Titre : Le Petit Parisien : journal quotidien du soir
Éditeur : Le Petit Parisien (Paris)
Date d'édition : 1903-09-22
Contributeur : Roujon, Jacques (1884-1971). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 22 septembre 1903 22 septembre 1903
Description : 1903/09/22 (Numéro 9825). 1903/09/22 (Numéro 9825).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France, Gr Fol-Lc2-3850
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/06/2008
Vingt-Huitième Année. N° 9825. SIX PAGES 5 centimes SIX PAGES Mardi 22 SEPTEMBRE 190&
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Le Petit Parisien
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GRAND ROMAN INÉDIT
Par JULES MARY
Photographie Jiieiaire
Il est partout, le photographe. Ama-
teur ou professionnel, agent d'enquête
policière ou reporter désireux de se do-
cumenter par l'image, il court le mon-
de, armé de son appareil perfectionné
qui en une seconde lui sert à surprendre
ses contemporains dans toutes leurs po-
ses et sous tous leurs aspects.
Coup sur coup, nous venons de le voir
apparaître en justice apportant au tri-
bunal surpris le précieux concours de
son témoignage. Cette scène se passait,
dl y a quelques jours, chez Mme Thémis
Prévenu, disait le juge, vous main-
tenez n'avoir jamais connu, jamais ren-
contré votre coaccusé ici présent. Vous
affirmez qu'il est un étranger pour vous.
Oui, monsieur le président.
Qu'avez-vous à répondre au témoi-
gnage de l'agent qui vous a arrêté?
Et l'agent s'approche de la barre, un
Instantané à la main. Non seulement il
dénonce la rencontre que ses yeux ont
vue, mais il prouve, en exhibant son cli-
ché, la complicité des accusés. La dé-
2nonstration est si accablante pour eux,
que c'est la tête basse, sans trouver un
mot pour leur défense, qu'ils écoutent la
.condamnation qui les frappe.
Le détective parisien manie aujour-
d'hui très allègrement dans ses équipées
le petit appareil enregistreur dont on l'a
pourvu et qui n'excède pas le volume
d'une lorgnette de théâtre. On dirait
d'un flâneur occupé à fixer sur la plaque
eensible les divers épisodes de la vie nu-
blique. Et nul ne suppose, en le voyant
,opérer à coups d'objectif, qu'il récolte
îles scènes vécues, souvent violemment
indiscrètes;- dont il illustrera ses dossiers
etses rapports.
Les services que la photographie a
fciéjà rendus à la justice sont notoires. Il
lest arrivé même que de simples ama-
teurs, en photographiant des foules, ont'
Sfoumi sans s'en douter, à la magistra-
ture des éléments d'accusation absolu-
aneot inattendus. Je rappellerai, entre
jautres, la saisissante reproduction qui
•iut faite par le cinématographe de la
multitude qui entourait à Buffalo le pré-
isident Mac-Kinley au moment même où
son assassin s'efforçait de s'approcher de
ihji. L'examen attentif de la scène vi-
'wante 8jinsi surprise, où l'on voyait
gaz s'avancer résolument vers sa
ivÏGjUiae lotit, en semblant chercher quel-
iiagissait de connivence avec lui, fit
croire que l'anarchiste avait des comnli-
ces et longtemps la police américaine
iB'occupa de les rechercher.
On sait qu'une photographie non moins
célèbre nous montre l'empereur d'Aller
tnagne assailli dans son landau par une
]folle qui brandissait une hachette. Il va
Sans dire que les amateurs qui prirent
tees instantanés sensationnels n'avaient
tpas été avisés de l'instant où ces drames
Seyaient survenir. C'est le hasard qui les
!8t braquer leur appareil à la minute pré-
œise où se perpétraient ces attentats.
Mais ces coïncidences ne nous donnent-
telles pas une curieuse idée du nombre
et de l'activité de ces photographes qui
partout savent se poster aux bons en-
üroits dans la chasse qu'ils font à l'actua-
lité palpitante ?
Leur hardiesse leur bravoure, di-
!fais-je est indéniable. Ils ont le feu sa-
cré. On les a vus se glisser jusque dans
les prétoires. Ils se firent expulser du pa-
lais de justice lors de la revision du pro-
Ne 45. Feuilleton du PETIT Parisien.
LA NAUFRAGÉE
GRAND ROMAN INEDIT
s DEUXIÈME PARTIE
JLE. SECRET DE PEYRADE
XV (suite)
Simon Lesaulnier
Et pourtant il aurait bien aimé avoir un
metit cet humble travailleur, ce résigné au
cœur courageux qui n énumérait les difficul-
lés de sa rude vie que pour arriver à les
eurmonter, comme il les surmontait depuis
de longues années, oui il aurait ardem-
pnent désiré un enfant.
Un gosse i. un crapaud qui vccs court
ientre les jambes quand vous rent: à la
maison. un polisson qui fait endêver sa
anère pendant que le père rigole sans en avoir
l'air. Oui, c'aurait été une grande joie.
Et cependant en raisonnant bien, avec la
femme si souvent incapable de travailler, il
[valait peut-être encore mieux que le bon Dieu
leur eût refusé cela.
Et il disait mélancoliquement
Oui, il faut se consoler en pensant que
motre morceau de pain, pour deux, est déjà
pieu mince. iJais, c'est égal, ça ne doit pas
être si dur que ça de crever un peu de faim,
iquand on ne se sort la becquée de la bouche,
£ue pour la donner au petit qu'on a fait.
cès Dreyfus. Mais dans une affaire à (
peine moins retentissante, un magistrat 1
éminent, le premier président Périvier,
les agréa, se contentant de murmurer 1
« Ah, ces gaillards, ils ne doutent de 1
rien » (
Niez après cela le rôle social de la pho- ?
tographie. Il est immense, simplement. c
Les cartes postales sont là pour le prou- E
ver. Mais c'est surtout en matière de t
constat, d'expertise et d'identification (
qu'il a la portée la plus haute. « La 1
photographie est devenue la mémoire ]
artificielle de l'humanité et l'enregis- i
treur automatique et impartial des évé- (
nements, nous dit le docteur Reiss dans <
la belle étude qu'il vient de consacrer à 1
la photographie judiciaire et à ses me- i
thodes les plus récentes. Ce sont ces i
deux facultés qui intéressent tout spécia- ]
lement la criminalité. » Il est hors de
doute que pour l'instruction des causes
criminelles le juge ne saurait plus se
passer d'une aussi utile collaboratrice.
C'est elle qui, dans les descentes de jus-
tice, fixe l'aspect du lieu où un crime a
été commis, relève la position du cada- i
vre, les traces d'effraction, les emprein- j
tes des pas, les marques des doigts en-
sanglantes, les mille détails qui çircons-
tancient le meurtre. Il n'est si léger in-
dice qui ne doive être remarqué et com-
menté en de semblables enquêtes lors-
qu'il s'agit de découvrir un meurtrier.
Que devenait autrefois, livré à ses seu-
les facultés d'observation, le magistrat
appelé à faire une constatation judi-
ciaire? Il se contentait d'observer les in-
dices qui le frappaient le plus, en négli-
geant d'autres moins apparents, mais
plus importants peut-être, dont il ne gar-
dait qu'un imparfait souvenir. Aujour-
d'hui, l'appareil enregistreur dont il se
sert voit tout et enregistre tout, comme
le dit très bien le docteur Reiss, et c'est
la scène tragique dans toute sa réalité
d'horreur, avec ses moindres circonstan-
ces rrue le juge conserve sous les yeux
aussi longtemps qu'il mène son enquête,
grâce à la reconstitution permanente du
constat que lui assure une bonne photo-
graphie.
Naguère encore, on ne songeait pas à
recueillir les traces des lignes papillaires
de la peau de ses doigts qu'un assassin
pouvait avoir laissées sur le vernis d'un
meuble ou la surface d'un verre. Cette
recherche est de règle maintenant, et
plus d'une fois elle a permis de décou-
vrir le coupable de la manière la plus
imprévue. M. Bertillon, l'habile chef de
notre service d'identité judiciaire, qui
est chez nous l'instigateur de cette mé-
thode de recherche, trouva sans peine,
l'année dernière, grâce à elle, la piste
d'un individu qui avait assassiné un gar-
çon dentiste. Au cours des perquisitions
qui furent faites à propos de ce crime,
il ramassa les débris d'une glace portant
des empreintes de doigts. Il les agrandit
par la photographie, puis, comparant les
lignes obtenues avec les empreintes di-
gitales des fiches de son service, il re-
marqua que des lignes identiques se
trouvaient dans le signalement d'un
malfaiteur déjà mensuré par ce service.
