Titre : La Presse
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1898-02-09
Contributeur : Girardin, Émile de (1806-1881). Directeur de publication
Contributeur : Laguerre, Georges (1858-1912). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 09 février 1898 09 février 1898
Description : 1898/02/09 (Numéro 2083). 1898/02/09 (Numéro 2083).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5487112
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 16/05/2008
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~M~– A~pe//e ~~ne. n"
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NBM DE GIRÀRDIN
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EMILE DE
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MS tt~kux bu~~SMo-x: de « la fr~aXt~C
pt, chez MM. Ch. Lagr~nge, Cerf c'~
6,PLACZMLj).BOURiM,6 ô
Dotlingen et C', !6, rue Gr&ng~-B&~Mfe
~cf/nm/s~affon 72, rue T~6phone,3«)a:tt''tOt.6&–<02.M–
ABOKKEMENTS:
Tretamoift.j!iKnPA~ia tt.. B S*. ~60 18 tr.
Dtp&RTZM~s~. 6&. UAj, 3&&.
NMANe~tt: Leport.ansna.
~Mûfac~: f2, rue efM Cro/ssan~, f2
AnntCMnB fnMOttfB t ce TtMMinc tBc tMfmrMWf
&UUM:NM LUJni'LMb Lh& ibNutNS. LES iNCNENTS~
Dépositions de MN. LeMois, Scheurep-Kestner, Câsimir-Perier
npDNït'Dr 1 nrnDp t
UMHiLM îihUM
A LA SORTtE
Incidents tnmult~OM
Des mcidents tumultueux se sont pro-
duits à la sortie de l'audience dans la ga-
lerie Marchande et dans la grande ga-
lerie.
Des bagarres ont eu lieu et des coups
de poing ont été échangea dans divers
groupea.
M. Blanc, préfet de police, est sur les
lieux.
Une arrestation vient d'être opérée.
M~Laboriaétéhuéàsasortie.
Quant à M. Emile Zola, il est sorti par
la porte du boulevard du Palais, après
avoir traverse le Palais de justice à l'in-
térieur, par la galerie Marchande. A son
apparition sur le haut du perron, il a été
salué par des huées et des cris poussés
par plusieurs milliers de personnes. Et ce
n'est que grâce à la protection des gardes
qu'il a pu arriver jusqu'à sa voiture, qui a
été bousculée quelque peu.
L'évacuation du Palais a été faite par
les gardes républicains sous la direction
du préfet de police.
Le général Qonse a été vivement ac-
clamé. De nombreux cris de « Vive l'ar-
mée 1 s ont retenti sur son passage.
L'AFFAIRE ANDRADE
On nous communiqua la note suivants du ministère
de l'instruction puMique
M. Andrade, professeur adjoint à la faculté
des sciences de Rennea, auteur d'une lettre
pou couvenable adressée au général Mercier
et reproduite par la presse, s'était vu inSiger
un blâme sévère par le minittre de l'instruc-
tion publique.
Le ministre terminait sa lettre en se ré-
servant d'examiner ce que la conduite de ce
professeur ou les conséquences de sa con-
duite pourraient comporter de plus.
A la suite de nouveaux incidents qui ont
abouti à une condamnation prononcée contre
ce même professeur par le tribunal correc-
tionnel de Rennes, le ministre a suspendu
de se< fonctions M.Andrade.
ON CRAtNT DES TROUBLES
M. Charles Blanc, préfet de police,
Bsta.llé conïëreraYecM.Delelorguepour
les mesures à prendre en vue des ma-
nifestations tumultueuses qui pourraient
se produire demain.
L'AFFAtRE HEtM
La commission de discipline et de conten-
lieux du conseil supérieur de l'instruction
publique a entendu, ce matin, M. Heim,qui
était assisté de son défenseur M' MiMe-
rand.
L'audition de M. Heim a continue cet
~près-midi.
Le conseil supérieur, réuni en assemblée
plénière, ne statuera vraisemblablement
tur le pourvoi de M. Heim que vendredi pro-
chain.
mM~Mm
Bonne audience aujourd'hui, et déjà
l'issue du procès commence à se des-
siner. Nous exprimions hier le regret
que les omciers cités par Emile Zola
ne fussent pas admis à apporter leur
témoignage; Le général Billot, après
avoir lui-même renoncé à déposer,
avait refusé ses subordonnés l'auto-
risation de parler. Seul le colonel Pic-
quart conservait le droit de paraître à
la barre, et ainsi, le ministre de la
guerre semblait faire un jeu assez équi-
-voque, puisqu'il laissait la parole au
seul témoin militaire à charge du
procès.
Heureusement, les événements ont
aujourd'hui changé de tournure, le
président Delegorgue, qui semble
impartialement disposé à connaître
'toute la vérité, à poursuivre toute la
lumière, a fait rendre par la cour un
arrêt ordonnant que tous les témoins
militaires soient cités demain sur in-
terpellation du président. Ainsi, nous
entendrons M. d'OrmeschevilIe et le
général Mercier, M. de Boisdeffre et le
commandant Esterhazy. Voilà qui va
Tendre soucieux le général Billot Mais
ce n'est pas à son mécontentement
qu'il faudra s'arrêter.
D'ailleurs, comme si rien ne pouvait
arrêter cette « vérité en marche )) dont
Zola réclame la venue, les incidents
se multiplient, qui nous éclairent.
Me Labori faisait grand fonds hier sur
la citation de Mlle Blanche de C. et
h'apas craint de publiquement faire
allusion à ses rapports avec M. du
Paty de Clam et à l'intervention d&M
l'aSaire du générât Dayqutt Q~ M~
lira plus loin, en réponse a ces alléga-
tions mensongères, ta lettre que vient
d'adresser au colonel du Paty le grand-
chancelier de la Légion d'honneur :`
c'est la. lettre d'un honnête homme;
elle est nette et affirmative, et du coup
elle met à néant toute l'odieuse his-
toire avec laquelle on a tenté de salir
deux familles. Mais le procès fini,
quand on aura dégagé toute la vérité,
quelle responsabilité pèsera sur les
hommes qui ont accueilli et propagé
d'aussi lâches mensonges et tant de
calomnies
LÉON BAILBY.
UNELETTRE DU GÉNÉRAL DAVOUT
An colonel du Paty da Clam
M* Labori a dit hier textuellement
M. du Paty de Ctam a eu entre les mains une
correspondance de Mlle de Comminges, correspon-
dance qu'il a été obligé de restituer sur l'intervention
du général Davout.
Le grand-chancelier de la Légion d'hon-
neur a adressé ce matin la lettre ci-aprëa
au Ueutenant-coionel du Paty de Clam, en
réponse n ces allégations
Ce mardi 8 février 1898.
Mon cher Colonel,
Je lis dans les journaux que M. de
Comminges s'est plaint à moi des faits
qui ont motivé les attaques dont vous
êtes l'objet.
L'impression que j'ai gardée de mon
entrevue avec lui a été si loin de vous
être défavorable que je vous ai, depuis,
servi de témoin pour votre mariage et
présenté au Cercle de l'Union.
Veuillez croire, mon cher colonel, à
mes affectueux sentiments.
Générai DAVOUT, DUC D'AUERST~DT.
LES AFFAIRES
BOURSE DES VALEURS
MarcM ph/s an/me.– ~mëMoratf'on des cours.
Les réalisations qui sa aont produites hier sur
quelques valeurs étrangères n'ont pas persisté au-
jourd'hui. Nous n'avons pas à noter d'amélioration
sensible, mais une certaine résistance aux ventes, ce
qui a bi*n quelque signification.
Quant à nos rentes, qui demeuraient hier station-
naires, nous les retrouvons en excellentes ten-
dances elles obtiennent même une légère plus-
value.
C'est ainsi que !e S 0/0 finit à 103 62, en hausse
dt 12 centimes l'amortissable cote 102 02 ie 31/2 0/0
gagne tO centimes à 105 65.
Les fonds étrangers sont plus fermes.
L'Italien, lui, est toujours aussi discuté, nous te
laissons à 93 62.
La rente espagnole, plus lourde, finit a 6! 45.
Les valeurs ottomanes, assez malmenées hier, se
relèvent assez facilement.
Le Turc D vaut 22 45, la Banque ottomane pro-
gresse de 555 à 560.
Le Chinois est calme.
