Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-11-20
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 novembre 1910 20 novembre 1910
Description : 1910/11/20 (Numéro 12090). 1910/11/20 (Numéro 12090).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k534887q
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/04/2008
43e année. 3e série.– N°12O9O
IS ET DÉPARTEMENTS 15 CENTIMES
DIMANCHE 20 NOVEMBRE 1910
AR T H UR MEYER
Directeur
RÉDACTION
DE QUATRE HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU MATIN
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Montmaztre et des Italien*)
ABONNEMENTS
Paris et départements
Un mois. 5 fr. Six mois. 28 fr.
Trois mois. 14 fr. 1 Un
Etranger
Trois mois (Union postale)
LE PLUS GRAND JOURNAL DU MATIN
ARTHUR MEYER/"
Directeur
ADMINISTRA TION f
ABONNEMENTS, PETITES ANNONCES
2, rue Drouot, 2
(Aagl* det boulevard» Montmartre et do. Italiesf)
•< ANNONCES
MM, LAOBANQE, CERF ©•
.8, moi sx ia bodmi, 8
Et Il V administration au Journal
Les manuscrits ne sont pas rendu*
Je ne songeais pas du tout à m'occuper 'de
cet incident, quq j'ai considéré, quand il est
passé sous mes yeux, comme d'une impor-
tance secondaire, lorsque je lis dans un journal
de Lausanne que l'esclandre odéonien est un
fait social significatif « C'est le primaire qui
monte, s'écrie M. Robert Ténin c'est le pri-
maire qui envahit l'Odéon »
Si c'est le primaire qui monte, l'incident
n'est pas secondaire et il faut s'y arrêter mais
je crois, précisément, que M. Robert Ténin se
trompe. La manifestation antiracinienne et anti-
louis quatorzième me paraît essentiellement
aristocratique, ultra-aristocratique, aristocra-
tique à être désavouée, certes, par l'aristocrate
que vous êtes et par celui que je suis, arisio-
cratique avec exagération à outrance, aristo-
cratique dans le goût de Saint-Simon ou de
Joseph de Maistre ou de Nietzsche, ou de plus
enragé encore mais enfin essentiellement aris-
tocratique.
Qu'est-ce, en effet, que le conférencier de
l'Odéon, dissertant sur Iphigénie, a reproché à
Racine ?
Beaucoup de choses mais surtout d'être
verbeux. Verbeux Agamemnon, verbeuse Cly-
temnestre, verbeux Achille, verbeuse Iphigé-
nie. Oh quels bavards
Vous me direz peut-être que s'ils parlent
Beaucoup, ce que je concède, c'est qu'ils ont
beaucoup de choses à dire, leurs caractères n'é-
tant pas de la même simplicité que ceux des
sauvages et ayant besoin de quelques analyses
assez subtiles pour qu'ils soient compris du
public.
Assez bonne raison, je le concède, assez
bonne raison mais raison qu'aurait pu don-
ner Boileau ou Bouhours, raison terre à terre,
raison bourgeoise, raison du dernier bourgeois.
Racine a caution bourgeoise. L'aristocrate, lui,
le grand seigneur songez, s'il vous plaît,, à
La Rochefoucauld ou à quelqu'un de beaucoup
plus aristocrate que La Rochefoucauld est
pour la concision, pou,r une extrême concision.
La concision est une discrétion. La concision est
une distinction. L'éloquence est peuple. L'élo-
quence sent la réunion publique. Fi Pouah
Vous me direz que l'éloquence', dans Racine,
est d'une certaine élégance. Peut-être bien. En-
core est-il qu'elle est oratoire. C'est une élo-
quence qui ne serait pas oratoire qu'aurait dé-
sirée M. le conférencier de l'Odéon. Il dit à Aga-
memnon « Soyez bref » Il dit à Clytemnes-
tre « Evitez la prolixité » Il dit à Achille
« Point d'ambages. » II dit à Iphigénie Point
de circonlocutions. » Et il dit à Ulysse, encore
qu'il soit d'Ithaque, et précisément parce qu'il
en est « Tranchez-moi votre discours d'un
apophtegme à la laconienne. »
Or, qu'est ceci, s'il vous plaît, qu'un trait d'a-
ristocratisme ? Précisément, Lacédémone est
une cité aristocratique éminemment et vous
verrez tout grand seigneur, non, quelquefois,
sans affectation, éviter toutes « longueries d'ap-
prêt » et toute abondance dans les paroles. Froi-
dement reçu par Louis XV, un homme de qua-
lité, qui se serait coupé un bras plutôt que de
se plaindre de son roi, disait, de retour dans
l'antichambre « Il ne m'a rien dit du tout.
C'est très distingué. »
C'est une distinction de ce genre, parce que
c'est la plus haute, que M. le conférencier de
l'Odéon aurait désirée chez les personnages
d'Iphigénie, ou, du moins, cette distinction
étant peu compatible avec les nécessités d'une
pièce de théâtre, il aurait souhaité que les pro-
pos d'Iphigénie et de Glytemnestre fussent ré-
duits aux mesures ordinaires des conversations
téléphoniques. Oh que ce souhait est tout à fait
d'un gentilhomme. J'en suis tout intimidé.
Quoi encore ? Il a reproché à Eriphyle d'être
jslouse, ce qui est un travers essentiellement
plébéien, ou plutôt non pas précisément d'être
jalouse mais de l'être à la façon d'un person-
nage de M. d'Ennery. La voyez-vous bien ici
la révolte aristocratique C'est la révolte con-
tre Sarcey. Ce bon Sarcey, le bourgeois des
bourgeois, ramenait toujours les héros de tra-
gédie aux proportions bourgeoises et s'obsti-
nait à montrer que Racine était si vrai qu'Her-
mione n'était pas autre chose qu'une vitrio-
leuse. Se peut-il rien de plus bas Ce que Sar-
cey disait pour louanger Racine, son succes-
seur à l'Odéon le dit, il dit exactement la même
chose, pour discréditer, déprimer et rabaisser
Racine, ou plutôt pour montrer combien il est
bas. Figurez-vous que, chez Racine, une prin-
cesse est jalouse de la même façon qu'une mi-
dinette, ou que la princesse Palatine, mère du
Régent, quand elle l'était de Madame de Mainte-
non C'est tout à fait à faire pitié. Ce que Racine
n'a pas entendu, c'est le fin, le fin du fin, et le
bel air des choses 1 Il a toujours senti un peu
la Ferté-Milon. Il a des qualités, sans doute, et
beaucoup peut-être mais enfin, il le faut con-
fesser, ma chère, il est toujours un peu Racine
d'Escarbagnas..
Et après tout (c'est la suite des idées de M.
le conférencier de l'Odéon), cela ne laisse pas
da se comprendre. Racine n'est pas seulement
du siècle de Louis XIV, il est du groupe de
Louis XIV, du groupe personnel de Louis XIV.
Or Louis XIV. on le tenait pour le prince le
plus luxueux de l'Europe mais notre confé-
rencier aristocrate n'est pas homme à s'en lais-
ser imposer par ce luxe extérieur. Et il songe,
non sans tristesse, que tout ce qui entourait le
Roi était formé sur son modèle. La vérité sur
la Cour et sur les courtisans 1 Il en croit tous
les cancans de l'époque. Il cite des exemples.
Est-ce que tout cela ne vous désoblige pas un
peu?. Sachons donc le dire, prononce le con-
férencier des hermines, la Cour la plus polie
de toute l'Europe, d'après ce qu'en disait toute
l'Europe, était très mal élevée.
Or, ce sont ces gens-là mêmes que Racine
peignait dans ses vers et c'est à ces gens-là,
aussi, qu'il s'efforçait de plaire. Quoi d'éton-
nant qu'il y ait dans ses œuvres je ne sais
quelle odeur plébéienne, quel relent des halles,
un manque, sinon continuel, du moins repa-
raissant à chaque instant, de noblesse, de dé-
licatesse, d'élévation, de bonne compagnie et
de vraie bonne grâce. Au fond, Racine est bas-
peuple. Il a fait des drames d'apaches en ale-
xandrins rectilignes il a habillé en brocart
des sauvages qui font semblant d'être civilisés.
Grattez le prince de Racine, vous trouverez le
courtisan de Versailles, et grattez le courtisan
de Versailles, vous trouvez le croquant. Entre
nous, messeigneurs, ce ne sont pas gens à nous
présenter.
Ainsi M. le conférencier mène son-raisonne-
ment odéonien.
Eh bien, mais C'est le rêve d'un sur-homme,
et d'un sur-Racine, et d'un sur-prince de Ligne,
que tout cela. Est-ce qu'il ne vous est pas
arrivé, à certains moments, qui sont certaine-
ment les meilleurs par où vous soyez passé, de
vous dire « Que ne suis-je assez select pour
trouver, et sans y faire effort, pour trouver
parce que je le trouverais, Mme de Sévigné
bien portière, Mme de La Fayette bien rus-
tique, Mme de Maintenon bien dévote de
petite ville, Corneille bien garde national, Bos-
suet bien rabâcheur de lieux communs et La
-Fontaine bien magister de village ?
commun; je suis commun, commun, commun, commun.
disait de lui-même, avec rage, un personnage
d'Augier. Cette sensation est atroce. Joubert
disait Je voudrais m'exprimer en notes de
musique les mots sont trop vulgaires, trop
gros. » Voilà de la distinction.
Or,, cet état d'esprit, d'âme, de nerfs et d'épi-
derme où vous avez souhaité parvenir en dé-
sespérant d'y atteindre, c'est précisément à cet
état que se trouve, sans doute, le conférencier
de l'Odéon. Que cela étonne, il n'y a pas lieu
de s'en étonner mais qu'on le trouve un état
primaire, quel contresens Il en est à plus de
mille lieues. C'est précisément le contraire
même.
Maintenant, vous me direz que les extrêmes
se touchent ou plutôt qu'ils semblent se tou-
cher et qu'il arrive qu'on les confonde. Rien
de plus vrai mais enfin, dans l'espèce, M. le
conférencier de l'Odéon a-t-il reproché à Racine
son excès de distinction et d'élégance et de no-
blesse ? A-t-il reproché à la Cour de Louis XIV
son excès de raffinement et de délicatesse ?
Non, n'est-ce pas ? Eh bien 1 alors, que voulez-
vous qu'il soit si ce n'est un homme qui veut
donner des leçons d'élégance et de noblesse à
Racine et des leçons de grand air à Louis XIV ?
Emile Faguet
de l'Académie française
Ce qui se passe
ÉCHOS DE PARTOUT
Le rapport sur le budget de la Légion d'hon-
neur, que M. Louis Marin, député de Nancy,
vient de présenter à la. Chambre, constate .que,
sur 47,515 membres de l'ordre, sont des
légionnaires civils. Parmi ces derniers, M. Ma-
rin compte quatorze grand-croix. Si nous ne
nous trompons, ce chiffre ne doit-il pas être
réduit d'une unité ? Les grands-croix actuelle-
ment vivants sont
M. Fallières, président de la république, et
M. Loubet, ancien président, grands-croix de
droit
Quatre ambassadeurs ou anciens ambassa-
deurs MM. Barrère, ambassadeur à Rome
Paul Cambon, ambassadeur à Londres Jules
Cambon, ambassadeur à Berlin, et le baron de
Courcel
Les deux préfets de Paris MM. de Selves,
préfet de la Seine, et Lépine, préfet de police
Un ingénieur, membre de l'Institut, ancien
ministre de la marine M. Alfred Picard
Un peintre, membre de l'Institut M. Léon
Bonnat;
M. Noblemaire, directeur honoraire de la
Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée
M. Liard, vice-recteur de l'Académie de Pa-
ris
M. Coulon, vice-président du Conseil d'Etat.
A la mémoire de Guillaume Dubufe.
Il y a plus d'un an que Guillaume Dubufe
était enlevé subitement à l'affection des siens.
La mort l'avait frappé en pleine force, alors
que son activité infatigable permettait de croire
qu'un long avenir s'ouvrait encore devant lui.
