Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-07-08
Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 juillet 1890 08 juillet 1890
Description : 1890/07/08 (Numéro 2329). 1890/07/08 (Numéro 2329).
Description : Note : 2ème édition. Note : 2ème édition.
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 02/04/2008
/Mardi » Juillet 4890.
RÉDACTION De 6 h. du soir 0 fe, du matin..
EUE B'ARGEIVTETIIL
DERNIERS TÉLÉGRAMMES DE LA NUIT
ADMINISTRATION De 10 h. matin iSL soir.
RUE D'ARGENTEBIL
SEUL JOURNAL FRANÇAIS RECEVANT PAR FILS ET SERVICES SPÉCIAUX LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE ENTIER
AMAGAT
C'est avec une douloureuse stupeur que nous
avons appris, samedi, par une dépêche affichée
dans les couloirs, la mort d'Amagat. Rien ne
nous avait fait pressentir un pareil événement.
On le disait souffrant sans que personne parmi
nous sdt exactement de quelle maladie il était
atteint. Il y a quelques jours, le bruit avait couru
sur les bancs de la Droite qu'il était allé prendre
les eaux en Allemagne. Bien qu'Amagat fût ai-
mé de nous tous, il vivait à l'écart et n'avait
avec personne de ces rapports familiers que la
ne commune entretient; c'est, ce qui explique
qu'on n'eût rien su, de son état. Il semblait, d'ail-
leurs, bâti pour défier la maladie. Sa structure,
solide et ramassée annonçait un tempérament
aussi résistant que les montagnes de sa provin-
ce. Jamais, en vérité,mort ne fut plus inattendue,
et la soudaineté du coup ajoute encore à l'inten-
sité du deuil qu'il cause parmi nous.
Quoique républicain, Amagat appartenait à la
Droite. En dehors des revendications dynastiques
qui sont beaucoup moins un programme d'oppo-
sition qu'une étiquette, il défendait les mêmes
causes que nous, et votait avec nous dans toutes
les occasions où la politique républicaine met-
tait la conscience d'honnête homme en guerre
avec son parti. Il n'y a pas, dans sa carrière par-
lementaire, un seul exemple qu'il ait sacrifie un
principe, un droit, un intérêt général à l'esprit de
coterie. On voit par là que c'était un républicain
original il fut même le seul de son espèce. J'e n
sais quelques-autres qui pensent comme lui, mais
je ne crois pas qu'on en voie jamais qui mettent
dans leur conduite cette droiture et cette résolu-
tion. Ce sont là les vertus que les républicains
orthodoxes pardonnent le moins.
J'ai connu, dans la Chambre de 1877, l'un des
plus purs lévites de l'idéalisme républicain, une
âme d'élite servie par un talent tout à fait supé-
rieur c'était Etienne Lamy. Jusqu'aux fameux
décrets qui ont ressuscité en France les guerres
de religion, il n'avait pas pris conscience des
incompatibilités morales qui devaient bientôt le
3éparer de son parti, et les républicains eux-
mêmes ne soupçonnaient pas qu'il eût l'esprit
autrement tourné qu'eux. On appréciait ses
mérites autant qu'on admirait sa parole. On le
nommait membre de la commission du budget,
et ses rapports sur la marine sont restés juste-
ment célèbres. Il était en passe de devenir sous-
secrétaire d'Etat et ministre, lorsque la Répu-
blique s'avisa d'expulser les congrégations. La
conception républicaine de M. Etienne Lamy
était idéaliste, et non point jacobine. Il concevait
la République comme le régime même de la li-
berté, de la justice et du droit. Le démenti
brutal donné par les républicains du gouverne-
ment et de la Chambre leur culte et à ses pro-
pres croyances, le révolta. Il combattit les dé-
crets et flétrit les expulsions dans des discours
admirables, dont l'accent généreux retentit en-
core'dans la conscience publique. Mais il a payé
de sa carrière cet acte de courage et de foi. Aux
élections suivantes, il fut combattu à outrance
par toutes les factions républicaines, et, depuis
lors, il sent si bien l'anathème qui pèse sur lui,
qu'il n'a pas même essayé de reconquérir un
siège.
Cet exemple a sans doute épouvanté les libé-
raux et les modérés qui sont venus après lui.
Ceux-ci professent bien les mêmes principes que
M. Lamy, plus volontiers pourtant en leur
privé qu'à la tribune ils ne les servent pas. De
là vient que leur politique est toute en capitula-
tions. Ils étaient bien cent, l'autre jour, qui gro-
gnaient furieusement sur leurs bancs con-
tre l'affaire de Vicq ils se sont trouvés
quinze à oser la blâmer dans leur vote. Et
pourtant, toute la destinée de la Républi-
que est là. Pour mériter de vivre, il faut
qu'elle soit en fait, et non point en peinture, le
gouvernement absolu du droit, de la justice et
de la liberté. Si elle ne doit être que la tyrannie
d'une secte et le monopole d'une coterie, elle
ne vaut pas mieux que les politiciens qui l'ex-
loitent, et le peuple finira bien par s'apercevoir
quejamais régime plus humiliant et plus déla-
bré ne mérita mieux de finir sous ses huées.
C'était le sentiment d'Amagat, comme il est
le nôtre. Il avait fait l'épreuve du libéralisme
républicain dès le lendemain de son élection. On
l'invalida sans justice et sans raison, simple-
ment pour rendre sa place au camarade qu'il
avait dépossédé. Les invalidations, qui sont si
bien entrées dans les mœurs parlementaires,
n'ont point d'autre cause. Mais il n'était point
homme à fléchir sous l'anathème jacobin. Il re-
commença la lutte avec l'âpre et tenace énergie
qu'il mettait.en toutes choses, et il revint sacré
par un nouveau triomphe. Mais il revint aussi
conservateur. Il avait dès le premier jour jaugé
le parti républicain, et son gouvernement, à
partir de ce jour-là, n'eut pas d'accusateur plus
implacable que lui.
Il s'était spécialement adonné à l'étude des
questions financières, et cette étude ne fut pas
chez lui une fantaisie, mais un prodigieux tra-
vail. Le surnom de « bœuf de l'école », qu'on
donna jadis à saint Thomas-d'Aquin,eût pu s'ap-
pliquer aussi exactement à lui. Il traçait son sil-
ton avec une vigueur régulière et tranquille, et
ue dételait jamais. Le temps qu'il ne consacrait
pas à la Chambre, il le passait à la bibliothèque.
11 y venait le matin, et souvent, le soir, il s'en-
fermait dans un bureau, entre des piles de do-
cuments qu'il dépouillait inexorablement, jus-
qu'à ce que vînt l'heure du repos. C'était un ter-
rible éplucheur des budgets républicains. Lors-
qu'arrivait le jour de la discussion publique, il
versait sur la tribune cette vaste accumulation
de travail, et sa critique impitoyable, suivant
le mot de M. Floquet, battait comme un bélier
l'édifice des mensonges officiels et des piperies
parlementaires; chaque, coup faisait brèche dans
ce décor, et quand il avait fini, il ne restait rien
debout.
Il parlait avec force et conviction, non point
en spécialiste que les chiffres seulement inté-
ressent, mais en politique, en moraliste, en ré-
formateur qui sait voir dans les finances d'un
gouvernement l'aliment de sa politique géné-
rale, et fait de la réforme budgétaire le principe
de toutes les réparations. Chacun de ses dis-
cours, dans la discussion générale du budget,
est un réquisitoire éloquent, généreux et hardi
contre les abus, les iniquités, les dilapidations
et les scandales de la politique républicaine.
Personne n'a plus violemment censuré le gou-
vernement de la République que ce républicain
révolté contre son parti. La Gauche l'en payait
en cris de fureur et en trépignements épilepti-
ques, Il ne s'émut jamais de ces manifestations
enragées. Mais il ne semblait pas beaucoup plus
sensible à nos applaudissements qui le ven-
geaient de ces injustices. C'était un homme droit,
modeste et simple qui faisait rigidement son
devoir, sans regarder aux conséquences. Mais
dansles couloirs une bonne parole, un compli-
ment affectueux lui allaient visiblement au
cœur, et je l'ai vu plus touché des marques
d'amitié de quelques-uns que des applaudisse-
ment de tous.
La Chambre s'appauvrit en le perdant. Je dis
la Chambre et non pas seulement l'opposition.
Tout gênant qu'il fût, comme adversaire, pour
les financiers de la République, il tenait dans le
contrôle des affaires publiques un rôle qui pro-
fite à tout le monde. Il n'est jamais indifférent à
un gouvernement, quel qu'il soit, d'avoir dans
les Chambres des adversaires de cette espèce,
parce que la peur qu'ils inspirent prévient les
abus ou l'oblige à les réformer. Ce résultat, à
vrai dire, n'est qu'imparfaitement atteint dans
la République actuelle, où les abus foisonnent
toujours. Mais il n'en faudrait pas conclure que,
les critiques d'Amagat et de quelques autres
aient été stériles. Elles ont eu ce double effet
d'émouvoir l'opinion publique sur le pillage de
nosfinances,etde contraindre les pillards eux-mê-
mes à reconnaître leurs méfaits. On commence'
à ne plus mentir avec la même audace dans l'ex-
posé de la situation finançière; on avoue le dé-
ficit, on proclame inconsidérées les entreprises
qui font creusé jusqu'à le faire appeler un gouf-
fre on limite les dépenses et l'on cherche éper-
dûment des économies. On n'a pas encore trouvé
l'équilibre. Mais nous en serions à la banque-
route si la poigne implacable de ce censeur
n'avait arrêté les prodigues et les fous sur la
pente qu'ils descendaient à fond de train.