La plus grande incertitude continue à régner quant
a la question de savoir si l'Angleterre effectuera ou
non l'emprunt chinois. Il semble cependant probable
que la Chine acceptera les proposition* anglaises,
d'autant plus que la Russie ne peut plus faire d'ob-
jections sérieuses depuis que l'Angleterre a renonce à
imposer Taiien-Wan comme port libre.
D'autre part, on dit que, si les probabUitëf de l'é-
mission de l'emprunt chinois par l'Angleterre n'ont
pas augmenté, les chances de la Russie ne sont pas
devenues plus grandes.
Le marché des Sociétés de crédit est assez animé,
La Banque de Paris vaut 943 le Crédit foncier
t'avance à 663 le Crédit lyonnais vaut 827.
Les Chemins de fer sont en hausse.
Les valeurs industrielles ont un marché très sou-
tenu.
Les Mines d'or ne varient guère.
L'East Rand cote 134, la Ferreira 635, la Rand-
fontein 51 75, la Robinson 225.
Le Rio est a 709 50, la De Beers à 77t.
BOURSE DE COMMERCE
_5 HETJRJES_
Farta. BM* Cottt Ha A!eoe'' SoeM*
CoarMt. 6240 M 05 5325 3875 4375 3125
Mars.62)!; 28<5 53 25 38 75 43 50 31 37
MarsAv. 61 85 2870 53 25 39.. 4350 3162
4 demars 6i !0 2B 50 Si 75
4deinars61!0 MM 3)75
4demai.t960 2779 5375 4025 4250 3212
4dern. M.. 40.. 3925 25
4d'06to. 2987
ane, n o n la ,a Il le la
Sacres, stock &ce jour, i.98S.824 SM9; en dimi-
nution de 4.030taMauthier.
Marque de CorbéU, 66
Sncre rot!x S8', 28 à 28 50
Stteresrafaaéaen pa.tns, 101 t !0! 50
Denbtea pr!mes
tdemMs. 350t. !759. :&.?.
4demM.. 475 t B 40 & 3 50 &
Sucrât Aicect
4 dem3tN.77.T~- ï 87 t/2 4 ?'
4demM.j, 237t/2àX50 a <25à.
t.d'sctcbmt. 262t/.H. ttA~
Pjrïmes simptea
FStftM! tUM
4~4
Sccfes. Ijt tendance a été un peu plus calme
aujourd'hui, Mus I'in{luenct d'ogre: ~ur la courant
nécessitée: ,pa.rta circulation des SHeres.
Les acheteurs ont fait défaut, et les eouM ont perdu
dece hit 12 1/2 centimes.
BI~a meat pareit à celui d'hier.
Le courant, tocjocM recherché pitr !e découvert,
<'Mt maintenu aux cours précédents. Sur le livrable,
il y avait au contraire quetqnes offres en réaUsation,
et compM les ordres d'achats mMqwieat, tes prit
~~bt~epettiaf~ttioR.
LES T~]~~€)ir~rs
DEUXIEME AUDIENCE
MM. Le&/ofs, Scheurer-Kesfner, Cas/M/r-Pe~'er. Dëpos~/ons mouvementées.
Nouveaux /nc/'cfenfs. Les /eKres dH gënëra/ Gonse. Les journaux
de ce so/r.– L'op/n/on à /a Chambre.
Comme on l'a vu par notre compte rendu
très complet et très détaillé d'hier aoir, les
trois jours fixés pour l'affaire Zola seront loin
d'être suffisants. La première journée a été,
pour ainsi dire, une journée supplémentaire,
toute consacrée aux incidents. Aujourd'hui
seulement a commencé le procès normal.
Dehors
Lea mesures d'ordre paraissent un peu
moins sévères aujourd'hui qu'hier. C'est
ainsi que la grande grille de la cour de Mai
est toute grande ouverte; le public peut pé-
nétrer dans le Palais de Justice, mais dès
qu'on arrive dans les galeries latérales con-
duisant à la salle des Pas-Perdus de la cour
d'assises on se heurte à des barrières qui
empêchent le passage et qui sont gardées
militairement.
Des curieux, ceux qui seront admis debout
au fond de la saile d'audience, posent depuis
huit heures ce matin le long des grilles de
la place Dauphine.
A dix heures, il y avait là trois cents per-
sonnes et, de l'autre côté, sur le terre-plein,
des badauds venus pour voir l'arrivée des
personnages inarquants.
Des agents en bourgeois et des gardiens
de la paix vont et viennent avec la consigne
de disperser tout rassemblement.
A dix heures, dans la salle des Pas-Perdus
de la cour d'assises, M. le capitaine Perret,
commandant du Palais, passe l'inspection
des hommes de service et confère avec les
officiers de la garde républicaine au sujet
des consignes à donner.
La porte spéciale d'entrée des magistrats
et jurés est prise d'assaut dès neuf heures.
et on peut voir des dames du monde faisant
une station do plusieurs heures on attendant
l'ouverture des portes.
Plus loin, l'effet est plus curieux encore.
Devant l'entrée spéciale réservée aux avo-
cats s'entassent deux à trois cents avocats,
vieux et jeunes, assis sur les marches des
escaliers et faisant la queue.
En attendant l'arrivée du président qui,
seul, donnera l'ordre d'ouvrir les portes, ar-
rivent successivement M. Joseph Reinach (la
foule ne le reconnaît pas); le général do Pel-
lieux, avec une dame; M.HenriRochefort,
qui est l'objet d'une manifestation do sympa-
thies M. Jaurès, M. Mirman, le général
Gonse, les représentants des ambassades;
Mme Dreyfus et son beau-frère Mathieu; M.
Scheurer~Kestner, assez délaissé; M. Ranc,
et d'autres, qui passent inaperçus dans la
cohue.
A onze heures et demie arrivent tour a
tour MM. Delcassé, Poincaré, Charles
Dupuy, Hadamard, Develle, Anatole France,
Trarieux.Guérin.
Accompagné de MM. Fasquelle, Desmou'
lins, Octave Mirbeau et Georges Clemenceau,
M. Emile Zola arrive à onze heures trois
quart par le boulevard du Palais et c'est avec
peine qu'il peut parvenir jusqu'à la cour
d'assises. A diverses reprises, il doit dé-
cliner son nom; certains gardes se montrent
assez sceptiques et semblent douter de son
identité. Heureusement pour lui, M" Labori
en robe vient a son secours et le fait entrer
dans la salle des assises par le cabinet du pré-
sident.
A midi moins dix, le lieutenant-colonel
Picquart, en civil, arrive seul, en fiacre, par
la place Dauphine.
A. l'intérieur
A l'intérieur, avant l'ouverture de l'au-
dience, le tumulte est indescriptible et les
spectateurs encore plus nombreux. La cour,
le prétoire, tout est envahi et le bruit est tel
qu'on se croirait à une réunion troublée par
les anarchistes.
Les dames sont en bien plus grand nom-
bre qu'à la première audience, mais c'e~t en
vain qu'on leur cherche un siège pour les
faire asseoir.
~'audience est ouverte
A midi cinq minutes, la sonmatte retentit
et la cour fait son entrée.
M. Delegorgue déclare la séance ouverte
Le président lit unelettre de M.Esterhazy
disant qu'il a été acquitté par le conseil de
guerre, qu'on veut détruire ce jugement et
qu'il n'a pas à répondre à cette citation.
M' Labori. –Il était hier ici; il s'est ra-
visé. Pourquoi?
Par un sentiment de haute discrétion il a
été assigné. Il ne sera pas accusé. H sera
question de lui. II nous est impossible de
nous expliquer sans le savoir là. II refuse de
Tenir. Nous parlerons sans lui.
M* Clemenceau insiste pour la. présence
du commandant.
Mme Chaboud, étant malade, s'excuse.
M* Clemenceau insiste et demande que l'on
fasse vérifier par un médecin.
L'MTêt
La Cour rend son arrêt dans leo conclu-
sions déposées hier.
Pour Mlle de Comminges, Mme de Bou-
lancy, M. Autant et Mme Chaboud, la Cour
commet un expert, le docteur Floquet, qui se
rendra à leur domicile
Contre M. Casimir-Perier, il n'y a pas lieu
de statuer.
ConcernantMM, d'Ormesoheville, Lebrun-
Rensud, Ravary, général Mercier, Patron,
VaIecaUe, Morel, Autb~, Erchmann, de
Boisdeffre, de Comminges.'JSsterhazy, or.
donne qu'ils seront cités demain sur inter.
pellation du président.
MM.PerrenxetZola sefeconnats~ttes
auteurs de l'article incriminé.