La disparition de cet artiste charmant, qui
avait montré pour la Société nationale des
Beaux-Arts un dévouement inlassable, a causé
parmi ses confrères et ses amis une profonde
émotion qui s'est traduite par le désir de com-
mémorer le souvenir de l'ami regretté et de
l'organisateur sans rival qui a renouvelé par
son goût les expositions artistiques.
C'est, on ne doit pas l'oublier, à Guillaume
Dubufe que l'on doit cette façon nouvelle de
présenter les oeuvres d'art à Paris, et dans tou-
tes les capitales, sa méthode a été imitée, et les
artistes lui sont redevables partout des progrès
réalisés dans ce sens.
Guillaume Dubufe n'était pas seulement le
peintre de grand talent que les Salons an-
nuels avaient popularisé, c'était aussi un poète
et un écrivain d'art des plus appréciés.
Ses amis ont constitué un Comité qui a dé-
cidé d'élever un monument sur sa tombe, au
Père-Lachaise.
Tous les sociétaires de la Société nationale des
Beaux-Arts se sont inscrits dès les premiers
jours sur la première liste de souscription.
Tous ceux qui ont connu G. Dubufe se join-
dront certainement à ses confrères pour rendre
à sa mémoire cet hommage mérité. C'est l'émi-
nent sculpteur Bartholomé que le Comité a prié
d'exécuter le monument.
Les membres d'honneur du comité sont
MM. Besnard, Bonnat, Bouvard, Carolus-Duran,
Jules Comte, DagnathBouveret, Détaille, Flameng,
Lhermitte, Nénot, Rolls, de Saint-Mareeaux
Les membres du comité sont
M. Jean Bèraud, président MM. Montenard et
Rosset-Granger, vice-présidents.
Trésorier M. A. Bouidhet, 56, rue de Bondy, au-
quel on est prié d'adresser les souscriptions.
Les autres membres sont
MM. Agache, Aublet, Badlu, Billotte, Courtois, de
Cuvillon, Daunat, Dauphin, Formigé, Friant Gan-
derax, Gervex, Gollet, Gounod, Guillaume,Jourdain-
Roger, La Touche, Luloir, Martin Leroy, de Mon-
court, Muenier, Mutot, Stewart, Vernier, Vignal et
Weerts.
verrons-nous une iemme à 1 Institut ?
Telle est la question qui se pose en ce mo-
ment. On sait qu'il y a une place vacante à
l'Académie des sciences, mais aucune candida-
ture n'avait été posée jusqu'ici officiellement.
Dans les cercles académiques, on avait pro-
noncé différents noms, entre autres ceux de
Mme Curie, de M. Branly, l'inventeur du télé-
graphe sans fil, et d'autres encore, mais ce n'é-
taient que des bruits en l'air.
Or, notre confrère le Temps a reçu, hier soir,
une lettre de Mme Curie qui pose' sa candida-
ture et qui ajoute ceci.
« Comme, jusqu'à présent, les élections à
l'Institut n'ont jamais été l'objet d'une discus-
sion publique, je dois aussi vous dire qu'il me
serait pénible que cet usage fût modifié à l'oc-
casion de ma candidature. »
Nous enregistrerons les autres candidatures
que cette déclaration va sans doute faire naî-
tre.
Académie des Beaux-Arts.
Au cours de la séance d'hier, le président,
M. Massenet, a communiqué les lettres par les-
quelles MM. Antonin Cariés, Ernest Dubois,
Gardet, Hugues, Hippolyte Lefebvre, Peynot,
Sicard et Verlet déclarent poser leur candida-
ture au fauteuil de membre titulaire de la sec-
tion de sculpture, vacant par suite du décès
de M. Emmanuel Frémiet.
A ces noms l'Académie a ajouté celui de M.
Gustave Michel. M. de Selves a donné lecture
de la notice qu'il a consacrée à la vie et aux tra-
vaux de M. Anatole Gruyer, son prédécesseur
comme membre libre de la Compagnie. L'Aca-
dérriie a décidé l'impression de cette notice..
Les vrais chasseurs, ce n6 sont pas ceux qui
ne songent qu'à battre le record du nombre de
coups de fusil tirés pendant la période de la
chasse, ce sont ceux qui mettent au premier
plan de leurs préoccupations cynégétiques la
conservation du gibier.
Aussi ne saurait-on qu'applaudir à l'initiative
intelligente de la Société centrale des chasseurs,
qui vient d'adresser au ministre de l'agriculture
deux lettres relatives à la conservation du gi-
bier. C'est que le malheureux gibier n'a pas
seulement à compter avec les nemrods pourvus
du permis officiel, il leur faut encore se défen-
dre contre les pièges multiples des braconmers.
Or, dans la première de ses lettres, la Société
centrale des chasseurs demande que la chasse en
plaine soit close aujourd'hui, le lapin étant
fort rare et la perdrix invisible dans la se-
conde, la même Société réclame l'interdiction de
la chasse de la caille, en Algérie, au moment où
elle franchit la mer pour émigrer en Europe.
Tous les disciples de saint Hubert applaudiront
aux 'sages mesures préconisées par la Société
centrale des chasseurs.
A propos de notre entrefilet d'hier, au sujet
des décorations portugaises, la légation de Por-
tugal' nous fait savoir que le gouvernement
provisoire n'a créé aucun ordre nouveau. Il s'est
borné à conserver l'ancien Ordre de la Tour et
l'Epée, dont le ruban est bleu foncé et le nom-
bre des membres très restreint.
Les sombres jours de l'an dernier vont-ils re-
commencer au Palais de Justice ?
Depuis plusieurs jours, l'eau apparaît de
nouveau dans les sous-sols. Vendredi soir, elle
envahissait déjà les cendriers des calorifères:
Hier, enfin, devant le péril imminent, il a fallu,
paraît-il, laisser éteindre les feux, Et peu à peu,
lentement, le froid envahissait salles et cou-,
loirs.
Si, d'ici lundi, la Seine n'a pas baissé et que
s'accentue le froid, comme l'an dernier, on
pourra, au civil, voir les audiences se tenir
dans les chambres du conseil, autour de la ta-
ble au tapis vert, joyeusement éclairée par un
feu de bois. Quant au criminel, chacun à nou-
veau en sera quitte pour grelotter, en dépit des
poêles de fortune et des longs manteaux en-
dossés sous les toges.
On a commencé, hier après-midi, à l'Ecole
nationale des Beaux-Arts, les travaux prélimi-
naires de la prochaine exposition des achats et
commandes faits par l'Etat au cours de l'année
actuelle.
Cette manifestation artistique, qui obtient
chaque fois un si vif succès, s'ouvrira le lundi
28 novembre. Elle sera inaugurée par MM.
Maurice-Faure, ministre de l'instruction pu-
blique et des beaux-arts, et Dujardin-Beau-
metz, sous-secrétaire d'Etat des Beaux-Arts. A
côté des nombreuses acquisitions effectuées par
l'Etat aux deux grands Salons annuels du prin-
temps et au Salon d'automne, nous y verrons
figurer une cinquantaine d'ouvrages, tout à
fait remarquables, achetés par le ministre aux
différentes expositions particulières.
Ajoutons que le nombre'des achats faits par
M. Dujardin-Béaumetz, cette année, est si
élevé, que le plaçage de toutes ces oeuvres
peinture, architecture, sculpture, etc. dans
les deux salles de l'Ecole, présente mille diffi-
cultés.
L'exposition restera ouverte environ trois se-
maines.
L'opium fait de grands ravages aux Etats-
Unis, malgré les prescriptions qui en interdi-
sent le commerce.
Ching Ling, restaurateur à Chicago, faisait
des affatres d'or attirés par la réputation de
ses sandwiches, les clients affluaient chez lui et
les commerçants d'alentour ne pouvaient s'ex-
pliquer l'obstination de tout ce monde à payer
un dollar ce qu'eux-mêmes vendaient pour cinq
sous.
Des plaintes en concurrence déloyale furent
portées contre l'heureux Ching Ling sans
doute, des rivaux jaloux en étaient les inspira-'
teurs elles furent jetées au panier.
Le restaurant chinois prospéra de plus belle
jusqu'au jour où s'éveillèrent les soupçons poli-
ciers.
Un agent dûment grimé étant venu comman-
der un sandwich au foie gras », le garçon se
précipita dans la cuisine et en, rapporta bientôt
l'article demandé. Un paquet contenant de
l'opium s'y trouvait enfermé.
L'ingénieux Ching Ling est en p rison.
'A TRAVERS LES LIVRES
Après trois nouvelles années de séjour en
Chine, le docteur Legendre vient de donner une
suite à ses intéressantes et si actuelles observa-
tions sur le Far-West chinois. Son récent livre
s'intitule Kientchang et Lolotie, Chinois, Lolos,
Sifans. (Plon, éditeur.)
HOUVELLES A LA MAIN
On est stupéfait que l'on puisse annoncer
la mort d'un homme comme Tolstoï, alors que
cette nouvelle est absolument fausse.
En ce qui concerne Tolstoï, cela n'a rien
d'étonnant quand on a écrit Résurrection L..
Un Domino
NOTES SOCIALES
Un ancien g énéral, devenu député radical-
socialiste, vient de déposer une proposition de
loi tendant à accorder aux militaires le droit de
vote. L'idée paraîtra peut-être prématurée
d'aucuns même vont la qualifier d'exorbitante.
Mais .songez à tant de prétendues réformes éga-
lement hétéroclites qu'avaient accueillies d'a-
bord des haussements d'épaules ou des protesta-
tions. Labor inaprobus omnia vincit.
Il est certain que les offioiers sont mécontents
et ont tout droit de l'être. Mal payés, soumis à
la surveillance des loges, condamnés trop fré-
quemment à de choquantes besognes, ils ont
perdu, avec leur ancien rang social, une partie
du prestige qui compensait à leurs yeux la di-
sette des avantages matériels. Comme le rappe-
lait récemment l'un d'entre eux avec une pointe
d'aigreur, le règlement nouveau sur les préséan-
oes, qui a fait des généraux et des chefs de
oarps les caudatâires d'anciens attachés de cabi-
nets ministériels ayant réussi, les a blessés. Ils
souffrent, dans leur considération et leur
amour-propre, de l'aberration qui les livre,
pieds et poings liés, aux tout puissants parle-
mentaires et, d'être parfois obligés, pour ne
pas perdre leur carrière, de s'abaisser au rôle de
thuriféraires ou de clients de ces fantoches arro-
gants, ils se sentent quelque peu humiliés.
L'unique remède paraît donc à beaucoup de-
voir être homéopathique c'est la conquête des
droits du citoyen. Nous retrouverons du moins
auprès des autorités, disent-ils, les égards dont
jouissent actuellement tous les électeurs et les
attentions dont on les accable. » Le serpent ten-
tateur disait a Vous serez comme des dieux. »
Je ne sais si l'exercice des droits politiques
donnerait à ceux qui le réclament ainsi toutes
les satisfactions qu'ils en attendent. Les déboi-
res, sans doute, ne leur manqueraient pas plus
qu'aux diverses catégories de fonctionnaires
civils dont, en dépit d'une jouissance complète
et parfois même abusive de-ces droits, les do-
léances nous assourdissent. Mais ce que je sais
bien, c'est ce qu'y perdraient la dignité de l'ar-
mée et surtout sa force, dont je ne sache pas
que'le besoin ait diminué.
Car ce n'est pas seulement la vision de l'uni-
forme galvaudé dans les réunions publiques qui
m'offusque. C'est le fantôme du syndicalisme
militaire se dressant derrière l'électorat qui
m'épouvante. L'un ne va point sans l'autre, et
l'étape serait courte qui mènerait officiers et
soldats de la salle de vote à la Confédération
générale du travail. Alors nous verrions un
sabotage autrement intensif et redoutable que
celui auquel semblent vouloir nous habituer les
cJ&minots désappointés.