La perte est plus grande pourtant pour l'op-
position conservatrice, dont il fut l'un des plus
rudes champions. Son talent, son courage, sa
compétence, son autorité, son admirable faculté
de travail et jusqu'à sa qualité de républicain
qui nous permettait de l'opposer triomphalement
aux autres, sont des forces perdues qu'on ne
remplacera pas. La place qu'il occupait restera
vide, et personne ne relèvera la lourde cognée
d'Auvergne échappée de sa main. Qu'il soit loué,
du moins, pour l'usage qu'il en a fait Si l'œuvre
de démolition qu'il avait entreprise contre d'in-
tolérables abus n'est pas achevee, il laisse à ceux
qui restent le fortifiant exemple de ce que peu-
vent le labeur et la volonté d'un homme solide-
ment armé pour les détruire.
JULES Dblafosse.
LE MATIN publiera demain un article de
M. HENRY MARET.
« DER MŒRDERER
Ferdinand de Bulgarie à Carslbad Vie
joyeuse Les dames viennoises
Réprobation unanime.
CARSLBAD, 7 juillet. D'un correspondant occa-
sionnel. Voici, sur l'arrivée et le séjour du prince
de Bulgarie à Carlsbad, quelques détails que je
crois intéressants
Le prince de Cobourg devait arriver ici incognito,
le 29 juin dernier. Mais l'exécution du major Panitza
a produit une telle sensation que Ferdinand de Bul-
garie ne peut plus espérer trouver nulle part le bé-
néfice de l'ineognito. Il en est des grands forfaits
comme des très hauts faits.
La nouvelle de l'arrivée du prince s'était donc ré-
pandue, et il y avait une foule innombrable de cu-
rieux devant la gare.
Le prince ne se souciait pas de s'offrir en specta-
cle. Il redoutait, non sans raison, une manifestation
peu sympathique. Aussi dut-il s'es uiver par une
petite porte de service, alors qu'on l'attendaitdevant
le grand salon d'entrée. Il était enveloppé, malgré
la saison, d'une épaisse fourrure qui couvrait son
visage.
Un appartement de douze pièces était préparé à
l'hôtel National pour le prince et sa suite. erdinand
de Cobourg a toujours aimé le faste. Il s'est fait ins-
crire sous le nom de « Son Altesse Monseigneur le
comte de Murani. Ainsi, même quand il veut cacher
son véritable nom, il ne renonce pas aux titres d'al-
tesse et de monseigneur, alors même qu'ils ne cor-
respondent à aucune des appellations du Gotha.
Cela ne rappelle-t-il pas cette bouffonnerie d'opé-
rette où un prince, voyageant incognito, dit à l'un
de ses conûdents « Appelle-moi tout simplement
monseigneur » »
La suite du prince se compose du major Stajanoff,
du docteur Kaloniz et de M. Fleischmann, conseil-
ler de la cour.
En partie fine.
Malgré des soucis trop justifiés, Ferdinand deCo-
bourg n'entend pas mener une existence de re-
cueillement. Le soir mêmes de son arrivée, il a dé-
btfté par un petit souper fin des plus gais et auquel
l'ombre de Panitza nétait pas invitée. Parmi les
convives, citons une jeune et gentille «v-te du théâ-
tre An der Wien et deux danseuses ^oises. Inu-
tile d'ajouter que le personnel de Thô u'a pas été
discret, et que la fête s'est prolongée iurt avant dans
la nuit.
L'aimable artiste de Vienne avait été exp édiée à
Carlsbad, quelques heures avant l'arrivée du
prince. Elle y restera sans doute pendant toute la
durée du séjour de l'auguste touriste. Ne faut-il pas
égayer les ennuis de la souveraineté?
Chaque matin, Ferdinand va déjeuner au restau-
rant du « Posthof », où un cabinet lui est réservé. Il
est toujours en compagnie des trois personnages
nommés plus haut et de quelques dames.
Il n'a pas à se féliciter de l'accueil qui lui est fait.
Tout le monde le reconnaît, mais personne ne
l'aborde, ne l'approche, ne le salue. Une solitude
se fait partout où il passe.
Les domestiques de l'hôtel et les garçons de l'éta-
blissement thermal ne le désignent pas autrement
que sous le nom de « der Mœrderer », l'assassin ».
Cobourg avait projeté un séjour de trois semaines
ou un mois à Carlsbad. Mais la froideur méprisante
dont il est l'objet l'obligera certainement à abréger
sa saison thermale.
AUX CORTES ESPAGNOLES
Décret de dissolution Manifestations di-
verses.
Madîud, 7 juillet. D'un correspondant. M.
Canovas monte à la tribune. Le nouveau président
du conseil lit le décret suspendant les séances de la
Chambre.
Cette lecture est accueillie par les cris de « Vive
le roil » de la part de la majorité, et « Vive
la souveraineté nationale 1 » de la part des répu-
blicains.
La séance est levée.
LE CASINO DE NICE
NicE, 7 juillet. D'un correspondant. Le con-
seil municipal a adopté, par 26 voix contre 2, une
demande adressée au conseil de préfecture et ten-
dant à faire prononcer la nullité de l'adjudication de
la concession du Casino, à autoriser la municipalité
à procéder à la revente sur folle enchère et s'attri-
buer la moitié du cautionnement conformément au
cahier des charges, l'adjudicataire n'ayant pas versé
le prix de l'adjudication.
LA QUESTION DE ZANZIBAR
LONDRES, 7 juillet. Par fil spéciad. Lord Sa-
lisbury, dans l'entretien qu'il a eu samedi avec M.
Waddington, lui a fait connaître qu'il lui ferait pro-
chainement une communication.
NOTRE MARINE
A PROPOS DE LA MOBILISATION DE
LA FLOTTE
Cuirassés, croiseurs et torpilleurs Que se-
ront les résultats ? Une visite à l'arse-
nal de Brest Economies à faire
L'embarquement au choix
Notes de voyage
La mobilisation d'une partie de la flotte française
ayant lieu en même temps que celle des escadres
anglaises et italiennes et au moment surtout où
l'administration de la marine est si vertement cri-
tiquée par M. Gerville-Réache, le rapporteur de la
commission du budget, devenait par cela même in-
téressante, et d'autant plus intéressante que les élé-
ments de cette force navale mobilisée appartiennent
à nos différents ports de guerre.
C'est, en effet, de Toulon, de Rochefort, de Cher-
bourg et de Brest que les trente et quelques navi-
res que l'on a concentrés sous le commandement
du vice-amiral Duperré ont rallié Brest au commen-
cement de la semaine dernière. Ce sont des capitai-
nes de vaisseau, des états-majors et des équipages
habitués jusqu'ici à naviguer en petites divisions
dans des parages absolument différents et dispara-
tes des mers du Nord, de l'Océan et de la Méditer-
ranée que l'on réunit sous une même main.
L'escadre, qui a pris la mer dimanche matin, pour
faire, pendant huit jours, une série d'évolutions au
large ou sur les côtes, est composée de navires de
types absolument divers les uns sont de construc-
tion récente, les autres sont de modèle ancien ce-
lui-ci a une marche rapide, celui-là, au contraire,
ne pourrait suivre une allure trop pressée. Elle
comprénd des cuirassés, des croiseurs à grande vi-
tesse, des contre-torpilleurs, des torpilleurs. de
haute mer, des torpilleurs de la défense mobile.
Tous les échantillons de notre marine de guerre
s'y rencontrent. Quel résultat donnera cet ensemble
et quel enseignement tirera-t-on pour l'avenir des
évolutions de cette flotte? C'est ce que nous saurons
dans quelques jours, si on veut bien nous le dire.
Il est probable qu'on ne le dira pas, ou plutôt qu'on
nous fera savoir que tout a marché à souhait et
que le but proposé a été atteint.
Les commandants des torpilleurs raconteront que
le cuirassé qu'ils ont attaqué était coulé par leur
« Whitehead bien avant qu'il ait pu les apercevoir;
les commandants des cuirassés répondront que le
torpilleur avait été réduit en miettes avant d'avoir
pu entrer dans sa zone dangereuse. C'est du moins
ainsi que cela s'est passé jusqu'à présent dans tou-
tes les grandes manœuvres navales.
Le commandant en chef fera son rapport, et on
s'inclinera, lui seul ayant le droit de parler et per-
sonne n'ayant rien vu. Les Italiens, pourtant, ne
craignent pas d'inviter à bord du vaisseau-amiral,
pour suivre les manœuvres, les attachés militaires
des puissances étrangères.
Mais s'il ne nous est pas permis de dire ce qui se
fera et de discuter ce qui s'est fait, n'ayant pu le
juger par nous-mêmes; du moins pouvons-nous ré-
péter ce qu'a vu et entendu un de nos collaborateurs
que le Matin a envoyé à Brest pour assister à la
mobilisation et aux premiers mouvements d'en-
semble des navires ainsi réunis.
Composition de la flotta
L'escadre mobilisée se compose de douze cuiras-
sés, huit croiseurs à grande vitesse, quatre contre-
torpilleurs, deux torpilleurs de haute-mer et dix tor-
pilleurs de la défense mobile. Neuf de ces cuirassés
appartiennent au fort de Toulon; ils sont sous les
ordres du vice-amiral Duperré-, qui a avec lui les
contre-amiraux Alquier et O'Neill.
Ce sont le Formidable, vaisseau-amiral, le Cour-
bet, l'Amiral Baudin, l'Amiral Duperré, le Redou-
table, le Toidenl, le Duguesclin, le Vauban et le
Bayard, le même qui a fait la campagne du Tonkin
et de Formose, sous les ordres de l'amiral Courbet,
et qui a rapporté à Toulon les restes du marin re-
gretté. Les trois autres cuirassés, commandés par
le contre-amiral Gervais, forment la division du
Nord ce sont le Mar·engo, le Furieux et le Re-
quin.