OR procède à l'appel des témoins.
U n'en reste plus que 83 entendre.
Presque tous répondent à l'appel, sauf, bien
entendu, ceux qui se sont fait excuser hier.
Les seuls militaires qui consentent à dé-
poser sont le général Gonse, le lieutenant.
colonel Picquart, le général de PeIIieux et
le commandant Pauffin deSaint-Morel.
Premier incident
Le premier témoin entendu est Mme Al-
fred Dreyfus.
Le président refuse de lui poser les ques-
tions demandées par la défense.
Les défenseurs protestent.
Un vif incident se produit. Le public mur-
mure contre les avocats.
Voici les détails de ce vif incident
M* Labori, sous prétexte d'établir la bonne
foi de M. Zola, a demandé à Mme Dreyfus,
qui s'est présentée à là barre toute vêtue de
noir, de dire comment en 1894 elle a appris
l'arrestation de son mari et quelle a été l'at-
titude de M. du Paty de Clam.
Le président. Ces questions n'ont aucun
rapport avec la cause.
M. Zola. Les criminels, les voleurs, ont
le droit de tout dire pour se défendre. Je ne
connais pas la loi (protestations dans la
salle).
Le président. Vous ne pouvez pas sortir
de la question.
M. Zola. Je veux être traité comme un
criminel et un voleur.
M" Labori. M. Zola est poursuivi pour
avoir dit qu'on a condamné par ordre. Il doit
s'expliquer là-dessus. Il faut qu'il établisse
sa bonne foi et qu'il prouve les illégalités
commises tant au conseil de guerre que
pendant l'information si Mme Dreyfus ne
peut être entendue je déposerai des conclu-
sions.
M° Clemenceau. Messieurs les jurés re-
tiendront que M. Zola a écrit un article de
seize pages. On poursuit quinze lignes, et, à
l'audience, l'accusation se trouve gênée par
ces quinze lignes. Nous sommes dans la lé-
galité et l'accusation dans l'illégalité.
Le président. Je ne poserai pas la ques-
tion, parce qu'il s'agit d'une aSaire jugée. Je
ne me prêterai pas à une manœuvre ayant
pour but d'arriver a la revision. Il y a un ar-
rêt.
M* Labori demande à la cour un moyen
pratique de résoudre le cas.
Le président. Cela ne nous regarde
pas.
M° Labori. Ni moi non plus. Alors, très
bien! je m'aperçois que les moyens courtois
ne sont plus de mise.
Le public, pendant cet incident, est mani-
festement hostile au défenseur, qui, s'adres-
sant aux curieux, du fond de la salle, dit
qu'il n'est pas gêné par les interruptions;
seuls les applaudissements le gênent. (Nou-
veaux murmures.)
La cour se retire pour permettre aux avo-
cats de déposer des conclusions.
M. Blanc, préfet de police, a assisté à l'au-
dience, en compagnie de M. Touny, direc-
teurde la police municipale il fait lui-même
la police pour empêcher l'envahissement du
prétoire et des sièges de la cour.
Conclusions de M~ Labori
Levée à une heure, l'audience est reprise
après une demi-heure de suspension.
M" Labori dépose ses conclusions dans
lesquelles il demande à la cour de poser à
Mme Dreyfus les questions suivantes
1° Que pensez-vous de la bonne foi de
M.Zola?
2° Quelles raisons vous ont amenée à croire
qu'il est de bonne foi?
3" Estimez-vous, après ce que vous savez,
que l'information suivie contre votre mari a
été légale ou illégale?
4° Voulez-vous raconter la première visite
de M. du Paty de Clam à votre domicile?
Quelles étaient les personnes présentes?
5~ M. du Paty de Clam ne proférait-il pas
eontre votre mari les plus grossières in-
jures ? ?e prtltendait-il pas démontrer g6onié-
6" Ne prétendait-il pas démontrer géomé-
triquement, et en traçant des cercles excen-
triques, sa culpabllité ?
7° Ne lui a-t-il pas parlé du Masque de
fer?
9° Ne lui a-t-il pas fait défense de parler
de son arrestation à qui que ce soit, même à
sa famille ? '(
8" Au bout de combien de temps Mme
Dreyfus a-t-elle eu le droit d'écrire à son
mari?
10" Au bout de combien do temps a-t-elle
vu son mari ?
il" M. du Paty de Clam ne lui a-t-il pas
dit a Votre mari, j'arriverai bien à lui faire
.cracher ce qu'il a dans le corps
12° M. du Paty de Clam ne lui à-t-il pas
fait cependant espérer que peut-être il y
avait erreur et cela jusqu'au 1~ novembre?
13* M. du Paty de Clam n'a-t-il pas essayé,
par les moyens les plus irréguliers et même
par des moyens captieux, de lui arracher des
aveux pendant tout le cours de l'information
et après la condamnation?
14° Que pense-t-elle du caractère de son
mari?
15° Quel a été le caractère de leur vie
commune?
16° Son mari n'a-t-il pas déclaré, au cours
de l'information et depuis, que cette aSaire
était incompréhensible pour lui et qu'il était
victime d'une machination inexplicable ?
M. l'avocat général s'oppose à ce que ces
questions soient posées.
Il y a, dit-il, un arrêt de la Cour qui a
force de loi, comme le jugement qui a con-
damné légalement et justement celu! dont
on veut ici reviser le procès. M. Zola a dit
qu'il ae connaissait pas la loi, la, vérité CM
qu'il ne veut pas la connaître. La Cour, eXe,
la connaît et l'appliquera.
M. Kola explique qu'il n~est pas au-dessus
des lois et que son mot a dépasse sa pensée.
Il a voulu protester contre les arguties de
procédure. Il est accusé, il entend ste dé-
fendre et demande à exercer ce droit en
homme sincère et loyal qui vient prouver sa
bonne foi, qui veut la lumière et qui a le dé-
faut de ne pas être orateur.
La Cour, délibérant sur le siège, déclare
que les questions n'ont .aucun rapport avec
les poursuites et ordonne qu'il soit passé
outre aux débats.
Déposition de M" Leblois
On entend M" Lcblois, qui vient raconter
comment il connut le colonel Picquart et
comment ce dernier le consulta souvent
comme chef du bureau des renseigne-
ments.
M" Leblois déclare que le colonel ne lui
parla jamais de Dreyfus et que ce n'est que
plus tard, au cours d'un voyage qu'U fit à
Paris, étant dëj~ en garnison à Tunis, qu'il
lui fit part do sa conviction relativement à
l'innocence du traître.
M" Leblois fut, dit-il, troublé, étudia la
question et prit plusieurs rendez-vous avec
M. Scheurer-Kestner.qui s'occupait de l'af-
faire de son côté.
M" Loblois raconte qu'il voulut éclairer le
gouvernement par l'entremise de M. Scheu-
rer-Kestner.à qui il montra les lettres du gé-
néral Gonse au colonel Picquart.
Dès qu'il eut de l'écriture du commandant
Esterhazy, M. Scheurer-Kestner commença
ses démarches auprès du gouvernement.
A la Noël, le colonel Picquart lui fit part
de machinations dirigées contre lui. Deux
télégrammes lui parvinrent à Sousse ils
étaient faux. Ils émanaient des bureaux de la
guerre.
C'était une machination préparée de lon-
gue main. Il y avait eu des lettres fausses.
Son devoirlui commandait d'instruire le gou-
vernement de ces faits. Il chargea M. Tra-
rieux de le faire. M. Trxrieux accepta. Puis,
une plainte fut déposée et M. Bertulus fut
nommé juge d'instruction.
M" Labori.–Il y a deux séries de faux
documents fausses lettres, faux télégram-
mes. Le point de départ de ces faux est les
bureaux de la guerre. Pourquoi?
M" Leblois.–Le 20 novembre, alors que
le colonel Picquart était parti depuis quel-
ques jours, un ami lui écrivit au ministère
une lettre insignifiante, très brève, faisant
allusion à un personnage qui avait été sur-
nommé le demi-dieu; ce personnage est la
ca.pita.ine de Lallemand.
La lettre lui parvint après avoir été ouverte
et copiée. Le mois suivant on interceptait
une lettre signée « Speranza elle lui fut
dissimulée et il n'en a eu connaissance qu'au
cours de l'enquête du général de Pellieux.
On voulait perdre cetofficier.
LeIQ novembre il reçut le premier télé.
gramme
« Arrêté le demi-dieu affaire très grave.
« Signé SPÉRANZA.
