÏ
absent de la Liberté ah moment de la ca-
tastrophe. Un de ses enfants étant malade,
il avait du passer la nuit à son chevet.
Suivent 1 interrogatoire du lieutenant de
vaisseau Garnier, auquel l'amiral adresse
des félicitations pour s befle attitude, et
celui du lieutenant Bignon, qui ne nous ap-
prend rien de nouveau..
Les témoins
L'interrogatoire terminé, le défilé des té-
moins commence.
L'amiral Bellue est appelé le premier. Au
cours de l'inspection générale, qui avait eu
lieu quelques semaines auparavant, il n'a-
vait eu. qu'à se féliciter de l'état général de
la Liberté. Son commandant lui avait paru
parfaitement au courant de tous les servi-
ces.
Viennent après lui le contre-amiral Gas-
charcl, président de la commission d'enqué-
te, ainsi que plusieurs officiers supérieurs
de la deuxième escadre.
A propos de la déposition du mécanicien
en chef f'unereau, une assez longue discus-
sion s'élève sur le point de savoir si oui
ou non il était posssiblc d'inonder les soutes
en moins d'une demi-heure.
Puis on entend un certain nombre d'offi-
ciers mariniers et de matelots, dont certains
sont félicités par l'amiral président pour
leur belle, conduite.
A 3 h. 50, l'amiral donne la;parole aq
capitaine de vaisseau Grosse, commissaire
du gouvernement, qui rend hommage aux
Commandant Capitaine de frégate
Jaurès Joubert
Lieuf de vaisseau Làeut' de vaisseau
Bignon Garnier
malheureuses victimes de la terrible catas-
trophe. Il regrette que l'officier de quart
n'ait pas fait sonner immédiatement la gé-
nérale, mus il..exalte l'admirable conduite
des officiers et, des hommes de l'équipage.
Devant la soudaineté du lléau, le noyage
des soutes devenait une manœuvre impos-
sible.
Le lieutenant de vaisseau Garnier, ajoute
M. Grosse, n'a pas fait évacuer le bâtiment. Qui
de nous oserait- lui en faire un grief? Il tui man-
quait une autorité à bord. Cette.autorité se trou-
i vait à bord du cuirassé Justice, en la personne
du commandant de la division. Il faut re-
gretter que cette autorité ne se soit pas mani-
festée.
Le commandant Grosse dénonce la pou-
dre B comme le véritable malfaiteur, et ses
conclusions tendent à l'acquittement des
quatre inculpés.
La tàehe des officiers défenseurs, après
les conclusions du commandant Grosse, se
trouve considérablement' facilitée.
Le capitaine de vaisseau Serre montre que
la faute du commandant Jaurès, en ce qui
1 concerne la transmission de l'autorité du
bord, doit être appréciée avec l'atténuation
que lui donnent des habitudes devenues cou-
rantes.
l'arrêt
Après les plaidoiries des autres officiars'
défenseurs, le conseil se retire pour délibé-,
rer.
Il rentre en séance à 6 heures avec un
verdict négatif sur toutes les questions.
En conséquence, Ik conseil de gii"rre ac-
quitte à l'unanimité les commandants Jau-
rès et Joubert, les lieutenants de vaisseau
G&rnier et Mignon. Puis, s'adressant ces
deux derniers, immcdiutcment Rappelés en
séance, le vice-amiral Jaurcguiberry a pro-
noncé, dans le plus grand silence, 1 es paro-
les suivantes
Je suis heureux détre l'interprète du conseil
de guerre et de vous faire connaître son verdict
I d'acquittement. Je vous félicita d'avoir fait tout
votre devoir, ainsi que l'ont dit tout à l'heurr
vos défenseurs. Vous ne pouviez pas, vous ne
deviez pas abandonner la Liberté.. Il n'y a d'ins-
crits sur nos navires que dem mots Honneur
et patrie » en aucun cas le mot fuite ne doit
être prononcé.
Quelques minutes après, lecture du juge-
ment a été donnée aux commandants Jau
rcs et Joubert en présence de la garde ma-
rine.