Les croiseurs, au nombre de huit, sont le Sfax,
le Primauguet, le Rigaud-de-Genouilly, le Foi-fait,
le Vautour, le Milan, l'Epervier et le Forbin. Ces
quatre derniers sont encore peints en gris, couleur
qu'avait adoptée l'amiral Dupetit-Thouars, à la suite
de nombreuses expériences, comme étant celle qui,
la nuit, permet de rendre le navire pour ainsi dire
invisible, même dans les rayons des projecteurs
électriques; mais il paraît que cette couleur va être
abandonnée.
Le Forfait est le croiseur que l'on a moblisé en
dernier lieu pour remplacer le Nielly, actuellement
en cale sèche par suite de son échouage sur l'île de
Batz. Il paraît qu'un ordre des bureaux du ministè-
re enjoignait au capitaine de partir aussitôt paré, et
de régler ses compas en route. Une brume est sur-
venue qui a prouvé une fois de plus qu'il ne faut
jamais trop se presser, même pour bien faire.
Le Sfaoo se trouvait dans les mêmes conditions,
mais l'amiral Duperré, dans la crainte qu'un pareil
accident ne se renouvelât, a profité de l'escale de
Brest pour faire régler les compas de ce croiseur.
11 faut ajouter à cette énumération détaillée qua-
tre contre-torpilleurs, la Dague, la Flèche, la Bombe
et la Couleuvrine.Ce type de bateau, infiniment gra-
cieux sur l'eau, est, ainsi que son nom l'indique,
destiné à lutter contre le torpilleur, cet infiniment
petit qui peut, avec de l'audace et de la chance,cou-
ler le plus gros cuirassé, malgré sa puissante artil-
lerie et ses filets Bullivan. Aussi le contre-torpilleur
est-il muni de machines lui permettant .d'acquérir
de très grandes vitesses; mais ce sont là rouages
délicats. Qu'un accident, léger soit-it, vienne à se
produire, comme cela vient d'arriver pour la Cou-
leuvrine que le Bayard a dû prendre à la remorque,
et ce coquet navire devient une gêne, un embarras
pour l'escadre qu'il était chargé d'éclairer et de pro-
téger.
Enfin, douze torpilleurs complètent cet ensemble
Les approvisionnements.
Nous n'insisterons pas sur l'animation que la pré-
sence de la flotte mettait dans les rues de Brest, ni
sur la joie des habitants, heureux et fiers de voir
leur rade aussi bien garnie les télégrammes quoti-
diens du Matin ont renseigné nos lecteurs à ce su-
jet. Nous irons, avec notre collaborateur, faire un
tour dans l'arsenal et constater que les quais regor-
gent, en effet, de marchandises, que de longues liles
de canons, dont on ne se servira plus parce que le
modèle en est démodé, dorment a l'abri des bâti-
ments de la Majorité; qu'à ces canons succèdent des
ancres symétriquement rangées et des piles inter-
minables de gueuses, c'est ainsi qu'on nomme
le lest.
Il est bien entendu que la Majorité générale ne
laisse voir que ce qu'il lui plaît de montrer, mais,
pour plus amples renseignements, nous renvoyons
au rapport de M. Gerville-Réache.
L'arsenal de Brest comporte des ateliers de toutes
sortes, un matériel et un outillage considérable per-
mettant de construire aussi bien le cuirassé de pre-
mier rang, tel que le Hoche et le Neptune actuelle-
ment dans les bassins à flot, que le simple canot
et due la pins petite baleinière.
Mais une d£? spécialités de ce port de guerre est
d'être en quelque ^orte la pépinière qui fournit les
matelots à toute noire flotte. La caserne de Re-
couvrance peut loger s*x mille hommes, et le plus
souvent ce chiffre est atteÎJJt. C'est d'ailleurs sur
rade de Brest que se trouvent les vaisseaux-écoles
i le Borda, l'Austerlitzet la Bt-etagh*, par où passent
ou ont passé tous nos officiers de mafioe.
Ne pourrait-on pas laisser à notre port de Breta-
gne la spécialité d'être l'école de la flotte, aussi bien
pour les officiers que pour les équipages. et trans-
porter, par exemple, l'école des torpilles à. Cher-
bourg, les constructions navales à Toulon. On sup-
primerait du même coup une grande partie da ces
états-majors coûteux et devenus inutiles, qui grè-
vent si chèrement le budget; on diminuerait consi-
dérablement le nombre des ouvriers que l'on fait
travailler parce qu'ils sont là, et parce que, payés,
il faut qu'ils produisent; d'où ces quantités d'ap-
provisionnements de toutes sortes dont on encombre
les magasins sans en pouvoir justifier l'emploi.
L'avancement.
Notre collaborateur, s'il a vu tout cela, a aussi
entendu bien des plaintes, bien des doléances qui lui
ont été faites sous le sceau du secret. Nous nous
empressons d'en divulguer quelques-unes avec d'au-
tant plus de quiétude que le ministère de la marine,
sur la demande de la commission du budget, s'oc-
cupe de la question.
Nous voulons parler de l'avancement. Il est trop
lent, dit-on; l'enseigne de vaisseau ne passe lieute-
nant qu'après six ans de grade; le lieutenant ne de-
vient capitaine de frégate qu'après avoir porté ses
deux galons pendant seize ou dix-sept ans. Il faut
avoir chevillé dans le corps le goût de son métier
pour résister à une pareille lenteur et avoir une telle
patience.
Ce n'est pas en créant cent ou deux cents officiers
de plus, comme veut le faire l'administration de la
marine, qu'on rendra l'avancement plus rapide. Le
meilleur moyen à employer, pour arriver au résul-
tat que l'on -cherche, est de supprimer radicalement
l'embarquement au choix.
Tous les officiers ne sont pas embarqués, nos na-
vires n'y suffiraient pas ils accomplissent à tour de
rôle une période dembarquement; cette période
terminée, ils sont mis à terre et attendent que leur
tour revienne.
Sur cette liste d'embarquement, les officiers supé-
rieurs ont le droit, sans tenir compte du rang qu'il
occupe sur la liste, de désigner tel ou tel officier
pour occuper un emploi qu'il leur plait. Naturelle-
ment, ce sont les bons postes que la faveur ac-
corde.
Si ce droit de choisir était supprimé, l'officier que
des raisons particulières, soit de famille, soit de
santé, attachent de préférence à un rivage plutôt qu'à
un autre, aimerait souvent mieux donner sa dé-
mission que de partir pour le Tonkin, Madagascar
ou une autre colonie. Il ferait de la sorte place aux
jeunes et le cas serait plus fréquent qu'on ne croit.
Nous répétons ce propos, sans le développer da-
vantage, parce qu'il a été tenu dans un cercle de
gens compétents et pour qui les choses de la ma-
rine n'ont que peu de mystères. Il est certain que
du moment qu'il supprime une faveur, il devrait
être pris en considération il est à craindre malheu-
reusement que, pour cette raison, il ne sera seule-
ment pas examiné.
Toutes ces réformes sont-elles possibles ? Elles le
seraient si elles étaient tentées par un ministre civil
qui n'aura pas d'amitiés à ménager, qui ne saurait
être embarrassé dans son entreprise par aucun
souvenir de carrière. Nous n'en voulons pour preuve
que les résultats obtenus par M. de Freycinet, au
ministère de la guerre; avec l'approbation de tous,
il a fait des réformes qu'aucun général n'aurait
jamais pu faire accepter.
PARLEMENT/ ANGLAIS
Aux Communes Le différend anglo-por-
tugais La traite dans la mer Rouge.
LONDRES, 7 juillet. Par fil spécial. Sir J. Fer-
gusson dit que le Portugal a accepté en principe les
propositions de l'Angleterre et de l'Amérique de
fixer par un arbitrage international l'indemnité à
1 payer pour le chemin de rer de ueiagoa.
L'Angleterre et l'Amérique ont fait au£cabinet de
Lisbonne des propositions sur le choix de la puis-
sance qui sera invitée à nommer les arbitres.
Sir J, Fergusson déclare que le rapport des offi-
ciers charges de la surveillance de la mer Rouge
constate que la traite des esclaves continue à se
faire d'une manière occulte, comme) par exemple,
en simulant le costume des pèlerins.
De;s que l'acte général récemment signé à Bruxel-
les sera entré en vigueur, le gouvernement espère
que les mesures adoptées par toutes les puissances
tendront à la suppression complète de la traite.
SOLDATS RÉFRACTAIRES
Mutinerie des grenadiers de la garde à
Londres Mesures disciplinaires.
LONDRES, 7 juillet. Par fil spécial. Ce
matin, les hommes du 2Q bataillon des grenadiers
de la garde de la caserne de Wellington ont refusé
d'obéir à l'appel de l'assemblée, sonné afin de per-
mettre aux officiers de visiter les sacs, et ils -se sont
renfermés dans leurs chambres.
Plusieurs officiers de l'état-major ont été convo-
qués pour délibérer à ce sujet avec le colonel. L'ins-
pection des sacs ayant été contremandée, les hom-
mes ont alors formé les rangs. Le colonel leur a
fait des remontrances qui ont été accueillies par
des huées et par des sifflets.
On croit que ce régiment sera envoyé en service
à l'étranger.
MANŒUVRES NAVALES
BREST, 7 juillet.- D'un correspondant. L'esca-
dre a manœuvré hier en armée, par grosse mer,
avec bonne brise. Elle est ensuite venue au mouil-
lage de Morgat, à six heures du soir. Dans la nuit
a eu lieu un branle-bas de combat, à blanc pour les
cuirassés, à feu pour les croiseurs.
L'escadre a appareillé ce matin pour passer la
nuit à la mer.
LES FINANCES ROMAINES
Rome, 7 juillet. Par service spécial. Un ac-
cord est intervenu eutre le gouvernement et la com-
mission chargée d'examiner le projet sur la réorga-
nisation des finances de Rome.