C'était le meurtrier.
Q,ue de cas encore où l'expert et le mé-
decin légiste ont recours à la photogra-
phie pour faire apparaître très distinc-
tement des choses qu'on ne verrait pas
d'une autre manière
Tout le mécanisme d'un faux en écri-
ture apparaîtra distinct, indéniable par
l'emploi de la photographie. Une lettre,
dont le témoignage est des plus graves,
a été brûlée mais sur ses feuillets calci-
nés se remarquent encore des reflets d'é-
criture. C'est la photographie encore qui
fera renaître de ses cendres le document
perdu. C'est elle qui nous montrera d'é-
videntes traces de sang sur un linge que
des intéressés ont soigneusement lavé,
pensant détruire la preuve d'un crime.
C'est la photographie de l'invisible.
Vous souvenez-vous de ce savant qui
vint présenter à l'Académie des sciences
une note et des coupes photographiques
qui révélaient l'existence dans certains
terrains houillers de microbes fossilisés
datant des temps préhistoriques 1 Au
moyen du spectroscope et de la micro-
photographie, un expert berlinois, le
C'est à tout cela que pensait en regagnant
son logis une chambre sous les toits dans
la rue Bonaparte, l'homme qui arrivait
au fond de la rue de Rennes.
Il se nommait Simon Lesaulnier. Il avait
passé la quarantaine.
Depuis bientôt vingt ans il était homme
d'équipe au Chemin de fer de l'Ouest
Voilà dix ans qu'il était attaché au service
de la gare de Montparnasse.
Bon travailleur, d'une adresse et d'une in-
telligence simplement ordinaires, sachant
assez mal lire, encore plus mal écrire,
il comprenait bien qu'il ne pouvait pas arri-
ver plus haut, et il se résignait.
Sa femme, Véronique, une payse,
était venue avec lui de leur province, quand
il avait accepté ce poste à Paris, s'imaginant
que cent francs par mois, c'était la fortune,
ici, comme quatre-vingt francs, c'était l'ai-
sance dans leur petite station, un peu plus
loin que Versailles.
Ah! il avait vite fallu déchanter.
Mais voilà en arrivant, Véronique avait
trouvé de l'ouvrage, ça n'avait pas trop mal
marché pour commencer. on s'était dé-
cidé à faire venir les quatre meubles qu'on
possédail On avait tout installé dans cette
chambre, sous les toits, dans la rue Bona-
parte, tout près de la gare où Simon avait
son travail. et puis on s'était habitué.
On s'était habitué à cette vie de dur la-
beur, de rudes privations, mais aussi de
mouvement et de bruit qu'on ne trouve qu'à
Paris. et dont on ne peut plus se passer
quand on l'a vécue.
Au moins, à son chemin de fer ne redou-
tait-il pas le chômage. L'appointement tom-
bait à jour fixe.
Ah si la femme avait pu travailler régu-
docteur Jeserich, a fait mieux encore.
Une maison de Berlin avait été détruite
par le feu, et l'on trouva dans les décom-
bres le cadavre à demi-carbonisé du pro-
priétaire. Il y avait lieu de présumer
qu'un meurtre avait été commis. Il s'a-
gissait donc de rechercher si celui dont
on avait recueilli les restes avait été
étouffé par les flammes ou s'il avait été
tué avant l'incendie. Le docteur Jeserich
estima que dans la première hypothèse,
le sang examiné au spectroscope devait
présenter les caractères d'un sang qui a
absorbé de l'oxyde de carbone. Il fit son
expertise avec quelques gouttes de sang
qui se trouvaient encore dans le cœur de
la victime et il put établir que la mort
ne provenait pas d'une asphyxie. En
même temps, il fit tirer une épreuve
photographique de l'examen spectrosco-
pique qui joua aux débats un rôle im-
portant. C'était la preuve non seulement
affirmée à l'audience, mais encore pla-
cée, sous une forme concrète, sous les
yeux des juges.
Le nombre des causes civiles et crimi-
nelles s'accroît sans cesse, où la photo-
graphie seconde aujourd'hui le juge
d'instruction. Des expériences nouvelles
viennent, chaque jour, pour ainsi dire,
augmenter les applications de cette in-
vention dans les sciences qui s'en ser-
vent comme d'un merveilleux instru-
ment de constat et de perception mis à
leur disposition. La justice fait comme
elles et sait en apprécier les bienfaits.
Elle lui doit d'inappréciables progrès,
qui, associés à ses moyens d'action, ai-
deront de plus en plus à rectifier l'image
de duègne au pied boiteux sous laquelle
Thémis nous apparaît encore.
JEAN FROLLO
Faits du Jour
HIER
M. Loubet s'est rendu à 'Rambouillet
où il doit passer quelques jours.
Le congrès de l'Institut international
de statistique s'est ouvert à Berlin.
̃•– D'après certaines informrttions de Tan-
ger, le sultan du Maroc aurait remporté une
gsande victoire sur le fr étendant.
Dans une usine de caoutchouc, à Pu-
teaux, un ouvrier à poignardé un contremaître
par vengeance.
*"•» Une explosion de gaz s'est produite rue
de Varemtes, blessant quatre ouvriers.
LA DES CLASSES
La rentrée des classes de renseignement
primaire est prochaine. Elle présentera cette
année un intérêt particulier, par suite de la
fermetune des établissements scolaires con-
gréganistes, dont les élèves vont refluer dans
les écoles laïques.
On verra alors forcément s'établir une com-
paraison entre les enfants du méme âge pro-
venant des écoles religieuses et ceux qui ont
toujours suivi les cours des Ecoles de 1 État.
Ce sera sinon la propagande, du moins l'é-
preuve par le fait. Au point de vue de la cul-
ture inMlectaielle, on aura une pierre de tou-
che.
U semble que chacun, quelles que soient
les idées qu'il professe, devra porter un
grand intérêt à cette comparaison, dont les
résultats fourniront des arguments sérieux.
A propos de la réouverture des écoles, une
question se pose également devant l'esprit,
lorsqu'il s'agit des grandes villes et de Paris
en particulier.
Dans les quartiers popuLeux, habités par
la classe ouvrière, les écoles regorgent d'en-
fants, à ce point qu'un certain nombre d'en-
tre eux ne peuvent y être admis, faute de
place, malgré la loi prescrivant des pénalités
contre les parents qui ne se conforment pas
aux prescriptions de l'enseignement obliga-
toire.
En revanche, dans les quartiers du centre,
où la population est moins dense, il y a des
vides dans les écoles publiques. Néanmoins
on se refuse à y admettre des enfants logés
dans un autre arrondissement.
Ces douanes intérieures, dans les grandes
citées, ne sont pas explicables. Sans doute
on ne peut pas faire faire à des enfants des
courses considérables, s'ils habitent loin;
mais souvent, grâce au découpement en ar-
rondissements, une famille habite plus près
lièrement, on se serait encore tiré d'affaires
en mettant quelques sous de côté pour plus
tard.
Mais il ne pesait pas lourd, le livret de la
caisse d'épargne, où il y avait bien cepen-
dant quelques centaines de francs économi-
sés, Dieu sait comme, par Véronique.
En somme Simon Lesaulnier et sa brave
femme étaient bien pauvres, bien petits
humbles travailleurs perdus dans le brou-
haha de la gigantesque fourmilière de Paris.
Mais ils n'étaient pas de ceux qu'on voit pas-
ser, le cœur saisi d'une angoisse de pitié.
Et comme il le disait à l'occasion pour re-
monter le moral il. la bourgeoise
-Va, ma vieille, il y en a de plus plain-
dre que nous.
C'est ce Simon Lesaulnier qui, cette nuit-
là, descendant la rue de Rennes et arrivant
à hauteur de l'église de Saint-Germain des
Prés, aperçut une forme noire étendue
sans mouvement sur' les degrés de la
porte.
Qu'est-ce qu'il y a donc *bas ?
En avançant toujours il distinguait vague-
ment les plis d'une jupe tratnant sur les
marches.
Ce n'est pas un. poivrot, c'est une ï--=a-
me. Oh ça se pourrait bien qu'elle fût £U3-
si dans les briidezingues. comme aussi ça
se peut, qu'elle soit malade. ou qu'elle ait
reçu quelque mauvais coup. il y a tant de
malandrins.
Et haussant les épaules il allait continuer
son chemin lorsqu'une nouvelle rafale de
grésil qui lui fouetta le visage vint lui don-
ner un remords.
Si elle n'est pas ir.orte, voilà un temps
à l'achever. On ne peut pas laisser une créa-
de l'écrole d'une circonscription municipale
voisine que de la sienne même.
