Titre : Le Ménestrel : journal de musique
Éditeur : Heugel (Paris)
Date d'édition : 1899-05-07
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344939836
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 44462 Nombre total de vues : 44462
Description : 07 mai 1899 07 mai 1899
Description : 1899/05/07 (A65,N19)-1899/05/13. 1899/05/07 (A65,N19)-1899/05/13.
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5615529g
Source : Bibliothèque nationale de France, TOL Non conservé au département des périodiques
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2010
148
LE MÉNESTREL
série d'épreuves où il avait enfin distancé tous ses concurrents. Et il
le mérite encore. L'Amour mouillé — quatre stations dans le même cadre
— sont de l'imagerie lisse comme une chromo. L'Amour qui frappe à
la porte. l'Amour que le poète réchauffe sur ses genoux, l'Amour qui
s'envole en décochant sa flèche, l'Amour qui apparaît au poète vieilli et
songeur, autant de tableautins gentils, minutieux, un peu puérils.
Heureusement nous retrouverons M. Gérôme à la sculpture, et là sa maî-
trise est réelle.
A citer encore, parmi les fantaisies allégoriques, les Joueurs de Dames
do M. Aubert, deux Amours attablés devant le damier et peints à la
manière d'Hamon. Au demeurant, un aimable dessus de porte. M. Ed-
mond Suau a des visées plus hautes, soit dit sans jeu de mots. Sa
pensée habite les sphères philqsophiques ; M. de Volney, qui vit de ses
propres yeux le génie des ruines installé sur. les décombres des cités
mortes et fort occupé à gonfler do vent la vessie ou. plus académique-
ment, l'outre du lieu commun, aurait fort approuvé le choix de son
dernier sujet: La mélancolie des ruines inspire le poète. Un jeune homme
qui s'enveloppe des vastes plis du manteau de Chateaubriand et de
lord Byron est assis sur une hauteur d'où l'on domine le panorama d'une
ville morte. Le paysage est intéressant; le personnage.emphatique. Un
simple pâtre poussant la charrue parlerait davantage à l'imagination.
Tout au moins n'évoquerait-il pas l'ennuyeux souvenir do tant d'inu-
tiles déclamations.
M. Debat-Ponsan, bon peintre de portraits un peu fourvoyé sur un
autre domaine, est cette année le prototype des thésistes. Sa thèse,
d'ailleurs infiniment respectable, est celle de la tolérance religieuse;
mais il l'exprime avec des artifices de mise en scène qui la rendent
enfantine ou déclamatoire. Son Christ sur lamontagne prêche la bonne
parole à une étrange assemblée que président Louis XIV, Charles IX
et François Ier qui, devant ces successeurs à l'air de s'écrier : Déjà! Les
trois monarques sont vus de"profil mais caractérisés par des accessoires
plus ou moins légendaires, car Louis XIV tient la canne qu'il refusa
de briser sur ie dos de Lauzun et Charles IX la carabine avec laquelle
il aurait pu tirer sur les huguenots pendant la Saint-Barthélémy, si les
fenêtres du Louvre avaient donné directement surlo quai. Des cadavres
gisent à terre, des bûchers s'allument. Le Christ, drapé de blanc,
commente le verset évangélique : «Et moi,, je vous ai dit de vous aimer
les uns les autres et de vous entr'aimer comme je vous aime. » L'idée
est généreuse, la composition froide. M. Debat-Ponsan pourrait en
conclure queles conceptions philosophiques- se traduisent malaisément
par le pinceau et que les meilleures thèses n'ont rien à voir avec la
bonne: peinture. ' '
Beaucoup de ténébreux, beaucoup de tableaux symboliques rappelant
l'histoire du Turc de Diaz — ce Turc qui était une Vierge, cette Vierge
qui était un Turc. Un jour, Diaz voit la Vierge à j'hostie: de Ingres, ~-
« Ça, une madone, c'est une poitrinaire. Attends un peu, je vais t'en
brosser, une madone. » Il rentre chez, lui et se met au travail. Huit jours
se passent. A la fin d'une après-midi, un amateur entre dans .l'atelier
pendant que le peintre donnait le dernier coup de brosse à sa Vierge.