Le gouvernement a consenti à retarder l'applica-
tion de la nouvelle loi jusqu'au jour où la munici-
palité de Rome auraéquilibré son budget elle-même,
L'AFFAIRE MARINKOVITCH
BELGRADE, 7 juillet. D'un correspondant. Le
grand-vizir a ordonné l'arrestation de nombreuses
personnes à Pristina.
Il aurait reconnu, avec M. Novakovitch, ministre
de Serbie à Constantinople, que l'assassinat du con-
sul Marinkovitch n'a pas été un acte de vengeance
personnelle, mais le résultat d'un complot.
UN MARIAGE A ROME
Rome, 7 juillet. Par service spécial. Ce ma-
tin a été célébré, à l'église Sainte-Marie-Majeure, le
mariage de Mlle Coztanza Spezza, nièce du pape,
avec le comte Salvalore Salimei, garde-noble.
Après la cérémonie, le Saint-Père a reçu les époux
et leur a donné sa bénédiction.
LE CABINET ESPAGNOL
MADRID, 7 juillet. Par service spécial Le mi-
nistre des affaires étrangères recevra demain le
corps diplomatique étranger.
La nomination du duc de Mandas comme ambas-
sadeur à Paris a été décidée en conseil des minis-
tres.
CHAMBRE ITALIENNE
Rome, 7 juillet. D'un correspondant. M. Mar-
tini dépose le rapport sur le' projet concernant les
mesures en faveur de la ville de Rome.
L'accord du gouvernement et de la commission
sur ce projet est complet.
LE CHOLÉRA EN ESPAGNE
Madrid, 7 juillet. Par service spécial. On'si-
gnale officiellement de Gandia, pour les dernières
le£. heures, 19 cas et 5 décès.
A Madrid, l'état sanitaire est parfait.
'L'ALCOOLISME
LÉS SOCIÉTÉS DE TEMPÉRANCE A
L'ETRANGER ET EN FRANCE
Un mal à combattre Premières sociétés
fondées en Amérique et en Angleterre
Deux organismes Tempérants
et abstinants Associa-
tion française. o
La lutte contre l'alcoolisme revêt les formes les
plus diverses. Elle est aussi complexe que le mal
auquel elle s'attaque; moralistes, hygiénistes, légis-
lateurs se rencontrent dans la même lice, mêlant à
l'action publique les efforts de l'initiative privée.
Cette dernière a créé une multitude d'associations
dont les plus puissantes sont c 11 "s qui constituent
un faisceau compact et international sous le nom de
sociétés de tempérance. Nous voudrions, en observa-
teur impartial, les présenter aux lecteurs du Matin.
La première société de tempérance fut fondée aux
Etats-Unis en 1808. Mais ce n'est réellement qu'en
1827 que l'entreprise se développa. Dans cette seule
année, il se constitua 1,000 sociétés locales réunis-
sant 100,000 membres. En 1835, il y avait plus de
8,000 sociétés locales, 23 sociétés d'Etat et 1,500,OOC
adhérents. Le nombre d'adhérents est aujourd'hui
de plus de trois millions. Ce mouvement ne tarda
pas à traverser l'Atlantique, et une première so-
ciété se constitua, ver s la fin de 1829, dans la ville
de Glasgow, qui n'a jamais cessé, depuis cette épo.
que, d'être le centre d'action du mouvement de tem.
pérance en Ecosse. En Irlande, les sociétés de tem-
pérance prirent naissance en 1838, sous l'impulsion
du père Mathew, et, peu après, elles envahissaient
l'Angleterre; puis elles se répandaient en Allema-
gne, en Suède, en Danemark, en Hollande, en
Russie, bien plus tard en Suisse et plus tard encore
dans les pays latins, particulièrement en France
Les pays qui se sont les premiers liés à l'œuvre
sont évidemment ceux qui ont eu le plus à souffrir
des effets désastreux de l'alcoolisme.
Ces sociétés sont presque toutes constituées sui
une base que ne laisse pas deviner leur nom. Elles
ne sont pas seulement tempérantes, elles sont abs-
tinentes. Les statuts réclament de leurs membres
l'abstinence absolue des boissons fermentées, à
moins de prescriptions religieuses ou médicales
contraires. Encore trouve-t-on des sociétés qui n'ad-
mettent même pas l'exception pour motifs religieux.
Si on leur objecte que Jésus-Christ a institué le sa-
crement de l'Eucharistie sous les espèces du pain
et du vin, elles répondent que c'était un vin spécial.
« fruit de la vigne non fermenté ». Aussi une indus-
trie spéciale s'applique-t-elle à concilier, enAmérique
et en Angleterre, les devoirs religieux avec les scru-
pules des abstinents, en fabriquant du vin qui n'est
pas du vin, avec lequel communient celles des Egli-
ses dont la plupart des membres se rattachent à la
tempérance.
On ne s'explique pas, au premier abord, toutes
ces subtilités. On se demande ce que quelques gout-
tes de vin ont affaire dans la question, par quels
liens elles se rattachent à l'alcoolisme proprement
dit. A cela les abstinents répondent que la psycho-
logie, la science et l'expérience démontrent jusqu'à
l'évidence que l'homme adonné aux liqueurs alcoo-
liques ne peut définitivement en être délivré que
s'il s'en abstient d'uue manière complète. Il suffit
qu'il soit sollicité par une goutte du breuvage fatal
pour qu'il en redevienne l'esclave. Il faut donc l'i-
soler entièrement de tout ce qui peut lui devenir un
piège.
Solidarité « abstinente ».
Ce n'est pas là le seul côté bizarre de ces associa-
tions. Il semblerait que ceux-là seuls qui ont des
penchants pour l'ivrognerie ou qui déjà en étaient
les victimes dussent être soumis à ce régime d'abs-
tinence. On comprend qu'un malade suive un ré-
gime. On comprend moins que les bien portants y
soient également soumis.
« Nous nous y soumettons, disent les abstinents,
dans un esprit de solidarité pratique. Lorsque nous
demandons aux ivrognes de s'abstenir totalement
de toute boisson fermentée, ils nous répondent que
leur santé en souffrirait, que l'alcool est essentiel-
lement tonique, et que l'homme ne peut se soutenir
avec de l'eau, du café et du thé. Eh bien 1 nous leur
offrons de faire avec eux l'expérience contraire-
Nous signons avec eux l'engagement de nous abste.
tenir complètement, et, entre eux et nous se forme
ainsi un lien de confiance et de lutte en commun.
Nous pouvons les suivre, les soutenir, les préser-
ver. Leur compagnie naturelle était autrefois celle
des ivrognes; aujourd'hui, elle est au moins mêlée,
et les bons éléments s'y rencontrent plus que le?
mauvais. D'ailleurs, si nos associations n'étaient
composées que d'ivrognes, ceux-ci refuseraient, na-
tureltement, le plus souvent d'en faire partie. On
peut écrire sur son chapeau C'est moi qui suis
Guillot le baptisé. On ne mettra pas à la boutonnière
le ruban bleu, si ce ruban n'est porté que par les
ivrognes, s'il signifie Association d'ivrognes, au
lieu de signitler Association contre l'ivrognerie.
L'insigne des membres de société de tempérance
est en effet presque toujours le ruban bleu. On peut
le voir arbora en Ang'lp.tGrrR, rn Amérique et en
Suisse sur un grand nombre do poitrine, En France
même on le rencontre quelquefois, et alors il établit
une douce confusion avec les palmes académiques.
Ce ruban est plus qu'un drapeau il doit être pour
celui qui le porte comme une sauvegarde. Il ne l'est
pas toujours. On raconte couramment, en Ecosse,
t'histoire d'un « ruban bleu » ivre-mort qui répon-
dit à un autre « ruban bleu » qui lui reprochait avea
véhémence son infidélité « Ah moi je ne suis pas
un fanatique. Je ne pousse pas les choses trop loin.
Il faut de la mesure en tout 1 »
Cafés et hôtels de tempérance.
Comme bien on le pense, les abstinents ne sa
bornent pas à recueillir, pour les soigner et les dé-
livrer, les alcooliques de tous degrés. Ils sont sans
cesse en lutte contre les débits de boissons. Là oft
ils le peuvent, comme dans l'Etat de New-Jersey,
ils les font supprimer. Ailleurs ils provoquent une
réglementation toujours plus rigoureuse. Partout
ils suscitent une concurrence plus ou moins
efficace, qui consiste principalement en cafés da
tempérance et en hôtels de tempérance. Les hôtels
de tempérance n'ont pas toujours bonne réputation.
Il est vrai, si nous en croyons les abstinents, qu'il y
a hôtels et hôtels.
Les uns ne prennent cette qualité que pour êtra
dispensés de la licence, et n'ont aucun rapport avec
les sociétés de tempérance elles-mêmes. Les autres,
ceux qui sont du ressort des sociétés, défieraient,
paraît-il, toute critique. Nous ne pouvons nous eu
faire juges. Quoiqu'il y ait en France des associa-
tions d'abstinents, principalement à Paris et dans
l'arrondissement de Montbéliard, il n'existe pas en*
core d'hôtel de tempérance. Par contre, il y a un
café de tempérance et un restaurant de tempéranca
créés par la, branche parisienne de la « Croix bleue ».
ramification d'une société suisse, fondée à Paris par
un Alsacien « ancien buveur ». C'est le nom qu'il
se donne lui-même et qu'il proclame à l'envi dans
les nombreuses conférences dont il honore sans
relâche dans tous les quartiers de la capitale.
La lutte en France.