Un Argentin dépouillé
de plus d'un million
par un banquier parisien
CELUI-CI ET SES COMPLICES
priétaire, 'd'origine espagnole, M. Carpen-
tier, quittait, avec sa femme, Buenos-Ayres,
où il possédait de nombreux immeubles, et
venait habiter Paris, 113, boulevard Pereire.
Dans un café des grands boulevards, M.
Carpentier fit, peu après son arrivée, la
connaissance d'un financier, M. Louis-
Alexandre-Antoine Ningler, âgé de trente-
trois ans, banquier, 36, rue Taitbout.
Cet homme menait une existence en par-
tie double. A Saint-Cloud, d, rue Pasteur, il
possédait une modeste villa où vivaient sa
femme et ses enfants à Neuilly-sur-Seine,
4(i, rue de LongChamps, dans une somptueu-
se propriété, il avait installé sa maîtresse,"
une ancienne écuvère, Marguerite Pringaud,
et pour surveiller celle-ci, son employé prin-
cipal et homme de confiance* Henri Cham-
pion et sa femme.
L'amorçage
Je n'ai pas mon pareil, confia-t-il un
jour à son nouvel ami, M. Carpentier, pour
faire fructifier l'argent, que me confient mes
clients. Si vous voulez vous en rendre comp-
te, remettez-moi quelques billets de mille.
.Vous n'aurez pas à regretter de m'avoir ac^
*• Quelque temps plus tard, le propriétaire
argentin remettait à M. Ningler une somme
de quinze mille francs. Un mois après, jour
pour jour, le banquier versait à M. Carpen-
tier exactement trente mille francs. C'était
tout simplement merveilleux.
Des relations tout à fait intimes s'établi-
rent entre M. Ningler, sa maîtresse qu'il
avait présentée à son client comme son épou-
se légitime et M. et Mme Carpentier.
Le financier présenta à ses amis son mé-
decin, le docteur J.
Les trois hommes, bientôt, ne se quittè-
rent plus. De leur côté, Marguerite Prin-
gaud et Mme J. voyaient presque jour-
i nellement Mme Carpentier qui, sans rela-
tiens à Paris, avait répondu, avec plaisir,
aux invitations que lui avaient adressées
ces dames.
Quand M. Ningler demanda à M. Carpen-
tier de le commanditer pour fonder une ban-
que plus importante, sous le titre de « Crédit
français immobilier)', celui-ci s'engagea jus-
j qu'à concurrence d'un million de francs-. On
loua un immeuble 23, avenue de Messine et il
en paya le loyer d'avance
Mais ces versements successifs l'avaient
quelque peu désargenté » et, à la fin d'oc-
tobre, il partait à Buenos-Ayres vendre deux
immeubles, afin d'en affecter le prix aux en-
treprises de M. Ningler.
Il laissait Mme Carpentier à Paris. Mais
celle-ci n'eut pas le temps de s'ennuyer. Son
hôtel fut envahi par M. Ningler, sa to^Jtnss-
ae, le docteur J. sa femme, Champion
i etc. Tous les soirs, il y eut des banquets,
suivis de soirees artistiques
Mme Charpentier était grisée, fatiguée, et
elle était presque méconnaissable quand son
mari revint de l'Argentine.
M. Carpentier avait quitté Buenos-Ayres
le S novembre. Il avait chargé une banque
locale de,lui faire parvenir, par transfert
télégraphique, pour le 16 décembre, à la
London River Plate. 22. rue Halévy, à Pa-
ris, les sommes provenant de la vente des
deux immeubles.
Le retour du mari
Le 13 décembre il débarquait à Lisbonne.
Avec sa femme, M. Ningler et Mme J.
l'attendaient.
Mme Carpentier est un peu déprimée,
lui dit le. banquier; c'est sans doute l'ennui'
résultant dô votre absence qui en est cause.
Il faudrait, avant de rentrer à Paris, la dis-
traire im peu.
