Notre seconde conclusion est également significative. Sans doute, les aristocrates sont-ils proportionnellement plus nombreux à gauche qu'à droite ; surtout à cause des membres des familles de haute noblesse dont l'importan- ce assez récente tenait surtout à la faveur royale 1. Il n'en reste pas moins qu'on ne saurait pouvoir maintenir l'ancienne distinction aristocratie libérale- noblesse provinciale conservatrice. Il y eut aux États de grands aristocrates réactionnaires et de petits nobles libéraux, division d'autant plus intéressante du fait que les caractéristiques des < grands > et des < petits » étaient, comme on pouvait s'y attendre, fort différentes.
Mais il ne faudrait pas non plus trop simplifier la question. Il est inutile, et même important, de souligner que les aristocrates ne se ressemblaient pas nécessairement les uns aux autres. Un aristocrate libéral différait con- sidérablement de son homologue conservateur. On était plus jeune à gauche qu'à droite, où la distribution des âges était également plus homogène.
L'aristocratie de gauche était aussi beaucoup plus cosmopolite que l'aris- tocratie de droite. Une proportion considérable de libéraux connaissait l'Angleterre et même l'Amérique, tandis que leurs homologues conserva- teurs, dans la mesure où ils s'étaient aventurés au-delà des frontières, s'é- taient dirigés vers l'Est de l'Europe, le plus souvent au service du roi, pen- dant les guerres d'Allemagne. L'importance des phénomènes intellectuels et culturels au sein de l'aristocratie (nous laissons ici encore de côté la no- blesse de province) peut d'ailleurs se mesurer d'une façon élémentaire, quoique assez probante. On trouve, à droite, peu d'idéologues, ou même d'académiciens. Il est vrai que la Société royale d'agriculture était large- ment représentée sur les bancs réactionnaires, mais c'était là une excep- tion. Chez les libéraux, Montesquiou-Fezensac, Aguesseau du Fresne et le chevalier de Boufflers sont des immortels, si bien qu'il ne serait pas exagéré de suggérer que l'Académie française était en quelque sorte orléaniste avant même l'invention de l'orléanisme. D'autre part le duc de
tarions libérale». Ce qui ne l'empêcha pas de se (aire élire au Quercy par une des noblesses les plus réactionnaires du royaume, qui se refusa à toute ooncession réformiste. Voir l'aperçu biographique de Roger de La Lande dans L.-A. de GONTADT, duc de BmoK, Lettres sur (s* États généraux, p. xr-xxm, et G. MAUGHAS, Le Duc de Lauzun et la cour de Marie-Antoinette (1909). 1. La stricte application du règlement de 1759 aurait interdit aux Lameth, par exemple, le privilège des honneurs de la cour. Four des raisons d'ardre personnel, une exception cependant fut faite en faveur de la famille de ces quatre frères, qui recurent également chacun, grâce 4 Marie-Antoinette, le commandement d'an régiment. Albert de Luynes et les Toulongeon, qui eux aussi bénéficièrent d'une dispense, se montrèrent un peu moins ingrats.
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