Le, mal existe cependant et peut-être «est-il
déjà trop profond pour pouvoir se guérir. De-
puis dix ans, on marche systématiquement et
obstinément vers une armée politicienne. Nous
finirons par l'avoir. La proposition du général
Pédoya n'est nullement en effet une manifesta-
tion individuelle, mais bien l'expression syn-
thétique d'un ensemble de revendications très
osées qui, timidement exprimées d'abord,
s'énoncent maintenant sans vergogne. Elle
échouera une première fois, c'est entendu. Mais
la résistance parlementaire cède tôt ou tard de-
vant des assauts répétés. Et, quand les temps
seront révolus, elle cédera encore, sans que per-
sonne ose rappeler les avertissements ni les
exemples qui, par une succession quasi-mathé-
matique, nous sont venus successivement de la
Turqu.ie, de la Grèce et du Portugal.
Un Désabusé
Bloc-Notes Parisien
Le premier Concert Colonne
A propos du Millième Coocerf
C'est aujourd'hui dimanche que l'Association des
Concerts Colonne, dirigée par M. Gabriel Pierné, donne,
au Châtelet, sa millième audition. L'illustre compagnie
musicale, qui est dans sa trente-septième année d'exis-
tence, peut être à juste titre fière de célébrer cette date et
de mesurer le chemin parcouru, ainsi que l'effort accom-
pli. C'est pour nous une occasion, puisque l'Association
entre dans la période des anniversaires et des jubilés, de
retracer les débuts de l'oeuvre, et, à propos du millième
concert, de rappeler ce que fut le premier.
Il y avait une fois ceci commence comme un conte
de fées, et c'en est presque un, en effet un jeune édi-
teur de musique, intelligent, actif, ami de la nouveauté,
désireux de faire connaître des compositeurs originaux,
voire même audacieux bref, un artiste. C'était en
1873, et cet éditeur s'appelait Georges Hartmann. Il te-
nait un petit magasin d'édition au numéro 19 du boulevard
de la Madeleine, et comme il avait le don peu fréquent de
deviner, de pressentir les talents en germe, comme il ai-
mait les musiciens dédaigneux de la routine, et qu'il les
encourageait, il.avait coutume de réunir chez lui, vers
les quatre heures de l'après-midi, une'pléiade de compo-
siteurs qui s'appelaient Edouard Lalo, Massenet, Georges
Bizet, César Franck, Benjamin Godard, Saint-Saëns, Vic-
torin Joncières, etc. Ce que furent ces, réunions où ces
jeunes musiciens s'entretenaient de leurs rêves d'avenir,
de leurs espoirs, de leurs doutes, sous l'égide bienveil-
lante de Georges Hartmann, on peut aisément l'imaginer.
C'est là, dans une étroite arrière-boutique, que naquit
l'idée de former l'Association des Concerts Colonne.
Un jour, en effet, Georges Hartmann, las de vendre
éternellement des airs de Verdi ou de Rossini, ou bien des
sonates de Mozart et de Beethoven, conçut le projet hardi
de faire exécuter par un orchestre les œuvres symphoni-
ques de ses protégés, œuvres qui étaient jusqu'alors de-
meurées inconnues et cachées parce qu'elles n'avaient pas
trouvé dé débouchés. Il pensa, non sans raison, qu'une
partition est faite pour être jouée. Or, le seul concert où
les jeunes ppuvaient faire entendre leurs productions
était celui que dirigeait Pasdeloup. Le « père Pasdeloup »
était une manière de bourru, dont les rudes façons inti-
midaient les malheureux venus pour solliciter de lui une
audience. Hartmann résolut, lui aussi, de patronner. une
association musicale. Il loua, pour le dimanche en ma-
tinée, la salle de l'Odéon, recruta un orchestre à la tête
duquel il mit un jeune homme, un gros garçon blond et
joufflu, doux et énergique à la fois, qui venait de se faire
connaître pour avoir dirigé, précisément à l'Odéon, la
partition des Erinnyes de Massenet. Ce chef d'orchestre
se nommait Edouard Colonne.
Hartmann avait eu la main Heureuse en découvrant
celui. qui devait assurer plus tard à la naissante associa-
tion durée, gloire et profit.
Le 2 mars 1873 avait lieu, à deux heures de l'après-
midi, le premier Concert National, « avec le concours de
Mme Pauline Viardot et de M. Camille Saint-Saëns »,
annonçait l'affiche. Le programme, très attrayant, com-
prenait la Symphonie Romaine, de Mendelssohn; la Rê-
verie, de Schumann; le Concerto en sol mineur, de M.
Saint-Saëns, exécuté par l'auteur; Jeux d'enfants, petite
suite d'orchestre de Bizet; le Roi des Aulnes, de Schu-
bert, chanté par Mme Pauline Viardot avec M. Camille
Saint-Saëns au piano, et enfin un morceau du Carnaval
de Guiraud.
L'affluence du public fut considérable. Le Concert Na-
tional, qui faisait ouvertement concurrence à Pasdeloup,
remporta dès sa première séance un gros succès. Il arri-
vait à son heure, il répondait à un besoin du public.
Mais en ces temps héroïques le prix des places les
plus chères était de trois francs, et avec une salle comble
on réalisait la recette maximum de 2,500 francs. C'est
dire que les débuts du Concert National furent pécuniai-
rement pénibles et que les solistes qui le composaient con-
nurent les maigres cachets. Ils émigrèrent en vain en
1874 dans la salle, plus vaste, du Châtelet; malgré l'em-
pressement du public, le déficit s'accentua. Hartmann, dé-
couragé, abandonna l'entreprise. C'est alors qu'Edouard
Colonne réunit ses musiciens et leur proposa de se cons-
tituer en société. L'Association artistique était fondée.
Elle comprenait alors cent deux membres. Il est cu-
rieux de parcourir aujourd'hui la liste des fondateurs; on
y trouve des noms qui, presque inconnus alors, ont de-
puis conquis la notoriété, tels que Paul Hillemacher, Al-
fred Bruneau, Léonce Cohen, Ratez (l'actuel directeur
du Conservatoire de Lille), parmi les compositeurs
Boutmy, Brémond, Cantié, Gillet, parmi les virtuoses.
De tous ces artistes de la première heure, les uns ont
quitté l'Association, les autres ont pris leur retraite, d'au-
tres enfin sont morts. Un seul de ces anciens est de-
meuré à son pupitre c'est M. Willemin, qui, depuis
trente-sept ans, sans défaillance, tient l'emploi de deuxième
violon. Il peut s'attribuer le vers fameux d'Hugo, qui ne
fut jamais mieux de circonstance
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là
Il en reste pourtant un autre encore de la fondation
c'est le contrebassiste Eveline, mais il a pris sa retraite
depuis trois ou quatre ans. Seul, M. Willemin peut dire
qu'il a été le témoin du développement de l'Association
des Concerts Colonne, depuis qu'elle est née jusqu'à nos
jours.
Que d'étapes heureusement franchies en effet Evoquer
la longue série des belles fêtes musicales données par Co-
lonne et son orchestre, c'est faire l'histoire de l'évolu-
tion de la musique en France. Il n'est pas un compositeur
classique ou moderne dont le nom n'ait figuré sur les
programmes de l'Association. C'est Colonne qui, à force
de patience et d'obstination, imposa au public un Berlioz
et un César Franck. Il y arriva aussi par l'extrême va-
riété des programmes auxquels il avait l'art de mêler
les œuvres qu'il savait belles et voulait que le public
adoptât. Il joua tout ce qui a un nom ou une gloire dans
la musique; pour diriger les œuvres, il fit appel à Gou-
nod, à Saint-Saëns, à Massenet, Félix Mottl, Richard
Strauss, Weingartner, Nikisch, Tzchaïkowsky, et j'en ou-
blie. Il fit entendre les gloires de l'art du chant tels que
les Faure, les Maurel, les Van Dyck, les Pauline Viardot,
Lilli Lehmann, Schumann-Heinck, Litvinne, etc. Et
parmi les virtuoses Rubinstein, Joachim, Paderewski,
Risler, Raoul Pugno, Sarasate, Ysaye, Kreizler, cent au-
tres encore que je passe et non des moindres, ont à l'envi
prêté- leur concours à ces séances.
Et aujourd'hui, quand l'admirable tragédien Mounet-
Sully, qui lut le grand ami de Colonne, lira de sa voix au
timbre superbe l'Anniversaire, ce bel hommage écrit par
M. Emile Moreau (l 'ex-collaborateur de Sardou) à la
gloire de l'Association, je suis sûr que tous les cœurs
et toutes les mains battront à l'unisson. On applaudira à
outrance cette péroraison
« Ainsi de semaine en semaine, dans ce temple ouvert
à ces nouveaux dieux, Paris assemblé s'enivrait d'har-
monie, murmures de la forêt, perles de la cascade, ba-
vardages d'oiseaux, sérénades, fanfares, glas et tocsins,
allelaias, de profundis, psaumes de la vie, cantiques de
l'amour, hymnes de la mort Paris, en apprenant la lan-
gue universelle, se formait à ce commerce rythmé des
Muses où se fait, au dire de Platon, l'éducation de l'âme.
» L'homme qui réalisa ce miracle, et que je vois en-
core debout à ce pupitre, déchaînant la fureur des cui-
vres, apaisant le rire des flûtes ou le gémissement des
violons, avertissant d'un regard le docile récitant son
ami, cet homme est mort à la tâche.
» Mais ce sceptre léger qui tombe de sa main, cette
baguette de coudrier qui découvre les sources cachées, un
autre l'a repris, que d'autres après lui dresseront, signal
attendu par cette armée sonore. Et la fête des âmes ne
cessera pas. »
L'Association, c'est un peu de notre Paris qui combat
et vibre pour le beau. Et voilà pourquoi Paris comprend
le très légitime orgueil avec lequel elle fête son millième
concert.
Tout-Pari»
̃ L'AFFAIRE ROCHETTE
M. Clemenceau et M. Lépine
devant la commission d'enquête
uNE CONFRONTATION SENSATIONNEbbE
« chez, la portière»
La commission d'enquête sur les affaires Ro-
chette devient ridicule, ce qui est le propre de
toutes les commissions parlementaires qui s'oc-
cupent de ce qui ne les regarde pas.
M. Jaurès, qui la préside, n'est certainement
pas le premier venu, mais, quelle que soit ra
confiance dans ses propres méritrs, il doit être
surpris lui-même de voir comparaître à sa
barre les personnages les plus haut cotés de la
république.
M. Clemenceau y est venu et aussi M. Lé-
pine.
M. Clemenceau pouvait envoyer promener
« le président » Jaurès et sa troupe il n'est
plus ministre, il n'appartient pas à la Cham-
bre des députés, et il pouvait répondre aux
membres de la commission d'enquête qui l'as-
signaient au Palais-Bourbon
Je demeure telle rue, tel numéro si vous
avez le désir de causer avec moi, ma porte vous
est ouverte tous les matins, de neuf heures à
midi.
Il a préféré leur conter des histoires du bon-
homme Perrault qui, d'ailleurs, n'ont pas été
démenties.
Au fond, M. Jaurès voulait frapper M. Lé-
pine. Or, M. Lépine s'est rebiffé il a reconnu
qu'en une circonstance il avait peut-être man-
qué de correction administrative, mais il s'est
empressé d'ajouter
bailleurs, ceci ne vous regarde point
cet affaire entre le ministre de l'intérieur et
moi.
Il n'a pas plus désavoué M. Clemenceau que
M. Clemenceau ne l'a désavoué lui-même, et
les témoignages, confrontés, n'ont pas fourni
à M. Jaurès les contradictions sur lesquelles il
comptait.
Dans cette étrange commission, on ne parle
plus de M. Rochette, et il n'est pas question
des parlementaires dont on faisait étalage au
début de cette scandaleuse histoire.
Tout d'abord, j'ai cru naïvement que la com-
mission d'enquête se proposait de rechercher
« les influences abusives », les noms de ceux
députés ou sénateurs qui s'étaient glissés
dans les affaires Rochette, poursuivant un but
"facile à démêler, et peut-être aussi les person-
nes plus qualifiées qui avaient décidé le parquet
à précipiter son action.
Ce'faisant, la commission d'enquête nous eût
donné un spectacle à \& fois.réconfortant et ré-
volutionnaire. Elle confondait tous les pouvoirs
en quoi, d'ailleurs, elle n'innovait pas.- et
abaissait à la fois le gouvernement et la m'agis-
trature.
