Titre : La Femme : journal bi-mensuel
Auteur : Union nationale des amies de la jeune fille (France). Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1912-07-01
Contributeur : Delpech, C (Mlle). Éditeur scientifique
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32773978f
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 5883 Nombre total de vues : 5883
Description : 01 juillet 1912 01 juillet 1912
Description : 1912/07/01 (A34,N7)-1912/08/31 (A34,N8). 1912/07/01 (A34,N7)-1912/08/31 (A34,N8).
Description : Collection numérique : France-Pologne Collection numérique : France-Pologne
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5500596t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-R-254
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/01/2011
LA FEMME
101
discipline d'elle-même, par l'exercice de sa vo-
lonté, elle devra acquérir cette stabilité intellec-
tuelle, cette personnalité morale sans lesquelles
on ne peut ni se conduire soi-même, ni exercer
une influence profonde sur les autres.
Aujourd'hui, la femme doit savoir ce qu'elle
veut, agir avec persévérance, décider avec fer-
meté, se créer un but vers lequel elle marchera
d'un pas assuré. Elle ne devra plus être le reflet
des idées et des pensées des autres, elle devra
penser et agir par elle-même. Il est évident qu'où
n'arrive pas à cette connaissance de soi, à cet
équilibre si harmonieux, sans avoir dominé ses
émotions et appris à cultiver son intelligence.
Ce'travail ne peut se faire que jour par jour.
Trop longtemps, les femmes ont rempli leurs
loisirs de choses inutiles ou vaines 1 Combien
encore n'ont jamais réfléchi à l'importance qu'il
y a à consacrer seulement une heure par jour à
leur culture intellectuelle. Une fois les études
terminées, on se figure qu'en se tenant au cou-
rant de ce qui se passe par la lecture des romans,
des journaux et des revues, cela suffit pour déve-
lopper l'intelligence. Les lectures sans suite, la
recherche du développement avec le moindre
effort, ce n'est là rien de sérieux ni de profond.
Dix minutes par jour de concentration, sur un
sujet d'ordre moral ou intellectuel, seront plus
profitables qu'une heure de lecture rapide, où on
ne fait aucun effort pour pénétrer la penséa d'un
auteur et la faire sienne.
Ce qui manque aux femmes, c'est cette disci-
pline d'elles-mêmes qui ferait disparaître cette
instabilité mentale, ce flottement dans leurs
pensées, qui exercent une influence si néfaste
sur toute leur manière d'être et d'agir. Les hom-
mes affirment qu'on ne peut compter sur les
femmes à cause de l'imprécision de leur juge;
ment, du peu de persévérance de leurs efforts ;
et ils en concluent qu'ils doivent s'opposer à son
émancipation parce qu'ils la trouvent inapte
à assumer le rôle qu'elle désire remplir.
Que d'oeuvres souffrent de ces emballements
féminins, de ces enthousiasmes sans lendemain !
Seul l'effort constamment renouvelé, qui sait
tenir bon et vaincre les obstacles, se trouve chez
les femmes qui se possèdent, qui savent réfléchir
et peser le pour et le contre avant d'entreprendre
une oeuvre nouvelle.
Vivre sans une règle de discipline personnelle,
c'est se priver d'un merveilleux auxiliaire, d'un
ressort qui soutient chaque effort, qui décuple
notre puissance d'action, qui nous permet d'exer-
cer vraiment une influence sur les autres. Par-
courir la vie sans l'approfondir, c'est se priver
des plus nobles émotions, c'est vivre dans l'illu-
sion, au lieu d'agir dans la réalité. Car si nous
n'analysons pas nos motifs, si nous ne contrôlons
pas nos pensées, nous sommes à la merci de nos
émotions, de noa impulsions bonnes et mau-
vaises.
