Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1897-03-10
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32779904b
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 94503 Nombre total de vues : 94503
Description : 10 mars 1897 10 mars 1897
Description : 1897/03/10 (Numéro 5604). 1897/03/10 (Numéro 5604).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5298204
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/03/2008
< y MERCREDI 10 MARS 1897
81» Année. 3e série. N" 5604.
PARIS ET DÉPARTEMENTS 15 CENTIMES
LE PLUS GRAND JOURNAL DU MATIN
ARTHUR fflEYER
JOt~MBT
9ÉO|CT1ON
de GOiasm huches bu" Mm A xms heuhe nu hattu
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Montmartre et des Italiens
ABONNEMENTS
Paris et départements
ï^.mois •• 5 fr. I Six mois 211t.
Trois mois 13 50 | Un an &4 fr.
~M~Mtgef
Trois mois (TTnioii postale) i<$ fr.
I«es manuscrits ne sont pas ren&us
ARTHUR iiSYER
Dirs1t1s4x
ADMINISTRATIO»
RENSEIGNEMENTS
ABONNEMENTS, PETITES AHHOSQS
2, rue Drouot, 2
(Acgla des boulevards Montmartre et dos icaim
ANNONCES
klluf. CH. LAGHANGB, CERF & Q»
6, PLACB DE LA. BOURSE, 6
Et à V administration du Journal
Li«e manuscrits ne sont pas rendu!
~;j~~
ET LE TSAR?
̃'̃ Lgs grandes douleurs sont muettes, dit-on. Ce
n'est pas totit à fait vrai, et j'ai connu des gens
:et très désespérés.
II serait plus juste de prétendre que les dou-
leurs paraissent plus grandes lorsqu'elles sont
.«^Jàcentrées et silencieuses. Et ce que l'on dit de
'laMuleur pourrait convenir à tous les grands
sentiments
,çore à la volonté.
e&çore à la volonté.
.y- Un homme qui serre les poings et grince des
dents sans rien dire paraît plus furieux; un hom-
me qui marche droit, l'œil fixé vers son but et
sans consentir à discuter, paraît plus résolu.
En d'autres termes, il est admis que les mani-
fegtations extérieures détendent les sentiments
et que là parole ou la plume sont des soupapes
fe l'âme, soupapes dont l'ouverture laisse nos
jrbes intimes se répandre et se perdre dans
rifnmensité impassible, comme les soupapes des
chaudières laissent s'échapper en un nuage inof-
ïens|f la vapeur dont l'effort intérieur briserait
Ips parois d'acier.
J C'est un système, une théorie de psychologie
-,gui condamnerait la littérature et l'éloquence à
n èjprimér qHe des sentiments affaiblis si,comme
le Soutiennent les naturalistes, l'art avait pour
;ùnique but une représentation aussi adéquate
que possible de la nature.
Avec ce système, "avec cette théorie, les héros
||e l'Iliade deviendraient de simples cabotins,
exprimant des colères qu'ils ne ressentent point.
flar le vieil Homère a l'habitude de mettre dans
|a bouche de ses guerriers, au moment où ils
tTont s'étreindre, des discours tellement longs que,
transportés dans les œuvres modernes, ils abou-
tiraient forcément non à combat corps à corps,
mais à un déjeuner sur l'herbe.
Et cependant, si vous consultez Zola, le grand
interviewé vous déclarera qu'Homère est le père
t naturalisme et que lui-même, lorsqu'il écrit
livret d'opéra en prose, a pour unique et mo-
deste ambition le désir de faire de l'Homère.
Néanmoins, en dépit de l'hérédité, de l'ata-
visme et de l'habitude ancestrale, on me permet-
tra de penser et de dire que la note de la Grèce
fa réponse à l'ultimatum des puissances, note
gui a absorbé cinq grandes feuilles de papier éco-
lier ou ministre recelé et le protocole usent
;au même format est un peu trop longue pour
exprimer un refus catégorique.
Sans aller jusqu'à la concision militaire de
Capibronne, des gens qui seraient décidés à se
Mre casser la tête pour s'annexer la Crète n'en
patenteraient pas tant. Il est à présumer que le
gouvernement du roi Georges, en face de l'atti-
*gfte des puissances résolues à donner à la Crète
son autonomie, a compris que la situation de la
Grèce devenait moins sympathique puisqu'elle
i poursuivait non point la délivrance de ses frères
mais l'augmentation de son territoire.