Au fond, c'est bien cette besogne qu'elle est
en train de mener à mauvaises fins, mais elle
le fait sans grandeur et sans dignité elle cher-
che à satisfaire des rancunes peu avouables et
à compromettre ceux contre lesquels son prési-
dent a des griefs à invoquer.
On ne sait plus ce qu'elle veut, ce qu'elle re-
cherche, on n'aperçoit pas le but qu'elle pour-
suit, et l'opinion publique se prononce nette-
ment en faveur des témoins qu'elle convoque et
qui n'hésitent pas à se moquer d'elle.
C'est l'enquête « chez la portière », comme
eût dit Henry Monnier. Et ce n'est pas encore
cette enquête qui diminuera la popularité pa-
risienne du préfet de Police.
L. Desmoulins
L'interrogatoire
L'ancien président du conseil et le préfet
de police expliquent leur
attitude
PAR M. LOUIS LAMBERT
Séance émouvante et du plus grand intérêt.
Pendant deux heures consécutives, on a assisté
à ce spectacle d'un ancien président du conseil
s'ingéniant à expliquer son attitude dans la mar-
che de l'affaire Rochette et d'un préfet de po-
lice qui, pour ne pas découvrir son ancien chef,
prend une responsabilité qu'on voit très bien
ne pas lui incomber en réalité.
Ce duel entre ces deux. hommes, que hier en-
core unissait une étroite solidarité de gouverne-
ment, eut quelque chose au dire de tous les
commissaires de vraiment tragique. On en-
tendit M. Clemenceau reprocher à son' subor-
donné de n'avoir pas compris ses instructions et
M. Lépine reprocher nettement à son ancien
chef d'avoir urne double face se montrer par
instants l'ancien journaliste d'opposition pour
apparaître ensuite l'ancien président du con-
seil « Je crois avoir devant moi, aujourd'hui,
s'est écrié, nerveux, M. Lépine en fixant M. Cle-
menceau, le journaliste d'opposition
Cette scène fut, dit-on, très pénible. Mais lais-
sons la parole au procès-verbal officiel de cette
si intéressante confrontation.
MM. Clemenceau et Lépine sont arrivés sépa-
rénfent au Palais-Bourbon. Ils se rencontrent
dans le salon de la Paix, se saluent, se serrent
la main et c'est en causant qu'ils se rendent de-
vant la commission d'enquête, aujourd'hui au
grand complet.
A peine la séance est-elle ouverte que le pré-
sident M. Jaurès commence ainsi son interro-
gatoire
D. Il a paru à la commission qu'elle avait besoin
de quelques éclaircissements complémentaires.'Une
des choses qui la préoccupent est ce fait que, pen-
dant que la préfecture de police n'avait pas bougé
le 19, peut-être le 20 mars, M. Prevet est averti qu il
existe une plainte toute prête, et c'est vingt-quatre
heures après que toute la machine se déclanchè
Ou c'est une coïncidence, ou il y a eu une filtra-
tion quelconque.
L'intervention de M. Prevet
M. Clemenceau. Lorsque le préfet de police
donna à M. Yves Durand l'ordre de se rendre au
parquet, M. Yves Durand répondit « Je n'ai pas
besoin d'aller au parquet j'ai vu M. Monnier il y
a huit jours et il m'a dit de m'adresser à M. Pre-
vet. »
M. L'épine. Quand j'ai dit à M. Yves Durand
Il C'est vous qui allez marcher et aller au parquet
il m'a dit « Ce n'est pas la peine,que j'aille au par.
quet. II y a eu une conversation au parquet en ma
présence. On disait dans cette conversation que M
Prevet était au courant de l'affaire Rochette. »
C'est pour cela qu'il est allé tout de suite chez NI.
Prevet.
D. Il a paru a la commission que M. Clemenceau
et le préfet de police n'interprétaient pas de la même
façon la conversation qui avait eu lieu au ministère
de l'intérieur. La divergence la plus importante part
de ce fait ::Des explications, il a paru résulter que
vous vouliez adresser le préfet de police au parquet
pour l'avertir qu'aucune influence gouvernementale
ne se mettrait en travers de son action.
Non seulement vous n'avez pas dit au préfet de
police de se mettre lui-même en quête d'un plai-
gnant, mais vous n'avez pu supposer un instant
qu'au sortir de cette entrevue il allait le faire.
Il nous semble cependant que le préfet de police,
en cherchant un plaignant, croyait être en confor-
mité d'avis avec vous.
Conscience et devoir
M. Clemenceau. M. Lépine a dit « Ma cons-
cience me dit que je n'ai pas d'autres souvenirs que
ceux de mon chef. » C'est une doctrine que ma
conscience ne me permettrait pas d'accepter.
Quand on a cette .opiinion d'être victime du devoir,
on se présente comme martyr.
Je n'ai pas besoin de la bienveillance de M. Lé-
pine. J'ai pour lui la plus profonde estime.
Avant-hier, j'ai dit que je le couvrais. Cela vou-
lait dire que M. Lépine était un bon préfet de police
et que je n'entendais pas qu'on le rendit responsa-
ble d'une faute de ses subordonnés. Je dis à M. Lé-
pine qu'il n'a pas voulu produire contre moi des in-
sinuations redoutables. S'il est entendu que M. Lé-
pine, étant venu ici dans l'intention de se taire, a
fini par trouver des souvenirs qui me paraissent
être en contradiction avec les miens, nous entrons
dans une voie nouvelle. Si M. Lépine a des souve-
nirs différents des miens sur un point quelconque,
qu'il le dise. Si j'ai commis une faute, on ne trou-
vera pas de motif qui ne soit avouable.
Je prie -M. Lépine de s'expliquer.
M. Lépine s'expli q ue
M. Lépine.- Est-il dans l'esprit d'aucun de vous
que j'aie insinué quelque chose ?
M. Clemenceau. Toute la presse le dit ce matin.
M. Lépine. J'ai dit, et la présence de M. Cle-
menceau ne peut que me confirmer dans mon inten-
tion de tout dire, que j'avais gardé une certaine im-
pression de la conversation. Je vous ai dit que sur
les mots mêmes qui ont pu être prononcés dans cet
entretien, étant donnée la mémoire de M. 'Clemen-
ceau, je croyais prudent là où M. Clemenceau affir-
mait, de m'en rapporter à son témoignage.
Est-ce une insinuation ?
M. Clemenceau. Non.
M. Lépine. J'ai dit cela et je le répète. J'ai gardé
cçtte impression qui était assez vive, pour qu'un
quart d'heure ne se soit pas passé avant que je
l'aie traduite par un acte. Je me suis lourdement
trompé,
M. Clemenceau. Non, vous avez été mal servi.
M. Lépine. Sans perdre une minute s'est placé
l'entretien auquel on faisait allusion.
Je sais que cela offrait des inconvénients pour
aller très vite. M. Clemenceau m'avait dit « Allez
vite »
M. Clemenceau. Oui.
M. Lépine. M. Yves Durand est allé chez M.
Prevet. Ni. Yves Durand, qui voulait terminer le
soir même, a été ajourné au lendemain.
M. Clemenceau. Par qui ?
M. Lépine. Par Gaudrion.
M. Clemenceau. Je croyais que vous aviez dit
que c'était'le parquet.
M. ,Lépine. Gaudrion a dit « Mon client ha-
province, je ne. puis pas le faire venir avant
demain matin. » C'est le lendemain matin que M.
Yves Durand, se rencontrant chez Gaudrion avec
Pichereau, et jetant un coup d'oeil sur la plainte, fit
remarquer qu'on leur avait dit que Gaudrion avait
150,000 francs alors qu'il n'en avait que 6 ou 7.
Gaudrion a dit Nous allons rectifier. M. Yves
Durand est sorti, en son absence le tripatouillage a
eu lieu. Le lendemain, M. Durand allant au. parquet
pour mon compte, rencontré Pichereau.
Que signifie « Voyez le Parquet
M. Clemenceau. Reconstituons le fait. M, Lé-
pine est dans mon cabinet. Je lui demande où en est
l'affaire. M. Lépine me dit « Par l'absence d'une
plainte le parquet est désarmé. n
Le renseignement nous parut exact.
M. Lépine. C'est vrai.
M. Clemenceau. Vous allez trouver là le nou-
veau collaborateur de la préfecture de police et du
parquet. M. Lépine me donne un renseignement
inexact. Si, NI. Lépine m'avait dit Le parquet
temporise n, c'est alors que je serais intervenu près
le garde des sceaux.
Nous sommes d'accord avec M. Lépine sur le
point principal « Voyez le parquet. » Mon idée à
moi est que l'affaire marche suivant les lois. Som-
mes-nous d'accord ?
M. Lépine. Parfaitement.
M. Clemenceau. Quand M. Durand sort de chez*
le préfet de police, il va chez M. Prevet. Je n'ai pas
dit Il Allez chez M. Prevet. Il Voyez le parquet
cela veut dire « Voyez le parquet. n Pourquoi?
n'a-t-il pas vu le parquet ? Le préfet de police et
le parquet ne sont pas de bons collaborateurs. Il*
se Jalousent. C'est le service qui en souffre. La pré-*
fecture de police, au lendemain, a agi en dehors du!
parquet. M. Lépine a dit que j'avais commis une er-
reur quand j'ai dit que son administration était sous
les ordres de l'administration judiciaire.
Je ne le crois pas. Quand vous avez interprété
ma parole « Voyez le parquet n, j'étais convaincu;
que vous ne feriez rien sans le parquet. Vous, vous
avez été amené à agir en dehors du parquet. Il y a
eu une réunion au ministère de l'intérieur, provo-
quée par le président du conseil,qui a convoqué mon
frère. M. Lépine dit que c'est un terrain réservé.'
Pourquoi craindrait-on de dire les conversations qui'
ont été échangées dans cette réunion ? Ce que je
puis dire c'est que le parquet y a passé un mauvais
moment.
Conflit de deux pouvoirs
M. Lépine a fait tout le possible pour éviter un'
coup de Bourse en la circonstance. Il y a quelque
chose qui s'est passé qui n'aurait pas dû se passer
normalement. M. Lépine considérant Rochette com-
me un bandit, cela valait la peine de mettre le par-
quet en mouvement. Si vous voyez la préfecture
de police partir en guerre toute seule, c'est qu'elle a'
tendance à agir en dehors du parquet.
A ce moment je n'ai pas pensé au conflit perpé-
tuel de ces deux pouvoirs.
̃ M. Lépine était demeuré dans la voie que je lui
avais ouverte, puisqu'il a convoqué M. Yves Durand
au parquet.
Quand j'ai envoyé la lettre à Ni. Lépine, je ne sais'
pas si on lui avait donné lecture du texte de ma dé.
position.
M. Lépine, On me l'a lue.
M. Clemenceau. Vous dités fait un rapport. J'ai dû faire une rapport à M. Cle-
menceau. J'ai ignoré la visite à M. Prevet et ce
qui. s'en est suivi.
h1. Lépine. Bien entendu.
:M. Clemenceau. Vous dites que vous avez dit
« J'ai trouvé un plaignant », je l'accepte très bien.
M. Clemenceau journaliste et chef d'Etat
M. Lépine. Je n'ai pas pu admettre qu'on m'ac.
cusât d'une incorrection tenant dans ce fait que j'a-
vais négligé de faire part à mon chef d'un renseigne.
ment de premier ordre qui serait venu à moi. Vous
ai-je vu dans la rue, dans votre cabinet ?
M. Clemenceau. Je n'en sais rien.
M Lépine. Je crois qu'en ce moment vous par-
lez sous l'empire de vos souvenirs de journaliste,
plutôt que sous l'empire de vos souvenirs de prési-
dent du conseil. Je crains que vos idées d'homme
d'opposition déteignent encore sur vous. Il y a une
légende que je serai bien heureux de contribuer à
détruire c'est que la préfecture de police et le par-
quet sont en bisbille perpétuelle. J'ai dit que j'avais
trouvé cette situation établie autour de moi. J'ai dit
qu'en ce qui me concerne j'avais fait tout ce qui dé-
pendant de moi pour que tout marchât le mieux pos-
sible, sachant que la chose publique y était inté-
ressée.