C'est aussi limiter notre sympathie, car nous
ne pouvons vibrer aux souffrances des autres si
nous n'avons su mettre à profit les leçons de nos
expériences douloureuses; tout travail est stérile
s'il n'est accompli dans un butélevé,et sans une
pensée d'amour désintéressé et altruiste> à quoi
peuvent aboutir nos efforts et qu'est-ce que la
charité sans amour?
Pour rendre plus de services aux autres, pour
que l'ordre et l'harmonie soient nos compagnons
de route, il faut, dans cette vie toujours plus
pleine, plus haletante, avoir une discipline per-
sonnelle, qui nous maintienne en pleine pos-
session de nous-même. Sans cela, on risque le
déséquilibrement physique qui aboutit souvent
au déséquilibrement moral.
Pour se connaître, il faut essayer chaque
matin, pendant une dizaine de minutes au moins,
de prendre contact avec soi-même, faire un pro-
gramme de sa journée, consacrer un peu de
temps à l'étude d'un sujet d'ordre moral ou
intellectuel. Ceux qui pratiquent cette règle-de
vie, cette discipline, conserveront un coeur et
une intelligence vifs et lumineux à travers les
années, et rien de ce qui les entoure ne les laisse
indifférents, car partout ils voient de nouveaux
horizons qui s'ouvrent devant eux.
Gomme preuve à l'appui de ce que j'avance, je
veux vous résumer en quelques mots une vie
harmonieuse et belle, celle de Mme Julia Ward-
Howe, une Américaine dont la longue existence
fut riche eu belles actions, parce qu'elle, reposa
sur la pratique constante d'une réelle discipline
personnelle. A quatre-vingt-douze ans, elle pou-
vait encore parler en public, elle le fit notamment
dans un Congrès réuni à Washington pour dé-
fendre les droits des enfants à avoir du lait pur ;
elle écrivait, quinze jours avant de s'éteindre,
un article pour une revue. Sa fille nous dit :
• Tous ceux qui connurent ma mère :furent
émerveillés de sa jeunesse, de son entrain, de
cette volonté, de celte énergie, et tous voulaient
savoir le secret de cette belle vieillesse. A 91 ans,
Mme Howe répondait à un journaliste qui lui
demandait de formuler en une phrase le secret
de sa vigueur : « Il faut être de son temps ».
Tous les matins, elle consacrait une demi-
101
discipline d'elle-même, par l'exercice de sa vo-
lonté, elle devra acquérir cette stabilité intellec-
tuelle, cette personnalité morale sans lesquelles
on ne peut ni se conduire soi-même, ni exercer
une influence profonde sur les autres.
Aujourd'hui, la femme doit savoir ce qu'elle
veut, agir avec persévérance, décider avec fer-
meté, se créer un but vers lequel elle marchera
d'un pas assuré. Elle ne devra plus être le reflet
des idées et des pensées des autres, elle devra
penser et agir par elle-même. Il est évident qu'où
n'arrive pas à cette connaissance de soi, à cet
équilibre si harmonieux, sans avoir dominé ses
émotions et appris à cultiver son intelligence.
Ce'travail ne peut se faire que jour par jour.
Trop longtemps, les femmes ont rempli leurs
loisirs de choses inutiles ou vaines 1 Combien
encore n'ont jamais réfléchi à l'importance qu'il
y a à consacrer seulement une heure par jour à
leur culture intellectuelle. Une fois les études
terminées, on se figure qu'en se tenant au cou-
rant de ce qui se passe par la lecture des romans,
des journaux et des revues, cela suffit pour déve-
lopper l'intelligence. Les lectures sans suite, la
recherche du développement avec le moindre
effort, ce n'est là rien de sérieux ni de profond.
Dix minutes par jour de concentration, sur un
sujet d'ordre moral ou intellectuel, seront plus
profitables qu'une heure de lecture rapide, où on
ne fait aucun effort pour pénétrer la penséa d'un
auteur et la faire sienne.