Voici le deuxième télégramme
qué par Georges. n Signé BLA~cus, ~>
« Signé BLANCHE.M »
C'était pour ruiner le crédit d'un petit-
bleu recueilli jadis par le colonel Picquart,
compromettant pour le commandant Es-
terhazy et tendant à faire croire que~e colo-
nel Picquart avait fait un faux. D'ailleurs le
conseil d'enquête du colonel Picquart a dé-
truit la légende du commandant Ravary.
Le président. Qu'en savez-vous ? Vous
n'êtes pas le conseil d'enquête.
M~ Leblois. J'ai témoigné et on m'a dit
le reste.
Le président. Vous n'en savez rien.
M" Labori. –Je proteste contre les inter-
ruptions à l'égard des témoins.
Le président. Mais j'ai le droit de poser
des questions, il me semble, et je conti-
nuerai.
M" Leblois. Il n'a été posé au colonel
que quatre questions. Je suis l'avocat du co-
lonel Pioquart. (Rires et rumeurs).
Le président. Vous auriez pu le dire
plus tôt.
M<- Leblois. Ma source d'informations
est bonne. Une agence l'a télégraphié en
province. Le colonel Picquart a reçu un avis
indiquant les questions posées M. Picquart
le confirmera.
M" Labori demande des explications sur la
portée de la seconde lettre fausse intercep-
tée au ministère de la guerre et que le colo-
nel Picquart n'a connue que dernièrement.
M" Leblois.– Qu'on le demande au colo-
nel Picquart. Elle a été interceptée par le
bureau des renseignements.
Le président.–Je ne saisis pas l'utilité
de tout cela.
M" Labori. Les jurés saisiront, j'espère.
M° Leblois.– Les télégrammes émanent
certainement d'un homme connaissant bien
les bureaux de la guerre.
M° Labori. Quel était la portée de la
lettre fausse ?
M. Leblois. C'était une pierre d'attente à
la suite de laquelle on allait édifier toutes
les machinations contre le colonel Picquart.
On a voulu faire croire que le bleu reproché
au commandant Esterhazy était un faux du
colonel et il fallait a tout prix le compro-
mettre.
M° Labori. Quelle attitude avaient les
chefs du colonel Picquart ?
M" Leblois. Le colonel était au mieux
avec aea chefs après enquête contre le com-
mandant Esterhazy et sur les suites à don.
ner, il y eut un différend entre lui et ses
chefs. En novembre les choses se gâtèrent
par des innuen~es qu'il ne connaît pas.
Cependant, lorsque iC colonel quitta le mi.
nistère, on ne lui dit pas ~u'il était en dis-
grâce mais en mission.
Quant à la lettre de menaeeet rûçue par le
colonel Picquart, elle était du 3 juin 1897,
elle émanait du lieutenant-colonel Henry,
était conçue en termes presque injurieux.
J~is il ne peut dire ce qu'étaient ces me..
naces. II y a deux faits distincts Bn f
et6n97.
En 1896, il y a une lettre interceptée et 9<
gênerai Gonse lui témoignait de la symp.~
thie.
Pour~837, le colonel Picquart s'expliquer}
mieux que moi. 1
M" Labori. M" Leblois conn-alt-il les ra.'
lations de la famille de Comminges avec l colonel Picquart et M. du Paty de Clam.
ainsi que l'histoire de la dame voilée?
M" Leblois. M. Picquart était l'ami dt
la famille-de Oomminges. H y' a-une histoire
de roman-feuilleton, de lettres non rendues,
de randez-vous nocturnes près du Jardin de
Paris.
M" Laborie. Je voudrais des faits pré-
cis.
M° Leblois. Le comte de Comminge*
reçut des lettres anonymes on les attribua.
à M. du Paty de Clam.
Le témoin raconte cette histoire qui &
paru plusieurs fois dans tous les journaux
et dans laquelle intervient une femma.
voilée.
Le président. Quel rapport avec l'objet
de la poursuite ? '?
M" Labori. Les femmes voilées sont
l'œuvre de certain membre du ministère
de la guerre.
Déposition da M. Schaurer-Eestnar
De violentes rumeurs se produisent contra
le témoin, qui est hué à son entrée dans Iak
salle.
Il déclare se nommer Auguste, âgé da
soixante-cinq ans.
M* Labori demande au témoin de dire coin*
ment il s'est fait une conviction.
Le président. Ne parlez pas de l'aS'aira
Dreyfus.
M.Scheurer-Ke5tner refait sa déposition
du conseil de guerre. 11 sut que le colonel
Picquart avait la conviction que le bordereau
n'était pas d'Alfred Dreyfus. Le colonel Pic-
quart avait vu M.Bertiilon, puis le général
Gonse lui déconseilla de faire une nouvelle
enquête. Il y a une correspondance à ce su'
jet qu'il a vue. Il acquit la preuve que le gé-
néral Gonse partageait l'opinion du colonel
Picquart, qui préparait une revision du pro-
cès. Il faut que je lise cette correspondance.
Le président, Non.
M" Labori. M. Scheurer a ces lettres, la~
lumière doit être faite complète. Il estindis-
pensable de verser ces missives aux débats.
M. Zola n'a pu en notifier copie.
Il faut rendre justice à M. Scheurer-Kest-
ner qui veut parler pour faire la lumière. Ja
vais déposer des conclusions.
Le président. C'est impossible, las tc-
moins ne peuvent lire aucune pièce.
Me Labori. Le président a un pouvoir
discrétionnoire dont il peut user en ordon-
nant que les lettres nous soient communi-'
quées.
Le président. Si M. l'avocat-général ua
s'y oppose pas, je veux bien.
M. l'avocat général. Ce sont des lettre*
du général Gonse et du colonel Picquar~.
C'est eux qui seront juges de l'utilité da
cette lecture.
M° Labori. Si on ne veut pas, je déposa
des conclusions. Comme il faut avoir de la~
patience et de la modération, et malgré tous
les obstacles rencontrée, je n'ai pas reçu de
blâme..
Le président. Lisez le code,
M" Labori. Je ne le lirai pas (sensation),
monsieur le président, nous ne sommes pas
au bout de nos différends. (Rumeurs).
Le président lit un article do la loi sur 1~
presse prouvant que la copie de ces lettres
devait être signifiée cinq jours avant l'au.
dience.
M° Clemenceau. –II faut que les jurés sa-
chent que ces lettres ont été saisies au con<
seil de guerre sans.avoir été lues.
M° Tézenas, de sa place, proteste contre
cette allégation.
Le président. Cela ne nous regarde pas.
Il s'agit de savoir si, d'après la loi, vous pou-
vez vous servir de ces lettres.
Uns longue discussion juridique s'engage
entre les avocats et le président.
Le président.– M. Scheurer-Kestner peut"
il donner le sens des lettres?
M. Scheurer-Kestner.–Je croyais !&
lecture indispensable. C'est malheureux. Le
colonel Picquart voulaitune expertised'écri-
ture. Il demanda une enquête au général
Gonse, qui répondit le 7 septembre )896
«qu'il avait réfléchi"; l'engageantàoontinuef
avecprudence. « Une faut pas, écrivait-il, me*
1er des tiers dans cette affaire, x
Le colonel Picquart répondit qua des indi-
ces lui faisaient croire qu'on allait tout ten-
ter et qu'il fallait faire justice à temps. La
général répondait trois jours après «Au
point de vue de l'enquête, il ne faut pas évi-
ter la lumière. Mais, comment manifester la,
vérité?
Troisième lettre du colonel Picquart, à la
suite d'un article signalant la pièce secrète.
Après la lecture de ces lettres, la convic-
tion de M. Scheurer était faite et la revision
devenait possible. Le témoin explique ça
qu'il a fait. Il a vu aussi le président du con-
seil, auquel il a tout dit, mais sans succès.
M" Labori, Comment la dénonciation do
M. Mathieu Dreyfus est-elle venue ?
M. Scheurer. Je savais que le comman-
dant Esterhazy était le coupable. M. Mathieu
Dreyfus l'apprit d'un autre côté par un am!
du commandant qui avait acheté le placard
du bordereau à un camelot, sur le boulevard;
et reconnu l'écriture du commandant.
M. Scheurer et M. Mathieu Dreyfus se G.
rent des confidences et s'avouèrent leurst
soupçons.
M. Zola demande des renseignements suf
l'entrevue du témoin avec le général Billot,
qui a pleuré.