On s'attarda en Portugal et en Espagne.,
Pendant que ce, voyage s'accomplissait,
Mme Pringaud, la maîtresse du financier,
n'était pas restée inactive. Elle s'était fait
livrer, par un groom de Mme Carpentier,
les clefs de l'hôtel du boulevard Pereire et'
donnait l'ordre de faire suivre toute la cor-
respondance de M. et Mme Carpentier il la
banque Ningler, 23, avenue de Messine.
C'est ainsi que le 16 décembre un pneu-
I rriatique de la London River Plate, adresse
à Mme Carpentier, tombait entre les mains
de Mme Pringaud. Celle-ci le décachetait:
Le petit bleu avisait NI. et Mme Carpentier
qu'une somme de 500,000 francs, produit de
la vente des immeubles de Buenos-Ayres,
était à leur disposition.
Avant de laisser partir Mme Carpentier
pour Lisbonne, on était parvenu, par des,
manœuvres restées jusqu'ici assez mysté-
rieuses, il. lui faire signer un chèque en
blanc. Mme Pringaud n'eut qu'à le remplir,
à l'ordre d'un ami de son amant, M. A.
artiste peintre, pour que celui-ci pût en-
caisser les 500,Ou(¡ francs.
M. Carpentier arriva à Paris le 18 décem-
bre. Son premier soin fut de passer à la
London River Plate. Il ne fut pas peu stupé-
j fait en apprenant que le demi-million avait
été touché en son absence.
C'est alors qu'il sut que sa femme avait
| été hypnotisée, piquée à la morphine, eni-
vrée qu'après avoir été rendue ainsi in-
consciente, on lui avait fait signer un chè-
que en blanc qu'on lui avait enlevé un
collier de perles d une valeur de francs
pour l'engager pour 17.000 francs à Londres,
et que \1. Ningler avait vendu l'automobile
qu'il avait mise en dépôt chez lui.
Une rapide enquête lui fit connaitre, en
outre, que le banquier avait fait des dépen-
ses excessives, achetant notamment, à sa
maîtresse, une propriété francs,
darfè les environs d'Evreux. Mais il lui fut
iinpossible de savoir ce qu'étaient devenus
leb.500,000 francs.
j\\me Carpentier disparait
Dinvane lie dernier, il eut, à ce sujet, une
discussion avec sa femme. Mme Carpentier,
téléphona, en sa présence, à la femme du
1 dortt'ur J. puis elle lui dit
Ne t'inquiète pas, l'argent est en lieu
sur.
Rassuré, M. Carpentier descendit dans la
rue. Quand il revint, vers cmq heures. Mme
Carpentier avait disparu. Depuis. on ne l'a
(:'est alors que M. Carpentier se décida à
s'adresser à la justice.
Mercredi, son avocat, M» Léon Ledercq,
alla remettre au parquet une plainte en abus
de confiance et en escroquerie contre M.
Ningler.
iLire en 10 page le récit de l'arrestation mouve-
mentée de Af. Ninijlcr, ric sa maîtresse, d'un de
ses domestiques et des époux Champion.)
EN PLEINE RUE, EN PLEIN JOUR
Quatre bandits, en automobile,
assaillent un encaisseur et fuient
en fusillant les passants
II semble que, depuis quelque temps, les
malfaiteurs aient choisi pour victimes de
leurs sinistres exploits les garçons de ban-
que, dont il conviendrait vraiment d'assurer
la protection efficace contre les embûches
tendues, avec une audace incroyable, à cha-
cun de leur pas. La sauvage agression dont
fut l'objet, hier matin, rue Ordener, un gar-
çon de caisse auxiliaire de la Société Généra-
le, dépasse en tragique horreur tout ce que
l'on peut imaginer, (.'est miracle que le mal-
heureux souffre seul l'heure actuelle à
l'hôpital Bichat, et -que, parmi les nombreu-
ses personnes qui se portèrent à son se-
cours et essuyèrent une véritable pluie de
balles, aucune n'ait payé de sa vie sa cou-
rageuse attitude.
C'était quelques minutes avant neuf heu-
res. La succursale de la Société Générale, si-
tuée rue Ordener, à l'angle de la cité Nollez,
allait ouvrir ses portes. Plusieurs employés
s'y trouvaient déjà réunis et l'on n'attendait
plus que l'arrivée du garçon encaisseur, M.