Dans le cas particulier, je puis dire que si mes
rapports avec %I; .Monter ne sont pas fréquents, ils
sont aussi cordiaux que possible.
J'envoyais journellement M. Yves Durand au
parquet pour entretenir ces bons rapports. C'est
comme cela que ,NI. Yves Durand s'est trouvé dans
le couloir du parquet,au moment où NI. Pichereau
déposait sa plainte. On ne fait rien à la préfecture
que sous mon impulsion.
Ce que dit M. Clemenceau me paraît inexact es
fait, louchant l'affaire.
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DIMANCHE 20 NOVEMBRE 1910
AR T H UR MEYER
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Et Il V administration au Journal
Les manuscrits ne sont pas rendu*
Je ne songeais pas du tout à m'occuper 'de
cet incident, quq j'ai considéré, quand il est
passé sous mes yeux, comme d'une impor-
tance secondaire, lorsque je lis dans un journal
de Lausanne que l'esclandre odéonien est un
fait social significatif « C'est le primaire qui
monte, s'écrie M. Robert Ténin c'est le pri-
maire qui envahit l'Odéon »
Si c'est le primaire qui monte, l'incident
n'est pas secondaire et il faut s'y arrêter mais
je crois, précisément, que M. Robert Ténin se
trompe. La manifestation antiracinienne et anti-
louis quatorzième me paraît essentiellement
aristocratique, ultra-aristocratique, aristocra-
tique à être désavouée, certes, par l'aristocrate
que vous êtes et par celui que je suis, arisio-
cratique avec exagération à outrance, aristo-
cratique dans le goût de Saint-Simon ou de
Joseph de Maistre ou de Nietzsche, ou de plus
enragé encore mais enfin essentiellement aris-
tocratique.
Qu'est-ce, en effet, que le conférencier de
l'Odéon, dissertant sur Iphigénie, a reproché à
Racine ?
Beaucoup de choses mais surtout d'être
verbeux. Verbeux Agamemnon, verbeuse Cly-
temnestre, verbeux Achille, verbeuse Iphigé-
nie. Oh quels bavards
Vous me direz peut-être que s'ils parlent
Beaucoup, ce que je concède, c'est qu'ils ont
beaucoup de choses à dire, leurs caractères n'é-
tant pas de la même simplicité que ceux des
sauvages et ayant besoin de quelques analyses
assez subtiles pour qu'ils soient compris du
public.
Assez bonne raison, je le concède, assez
bonne raison mais raison qu'aurait pu don-
ner Boileau ou Bouhours, raison terre à terre,
raison bourgeoise, raison du dernier bourgeois.
Racine a caution bourgeoise. L'aristocrate, lui,
le grand seigneur songez, s'il vous plaît,, à
La Rochefoucauld ou à quelqu'un de beaucoup
plus aristocrate que La Rochefoucauld est
pour la concision, pou,r une extrême concision.
La concision est une discrétion. La concision est
une distinction. L'éloquence est peuple. L'élo-
quence sent la réunion publique. Fi Pouah
Vous me direz que l'éloquence', dans Racine,
est d'une certaine élégance. Peut-être bien. En-
core est-il qu'elle est oratoire. C'est une élo-
quence qui ne serait pas oratoire qu'aurait dé-
sirée M. le conférencier de l'Odéon. Il dit à Aga-
memnon « Soyez bref » Il dit à Clytemnes-
tre « Evitez la prolixité » Il dit à Achille
« Point d'ambages. » II dit à Iphigénie Point
de circonlocutions. » Et il dit à Ulysse, encore
qu'il soit d'Ithaque, et précisément parce qu'il
en est « Tranchez-moi votre discours d'un
apophtegme à la laconienne. »
Or, qu'est ceci, s'il vous plaît, qu'un trait d'a-
ristocratisme ? Précisément, Lacédémone est
une cité aristocratique éminemment et vous
verrez tout grand seigneur, non, quelquefois,
sans affectation, éviter toutes « longueries d'ap-
prêt » et toute abondance dans les paroles. Froi-
dement reçu par Louis XV, un homme de qua-
lité, qui se serait coupé un bras plutôt que de
se plaindre de son roi, disait, de retour dans
l'antichambre « Il ne m'a rien dit du tout.
C'est très distingué. »
C'est une distinction de ce genre, parce que
c'est la plus haute, que M. le conférencier de
l'Odéon aurait désirée chez les personnages
d'Iphigénie, ou, du moins, cette distinction
étant peu compatible avec les nécessités d'une
pièce de théâtre, il aurait souhaité que les pro-
pos d'Iphigénie et de Glytemnestre fussent ré-
duits aux mesures ordinaires des conversations
téléphoniques. Oh que ce souhait est tout à fait
d'un gentilhomme. J'en suis tout intimidé.
Quoi encore ? Il a reproché à Eriphyle d'être
jslouse, ce qui est un travers essentiellement
plébéien, ou plutôt non pas précisément d'être
jalouse mais de l'être à la façon d'un person-
nage de M. d'Ennery. La voyez-vous bien ici
la révolte aristocratique C'est la révolte con-
tre Sarcey. Ce bon Sarcey, le bourgeois des
bourgeois, ramenait toujours les héros de tra-
gédie aux proportions bourgeoises et s'obsti-
nait à montrer que Racine était si vrai qu'Her-
mione n'était pas autre chose qu'une vitrio-
leuse. Se peut-il rien de plus bas Ce que Sar-
cey disait pour louanger Racine, son succes-
seur à l'Odéon le dit, il dit exactement la même
chose, pour discréditer, déprimer et rabaisser
Racine, ou plutôt pour montrer combien il est
bas. Figurez-vous que, chez Racine, une prin-
cesse est jalouse de la même façon qu'une mi-
dinette, ou que la princesse Palatine, mère du
Régent, quand elle l'était de Madame de Mainte-
non C'est tout à fait à faire pitié. Ce que Racine
n'a pas entendu, c'est le fin, le fin du fin, et le
bel air des choses 1 Il a toujours senti un peu
la Ferté-Milon. Il a des qualités, sans doute, et
beaucoup peut-être mais enfin, il le faut con-
fesser, ma chère, il est toujours un peu Racine
d'Escarbagnas..
Et après tout (c'est la suite des idées de M.
le conférencier de l'Odéon), cela ne laisse pas
da se comprendre. Racine n'est pas seulement
du siècle de Louis XIV, il est du groupe de
Louis XIV, du groupe personnel de Louis XIV.
Or Louis XIV. on le tenait pour le prince le
plus luxueux de l'Europe mais notre confé-
rencier aristocrate n'est pas homme à s'en lais-
ser imposer par ce luxe extérieur. Et il songe,
non sans tristesse, que tout ce qui entourait le
Roi était formé sur son modèle. La vérité sur
la Cour et sur les courtisans 1 Il en croit tous
les cancans de l'époque. Il cite des exemples.
Est-ce que tout cela ne vous désoblige pas un
peu?. Sachons donc le dire, prononce le con-
férencier des hermines, la Cour la plus polie
de toute l'Europe, d'après ce qu'en disait toute
l'Europe, était très mal élevée.
Or, ce sont ces gens-là mêmes que Racine
peignait dans ses vers et c'est à ces gens-là,
aussi, qu'il s'efforçait de plaire. Quoi d'éton-
nant qu'il y ait dans ses œuvres je ne sais
quelle odeur plébéienne, quel relent des halles,
un manque, sinon continuel, du moins repa-
raissant à chaque instant, de noblesse, de dé-
licatesse, d'élévation, de bonne compagnie et
de vraie bonne grâce. Au fond, Racine est bas-
peuple. Il a fait des drames d'apaches en ale-
xandrins rectilignes il a habillé en brocart
des sauvages qui font semblant d'être civilisés.
Grattez le prince de Racine, vous trouverez le
courtisan de Versailles, et grattez le courtisan
de Versailles, vous trouvez le croquant. Entre
nous, messeigneurs, ce ne sont pas gens à nous
présenter.
Ainsi M. le conférencier mène son-raisonne-
ment odéonien.
Eh bien, mais C'est le rêve d'un sur-homme,
et d'un sur-Racine, et d'un sur-prince de Ligne,
que tout cela. Est-ce qu'il ne vous est pas
arrivé, à certains moments, qui sont certaine-
ment les meilleurs par où vous soyez passé, de
vous dire « Que ne suis-je assez select pour
trouver, et sans y faire effort, pour trouver
parce que je le trouverais, Mme de Sévigné
bien portière, Mme de La Fayette bien rus-
tique, Mme de Maintenon bien dévote de
petite ville, Corneille bien garde national, Bos-
suet bien rabâcheur de lieux communs et La
-Fontaine bien magister de village ?
commun; je suis commun, commun, commun, commun.
disait de lui-même, avec rage, un personnage
d'Augier. Cette sensation est atroce. Joubert
disait Je voudrais m'exprimer en notes de
musique les mots sont trop vulgaires, trop
gros. » Voilà de la distinction.
Or,, cet état d'esprit, d'âme, de nerfs et d'épi-
derme où vous avez souhaité parvenir en dé-
sespérant d'y atteindre, c'est précisément à cet
état que se trouve, sans doute, le conférencier
de l'Odéon. Que cela étonne, il n'y a pas lieu
de s'en étonner mais qu'on le trouve un état
primaire, quel contresens Il en est à plus de
mille lieues. C'est précisément le contraire
même.
Maintenant, vous me direz que les extrêmes
se touchent ou plutôt qu'ils semblent se tou-
cher et qu'il arrive qu'on les confonde. Rien
de plus vrai mais enfin, dans l'espèce, M. le
conférencier de l'Odéon a-t-il reproché à Racine
son excès de distinction et d'élégance et de no-
blesse ? A-t-il reproché à la Cour de Louis XIV
son excès de raffinement et de délicatesse ?
Non, n'est-ce pas ? Eh bien 1 alors, que voulez-
vous qu'il soit si ce n'est un homme qui veut
donner des leçons d'élégance et de noblesse à
Racine et des leçons de grand air à Louis XIV ?
Emile Faguet
de l'Académie française
Ce qui se passe
ÉCHOS DE PARTOUT
Le rapport sur le budget de la Légion d'hon-
neur, que M. Louis Marin, député de Nancy,
vient de présenter à la. Chambre, constate .que,
sur 47,515 membres de l'ordre, sont des
légionnaires civils. Parmi ces derniers, M. Ma-
rin compte quatorze grand-croix. Si nous ne
nous trompons, ce chiffre ne doit-il pas être
réduit d'une unité ? Les grands-croix actuelle-
ment vivants sont
M. Fallières, président de la république, et
M. Loubet, ancien président, grands-croix de
droit
Quatre ambassadeurs ou anciens ambassa-
deurs MM. Barrère, ambassadeur à Rome
Paul Cambon, ambassadeur à Londres Jules
Cambon, ambassadeur à Berlin, et le baron de
Courcel
Les deux préfets de Paris MM. de Selves,
préfet de la Seine, et Lépine, préfet de police
Un ingénieur, membre de l'Institut, ancien
ministre de la marine M. Alfred Picard
Un peintre, membre de l'Institut M. Léon
Bonnat;
M. Noblemaire, directeur honoraire de la
Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée
M. Liard, vice-recteur de l'Académie de Pa-
ris
M. Coulon, vice-président du Conseil d'Etat.
A la mémoire de Guillaume Dubufe.
Il y a plus d'un an que Guillaume Dubufe
était enlevé subitement à l'affection des siens.
La mort l'avait frappé en pleine force, alors
que son activité infatigable permettait de croire
qu'un long avenir s'ouvrait encore devant lui.
La disparition de cet artiste charmant, qui
avait montré pour la Société nationale des
Beaux-Arts un dévouement inlassable, a causé
parmi ses confrères et ses amis une profonde
émotion qui s'est traduite par le désir de com-
mémorer le souvenir de l'ami regretté et de
l'organisateur sans rival qui a renouvelé par
son goût les expositions artistiques.
C'est, on ne doit pas l'oublier, à Guillaume
Dubufe que l'on doit cette façon nouvelle de
présenter les oeuvres d'art à Paris, et dans tou-
tes les capitales, sa méthode a été imitée, et les
artistes lui sont redevables partout des progrès
réalisés dans ce sens.