M. Scheurer. On a dén&turé ma de<
marche. A ce momement, le témoin recom"'
mence sa déposition de tout à l'heure et la
président le lui fait remarquer, ce qui fait
dire a M. Scheurer « Vous m'empêchez d<
témoigner.
M.Zola. J'insiste pour connaître la. coa<~
versation.
M. Scheurer fait le récit qui a été bienso~
~M~– A~pe//e ~~ne. n"
~ercf~ /~t/nef
NBM DE GIRÀRDIN
yONDÂ.TEHB.
EMILE DE
FONDATEUR
MS tt
pt, chez MM. Ch. Lagr~nge, Cerf c'~
6,PLACZMLj).BOURiM,6 ô
Dotlingen et C', !6, rue Gr&ng~-B&~Mfe
~cf/nm/s~affon 72, rue
ABOKKEMENTS:
Tretamoift.j!iKn
Dtp&RTZM~s~. 6&. UAj, 3&&.
NMANe~tt: Leport.ansna.
~Mûfac~: f2, rue efM Cro/ssan~, f2
AnntCMnB fnMOttfB t ce TtMMinc tBc tMfmrMWf
&UUM:NM LUJni'LMb Lh& ibNutNS. LES iNCNENTS~
Dépositions de MN. LeMois, Scheurep-Kestner, Câsimir-Perier
npDNït'Dr 1 nrnDp t
UMHiLM îihUM
A LA SORTtE
Incidents tnmult~OM
Des mcidents tumultueux se sont pro-
duits à la sortie de l'audience dans la ga-
lerie Marchande et dans la grande ga-
lerie.
Des bagarres ont eu lieu et des coups
de poing ont été échangea dans divers
groupea.
M. Blanc, préfet de police, est sur les
lieux.
Une arrestation vient d'être opérée.
M~Laboriaétéhuéàsasortie.
Quant à M. Emile Zola, il est sorti par
la porte du boulevard du Palais, après
avoir traverse le Palais de justice à l'in-
térieur, par la galerie Marchande. A son
apparition sur le haut du perron, il a été
salué par des huées et des cris poussés
par plusieurs milliers de personnes. Et ce
n'est que grâce à la protection des gardes
qu'il a pu arriver jusqu'à sa voiture, qui a
été bousculée quelque peu.
L'évacuation du Palais a été faite par
les gardes républicains sous la direction
du préfet de police.
Le général Qonse a été vivement ac-
clamé. De nombreux cris de « Vive l'ar-
mée 1 s ont retenti sur son passage.
L'AFFAIRE ANDRADE
On nous communiqua la note suivants du ministère
de l'instruction puMique
M. Andrade, professeur adjoint à la faculté
des sciences de Rennea, auteur d'une lettre
pou couvenable adressée au général Mercier
et reproduite par la presse, s'était vu inSiger
un blâme sévère par le minittre de l'instruc-
tion publique.
Le ministre terminait sa lettre en se ré-
servant d'examiner ce que la conduite de ce
professeur ou les conséquences de sa con-
duite pourraient comporter de plus.
A la suite de nouveaux incidents qui ont
abouti à une condamnation prononcée contre
ce même professeur par le tribunal correc-
tionnel de Rennes, le ministre a suspendu
de se< fonctions M.Andrade.
ON CRAtNT DES TROUBLES
M. Charles Blanc, préfet de police,
Bsta.llé conïëreraYecM.Delelorguepour
les mesures à prendre en vue des ma-
nifestations tumultueuses qui pourraient
se produire demain.
L'AFFAtRE HEtM
La commission de discipline et de conten-
lieux du conseil supérieur de l'instruction
publique a entendu, ce matin, M. Heim,qui
était assisté de son défenseur M' MiMe-
rand.
L'audition de M. Heim a continue cet
~près-midi.
Le conseil supérieur, réuni en assemblée
plénière, ne statuera vraisemblablement
tur le pourvoi de M. Heim que vendredi pro-
chain.
mM~Mm
Bonne audience aujourd'hui, et déjà
l'issue du procès commence à se des-
siner. Nous exprimions hier le regret
que les omciers cités par Emile Zola
ne fussent pas admis à apporter leur
témoignage; Le général Billot, après
avoir lui-même renoncé à déposer,
avait refusé ses subordonnés l'auto-
risation de parler. Seul le colonel Pic-
quart conservait le droit de paraître à
la barre, et ainsi, le ministre de la
guerre semblait faire un jeu assez équi-
-voque, puisqu'il laissait la parole au
seul témoin militaire à charge du
procès.
Heureusement, les événements ont
aujourd'hui changé de tournure, le
président Delegorgue, qui semble
impartialement disposé à connaître
'toute la vérité, à poursuivre toute la
lumière, a fait rendre par la cour un
arrêt ordonnant que tous les témoins
militaires soient cités demain sur in-
terpellation du président. Ainsi, nous
entendrons M. d'OrmeschevilIe et le
général Mercier, M. de Boisdeffre et le
commandant Esterhazy. Voilà qui va
Tendre soucieux le général Billot Mais
ce n'est pas à son mécontentement
qu'il faudra s'arrêter.
D'ailleurs, comme si rien ne pouvait
arrêter cette « vérité en marche )) dont
Zola réclame la venue, les incidents
se multiplient, qui nous éclairent.
Me Labori faisait grand fonds hier sur
la citation de Mlle Blanche de C. et
h'apas craint de publiquement faire
allusion à ses rapports avec M. du
Paty de Clam et à l'intervention d&M
l'aSaire du générât Dayqutt Q~ M~
lira plus loin, en réponse a ces alléga-
tions mensongères, ta lettre que vient
d'adresser au colonel du Paty le grand-
chancelier de la Légion d'honneur :`
c'est la. lettre d'un honnête homme;
elle est nette et affirmative, et du coup
elle met à néant toute l'odieuse his-
toire avec laquelle on a tenté de salir
deux familles. Mais le procès fini,
quand on aura dégagé toute la vérité,
quelle responsabilité pèsera sur les
hommes qui ont accueilli et propagé
d'aussi lâches mensonges et tant de
calomnies
LÉON BAILBY.
UNELETTRE DU GÉNÉRAL DAVOUT
An colonel du Paty da Clam
M* Labori a dit hier textuellement
M. du Paty de Ctam a eu entre les mains une
correspondance de Mlle de Comminges, correspon-
dance qu'il a été obligé de restituer sur l'intervention
du général Davout.
Le grand-chancelier de la Légion d'hon-
neur a adressé ce matin la lettre ci-aprëa
au Ueutenant-coionel du Paty de Clam, en
réponse n ces allégations
Ce mardi 8 février 1898.
Mon cher Colonel,
Je lis dans les journaux que M. de
Comminges s'est plaint à moi des faits
qui ont motivé les attaques dont vous
êtes l'objet.
L'impression que j'ai gardée de mon
entrevue avec lui a été si loin de vous
être défavorable que je vous ai, depuis,
servi de témoin pour votre mariage et
présenté au Cercle de l'Union.
Veuillez croire, mon cher colonel, à
mes affectueux sentiments.
Générai DAVOUT, DUC D'AUERST~DT.
LES AFFAIRES
BOURSE DES VALEURS
MarcM ph/s an/me.– ~mëMoratf'on des cours.
Les réalisations qui sa aont produites hier sur
quelques valeurs étrangères n'ont pas persisté au-
jourd'hui. Nous n'avons pas à noter d'amélioration
sensible, mais une certaine résistance aux ventes, ce
qui a bi*n quelque signification.
Quant à nos rentes, qui demeuraient hier station-
naires, nous les retrouvons en excellentes ten-
dances elles obtiennent même une légère plus-
value.
C'est ainsi que !e S 0/0 finit à 103 62, en hausse
dt 12 centimes l'amortissable cote 102 02 ie 31/2 0/0
gagne tO centimes à 105 65.
Les fonds étrangers sont plus fermes.
L'Italien, lui, est toujours aussi discuté, nous te
laissons à 93 62.
La rente espagnole, plus lourde, finit a 6! 45.
Les valeurs ottomanes, assez malmenées hier, se
relèvent assez facilement.
Le Turc D vaut 22 45, la Banque ottomane pro-
gresse de 555 à 560.
Le Chinois est calme.
La plus grande incertitude continue à régner quant
a la question de savoir si l'Angleterre effectuera ou
non l'emprunt chinois. Il semble cependant probable
que la Chine acceptera les proposition* anglaises,
d'autant plus que la Russie ne peut plus faire d'ob-
jections sérieuses depuis que l'Angleterre a renonce à
imposer Taiien-Wan comme port libre.