Ernest Caby, qui allait apporter la sacoche
contenant- les- fonds nécessaires aux opéra-
tions de caisse et une certaine quantité de
titres.
Selon l'usage. un démarcheur avait été
désigné pour" aller attendre le garçon de
caisse à l'arrêt du tramway, devant le nu-
méro 102 de la rue Damrémont, au coin de
la rue Ordener. Cette semaine, cet office
incombait à un démarcheur de la succur-
sale, M. Alfred Peemans.
Dans la rue, la pluie tombait, les passants
étaient rares. En face de la succursale, de-
vant le dépôt de vins tenu par M. Chassan,
une automobile fermée stationnait. Elle
avait été tout récemment peinte, ou plus
exactement barbouillée car ses panneaux
n'avaient rien du vernis des grands carros-
siers d'un épais enduit bleu foncé, tirant
sur le noir. Le moteur était en marche. Les
deux voyageurs qui avaient pris place à
l'intérieur regardaient tranquillement au de-
hors, vers Montmartre. Attentif, le chauf-
coiffé d'une casquette de cycliste, em-
mitouflé dans un vaste manteau et un ca-
che-nez qui ne laissait apercevoir que ses
yeux et sa moustache brune, surveillait sa
machine. On le sentait prêt à démarrer au
premier ordre reçu. Nul ne s'inquiétait de
rette voiture, dont In stationnement parais-
sait là tout naturel.
Les ménagèrls allaient aux provisions,
les commerçants achevaient de dresser
leurs étalages les passants, ouvriers ou
employés, se rendraient leur tray,a.il.j_î:>er;
1 culière à cette automobile
L'attentat
Mais voici que' le lourd tramway qui va
de la place de la Trinté à Enghien vient de
stopper à l'arrêt de la rue Ordener. Quel-
ques voyageurs descendent; parmi eux se
trouve l'encaisseur Caby. Il porte en ban-
doulière une sacoche de cuir et, de sa main
gauche, serre, dans la poche intérieure de
son veston, le portefeuille où il a enfermé
les billets de banque. Le démarcheur se di-
rige vers lui. Les deux hommes échangent
uu bonjour, se serrent la main, et, côte à
côte, se dirigent vers la succursale de la
banque. Ils ont traversé la chaussée de la
rue Ordener déjà M. Caby vient de poser
le pied sur le truttoir. Il passe devant l'épi-
cerie tenue, au numéro par M. Rochon,
lorsqu'un individu vêtu d'un long pardessus
noir et coiffé d'un chapeau melon noir
s'avance délibérément vers lui, l'agrippe par
le col de son pardessus, et braque sur lui un
revolver qu'il décharge à t.rois reprises.
L'encaisseur trombe à genoux. Dans un
effort surhumain, il tente de se relever, puis
il s'abat. sur le côté droit. Son agresseur se
précipite sur lui, saisit la courroie de la
sacoche et, brutalement, il cherche à la sou-
lever. L'encaisseur se défend de la main
droite, il s'accroche à la grille d'un arbre
déjà la vie l'abandonne, mais il n'abandon-
nera pas le dépôt qui lui a été confié. Alors,
un second individu s'approche. Lui aussi
tient un revolver. Tandis que son complice
enlève la sacoche, il tire sur le malheureux
Caby. Cette scène a duré quelques secondes
à peine. Aux premières détonations, affolé,
M. Peemans a couru vers la succursale toute
proche. D'une voix étranglée par la terreur,
il crie « Au secours On tue Caby
Cependant, cette fusillade a fait sortir
tout le monde. L'épicier Rochon, qui à ce
moment servait une cliente, se retourne. Il
1 aperçoit l'encaisseur gisant au pied de l'ar-
bre, la poitrine couverte de sang; devant
lui, deux hommes armés de revolvers. Cou-
rageusement, l'épicier sort de son magasin;
il court sur le bandit. Mais il s'arrête.
L'homme l'a mis en joue une balle, deux
balles, trois balles sifflent à ses oreilles.