Les difficultés administrativescompliquent
tout. Les choses les plus simples sont arrê-
tées par des formalités bureaucratiques. On
croit que la monarchie est supprimée en
France c'est une erreur le rond de cuir rè-
gne et gouverne.
Nouvelle Conversation avec M. le Juge d'Ins-
truction Danssos. Le Magistrat est
convaincu de la Culpabilité de Mme Gal-
tié. Criminelle par Inconscience-
Le Vol de l'Argenterie avoué.
(DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL)
Lectoure, 21 septembre.
Avant de quitter Lectoure, il était de mon
devoir d'aller rendre une visite à M. le juge
d'instruction Danssos, auprès duquel j'avais
trouvé à mon arrivée ici, il a quinze jours,
un accueil si aimable et si courtois. Aussi,
n'y ai-je pas manqué, et j'ai tout lieu de m'en
féliciter.
Nous avons fait ensemble, pour ainsi dire,
un résumé général de l'affaire, et si j'avais
pu avoir quelque hésitation bien naturelle au
début, je crois pouvoir dire aujourd'hui,
avec toutes les réserves que peut compor-
ter un semblable jugement, que Mme Galtié
semble plus que jamais coupable d'avoir
empoisonné successivement son mari, sa
grand'mère et son fTère.
Pas de Complice
M. Danssos m'a dit
Vous avez mis en relief bien des points
sur lesquels ma conscience de magistrat
instructeur a hésité pendant longtemps.
Vous avez cherché le complice, et vous vous
êtes demandé si cette jeune femme de vingt.
quatre ans avait pu seule, sans être sugges-
tionnée par quelqu'un, commettre les trois
crimes abamuiables dont elle est plus que
jamais accusée. Ni vous ni moi n'avons rien
trouvé. J'ai la conviction que Rachel Galtié a
agi seule, avec une volonté, une témérité et
une andace qui déconcertent au premier
abord, c'est vrai, ynais qui n'en sont pas
moins réelles.
Un complice l'eût gênée; elle savait par
expérience qu'il ne faut rien confier il. une
amie, voire à un amant. Les amants sont
indiscrets par tempérament
C'est l'ambition, le désir d'occuper une
place plus élevée dans la hiérarchie sociale
qui l'ont perdue, vous le savez déjà.
Le juge me montre de la main un tiroir de
son bureau qu'il a laissé ouvert et dans le-
quel j'aperçois des dossiers qu'il a étiquetés,
numérotés et catalogués. Il ajoute
Elle a avoué le vol Larrieu elle avouera
te resta J'ai là des documents qui sont si
graves, si capitaux qu'ils constituent par leur
nature même des charges accablantes. Cette
malheureuse a fait preuve dune maladresse
telle dans la préparation et dans l'accom-
plissement des trois empoisonnements qui
lui sont reprochés qu'en toute sincérité je me
demande vraiment si elle peut être considé-
rée comme responsable.
Et comme j'allais appuyer, cette thèse, M.
Danesos m'a interrompu
Oh permettrez, la question ne se pose
pas encore mais elle sera très certainement
envisagée. Je ne suis pas médecin, mais je
crois que Mme Gailtié est un sujet patholo-
gique très intéressant à étudier. Je prévois,
d'ailleurs, le moment où la défense me de-
mandera la nominaticn de médecins spécia-
listes pour examiner son état mental, et je
souscrirai volontiers à cette demande.
On ne saurait trop rendre hommage à-
l'impartialité de ce magistrat qui,saisi d'une
affaire des plus délicates, n'a pas hésité à
faire tout son devoir, mais qui, peu soucieux
d'une vaine réclame et n'écoutant que sa
conscience, fournit lui-même et tout le pre-
mier une indication qui pourra peut-être ai-
der à sauver Mme Galtié du terrible châti-
ment qui l'attend, si elle comparait devant
un jury qui la reconnaît coupable.
Dans quelques jours, a conclu le juge,
je commencerai mes interrogatoires sur
jes chefs principaux de l'accusation et je
poserai des questions sur le fond en com-
mençant par chercher à m'éclairer sur les
circonstances dans lesquatles est décédé
Gaston Dupont. J'irai ainsi en remontant,
jusqu'à la mort de M. Galtié.
C'est sur ces paroles que j'ai pris défini-
tivement oongé de M. le juge d'instruction
Danssos.
Second Vol avoué
Agen, 21 septembre.
J'apprends, en passait à Agen que, com-
me c'était à prévoir, Mme Galtié, au cours
d'un interrogatoire que lui a fait subir dans
la soirée le juge d'instruction de Lectoure, a
reconnuqu'elle était l'auteur du vol commis
au préjudice de Mme Héral, la femme du
notaire de Saint-Clar.
Dès que M. Danssos qui, vers cinq heu-
ture humaine couchée sur cette pierre mouil-
lée, que le grésil recouvre déjà'
Il hésita quelques secondes, se balançant
sur ses souliers fertés comme s'il voulait,
tantôt se diriger du côté ce la vieille église,
tantôt continuer tout droit son chemin vers
la rue Bonaparte.
Mais enfin, c'est la compassion qui l'avait
emporté.
Je vais toujours voir d'un peu plus près,
ce que c'est que cette femme qui ne bouge
pas.
Rapidement, il fit les quelques pas qui le
séparaient de la porte de l'église.
C'est bien une femme .toute jeune. et
pâle mais elle est peut-être morte.
Et se baissant avec cette frayeur instinc-
tive qu'inspire toujours la mort, il appela
doucement
Madame. Eh madame.
La femme étendue n'ouvrit pas les yeux,
ne remua pas les lèvres.
Maintenant il avait, avec une émotion
d'angoisse, saisi sa main sans mouvement,
sa main déjà glacée.
Mon Dieu murmura-t-il, qu'elle est froi-
de
Et, plus impérieusement, en la secouant,
pour la réveiller de cette torpeur
Allons, madame, il ne faut pas rester
là.
La femme ne répondit que par un sourd
gémissement.
Mais elle resta immobile et sa main que
Simon venait de lâcher retomba, inerte.
Qu'est-ce qu'elle a, se demandait-il, en
examinant plus attentivement ce visage li-
vide aux yeux fermé, ce visage dont les li-
gnes pures semblaient alourdies par une na-
res, s'était rendu à la maison d'arrêt,
présenté la botte contenant les couverts, elle
répondit immédiatement, après avoir mani-
festé une certaine surprise « C'est moi qui,
en effet, ai pris cette boite, un jour que j'é-
tais en visite chez Mme Héral Je comptais
avoir du monde à dîner et je manquais de
couverts mais j'avais l'intention de le resti-
tuer. Malheureusement, l'occasion ne s'en
est pas présentée.
• Cependant a fait observer le juge, vous
vous sentiez si compromise que vous avez
éprouvé le besoin de raconter ce vol à tou-
tes les personnes que vous connaissiez et
vous ajoutiez même « Cela n'a aucune im-
portance. J'ai chez moi des couverts sem-
blables et ils valent 150 francs tout au plus
Vous avez tenu de semblables propos à dif-
férentes personnes de Saint-Clar, qui igno-
raient le vol commis chez Mme Héral. C'est
vous qui le leur avez appris. Vous vouliez
ainsi éloigner les soupçons qui auraient pu
se porter sur vous ?
Qu'importe a répondu Mme Galtié, j'ai
pris ces couverts. Mon mari ne les a pas
vus, puisqu'au dernier moment nos invités
nous ont fait savoir qu'ils ne pouvaient ve-
nir.
Et si le dîner avait eu lieu, a demandé
le juge, qu'auriez-vous dit à votre mari pour
lui expliquer la présence de ces couverts
qu'il n'avait jamais vus ?
Je lui aurais fait croire tout simple-
ment que je les avais achetés comme une
occasion, et il m'aurait cru sur parole.
Et l'inculpée ajouta
J'aurais désiré lui donner un peu de
luxe dans son intérieur; il aimait tant eela
N'esta pas là, en vérité, l'explication
d'une femme dont l'ambition, servie par une
rare inconscience, ne recule devant rien,
même devant le crime, pour trouver à se sar
tisfaire ?
Le Crime Mx-les-Bains
DEUX FEMMES ÉTRANGLÉES
L'effroyable Tragédie de la viDa Salins.
M™ Eugénie Fougère, l'Artiste, se porte
bien. La Victime est une homonyme.
La Carrière d'une demi-mondaine. Le
danger des Bijoux. Les Coupables
sont toujours inconnus.