Le crépuscule tombait. L'amateur regarde le tableau et se dit en lui-
même : « Quel beau Turc ! » ■ '■
— Comment trouvez-vous ça ? demande Diaz..
-—Superbe! Et si vous n'êtes pas trop déraisonnable dans vos pré-
tentions, je vous achète votre Turc:
--Quel'Turc?' / : ".' \'\
— Le Turc que vous.peignez en ce moment, le Turc que voici.. J'en
ai déjà un de Decamps. -Ce sera le pendant.• - . • •. .,..
Diaz sourit et. fait flamber une allumette. :
■..—.. Regardez maintenant, dit-il au visiteur. — Très beau, répond
l'amateur. — Et croyez-vous toujours que ce soit un Turc? — Pârblcù !
— Mais c'est une Vierge, malheureux!—Farceur'! si vous Croyez qu'on
me fait poser comme un bourgeois. .-...-. ;. . .*■ -. -
. Et il s'en alla, persuadé qu'il venait de voir un Turc::
Les Turcs de ce genre sont nombreux au Salon des artistes français.
Turcs, les Papillons bleus de M; Bussière; Turques, les Oréddes'de
M. Gourse. Pourquoi ces sirènes, bien dessinée?, assez mal peintes,
prennent-elles des attitudes tragico-comiques en voyant arriver dans
leur caverne sous-marine' un pêcheur capturé par leurs compagnes ?
Elles doivent pourtant avoir l'habitude de ce. genre d'aubaines, étant
les mauvaises déesses, les mangeuses d'hommes dont les légendes bre-
tonnes rééditées .par M. Paul Sébillot, roi des Folk-Loristes, nous
entretiennent comme aux temps anciens.
Les nus.francs, les nus savoureux sont plus sincères; et, somme toute,
plus moraux que ces à peu près mythologiques. N'est-ce pas une oeuvre
vraiment saine, et. d'une fraîcheur d'inspiration, d'une délicatesse de
rendu qui excluent toute pensée mauvaise, ces Joyeux ébats de. M: Vaul
Chabas où l'on Voit une troupe de fillettes se débattre au milieu du flot?
Non seulement la composition est chaste, mais elle est gaie, elle est sni
rituelle et.certaine d'un vif succès de public. Il y a aussi de rares qua.
lités lumineuses, et un charme poétique, indéniable dans un groupe g»
tableaux très diversement inspirés : la Naissance de Vénus de M. Auion
Laurens, le fils aîné du maître toulousain, les Océanides de M. Durai
les Grives de M. Marcel Guay, des bacchantes aux formes opulentes se
roulant au milieu des grappes mûres et vendangeant à pleines lèvres
la Nuit d'été de M. Noble Barlow, aux figures féminines estompées dans
la pénombre, les Naïades de M. Calbet, un peu modernes d'aspect. Plus
brutale la Fille d'Eve de M. Joanon, dressée devant la glace qui iuj
renvoie l'image de sa beauté comme un modèle de, Félicien Rops ou
une héroïne de Baudelaire. M. Bordes a tenté de rajeunir le classique
rapt du marché d'esclaves, cher aux petits maîtres de l'orientalisme gri-
vois. Son tableau, de grande dimension et d'exécution énergique,. esl
intitulé Après l'enlèvement. On y voit de robustes créatures, réparties
. entre divers harems parles eunuques, se débattre contre les nègres non
moins robustes chargés d'exécuter le lotissement, si j'ose ainsi parler.
Arrivons à la peinture d'histoire. Je n'écris jamais sans trouble.ces
trois petits mots d'apparence banale comme une étiquette courante,
Sans tomber dans les déclamations pessimistes, il faut bien avouer
l'infériorité de nos salons actuels pour tout ce qui concerne cette
branche importante de l'art. L'étude y est toujours; l'inspiration n'y
est guère et l'ampleur n'y est pas.