LE LIEU DU DRAME
C'est à l'endroit marqué 1 que l'encaisseur a été attaqué il se rendait aux bureaux de la
Société Générale (2). Dans le médatllon, le démarcheur Peemans.
Dane le ptan, la ligne pointillèe indique le chemin suivi par Vautomobile des bandits. M. Peemanr
atiendait M. Ernesi Caby'à l'angle de la rue Damrémont et de la rue des Cloys,
à l'endroit marqué d'un point noir.
M. Rochon s'efface et rentre dans son ma-
gasin.
Pendant ce temps, le bandit qui aréussi à
enlever à l'encaisseur sa sacoche -a sauté
dans l'autamobile. Elle démarre et, lente-
ment, pour laisser à son complice, resté
face à iace avec M. Rochon, le temps df- le.
rejoindre, le chauffeur va se ranges au coin
des rues Ordener et des Ctoys. A recnlons;
lé bandit, qui brandit, toujours son revolver
traverse la chaussée. Les passants sont ter-
rorisés. Personne n'ose approcher de lui.
L'homme gravit le trottoir puis se rapproche
de l'automobile. Il saute sur lu man-nepied
et aussitôt, à toute vitesse, la voiture s'en-
gage dans la nre des Cioys.
L'automobile mitrailleuse
A ce moment un autobus en essai sort
du dépôt de la rue Ordener. U va se jeter
sur l'automobile. Déjà. les témoins se féli-
citent de cette rencontre inattendue. Mais
le chauffeur, d'autobus, qui ne comprend
rien, qui n'entend que des clameurs iniprét
cises, n'écoute que sa prudence, de conduc-
teur. A tout il évitera la. collision, .11-
serre ses ïreiaas, donné un vigoureux" coup
de volant et frôle l'automobile, qui; trouvant
sa route libre, file de.plLs belle.
En voyant fuir les bandits, les plus timo-
rés ont un sursaut de révolte. Les canailles
n'iront pas loin comme cela. A toutes jam-
bes,,ils se mettent à la poursuit* de l'auto-
mobile. De loin, ils crient aux passants' do
l'arrêter. Mais voici qu'à chaque portière,
un homme apparaît, revolver au hoing. Des
détonations éclatent, en une salve ininter-
rompue. Les bandits sont armés et i.ls se dé-
fendent.
Dans cette fusillade, l'automobila poursuit
sa route. Meus voici qu'an milieu de la chaus-
sée une voiture de livraison descend la rue
des Cloys. Le cocher comprend vaguement
ce dont il s'agit. Au lieu de se. ranger, il
tient sa route. Le chauffeur a un moment
d'indécision passera-t-il à droite ou à gau-
che ? Finalement, il se décide pour cette
dernière direction, il frôle la voiture rt, au
moment où il la dépasse, un de; ba-n-dits se
penche par la portière et tire sur le charre.
tier une balle de revolver.
Cette fois, l'automobile infernale trouve, le
champ libre devant rlle. Pour dépister tes
poursuivante, elle s'cngage à droite dans la
rue Montcalm, traverse la rue Damrémont,
tourne encore à droite dans la rue Vauv*-
nargues, prend la rue Championnet, et, pur
l'avenue de Saint-Ouen. sort de Paris. Des
gens l'ont vu passer ils ont remarqué sa
couleur bleu sombre, sa vitesse anormale,
mais ignorant quels bandits elle emportait,
ils n'ont pas cherché à lui barrer la route.
Les blessures de Caby
Pendant que se déroulait cette poursuite
mouvementée, des employés de la succur-
sale de la Société générale étaient sortis,
avaient relevé leur -malheureux collègue
Caby et l'avaient transporté dans rf.e phar-
macie voisine. Le malheureux encaisseur
avait été atteint par deux bâties. Comme
son état paraissait désespéré, um; automo-
bile avait été aussitôt mandée rl On.by était,
en toute hâte, amené à l'hôpital Bichat.
Ia docteur Hartmann vint aussitôt lui
prodiguer ses soins. Les blessures de Caby
sont des plus graves et l'on conserve peii
d'espoir qu'il puisse survivre. Un des pro-
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