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dans la plupart des régions de l'Ouest, et les nouvelles forges, celles créées par Louis
Berryer en forêt de Brix (Manche), celles de Danvou au Bocage normand créées par les
Matignon, celles du pays de Châteaubriant créées pour les Condé, sont construites pour
valoriser le bois. Mais au XVIIe siècle, à l'apogée de la production de fonte et de fers, vient
la peur de manquer. Le bois double de prix dans la deuxième moitié du siècle, des forges
tombent faute de bois ou à cause de son prix élevé. Cela au moment où en Angleterre, plus
marquée il est vrai par la pénurie, les maîtres de forges relèvent le défi par l'emploi de la
houille. Encore que le tableau, comme toujours lorsqu'on étudie l'économie de l'ancienne
France, soit à nuancer région par région, à provincialiser. Ainsi, dans le premier tiers du
XIXe siècle, continue-t-on en Bretagne de se féliciter de l'existence des forges, en premier
lieu des forges de Paimpont, lesquelles consomment les 10 000 cordes (30 000 stères) de bois
que produisent les 8 000 hectares de forêt, occupant vers 1815 une main-d'oeuvre de 487 per-
sonnes, dont 250 ouvriers de la forêt et 25 « voituriers » conduisant 250 à 300 chevaux.
Les forges du Port-Brillet à Olivet au Bas-Maine, les plus importantes avec Chailland,
Paimpont, du Grand Ouest, ont la part belle dans le livre. Ce que légitime leur importance
mais aussi la richesse de la documentation, particulièrement la conservation de la cor-
respondance poursuivie pendant plus de vingt ans, au XIXe siècle, à une nouvelle période
tournante de l'histoire de la métallurgie, entre leurs deux maîtres de forges, les frères
Paillard, lorsque l'aîné est élu député de la Mayenne et qu'il doit faire de longs séjours à
Paris.
Elles sont construites au comté de Laval, sur les confins du Maine et de la Bretagne,
par contrat passé devant un notaire parisien le 16 août 1619, entre le duc de La Trémoille
comte de Laval et le maître de forges Michel de Guerne. Dans un lieu quasiment sauvage
et désert, coupé de marécages et de friches, d'agriculture archaïque, parcouru de bêtes
fauves, loups et sangliers, à lisière de la forêt de Misedon, habituel refuge des contre-
bandiers du sel et, sous la Révolution, des chouans. Leurs ateliers rassemblés, gros avan-
tage, sur la chaussée d'un grand étang de 35 hectares alimenté par le Vicoin un affluent de
la Mayenne, elles bénéficient d'une force hydraulique considérable, la campagne des hauts-
fourneaux (deux dans la même masse) pouvant durer de six à huit mois. Le minerai est
tiré des deux carrières de l'Embûche et des Essarts à Saint-Pierre-la-Cour, éventuellement
de la carrière du Champbouquet au Bourgneuf-la-Forêt. Le rayon d'approvisionnement en
charbon de bois est beaucoup plus étendu, allant des forêts de Misedon et des Gravelles,
proches, aux forêts du Pertre et de Chevré en Bretagne, cette dernière au-delà de Vitré.
Port-Brillet peut produire annuellement 600 000 livres (300 tonnes) de fonte, soit, le déchet
étant d'un tiers à l'affinage, 400 000 livres (200 tonnes) de fer. Mais une partie de la fonte
est coulée directement en « saumons » (lest pour la marine) dont Port-Brillet garde
longtemps la spécialité, pour l'approvisionnement des ports, Nantes principalement.
Étendu aussi, est le commerce du Port-Brillet. Va-t-on longtemps encore continuer de
parler des anciennes petites forges, comme si on les confondait avec les forges des
maréchaux-ferrants ? Si la clientèle locale, maréchaux-ferrants, cloutiers, serruriers, char-
rons des petites villes et bourgs environnants, qui achètent directement aux forges, à la
balance comme on dit, est la plus nombreuse, elle ne compte guère, aux yeux des maîtres
de forges, à côté des marchands-fabricants de fer qui leur passent des marchés importants,
livrables et payables à terme. Ainsi au Bocage normand, où les marchands-fabricants font,
depuis le XVIe siècle, travailler en clouterie, serrurerie et quincaillerie plusieurs milliers
d'ouvriers ou d'ouvriers-paysans à domicile, qu'ils fournissent de fers et dont ils ramassent
les produits pour la vente. Les marchés, dans ce cas, passés aux foires de Domfront
(Orne) où se rencontrent marchands et maîtres de forges. Port-Brillet écoule, dans les
mêmes conditions, une part de ses fabrications en pays de Loire, à Angers, Saumur, Châ-
tellerault, les foires d'Angers servant ici de support, les transports confiés, dans ce secteur,
à partir du Iport de Laval, à la batellerie, une aubaine pour les prix.
