Titre : La Rampe : revue des théâtres, music-halls, concerts, cinématographes / Georges Schmitt, directeur-rédacteur en chef ; Bernard de Puybelle, directeur-administratateur
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1921-12-24
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32847829g
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 15683 Nombre total de vues : 15683
Description : 24 décembre 1921 24 décembre 1921
Description : 1921/12/24 (A7,N266). 1921/12/24 (A7,N266).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k55844691
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-60609
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2010
LA RAMPE
Histoire de ma Vie
par MAURICE CHEVALIER
Allo I Allô ! Quoi ? Qu'est-ce qu'elle a fait mon auto! Quoi ?
Allô ? Mais non je n'ai pas de voiture de cette marque? Allo !
Je ne comprends rien du tout... Ah ! mon auto... bio... graphie!
Pourquoi employez-vous au téléphone des mots aussi com-
pliqués? Vous ne pouviez pas me dire simplement l'histoire
de ma vie. Elle n'intéresserait personne, voyons I Allo !...
C'est pour les lecteurs de La Rampe. Alors je ne résiste
pas au plaisir de leur en causer... mais vous réclamerez toute
leur indulgence. Je vais m y coller
tout de suite. Bien que je ne sois
pas homme de lettres j'ai mon di-
plôme, mon diplôme de certificat
d'études primaires. C'est un papier
de famille qui n'est pas d'hier
puisque je l'ai obtenu à dix ans
et demi. Comme on m>* jugea alors
assez instruit, et qu'il fallait aider
le papa et la maman, j'entrai
comme apprenti menuisier, élec-
tricien, métallurgiste. Oui ! métal-
lurgiste. J'ai fabriqué des punaises !
Tout le monde ne peut pas fabri-
quer des obus !
Bien entendu je ne restais ja-
mais plus de quinze jours en
place... j'avais la tête ailleurs...
j'avais la tête à la gymnastique.
i),ms une boîte de Ménilmontnnt,
mes onze ans se décarcassaient.
Je faisais des sauts périlleux et des
exercicesde voltige... mais un jour,
je me suis cassé la jambe. Il n'en
reste pas moins que j'ai acquis à
cette époque la souplesse qui me
permet encore de danser avec la
désinvolture d'un acrobate.
Pendant que ma jambe se réta-
blissait je ne retournai plus chez
les gymnastes ; j'allais entendre
chanter dans des bouis-bouis. Un
artiste qui se présentait en paysan
(blouse et gants blancs!) me pro-
duisit une telle impression que je
réso'us de l'imiter. Dans une so
ciété d'amateurs où Geori/el fai-
sait ses débuts, je me présentai un
soir. On m'accorda la scène quel-
ques instants, ce fut un désastre !
Je m'obstinai. Je connus de pau-
vres chanteurs qui me témoignè-
rent de. l'affection. L'un d'eux me
fit engager au Casino des Tourelles.
On me proposa 12. francs par se-
maine pour 28 tours de chants
(2 en matinée, 2 en soirée), soit une
soixantaine de chansons! Je gagnais 3 fr. 5o à l'atelier... Je
n'hésitai pas, j'entrai dans la carrière alors que mes aînés
n'y étaient pas encore! Je n'avais pas quatorze ans. Mon
ascension fut dès lors très rapide ! Qu'on en juge.
J'ai chanté au Concert du Commerce (où Boucot débutait
alors dans le genre Ma vol), pour cinq francs par semaine, mais
sitôt après, le Casino Montmartre m'engageait pour 3 francs
par jour et, bien entendu, pour deux tours de,chant en matinée
deux tours de chant en soirée. Ah ! je me suis fait.la voix.. .
A cette époque, mon père mourut et je dus penser à assurer
seul mon existence et celle de ma mère.
Je gagnais un peu plus et je connus des cafés-concerls où
j'atteignis des cachets de quinze francs par soir.
L'Eldorado me fit signer mon premier contrat intéressant :
mille francs par mois; les folies-Bergère m'en proposaient
bientôt trois mille. J'étais classé et je pris part à l'interpréta-
tion des grandes revues de P.-L. Fiers et de spectacles du
même genre à la Cigale, mon genre s'était imposé; vous
vous le rappelez... comique-excentrique, j'exagérai la hau-
iiipression de Chevalier par liéiu'dictns
teur de mon cou, la longueur de mes jambes, la maigreur de
..nia canne et l'étroitesse de mon chapeau.
Le service militaire ! La guerre surprit ma classe à peine
notre instruction terminée. Je fus blessé et fait prisonnier. En
Prusse Orientale j'eus la chance inouïe — et ceux qui l'ont eue
comme moi l'ont aussi chaleureusement appréciée — de ren-
contrer Joë Bridge. Il fut notre providence et notre sauvegarde.