D'autre part, on dit que, si les probabUitëf de l'é-
mission de l'emprunt chinois par l'Angleterre n'ont
pas augmenté, les chances de la Russie ne sont pas
devenues plus grandes.
Le marché des Sociétés de crédit est assez animé,
La Banque de Paris vaut 943 le Crédit foncier
t'avance à 663 le Crédit lyonnais vaut 827.
Les Chemins de fer sont en hausse.
Les valeurs industrielles ont un marché très sou-
tenu.
Les Mines d'or ne varient guère.
L'East Rand cote 134, la Ferreira 635, la Rand-
fontein 51 75, la Robinson 225.
Le Rio est a 709 50, la De Beers à 77t.
BOURSE DE COMMERCE
_5 HETJRJES_
Farta. BM* Cottt Ha A!eoe'' SoeM*
CoarMt. 6240 M 05 5325 3875 4375 3125
Mars.62)!; 28<5 53 25 38 75 43 50 31 37
MarsAv. 61 85 2870 53 25 39.. 4350 3162
4 demars 6i !0 2B 50 Si 75
4deinars61!0 MM 3)75
4demai.t960 2779 5375 4025 4250 3212
4dern. M.. 40.. 3925 25
4d'06to. 2987
ane, n o n la ,a Il le la
Sacres, stock &ce jour, i.98S.824 SM9; en dimi-
nution de 4.030taMauthier.
Marque de CorbéU, 66
Sncre rot!x S8', 28 à 28 50
Stteresrafaaéaen pa.tns, 101 t !0! 50
Denbtea pr!mes
tdemMs. 350t. !759. :&.?.
4demM.. 475 t B 40 & 3 50 &
Sucrât Aicect
4 dem3tN.77.T~- ï 87 t/2 4 ?'
4demM.j, 237t/2àX50 a <25à.
t.d'sctcbmt. 262t/.H. ttA~
Pjrïmes simptea
FStftM! tUM
4~4
Sccfes. Ijt tendance a été un peu plus calme
aujourd'hui, Mus I'in{luenct d'ogre: ~ur la courant
nécessitée: ,pa.rta circulation des SHeres.
Les acheteurs ont fait défaut, et les eouM ont perdu
dece hit 12 1/2 centimes.
BI~a
Le courant, tocjocM recherché pitr !e découvert,
<'Mt maintenu aux cours précédents. Sur le livrable,
il y avait au contraire quetqnes offres en réaUsation,
et compM les ordres d'achats mMqwieat, tes prit
~~bt~epettiaf~ttioR.
LES T~]~~€)ir~rs
DEUXIEME AUDIENCE
MM. Le&/ofs, Scheurer-Kesfner, Cas/M/r-Pe~'er. Dëpos~/ons mouvementées.
Nouveaux /nc/'cfenfs. Les /eKres dH gënëra/ Gonse. Les journaux
de ce so/r.– L'op/n/on à /a Chambre.
Comme on l'a vu par notre compte rendu
très complet et très détaillé d'hier aoir, les
trois jours fixés pour l'affaire Zola seront loin
d'être suffisants. La première journée a été,
pour ainsi dire, une journée supplémentaire,
toute consacrée aux incidents. Aujourd'hui
seulement a commencé le procès normal.
Dehors
Lea mesures d'ordre paraissent un peu
moins sévères aujourd'hui qu'hier. C'est
ainsi que la grande grille de la cour de Mai
est toute grande ouverte; le public peut pé-
nétrer dans le Palais de Justice, mais dès
qu'on arrive dans les galeries latérales con-
duisant à la salle des Pas-Perdus de la cour
d'assises on se heurte à des barrières qui
empêchent le passage et qui sont gardées
militairement.
Des curieux, ceux qui seront admis debout
au fond de la saile d'audience, posent depuis
huit heures ce matin le long des grilles de
la place Dauphine.
A dix heures, il y avait là trois cents per-
sonnes et, de l'autre côté, sur le terre-plein,
des badauds venus pour voir l'arrivée des
personnages inarquants.
Des agents en bourgeois et des gardiens
de la paix vont et viennent avec la consigne
de disperser tout rassemblement.
A dix heures, dans la salle des Pas-Perdus
de la cour d'assises, M. le capitaine Perret,
commandant du Palais, passe l'inspection
des hommes de service et confère avec les
officiers de la garde républicaine au sujet
des consignes à donner.
La porte spéciale d'entrée des magistrats
et jurés est prise d'assaut dès neuf heures.
et on peut voir des dames du monde faisant
une station do plusieurs heures on attendant
l'ouverture des portes.
Plus loin, l'effet est plus curieux encore.
Devant l'entrée spéciale réservée aux avo-
cats s'entassent deux à trois cents avocats,
vieux et jeunes, assis sur les marches des
escaliers et faisant la queue.
En attendant l'arrivée du président qui,
seul, donnera l'ordre d'ouvrir les portes, ar-
rivent successivement M. Joseph Reinach (la
foule ne le reconnaît pas); le général do Pel-
lieux, avec une dame; M.HenriRochefort,
qui est l'objet d'une manifestation do sympa-
thies M. Jaurès, M. Mirman, le général
Gonse, les représentants des ambassades;
Mme Dreyfus et son beau-frère Mathieu; M.
Scheurer~Kestner, assez délaissé; M. Ranc,
et d'autres, qui passent inaperçus dans la
cohue.
A onze heures et demie arrivent tour a
tour MM. Delcassé, Poincaré, Charles
Dupuy, Hadamard, Develle, Anatole France,
Trarieux.Guérin.
Accompagné de MM. Fasquelle, Desmou'
lins, Octave Mirbeau et Georges Clemenceau,
M. Emile Zola arrive à onze heures trois
quart par le boulevard du Palais et c'est avec
peine qu'il peut parvenir jusqu'à la cour
d'assises. A diverses reprises, il doit dé-
cliner son nom; certains gardes se montrent
assez sceptiques et semblent douter de son
identité. Heureusement pour lui, M" Labori
en robe vient a son secours et le fait entrer
dans la salle des assises par le cabinet du pré-
sident.
A midi moins dix, le lieutenant-colonel
Picquart, en civil, arrive seul, en fiacre, par
la place Dauphine.
A. l'intérieur
A l'intérieur, avant l'ouverture de l'au-
dience, le tumulte est indescriptible et les
spectateurs encore plus nombreux. La cour,
le prétoire, tout est envahi et le bruit est tel
qu'on se croirait à une réunion troublée par
les anarchistes.
Les dames sont en bien plus grand nom-
bre qu'à la première audience, mais c'e~t en
vain qu'on leur cherche un siège pour les
faire asseoir.
~'audience est ouverte
A midi cinq minutes, la sonmatte retentit
et la cour fait son entrée.
M. Delegorgue déclare la séance ouverte
Le président lit unelettre de M.Esterhazy
disant qu'il a été acquitté par le conseil de
guerre, qu'on veut détruire ce jugement et
qu'il n'a pas à répondre à cette citation.
M' Labori. –Il était hier ici; il s'est ra-
visé. Pourquoi?
Par un sentiment de haute discrétion il a
été assigné. Il ne sera pas accusé. H sera
question de lui. II nous est impossible de
nous expliquer sans le savoir là. II refuse de
Tenir. Nous parlerons sans lui.
M* Clemenceau insiste pour la. présence
du commandant.
Mme Chaboud, étant malade, s'excuse.
M* Clemenceau insiste et demande que l'on
fasse vérifier par un médecin.
L'MTêt
La Cour rend son arrêt dans leo conclu-
sions déposées hier.
Pour Mlle de Comminges, Mme de Bou-
lancy, M. Autant et Mme Chaboud, la Cour
commet un expert, le docteur Floquet, qui se
rendra à leur domicile
Contre M. Casimir-Perier, il n'y a pas lieu
de statuer.
ConcernantMM, d'Ormesoheville, Lebrun-
Rensud, Ravary, général Mercier, Patron,
VaIecaUe, Morel, Autb~, Erchmann, de
Boisdeffre, de Comminges.'JSsterhazy, or.
donne qu'ils seront cités demain sur inter.
pellation du président.
MM.PerrenxetZola sefeconnats~ttes
auteurs de l'article incriminé.
OR procède à l'appel des témoins.
U n'en reste plus que 83 entendre.
Presque tous répondent à l'appel, sauf, bien
entendu, ceux qui se sont fait excuser hier.