La nouvelle révolution dans les forges intervient en France dans la décennie 1820-1830,
avec un retard de quarante ans sur l'Angleterre, ce qu'explique en partie la rétractation
sur elle-même de l'économie française pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire,
défendue contre la concurrence par des droits protecteurs élevés. Seul établissement
de type nouveau en France à la fin de l'ancien régime, sa première coulée de fonte
au coke faite en 1785, créé, comme la fonderie de canons d'Indret dans la région nantaise
dix ans auparavant, par Wilkinson le père de la métallurgie anglaise, Le Creusot
(Saône-et-Loire) végète. La forge à l'anglaise de Fourchambault (Nièvre), la première
de France, est construite en 1821, à la rencontre des capitaux des Boigues, des mar-
dans la plupart des régions de l'Ouest, et les nouvelles forges, celles créées par Louis
Berryer en forêt de Brix (Manche), celles de Danvou au Bocage normand créées par les
Matignon, celles du pays de Châteaubriant créées pour les Condé, sont construites pour
valoriser le bois. Mais au XVIIe siècle, à l'apogée de la production de fonte et de fers, vient
la peur de manquer. Le bois double de prix dans la deuxième moitié du siècle, des forges
tombent faute de bois ou à cause de son prix élevé. Cela au moment où en Angleterre, plus
marquée il est vrai par la pénurie, les maîtres de forges relèvent le défi par l'emploi de la
houille. Encore que le tableau, comme toujours lorsqu'on étudie l'économie de l'ancienne
France, soit à nuancer région par région, à provincialiser. Ainsi, dans le premier tiers du
XIXe siècle, continue-t-on en Bretagne de se féliciter de l'existence des forges, en premier
lieu des forges de Paimpont, lesquelles consomment les 10 000 cordes (30 000 stères) de bois
que produisent les 8 000 hectares de forêt, occupant vers 1815 une main-d'oeuvre de 487 per-
sonnes, dont 250 ouvriers de la forêt et 25 « voituriers » conduisant 250 à 300 chevaux.
Les forges du Port-Brillet à Olivet au Bas-Maine, les plus importantes avec Chailland,
Paimpont, du Grand Ouest, ont la part belle dans le livre. Ce que légitime leur importance
mais aussi la richesse de la documentation, particulièrement la conservation de la cor-
respondance poursuivie pendant plus de vingt ans, au XIXe siècle, à une nouvelle période
tournante de l'histoire de la métallurgie, entre leurs deux maîtres de forges, les frères
Paillard, lorsque l'aîné est élu député de la Mayenne et qu'il doit faire de longs séjours à
Paris.
Elles sont construites au comté de Laval, sur les confins du Maine et de la Bretagne,
par contrat passé devant un notaire parisien le 16 août 1619, entre le duc de La Trémoille
comte de Laval et le maître de forges Michel de Guerne. Dans un lieu quasiment sauvage
et désert, coupé de marécages et de friches, d'agriculture archaïque, parcouru de bêtes
fauves, loups et sangliers, à lisière de la forêt de Misedon, habituel refuge des contre-
bandiers du sel et, sous la Révolution, des chouans. Leurs ateliers rassemblés, gros avan-
tage, sur la chaussée d'un grand étang de 35 hectares alimenté par le Vicoin un affluent de
la Mayenne, elles bénéficient d'une force hydraulique considérable, la campagne des hauts-
fourneaux (deux dans la même masse) pouvant durer de six à huit mois. Le minerai est
tiré des deux carrières de l'Embûche et des Essarts à Saint-Pierre-la-Cour, éventuellement
de la carrière du Champbouquet au Bourgneuf-la-Forêt. Le rayon d'approvisionnement en
charbon de bois est beaucoup plus étendu, allant des forêts de Misedon et des Gravelles,
proches, aux forêts du Pertre et de Chevré en Bretagne, cette dernière au-delà de Vitré.
Port-Brillet peut produire annuellement 600 000 livres (300 tonnes) de fonte, soit, le déchet
étant d'un tiers à l'affinage, 400 000 livres (200 tonnes) de fer. Mais une partie de la fonte
est coulée directement en « saumons » (lest pour la marine) dont Port-Brillet garde
longtemps la spécialité, pour l'approvisionnement des ports, Nantes principalement.
Étendu aussi, est le commerce du Port-Brillet. Va-t-on longtemps encore continuer de
parler des anciennes petites forges, comme si on les confondait avec les forges des
maréchaux-ferrants ? Si la clientèle locale, maréchaux-ferrants, cloutiers, serruriers, char-
rons des petites villes et bourgs environnants, qui achètent directement aux forges, à la
balance comme on dit, est la plus nombreuse, elle ne compte guère, aux yeux des maîtres
de forges, à côté des marchands-fabricants de fer qui leur passent des marchés importants,
livrables et payables à terme. Ainsi au Bocage normand, où les marchands-fabricants font,
depuis le XVIe siècle, travailler en clouterie, serrurerie et quincaillerie plusieurs milliers
d'ouvriers ou d'ouvriers-paysans à domicile, qu'ils fournissent de fers et dont ils ramassent
les produits pour la vente. Les marchés, dans ce cas, passés aux foires de Domfront
(Orne) où se rencontrent marchands et maîtres de forges. Port-Brillet écoule, dans les
mêmes conditions, une part de ses fabrications en pays de Loire, à Angers, Saumur, Châ-
tellerault, les foires d'Angers servant ici de support, les transports confiés, dans ce secteur,
à partir du Iport de Laval, à la batellerie, une aubaine pour les prix.
La nouvelle révolution dans les forges intervient en France dans la décennie 1820-1830,
avec un retard de quarante ans sur l'Angleterre, ce qu'explique en partie la rétractation
sur elle-même de l'économie française pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire,
défendue contre la concurrence par des droits protecteurs élevés. Seul établissement
de type nouveau en France à la fin de l'ancien régime, sa première coulée de fonte
au coke faite en 1785, créé, comme la fonderie de canons d'Indret dans la région nantaise
dix ans auparavant, par Wilkinson le père de la métallurgie anglaise, Le Creusot
(Saône-et-Loire) végète. La forge à l'anglaise de Fourchambault (Nièvre), la première
de France, est construite en 1821, à la rencontre des capitaux des Boigues, des mar-
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