Il organisait des soirées qui tuaient notre cafard, adoucissaient
nos gardiens, et dont la recette
secourait les camarades indigents.
II lit mieux encore puisqu'il nous
LIBÉRA... Oui... une histoire de
cachets sculptés dans des pommes
de terre... et qui établirent nos
qualités d'infirmiers. Je raconterai
cela quelque jour... à la gloire du
fraternel et dévoué Joë Bridge.
Je rentre en France, fort mal
en point, sans entrain. Je chante
à l'Olympia — mes forces me trahis-
saient dès la deuxième chanson -f
le public restait assez froid. Je
refais l'expérience à Lyon... même
résultat. J'étais découragé. Mais
les forces me revinrent, j'entends
les forces physiques et avec elles
mon courage, et je jouai à Ba-Ta-
Clan, à Fémina, aux Folies-Ber-
gère. Enfin, ce fut le Casino de
Paris avec l'admirable, l'adorable,
la meilleure des artistes et des
amies, Mistinguett.
Un jour, à Bordeaux, on médit:
Refaites donc des tours de chant !
— Hum! Monvieuxcostumeexcen-
trique ne me tentait plus. Je pro-
posai donc de chanter, si on y
tenait, mais en costume de ville
ou de soirée I — Ce fut pour le
public une révélation, mais le pu-
blic ne se douta pas qu'il me révé-
lait à moi-même. J'adoptai les
tenues les plus élégantes — et
donc les plus sobres - pour dire
les choses les plus cocasses... et le
succès de ce genre, tua le genre
même. En effet, ce n'était plus en
chanteur que je me présentai, mais
en comédien, et c'est pourquoi plus
on me faisait fête dans ces tours
de chant, plus on me poussait vers
l'opérette. M'y voici installé aux
Bouffes, pour longtemps je crois,
si j'en juge par le succès que rem-
porte chaque soir l'oeuvre nouvelle
de MM. Willemetz et Christine, deux auteurs spirituels et
charmants dont je suis heureux d'être l'interprète. La critique
a été pour moi si pleine de 1 manges que ma timidité s'en est
un peu effarée. A travers ma vie si cahotée et si inattendue,
je n'ai pas pu guérir ma timidité. Sur le plateau, je ne suis
plus moi-même, je suis le personnage que je représente. A la
ville, toute cette assurance et celte allure gouailleuse dispa-
raissent... Alors n'est-ce pas, c'est avec beaucoup de respect
et un peu d'émotion que je termine en saluant gentiment
ceux qui ont bien voulu s'intéresser à l'histoire de ma vie.
'■M
Histoire de ma Vie
par MAURICE CHEVALIER
Allo I Allô ! Quoi ? Qu'est-ce qu'elle a fait mon auto! Quoi ?
Allô ? Mais non je n'ai pas de voiture de cette marque? Allo !
Je ne comprends rien du tout... Ah ! mon auto... bio... graphie!
Pourquoi employez-vous au téléphone des mots aussi com-
pliqués? Vous ne pouviez pas me dire simplement l'histoire
de ma vie. Elle n'intéresserait personne, voyons I Allo !...
C'est pour les lecteurs de La Rampe. Alors je ne résiste
pas au plaisir de leur en causer... mais vous réclamerez toute
leur indulgence. Je vais m y coller
tout de suite. Bien que je ne sois
pas homme de lettres j'ai mon di-
plôme, mon diplôme de certificat
d'études primaires. C'est un papier
de famille qui n'est pas d'hier
puisque je l'ai obtenu à dix ans
et demi. Comme on m>* jugea alors
assez instruit, et qu'il fallait aider
le papa et la maman, j'entrai
comme apprenti menuisier, élec-
tricien, métallurgiste. Oui ! métal-
lurgiste. J'ai fabriqué des punaises !
Tout le monde ne peut pas fabri-
quer des obus !
Bien entendu je ne restais ja-
mais plus de quinze jours en
place... j'avais la tête ailleurs...
j'avais la tête à la gymnastique.
i),ms une boîte de Ménilmontnnt,
mes onze ans se décarcassaient.
Je faisais des sauts périlleux et des
exercicesde voltige... mais un jour,
je me suis cassé la jambe. Il n'en
reste pas moins que j'ai acquis à
cette époque la souplesse qui me
permet encore de danser avec la
désinvolture d'un acrobate.
Pendant que ma jambe se réta-
blissait je ne retournai plus chez
les gymnastes ; j'allais entendre
chanter dans des bouis-bouis. Un
artiste qui se présentait en paysan
(blouse et gants blancs!) me pro-
duisit une telle impression que je
réso'us de l'imiter. Dans une so
ciété d'amateurs où Geori/el fai-
sait ses débuts, je me présentai un
soir. On m'accorda la scène quel-
ques instants, ce fut un désastre !