Ce qui manque aux femmes, c'est cette disci-
pline d'elles-mêmes qui ferait disparaître cette
instabilité mentale, ce flottement dans leurs
pensées, qui exercent une influence si néfaste
sur toute leur manière d'être et d'agir. Les hom-
mes affirment qu'on ne peut compter sur les
femmes à cause de l'imprécision de leur juge;
ment, du peu de persévérance de leurs efforts ;
et ils en concluent qu'ils doivent s'opposer à son
émancipation parce qu'ils la trouvent inapte
à assumer le rôle qu'elle désire remplir.
Que d'oeuvres souffrent de ces emballements
féminins, de ces enthousiasmes sans lendemain !
Seul l'effort constamment renouvelé, qui sait
tenir bon et vaincre les obstacles, se trouve chez
les femmes qui se possèdent, qui savent réfléchir
et peser le pour et le contre avant d'entreprendre
une oeuvre nouvelle.
Vivre sans une règle de discipline personnelle,
c'est se priver d'un merveilleux auxiliaire, d'un
ressort qui soutient chaque effort, qui décuple
notre puissance d'action, qui nous permet d'exer-
cer vraiment une influence sur les autres. Par-
courir la vie sans l'approfondir, c'est se priver
des plus nobles émotions, c'est vivre dans l'illu-
sion, au lieu d'agir dans la réalité. Car si nous
n'analysons pas nos motifs, si nous ne contrôlons
pas nos pensées, nous sommes à la merci de nos
émotions, de noa impulsions bonnes et mau-
vaises.
C'est aussi limiter notre sympathie, car nous
ne pouvons vibrer aux souffrances des autres si
nous n'avons su mettre à profit les leçons de nos
expériences douloureuses; tout travail est stérile
s'il n'est accompli dans un butélevé,et sans une
pensée d'amour désintéressé et altruiste> à quoi
peuvent aboutir nos efforts et qu'est-ce que la
charité sans amour?
Pour rendre plus de services aux autres, pour
que l'ordre et l'harmonie soient nos compagnons
de route, il faut, dans cette vie toujours plus
pleine, plus haletante, avoir une discipline per-
sonnelle, qui nous maintienne en pleine pos-
session de nous-même. Sans cela, on risque le
déséquilibrement physique qui aboutit souvent
au déséquilibrement moral.
Pour se connaître, il faut essayer chaque
matin, pendant une dizaine de minutes au moins,
de prendre contact avec soi-même, faire un pro-
gramme de sa journée, consacrer un peu de
temps à l'étude d'un sujet d'ordre moral ou
intellectuel. Ceux qui pratiquent cette règle-de
vie, cette discipline, conserveront un coeur et
une intelligence vifs et lumineux à travers les
années, et rien de ce qui les entoure ne les laisse
indifférents, car partout ils voient de nouveaux
horizons qui s'ouvrent devant eux.
Gomme preuve à l'appui de ce que j'avance, je
veux vous résumer en quelques mots une vie
harmonieuse et belle, celle de Mme Julia Ward-
Howe, une Américaine dont la longue existence
fut riche eu belles actions, parce qu'elle, reposa
sur la pratique constante d'une réelle discipline
personnelle. A quatre-vingt-douze ans, elle pou-
vait encore parler en public, elle le fit notamment
dans un Congrès réuni à Washington pour dé-
fendre les droits des enfants à avoir du lait pur ;
elle écrivait, quinze jours avant de s'éteindre,
un article pour une revue. Sa fille nous dit :
• Tous ceux qui connurent ma mère :furent
émerveillés de sa jeunesse, de son entrain, de
cette volonté, de celte énergie, et tous voulaient
savoir le secret de cette belle vieillesse. A 91 ans,
Mme Howe répondait à un journaliste qui lui
demandait de formuler en une phrase le secret
de sa vigueur : « Il faut être de son temps ».
Tous les matins, elle consacrait une demi-
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