C'est pour cela qu'au lieu de répondre simple-
'• ment non, au- concert européen l'invitant à reti-
rer sa flotte et ses troupes de terre, il se réfugie
dans une cote mal taillée, offre de rappeler ses
vaisseaux, mais fait des difficultés pour rapatrier
le colonel Vassos et ses soldats. Il demande à
l'Europe de laisser ce colonel coopérer au main-
tien de la tranquillité en Crète.
Les puissances lui répondront probablement
qu elles peuvent se passer de lui, que l'attitude
gu elles ont prise vis-à-vis de la Turquie exige
même qu'elles s'en passent, et qu'en outre le co-
Jonel Vassos est un singulier restaurateur de
l'ordre, puisque son arrivée en Crète a été le
point de départ de nouveaux désordres et puis-
que, pour imposer la tranquillité, il serait obligé
de tirer sur ses auxiliaires sinon sur ses propres
soldats.
Mais, tout au moins,la note grecque a cet avan-
tagé dans sa prolixité, de permettre aux puis-
sances, dans leur longanimité et leur bienveil-
lance légitimes pour la Grèce, de causer encore,
si elles y consentent, avant même d'entamer le
fclocus, c'est-à-dire un premier simulacre d'atti-
tude hostile.
H reste, en outre, dans cette note de la Grèce
un point digne de commentaires; c'est la demande
déguisée de plébiscite à accorder aux Crétois, ap-
pelés à choisir leur gouvernement.
Il est très probable que si les Crétois n'étaient
soumis à aucune pression, ils préféreraient les
cieniaits ae i autonomie et de l'indépendance à
l'honneur de faire partie de la Grèce. Et c'est
même pour cela que dans cette hypothèse, le co-
lonel Vassos devrait se retirer, pour qu'on ne pût
pas l'accuser d'avoir pesé sur le plébiscite.
Et les Crétois auraient, fichtre bien raison de
ne pas vouloir épouser la dette grecque et la bar-
barie du système militaire moderne que les
Grecs ont emprunté aux grandes nations en même
temps que leur argent. Il faudrait être fou, lors-
qu'on peut rester en dehors du tourbillon anti-
social et antihumain qui conduit les nations à des
hétacombes et à des cataclysmes intellectuels,
lorsqu'on a autour de soi la barrière bleue des
flots, sous ses pieds un peu de terre nourricière,
et sur sa tête le dôme d'azur du ciel d'Orient, il
faudrait être fou pour demander d'appartenir à
un groupe quelconque d'hommes liés les uns aux
autres parles entraves insupportables qu'ils ap-
pellent prétentieusement et faussement les bien-
faits de la civilisation.
Mais, d'ailleurs, il n'est pas probable que les
Crétois soient exposés à commettre cet acte de
«emence. Sur les six puissances interlocutrices
c ne la Grèce, deux seules comprennent ce que si-
gnifle un plébiscite.
La France sait ce que c'est qu'un plébiscite.
C est une opération qui a pour but d'assurer l'é-
4. ternité à un régime que l'on renverse six mois
̃' après;
^'l^l^ sait aussi ce • C est chez elle une opération révolutionnaire par
laquelle les populations exaltées ou terrorisées
justifient et consacrent les attentats commis con-
tre le droit international et les agressions tentées
en pleine paix.
Mais les quatre autres puissances ne peuvent
pas entendre parler de ce procédé d'établir la sou-
veraineté et de légitimer les annexions.
Ce n'est pas l'Angleterre qui accepterait un
plébiscite crétois, pour qu'on lui parlât d'un plé-
biscite égyptien.
Ce n'est pas l'Allemagne, qui s'est faite avec le
tranchant du fer et non avec le sapin des urnes.
Ce n'est pas l'Autriche-Hongrie, qui tomberait
en poussière si les populations de son habit
d Arlequin pouvaient tirer chacune de son côté.
Ce n'est pas la Russie, enfin, qui n'a pas préci-
sément consulté les Polonais.
Cette idée de proposer un plébiscite àFEurone e
est une idée de garde national.
Mais ce qu'il y a de plus intéressant pour nous
dans cette manifestation diplomatique, c'est que
peut-être, en épargnant à l'Europe l'obligation
f ^i*111^ le blocus immédiat, elle épargnera à
la Chambre française l'ennui de blesser nos pa-
roxystes et nos outranciers, en se prononçant une
seconde fois pour la politique de concert euro-
péen, qui nous obligerait, en bonne logique, à
prendre notre part du blocus et des moyens sûb-
gequents.