En nous apportant hier, un peu 'tardive-
ment, la nouvelle de l'assassinat de Mile
Eugénie Fougère, le télégraphe, cela lui
arrive parfois, faisait une confosion en-
tre la demi-mondaine, bien connue du Tout-
Paris qui s'amuse, et son homonyme, une
artiste dont 1e nom eut les honneurs de la
vedette sur les affiches de différentes scè-
nes de la capitale, concerts et music-hall5.
L'artiste est en bonne santé, revenant en
France après une longue et triomphale tour-
née en Allemagne, en Italie et en Russie.
Homonymie désagréable
Nous l'avons trouvée, hier, non sans
peine, dans l'appartement qu'elle vient de
louer, rue de Dunkerque, et dont elle
surveille l'installation.
Dès les premiers mots, l'artiste s'excuse
de nous recevoir au milieu des peintres et
des tapissiers.
L'erreur commise par les journaux est
d'autant plus compréhensible, nous dit-elle
fort aimablement, d'une voix où vibre l'é-
motion contenue, que maintes fois déjà, en
des circonstances diverses, le nom de la
malheureuse femme qui vient de tomber
sous les coups de lâches assassins fut ac-
colé au mien. Non seulement une homony-
mie bizarre nous rapprochait, mais il n'est
pas jusqu'à une ressemblance physique as-
sez grande qui ne permit la confusion.
EUGÉNIE FOUGÈRE, LA VICTIME
(Photographie faite à Aix-les-Bains, au mois
de juillet 1900.)
Un peu plus grande, plus élancée, mais
les cbeveux noirs comme le jais, le teint
mat, Eugénie Fougère pouvait se faire aisé-
vrante expression d'anéantissement et de
détresse.
Ce n'est pas la figure d'une femme ivre.
C'est plutôt la pâleur d'une pauvre créature
qui est en train de mourir de faim.
Ah misère misère murmurait-il en
essayant maintenant de la soulever, on se
plaint de la vie. Que doivent-ils donc dire,
ceux que le malheur fait tomber, comme cette
femme, sur le pavé de la rue.
Et, tout en s'efforçant de la ranimer
Voyons, madame, aidez-vous un peu.
Reprenez courage. essayez de vous rele-
ver.
Le gémissement, à présent, commençait
à ressembler à des paroles entrecoupées
Laissez-moi. laissez-moi mourir.
Il ne s'agit pas de mourir, ma pauvre
femme, il s'agit de ne pas rester ici. de
faire quelques pas. pour que le sang recom-
mence à circuler. Allons. essayez un peu.
De son bras robuste habitué à soulever les
lourds fardeaux, il l'avait, sans trop de peine,
remise sur ses pieds.
A présent, il l'obligeait en la tenant par le
bras, à se traîner et à faire ainsi quelques
pas chancelants.
Vous voyez. quand on veut, on peut.
Allons marchons encore.
Et la femme entraînée doucement parve-
nait en effet à s'éloigner un peu de ces mar-
ches glacées où elle avait vu la mort de si
près.
Vous n'êtes pas blessée au moins ?.
On ne vous a pas attaquée ?. Vous n'avez
pas reçu quelque mauvais coup?
Non. balbutia-t-elle.
C'est la faim, n'est-ce pas ?.
Je. je ne sais pas. Oh 1 je suis si fa-
tiguée. j'ai tant marché.
ïhënt passer pour mdf-nième. Et la confu-
sion ne lui déplaisait point surtout lorsque
la presse eut consacré mes débuts heureux,
J'avouerai que j'étais au contraire parfois
gênée de cette confusion possible, non pas
par jalousie de femme, mais parce que mon:
amour-propre d'artiste était ainsi mis en
cause. Les directeurs, sans me couvrir d'or,
cela n'est pas dans leurs habitudes, voua
le savez, m'offraient des appointements
suffisants pour assurer mon indépendance
et me permettre de vivre de mon métier.
Nous eûmes, mon homonyme et moi,.
quelques démêlés à ce propos. Une de ces
affaires eut même quelque retentissement.
Ceci se passait à Paris, il y a six ans. Je
sortais du concert de l'Horloge, où j'avais
alors un engagement. La pauvre Marguerite
Duclerc, une étoile disparue, hélas du tir-
mament parisien, qui chantait dans un au-
tre établisseanent des Champs-Elysées,
m'accompagnait, car nous étions quelque
peu voisines.
Rue Royale, près de la place de la Made-
leine, nous croisâmes Eugénie Fougère, qui,
en passant, me décocha un mot mal son-
nant Je suis d'une nature un peu vive
nous le sommes toutes à Bordeaux! la
colère m'empoigna et, d'un bond, la maia
levée, je sautai sur mon homonyme, qui
tourna les talons et s'enfuit.
Je la rejoignais sur le boulevard Malesher-
bas et je crois que, sans souci de nos toilet-
tes, légères et fragiles, nous échangeâmes
quelques coupes de griffe.
Des amis s'interposèrent, heureusement*
et mirent fin au combat, avant que les cho-
ses n'eussent tourné au tragique. Par la'
suite, j'eus fréquemment l'occasion d'enten-
dre parler d'Eugénie Fougère, car l'on conti-
nuait à nous confondre cela donna lieu à
bien des méprises désagréables.
De Confusion en Confusion
Un beau jour, un sac contenant 160,600
francs de bijoux me fut enlevé on crut que
c'étaient ceux de mon homonyme, et l'on en
publia une description, qui ne ressemblait en
rien à la vérité. J'étais une fois encore vic-
time de la confusion. J'avais un faible pour
les brillants, tandis qu'Eugénie Fougère leur
préférait la perle une. Dans la nomencla-
ture des bijoux volés par les assassins, il est
fait mention de boutons d'oreille en brillants
dont le signalement est de tous points con-
forme à ceux que je possède.
EUGÉNIE FOUGÈRE
(L'artiste.)
Et, il en fut toujours de même. En revan-
che, il est vrai que les journaux lui attri-
buent, aujourd'hui, une fugue avec Jeffries,
le boxeur américain, à cette époque en re-
présentation aux Folies-Marigny, et que le
hasard d'un engagement me fit accompagner
quelques mois plus tard aux Etats-Unis,
alors que mon homonyme filait elle-même le
parfait amour avec un richissime Brésilien,
qu'elle quitta pour rentrer en France, cou-
verte de joyaux merveilleux.
En ces dernières années, nous avions con-
clu sinon une paix complète, du moins une
trêve tacite. Un soir, Eugénie Tougère, ac-
compagnée du directeur d'un grand journal
de Saint-Pétersbourg, son ami, vint m'ap-
plaudir aux Folies-Bergères et me fit des
compliments chaleureux. Je la retrouvai à
quelque temps de là à Nice, à Monte-Carlo,
à Luchon, où elle fréquentait les salles de
jeu, toujours très entourée, vivant dans un
luxe inouï, arborant des toilettes superbes.
Sur ces entrefaites, je quittai Paris il y a
quatorze mois environ pour entreprendre
une grande tournée dans l'Europe occiden-
tale. Mais le spleen s'est emparé de moi, la
capitale que fadore me manquait et je re-
viens à la conquête des seuls applaudisse-,
ments que j'ambitionne maintenant Il y a'
quatre jours, j'ai rejoint ici ma sœur et mon
beau-frère qui m'ont, jusqu'à nouvel ordre,
accordé l'hospitalité. C'est an milieu d'eux
Et, comme si la mémoire lui revenait en
ce moment, elle s'interrompit, étouffée par
un rauque sanglot.
Ce n'est qu'une faiblesse de larsitnde,
de faim et de froid, pensait Sinon. Elle a
besoin de quelques cuillerée de bouillon et
d'un coin pour dormir à l'abri du mauvais
temps.
Et, tout de suite, il se posa cette question
Où est-ce que je vais lui trouver ça?
Trois heures du matin. tout est herméti-
quement fermé dans ce quartier paisible.
où aller
Cette femme n'était pas une ronïense de
nuit. Les quelques mots qu elle avait balbu-
tiés, les vêtements dont il apprécia;t bien la
finesse et la recherche. ces psntoaSes aus
pieds, ces cheveux maintenant épars, tout
indiquait qu'il y avait eu dans l'existence de
cette malheureuse un drame soudain, une
catastrophe inattendue.
Elle s'était trouvée dans la rue, sans
avoir seulement le temps de chausser «t
de se mettre un chapeau. Cétait un coup
de désespoir ou un coup de folie. Deraain,
après quelques heures de repos, elle recou-
vrerait le calme et la raison.
Et si, comme il en était sar, cette ten-
me appartenait a une bonne famille-- sli y
avait dans cette bizarre aventure, un mal-
heur intime. il ne fallait pas aggraver
core ce malheur en y ajoutant du r ndale.
