LES OUVRIERS DE LA SIDÉRURGIE ANCIENNE EN FRANCE 115
duction économique, sans à-coups, du potentiel ouvrier. Mais;.elle fonctionne; aussi comme un barrage aux initiatives des patrons.,
: ; [•••] quand même, des étrangers; seraient disposés à embrasser l'état de .forgeron, écrivent des maîtres de forges haut-marnais l'Empereur, les familles qui sont en position de le faire se refuse- raient à faire des apprentis, elles tiennent d'abord à l'honneur dé. faire exclusivement ce que d'autres auraient peine à faire, et enten- dant que plus ils seront un petit nombre; plus ils domineront lès maîtres et les contraindront à les payer chèrement, ils refusent d'ins- truire les étrangers qui auraient de" la bonne volonté, sentant bien qu'ils sont indispensables à cet apprentissage (24).
Cet exclusivisme persistait- encore dans la sidérurgie ariégeoise à la veille de la révolution de 1848 (25). Les « étrangers «étaient can- tonnés dans l'emploi de pique-mine, et ceux qui s'obstinaient à appren- dre le métier de forgeron devaient payer un an de salaire au principal ouvrier, sans en recevoir en retour le moindre conseil. Il n'est pas rare, dans ces Conditions, que quelques familles monopolisent dura- blement l'emploi d'une forge (26).
L'enracinement dans le métier et dans.l'usine né se conçoit que par une double extension. Extension spatiale d'abord. Le « localisme » et la pérennité des situations ne sont pas assez forts pour empêcher une certaine dispersion d'une famille autour, de l'usine -mère. Il faut d'autre part considérer lés familles élargies, dans leur système d'allian- ces, pour voir se constituer entre usines proches un véritable réseau de placement. Un sondage dans la Nièvre, de 1777 à 1827, montre qu'à Raveau moins de dix familles constamment alliées entre elles four- Dissent la majeure partie des Ouvriers dont les forges environnantes ont besoin (27). Exceptionnellement, cette endogamie professionnelle s'exerce à, longue distance, quand la, densité . sidérurgique est trop faible (28). Quant à la mobilité proprement dite; en dehors de la circulation ainsi définie,.elle paraît d'ampleur restreinte. En n'écou- tant que les plaintes des maîtres de forges, on risque de surestimer la rotation de la main-d'oeuvre. Certes l'économie de guerre introduit des occasions de surenchère. Mais les rares indications portant sur l'ancienneté des' ouvriers laissent deviner des carrières stables,-au moins à partir du mariage-(29). -
La transmission par héritage du savoir et de l'emploi crée certaine- ment une inertie supplémentaire du système technique. Toute innova- tion rencontre une résistance; elle dérange «l'obstination routinière des ouvriers » que dénoncent patrons éclairés, savants et administra-' teurs (30). Les maîtres de forges parlent; volontiers des «secrets » des fondeurs et affineurs, ensemble de recettes et dé conduites imper:-
(24) AD Haute-Marne, 6 j 143. Mémoire cité. -
(25) P. MORÈRE, « L'Ariège avant le régime démocratique. L'ouvrier, deuxième partie : les forgeurs », Bulletin de la Société d'histoire de la Révolution de Î848, juillet-août 1915.
(26) De 1792 à 1820, les forgerons de Doulevànt (HauterMarne) appartiennent aux quatre mêmes familles.
(27) AD Nièvre.
(28) G. VERRON, « Les structures sociales d'Un établissement sidérurgique avant la Révolution industrielle », Le Mouvement social, janvier 1967, p. 63-94.
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