Guillaume Dubufe n'était pas seulement le
peintre de grand talent que les Salons an-
nuels avaient popularisé, c'était aussi un poète
et un écrivain d'art des plus appréciés.
Ses amis ont constitué un Comité qui a dé-
cidé d'élever un monument sur sa tombe, au
Père-Lachaise.
Tous les sociétaires de la Société nationale des
Beaux-Arts se sont inscrits dès les premiers
jours sur la première liste de souscription.
Tous ceux qui ont connu G. Dubufe se join-
dront certainement à ses confrères pour rendre
à sa mémoire cet hommage mérité. C'est l'émi-
nent sculpteur Bartholomé que le Comité a prié
d'exécuter le monument.
Les membres d'honneur du comité sont
MM. Besnard, Bonnat, Bouvard, Carolus-Duran,
Jules Comte, DagnathBouveret, Détaille, Flameng,
Lhermitte, Nénot, Rolls, de Saint-Mareeaux
Les membres du comité sont
M. Jean Bèraud, président MM. Montenard et
Rosset-Granger, vice-présidents.
Trésorier M. A. Bouidhet, 56, rue de Bondy, au-
quel on est prié d'adresser les souscriptions.
Les autres membres sont
MM. Agache, Aublet, Badlu, Billotte, Courtois, de
Cuvillon, Daunat, Dauphin, Formigé, Friant Gan-
derax, Gervex, Gollet, Gounod, Guillaume,Jourdain-
Roger, La Touche, Luloir, Martin Leroy, de Mon-
court, Muenier, Mutot, Stewart, Vernier, Vignal et
Weerts.
verrons-nous une iemme à 1 Institut ?
Telle est la question qui se pose en ce mo-
ment. On sait qu'il y a une place vacante à
l'Académie des sciences, mais aucune candida-
ture n'avait été posée jusqu'ici officiellement.
Dans les cercles académiques, on avait pro-
noncé différents noms, entre autres ceux de
Mme Curie, de M. Branly, l'inventeur du télé-
graphe sans fil, et d'autres encore, mais ce n'é-
taient que des bruits en l'air.
Or, notre confrère le Temps a reçu, hier soir,
une lettre de Mme Curie qui pose' sa candida-
ture et qui ajoute ceci.
« Comme, jusqu'à présent, les élections à
l'Institut n'ont jamais été l'objet d'une discus-
sion publique, je dois aussi vous dire qu'il me
serait pénible que cet usage fût modifié à l'oc-
casion de ma candidature. »
Nous enregistrerons les autres candidatures
que cette déclaration va sans doute faire naî-
tre.
Académie des Beaux-Arts.
Au cours de la séance d'hier, le président,
M. Massenet, a communiqué les lettres par les-
quelles MM. Antonin Cariés, Ernest Dubois,
Gardet, Hugues, Hippolyte Lefebvre, Peynot,
Sicard et Verlet déclarent poser leur candida-
ture au fauteuil de membre titulaire de la sec-
tion de sculpture, vacant par suite du décès
de M. Emmanuel Frémiet.
A ces noms l'Académie a ajouté celui de M.
Gustave Michel. M. de Selves a donné lecture
de la notice qu'il a consacrée à la vie et aux tra-
vaux de M. Anatole Gruyer, son prédécesseur
comme membre libre de la Compagnie. L'Aca-
dérriie a décidé l'impression de cette notice..
Les vrais chasseurs, ce n6 sont pas ceux qui
ne songent qu'à battre le record du nombre de
coups de fusil tirés pendant la période de la
chasse, ce sont ceux qui mettent au premier
plan de leurs préoccupations cynégétiques la
conservation du gibier.
Aussi ne saurait-on qu'applaudir à l'initiative
intelligente de la Société centrale des chasseurs,
qui vient d'adresser au ministre de l'agriculture
deux lettres relatives à la conservation du gi-
bier. C'est que le malheureux gibier n'a pas
seulement à compter avec les nemrods pourvus
du permis officiel, il leur faut encore se défen-
dre contre les pièges multiples des braconmers.
Or, dans la première de ses lettres, la Société
centrale des chasseurs demande que la chasse en
plaine soit close aujourd'hui, le lapin étant
fort rare et la perdrix invisible dans la se-
conde, la même Société réclame l'interdiction de
la chasse de la caille, en Algérie, au moment où
elle franchit la mer pour émigrer en Europe.
Tous les disciples de saint Hubert applaudiront
aux 'sages mesures préconisées par la Société
centrale des chasseurs.
A propos de notre entrefilet d'hier, au sujet
des décorations portugaises, la légation de Por-
tugal' nous fait savoir que le gouvernement
provisoire n'a créé aucun ordre nouveau. Il s'est
borné à conserver l'ancien Ordre de la Tour et
l'Epée, dont le ruban est bleu foncé et le nom-
bre des membres très restreint.
Les sombres jours de l'an dernier vont-ils re-
commencer au Palais de Justice ?
Depuis plusieurs jours, l'eau apparaît de
nouveau dans les sous-sols. Vendredi soir, elle
envahissait déjà les cendriers des calorifères:
Hier, enfin, devant le péril imminent, il a fallu,
paraît-il, laisser éteindre les feux, Et peu à peu,
lentement, le froid envahissait salles et cou-,
loirs.
Si, d'ici lundi, la Seine n'a pas baissé et que
s'accentue le froid, comme l'an dernier, on
pourra, au civil, voir les audiences se tenir
dans les chambres du conseil, autour de la ta-
ble au tapis vert, joyeusement éclairée par un
feu de bois. Quant au criminel, chacun à nou-
veau en sera quitte pour grelotter, en dépit des
poêles de fortune et des longs manteaux en-
dossés sous les toges.
On a commencé, hier après-midi, à l'Ecole
nationale des Beaux-Arts, les travaux prélimi-
naires de la prochaine exposition des achats et
commandes faits par l'Etat au cours de l'année
actuelle.
Cette manifestation artistique, qui obtient
chaque fois un si vif succès, s'ouvrira le lundi
28 novembre. Elle sera inaugurée par MM.
Maurice-Faure, ministre de l'instruction pu-
blique et des beaux-arts, et Dujardin-Beau-
metz, sous-secrétaire d'Etat des Beaux-Arts. A
côté des nombreuses acquisitions effectuées par
l'Etat aux deux grands Salons annuels du prin-
temps et au Salon d'automne, nous y verrons
figurer une cinquantaine d'ouvrages, tout à
fait remarquables, achetés par le ministre aux
différentes expositions particulières.
Ajoutons que le nombre'des achats faits par
M. Dujardin-Béaumetz, cette année, est si
élevé, que le plaçage de toutes ces oeuvres
peinture, architecture, sculpture, etc. dans
les deux salles de l'Ecole, présente mille diffi-
cultés.
L'exposition restera ouverte environ trois se-
maines.
L'opium fait de grands ravages aux Etats-
Unis, malgré les prescriptions qui en interdi-
sent le commerce.
Ching Ling, restaurateur à Chicago, faisait
des affatres d'or attirés par la réputation de
ses sandwiches, les clients affluaient chez lui et
les commerçants d'alentour ne pouvaient s'ex-
pliquer l'obstination de tout ce monde à payer
un dollar ce qu'eux-mêmes vendaient pour cinq
sous.
Des plaintes en concurrence déloyale furent
portées contre l'heureux Ching Ling sans
doute, des rivaux jaloux en étaient les inspira-'
teurs elles furent jetées au panier.
Le restaurant chinois prospéra de plus belle
jusqu'au jour où s'éveillèrent les soupçons poli-
ciers.
Un agent dûment grimé étant venu comman-
der un sandwich au foie gras », le garçon se
précipita dans la cuisine et en, rapporta bientôt
l'article demandé. Un paquet contenant de
l'opium s'y trouvait enfermé.
L'ingénieux Ching Ling est en p rison.
'A TRAVERS LES LIVRES
Après trois nouvelles années de séjour en
Chine, le docteur Legendre vient de donner une
suite à ses intéressantes et si actuelles observa-
tions sur le Far-West chinois. Son récent livre
s'intitule Kientchang et Lolotie, Chinois, Lolos,
Sifans. (Plon, éditeur.)
HOUVELLES A LA MAIN
On est stupéfait que l'on puisse annoncer
la mort d'un homme comme Tolstoï, alors que
cette nouvelle est absolument fausse.
En ce qui concerne Tolstoï, cela n'a rien
d'étonnant quand on a écrit Résurrection L..
Un Domino
NOTES SOCIALES
Un ancien g énéral, devenu député radical-
socialiste, vient de déposer une proposition de
loi tendant à accorder aux militaires le droit de
vote. L'idée paraîtra peut-être prématurée
d'aucuns même vont la qualifier d'exorbitante.
Mais .songez à tant de prétendues réformes éga-
lement hétéroclites qu'avaient accueillies d'a-
bord des haussements d'épaules ou des protesta-
tions. Labor inaprobus omnia vincit.
Il est certain que les offioiers sont mécontents
et ont tout droit de l'être. Mal payés, soumis à
la surveillance des loges, condamnés trop fré-
quemment à de choquantes besognes, ils ont
perdu, avec leur ancien rang social, une partie
du prestige qui compensait à leurs yeux la di-
sette des avantages matériels. Comme le rappe-
lait récemment l'un d'entre eux avec une pointe
d'aigreur, le règlement nouveau sur les préséan-
oes, qui a fait des généraux et des chefs de
oarps les caudatâires d'anciens attachés de cabi-
nets ministériels ayant réussi, les a blessés. Ils
souffrent, dans leur considération et leur
amour-propre, de l'aberration qui les livre,
pieds et poings liés, aux tout puissants parle-
mentaires et, d'être parfois obligés, pour ne
pas perdre leur carrière, de s'abaisser au rôle de
thuriféraires ou de clients de ces fantoches arro-
gants, ils se sentent quelque peu humiliés.
L'unique remède paraît donc à beaucoup de-
voir être homéopathique c'est la conquête des
droits du citoyen. Nous retrouverons du moins
auprès des autorités, disent-ils, les égards dont
jouissent actuellement tous les électeurs et les
attentions dont on les accable. » Le serpent ten-
tateur disait a Vous serez comme des dieux. »
Je ne sais si l'exercice des droits politiques
donnerait à ceux qui le réclament ainsi toutes
les satisfactions qu'ils en attendent. Les déboi-
res, sans doute, ne leur manqueraient pas plus
qu'aux diverses catégories de fonctionnaires
civils dont, en dépit d'une jouissance complète
et parfois même abusive de-ces droits, les do-
léances nous assourdissent. Mais ce que je sais
bien, c'est ce qu'y perdraient la dignité de l'ar-
mée et surtout sa force, dont je ne sache pas
que'le besoin ait diminué.
Car ce n'est pas seulement la vision de l'uni-
forme galvaudé dans les réunions publiques qui
m'offusque. C'est le fantôme du syndicalisme
militaire se dressant derrière l'électorat qui
m'épouvante. L'un ne va point sans l'autre, et
l'étape serait courte qui mènerait officiers et
soldats de la salle de vote à la Confédération
générale du travail. Alors nous verrions un
sabotage autrement intensif et redoutable que
celui auquel semblent vouloir nous habituer les
cJ&minots désappointés.
Le, mal existe cependant et peut-être «est-il
déjà trop profond pour pouvoir se guérir. De-
puis dix ans, on marche systématiquement et
obstinément vers une armée politicienne. Nous
finirons par l'avoir. La proposition du général
Pédoya n'est nullement en effet une manifesta-
tion individuelle, mais bien l'expression syn-
thétique d'un ensemble de revendications très
osées qui, timidement exprimées d'abord,
s'énoncent maintenant sans vergogne. Elle
échouera une première fois, c'est entendu. Mais
la résistance parlementaire cède tôt ou tard de-
vant des assauts répétés. Et, quand les temps
seront révolus, elle cédera encore, sans que per-
sonne ose rappeler les avertissements ni les
exemples qui, par une succession quasi-mathé-
matique, nous sont venus successivement de la
Turqu.ie, de la Grèce et du Portugal.