La peinture d'histoire demande quelque lecture. Il convient, avant
de prendre le pinceau, de consulter les bibliothèques et les cabinets
d'estampes. On n'y travaille pas sans documents. La critique a le même
devoir, et il m'a paru curieux, à propos de nos peintres archivistes, de
consulter des archives déjà lointaines, celles des Salons d'il y a un
demi-siècle. Ce que nous appelons la peinture d'histoire portait un nom
plus sonore; c'était : « la grande composition historique ». Et les pein-
tres traitaient avec uu respect quasi religieux ce' genre « le plus vital
et le plus sérieux, presque le seul dont les masses aient à subir la quo-
tidienne influence, qui puisse s'enorgueillir de toute l'importance
morale d'un enseignement public. ». .
Ils étaient alors fort nombreux, les peintres de grandes compositions
historiques, et tendaient à fusionner, après s'être partagés en deux
camps sous les bannières classique et romantique. J'en trouve la cons-
tation dans le Salon de l'Artiste do 1841 : « Il y a un progrès réel dans
la grande peinture; il's'est inspiré d'heureux rapprochements, les
bonnes tendances se sont développées. Les jeunes gens, moins M. Delà-
croix, qui.persiste dans ses écarts, semblent vouloir renoncer a leurs
folles exagérations. D'aùlre part les académiciens, ou ceux qui avaient
adopté leur manière exclusive, se sont relâchés de la rigueur de leurs
prétentions pour entrer dans une meilleure A^oie,». .
Touchantes concessions réciproques. Mais il est facile de voir aujour-
d'hui que cette condescendance attendrissante des classiques.et cette
respectueuse douceur des romantiques marquaient un commencement
de fatigue. L'impuissance n'était pas loin. La fusion passablement inces-
tueuse des Delacroix et des Delaroche devait rester stérile.
Depuis soixante ans la peinture historique n'a cessé de décroître, ou
plutôt l'école a perdu tout centre de ralliement. Elle est revenue à l'étal
atomistique, à la dispersion individuelle. Quelques exceptions bril-
lantes ne.constituent pas un bataillon capable de s'emparer des -posi-
tions dominantes du champ de bataille et d'imposer le retour aux
grandes traditions. Tous les ans ce même individualisme - s'affirme.
Encore faut-il s'estimer heureux quand on rencontre au hasard des
promenades esthétiques de brillantes individualités ayant gardé le sens
précis du grand art, telles que M. Eugène Thirion, l'auteur d'OEdiped
Antigone sur le chemin de Thèbos. .
L'oeuvre est forte et d'un beau caractère.classique. CEdipe, couvert dp
haillons qu'il a drapés en voiles de deuil, fuit la malédiction qu'il a dé-
chaînée lui-môme sur le meurtrier de Laius; il s'est laissé tomber sur
une roche et médite, devenu insensible à un excès de misère qui ne
saurait plus l'atteindre. Antigoue s'est également assise ; -mais une in-
quiétude se mêle à sa résignation ; elle regarde en arrière ; elle semble
voir la forme matérielle des pressentiments sinistres, ce qu'un poète
appelait excellemment l'ombre du malheur qui s'approche. Elle n'est
pas atterrée comme Niobé; elle ne courbe pas la tête sous, la puissance,
céleste et l'inéluctable fatalité. Sa jeunesse lutte encore; elle est Je
vivant emblème de l'espérance près de la statue du désespoir. If,
contrasté ne manque ni d'intérêt m de grandeur, et une impression
tragique se dégagé de l'ensemble. ' ' ....