Ce mouvement qui a incontestablement diflfi*
nué les ravages de 1 alcoolisme dans les pays da
Nord et en Amérique, a-t-il des chances d'avenir en
France où, du reste, le fléau est loin d'avoir la mô-
me intensité Nous ne le croyons pas. Dans les
pays dont nous venons de parler, la vigne et l'arbre
à cidre sont pour ainsi.dire inconnus, et les classes
ouvrières n'y consomment guère que des liqueurs
spiritueuses provenant de la distillation des ma-
tières sucrées obtenues par la fermentation de \m<
betterave, de la pomme de terre et des grains de'
toute sorte. Il pourrait donc être relativement facile
de leur demander l'engagement de s'abstenir abso.
lument des boissons alcooliques. Serait-il rationnes
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AMAGAT
C'est avec une douloureuse stupeur que nous
avons appris, samedi, par une dépêche affichée
dans les couloirs, la mort d'Amagat. Rien ne
nous avait fait pressentir un pareil événement.
On le disait souffrant sans que personne parmi
nous sdt exactement de quelle maladie il était
atteint. Il y a quelques jours, le bruit avait couru
sur les bancs de la Droite qu'il était allé prendre
les eaux en Allemagne. Bien qu'Amagat fût ai-
mé de nous tous, il vivait à l'écart et n'avait
avec personne de ces rapports familiers que la
ne commune entretient; c'est, ce qui explique
qu'on n'eût rien su, de son état. Il semblait, d'ail-
leurs, bâti pour défier la maladie. Sa structure,
solide et ramassée annonçait un tempérament
aussi résistant que les montagnes de sa provin-
ce. Jamais, en vérité,mort ne fut plus inattendue,
et la soudaineté du coup ajoute encore à l'inten-
sité du deuil qu'il cause parmi nous.
Quoique républicain, Amagat appartenait à la
Droite. En dehors des revendications dynastiques
qui sont beaucoup moins un programme d'oppo-
sition qu'une étiquette, il défendait les mêmes
causes que nous, et votait avec nous dans toutes
les occasions où la politique républicaine met-
tait la conscience d'honnête homme en guerre
avec son parti. Il n'y a pas, dans sa carrière par-
lementaire, un seul exemple qu'il ait sacrifie un
principe, un droit, un intérêt général à l'esprit de
coterie. On voit par là que c'était un républicain
original il fut même le seul de son espèce. J'e n
sais quelques-autres qui pensent comme lui, mais
je ne crois pas qu'on en voie jamais qui mettent
dans leur conduite cette droiture et cette résolu-
tion. Ce sont là les vertus que les républicains
orthodoxes pardonnent le moins.
J'ai connu, dans la Chambre de 1877, l'un des
plus purs lévites de l'idéalisme républicain, une
âme d'élite servie par un talent tout à fait supé-
rieur c'était Etienne Lamy. Jusqu'aux fameux
décrets qui ont ressuscité en France les guerres
de religion, il n'avait pas pris conscience des
incompatibilités morales qui devaient bientôt le
3éparer de son parti, et les républicains eux-
mêmes ne soupçonnaient pas qu'il eût l'esprit
autrement tourné qu'eux. On appréciait ses
mérites autant qu'on admirait sa parole. On le
nommait membre de la commission du budget,
et ses rapports sur la marine sont restés juste-
ment célèbres. Il était en passe de devenir sous-
secrétaire d'Etat et ministre, lorsque la Répu-
blique s'avisa d'expulser les congrégations. La
conception républicaine de M. Etienne Lamy
était idéaliste, et non point jacobine. Il concevait
la République comme le régime même de la li-
berté, de la justice et du droit. Le démenti
brutal donné par les républicains du gouverne-
ment et de la Chambre leur culte et à ses pro-
pres croyances, le révolta. Il combattit les dé-
crets et flétrit les expulsions dans des discours
admirables, dont l'accent généreux retentit en-
core'dans la conscience publique. Mais il a payé
de sa carrière cet acte de courage et de foi. Aux
élections suivantes, il fut combattu à outrance
par toutes les factions républicaines, et, depuis
lors, il sent si bien l'anathème qui pèse sur lui,
qu'il n'a pas même essayé de reconquérir un
siège.
Cet exemple a sans doute épouvanté les libé-
raux et les modérés qui sont venus après lui.
Ceux-ci professent bien les mêmes principes que
M. Lamy, plus volontiers pourtant en leur
privé qu'à la tribune ils ne les servent pas. De
là vient que leur politique est toute en capitula-
tions. Ils étaient bien cent, l'autre jour, qui gro-
gnaient furieusement sur leurs bancs con-
tre l'affaire de Vicq ils se sont trouvés
quinze à oser la blâmer dans leur vote. Et
pourtant, toute la destinée de la Républi-
que est là. Pour mériter de vivre, il faut
qu'elle soit en fait, et non point en peinture, le
gouvernement absolu du droit, de la justice et
de la liberté. Si elle ne doit être que la tyrannie
d'une secte et le monopole d'une coterie, elle
ne vaut pas mieux que les politiciens qui l'ex-
loitent, et le peuple finira bien par s'apercevoir
quejamais régime plus humiliant et plus déla-
bré ne mérita mieux de finir sous ses huées.
C'était le sentiment d'Amagat, comme il est
le nôtre. Il avait fait l'épreuve du libéralisme
républicain dès le lendemain de son élection. On
l'invalida sans justice et sans raison, simple-
ment pour rendre sa place au camarade qu'il
avait dépossédé. Les invalidations, qui sont si
bien entrées dans les mœurs parlementaires,
n'ont point d'autre cause. Mais il n'était point
homme à fléchir sous l'anathème jacobin. Il re-
commença la lutte avec l'âpre et tenace énergie
qu'il mettait.en toutes choses, et il revint sacré
par un nouveau triomphe. Mais il revint aussi
conservateur. Il avait dès le premier jour jaugé
le parti républicain, et son gouvernement, à
partir de ce jour-là, n'eut pas d'accusateur plus
implacable que lui.
Il s'était spécialement adonné à l'étude des
questions financières, et cette étude ne fut pas
chez lui une fantaisie, mais un prodigieux tra-
vail. Le surnom de « bœuf de l'école », qu'on
donna jadis à saint Thomas-d'Aquin,eût pu s'ap-
pliquer aussi exactement à lui. Il traçait son sil-
ton avec une vigueur régulière et tranquille, et
ue dételait jamais. Le temps qu'il ne consacrait
pas à la Chambre, il le passait à la bibliothèque.
11 y venait le matin, et souvent, le soir, il s'en-
fermait dans un bureau, entre des piles de do-
cuments qu'il dépouillait inexorablement, jus-
qu'à ce que vînt l'heure du repos. C'était un ter-
rible éplucheur des budgets républicains. Lors-
qu'arrivait le jour de la discussion publique, il
versait sur la tribune cette vaste accumulation
de travail, et sa critique impitoyable, suivant
le mot de M. Floquet, battait comme un bélier
l'édifice des mensonges officiels et des piperies
parlementaires; chaque, coup faisait brèche dans
ce décor, et quand il avait fini, il ne restait rien
debout.
Il parlait avec force et conviction, non point
en spécialiste que les chiffres seulement inté-
ressent, mais en politique, en moraliste, en ré-
formateur qui sait voir dans les finances d'un
gouvernement l'aliment de sa politique géné-
rale, et fait de la réforme budgétaire le principe
de toutes les réparations. Chacun de ses dis-
cours, dans la discussion générale du budget,
est un réquisitoire éloquent, généreux et hardi
contre les abus, les iniquités, les dilapidations
et les scandales de la politique républicaine.
Personne n'a plus violemment censuré le gou-
vernement de la République que ce républicain
révolté contre son parti. La Gauche l'en payait
en cris de fureur et en trépignements épilepti-
ques, Il ne s'émut jamais de ces manifestations
enragées. Mais il ne semblait pas beaucoup plus
sensible à nos applaudissements qui le ven-
geaient de ces injustices. C'était un homme droit,
modeste et simple qui faisait rigidement son
devoir, sans regarder aux conséquences. Mais
dansles couloirs une bonne parole, un compli-
ment affectueux lui allaient visiblement au
cœur, et je l'ai vu plus touché des marques
d'amitié de quelques-uns que des applaudisse-
ment de tous.
La Chambre s'appauvrit en le perdant. Je dis
la Chambre et non pas seulement l'opposition.
Tout gênant qu'il fût, comme adversaire, pour
les financiers de la République, il tenait dans le
contrôle des affaires publiques un rôle qui pro-
fite à tout le monde. Il n'est jamais indifférent à
un gouvernement, quel qu'il soit, d'avoir dans
les Chambres des adversaires de cette espèce,
parce que la peur qu'ils inspirent prévient les
abus ou l'oblige à les réformer. Ce résultat, à
vrai dire, n'est qu'imparfaitement atteint dans
la République actuelle, où les abus foisonnent
toujours. Mais il n'en faudrait pas conclure que,
les critiques d'Amagat et de quelques autres
aient été stériles. Elles ont eu ce double effet
d'émouvoir l'opinion publique sur le pillage de
nosfinances,etde contraindre les pillards eux-mê-
mes à reconnaître leurs méfaits. On commence'
à ne plus mentir avec la même audace dans l'ex-
posé de la situation finançière; on avoue le dé-
ficit, on proclame inconsidérées les entreprises
qui font creusé jusqu'à le faire appeler un gouf-
fre on limite les dépenses et l'on cherche éper-
dûment des économies. On n'a pas encore trouvé
l'équilibre. Mais nous en serions à la banque-
route si la poigne implacable de ce censeur
n'avait arrêté les prodigues et les fous sur la
pente qu'ils descendaient à fond de train.
La perte est plus grande pourtant pour l'op-
position conservatrice, dont il fut l'un des plus
rudes champions. Son talent, son courage, sa
compétence, son autorité, son admirable faculté
de travail et jusqu'à sa qualité de républicain
qui nous permettait de l'opposer triomphalement
aux autres, sont des forces perdues qu'on ne
remplacera pas. La place qu'il occupait restera
vide, et personne ne relèvera la lourde cognée
d'Auvergne échappée de sa main. Qu'il soit loué,
du moins, pour l'usage qu'il en a fait Si l'œuvre
de démolition qu'il avait entreprise contre d'in-
tolérables abus n'est pas achevee, il laisse à ceux
qui restent le fortifiant exemple de ce que peu-
vent le labeur et la volonté d'un homme solide-
ment armé pour les détruire.