«iJîLl a quelques jours, à propos de fattikide ré-
fëf u™^1^3 organes ^8, je racontais
ïeç eura da Gauiofsl'his du peiiillre cii
;|W* lecteurs au Gaulois l'histoire du peintre en I
bâtiment qui accomplissait son voyage de noce
sans sa femme, et 'je rapprochais cette anecdote
très rée,l|e de npjre situation en face de la Russie,
qui s'est mariée' avec nous il y a quelques mois,
et que nous ne pouvons pas refuser de suivre a
sa première sortie.
Il faut insister sur les devoirs, ou plutôt sur les
obligations que nous impose cette alliance, préci-
sément parce que ceux qui l'ont le plus réclamée
ne semblent pas se douter qu'elle nous force à ne
pas lâcher la Russie.
Jadis, la politique du recueillement, de l'abs-
tention, du reploiement sur soi-même, après nous
avoir été imposée par nos désastres, avait fini
par conquérir parmi nous des partisans. Elle ne
me déplaisait pas, cette politique, encore qu'elle
ressemblât à une renonciation absolue de la
France au rôle séculaire qu'elle avait joué en
Europe. Elle ne me déplaisait pas. Et voici pour-
quoi.
Je suis un rallié d'une espèce spéciale. Les ral-
liés ordinaires ont reçu de Notre Saint-Père le
Pape le conseil de se rallier à la république, mais
de combattre les républicains qui ont fait de si
mauvaises lois. Pour moi, c'est tout le contraire.
Les républicains ne m'inspirent pas de senti-
ments hostiles, tandis que je s*is travaillé d'une
haine inaltérable et d'un mépris profond pour la
république.
Le rallié pense que la république vaut mieux
que le républicain. Je pense, moi, que le répu-
blicain vaut mieux que la république. A part
cela, nous sommes d'accord, le rallié et moi.
Ceci étant, et la république me paraissant un
gouvernement interlope, je suis porté à conseiller
a mon pays qui en est affligé, ce que je conseil-
lerais a mon meilleur ami, s'il s'obstinait à vivre
en concubinage.
A l'ami, je dirais « Cache-toi ne fréquente
personne, ne vas pas dans le monde et tu n'y
perdras pas grand chose au fond. » y
A mon pays j'aurais dit volontiers « Ne cher-
che pas d'alliances. Ne t'avise pas de fréquenter
les monarchies; ce n'est pas ton monde. Reste
dans ton coin. Ne sois plus la France, puisque tu
n'es plus en monarchie. Sois la Suisse, puisque
tu es en république. Tu ne feras pas mieux
qu'elle. Fais aussi bien 1 »
Mais les républicains grillaient d'envie d'ins-
taller leur république au milieu des monarchies
européennes. Et quand ils ont été certains que le
Tsar consentait à symboliser par un voyage, aux
yeux de l'Europe, l'alliance franco-russe, ils ont
crevé d'orgueil dans leur peau de bourgeois ou
de bohèmes embourgeoisés et ravis de pénétrer
dans le high-life.
Pour le paysan; pour l'ouvrier, l'alliance russe
a été la satisfaction délicieuse d'un besoin que
l'être humain éprouve, d'un besoin qui constitue
sa supériorité sur les animaux, d'un besoin indi-
viduel chez l'homme et collectif chez les nations
le besoin de n'être pas seul, le besoin de se repo-
ser des rancunes par l'amitié, le besoin d'aimer,
l'instinct social.
Pour le républicain, pour le monde officiel,
l'alliance russe a été un acte colofsal dé"sno-
bisme. 0 ossal de sno-
Aussi que penser de ceux qui Hont exploitée et
qui viennent aujourd'hui chanter les bienfaits de
l'isolement, aujourd'hui que l'alliance est sortie
de la-période des embrassades pour entrer dans
la période des actes ?
Tout uniment que ce sont de pauvres gens qui
n'y voient pas plus loin que leur nez. Peut-on,
en effet, trouver quelque chose de plus comique
que ce rapprochement q
Il y a six mois, une partie de la presse fran-
çaise taxait d'infamie Hanotaux, sous prétexte
qu'en son machiavélisme il faisait tout ce qu'il
pouvait pour s'opposer a~ la consommation du
mariage mystique et politique de la France et de
la Russie.
