164 Piété
Jésus, mon Amour, votre Sacré-Coeur n'est-il pas, comme ce petit
ver, une nourriture qui s'offre à nous dans l'Eucharistie, et sur
la Croix ne vous êtes-vous pas laissé percer par d'affreux clous,
pour vous mettre ainsi totalement à notre portée. Mais dès lors
c'est par votre Coeur que, surtout à notre époque, vous prenez
les hommes qui courent à vous, comme les poissons au ver de
l'hameçon ; c'est votre Coeur qui les attire. Aussi peut-il s'écrier :
Je prends celui qui veut me prendre : Capio capientem. Et le
suave docteur saint Bernard de renchérir : O Jésus, pauvre petit
ver de terre, dédaigné, méprisé, rejeté par tous sans la moindre
raison et qui se laisse fouler aux pieds sans le moindre sentiment
de vengeance !
De cette contemplation touchante, tâche,, ô âme pieuse,
de recueillir quelque affection vertueuse. N'est-il pas lamentable
de voir Jésus, dans cette condition abjecte, sur la paille de sa
crèche, embrassant de ses deux petites mains sa Croix qu'il
aime déjà et qu'il presse sur son Coeur ? Et toi qui n'es que
misère, terre et poussière, un pur néant, tu oses t'enfler et t'enor-
gueillir ! Tu n'es qu'un cadavre debout, te dit le dévot Gerson ;
un sac plein de hontes et tu te gonfles ! Si tant d'ignominies ne
suffisent pas pour te rendre humble, regarde donc l'humilité
du petit Jésus, ton Roi, ton Seigneur et ton Dieu ! De son doigt
il ébranle et soutient les mondes, et cependant il gît dans une
étable au milieu des animaux et il mourra pour toi sur la Croix
entre deux voleurs ! O amour infini ! Et tu n'aimerais pas le
Sacré-Coeur ? Et tu n'embrasserais pas sa volonté en toutes
choses, même pénibles ?
Pour conclure, rappelons-nous un trait de l'histoire d'Urie,
soldat hors pair, brave et infatigable, nous disent les Livres des
Rois. David l'ayant rappelé du camp, pour qu'il prît quelque
repos : « O Roi s'écria-t-ïl^ l'arche sainte est sous la tente ; tout
le peuple également, et je rentrerais chez moi pour y mener la
vie douce. Au nom de tout ce que vous avez de plus cher, je ne
le ferai pas. » Ne seras-tu pas, chrétien, ce coeur généreux ?
L'arche sainte, le Coeur de Jésus, avec la Vierge-Mère et le bon
Joseph, vit, non pas même sous la tente, mais sur le sol d'une grotte
exposé aux intempéries et à toutes les misères. Le froid lui fait
couler des larmes amères, et il n'attend de la vie rien que de
douloureux. Et toi, tu feras le délicat, tu soupires après les délices ;
il te faut toutes tes commodités, une couche bien molle, des vête-
ments précieux, les raffinements de la table ; et tu entends suivre
aveuglément ta volonté, même perverse. Misérable créature !
ou Dieu se trompe, ou bien c'est le monde et c'est toi. Mais Dieu
ne peut se tromper, c'est donc toi qui te trompes. Écoute ce
que te crie à haute voix saint Jérôme : Impossible, impossible
de jouir du bonheur en ce monde et en l'autre, de passer d'un
séjour de déljces au vrai séjour de délices ; alors, à quoi te résous-
tu ? J.-M. BAUDOUX
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