JULES Dblafosse.
LE MATIN publiera demain un article de
M. HENRY MARET.
« DER MŒRDERER
Ferdinand de Bulgarie à Carslbad Vie
joyeuse Les dames viennoises
Réprobation unanime.
CARSLBAD, 7 juillet. D'un correspondant occa-
sionnel. Voici, sur l'arrivée et le séjour du prince
de Bulgarie à Carlsbad, quelques détails que je
crois intéressants
Le prince de Cobourg devait arriver ici incognito,
le 29 juin dernier. Mais l'exécution du major Panitza
a produit une telle sensation que Ferdinand de Bul-
garie ne peut plus espérer trouver nulle part le bé-
néfice de l'ineognito. Il en est des grands forfaits
comme des très hauts faits.
La nouvelle de l'arrivée du prince s'était donc ré-
pandue, et il y avait une foule innombrable de cu-
rieux devant la gare.
Le prince ne se souciait pas de s'offrir en specta-
cle. Il redoutait, non sans raison, une manifestation
peu sympathique. Aussi dut-il s'es uiver par une
petite porte de service, alors qu'on l'attendaitdevant
le grand salon d'entrée. Il était enveloppé, malgré
la saison, d'une épaisse fourrure qui couvrait son
visage.
Un appartement de douze pièces était préparé à
l'hôtel National pour le prince et sa suite. erdinand
de Cobourg a toujours aimé le faste. Il s'est fait ins-
crire sous le nom de « Son Altesse Monseigneur le
comte de Murani. Ainsi, même quand il veut cacher
son véritable nom, il ne renonce pas aux titres d'al-
tesse et de monseigneur, alors même qu'ils ne cor-
respondent à aucune des appellations du Gotha.
Cela ne rappelle-t-il pas cette bouffonnerie d'opé-
rette où un prince, voyageant incognito, dit à l'un
de ses conûdents « Appelle-moi tout simplement
monseigneur » »
La suite du prince se compose du major Stajanoff,
du docteur Kaloniz et de M. Fleischmann, conseil-
ler de la cour.
En partie fine.
Malgré des soucis trop justifiés, Ferdinand deCo-
bourg n'entend pas mener une existence de re-
cueillement. Le soir mêmes de son arrivée, il a dé-
btfté par un petit souper fin des plus gais et auquel
l'ombre de Panitza nétait pas invitée. Parmi les
convives, citons une jeune et gentille «v-te du théâ-
tre An der Wien et deux danseuses ^oises. Inu-
tile d'ajouter que le personnel de Thô u'a pas été
discret, et que la fête s'est prolongée iurt avant dans
la nuit.
L'aimable artiste de Vienne avait été exp édiée à
Carlsbad, quelques heures avant l'arrivée du
prince. Elle y restera sans doute pendant toute la
durée du séjour de l'auguste touriste. Ne faut-il pas
égayer les ennuis de la souveraineté?
Chaque matin, Ferdinand va déjeuner au restau-
rant du « Posthof », où un cabinet lui est réservé. Il
est toujours en compagnie des trois personnages
nommés plus haut et de quelques dames.
Il n'a pas à se féliciter de l'accueil qui lui est fait.
Tout le monde le reconnaît, mais personne ne
l'aborde, ne l'approche, ne le salue. Une solitude
se fait partout où il passe.
Les domestiques de l'hôtel et les garçons de l'éta-
blissement thermal ne le désignent pas autrement
que sous le nom de « der Mœrderer », l'assassin ».
Cobourg avait projeté un séjour de trois semaines
ou un mois à Carlsbad. Mais la froideur méprisante
dont il est l'objet l'obligera certainement à abréger
sa saison thermale.
AUX CORTES ESPAGNOLES
Décret de dissolution Manifestations di-
verses.
Madîud, 7 juillet. D'un correspondant. M.
Canovas monte à la tribune. Le nouveau président
du conseil lit le décret suspendant les séances de la
Chambre.
Cette lecture est accueillie par les cris de « Vive
le roil » de la part de la majorité, et « Vive
la souveraineté nationale 1 » de la part des répu-
blicains.
La séance est levée.
LE CASINO DE NICE
NicE, 7 juillet. D'un correspondant. Le con-
seil municipal a adopté, par 26 voix contre 2, une
demande adressée au conseil de préfecture et ten-
dant à faire prononcer la nullité de l'adjudication de
la concession du Casino, à autoriser la municipalité
à procéder à la revente sur folle enchère et s'attri-
buer la moitié du cautionnement conformément au
cahier des charges, l'adjudicataire n'ayant pas versé
le prix de l'adjudication.
LA QUESTION DE ZANZIBAR
LONDRES, 7 juillet. Par fil spéciad. Lord Sa-
lisbury, dans l'entretien qu'il a eu samedi avec M.
Waddington, lui a fait connaître qu'il lui ferait pro-
chainement une communication.
NOTRE MARINE
A PROPOS DE LA MOBILISATION DE
LA FLOTTE
Cuirassés, croiseurs et torpilleurs Que se-
ront les résultats ? Une visite à l'arse-
nal de Brest Economies à faire
L'embarquement au choix
Notes de voyage
La mobilisation d'une partie de la flotte française
ayant lieu en même temps que celle des escadres
anglaises et italiennes et au moment surtout où
l'administration de la marine est si vertement cri-
tiquée par M. Gerville-Réache, le rapporteur de la
commission du budget, devenait par cela même in-
téressante, et d'autant plus intéressante que les élé-
ments de cette force navale mobilisée appartiennent
à nos différents ports de guerre.
C'est, en effet, de Toulon, de Rochefort, de Cher-
bourg et de Brest que les trente et quelques navi-
res que l'on a concentrés sous le commandement
du vice-amiral Duperré ont rallié Brest au commen-
cement de la semaine dernière. Ce sont des capitai-
nes de vaisseau, des états-majors et des équipages
habitués jusqu'ici à naviguer en petites divisions
dans des parages absolument différents et dispara-
tes des mers du Nord, de l'Océan et de la Méditer-
ranée que l'on réunit sous une même main.
L'escadre, qui a pris la mer dimanche matin, pour
faire, pendant huit jours, une série d'évolutions au
large ou sur les côtes, est composée de navires de
types absolument divers les uns sont de construc-
tion récente, les autres sont de modèle ancien ce-
lui-ci a une marche rapide, celui-là, au contraire,
ne pourrait suivre une allure trop pressée. Elle
comprénd des cuirassés, des croiseurs à grande vi-
tesse, des contre-torpilleurs, des torpilleurs. de
haute mer, des torpilleurs de la défense mobile.
Tous les échantillons de notre marine de guerre
s'y rencontrent. Quel résultat donnera cet ensemble
et quel enseignement tirera-t-on pour l'avenir des
évolutions de cette flotte? C'est ce que nous saurons
dans quelques jours, si on veut bien nous le dire.
Il est probable qu'on ne le dira pas, ou plutôt qu'on
nous fera savoir que tout a marché à souhait et
que le but proposé a été atteint.
Les commandants des torpilleurs raconteront que
le cuirassé qu'ils ont attaqué était coulé par leur
« Whitehead bien avant qu'il ait pu les apercevoir;
les commandants des cuirassés répondront que le
torpilleur avait été réduit en miettes avant d'avoir
pu entrer dans sa zone dangereuse. C'est du moins
ainsi que cela s'est passé jusqu'à présent dans tou-
tes les grandes manœuvres navales.
Le commandant en chef fera son rapport, et on
s'inclinera, lui seul ayant le droit de parler et per-
sonne n'ayant rien vu. Les Italiens, pourtant, ne
craignent pas d'inviter à bord du vaisseau-amiral,
pour suivre les manœuvres, les attachés militaires
des puissances étrangères.
Mais s'il ne nous est pas permis de dire ce qui se
fera et de discuter ce qui s'est fait, n'ayant pu le
juger par nous-mêmes; du moins pouvons-nous ré-
péter ce qu'a vu et entendu un de nos collaborateurs
que le Matin a envoyé à Brest pour assister à la
mobilisation et aux premiers mouvements d'en-
semble des navires ainsi réunis.
Composition de la flotta
L'escadre mobilisée se compose de douze cuiras-
sés, huit croiseurs à grande vitesse, quatre contre-
torpilleurs, deux torpilleurs de haute-mer et dix tor-
pilleurs de la défense mobile. Neuf de ces cuirassés
appartiennent au fort de Toulon; ils sont sous les
ordres du vice-amiral Duperré-, qui a avec lui les
contre-amiraux Alquier et O'Neill.
Ce sont le Formidable, vaisseau-amiral, le Cour-
bet, l'Amiral Baudin, l'Amiral Duperré, le Redou-
table, le Toidenl, le Duguesclin, le Vauban et le
Bayard, le même qui a fait la campagne du Tonkin
et de Formose, sous les ordres de l'amiral Courbet,
et qui a rapporté à Toulon les restes du marin re-
gretté. Les trois autres cuirassés, commandés par
le contre-amiral Gervais, forment la division du
Nord ce sont le Mar·engo, le Furieux et le Re-
quin.
Les croiseurs, au nombre de huit, sont le Sfax,
le Primauguet, le Rigaud-de-Genouilly, le Foi-fait,
le Vautour, le Milan, l'Epervier et le Forbin. Ces
quatre derniers sont encore peints en gris, couleur
qu'avait adoptée l'amiral Dupetit-Thouars, à la suite
de nombreuses expériences, comme étant celle qui,
la nuit, permet de rendre le navire pour ainsi dire
invisible, même dans les rayons des projecteurs
électriques; mais il paraît que cette couleur va être
abandonnée.