C'est pour cela que l'idée dont il avait et%
tout d'abord hanté, l'idée de la conduire M
poste le plus voisin, il y renonçait dëjà.
Mettre la police là dedans, non, ça œ«
me convient pas.
Et comme S'il prenait tout à cn«p ura* ré-
solution depuis quelques instants «ttowaltoa
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Le Petit Parisien
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GRAND ROMAN INÉDIT
Par JULES MARY
Photographie Jiieiaire
Il est partout, le photographe. Ama-
teur ou professionnel, agent d'enquête
policière ou reporter désireux de se do-
cumenter par l'image, il court le mon-
de, armé de son appareil perfectionné
qui en une seconde lui sert à surprendre
ses contemporains dans toutes leurs po-
ses et sous tous leurs aspects.
Coup sur coup, nous venons de le voir
apparaître en justice apportant au tri-
bunal surpris le précieux concours de
son témoignage. Cette scène se passait,
dl y a quelques jours, chez Mme Thémis
Prévenu, disait le juge, vous main-
tenez n'avoir jamais connu, jamais ren-
contré votre coaccusé ici présent. Vous
affirmez qu'il est un étranger pour vous.
Oui, monsieur le président.
Qu'avez-vous à répondre au témoi-
gnage de l'agent qui vous a arrêté?
Et l'agent s'approche de la barre, un
Instantané à la main. Non seulement il
dénonce la rencontre que ses yeux ont
vue, mais il prouve, en exhibant son cli-
ché, la complicité des accusés. La dé-
2nonstration est si accablante pour eux,
que c'est la tête basse, sans trouver un
mot pour leur défense, qu'ils écoutent la
.condamnation qui les frappe.
Le détective parisien manie aujour-
d'hui très allègrement dans ses équipées
le petit appareil enregistreur dont on l'a
pourvu et qui n'excède pas le volume
d'une lorgnette de théâtre. On dirait
d'un flâneur occupé à fixer sur la plaque
eensible les divers épisodes de la vie nu-
blique. Et nul ne suppose, en le voyant
,opérer à coups d'objectif, qu'il récolte
îles scènes vécues, souvent violemment
indiscrètes;- dont il illustrera ses dossiers
etses rapports.
Les services que la photographie a
fciéjà rendus à la justice sont notoires. Il
lest arrivé même que de simples ama-
teurs, en photographiant des foules, ont'
Sfoumi sans s'en douter, à la magistra-
ture des éléments d'accusation absolu-
aneot inattendus. Je rappellerai, entre
jautres, la saisissante reproduction qui
•iut faite par le cinématographe de la
multitude qui entourait à Buffalo le pré-
isident Mac-Kinley au moment même où
son assassin s'efforçait de s'approcher de
ihji. L'examen attentif de la scène vi-
'wante 8jinsi surprise, où l'on voyait
gaz s'avancer résolument vers sa
ivÏGjUiae lotit, en semblant chercher quel-
iiagissait de connivence avec lui, fit
croire que l'anarchiste avait des comnli-
ces et longtemps la police américaine
iB'occupa de les rechercher.
On sait qu'une photographie non moins
célèbre nous montre l'empereur d'Aller
tnagne assailli dans son landau par une
]folle qui brandissait une hachette. Il va
Sans dire que les amateurs qui prirent
tees instantanés sensationnels n'avaient
tpas été avisés de l'instant où ces drames
Seyaient survenir. C'est le hasard qui les
!8t braquer leur appareil à la minute pré-
œise où se perpétraient ces attentats.
Mais ces coïncidences ne nous donnent-
telles pas une curieuse idée du nombre
et de l'activité de ces photographes qui
partout savent se poster aux bons en-
üroits dans la chasse qu'ils font à l'actua-
lité palpitante ?
Leur hardiesse leur bravoure, di-
!fais-je est indéniable. Ils ont le feu sa-
cré. On les a vus se glisser jusque dans
les prétoires. Ils se firent expulser du pa-
lais de justice lors de la revision du pro-
Ne 45. Feuilleton du PETIT Parisien.
LA NAUFRAGÉE
GRAND ROMAN INEDIT
s DEUXIÈME PARTIE
JLE. SECRET DE PEYRADE
XV (suite)
Simon Lesaulnier
Et pourtant il aurait bien aimé avoir un
metit cet humble travailleur, ce résigné au
cœur courageux qui n énumérait les difficul-
lés de sa rude vie que pour arriver à les
eurmonter, comme il les surmontait depuis
de longues années, oui il aurait ardem-
pnent désiré un enfant.
Un gosse i. un crapaud qui vccs court
ientre les jambes quand vous rent: à la
maison. un polisson qui fait endêver sa
anère pendant que le père rigole sans en avoir
l'air. Oui, c'aurait été une grande joie.
Et cependant en raisonnant bien, avec la
femme si souvent incapable de travailler, il
[valait peut-être encore mieux que le bon Dieu
leur eût refusé cela.
Et il disait mélancoliquement
Oui, il faut se consoler en pensant que
motre morceau de pain, pour deux, est déjà
pieu mince. iJais, c'est égal, ça ne doit pas
être si dur que ça de crever un peu de faim,
iquand on ne se sort la becquée de la bouche,
£ue pour la donner au petit qu'on a fait.
cès Dreyfus. Mais dans une affaire à (
peine moins retentissante, un magistrat 1
éminent, le premier président Périvier,
les agréa, se contentant de murmurer 1
« Ah, ces gaillards, ils ne doutent de 1
rien » (
Niez après cela le rôle social de la pho- ?
tographie. Il est immense, simplement. c
Les cartes postales sont là pour le prou- E
ver. Mais c'est surtout en matière de t
constat, d'expertise et d'identification (
qu'il a la portée la plus haute. « La 1
photographie est devenue la mémoire ]
artificielle de l'humanité et l'enregis- i
treur automatique et impartial des évé- (
nements, nous dit le docteur Reiss dans <
la belle étude qu'il vient de consacrer à 1
la photographie judiciaire et à ses me- i
thodes les plus récentes. Ce sont ces i
deux facultés qui intéressent tout spécia- ]
lement la criminalité. » Il est hors de
doute que pour l'instruction des causes
criminelles le juge ne saurait plus se
passer d'une aussi utile collaboratrice.
C'est elle qui, dans les descentes de jus-
tice, fixe l'aspect du lieu où un crime a
été commis, relève la position du cada- i
vre, les traces d'effraction, les emprein- j
tes des pas, les marques des doigts en-
sanglantes, les mille détails qui çircons-
tancient le meurtre. Il n'est si léger in-
dice qui ne doive être remarqué et com-
menté en de semblables enquêtes lors-
qu'il s'agit de découvrir un meurtrier.
Que devenait autrefois, livré à ses seu-
les facultés d'observation, le magistrat
appelé à faire une constatation judi-
ciaire? Il se contentait d'observer les in-
dices qui le frappaient le plus, en négli-
geant d'autres moins apparents, mais
plus importants peut-être, dont il ne gar-
dait qu'un imparfait souvenir. Aujour-
d'hui, l'appareil enregistreur dont il se
sert voit tout et enregistre tout, comme
le dit très bien le docteur Reiss, et c'est
la scène tragique dans toute sa réalité
d'horreur, avec ses moindres circonstan-
ces rrue le juge conserve sous les yeux
aussi longtemps qu'il mène son enquête,
grâce à la reconstitution permanente du
constat que lui assure une bonne photo-
graphie.
Naguère encore, on ne songeait pas à
recueillir les traces des lignes papillaires
de la peau de ses doigts qu'un assassin
pouvait avoir laissées sur le vernis d'un
meuble ou la surface d'un verre. Cette
recherche est de règle maintenant, et
plus d'une fois elle a permis de décou-
vrir le coupable de la manière la plus
imprévue. M. Bertillon, l'habile chef de
notre service d'identité judiciaire, qui
est chez nous l'instigateur de cette mé-
thode de recherche, trouva sans peine,
l'année dernière, grâce à elle, la piste
d'un individu qui avait assassiné un gar-
çon dentiste. Au cours des perquisitions
qui furent faites à propos de ce crime,
il ramassa les débris d'une glace portant
des empreintes de doigts. Il les agrandit
par la photographie, puis, comparant les
lignes obtenues avec les empreintes di-
gitales des fiches de son service, il re-
marqua que des lignes identiques se
trouvaient dans le signalement d'un
malfaiteur déjà mensuré par ce service.
C'était le meurtrier.
