Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/01/2011
4 1 2 REVUE PRATIQUE D 'APOLOGETIQUE
anglais y virent une occasion favorable de se délivrer de leur constant cauchemar : une invasion française en Angleterre par la voie de l'Ecosse. Aussi Elisabeth entra-t-elle en relation avec les révoltés, leur donnant en secret des secours tandis qu'elle les désavouait en public, puis envoyant, en janvier 1560, la flotte anglaise dans le Firth of Forth pour couler les navires français — sans déclaration de guerre —, enfin, concluant un traité, le 37 février, avec les chefs de l'insurrection et faisant entrer une armée en Ecosse pour les aider à chasser les Fran- çais, 28 mars 1560 1. » La révolution religieuse en Ecosse s'est donc faite très strictement d'un point de vue national et le calvinisme y fut tout d'abord et avant tout le. cri de rallie- ment contre la France et les Français.
Ces faits, connus de tous ceux qui s'intéressent à l'histoire du protestantisme, semblent ne pas avoir touché les philosophes de l'anniversaire. Le calvinisme, pour eux, à l'inverse du luthé- ranisme, ne paraît en rien engagé dans les conditions de son propre succès. " Le mérite du système, écrit M. Watson, consis- tait en ce qu'il n'avait pas de caractéristique nationale... Tout reposait sur la conviction que telle avait été la structure et la discipline des Eglises au temps des apôtres, que cette struc- ture et cette discipline avaient été décrites dans les Ecritures, afin qu'il fût possible de les reproduire avec exactitude dans les temps à venir. » D'ailleurs, M. Watson est obligé d'ajou- ter aussitôt : « Ce système avait ses partisans non seulement parmi les plus fervents théologiens, mais aussi parmi les hommes d'Etat pour qui ses avocats étaient les adversaires les plus hardis, les plus logiques de Rome, et par conséquent de l'Espagne : ils y voyaient aussi un trait d'union avec les hugue- nots de France et les champions des libertés hollandaises 3. » Il est impossible d'indiquer plus nettement que le système qui devait représenter « la pure parole » de l'Ecriture devint très rapidement un simple instrument de la politique nationale pour l'Angleterre et l'Ecosse. Il est même difficile d'exagérer le caractère national du calvinisme écossais s'il faut en croire les hommes d'Etat qui assistèrent à la révolution. Voici comment Randolph rapportait à Cecil son impression des conversations qu'il avait eues, en août 1560, avec les covenantaires écossais : ce J'ai parlé avec eux tout dernièrement, écrit-il, pour connaître leurs opinions et savoir comment l'uniformité de religion pourrait être établie dans les deux royaumes. Ils semblent vouloir qu'il en soit ainsi : cela pourrait procurer bien des com- modités. Mais je les trouve tellement assurés de ce qu'ils
1. C. G. BAYNE. Anglo-roman relations, Oxford, 1913, p. 44.
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