Un Désabusé
Bloc-Notes Parisien
Le premier Concert Colonne
A propos du Millième Coocerf
C'est aujourd'hui dimanche que l'Association des
Concerts Colonne, dirigée par M. Gabriel Pierné, donne,
au Châtelet, sa millième audition. L'illustre compagnie
musicale, qui est dans sa trente-septième année d'exis-
tence, peut être à juste titre fière de célébrer cette date et
de mesurer le chemin parcouru, ainsi que l'effort accom-
pli. C'est pour nous une occasion, puisque l'Association
entre dans la période des anniversaires et des jubilés, de
retracer les débuts de l'oeuvre, et, à propos du millième
concert, de rappeler ce que fut le premier.
Il y avait une fois ceci commence comme un conte
de fées, et c'en est presque un, en effet un jeune édi-
teur de musique, intelligent, actif, ami de la nouveauté,
désireux de faire connaître des compositeurs originaux,
voire même audacieux bref, un artiste. C'était en
1873, et cet éditeur s'appelait Georges Hartmann. Il te-
nait un petit magasin d'édition au numéro 19 du boulevard
de la Madeleine, et comme il avait le don peu fréquent de
deviner, de pressentir les talents en germe, comme il ai-
mait les musiciens dédaigneux de la routine, et qu'il les
encourageait, il.avait coutume de réunir chez lui, vers
les quatre heures de l'après-midi, une'pléiade de compo-
siteurs qui s'appelaient Edouard Lalo, Massenet, Georges
Bizet, César Franck, Benjamin Godard, Saint-Saëns, Vic-
torin Joncières, etc. Ce que furent ces, réunions où ces
jeunes musiciens s'entretenaient de leurs rêves d'avenir,
de leurs espoirs, de leurs doutes, sous l'égide bienveil-
lante de Georges Hartmann, on peut aisément l'imaginer.
C'est là, dans une étroite arrière-boutique, que naquit
l'idée de former l'Association des Concerts Colonne.
Un jour, en effet, Georges Hartmann, las de vendre
éternellement des airs de Verdi ou de Rossini, ou bien des
sonates de Mozart et de Beethoven, conçut le projet hardi
de faire exécuter par un orchestre les œuvres symphoni-
ques de ses protégés, œuvres qui étaient jusqu'alors de-
meurées inconnues et cachées parce qu'elles n'avaient pas
trouvé dé débouchés. Il pensa, non sans raison, qu'une
partition est faite pour être jouée. Or, le seul concert où
les jeunes ppuvaient faire entendre leurs productions
était celui que dirigeait Pasdeloup. Le « père Pasdeloup »
était une manière de bourru, dont les rudes façons inti-
midaient les malheureux venus pour solliciter de lui une
audience. Hartmann résolut, lui aussi, de patronner. une
association musicale. Il loua, pour le dimanche en ma-
tinée, la salle de l'Odéon, recruta un orchestre à la tête
duquel il mit un jeune homme, un gros garçon blond et
joufflu, doux et énergique à la fois, qui venait de se faire
connaître pour avoir dirigé, précisément à l'Odéon, la
partition des Erinnyes de Massenet. Ce chef d'orchestre
se nommait Edouard Colonne.
Hartmann avait eu la main Heureuse en découvrant
celui. qui devait assurer plus tard à la naissante associa-
tion durée, gloire et profit.
Le 2 mars 1873 avait lieu, à deux heures de l'après-
midi, le premier Concert National, « avec le concours de
Mme Pauline Viardot et de M. Camille Saint-Saëns »,
annonçait l'affiche. Le programme, très attrayant, com-
prenait la Symphonie Romaine, de Mendelssohn; la Rê-
verie, de Schumann; le Concerto en sol mineur, de M.
Saint-Saëns, exécuté par l'auteur; Jeux d'enfants, petite
suite d'orchestre de Bizet; le Roi des Aulnes, de Schu-
bert, chanté par Mme Pauline Viardot avec M. Camille
Saint-Saëns au piano, et enfin un morceau du Carnaval
de Guiraud.
L'affluence du public fut considérable. Le Concert Na-
tional, qui faisait ouvertement concurrence à Pasdeloup,
remporta dès sa première séance un gros succès. Il arri-
vait à son heure, il répondait à un besoin du public.
Mais en ces temps héroïques le prix des places les
plus chères était de trois francs, et avec une salle comble
on réalisait la recette maximum de 2,500 francs. C'est
dire que les débuts du Concert National furent pécuniai-
rement pénibles et que les solistes qui le composaient con-
nurent les maigres cachets. Ils émigrèrent en vain en
1874 dans la salle, plus vaste, du Châtelet; malgré l'em-
pressement du public, le déficit s'accentua. Hartmann, dé-
couragé, abandonna l'entreprise. C'est alors qu'Edouard
Colonne réunit ses musiciens et leur proposa de se cons-
tituer en société. L'Association artistique était fondée.
Elle comprenait alors cent deux membres. Il est cu-
rieux de parcourir aujourd'hui la liste des fondateurs; on
y trouve des noms qui, presque inconnus alors, ont de-
puis conquis la notoriété, tels que Paul Hillemacher, Al-
fred Bruneau, Léonce Cohen, Ratez (l'actuel directeur
du Conservatoire de Lille), parmi les compositeurs
Boutmy, Brémond, Cantié, Gillet, parmi les virtuoses.
De tous ces artistes de la première heure, les uns ont
quitté l'Association, les autres ont pris leur retraite, d'au-
tres enfin sont morts. Un seul de ces anciens est de-
meuré à son pupitre c'est M. Willemin, qui, depuis
trente-sept ans, sans défaillance, tient l'emploi de deuxième
violon. Il peut s'attribuer le vers fameux d'Hugo, qui ne
fut jamais mieux de circonstance
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là
Il en reste pourtant un autre encore de la fondation
c'est le contrebassiste Eveline, mais il a pris sa retraite
depuis trois ou quatre ans. Seul, M. Willemin peut dire
qu'il a été le témoin du développement de l'Association
des Concerts Colonne, depuis qu'elle est née jusqu'à nos
jours.
Que d'étapes heureusement franchies en effet Evoquer
la longue série des belles fêtes musicales données par Co-
lonne et son orchestre, c'est faire l'histoire de l'évolu-
tion de la musique en France. Il n'est pas un compositeur
classique ou moderne dont le nom n'ait figuré sur les
programmes de l'Association. C'est Colonne qui, à force
de patience et d'obstination, imposa au public un Berlioz
et un César Franck. Il y arriva aussi par l'extrême va-
riété des programmes auxquels il avait l'art de mêler
les œuvres qu'il savait belles et voulait que le public
adoptât. Il joua tout ce qui a un nom ou une gloire dans
la musique; pour diriger les œuvres, il fit appel à Gou-
nod, à Saint-Saëns, à Massenet, Félix Mottl, Richard
Strauss, Weingartner, Nikisch, Tzchaïkowsky, et j'en ou-
blie. Il fit entendre les gloires de l'art du chant tels que
les Faure, les Maurel, les Van Dyck, les Pauline Viardot,
Lilli Lehmann, Schumann-Heinck, Litvinne, etc. Et
parmi les virtuoses Rubinstein, Joachim, Paderewski,
Risler, Raoul Pugno, Sarasate, Ysaye, Kreizler, cent au-
tres encore que je passe et non des moindres, ont à l'envi
prêté- leur concours à ces séances.
Et aujourd'hui, quand l'admirable tragédien Mounet-
Sully, qui lut le grand ami de Colonne, lira de sa voix au
timbre superbe l'Anniversaire, ce bel hommage écrit par
M. Emile Moreau (l 'ex-collaborateur de Sardou) à la
gloire de l'Association, je suis sûr que tous les cœurs
et toutes les mains battront à l'unisson. On applaudira à
outrance cette péroraison
« Ainsi de semaine en semaine, dans ce temple ouvert
à ces nouveaux dieux, Paris assemblé s'enivrait d'har-
monie, murmures de la forêt, perles de la cascade, ba-
vardages d'oiseaux, sérénades, fanfares, glas et tocsins,
allelaias, de profundis, psaumes de la vie, cantiques de
l'amour, hymnes de la mort Paris, en apprenant la lan-
gue universelle, se formait à ce commerce rythmé des
Muses où se fait, au dire de Platon, l'éducation de l'âme.
» L'homme qui réalisa ce miracle, et que je vois en-
core debout à ce pupitre, déchaînant la fureur des cui-
vres, apaisant le rire des flûtes ou le gémissement des
violons, avertissant d'un regard le docile récitant son
ami, cet homme est mort à la tâche.
» Mais ce sceptre léger qui tombe de sa main, cette
baguette de coudrier qui découvre les sources cachées, un
autre l'a repris, que d'autres après lui dresseront, signal
attendu par cette armée sonore. Et la fête des âmes ne
cessera pas. »
L'Association, c'est un peu de notre Paris qui combat
et vibre pour le beau. Et voilà pourquoi Paris comprend
le très légitime orgueil avec lequel elle fête son millième
concert.
Tout-Pari»
̃ L'AFFAIRE ROCHETTE
M. Clemenceau et M. Lépine
devant la commission d'enquête
uNE CONFRONTATION SENSATIONNEbbE
« chez, la portière»
La commission d'enquête sur les affaires Ro-
chette devient ridicule, ce qui est le propre de
toutes les commissions parlementaires qui s'oc-
cupent de ce qui ne les regarde pas.
M. Jaurès, qui la préside, n'est certainement
pas le premier venu, mais, quelle que soit ra
confiance dans ses propres méritrs, il doit être
surpris lui-même de voir comparaître à sa
barre les personnages les plus haut cotés de la
république.
M. Clemenceau y est venu et aussi M. Lé-
pine.
M. Clemenceau pouvait envoyer promener
« le président » Jaurès et sa troupe il n'est
plus ministre, il n'appartient pas à la Cham-
bre des députés, et il pouvait répondre aux
membres de la commission d'enquête qui l'as-
signaient au Palais-Bourbon
Je demeure telle rue, tel numéro si vous
avez le désir de causer avec moi, ma porte vous
est ouverte tous les matins, de neuf heures à
midi.
Il a préféré leur conter des histoires du bon-
homme Perrault qui, d'ailleurs, n'ont pas été
démenties.
Au fond, M. Jaurès voulait frapper M. Lé-
pine. Or, M. Lépine s'est rebiffé il a reconnu
qu'en une circonstance il avait peut-être man-
qué de correction administrative, mais il s'est
empressé d'ajouter
bailleurs, ceci ne vous regarde point
cet affaire entre le ministre de l'intérieur et
moi.
Il n'a pas plus désavoué M. Clemenceau que
M. Clemenceau ne l'a désavoué lui-même, et
les témoignages, confrontés, n'ont pas fourni
à M. Jaurès les contradictions sur lesquelles il
comptait.
Dans cette étrange commission, on ne parle
plus de M. Rochette, et il n'est pas question
des parlementaires dont on faisait étalage au
début de cette scandaleuse histoire.
Tout d'abord, j'ai cru naïvement que la com-
mission d'enquête se proposait de rechercher
« les influences abusives », les noms de ceux
députés ou sénateurs qui s'étaient glissés
dans les affaires Rochette, poursuivant un but
"facile à démêler, et peut-être aussi les person-
nes plus qualifiées qui avaient décidé le parquet
à précipiter son action.
Ce'faisant, la commission d'enquête nous eût
donné un spectacle à \& fois.réconfortant et ré-
volutionnaire. Elle confondait tous les pouvoirs
en quoi, d'ailleurs, elle n'innovait pas.- et
abaissait à la fois le gouvernement et la m'agis-
trature.
Au fond, c'est bien cette besogne qu'elle est
en train de mener à mauvaises fins, mais elle
le fait sans grandeur et sans dignité elle cher-
che à satisfaire des rancunes peu avouables et
à compromettre ceux contre lesquels son prési-
dent a des griefs à invoquer.
On ne sait plus ce qu'elle veut, ce qu'elle re-
cherche, on n'aperçoit pas le but qu'elle pour-
suit, et l'opinion publique se prononce nette-
ment en faveur des témoins qu'elle convoque et
qui n'hésitent pas à se moquer d'elle.