Les seuls militaires qui consentent à dé-
poser sont le général Gonse, le lieutenant.
colonel Picquart, le général de PeIIieux et
le commandant Pauffin deSaint-Morel.
Premier incident
Le premier témoin entendu est Mme Al-
fred Dreyfus.
Le président refuse de lui poser les ques-
tions demandées par la défense.
Les défenseurs protestent.
Un vif incident se produit. Le public mur-
mure contre les avocats.
Voici les détails de ce vif incident
M* Labori, sous prétexte d'établir la bonne
foi de M. Zola, a demandé à Mme Dreyfus,
qui s'est présentée à là barre toute vêtue de
noir, de dire comment en 1894 elle a appris
l'arrestation de son mari et quelle a été l'at-
titude de M. du Paty de Clam.
Le président. Ces questions n'ont aucun
rapport avec la cause.
M. Zola. Les criminels, les voleurs, ont
le droit de tout dire pour se défendre. Je ne
connais pas la loi (protestations dans la
salle).
Le président. Vous ne pouvez pas sortir
de la question.
M. Zola. Je veux être traité comme un
criminel et un voleur.
M" Labori. M. Zola est poursuivi pour
avoir dit qu'on a condamné par ordre. Il doit
s'expliquer là-dessus. Il faut qu'il établisse
sa bonne foi et qu'il prouve les illégalités
commises tant au conseil de guerre que
pendant l'information si Mme Dreyfus ne
peut être entendue je déposerai des conclu-
sions.
M° Clemenceau. Messieurs les jurés re-
tiendront que M. Zola a écrit un article de
seize pages. On poursuit quinze lignes, et, à
l'audience, l'accusation se trouve gênée par
ces quinze lignes. Nous sommes dans la lé-
galité et l'accusation dans l'illégalité.
Le président. Je ne poserai pas la ques-
tion, parce qu'il s'agit d'une aSaire jugée. Je
ne me prêterai pas à une manœuvre ayant
pour but d'arriver a la revision. Il y a un ar-
rêt.
M* Labori demande à la cour un moyen
pratique de résoudre le cas.
Le président. Cela ne nous regarde
pas.
M° Labori. Ni moi non plus. Alors, très
bien! je m'aperçois que les moyens courtois
ne sont plus de mise.
Le public, pendant cet incident, est mani-
festement hostile au défenseur, qui, s'adres-
sant aux curieux, du fond de la salle, dit
qu'il n'est pas gêné par les interruptions;
seuls les applaudissements le gênent. (Nou-
veaux murmures.)
La cour se retire pour permettre aux avo-
cats de déposer des conclusions.
M. Blanc, préfet de police, a assisté à l'au-
dience, en compagnie de M. Touny, direc-
teurde la police municipale il fait lui-même
la police pour empêcher l'envahissement du
prétoire et des sièges de la cour.
Conclusions de M~ Labori
Levée à une heure, l'audience est reprise
après une demi-heure de suspension.
M" Labori dépose ses conclusions dans
lesquelles il demande à la cour de poser à
Mme Dreyfus les questions suivantes
1° Que pensez-vous de la bonne foi de
M.Zola?
2° Quelles raisons vous ont amenée à croire
qu'il est de bonne foi?
3" Estimez-vous, après ce que vous savez,
que l'information suivie contre votre mari a
été légale ou illégale?
4° Voulez-vous raconter la première visite
de M. du Paty de Clam à votre domicile?
Quelles étaient les personnes présentes?
5~ M. du Paty de Clam ne proférait-il pas
eontre votre mari les plus grossières in-
jures ? ?e prtltendait-il pas démontrer g6onié-
6" Ne prétendait-il pas démontrer géomé-
triquement, et en traçant des cercles excen-
triques, sa culpabllité ?
7° Ne lui a-t-il pas parlé du Masque de
fer?
9° Ne lui a-t-il pas fait défense de parler
de son arrestation à qui que ce soit, même à
sa famille ? '(
8" Au bout de combien de temps Mme
Dreyfus a-t-elle eu le droit d'écrire à son
mari?
10" Au bout de combien do temps a-t-elle
vu son mari ?
il" M. du Paty de Clam ne lui a-t-il pas
dit a Votre mari, j'arriverai bien à lui faire
.cracher ce qu'il a dans le corps
12° M. du Paty de Clam ne lui à-t-il pas
fait cependant espérer que peut-être il y
avait erreur et cela jusqu'au 1~ novembre?
13* M. du Paty de Clam n'a-t-il pas essayé,
par les moyens les plus irréguliers et même
par des moyens captieux, de lui arracher des
aveux pendant tout le cours de l'information
et après la condamnation?
14° Que pense-t-elle du caractère de son
mari?
15° Quel a été le caractère de leur vie
commune?
16° Son mari n'a-t-il pas déclaré, au cours
de l'information et depuis, que cette aSaire
était incompréhensible pour lui et qu'il était
victime d'une machination inexplicable ?
M. l'avocat général s'oppose à ce que ces
questions soient posées.
Il y a, dit-il, un arrêt de la Cour qui a
force de loi, comme le jugement qui a con-
damné légalement et justement celu! dont
on veut ici reviser le procès. M. Zola a dit
qu'il ae connaissait pas la loi, la, vérité CM
qu'il ne veut pas la connaître. La Cour, eXe,
la connaît et l'appliquera.
M. Kola explique qu'il n~est pas au-dessus
des lois et que son mot a dépasse sa pensée.
Il a voulu protester contre les arguties de
procédure. Il est accusé, il entend ste dé-
fendre et demande à exercer ce droit en
homme sincère et loyal qui vient prouver sa
bonne foi, qui veut la lumière et qui a le dé-
faut de ne pas être orateur.
La Cour, délibérant sur le siège, déclare
que les questions n'ont .aucun rapport avec
les poursuites et ordonne qu'il soit passé
outre aux débats.
Déposition de M" Leblois
On entend M" Lcblois, qui vient raconter
comment il connut le colonel Picquart et
comment ce dernier le consulta souvent
comme chef du bureau des renseigne-
ments.
M" Leblois déclare que le colonel ne lui
parla jamais de Dreyfus et que ce n'est que
plus tard, au cours d'un voyage qu'U fit à
Paris, étant dëj~ en garnison à Tunis, qu'il
lui fit part do sa conviction relativement à
l'innocence du traître.
M" Leblois fut, dit-il, troublé, étudia la
question et prit plusieurs rendez-vous avec
M. Scheurer-Kestner.qui s'occupait de l'af-
faire de son côté.
M" Loblois raconte qu'il voulut éclairer le
gouvernement par l'entremise de M. Scheu-
rer-Kestner.à qui il montra les lettres du gé-
néral Gonse au colonel Picquart.
Dès qu'il eut de l'écriture du commandant
Esterhazy, M. Scheurer-Kestner commença
ses démarches auprès du gouvernement.
A la Noël, le colonel Picquart lui fit part
de machinations dirigées contre lui. Deux
télégrammes lui parvinrent à Sousse ils
étaient faux. Ils émanaient des bureaux de la
guerre.
C'était une machination préparée de lon-
gue main. Il y avait eu des lettres fausses.
Son devoirlui commandait d'instruire le gou-
vernement de ces faits. Il chargea M. Tra-
rieux de le faire. M. Trxrieux accepta. Puis,
une plainte fut déposée et M. Bertulus fut
nommé juge d'instruction.
M" Labori.–Il y a deux séries de faux
documents fausses lettres, faux télégram-
mes. Le point de départ de ces faux est les
bureaux de la guerre. Pourquoi?
M" Leblois.–Le 20 novembre, alors que
le colonel Picquart était parti depuis quel-
ques jours, un ami lui écrivit au ministère
une lettre insignifiante, très brève, faisant
allusion à un personnage qui avait été sur-
nommé le demi-dieu; ce personnage est la
ca.pita.ine de Lallemand.
La lettre lui parvint après avoir été ouverte
et copiée. Le mois suivant on interceptait
une lettre signée « Speranza elle lui fut
dissimulée et il n'en a eu connaissance qu'au
cours de l'enquête du général de Pellieux.
On voulait perdre cetofficier.
LeIQ novembre il reçut le premier télé.
gramme
« Arrêté le demi-dieu affaire très grave.
« Signé SPÉRANZA.
Voici le deuxième télégramme
« Signé BLANCHE.M »
C'était pour ruiner le crédit d'un petit-
bleu recueilli jadis par le colonel Picquart,
compromettant pour le commandant Es-
terhazy et tendant à faire croire que~e colo-
nel Picquart avait fait un faux. D'ailleurs le
conseil d'enquête du colonel Picquart a dé-
truit la légende du commandant Ravary.