Aujourd'hui, cette même partie de la même
presse française taxe le même Hanotaux de la
même infamie, parce qu'il expose nos marins à
se rencontrer avec ceux de l'amiral Avellan,
pour bloquer le Pirée 1
Bien curieux 1 n'est-ce pas q
4>
Ce qui se passe
GAULOIS-GUIDE
Aujourd'hui
Courses à Neuilly-Levallois.
Visite au musée Grévin.
ÉCHOS JD1[ PARIS
Le jour où, la folie sportive étant arrivée à son
comble, on organisera des journalodromes,
on assistera à quelques courses d'informations
qui intéresseront quelquefois les tranquilles spec-
tateurs des tribunes, ce sont les lecteurs que
nous voulons dire.
L'épreuve de lundi soir compterait parmi les
plus mémorables grâce à l'ardeur d'un de nos
colkCborateurs, le Gaulois étant arrivé dead-
heat avec Y Éclair, nous avons pu offrir à nos
lecteurs la primeur du texte officiel de la réponse
du gouvernement grec.
Entre le départ et l'arrivée au poteau, il a fallu
compter quelques obstacles, mais les reporters
ont une satanée cravache amour-propre qui leur
fait sauter toutes les banquettes, que dis-je,
franchir toutes les portes.
A une heure et demie du matin, le téléphone
nous apportait la nouvelle de l'arrivée de la dé-
pêche officielle à l'Agence nationale malheu-
reusement, le temps d'en traduire le chiffre et
d'en produire au polycopie quelques exemplaires
pour les journaux, cela remettait à une heure im-
possible le résultat définitif.
Notre collaborateur ne se découragea pas pour
si peu: il courut à l'agence, força toutes les consi-
gnes et, suivant mot à mot par-dessus son épaule
le travail du traducteur, transcrivit le texte en-
tier qui, feuille par feuille, arriva à notre typo-
graphie où, grâce à la bonne volonté de tous, il
fut rapidement composé.
Et je suis sûr que vous, qui, légèrement, en
même temps que votre café au lait, avez dégusté
la nouvelle, vous ne vous êtes pas douté du
rush final de cette course de la dernière heure 1
Simple réflexion.
Le tribunal de simple police vient de condam-
ner cinq manifestants philhellènes à 1 franc
d'amende pour tapage nocturne.
20 sous, ce n'est vraiment pas payer trop cher
le droit d'affirmer hautement ses opinions, quand
on songe aux sommes que dépensent certains can-
didats pour déguiser les leurs I
Dans les rues de Paris.
Maintenant que l'automobilisme jette sur la
voie publique un nombre de jour en jour plus
grand de voitures de tous calibres, il serait peut-
être bon de réfréner un peu la dangereuse ardeur
de quelques cochers-mécaniciens.
Tout le monde a été frappé de la vitesse vrai-
ment exagérée avec laquelle certains de ces auto-
médons circulent dans les endroits les plus fré-
quentés de Paris. Ils vont, jetant l'avertissement
bruyant de leurs trompes, et devant eux, sem-
ble-t-il,'le monde entier doit respectueusement
se garer.
Les sportsmen qui manœuvrent eux-mêmes
leurs voitures automobiles apportent naturelle-
ment dans cet exercice une prudence que leur
commande la connaissance des choses de sport,
mais nous avons vu de ces voitures confiées à
des jeunes gens que la frayeur d'un cheval met-
J. Cornély
tait en joie, les encourageant à redoubler âx
bruit ou de vitesse. •̃ ̃
Quelques bonnes contraventions, comme des
coups de règle sur les doigts, apprendraient peut-
être aux grands enfants qu'il y a des jeux dange-
reux pour les petits camarades.
C'est un rêve caressé de son vivant par Dumas
fils, que réalise aujourd'hui la souscription ayant
pour objet l'érection d'un monument en l'hon-
neur de l'illustre mort sur la place où s'élève déjà
la statue de son père.