C'est l'enquête « chez la portière », comme
eût dit Henry Monnier. Et ce n'est pas encore
cette enquête qui diminuera la popularité pa-
risienne du préfet de Police.
L. Desmoulins
L'interrogatoire
L'ancien président du conseil et le préfet
de police expliquent leur
attitude
PAR M. LOUIS LAMBERT
Séance émouvante et du plus grand intérêt.
Pendant deux heures consécutives, on a assisté
à ce spectacle d'un ancien président du conseil
s'ingéniant à expliquer son attitude dans la mar-
che de l'affaire Rochette et d'un préfet de po-
lice qui, pour ne pas découvrir son ancien chef,
prend une responsabilité qu'on voit très bien
ne pas lui incomber en réalité.
Ce duel entre ces deux. hommes, que hier en-
core unissait une étroite solidarité de gouverne-
ment, eut quelque chose au dire de tous les
commissaires de vraiment tragique. On en-
tendit M. Clemenceau reprocher à son' subor-
donné de n'avoir pas compris ses instructions et
M. Lépine reprocher nettement à son ancien
chef d'avoir urne double face se montrer par
instants l'ancien journaliste d'opposition pour
apparaître ensuite l'ancien président du con-
seil « Je crois avoir devant moi, aujourd'hui,
s'est écrié, nerveux, M. Lépine en fixant M. Cle-
menceau, le journaliste d'opposition
Cette scène fut, dit-on, très pénible. Mais lais-
sons la parole au procès-verbal officiel de cette
si intéressante confrontation.
MM. Clemenceau et Lépine sont arrivés sépa-
rénfent au Palais-Bourbon. Ils se rencontrent
dans le salon de la Paix, se saluent, se serrent
la main et c'est en causant qu'ils se rendent de-
vant la commission d'enquête, aujourd'hui au
grand complet.
A peine la séance est-elle ouverte que le pré-
sident M. Jaurès commence ainsi son interro-
gatoire
D. Il a paru à la commission qu'elle avait besoin
de quelques éclaircissements complémentaires.'Une
des choses qui la préoccupent est ce fait que, pen-
dant que la préfecture de police n'avait pas bougé
le 19, peut-être le 20 mars, M. Prevet est averti qu il
existe une plainte toute prête, et c'est vingt-quatre
heures après que toute la machine se déclanchè
Ou c'est une coïncidence, ou il y a eu une filtra-
tion quelconque.
L'intervention de M. Prevet
M. Clemenceau. Lorsque le préfet de police
donna à M. Yves Durand l'ordre de se rendre au
parquet, M. Yves Durand répondit « Je n'ai pas
besoin d'aller au parquet j'ai vu M. Monnier il y
a huit jours et il m'a dit de m'adresser à M. Pre-
vet. »
M. L'épine. Quand j'ai dit à M. Yves Durand
Il C'est vous qui allez marcher et aller au parquet
il m'a dit « Ce n'est pas la peine,que j'aille au par.
quet. II y a eu une conversation au parquet en ma
présence. On disait dans cette conversation que M
Prevet était au courant de l'affaire Rochette. »
C'est pour cela qu'il est allé tout de suite chez NI.
Prevet.
D. Il a paru a la commission que M. Clemenceau
et le préfet de police n'interprétaient pas de la même
façon la conversation qui avait eu lieu au ministère
de l'intérieur. La divergence la plus importante part
de ce fait ::Des explications, il a paru résulter que
vous vouliez adresser le préfet de police au parquet
pour l'avertir qu'aucune influence gouvernementale
ne se mettrait en travers de son action.
Non seulement vous n'avez pas dit au préfet de
police de se mettre lui-même en quête d'un plai-
gnant, mais vous n'avez pu supposer un instant
qu'au sortir de cette entrevue il allait le faire.
Il nous semble cependant que le préfet de police,
en cherchant un plaignant, croyait être en confor-
mité d'avis avec vous.
Conscience et devoir
M. Clemenceau. M. Lépine a dit « Ma cons-
cience me dit que je n'ai pas d'autres souvenirs que
ceux de mon chef. » C'est une doctrine que ma
conscience ne me permettrait pas d'accepter.
Quand on a cette .opiinion d'être victime du devoir,
on se présente comme martyr.
Je n'ai pas besoin de la bienveillance de M. Lé-
pine. J'ai pour lui la plus profonde estime.
Avant-hier, j'ai dit que je le couvrais. Cela vou-
lait dire que M. Lépine était un bon préfet de police
et que je n'entendais pas qu'on le rendit responsa-
ble d'une faute de ses subordonnés. Je dis à M. Lé-
pine qu'il n'a pas voulu produire contre moi des in-
sinuations redoutables. S'il est entendu que M. Lé-
pine, étant venu ici dans l'intention de se taire, a
fini par trouver des souvenirs qui me paraissent
être en contradiction avec les miens, nous entrons
dans une voie nouvelle. Si M. Lépine a des souve-
nirs différents des miens sur un point quelconque,
qu'il le dise. Si j'ai commis une faute, on ne trou-
vera pas de motif qui ne soit avouable.
Je prie -M. Lépine de s'expliquer.
M. Lépine s'expli q ue
M. Lépine.- Est-il dans l'esprit d'aucun de vous
que j'aie insinué quelque chose ?
M. Clemenceau. Toute la presse le dit ce matin.
M. Lépine. J'ai dit, et la présence de M. Cle-
menceau ne peut que me confirmer dans mon inten-
tion de tout dire, que j'avais gardé une certaine im-
pression de la conversation. Je vous ai dit que sur
les mots mêmes qui ont pu être prononcés dans cet
entretien, étant donnée la mémoire de M. 'Clemen-
ceau, je croyais prudent là où M. Clemenceau affir-
mait, de m'en rapporter à son témoignage.
Est-ce une insinuation ?
M. Clemenceau. Non.
M. Lépine. J'ai dit cela et je le répète. J'ai gardé
cçtte impression qui était assez vive, pour qu'un
quart d'heure ne se soit pas passé avant que je
l'aie traduite par un acte. Je me suis lourdement
trompé,
M. Clemenceau. Non, vous avez été mal servi.
M. Lépine. Sans perdre une minute s'est placé
l'entretien auquel on faisait allusion.
Je sais que cela offrait des inconvénients pour
aller très vite. M. Clemenceau m'avait dit « Allez
vite »
M. Clemenceau. Oui.
M. Lépine. M. Yves Durand est allé chez M.
Prevet. Ni. Yves Durand, qui voulait terminer le
soir même, a été ajourné au lendemain.
M. Clemenceau. Par qui ?
M. Lépine. Par Gaudrion.
M. Clemenceau. Je croyais que vous aviez dit
que c'était'le parquet.
M. ,Lépine. Gaudrion a dit « Mon client ha-
province, je ne. puis pas le faire venir avant
demain matin. » C'est le lendemain matin que M.
Yves Durand, se rencontrant chez Gaudrion avec
Pichereau, et jetant un coup d'oeil sur la plainte, fit
remarquer qu'on leur avait dit que Gaudrion avait
150,000 francs alors qu'il n'en avait que 6 ou 7.
Gaudrion a dit Nous allons rectifier. M. Yves
Durand est sorti, en son absence le tripatouillage a
eu lieu. Le lendemain, M. Durand allant au. parquet
pour mon compte, rencontré Pichereau.
Que signifie « Voyez le Parquet
M. Clemenceau. Reconstituons le fait. M, Lé-
pine est dans mon cabinet. Je lui demande où en est
l'affaire. M. Lépine me dit « Par l'absence d'une
plainte le parquet est désarmé. n
Le renseignement nous parut exact.
M. Lépine. C'est vrai.
M. Clemenceau. Vous allez trouver là le nou-
veau collaborateur de la préfecture de police et du
parquet. M. Lépine me donne un renseignement
inexact. Si, NI. Lépine m'avait dit Le parquet
temporise n, c'est alors que je serais intervenu près
le garde des sceaux.
Nous sommes d'accord avec M. Lépine sur le
point principal « Voyez le parquet. » Mon idée à
moi est que l'affaire marche suivant les lois. Som-
mes-nous d'accord ?
M. Lépine. Parfaitement.
M. Clemenceau. Quand M. Durand sort de chez*
le préfet de police, il va chez M. Prevet. Je n'ai pas
dit Il Allez chez M. Prevet. Il Voyez le parquet
cela veut dire « Voyez le parquet. n Pourquoi?
n'a-t-il pas vu le parquet ? Le préfet de police et
le parquet ne sont pas de bons collaborateurs. Il*
se Jalousent. C'est le service qui en souffre. La pré-*
fecture de police, au lendemain, a agi en dehors du!
parquet. M. Lépine a dit que j'avais commis une er-
reur quand j'ai dit que son administration était sous
les ordres de l'administration judiciaire.
Je ne le crois pas. Quand vous avez interprété
ma parole « Voyez le parquet n, j'étais convaincu;
que vous ne feriez rien sans le parquet. Vous, vous
avez été amené à agir en dehors du parquet. Il y a
eu une réunion au ministère de l'intérieur, provo-
quée par le président du conseil,qui a convoqué mon
frère. M. Lépine dit que c'est un terrain réservé.'
Pourquoi craindrait-on de dire les conversations qui'
ont été échangées dans cette réunion ? Ce que je
puis dire c'est que le parquet y a passé un mauvais
moment.
Conflit de deux pouvoirs
M. Lépine a fait tout le possible pour éviter un'
coup de Bourse en la circonstance. Il y a quelque
chose qui s'est passé qui n'aurait pas dû se passer
normalement. M. Lépine considérant Rochette com-
me un bandit, cela valait la peine de mettre le par-
quet en mouvement. Si vous voyez la préfecture
de police partir en guerre toute seule, c'est qu'elle a'
tendance à agir en dehors du parquet.
A ce moment je n'ai pas pensé au conflit perpé-
tuel de ces deux pouvoirs.
̃ M. Lépine était demeuré dans la voie que je lui
avais ouverte, puisqu'il a convoqué M. Yves Durand
au parquet.
Quand j'ai envoyé la lettre à Ni. Lépine, je ne sais'
pas si on lui avait donné lecture du texte de ma dé.
position.
M. Lépine, On me l'a lue.
M. Clemenceau. Vous dités
menceau. J'ai ignoré la visite à M. Prevet et ce
qui. s'en est suivi.
h1. Lépine. Bien entendu.
:M. Clemenceau. Vous dites que vous avez dit
« J'ai trouvé un plaignant », je l'accepte très bien.
M. Clemenceau journaliste et chef d'Etat
M. Lépine. Je n'ai pas pu admettre qu'on m'ac.
cusât d'une incorrection tenant dans ce fait que j'a-
vais négligé de faire part à mon chef d'un renseigne.
ment de premier ordre qui serait venu à moi. Vous
ai-je vu dans la rue, dans votre cabinet ?
M. Clemenceau. Je n'en sais rien.
M Lépine. Je crois qu'en ce moment vous par-
lez sous l'empire de vos souvenirs de journaliste,
plutôt que sous l'empire de vos souvenirs de prési-
dent du conseil. Je crains que vos idées d'homme
d'opposition déteignent encore sur vous. Il y a une
légende que je serai bien heureux de contribuer à
détruire c'est que la préfecture de police et le par-
quet sont en bisbille perpétuelle. J'ai dit que j'avais
trouvé cette situation établie autour de moi. J'ai dit
qu'en ce qui me concerne j'avais fait tout ce qui dé-
pendant de moi pour que tout marchât le mieux pos-
sible, sachant que la chose publique y était inté-
ressée.
Dans le cas particulier, je puis dire que si mes
rapports avec %I; .Monter ne sont pas fréquents, ils
sont aussi cordiaux que possible.
J'envoyais journellement M. Yves Durand au
parquet pour entretenir ces bons rapports. C'est
comme cela que ,NI. Yves Durand s'est trouvé dans
le couloir du parquet,au moment où NI. Pichereau
déposait sa plainte. On ne fait rien à la préfecture
que sous mon impulsion.
Ce que dit M. Clemenceau me paraît inexact es
fait, louchant l'affaire.
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