Titre : Le Monde artiste : théâtre, musique, beaux-arts, littérature
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-02-25
Contributeur : Lemoine, Achille (1813-1895). Directeur de publication
Contributeur : Gourdon de Genouillac, Henri (1826-1898). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32818188p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 19764 Nombre total de vues : 19764
Description : 25 février 1894 25 février 1894
Description : 1894/02/25 (A34,N8). 1894/02/25 (A34,N8).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5453532z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-1096
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 30/11/2010
LE MONDE ARTISTE
103
Théâtre-libre. — Une Journée parlementaire, comé-
die de moeurs en trois actes, en prose, de M. Maurice
Barrès. (Première représentation le vendredi 23 février.)
Théâtre des Escholiers. — Une mère, un acte de
M. Henri Amie ; Le Passant, parodie en un acte de
M. P. Gavault ; Une visite, deux actes de M. Edouard
Brandès, traduits du danois par MM. de Colleville et
de Zepelin ; La Revue de Machin, bavardage intime en
un acte, de M. Victor Meusy. (Première représentation
le lundi 19 février.)
« Un député blackboulé, écrivain et journa-
« liste, agacé de voir le silence se faire autour de
« lui, rêve un succès de théâtre ; quoi de plus
« nature] ? Mais, malgré la très haute estime
« dans laquelle il tient son talent, il sent bien
« que l'attrait de son nom sera insuffisant pour
« faire applaudir du public — qui a pu lire ses
« livres ou ses articles — une comédie quel-
« conque. Qu'à cela ne tienne ! Il fera une pièce
« à scandale, il prendra un des plus récents, un
« des plus retentissants, et il se hâtera, car, en
« France, on oublie vite... Sans hésiter, il met
« en scène une famille tellement écrasée sous la
« honte de son chef, qu'elle a droit au silence de
« tous... La pièce est interdite, quelle réclame !
« On se l'arrache, et les heureux souscripteurs
« du Théâtre-Libre vont pouvoir écouter cette
« oeuvre délicate. »
Telles sont les réflexions, fort justes, ma foi!
que suggérait ces jours-ci, à un excellent chro-
niqueur de nos amis la représentation, si bruyam-
ment annoncée, d' Une journée parlementaire. La
pièce que M. Maurice Barrès veut bien intituler
« comédie de moeurs » eût été une bonne pièce
(et ce n'est, certes, pas le cas), qu'à notre avis,
elle restait quand même, une mauvaise action...
L'ancien ministre qu'elle met en scène — et
dont le nom volait hier, sur toutes les lèvres —
a été condamné à cinq ans de prison ; il expie sa
peine ; une de ses filles est morte de chagrin,
sans que son père ait pu la revoir une dernière
fois, sans qu'il ait même été autorisé à suivre
tristement son blanc enterrement; ces gens sont
dans le malheur, ils méritent la pitié ; est-il
charitable de les accabler encore en les traînant
sur les planches d'un théâtre?
Voici, en quelques lignes, le sojet d' Une journée
parlementaire. Le député Thuringe, ancien mi-
nistre, a épousé la belle Mme X..., une femme
divorcée et dont le premier mari (la coïncidence
est au moins étrange) habile la même maison
que lui. Une lettre très compromettante qui le
désigne, en toutes lettres, comme ayant vendu sa
conscience, a disparu d'un de ses dossiers, et
l'indiscret voleur n'a rien eu de plus pressé que
de la porter à une feuille à scandale, le Contrat
social, qui en annonce la publication pour le len-
demain. Comment empêcher qu'elle paraisse? —
« Livrez-nous deux gouvernementaux, et je vous
relâche ! » s'écrie Forestier, le cynique directeur
du Contrat social. Thuringe, affolé, livre les
papiers qui perdent deux de ses plus intimes
amis ; puis, il se précipite au Palais Bourbon,
où, d'abord lâché par tous, il regagne, au moyen
d'un discours sensationnel, les sympathies géné-
rales.
Mais le mari, son prédécesseur, — dont il a
pris la femme, avant de l'épouser — a juré de se
venger, et se venge cruellement : il a conservé
l'original, dont le Contrat social n'a payé qu'une
vulgaire photographie. II publiera le lendemain
matin, dans une jolie feuille à lui, l' Etoile blanche,
la lettre déshonorante, à moins que Thuringe ne
disparaisse dans la nuit même en se faisant sau-
ter la cervelle. Et les deux amis — ceux-là même
dont il a livré les papiers — lui apportent un
pistolet. Thuringe se tue, pour ainsi dire, sous
leurs yeux. Cette dernière scène n'est pas seule-
ment répugnante, elle est invraisemblable et ridi-
cule. M. Maurice Barrés est sans doute un écri-
vain de haut style, un romancier de vrai talent :
ce n'est pas, à coup sûr, un homme de théâtre.