L'auteur de la Dame aux Camélias s'en était
déjà expliqué, il y a quelques années, avec un de
nos collaborateurs, au cours d'une lettre où il ra-
conte en même temps comme suit un trait amu-
sant de son père, rapporté inexactement jus-
que-là
Un jour, je le trouve travaillant comme à l'ordi-
naire. Comment vas-tu ? Je suis très fatigué
(tout en continuant à écrire). Tu devrais te repo-
ser. Alors, il ouvre son tiroir et me montre.deux piè-
ces de vingt francs Mon cher, quand je suis ar-
rivé à Paris, me dit-il, en 1823, j'avais cinquante-
trois francs. "Et vois, je n'en ai plus que quarante.
Tant que je n'aurai pas rattrapé mes treize francs,
je ne pourrai pas me reposer.
On sait qu'il ne rattrapa jamais ses treize
francs et qu'il ne se reposa que dans la tombe.
Une station brûlée.
Ceci n'est pas un fait-divers, le mot brûlé
n'ayant ici qu'un sens figuré.
Par suite d'une distraction incompréhensible,
Je mécanicien conduisant hier le train de quatre
heures et demie, Paris-Versailles, a oublié de
s'arrêter à Bécon-les-Bruyères 1
Les voyageurs ont eu beau agiter à la portière
mouchoirs et chapeaux, le train a clairement ma-
nifesté son mépris pour la modeste station, en
passant outre. Le mécanicien avait-il un rendez-
vous, a-t-il aperçu un créancier, une belle-
mère ? R
On se perd en conjectures sur ce fait qui ten-
drait, s'il se renouvelait, à diminuer l'importance
de la gare de Bécon-les-Bruyères.
Indiscrétion littéraire.
M. Paul Hervieu, avant d'être un romancier
mondain et un auteur dramatique consacré, était
une manière de satiriste à froid qui savait châ-
tier, comme le veut l'adage latin, en riant. Té-
moin un livre introuvable la Bêtise parisienne,
formé d'une suite de petits chapitres dont le
Gaulois avait eu la primeur.
Car M. Paul Hervieu débuta dans ce journal.
Or, l'auteur de la Loi de l'homme va publier
une nouvelle édition de ce vieux livre. Nous
avons pu en parcourir les bonnes feuilles tt, com-
me nous connaissons la Bêtise parisienne pre-
mière manière, nous n'avons pas eu de peine à
constater que M. Paul Hervieu en avait retranché
la partie qui s'appelait Etudes politiques, et où
le jeune écrivain raillait admirablement le « Jeu
des institutions», le « Conseil des ministres», les
« Crises ministérielles », etc.
Il serait piquant de savoir p«urquoi M. P. Her-
vieu a fait ces suppressions son livre sera cer-
tainement très intéressant, mais encore une fois.
l'académicien d'après-demain n'avait-il pas des
raisons particulières de rogner sans merci dans
son amusant vade mecum de la Bêtise pari-
sienne ?
On mande d'Arras
Un couvreur de Mouchy-au-Bois, père de sept t
enfants, qui venait aujourd'hui toucher un cou-
pon à la Trésorerie générale, a appris que son
obligation gagnait cent mille francs à un des der-
niers tirages.
C'est certainement la première fois que ce cou-
vreur reçoit sur la tête une tuile aussi agréable I
Un buste de Sarah Bernhardt.
Il y a quelques mois, boulevard'de Clichy, de-
vant l'hôtel de M. Gérôme,s'arrêtait souvent une
voiture attelée de chevaux fringants.
Un jeune garçon, au type oriental, portant le
costume de son pays, descendait du siège et ou-
vrait la portière.
Ce serait le moment de réitérer la vieille plai-
santerie la voiture était vide, Sarah Bernhardt
en descendait. mais cette légende de maigreur
est aujourd'hui, comme l'on sait, un gracieux
mensonge.
Donc l'illustre comédienne venait poser, entre
deux répétitions, devant le non moins illustre
peintre-sculpteur qui exécuta un buste d'une te-
nue magistrale.
Ce buste, achevé depuis quelque temps, est en
marbre blanc polychrome. Le visage est d'une
intensité de vie qu'accentuent les touches légères
de couleur distribuées avec un tact parfait sur les
chairs. Aux joues, un soupçon de carmin sur les
lèvres, qu'un sourire entr'ouvre, une note vivace
de rouge dans les cheveux, patinés de brun
clair, des frottis d'or qui échauffent la composi-
tion tout entière et donnent à la femme je ne sais
quelle allure de déesse.
Ce portrait ne figurera point au Salon, mais M.
Gérôme se propose de l'offrir à l'Etat pour le
Luxembourg.