Le président. Qu'en savez-vous ? Vous
n'êtes pas le conseil d'enquête.
M~ Leblois. J'ai témoigné et on m'a dit
le reste.
Le président. Vous n'en savez rien.
M" Labori. –Je proteste contre les inter-
ruptions à l'égard des témoins.
Le président. Mais j'ai le droit de poser
des questions, il me semble, et je conti-
nuerai.
M" Leblois. Il n'a été posé au colonel
que quatre questions. Je suis l'avocat du co-
lonel Pioquart. (Rires et rumeurs).
Le président. Vous auriez pu le dire
plus tôt.
M<- Leblois. Ma source d'informations
est bonne. Une agence l'a télégraphié en
province. Le colonel Picquart a reçu un avis
indiquant les questions posées M. Picquart
le confirmera.
M" Labori demande des explications sur la
portée de la seconde lettre fausse intercep-
tée au ministère de la guerre et que le colo-
nel Picquart n'a connue que dernièrement.
M" Leblois.– Qu'on le demande au colo-
nel Picquart. Elle a été interceptée par le
bureau des renseignements.
Le président.–Je ne saisis pas l'utilité
de tout cela.
M" Labori. Les jurés saisiront, j'espère.
M° Leblois.– Les télégrammes émanent
certainement d'un homme connaissant bien
les bureaux de la guerre.
M° Labori. Quel était la portée de la
lettre fausse ?
M. Leblois. C'était une pierre d'attente à
la suite de laquelle on allait édifier toutes
les machinations contre le colonel Picquart.
On a voulu faire croire que le bleu reproché
au commandant Esterhazy était un faux du
colonel et il fallait a tout prix le compro-
mettre.
M° Labori. Quelle attitude avaient les
chefs du colonel Picquart ?
M" Leblois. Le colonel était au mieux
avec aea chefs après enquête contre le com-
mandant Esterhazy et sur les suites à don.
ner, il y eut un différend entre lui et ses
chefs. En novembre les choses se gâtèrent
par des innuen~es qu'il ne connaît pas.
Cependant, lorsque iC colonel quitta le mi.
nistère, on ne lui dit pas ~u'il était en dis-
grâce mais en mission.
Quant à la lettre de menaeeet rûçue par le
colonel Picquart, elle était du 3 juin 1897,
elle émanait du lieutenant-colonel Henry,
était conçue en termes presque injurieux.
J~is il ne peut dire ce qu'étaient ces me..
naces. II y a deux faits distincts Bn f
et6n97.
En 1896, il y a une lettre interceptée et 9<
gênerai Gonse lui témoignait de la symp.~
thie.
Pour~837, le colonel Picquart s'expliquer}
mieux que moi. 1
M" Labori. M" Leblois conn-alt-il les ra.'
lations de la famille de Comminges avec l
ainsi que l'histoire de la dame voilée?
M" Leblois. M. Picquart était l'ami dt
la famille-de Oomminges. H y' a-une histoire
de roman-feuilleton, de lettres non rendues,
de randez-vous nocturnes près du Jardin de
Paris.
M" Laborie. Je voudrais des faits pré-
cis.
M° Leblois. Le comte de Comminge*
reçut des lettres anonymes on les attribua.
à M. du Paty de Clam.
Le témoin raconte cette histoire qui &
paru plusieurs fois dans tous les journaux
et dans laquelle intervient une femma.
voilée.
Le président. Quel rapport avec l'objet
de la poursuite ? '?
M" Labori. Les femmes voilées sont
l'œuvre de certain membre du ministère
de la guerre.
Déposition da M. Schaurer-Eestnar
De violentes rumeurs se produisent contra
le témoin, qui est hué à son entrée dans Iak
salle.
Il déclare se nommer Auguste, âgé da
soixante-cinq ans.
M* Labori demande au témoin de dire coin*
ment il s'est fait une conviction.
Le président. Ne parlez pas de l'aS'aira
Dreyfus.
M.Scheurer-Ke5tner refait sa déposition
du conseil de guerre. 11 sut que le colonel
Picquart avait la conviction que le bordereau
n'était pas d'Alfred Dreyfus. Le colonel Pic-
quart avait vu M.Bertiilon, puis le général
Gonse lui déconseilla de faire une nouvelle
enquête. Il y a une correspondance à ce su'
jet qu'il a vue. Il acquit la preuve que le gé-
néral Gonse partageait l'opinion du colonel
Picquart, qui préparait une revision du pro-
cès. Il faut que je lise cette correspondance.
Le président, Non.
M" Labori. M. Scheurer a ces lettres, la~
lumière doit être faite complète. Il estindis-
pensable de verser ces missives aux débats.
M. Zola n'a pu en notifier copie.
Il faut rendre justice à M. Scheurer-Kest-
ner qui veut parler pour faire la lumière. Ja
vais déposer des conclusions.
Le président. C'est impossible, las tc-
moins ne peuvent lire aucune pièce.
Me Labori. Le président a un pouvoir
discrétionnoire dont il peut user en ordon-
nant que les lettres nous soient communi-'
quées.
Le président. Si M. l'avocat-général ua
s'y oppose pas, je veux bien.
M. l'avocat général. Ce sont des lettre*
du général Gonse et du colonel Picquar~.
C'est eux qui seront juges de l'utilité da
cette lecture.
M° Labori. Si on ne veut pas, je déposa
des conclusions. Comme il faut avoir de la~
patience et de la modération, et malgré tous
les obstacles rencontrée, je n'ai pas reçu de
blâme..
Le président. Lisez le code,
M" Labori. Je ne le lirai pas (sensation),
monsieur le président, nous ne sommes pas
au bout de nos différends. (Rumeurs).
Le président lit un article do la loi sur 1~
presse prouvant que la copie de ces lettres
devait être signifiée cinq jours avant l'au.
dience.
M° Clemenceau. –II faut que les jurés sa-
chent que ces lettres ont été saisies au con<
seil de guerre sans.avoir été lues.
M° Tézenas, de sa place, proteste contre
cette allégation.
Le président. Cela ne nous regarde pas.
Il s'agit de savoir si, d'après la loi, vous pou-
vez vous servir de ces lettres.
Uns longue discussion juridique s'engage
entre les avocats et le président.
Le président.– M. Scheurer-Kestner peut"
il donner le sens des lettres?
M. Scheurer-Kestner.–Je croyais !&
lecture indispensable. C'est malheureux. Le
colonel Picquart voulaitune expertised'écri-
ture. Il demanda une enquête au général
Gonse, qui répondit le 7 septembre )896
«qu'il avait réfléchi"; l'engageantàoontinuef
avecprudence. « Une faut pas, écrivait-il, me*
1er des tiers dans cette affaire, x
Le colonel Picquart répondit qua des indi-
ces lui faisaient croire qu'on allait tout ten-
ter et qu'il fallait faire justice à temps. La
général répondait trois jours après «Au
point de vue de l'enquête, il ne faut pas évi-
ter la lumière. Mais, comment manifester la,
vérité?
Troisième lettre du colonel Picquart, à la
suite d'un article signalant la pièce secrète.
Après la lecture de ces lettres, la convic-
tion de M. Scheurer était faite et la revision
devenait possible. Le témoin explique ça
qu'il a fait. Il a vu aussi le président du con-
seil, auquel il a tout dit, mais sans succès.
M" Labori, Comment la dénonciation do
M. Mathieu Dreyfus est-elle venue ?
M. Scheurer. Je savais que le comman-
dant Esterhazy était le coupable. M. Mathieu
Dreyfus l'apprit d'un autre côté par un am!
du commandant qui avait acheté le placard
du bordereau à un camelot, sur le boulevard;
et reconnu l'écriture du commandant.
M. Scheurer et M. Mathieu Dreyfus se G.
rent des confidences et s'avouèrent leurst
soupçons.
M. Zola demande des renseignements suf
l'entrevue du témoin avec le général Billot,
qui a pleuré.
M. Scheurer. On a dén&turé ma de<
marche. A ce momement, le témoin recom"'
mence sa déposition de tout à l'heure et la
président le lui fait remarquer, ce qui fait
dire a M. Scheurer « Vous m'empêchez d<
témoigner.
M.Zola. J'insiste pour connaître la. coa<~
versation.
M. Scheurer fait le récit qui a été bienso~
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