Q,ue de cas encore où l'expert et le mé-
decin légiste ont recours à la photogra-
phie pour faire apparaître très distinc-
tement des choses qu'on ne verrait pas
d'une autre manière
Tout le mécanisme d'un faux en écri-
ture apparaîtra distinct, indéniable par
l'emploi de la photographie. Une lettre,
dont le témoignage est des plus graves,
a été brûlée mais sur ses feuillets calci-
nés se remarquent encore des reflets d'é-
criture. C'est la photographie encore qui
fera renaître de ses cendres le document
perdu. C'est elle qui nous montrera d'é-
videntes traces de sang sur un linge que
des intéressés ont soigneusement lavé,
pensant détruire la preuve d'un crime.
C'est la photographie de l'invisible.
Vous souvenez-vous de ce savant qui
vint présenter à l'Académie des sciences
une note et des coupes photographiques
qui révélaient l'existence dans certains
terrains houillers de microbes fossilisés
datant des temps préhistoriques 1 Au
moyen du spectroscope et de la micro-
photographie, un expert berlinois, le
C'est à tout cela que pensait en regagnant
son logis une chambre sous les toits dans
la rue Bonaparte, l'homme qui arrivait
au fond de la rue de Rennes.
Il se nommait Simon Lesaulnier. Il avait
passé la quarantaine.
Depuis bientôt vingt ans il était homme
d'équipe au Chemin de fer de l'Ouest
Voilà dix ans qu'il était attaché au service
de la gare de Montparnasse.
Bon travailleur, d'une adresse et d'une in-
telligence simplement ordinaires, sachant
assez mal lire, encore plus mal écrire,
il comprenait bien qu'il ne pouvait pas arri-
ver plus haut, et il se résignait.
Sa femme, Véronique, une payse,
était venue avec lui de leur province, quand
il avait accepté ce poste à Paris, s'imaginant
que cent francs par mois, c'était la fortune,
ici, comme quatre-vingt francs, c'était l'ai-
sance dans leur petite station, un peu plus
loin que Versailles.
Ah! il avait vite fallu déchanter.
Mais voilà en arrivant, Véronique avait
trouvé de l'ouvrage, ça n'avait pas trop mal
marché pour commencer. on s'était dé-
cidé à faire venir les quatre meubles qu'on
possédail On avait tout installé dans cette
chambre, sous les toits, dans la rue Bona-
parte, tout près de la gare où Simon avait
son travail. et puis on s'était habitué.
On s'était habitué à cette vie de dur la-
beur, de rudes privations, mais aussi de
mouvement et de bruit qu'on ne trouve qu'à
Paris. et dont on ne peut plus se passer
quand on l'a vécue.
Au moins, à son chemin de fer ne redou-
tait-il pas le chômage. L'appointement tom-
bait à jour fixe.
Ah si la femme avait pu travailler régu-
docteur Jeserich, a fait mieux encore.
Une maison de Berlin avait été détruite
par le feu, et l'on trouva dans les décom-
bres le cadavre à demi-carbonisé du pro-
priétaire. Il y avait lieu de présumer
qu'un meurtre avait été commis. Il s'a-
gissait donc de rechercher si celui dont
on avait recueilli les restes avait été
étouffé par les flammes ou s'il avait été
tué avant l'incendie. Le docteur Jeserich
estima que dans la première hypothèse,
le sang examiné au spectroscope devait
présenter les caractères d'un sang qui a
absorbé de l'oxyde de carbone. Il fit son
expertise avec quelques gouttes de sang
qui se trouvaient encore dans le cœur de
la victime et il put établir que la mort
ne provenait pas d'une asphyxie. En
même temps, il fit tirer une épreuve
photographique de l'examen spectrosco-
pique qui joua aux débats un rôle im-
portant. C'était la preuve non seulement
affirmée à l'audience, mais encore pla-
cée, sous une forme concrète, sous les
yeux des juges.
Le nombre des causes civiles et crimi-
nelles s'accroît sans cesse, où la photo-
graphie seconde aujourd'hui le juge
d'instruction. Des expériences nouvelles
viennent, chaque jour, pour ainsi dire,
augmenter les applications de cette in-
vention dans les sciences qui s'en ser-
vent comme d'un merveilleux instru-
ment de constat et de perception mis à
leur disposition. La justice fait comme
elles et sait en apprécier les bienfaits.
Elle lui doit d'inappréciables progrès,
qui, associés à ses moyens d'action, ai-
deront de plus en plus à rectifier l'image
de duègne au pied boiteux sous laquelle
Thémis nous apparaît encore.
JEAN FROLLO
Faits du Jour
HIER
M. Loubet s'est rendu à 'Rambouillet
où il doit passer quelques jours.
Le congrès de l'Institut international
de statistique s'est ouvert à Berlin.
̃•– D'après certaines informrttions de Tan-
ger, le sultan du Maroc aurait remporté une
gsande victoire sur le fr étendant.
Dans une usine de caoutchouc, à Pu-
teaux, un ouvrier à poignardé un contremaître
par vengeance.
*"•» Une explosion de gaz s'est produite rue
de Varemtes, blessant quatre ouvriers.
LA DES CLASSES
La rentrée des classes de renseignement
primaire est prochaine. Elle présentera cette
année un intérêt particulier, par suite de la
fermetune des établissements scolaires con-
gréganistes, dont les élèves vont refluer dans
les écoles laïques.
On verra alors forcément s'établir une com-
paraison entre les enfants du méme âge pro-
venant des écoles religieuses et ceux qui ont
toujours suivi les cours des Ecoles de 1 État.
Ce sera sinon la propagande, du moins l'é-
preuve par le fait. Au point de vue de la cul-
ture inMlectaielle, on aura une pierre de tou-
che.
U semble que chacun, quelles que soient
les idées qu'il professe, devra porter un
grand intérêt à cette comparaison, dont les
résultats fourniront des arguments sérieux.
A propos de la réouverture des écoles, une
question se pose également devant l'esprit,
lorsqu'il s'agit des grandes villes et de Paris
en particulier.
Dans les quartiers popuLeux, habités par
la classe ouvrière, les écoles regorgent d'en-
fants, à ce point qu'un certain nombre d'en-
tre eux ne peuvent y être admis, faute de
place, malgré la loi prescrivant des pénalités
contre les parents qui ne se conforment pas
aux prescriptions de l'enseignement obliga-
toire.
En revanche, dans les quartiers du centre,
où la population est moins dense, il y a des
vides dans les écoles publiques. Néanmoins
on se refuse à y admettre des enfants logés
dans un autre arrondissement.
Ces douanes intérieures, dans les grandes
citées, ne sont pas explicables. Sans doute
on ne peut pas faire faire à des enfants des
courses considérables, s'ils habitent loin;
mais souvent, grâce au découpement en ar-
rondissements, une famille habite plus près
lièrement, on se serait encore tiré d'affaires
en mettant quelques sous de côté pour plus
tard.
Mais il ne pesait pas lourd, le livret de la
caisse d'épargne, où il y avait bien cepen-
dant quelques centaines de francs économi-
sés, Dieu sait comme, par Véronique.
En somme Simon Lesaulnier et sa brave
femme étaient bien pauvres, bien petits
humbles travailleurs perdus dans le brou-
haha de la gigantesque fourmilière de Paris.
Mais ils n'étaient pas de ceux qu'on voit pas-
ser, le cœur saisi d'une angoisse de pitié.
Et comme il le disait à l'occasion pour re-
monter le moral il. la bourgeoise
-Va, ma vieille, il y en a de plus plain-
dre que nous.
C'est ce Simon Lesaulnier qui, cette nuit-
là, descendant la rue de Rennes et arrivant
à hauteur de l'église de Saint-Germain des
Prés, aperçut une forme noire étendue
sans mouvement sur' les degrés de la
porte.
Qu'est-ce qu'il y a donc *bas ?
En avançant toujours il distinguait vague-
ment les plis d'une jupe tratnant sur les
marches.
Ce n'est pas un. poivrot, c'est une ï--=a-
me. Oh ça se pourrait bien qu'elle fût £U3-
si dans les briidezingues. comme aussi ça
se peut, qu'elle soit malade. ou qu'elle ait
reçu quelque mauvais coup. il y a tant de
malandrins.
Et haussant les épaules il allait continuer
son chemin lorsqu'une nouvelle rafale de
grésil qui lui fouetta le visage vint lui don-
ner un remords.
Si elle n'est pas ir.orte, voilà un temps
à l'achever. On ne peut pas laisser une créa-
de l'écrole d'une circonscription municipale
voisine que de la sienne même.
Les difficultés administrativescompliquent
tout. Les choses les plus simples sont arrê-
tées par des formalités bureaucratiques. On
croit que la monarchie est supprimée en
France c'est une erreur le rond de cuir rè-
gne et gouverne.