" M. Hector Leroux demeureiepeintre; documenté de l'antiquité clas-
sique.. A vrai dire il lui a fait-cette'année une petite infidélité eH-fâvéïïi'
du .paysage'; les brouillards-de la Meuse l'ont attiré et; retenu; mâi-s-son-
oeuvre-maîtresse est une étude historique : la Gardienne du sliamp'?w'
lérat, lieu de :sépulture des vestales .enterrées vives à Rome. M;;L-Qn!î- 0
LE MÉNESTREL
série d'épreuves où il avait enfin distancé tous ses concurrents. Et il
le mérite encore. L'Amour mouillé — quatre stations dans le même cadre
— sont de l'imagerie lisse comme une chromo. L'Amour qui frappe à
la porte. l'Amour que le poète réchauffe sur ses genoux, l'Amour qui
s'envole en décochant sa flèche, l'Amour qui apparaît au poète vieilli et
songeur, autant de tableautins gentils, minutieux, un peu puérils.
Heureusement nous retrouverons M. Gérôme à la sculpture, et là sa maî-
trise est réelle.
A citer encore, parmi les fantaisies allégoriques, les Joueurs de Dames
do M. Aubert, deux Amours attablés devant le damier et peints à la
manière d'Hamon. Au demeurant, un aimable dessus de porte. M. Ed-
mond Suau a des visées plus hautes, soit dit sans jeu de mots. Sa
pensée habite les sphères philqsophiques ; M. de Volney, qui vit de ses
propres yeux le génie des ruines installé sur. les décombres des cités
mortes et fort occupé à gonfler do vent la vessie ou. plus académique-
ment, l'outre du lieu commun, aurait fort approuvé le choix de son
dernier sujet: La mélancolie des ruines inspire le poète. Un jeune homme
qui s'enveloppe des vastes plis du manteau de Chateaubriand et de
lord Byron est assis sur une hauteur d'où l'on domine le panorama d'une
ville morte. Le paysage est intéressant; le personnage.emphatique. Un
simple pâtre poussant la charrue parlerait davantage à l'imagination.
Tout au moins n'évoquerait-il pas l'ennuyeux souvenir do tant d'inu-
tiles déclamations.
M. Debat-Ponsan, bon peintre de portraits un peu fourvoyé sur un
autre domaine, est cette année le prototype des thésistes. Sa thèse,
d'ailleurs infiniment respectable, est celle de la tolérance religieuse;
mais il l'exprime avec des artifices de mise en scène qui la rendent
enfantine ou déclamatoire. Son Christ sur lamontagne prêche la bonne
parole à une étrange assemblée que président Louis XIV, Charles IX
et François Ier qui, devant ces successeurs à l'air de s'écrier : Déjà! Les
trois monarques sont vus de"profil mais caractérisés par des accessoires
plus ou moins légendaires, car Louis XIV tient la canne qu'il refusa
de briser sur ie dos de Lauzun et Charles IX la carabine avec laquelle
il aurait pu tirer sur les huguenots pendant la Saint-Barthélémy, si les
fenêtres du Louvre avaient donné directement surlo quai. Des cadavres
gisent à terre, des bûchers s'allument. Le Christ, drapé de blanc,
commente le verset évangélique : «Et moi,, je vous ai dit de vous aimer
les uns les autres et de vous entr'aimer comme je vous aime. » L'idée
est généreuse, la composition froide. M. Debat-Ponsan pourrait en
conclure queles conceptions philosophiques- se traduisent malaisément
par le pinceau et que les meilleures thèses n'ont rien à voir avec la
bonne: peinture. ' '
Beaucoup de ténébreux, beaucoup de tableaux symboliques rappelant
l'histoire du Turc de Diaz — ce Turc qui était une Vierge, cette Vierge
qui était un Turc. Un jour, Diaz voit la Vierge à j'hostie: de Ingres, ~-
« Ça, une madone, c'est une poitrinaire. Attends un peu, je vais t'en
brosser, une madone. » Il rentre chez, lui et se met au travail. Huit jours
se passent. A la fin d'une après-midi, un amateur entre dans .l'atelier
pendant que le peintre donnait le dernier coup de brosse à sa Vierge.