BOUT DU 9OQ
Sans doute, Paris ne fera que son devoir en recevant
du mieux qu'il pourra son hôte de demain, Nansen. La
capitale du pays dont il a été dit que nul ne le dépasse en
ignorance de la géographie doit avoir à tâche de se jus-
tifier de ce reproche, hélas 1 trop justement mérité.
Mais, tout deraême, quelque chose me gâte un peu
Nansen c'est le « coup » fait par ses barnums, autour
de son exploration du pôle Nord. Après tout, Nansen
est revenu sain et sauf d'une expédition où, grâce à
tout le confort relatif emporté d'Europe, il n'a
pas trop souffert. Cela mérite-t-il des apothéoses ? Que
ferait-on de plus pour un unique survivant de la Jean-
nette qui reparaîtrait demain à l'état de fantôme ?
L'exploration a beau avoir le droit de devenir une af-
faire dans le sens pratique du mot, je l'aime mieux uni-
quement poussée par l'amour de la gloire et la science
vers le pôle ou vers ce qui n'est guère moins périlleu*
que le pôle, l'intérieur de l'Afrique, de l'Amérique et de
l'Asie.
N'oublions pas, nous autres Français, un précurseur
de Nansen qui s'appelait Gustave Lambert. Lambert ne
demandait que de très maigres subsides pour aller au
pôle, si maigres que lorsqu'il les obtint du Corps légis-
latif, en 1870, il vendit ce qui lui restait pour parfaire
la somme nécessaire. Cela le retarda.
Pendant ce temps, Paris fut investi par les Prussiens.
Tous ses amis lui dirent « Ne bougez pas, attendez
la réouverture des portes. » Il attendit, mais comme
c'était un brave homme et un homme brave, il bougea.
Engagé comme simple soldat dans un régiment de li-
gne, il fut tué à Buzenval.
Si Lambert était allé au pôle Nord, je gage bien qu'à
son retour il n'aurait pas tiré une fortune de sa narra-
tion, ou, dans ce cas, il en aurait consacré le montant à
une exploration au pôle Sud.
Sait-on quel est le chiffre auquel montent les
intérêts pécuniaires de la France en Turquie?
Deux milliards sept cent millions Une grande
partie de cette somme, environ un milliard et
demi, est représentée par des fonds turcs. Le
reste est disséminé dans diverses entreprises en
Turquie, chemins de fer, quais, travaux publics,
usines, etc., etc.
Il en résulte que les intérêts français dépassent
en importance les intérêts de tous les autres
peuples de l'Europe réunis. Après la France vient
l'Angleterre, en troisième vient l'Allemagne. La
Russie n'a presque pas d'intérêts économiques
directs en Turquie. A ce point de vue, elle vient
même après la Belgique.
Grandeur et décadence.
Les nombreux Parisiens qui ont l'habitude de
traverser chaque jour la rue Auber n'ont pas été,
depuis quelque temps, sans remarquer, avec une
certaine inquiétude, la disparition d'un de ses
plus remarquables, pittoresques et anciens orne-
ments je veux parler du fakir, du célèbre fakir,
du seul fakir dont s'enorgueillisse notre Paris et
qui stationnait là depuis des temps immémo- J
riaux.
¡ Qui ne se souvient d'avoir jeté, en passant, Jan
coup d'oeil sur ce vénérable mendiant à barbe
blanche, éternellement figé dans la même attitude
d'immobilité et tenant entre ses doigts crispés et
recourbés un faisceau de crayons que nul ne lui
achetait? 't i
Or, désormais, le fakir a disparu, non pas en
s élevant, comme ses confrères de l'Indoustan, en
des couches aériennes par le seul effet de sa force
psychique, mais victime, sans doute, de quelque
conspiration ayant réuni, dans un même but de
basse vengeance, police, administrations, con-
currents en mendicité.
Il a été obligé de transporter ses tristes pénates
au boulevard Haussmann. C'est là que les pas-
sants sélect pourront le voir désormais en se-
maine, mais en semaine seulement, car le di-
manche le fakir abandonne les quartiers mon-
dains désertés pour la populaire rue Lepic, plus
fréquentée.
Peste soit. de la peste, si elle doit fermer nos
ports et réduire les échanges avec l'étranger. En
attendant, activons les nôtres, nos échanges phy-
siologiques, par l'usage de l'eau de Pougues, l'é-
quilibriste de nos fonctions stomacales et intesti-
nales, et par suite la régulatrice du système
nerveux.