Nouvelle Conversation avec M. le Juge d'Ins-
truction Danssos. Le Magistrat est
convaincu de la Culpabilité de Mme Gal-
tié. Criminelle par Inconscience-
Le Vol de l'Argenterie avoué.
(DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL)
Lectoure, 21 septembre.
Avant de quitter Lectoure, il était de mon
devoir d'aller rendre une visite à M. le juge
d'instruction Danssos, auprès duquel j'avais
trouvé à mon arrivée ici, il a quinze jours,
un accueil si aimable et si courtois. Aussi,
n'y ai-je pas manqué, et j'ai tout lieu de m'en
féliciter.
Nous avons fait ensemble, pour ainsi dire,
un résumé général de l'affaire, et si j'avais
pu avoir quelque hésitation bien naturelle au
début, je crois pouvoir dire aujourd'hui,
avec toutes les réserves que peut compor-
ter un semblable jugement, que Mme Galtié
semble plus que jamais coupable d'avoir
empoisonné successivement son mari, sa
grand'mère et son fTère.
Pas de Complice
M. Danssos m'a dit
Vous avez mis en relief bien des points
sur lesquels ma conscience de magistrat
instructeur a hésité pendant longtemps.
Vous avez cherché le complice, et vous vous
êtes demandé si cette jeune femme de vingt.
quatre ans avait pu seule, sans être sugges-
tionnée par quelqu'un, commettre les trois
crimes abamuiables dont elle est plus que
jamais accusée. Ni vous ni moi n'avons rien
trouvé. J'ai la conviction que Rachel Galtié a
agi seule, avec une volonté, une témérité et
une andace qui déconcertent au premier
abord, c'est vrai, ynais qui n'en sont pas
moins réelles.
Un complice l'eût gênée; elle savait par
expérience qu'il ne faut rien confier il. une
amie, voire à un amant. Les amants sont
indiscrets par tempérament
C'est l'ambition, le désir d'occuper une
place plus élevée dans la hiérarchie sociale
qui l'ont perdue, vous le savez déjà.
Le juge me montre de la main un tiroir de
son bureau qu'il a laissé ouvert et dans le-
quel j'aperçois des dossiers qu'il a étiquetés,
numérotés et catalogués. Il ajoute
Elle a avoué le vol Larrieu elle avouera
te resta J'ai là des documents qui sont si
graves, si capitaux qu'ils constituent par leur
nature même des charges accablantes. Cette
malheureuse a fait preuve dune maladresse
telle dans la préparation et dans l'accom-
plissement des trois empoisonnements qui
lui sont reprochés qu'en toute sincérité je me
demande vraiment si elle peut être considé-
rée comme responsable.
Et comme j'allais appuyer, cette thèse, M.
Danesos m'a interrompu
Oh permettrez, la question ne se pose
pas encore mais elle sera très certainement
envisagée. Je ne suis pas médecin, mais je
crois que Mme Gailtié est un sujet patholo-
gique très intéressant à étudier. Je prévois,
d'ailleurs, le moment où la défense me de-
mandera la nominaticn de médecins spécia-
listes pour examiner son état mental, et je
souscrirai volontiers à cette demande.
On ne saurait trop rendre hommage à-
l'impartialité de ce magistrat qui,saisi d'une
affaire des plus délicates, n'a pas hésité à
faire tout son devoir, mais qui, peu soucieux
d'une vaine réclame et n'écoutant que sa
conscience, fournit lui-même et tout le pre-
mier une indication qui pourra peut-être ai-
der à sauver Mme Galtié du terrible châti-
ment qui l'attend, si elle comparait devant
un jury qui la reconnaît coupable.
Dans quelques jours, a conclu le juge,
je commencerai mes interrogatoires sur
jes chefs principaux de l'accusation et je
poserai des questions sur le fond en com-
mençant par chercher à m'éclairer sur les
circonstances dans lesquatles est décédé
Gaston Dupont. J'irai ainsi en remontant,
jusqu'à la mort de M. Galtié.
C'est sur ces paroles que j'ai pris défini-
tivement oongé de M. le juge d'instruction
Danssos.
Second Vol avoué
Agen, 21 septembre.
J'apprends, en passait à Agen que, com-
me c'était à prévoir, Mme Galtié, au cours
d'un interrogatoire que lui a fait subir dans
la soirée le juge d'instruction de Lectoure, a
reconnuqu'elle était l'auteur du vol commis
au préjudice de Mme Héral, la femme du
notaire de Saint-Clar.
Dès que M. Danssos qui, vers cinq heu-
ture humaine couchée sur cette pierre mouil-
lée, que le grésil recouvre déjà'
Il hésita quelques secondes, se balançant
sur ses souliers fertés comme s'il voulait,
tantôt se diriger du côté ce la vieille église,
tantôt continuer tout droit son chemin vers
la rue Bonaparte.
Mais enfin, c'est la compassion qui l'avait
emporté.
Je vais toujours voir d'un peu plus près,
ce que c'est que cette femme qui ne bouge
pas.
Rapidement, il fit les quelques pas qui le
séparaient de la porte de l'église.
C'est bien une femme .toute jeune. et
pâle mais elle est peut-être morte.
Et se baissant avec cette frayeur instinc-
tive qu'inspire toujours la mort, il appela
doucement
Madame. Eh madame.
La femme étendue n'ouvrit pas les yeux,
ne remua pas les lèvres.
Maintenant il avait, avec une émotion
d'angoisse, saisi sa main sans mouvement,
sa main déjà glacée.
Mon Dieu murmura-t-il, qu'elle est froi-
de
Et, plus impérieusement, en la secouant,
pour la réveiller de cette torpeur
Allons, madame, il ne faut pas rester
là.
La femme ne répondit que par un sourd
gémissement.
Mais elle resta immobile et sa main que
Simon venait de lâcher retomba, inerte.
Qu'est-ce qu'elle a, se demandait-il, en
examinant plus attentivement ce visage li-
vide aux yeux fermé, ce visage dont les li-
gnes pures semblaient alourdies par une na-
res, s'était rendu à la maison d'arrêt,
présenté la botte contenant les couverts, elle
répondit immédiatement, après avoir mani-
festé une certaine surprise « C'est moi qui,
en effet, ai pris cette boite, un jour que j'é-
tais en visite chez Mme Héral Je comptais
avoir du monde à dîner et je manquais de
couverts mais j'avais l'intention de le resti-
tuer. Malheureusement, l'occasion ne s'en
est pas présentée.
• Cependant a fait observer le juge, vous
vous sentiez si compromise que vous avez
éprouvé le besoin de raconter ce vol à tou-
tes les personnes que vous connaissiez et
vous ajoutiez même « Cela n'a aucune im-
portance. J'ai chez moi des couverts sem-
blables et ils valent 150 francs tout au plus
Vous avez tenu de semblables propos à dif-
férentes personnes de Saint-Clar, qui igno-
raient le vol commis chez Mme Héral. C'est
vous qui le leur avez appris. Vous vouliez
ainsi éloigner les soupçons qui auraient pu
se porter sur vous ?
Qu'importe a répondu Mme Galtié, j'ai
pris ces couverts. Mon mari ne les a pas
vus, puisqu'au dernier moment nos invités
nous ont fait savoir qu'ils ne pouvaient ve-
nir.
Et si le dîner avait eu lieu, a demandé
le juge, qu'auriez-vous dit à votre mari pour
lui expliquer la présence de ces couverts
qu'il n'avait jamais vus ?
Je lui aurais fait croire tout simple-
ment que je les avais achetés comme une
occasion, et il m'aurait cru sur parole.
Et l'inculpée ajouta
J'aurais désiré lui donner un peu de
luxe dans son intérieur; il aimait tant eela
N'esta pas là, en vérité, l'explication
d'une femme dont l'ambition, servie par une
rare inconscience, ne recule devant rien,
même devant le crime, pour trouver à se sar
tisfaire ?
Le Crime Mx-les-Bains
DEUX FEMMES ÉTRANGLÉES
L'effroyable Tragédie de la viDa Salins.
M™ Eugénie Fougère, l'Artiste, se porte
bien. La Victime est une homonyme.
La Carrière d'une demi-mondaine. Le
danger des Bijoux. Les Coupables
sont toujours inconnus.
En nous apportant hier, un peu 'tardive-
ment, la nouvelle de l'assassinat de Mile
Eugénie Fougère, le télégraphe, cela lui
arrive parfois, faisait une confosion en-
tre la demi-mondaine, bien connue du Tout-
Paris qui s'amuse, et son homonyme, une
artiste dont 1e nom eut les honneurs de la
vedette sur les affiches de différentes scè-
nes de la capitale, concerts et music-hall5.