Je m'obstinai. Je connus de pau-
vres chanteurs qui me témoignè-
rent de. l'affection. L'un d'eux me
fit engager au Casino des Tourelles.
On me proposa 12. francs par se-
maine pour 28 tours de chants
(2 en matinée, 2 en soirée), soit une
soixantaine de chansons! Je gagnais 3 fr. 5o à l'atelier... Je
n'hésitai pas, j'entrai dans la carrière alors que mes aînés
n'y étaient pas encore! Je n'avais pas quatorze ans. Mon
ascension fut dès lors très rapide ! Qu'on en juge.
J'ai chanté au Concert du Commerce (où Boucot débutait
alors dans le genre Ma vol), pour cinq francs par semaine, mais
sitôt après, le Casino Montmartre m'engageait pour 3 francs
par jour et, bien entendu, pour deux tours de,chant en matinée
deux tours de chant en soirée. Ah ! je me suis fait.la voix.. .
A cette époque, mon père mourut et je dus penser à assurer
seul mon existence et celle de ma mère.
Je gagnais un peu plus et je connus des cafés-concerls où
j'atteignis des cachets de quinze francs par soir.
L'Eldorado me fit signer mon premier contrat intéressant :
mille francs par mois; les folies-Bergère m'en proposaient
bientôt trois mille. J'étais classé et je pris part à l'interpréta-
tion des grandes revues de P.-L. Fiers et de spectacles du
même genre à la Cigale, mon genre s'était imposé; vous
vous le rappelez... comique-excentrique, j'exagérai la hau-
iiipression de Chevalier par liéiu'dictns
teur de mon cou, la longueur de mes jambes, la maigreur de
..nia canne et l'étroitesse de mon chapeau.
Le service militaire ! La guerre surprit ma classe à peine
notre instruction terminée. Je fus blessé et fait prisonnier. En
Prusse Orientale j'eus la chance inouïe — et ceux qui l'ont eue
comme moi l'ont aussi chaleureusement appréciée — de ren-
contrer Joë Bridge. Il fut notre providence et notre sauvegarde.
Il organisait des soirées qui tuaient notre cafard, adoucissaient
nos gardiens, et dont la recette
secourait les camarades indigents.
II lit mieux encore puisqu'il nous
LIBÉRA... Oui... une histoire de
cachets sculptés dans des pommes
de terre... et qui établirent nos
qualités d'infirmiers. Je raconterai
cela quelque jour... à la gloire du
fraternel et dévoué Joë Bridge.
Je rentre en France, fort mal
en point, sans entrain. Je chante
à l'Olympia — mes forces me trahis-
saient dès la deuxième chanson -f
le public restait assez froid. Je
refais l'expérience à Lyon... même
résultat. J'étais découragé. Mais
les forces me revinrent, j'entends
les forces physiques et avec elles
mon courage, et je jouai à Ba-Ta-
Clan, à Fémina, aux Folies-Ber-
gère. Enfin, ce fut le Casino de
Paris avec l'admirable, l'adorable,
la meilleure des artistes et des
amies, Mistinguett.
Un jour, à Bordeaux, on médit:
Refaites donc des tours de chant !
— Hum! Monvieuxcostumeexcen-
trique ne me tentait plus. Je pro-
posai donc de chanter, si on y
tenait, mais en costume de ville
ou de soirée I — Ce fut pour le
public une révélation, mais le pu-
blic ne se douta pas qu'il me révé-
lait à moi-même. J'adoptai les
tenues les plus élégantes — et
donc les plus sobres - pour dire
les choses les plus cocasses... et le
succès de ce genre, tua le genre
même. En effet, ce n'était plus en
chanteur que je me présentai, mais
en comédien, et c'est pourquoi plus
on me faisait fête dans ces tours
de chant, plus on me poussait vers
l'opérette. M'y voici installé aux
Bouffes, pour longtemps je crois,
si j'en juge par le succès que rem-
porte chaque soir l'oeuvre nouvelle
de MM. Willemetz et Christine, deux auteurs spirituels et
charmants dont je suis heureux d'être l'interprète. La critique
a été pour moi si pleine de 1 manges que ma timidité s'en est
un peu effarée. A travers ma vie si cahotée et si inattendue,
je n'ai pas pu guérir ma timidité. Sur le plateau, je ne suis
plus moi-même, je suis le personnage que je représente. A la
ville, toute cette assurance et celte allure gouailleuse dispa-
raissent... Alors n'est-ce pas, c'est avec beaucoup de respect
et un peu d'émotion que je termine en saluant gentiment
ceux qui ont bien voulu s'intéresser à l'histoire de ma vie.
'■M
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