A travers les livres
Voici pour les débuts dans le roman d'André
Lebey, un auteur qui s'est si brillamment révélé
dans les revues des Jeunes, une bien curieuse
étude, les Premières Luttes, qui aura rapide-
ment le plus grand succès. C'est en un volume
de cette Bibliothèque-Charpentier, ordinairement
réservée aux talents consacrés, qu'elle paraît au-
jourd'hui chez l'éditeur Fasquelle.
NOUVELLES A LA MAIN
Entendu à une réunion d'actionnaires d'une
société financière
Premier actionnaire. A la suite du rapport
qui vient de nous être présenté, le conseil d'ad-
ministration est en cause. Moi, je le tiens pour
dissous.
Deuxième ACTIONNAIRE. C'est encors trop
cher.
Dans le monde.
Alors M. X. vient de célébrer ses noces
d'or?.
Vous faites erreur. il vient seulement de
se marier I.
C'est vrai. mais sa femme a eu un million
de dot t.
T m
LA MFUSM Ut M 01.UCE
Nous avons pu donner, dès hier matin, le texte
officiel de la réponse de la Grèce. Nous ne revien-
drons sur cette note que pour dire qu'une copie
en a été remise, dans la matinée, par M. De-
lyanni, ministre de Grèce à Paris, à M. Hano-
taux, qui en avait reçu, dans la nuit, communica-
tion télégraphique de notre ministre à Athènes.
A la Chambre, M. Hanotaux, interpellé à nou-
veau par M. Millerand, a, de nouveau, refusé de
répondre, ainsi que nous l'avions prévu. Le reste
de nos prévisions se réalisera également nous
en avons pour garant la sûreté de nos renseigne-
ments.
De notre correspondant de Londres:
Londres, 9 mars, soir.
La connaissance du texte officiel de la réponse
de la Grèce n'a pas modifié les impressions géné-
rales, qui restent très favorables à la paix.
La journée d'aujourd'hui a été consacrée tout
entière, comme il fallait s'y* attendre, à un
échange continuel de dépêches entre les cabinets
des six grandes puissances, qui étudient et qui
ont à arrêter la forme de la réponse à adresser à
cette réponse, qui ne les a pas pris au dépourvu,
mais dont ils ne connaissaient pas, jusqu'à ce
matin, le texte exact.
On pourrait, il est vrai, s'abstenir, et, considé-
rant la première note adressée au gouvernement
d'Athènes comme un ultimatum, passer, sans
plus de formes, des paroles aux actes.
En agissant autrement, en répondant au long
plaidoyer du ministre des affaires étrangères hel-
lène, l'Europe entend donner au roi Georges et au
peuple grec un témoignage de bienveillante con-
descendance, qui ne fera que rendre plus immua-
bles et plus énergiques les mesures de coercition
que rendrait inévitables la persistance de la
Grèce dans son refus.
Certaines puissances, dont les sympathies
pour la Grèce ont survécu à son attitude, persis-
tent à croire qu'on pourrait peut-être, à titre de
mesure transitoire, autoriser une fraction des
troupes hellènes débarquées en Crète à y concou-
rir au maintien de l'ordre, sous le commande-
ment des amiraux.
Je vous avais signalé, il y a quelques jours dé-
jà, cette éventualité elle est de nouveau mise en
avant, mais on insiste tout particulièrement sur
ce point, qu'il ne saurait y avoir là qu'une me-
sure d'un caractère essentiellement transitoire et
.qui ne porterait aucune atteinte au double prin-
cipe de l'évacuation et de l'autonomie de la
Crète. Le concert est plus solide que jamais.
G.
A LA CHAMBRE
J'ai pu causer, hier, avec quelques députés sur
la signification exacte de la réponse du gouverne-
ment grec à la note des puissances. Est-ce le blo-
cus ? Est-ce la guerre ?. est-ce le blocus ou est-
ce la paix après un nouvel échange de petits pa-
piers avec M. Skouzès ? `?
SI. Lockroy
J'ai lu attentivement la réponse du gouver-
nement grec, me dit M. Lockroy, et je ne vous
dissimule pas qu'à mon avis c'est là un docu-
ment des plus diplomatiques, c'est-à-dire fort
habile. La Grèce répond aux-puissances soit, je
consens à retirer mes vaisseaux elle pense avec
juste raison que devant les bateaux des six puis-
sances réunis devant la Canée sa flotte peut s'en
aller sans inconvénient dans d'autres parages.