M. Antoine est lui, comme toujours, un met-
teur en scène de premier ordre; et la façon dont,
au second acte, — où nous assistons à l'entrée
du Président de la Chambre, à laquelle la troupe
présente les armes — la façon, dis-je, dont il a
groupé et animé les députés dans le salon de la
Paix est celle d'un maître en son art. Mais ce
n'est pas le salon de la Paix, c'est la Chambre
elle-même que nous espérions voir : M. Barrès a
trouvé plus commode de laisser à la cantonade
le discours de son « héros ».
M. Antoine s'était naturellement réservé le
rôle de Thuringe, dont il a tiré tout le parti pos-
sible. M. Gémier s'est fait applaudir, à côté de
lui, dans le personnage de M. Forestier, le direc-
teur du Contrat social, qui joue le rôle de l'avocat
des compagnies d'assurances dans Une Faillite.
Mais combien supérieure la scène de Bjornson !
Un seul rôle de femme—et encore bien effacé :
celui de la belle Mme Thuringe, sous les traits
de Mlle Marguerite Caron, la charmante trans-
fuge du Vaudeville.
Une Journée parlementaire est une de ces pièces
dont on a tant parlé avant la représentation
qu'on en parlera fort peu après... La censure
ne pouvait pas ne pas l'interdire : le Théâtre-
Libre a bien fait de la jouer : la question est dé-
sormais vidée. Un fait-divers mis au théâtre, et
c'est tout!
Passons aux Escholiers, qui nous ont donné
le premier spectacle de l'année ; quatre pièces
d'un coup : ces jeunes gens n'y vont pas de main
morte, comme on dit...
D'aucuns prétendent que, dans Une mère,
M. Henri Amic, plus fumiste que sincère, avait
voulu nous prouver combien il était facile de
faire la pièce « rosse », celle qui était en faveur il
y a quelques années au Théâtre-Libre. Voyez,
messieurs, aurait-il dit : ce n'est pas plus diffi-
cile que ça!...
La « mère » que nous présente l'auteur d'Une
Vengeance est une... vieille garde (soyons cour-
tois !) qui gît sur un piteux grabat dans une man-
sarde démeublée. Elle exhale dans le sein de sa
portière ses nauséabondes confidences. Grandeur
et décadence d'une courtisane, eût dit Balzac.
Elle raconte comme quoi sa fille, refusant d'em-
brasser la carrière maternelle, s'est perdue par
l'honnêteté. — O ingratitude des enfants! — Et
voici que la fille revient : n'ayant pas vu sa mère
103
Théâtre-libre. — Une Journée parlementaire, comé-
die de moeurs en trois actes, en prose, de M. Maurice
Barrès. (Première représentation le vendredi 23 février.)
Théâtre des Escholiers. — Une mère, un acte de
M. Henri Amie ; Le Passant, parodie en un acte de
M. P. Gavault ; Une visite, deux actes de M. Edouard
Brandès, traduits du danois par MM. de Colleville et
de Zepelin ; La Revue de Machin, bavardage intime en
un acte, de M. Victor Meusy. (Première représentation
le lundi 19 février.)
« Un député blackboulé, écrivain et journa-
« liste, agacé de voir le silence se faire autour de
« lui, rêve un succès de théâtre ; quoi de plus
« nature] ? Mais, malgré la très haute estime
« dans laquelle il tient son talent, il sent bien
« que l'attrait de son nom sera insuffisant pour
« faire applaudir du public — qui a pu lire ses
« livres ou ses articles — une comédie quel-
« conque. Qu'à cela ne tienne ! Il fera une pièce
« à scandale, il prendra un des plus récents, un
« des plus retentissants, et il se hâtera, car, en
« France, on oublie vite... Sans hésiter, il met
« en scène une famille tellement écrasée sous la
« honte de son chef, qu'elle a droit au silence de
« tous... La pièce est interdite, quelle réclame !
« On se l'arrache, et les heureux souscripteurs
« du Théâtre-Libre vont pouvoir écouter cette
« oeuvre délicate. »
Telles sont les réflexions, fort justes, ma foi!
que suggérait ces jours-ci, à un excellent chro-
niqueur de nos amis la représentation, si bruyam-
ment annoncée, d' Une journée parlementaire. La
pièce que M. Maurice Barrès veut bien intituler
« comédie de moeurs » eût été une bonne pièce
(et ce n'est, certes, pas le cas), qu'à notre avis,
elle restait quand même, une mauvaise action...