Le Forfait est le croiseur que l'on a moblisé en
dernier lieu pour remplacer le Nielly, actuellement
en cale sèche par suite de son échouage sur l'île de
Batz. Il paraît qu'un ordre des bureaux du ministè-
re enjoignait au capitaine de partir aussitôt paré, et
de régler ses compas en route. Une brume est sur-
venue qui a prouvé une fois de plus qu'il ne faut
jamais trop se presser, même pour bien faire.
Le Sfaoo se trouvait dans les mêmes conditions,
mais l'amiral Duperré, dans la crainte qu'un pareil
accident ne se renouvelât, a profité de l'escale de
Brest pour faire régler les compas de ce croiseur.
11 faut ajouter à cette énumération détaillée qua-
tre contre-torpilleurs, la Dague, la Flèche, la Bombe
et la Couleuvrine.Ce type de bateau, infiniment gra-
cieux sur l'eau, est, ainsi que son nom l'indique,
destiné à lutter contre le torpilleur, cet infiniment
petit qui peut, avec de l'audace et de la chance,cou-
ler le plus gros cuirassé, malgré sa puissante artil-
lerie et ses filets Bullivan. Aussi le contre-torpilleur
est-il muni de machines lui permettant .d'acquérir
de très grandes vitesses; mais ce sont là rouages
délicats. Qu'un accident, léger soit-it, vienne à se
produire, comme cela vient d'arriver pour la Cou-
leuvrine que le Bayard a dû prendre à la remorque,
et ce coquet navire devient une gêne, un embarras
pour l'escadre qu'il était chargé d'éclairer et de pro-
téger.
Enfin, douze torpilleurs complètent cet ensemble
Les approvisionnements.
Nous n'insisterons pas sur l'animation que la pré-
sence de la flotte mettait dans les rues de Brest, ni
sur la joie des habitants, heureux et fiers de voir
leur rade aussi bien garnie les télégrammes quoti-
diens du Matin ont renseigné nos lecteurs à ce su-
jet. Nous irons, avec notre collaborateur, faire un
tour dans l'arsenal et constater que les quais regor-
gent, en effet, de marchandises, que de longues liles
de canons, dont on ne se servira plus parce que le
modèle en est démodé, dorment a l'abri des bâti-
ments de la Majorité; qu'à ces canons succèdent des
ancres symétriquement rangées et des piles inter-
minables de gueuses, c'est ainsi qu'on nomme
le lest.
Il est bien entendu que la Majorité générale ne
laisse voir que ce qu'il lui plaît de montrer, mais,
pour plus amples renseignements, nous renvoyons
au rapport de M. Gerville-Réache.
L'arsenal de Brest comporte des ateliers de toutes
sortes, un matériel et un outillage considérable per-
mettant de construire aussi bien le cuirassé de pre-
mier rang, tel que le Hoche et le Neptune actuelle-
ment dans les bassins à flot, que le simple canot
et due la pins petite baleinière.
Mais une d£? spécialités de ce port de guerre est
d'être en quelque ^orte la pépinière qui fournit les
matelots à toute noire flotte. La caserne de Re-
couvrance peut loger s*x mille hommes, et le plus
souvent ce chiffre est atteÎJJt. C'est d'ailleurs sur
rade de Brest que se trouvent les vaisseaux-écoles
i le Borda, l'Austerlitzet la Bt-etagh*, par où passent
ou ont passé tous nos officiers de mafioe.
Ne pourrait-on pas laisser à notre port de Breta-
gne la spécialité d'être l'école de la flotte, aussi bien
pour les officiers que pour les équipages. et trans-
porter, par exemple, l'école des torpilles à. Cher-
bourg, les constructions navales à Toulon. On sup-
primerait du même coup une grande partie da ces
états-majors coûteux et devenus inutiles, qui grè-
vent si chèrement le budget; on diminuerait consi-
dérablement le nombre des ouvriers que l'on fait
travailler parce qu'ils sont là, et parce que, payés,
il faut qu'ils produisent; d'où ces quantités d'ap-
provisionnements de toutes sortes dont on encombre
les magasins sans en pouvoir justifier l'emploi.
L'avancement.
Notre collaborateur, s'il a vu tout cela, a aussi
entendu bien des plaintes, bien des doléances qui lui
ont été faites sous le sceau du secret. Nous nous
empressons d'en divulguer quelques-unes avec d'au-
tant plus de quiétude que le ministère de la marine,
sur la demande de la commission du budget, s'oc-
cupe de la question.
Nous voulons parler de l'avancement. Il est trop
lent, dit-on; l'enseigne de vaisseau ne passe lieute-
nant qu'après six ans de grade; le lieutenant ne de-
vient capitaine de frégate qu'après avoir porté ses
deux galons pendant seize ou dix-sept ans. Il faut
avoir chevillé dans le corps le goût de son métier
pour résister à une pareille lenteur et avoir une telle
patience.
Ce n'est pas en créant cent ou deux cents officiers
de plus, comme veut le faire l'administration de la
marine, qu'on rendra l'avancement plus rapide. Le
meilleur moyen à employer, pour arriver au résul-
tat que l'on -cherche, est de supprimer radicalement
l'embarquement au choix.
Tous les officiers ne sont pas embarqués, nos na-
vires n'y suffiraient pas ils accomplissent à tour de
rôle une période dembarquement; cette période
terminée, ils sont mis à terre et attendent que leur
tour revienne.
Sur cette liste d'embarquement, les officiers supé-
rieurs ont le droit, sans tenir compte du rang qu'il
occupe sur la liste, de désigner tel ou tel officier
pour occuper un emploi qu'il leur plait. Naturelle-
ment, ce sont les bons postes que la faveur ac-
corde.
Si ce droit de choisir était supprimé, l'officier que
des raisons particulières, soit de famille, soit de
santé, attachent de préférence à un rivage plutôt qu'à
un autre, aimerait souvent mieux donner sa dé-
mission que de partir pour le Tonkin, Madagascar
ou une autre colonie. Il ferait de la sorte place aux
jeunes et le cas serait plus fréquent qu'on ne croit.
Nous répétons ce propos, sans le développer da-
vantage, parce qu'il a été tenu dans un cercle de
gens compétents et pour qui les choses de la ma-
rine n'ont que peu de mystères. Il est certain que
du moment qu'il supprime une faveur, il devrait
être pris en considération il est à craindre malheu-
reusement que, pour cette raison, il ne sera seule-
ment pas examiné.
Toutes ces réformes sont-elles possibles ? Elles le
seraient si elles étaient tentées par un ministre civil
qui n'aura pas d'amitiés à ménager, qui ne saurait
être embarrassé dans son entreprise par aucun
souvenir de carrière. Nous n'en voulons pour preuve
que les résultats obtenus par M. de Freycinet, au
ministère de la guerre; avec l'approbation de tous,
il a fait des réformes qu'aucun général n'aurait
jamais pu faire accepter.
PARLEMENT/ ANGLAIS
Aux Communes Le différend anglo-por-
tugais La traite dans la mer Rouge.
LONDRES, 7 juillet. Par fil spécial. Sir J. Fer-
gusson dit que le Portugal a accepté en principe les
propositions de l'Angleterre et de l'Amérique de
fixer par un arbitrage international l'indemnité à
1 payer pour le chemin de rer de ueiagoa.
L'Angleterre et l'Amérique ont fait au£cabinet de
Lisbonne des propositions sur le choix de la puis-
sance qui sera invitée à nommer les arbitres.
Sir J, Fergusson déclare que le rapport des offi-
ciers charges de la surveillance de la mer Rouge
constate que la traite des esclaves continue à se
faire d'une manière occulte, comme) par exemple,
en simulant le costume des pèlerins.
De;s que l'acte général récemment signé à Bruxel-
les sera entré en vigueur, le gouvernement espère
que les mesures adoptées par toutes les puissances
tendront à la suppression complète de la traite.
SOLDATS RÉFRACTAIRES
Mutinerie des grenadiers de la garde à
Londres Mesures disciplinaires.
LONDRES, 7 juillet. Par fil spécial. Ce
matin, les hommes du 2Q bataillon des grenadiers
de la garde de la caserne de Wellington ont refusé
d'obéir à l'appel de l'assemblée, sonné afin de per-
mettre aux officiers de visiter les sacs, et ils -se sont
renfermés dans leurs chambres.
Plusieurs officiers de l'état-major ont été convo-
qués pour délibérer à ce sujet avec le colonel. L'ins-
pection des sacs ayant été contremandée, les hom-
mes ont alors formé les rangs. Le colonel leur a
fait des remontrances qui ont été accueillies par
des huées et par des sifflets.
On croit que ce régiment sera envoyé en service
à l'étranger.
MANŒUVRES NAVALES
BREST, 7 juillet.- D'un correspondant. L'esca-
dre a manœuvré hier en armée, par grosse mer,
avec bonne brise. Elle est ensuite venue au mouil-
lage de Morgat, à six heures du soir. Dans la nuit
a eu lieu un branle-bas de combat, à blanc pour les
cuirassés, à feu pour les croiseurs.
L'escadre a appareillé ce matin pour passer la
nuit à la mer.
LES FINANCES ROMAINES
Rome, 7 juillet. Par service spécial. Un ac-
cord est intervenu eutre le gouvernement et la com-
mission chargée d'examiner le projet sur la réorga-
nisation des finances de Rome.
Le gouvernement a consenti à retarder l'applica-
tion de la nouvelle loi jusqu'au jour où la munici-
palité de Rome auraéquilibré son budget elle-même,
L'AFFAIRE MARINKOVITCH
BELGRADE, 7 juillet. D'un correspondant. Le
grand-vizir a ordonné l'arrestation de nombreuses
personnes à Pristina.