Le crépuscule tombait. L'amateur regarde le tableau et se dit en lui-
même : « Quel beau Turc ! » ■ '■
— Comment trouvez-vous ça ? demande Diaz..
-—Superbe! Et si vous n'êtes pas trop déraisonnable dans vos pré-
tentions, je vous achète votre Turc:
--Quel'Turc?' / : ".' \'\
— Le Turc que vous.peignez en ce moment, le Turc que voici.. J'en
ai déjà un de Decamps. -Ce sera le pendant.• - . • •. .,..
Diaz sourit et. fait flamber une allumette. :
■..—.. Regardez maintenant, dit-il au visiteur. — Très beau, répond
l'amateur. — Et croyez-vous toujours que ce soit un Turc? — Pârblcù !
— Mais c'est une Vierge, malheureux!—Farceur'! si vous Croyez qu'on
me fait poser comme un bourgeois. .-...-. ;. . .*■ -. -
. Et il s'en alla, persuadé qu'il venait de voir un Turc::
Les Turcs de ce genre sont nombreux au Salon des artistes français.
Turcs, les Papillons bleus de M; Bussière; Turques, les Oréddes'de
M. Gourse. Pourquoi ces sirènes, bien dessinée?, assez mal peintes,
prennent-elles des attitudes tragico-comiques en voyant arriver dans
leur caverne sous-marine' un pêcheur capturé par leurs compagnes ?
Elles doivent pourtant avoir l'habitude de ce. genre d'aubaines, étant
les mauvaises déesses, les mangeuses d'hommes dont les légendes bre-
tonnes rééditées .par M. Paul Sébillot, roi des Folk-Loristes, nous
entretiennent comme aux temps anciens.
Les nus.francs, les nus savoureux sont plus sincères; et, somme toute,
plus moraux que ces à peu près mythologiques. N'est-ce pas une oeuvre
vraiment saine, et. d'une fraîcheur d'inspiration, d'une délicatesse de
rendu qui excluent toute pensée mauvaise, ces Joyeux ébats de. M: Vaul
Chabas où l'on Voit une troupe de fillettes se débattre au milieu du flot?
Non seulement la composition est chaste, mais elle est gaie, elle est sni
rituelle et.certaine d'un vif succès de public. Il y a aussi de rares qua.
lités lumineuses, et un charme poétique, indéniable dans un groupe g»
tableaux très diversement inspirés : la Naissance de Vénus de M. Auion
Laurens, le fils aîné du maître toulousain, les Océanides de M. Durai
les Grives de M. Marcel Guay, des bacchantes aux formes opulentes se
roulant au milieu des grappes mûres et vendangeant à pleines lèvres
la Nuit d'été de M. Noble Barlow, aux figures féminines estompées dans
la pénombre, les Naïades de M. Calbet, un peu modernes d'aspect. Plus
brutale la Fille d'Eve de M. Joanon, dressée devant la glace qui iuj
renvoie l'image de sa beauté comme un modèle de, Félicien Rops ou
une héroïne de Baudelaire. M. Bordes a tenté de rajeunir le classique
rapt du marché d'esclaves, cher aux petits maîtres de l'orientalisme gri-
vois. Son tableau, de grande dimension et d'exécution énergique,. esl
intitulé Après l'enlèvement. On y voit de robustes créatures, réparties
. entre divers harems parles eunuques, se débattre contre les nègres non
moins robustes chargés d'exécuter le lotissement, si j'ose ainsi parler.
Arrivons à la peinture d'histoire. Je n'écris jamais sans trouble.ces
trois petits mots d'apparence banale comme une étiquette courante,
Sans tomber dans les déclamations pessimistes, il faut bien avouer
l'infériorité de nos salons actuels pour tout ce qui concerne cette
branche importante de l'art. L'étude y est toujours; l'inspiration n'y
est guère et l'ampleur n'y est pas.