L'artiste est en bonne santé, revenant en
France après une longue et triomphale tour-
née en Allemagne, en Italie et en Russie.
Homonymie désagréable
Nous l'avons trouvée, hier, non sans
peine, dans l'appartement qu'elle vient de
louer, rue de Dunkerque, et dont elle
surveille l'installation.
Dès les premiers mots, l'artiste s'excuse
de nous recevoir au milieu des peintres et
des tapissiers.
L'erreur commise par les journaux est
d'autant plus compréhensible, nous dit-elle
fort aimablement, d'une voix où vibre l'é-
motion contenue, que maintes fois déjà, en
des circonstances diverses, le nom de la
malheureuse femme qui vient de tomber
sous les coups de lâches assassins fut ac-
colé au mien. Non seulement une homony-
mie bizarre nous rapprochait, mais il n'est
pas jusqu'à une ressemblance physique as-
sez grande qui ne permit la confusion.
EUGÉNIE FOUGÈRE, LA VICTIME
(Photographie faite à Aix-les-Bains, au mois
de juillet 1900.)
Un peu plus grande, plus élancée, mais
les cbeveux noirs comme le jais, le teint
mat, Eugénie Fougère pouvait se faire aisé-
vrante expression d'anéantissement et de
détresse.
Ce n'est pas la figure d'une femme ivre.
C'est plutôt la pâleur d'une pauvre créature
qui est en train de mourir de faim.
Ah misère misère murmurait-il en
essayant maintenant de la soulever, on se
plaint de la vie. Que doivent-ils donc dire,
ceux que le malheur fait tomber, comme cette
femme, sur le pavé de la rue.
Et, tout en s'efforçant de la ranimer
Voyons, madame, aidez-vous un peu.
Reprenez courage. essayez de vous rele-
ver.
Le gémissement, à présent, commençait
à ressembler à des paroles entrecoupées
Laissez-moi. laissez-moi mourir.
Il ne s'agit pas de mourir, ma pauvre
femme, il s'agit de ne pas rester ici. de
faire quelques pas. pour que le sang recom-
mence à circuler. Allons. essayez un peu.
De son bras robuste habitué à soulever les
lourds fardeaux, il l'avait, sans trop de peine,
remise sur ses pieds.
A présent, il l'obligeait en la tenant par le
bras, à se traîner et à faire ainsi quelques
pas chancelants.
Vous voyez. quand on veut, on peut.
Allons marchons encore.
Et la femme entraînée doucement parve-
nait en effet à s'éloigner un peu de ces mar-
ches glacées où elle avait vu la mort de si
près.
Vous n'êtes pas blessée au moins ?.
On ne vous a pas attaquée ?. Vous n'avez
pas reçu quelque mauvais coup?
Non. balbutia-t-elle.
C'est la faim, n'est-ce pas ?.
Je. je ne sais pas. Oh 1 je suis si fa-
tiguée. j'ai tant marché.
ïhënt passer pour mdf-nième. Et la confu-
sion ne lui déplaisait point surtout lorsque
la presse eut consacré mes débuts heureux,
J'avouerai que j'étais au contraire parfois
gênée de cette confusion possible, non pas
par jalousie de femme, mais parce que mon:
amour-propre d'artiste était ainsi mis en
cause. Les directeurs, sans me couvrir d'or,
cela n'est pas dans leurs habitudes, voua
le savez, m'offraient des appointements
suffisants pour assurer mon indépendance
et me permettre de vivre de mon métier.
Nous eûmes, mon homonyme et moi,.
quelques démêlés à ce propos. Une de ces
affaires eut même quelque retentissement.
Ceci se passait à Paris, il y a six ans. Je
sortais du concert de l'Horloge, où j'avais
alors un engagement. La pauvre Marguerite
Duclerc, une étoile disparue, hélas du tir-
mament parisien, qui chantait dans un au-
tre établisseanent des Champs-Elysées,
m'accompagnait, car nous étions quelque
peu voisines.
Rue Royale, près de la place de la Made-
leine, nous croisâmes Eugénie Fougère, qui,
en passant, me décocha un mot mal son-
nant Je suis d'une nature un peu vive
nous le sommes toutes à Bordeaux! la
colère m'empoigna et, d'un bond, la maia
levée, je sautai sur mon homonyme, qui
tourna les talons et s'enfuit.
Je la rejoignais sur le boulevard Malesher-
bas et je crois que, sans souci de nos toilet-
tes, légères et fragiles, nous échangeâmes
quelques coupes de griffe.
Des amis s'interposèrent, heureusement*
et mirent fin au combat, avant que les cho-
ses n'eussent tourné au tragique. Par la'
suite, j'eus fréquemment l'occasion d'enten-
dre parler d'Eugénie Fougère, car l'on conti-
nuait à nous confondre cela donna lieu à
bien des méprises désagréables.
De Confusion en Confusion
Un beau jour, un sac contenant 160,600
francs de bijoux me fut enlevé on crut que
c'étaient ceux de mon homonyme, et l'on en
publia une description, qui ne ressemblait en
rien à la vérité. J'étais une fois encore vic-
time de la confusion. J'avais un faible pour
les brillants, tandis qu'Eugénie Fougère leur
préférait la perle une. Dans la nomencla-
ture des bijoux volés par les assassins, il est
fait mention de boutons d'oreille en brillants
dont le signalement est de tous points con-
forme à ceux que je possède.
EUGÉNIE FOUGÈRE
(L'artiste.)
Et, il en fut toujours de même. En revan-
che, il est vrai que les journaux lui attri-
buent, aujourd'hui, une fugue avec Jeffries,
le boxeur américain, à cette époque en re-
présentation aux Folies-Marigny, et que le
hasard d'un engagement me fit accompagner
quelques mois plus tard aux Etats-Unis,
alors que mon homonyme filait elle-même le
parfait amour avec un richissime Brésilien,
qu'elle quitta pour rentrer en France, cou-
verte de joyaux merveilleux.
En ces dernières années, nous avions con-
clu sinon une paix complète, du moins une
trêve tacite. Un soir, Eugénie Tougère, ac-
compagnée du directeur d'un grand journal
de Saint-Pétersbourg, son ami, vint m'ap-
plaudir aux Folies-Bergères et me fit des
compliments chaleureux. Je la retrouvai à
quelque temps de là à Nice, à Monte-Carlo,
à Luchon, où elle fréquentait les salles de
jeu, toujours très entourée, vivant dans un
luxe inouï, arborant des toilettes superbes.
Sur ces entrefaites, je quittai Paris il y a
quatorze mois environ pour entreprendre
une grande tournée dans l'Europe occiden-
tale. Mais le spleen s'est emparé de moi, la
capitale que fadore me manquait et je re-
viens à la conquête des seuls applaudisse-,
ments que j'ambitionne maintenant Il y a'
quatre jours, j'ai rejoint ici ma sœur et mon
beau-frère qui m'ont, jusqu'à nouvel ordre,
accordé l'hospitalité. C'est an milieu d'eux
Et, comme si la mémoire lui revenait en
ce moment, elle s'interrompit, étouffée par
un rauque sanglot.
Ce n'est qu'une faiblesse de larsitnde,
de faim et de froid, pensait Sinon. Elle a
besoin de quelques cuillerée de bouillon et
d'un coin pour dormir à l'abri du mauvais
temps.
Et, tout de suite, il se posa cette question
Où est-ce que je vais lui trouver ça?
Trois heures du matin. tout est herméti-
quement fermé dans ce quartier paisible.
où aller
Cette femme n'était pas une ronïense de
nuit. Les quelques mots qu elle avait balbu-
tiés, les vêtements dont il apprécia;t bien la
finesse et la recherche. ces psntoaSes aus
pieds, ces cheveux maintenant épars, tout
indiquait qu'il y avait eu dans l'existence de
cette malheureuse un drame soudain, une
catastrophe inattendue.
Elle s'était trouvée dans la rue, sans
avoir seulement le temps de chausser «t
de se mettre un chapeau. Cétait un coup
de désespoir ou un coup de folie. Deraain,
après quelques heures de repos, elle recou-
vrerait le calme et la raison.
Et si, comme il en était sar, cette ten-
me appartenait a une bonne famille-- sli y
avait dans cette bizarre aventure, un mal-
heur intime. il ne fallait pas aggraver
core ce malheur en y ajoutant du r ndale.
C'est pour cela que l'idée dont il avait et%
tout d'abord hanté, l'idée de la conduire M
poste le plus voisin, il y renonçait dëjà.
Mettre la police là dedans, non, ça œ«
me convient pas.
Et comme S'il prenait tout à cn«p ura* ré-
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