L'ancien ministre qu'elle met en scène — et
dont le nom volait hier, sur toutes les lèvres —
a été condamné à cinq ans de prison ; il expie sa
peine ; une de ses filles est morte de chagrin,
sans que son père ait pu la revoir une dernière
fois, sans qu'il ait même été autorisé à suivre
tristement son blanc enterrement; ces gens sont
dans le malheur, ils méritent la pitié ; est-il
charitable de les accabler encore en les traînant
sur les planches d'un théâtre?
Voici, en quelques lignes, le sojet d' Une journée
parlementaire. Le député Thuringe, ancien mi-
nistre, a épousé la belle Mme X..., une femme
divorcée et dont le premier mari (la coïncidence
est au moins étrange) habile la même maison
que lui. Une lettre très compromettante qui le
désigne, en toutes lettres, comme ayant vendu sa
conscience, a disparu d'un de ses dossiers, et
l'indiscret voleur n'a rien eu de plus pressé que
de la porter à une feuille à scandale, le Contrat
social, qui en annonce la publication pour le len-
demain. Comment empêcher qu'elle paraisse? —
« Livrez-nous deux gouvernementaux, et je vous
relâche ! » s'écrie Forestier, le cynique directeur
du Contrat social. Thuringe, affolé, livre les
papiers qui perdent deux de ses plus intimes
amis ; puis, il se précipite au Palais Bourbon,
où, d'abord lâché par tous, il regagne, au moyen
d'un discours sensationnel, les sympathies géné-
rales.
Mais le mari, son prédécesseur, — dont il a
pris la femme, avant de l'épouser — a juré de se
venger, et se venge cruellement : il a conservé
l'original, dont le Contrat social n'a payé qu'une
vulgaire photographie. II publiera le lendemain
matin, dans une jolie feuille à lui, l' Etoile blanche,
la lettre déshonorante, à moins que Thuringe ne
disparaisse dans la nuit même en se faisant sau-
ter la cervelle. Et les deux amis — ceux-là même
dont il a livré les papiers — lui apportent un
pistolet. Thuringe se tue, pour ainsi dire, sous
leurs yeux. Cette dernière scène n'est pas seule-
ment répugnante, elle est invraisemblable et ridi-
cule. M. Maurice Barrés est sans doute un écri-
vain de haut style, un romancier de vrai talent :
ce n'est pas, à coup sûr, un homme de théâtre.
M. Antoine est lui, comme toujours, un met-
teur en scène de premier ordre; et la façon dont,
au second acte, — où nous assistons à l'entrée
du Président de la Chambre, à laquelle la troupe
présente les armes — la façon, dis-je, dont il a
groupé et animé les députés dans le salon de la
Paix est celle d'un maître en son art. Mais ce
n'est pas le salon de la Paix, c'est la Chambre
elle-même que nous espérions voir : M. Barrès a
trouvé plus commode de laisser à la cantonade
le discours de son « héros ».
M. Antoine s'était naturellement réservé le
rôle de Thuringe, dont il a tiré tout le parti pos-
sible. M. Gémier s'est fait applaudir, à côté de
lui, dans le personnage de M. Forestier, le direc-
teur du Contrat social, qui joue le rôle de l'avocat
des compagnies d'assurances dans Une Faillite.
Mais combien supérieure la scène de Bjornson !
Un seul rôle de femme—et encore bien effacé :
celui de la belle Mme Thuringe, sous les traits
de Mlle Marguerite Caron, la charmante trans-
fuge du Vaudeville.
Une Journée parlementaire est une de ces pièces
dont on a tant parlé avant la représentation
qu'on en parlera fort peu après... La censure
ne pouvait pas ne pas l'interdire : le Théâtre-
Libre a bien fait de la jouer : la question est dé-
sormais vidée. Un fait-divers mis au théâtre, et
c'est tout!
Passons aux Escholiers, qui nous ont donné
le premier spectacle de l'année ; quatre pièces
d'un coup : ces jeunes gens n'y vont pas de main
morte, comme on dit...
D'aucuns prétendent que, dans Une mère,
M. Henri Amic, plus fumiste que sincère, avait
voulu nous prouver combien il était facile de
faire la pièce « rosse », celle qui était en faveur il
y a quelques années au Théâtre-Libre. Voyez,
messieurs, aurait-il dit : ce n'est pas plus diffi-
cile que ça!...
La « mère » que nous présente l'auteur d'Une
Vengeance est une... vieille garde (soyons cour-
tois !) qui gît sur un piteux grabat dans une man-
sarde démeublée. Elle exhale dans le sein de sa
portière ses nauséabondes confidences. Grandeur
et décadence d'une courtisane, eût dit Balzac.
Elle raconte comme quoi sa fille, refusant d'em-
brasser la carrière maternelle, s'est perdue par
l'honnêteté. — O ingratitude des enfants! — Et
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