La peinture d'histoire demande quelque lecture. Il convient, avant
de prendre le pinceau, de consulter les bibliothèques et les cabinets
d'estampes. On n'y travaille pas sans documents. La critique a le même
devoir, et il m'a paru curieux, à propos de nos peintres archivistes, de
consulter des archives déjà lointaines, celles des Salons d'il y a un
demi-siècle. Ce que nous appelons la peinture d'histoire portait un nom
plus sonore; c'était : « la grande composition historique ». Et les pein-
tres traitaient avec uu respect quasi religieux ce' genre « le plus vital
et le plus sérieux, presque le seul dont les masses aient à subir la quo-
tidienne influence, qui puisse s'enorgueillir de toute l'importance
morale d'un enseignement public. ». .
Ils étaient alors fort nombreux, les peintres de grandes compositions
historiques, et tendaient à fusionner, après s'être partagés en deux
camps sous les bannières classique et romantique. J'en trouve la cons-
tation dans le Salon de l'Artiste do 1841 : « Il y a un progrès réel dans
la grande peinture; il's'est inspiré d'heureux rapprochements, les
bonnes tendances se sont développées. Les jeunes gens, moins M. Delà-
croix, qui.persiste dans ses écarts, semblent vouloir renoncer a leurs
folles exagérations. D'aùlre part les académiciens, ou ceux qui avaient
adopté leur manière exclusive, se sont relâchés de la rigueur de leurs
prétentions pour entrer dans une meilleure A^oie,». .
Touchantes concessions réciproques. Mais il est facile de voir aujour-
d'hui que cette condescendance attendrissante des classiques.et cette
respectueuse douceur des romantiques marquaient un commencement
de fatigue. L'impuissance n'était pas loin. La fusion passablement inces-
tueuse des Delacroix et des Delaroche devait rester stérile.
Depuis soixante ans la peinture historique n'a cessé de décroître, ou
plutôt l'école a perdu tout centre de ralliement. Elle est revenue à l'étal
atomistique, à la dispersion individuelle. Quelques exceptions bril-
lantes ne.constituent pas un bataillon capable de s'emparer des -posi-
tions dominantes du champ de bataille et d'imposer le retour aux
grandes traditions. Tous les ans ce même individualisme - s'affirme.
Encore faut-il s'estimer heureux quand on rencontre au hasard des
promenades esthétiques de brillantes individualités ayant gardé le sens
précis du grand art, telles que M. Eugène Thirion, l'auteur d'OEdiped
Antigone sur le chemin de Thèbos. .
L'oeuvre est forte et d'un beau caractère.classique. CEdipe, couvert dp
haillons qu'il a drapés en voiles de deuil, fuit la malédiction qu'il a dé-
chaînée lui-môme sur le meurtrier de Laius; il s'est laissé tomber sur
une roche et médite, devenu insensible à un excès de misère qui ne
saurait plus l'atteindre. Antigoue s'est également assise ; -mais une in-
quiétude se mêle à sa résignation ; elle regarde en arrière ; elle semble
voir la forme matérielle des pressentiments sinistres, ce qu'un poète
appelait excellemment l'ombre du malheur qui s'approche. Elle n'est
pas atterrée comme Niobé; elle ne courbe pas la tête sous, la puissance,
céleste et l'inéluctable fatalité. Sa jeunesse lutte encore; elle est Je
vivant emblème de l'espérance près de la statue du désespoir. If,
contrasté ne manque ni d'intérêt m de grandeur, et une impression
tragique se dégagé de l'ensemble. ' ' ....
" M. Hector Leroux demeureiepeintre; documenté de l'antiquité clas-
sique.. A vrai dire il lui a fait-cette'année une petite infidélité eH-fâvéïïi'
du .paysage'; les brouillards-de la Meuse l'ont attiré et; retenu; mâi-s-son-
oeuvre-maîtresse est une étude historique : la Gardienne du sliamp'?w'
lérat, lieu de :sépulture des vestales .enterrées vives à Rome. M;;L-Qn!î- 0
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