Il aurait reconnu, avec M. Novakovitch, ministre
de Serbie à Constantinople, que l'assassinat du con-
sul Marinkovitch n'a pas été un acte de vengeance
personnelle, mais le résultat d'un complot.
UN MARIAGE A ROME
Rome, 7 juillet. Par service spécial. Ce ma-
tin a été célébré, à l'église Sainte-Marie-Majeure, le
mariage de Mlle Coztanza Spezza, nièce du pape,
avec le comte Salvalore Salimei, garde-noble.
Après la cérémonie, le Saint-Père a reçu les époux
et leur a donné sa bénédiction.
LE CABINET ESPAGNOL
MADRID, 7 juillet. Par service spécial Le mi-
nistre des affaires étrangères recevra demain le
corps diplomatique étranger.
La nomination du duc de Mandas comme ambas-
sadeur à Paris a été décidée en conseil des minis-
tres.
CHAMBRE ITALIENNE
Rome, 7 juillet. D'un correspondant. M. Mar-
tini dépose le rapport sur le' projet concernant les
mesures en faveur de la ville de Rome.
L'accord du gouvernement et de la commission
sur ce projet est complet.
LE CHOLÉRA EN ESPAGNE
Madrid, 7 juillet. Par service spécial. On'si-
gnale officiellement de Gandia, pour les dernières
le£. heures, 19 cas et 5 décès.
A Madrid, l'état sanitaire est parfait.
'L'ALCOOLISME
LÉS SOCIÉTÉS DE TEMPÉRANCE A
L'ETRANGER ET EN FRANCE
Un mal à combattre Premières sociétés
fondées en Amérique et en Angleterre
Deux organismes Tempérants
et abstinants Associa-
tion française. o
La lutte contre l'alcoolisme revêt les formes les
plus diverses. Elle est aussi complexe que le mal
auquel elle s'attaque; moralistes, hygiénistes, légis-
lateurs se rencontrent dans la même lice, mêlant à
l'action publique les efforts de l'initiative privée.
Cette dernière a créé une multitude d'associations
dont les plus puissantes sont c 11 "s qui constituent
un faisceau compact et international sous le nom de
sociétés de tempérance. Nous voudrions, en observa-
teur impartial, les présenter aux lecteurs du Matin.
La première société de tempérance fut fondée aux
Etats-Unis en 1808. Mais ce n'est réellement qu'en
1827 que l'entreprise se développa. Dans cette seule
année, il se constitua 1,000 sociétés locales réunis-
sant 100,000 membres. En 1835, il y avait plus de
8,000 sociétés locales, 23 sociétés d'Etat et 1,500,OOC
adhérents. Le nombre d'adhérents est aujourd'hui
de plus de trois millions. Ce mouvement ne tarda
pas à traverser l'Atlantique, et une première so-
ciété se constitua, ver s la fin de 1829, dans la ville
de Glasgow, qui n'a jamais cessé, depuis cette épo.
que, d'être le centre d'action du mouvement de tem.
pérance en Ecosse. En Irlande, les sociétés de tem-
pérance prirent naissance en 1838, sous l'impulsion
du père Mathew, et, peu après, elles envahissaient
l'Angleterre; puis elles se répandaient en Allema-
gne, en Suède, en Danemark, en Hollande, en
Russie, bien plus tard en Suisse et plus tard encore
dans les pays latins, particulièrement en France
Les pays qui se sont les premiers liés à l'œuvre
sont évidemment ceux qui ont eu le plus à souffrir
des effets désastreux de l'alcoolisme.
Ces sociétés sont presque toutes constituées sui
une base que ne laisse pas deviner leur nom. Elles
ne sont pas seulement tempérantes, elles sont abs-
tinentes. Les statuts réclament de leurs membres
l'abstinence absolue des boissons fermentées, à
moins de prescriptions religieuses ou médicales
contraires. Encore trouve-t-on des sociétés qui n'ad-
mettent même pas l'exception pour motifs religieux.
Si on leur objecte que Jésus-Christ a institué le sa-
crement de l'Eucharistie sous les espèces du pain
et du vin, elles répondent que c'était un vin spécial.
« fruit de la vigne non fermenté ». Aussi une indus-
trie spéciale s'applique-t-elle à concilier, enAmérique
et en Angleterre, les devoirs religieux avec les scru-
pules des abstinents, en fabriquant du vin qui n'est
pas du vin, avec lequel communient celles des Egli-
ses dont la plupart des membres se rattachent à la
tempérance.
On ne s'explique pas, au premier abord, toutes
ces subtilités. On se demande ce que quelques gout-
tes de vin ont affaire dans la question, par quels
liens elles se rattachent à l'alcoolisme proprement
dit. A cela les abstinents répondent que la psycho-
logie, la science et l'expérience démontrent jusqu'à
l'évidence que l'homme adonné aux liqueurs alcoo-
liques ne peut définitivement en être délivré que
s'il s'en abstient d'uue manière complète. Il suffit
qu'il soit sollicité par une goutte du breuvage fatal
pour qu'il en redevienne l'esclave. Il faut donc l'i-
soler entièrement de tout ce qui peut lui devenir un
piège.
Solidarité « abstinente ».
Ce n'est pas là le seul côté bizarre de ces associa-
tions. Il semblerait que ceux-là seuls qui ont des
penchants pour l'ivrognerie ou qui déjà en étaient
les victimes dussent être soumis à ce régime d'abs-
tinence. On comprend qu'un malade suive un ré-
gime. On comprend moins que les bien portants y
soient également soumis.
« Nous nous y soumettons, disent les abstinents,
dans un esprit de solidarité pratique. Lorsque nous
demandons aux ivrognes de s'abstenir totalement
de toute boisson fermentée, ils nous répondent que
leur santé en souffrirait, que l'alcool est essentiel-
lement tonique, et que l'homme ne peut se soutenir
avec de l'eau, du café et du thé. Eh bien 1 nous leur
offrons de faire avec eux l'expérience contraire-
Nous signons avec eux l'engagement de nous abste.
tenir complètement, et, entre eux et nous se forme
ainsi un lien de confiance et de lutte en commun.
Nous pouvons les suivre, les soutenir, les préser-
ver. Leur compagnie naturelle était autrefois celle
des ivrognes; aujourd'hui, elle est au moins mêlée,
et les bons éléments s'y rencontrent plus que le?
mauvais. D'ailleurs, si nos associations n'étaient
composées que d'ivrognes, ceux-ci refuseraient, na-
tureltement, le plus souvent d'en faire partie. On
peut écrire sur son chapeau C'est moi qui suis
Guillot le baptisé. On ne mettra pas à la boutonnière
le ruban bleu, si ce ruban n'est porté que par les
ivrognes, s'il signifie Association d'ivrognes, au
lieu de signitler Association contre l'ivrognerie.
L'insigne des membres de société de tempérance
est en effet presque toujours le ruban bleu. On peut
le voir arbora en Ang'lp.tGrrR, rn Amérique et en
Suisse sur un grand nombre do poitrine, En France
même on le rencontre quelquefois, et alors il établit
une douce confusion avec les palmes académiques.
Ce ruban est plus qu'un drapeau il doit être pour
celui qui le porte comme une sauvegarde. Il ne l'est
pas toujours. On raconte couramment, en Ecosse,
t'histoire d'un « ruban bleu » ivre-mort qui répon-
dit à un autre « ruban bleu » qui lui reprochait avea
véhémence son infidélité « Ah moi je ne suis pas
un fanatique. Je ne pousse pas les choses trop loin.
Il faut de la mesure en tout 1 »
Cafés et hôtels de tempérance.
Comme bien on le pense, les abstinents ne sa
bornent pas à recueillir, pour les soigner et les dé-
livrer, les alcooliques de tous degrés. Ils sont sans
cesse en lutte contre les débits de boissons. Là oft
ils le peuvent, comme dans l'Etat de New-Jersey,
ils les font supprimer. Ailleurs ils provoquent une
réglementation toujours plus rigoureuse. Partout
ils suscitent une concurrence plus ou moins
efficace, qui consiste principalement en cafés da
tempérance et en hôtels de tempérance. Les hôtels
de tempérance n'ont pas toujours bonne réputation.
Il est vrai, si nous en croyons les abstinents, qu'il y
a hôtels et hôtels.
Les uns ne prennent cette qualité que pour êtra
dispensés de la licence, et n'ont aucun rapport avec
les sociétés de tempérance elles-mêmes. Les autres,
ceux qui sont du ressort des sociétés, défieraient,
paraît-il, toute critique. Nous ne pouvons nous eu
faire juges. Quoiqu'il y ait en France des associa-
tions d'abstinents, principalement à Paris et dans
l'arrondissement de Montbéliard, il n'existe pas en*
core d'hôtel de tempérance. Par contre, il y a un
café de tempérance et un restaurant de tempéranca
créés par la, branche parisienne de la « Croix bleue ».
ramification d'une société suisse, fondée à Paris par
un Alsacien « ancien buveur ». C'est le nom qu'il
se donne lui-même et qu'il proclame à l'envi dans
les nombreuses conférences dont il honore sans
relâche dans tous les quartiers de la capitale.
La lutte en France.
Ce mouvement qui a incontestablement diflfi*
nué les ravages de 1 alcoolisme dans les pays da
Nord et en Amérique, a-t-il des chances d'avenir en
France où, du reste, le fléau est loin d'avoir la mô-
me intensité Nous ne le croyons pas. Dans les
pays dont nous venons de parler, la vigne et l'arbre
à cidre sont pour ainsi.dire inconnus, et les classes
ouvrières n'y consomment guère que des liqueurs
spiritueuses provenant de la distillation des ma-
tières sucrées obtenues par la fermentation de \m<
betterave, de la pomme de terre et des grains de'
toute sorte. Il pourrait donc être relativement facile
de leur demander l'engagement de s'abstenir abso.
lument des boissons alcooliques. Serait-il rationnes
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