Donc elle a l'air de céder sur ce point.
«D'un autre côté,le documentditque les troupes
du colonel Vassos qui se trouvent en Crète ne de-
mandent pas mieux que de collaborer à la pacifi-
cation de l'île sous la haute direction des puis-
sances.
» Les Grecs se sont donc montrés Normands,en
ne répondant ni non, ni oui, à la note des puis-
sances. Je ne crois pas qu'il y ait là matière à dé-
sespérer d'une solution conforme aux vœux de
tous, à la paix européenne.
» Il est vrai que le gouvernement ne consent
pas knous dire, avant jeudi, ce qu'il pense, ni ce
qu'il veut faire.
» Attendons jeudi » »
M. Francis Charmes
n'est pas pessimiste, lui non plus.
Il était à prévoir, nous dit-il, que la Cham-
bre n'insisterait pas pour obtenir du gouverne-
ment des explications sur sa ligne de conduite
après la répoii^e de la Grèce, avant que le minis-
tre des affaires étrangères n'ait eu le temps d'é-
changer ses vues avet> .les cabinets européens.
» Les Grecs demandent à rester en Crète?
» Mais si les troupes grecefuos restent, les trou-
pes turques voudront rester aussi, et elles y ont
incontestablement plus de droit que les troupes
grecques. Et alors?
» II est sûr que la gouvernement grec cherche
simplement à gagner du temps. J'estime que
l'Europe a pris une attitude; devant les torts
incontestables de la Grèce, elle la maintiendra.
La forme évasive de la réponse grecque per-
mettra sans doute aux puissances de ne pas abou-
Un Domino
tir immédiatement aux conséquences rigoureuses
de la note collective mais, malgré le nouveau
sursis qu'on pourra donner à la Grèce, celle-ci
devra céder sur tous les points. »
Mais voici
91. Develle
ancien ministre des affaires étrangères, qui tra-
verse la salle des Pas-Perdus.
Je me précipite sur lui
Eh bien et cette réponse ?. est-ce la paix? f
M. Develle rallume son cigare et murmure ce
simple mot
Je le crois.
Je rencontre enfin
SI. le baron d'Estourneïles
ancien conseiller à l'ambassade de Londres,
ancien ministre de France à Alexandrie. Voici
l'opinion du distingué député de la Sarthe sur la
situation
-Je tiens avant tout à ne pas gêner l'action du
gouvernement, et j'ai eu grand soin de ne pas
dire un mot qui puisse impliquer une critique
depuis que les événements se sont précipités. Je
ne regrette pas toutefois que ces événements
fassent au Parlement l'objet de discussions répé-
tées et que le sentiment public s'éclaire ainsi peu
à peu.
» Sans ces discussions, on pourrait croire à
l'étranger que la France est indifférente, et nous
demander par suite d'aller plus loin que nous ne
voudrions. Après des années d'une tolérance
coupable en faveur des Turcs, nous ne pouvons
vraiment réveiller tout à coup notre énergie pour
l'exercer contre les Grecs. Ce serait une dérision,
une faiblesse, une imprudence. Ce serait risquer
de déchaîner la révolte en Grèce et d'encourager
la reprise des massacres en Turquie.
» L'Europe tout' entière veut la paix, heureuse-
ment elle ne la maintiendra qu'en intimidant
les oppresseurs et en rassurant les oppressés. Ce
n'est pas une politique de sentiment; c'est une
politique de prudence et de simple bon sens. »
Citons, pour terminer, cette parole textuelle
d'un ministre qui cause, à côté de moi, avec un
député
« Vendredi, le gouvernement, d'après des ren-
seignements qui me sont communiqués à l'instant
même, pourra, je l'espère, déclarer aux Chambres
que la France n'aura pas à intervenir, et que la
paix est assurée. »
Marcel Hutin
BLANCS ET BLEUS
Bien qu'étant fils de père et de mère bretons,
j'avoue qu'en l'an de grâce 1876, au moment de
faire une tournée de candidat bonapartiste dans
l'Ille-et-Vilaine, je croyais les termes de « blanc
et bleu » qui ont retenti l'autre jour à la Cham-
bre au sujet de l'élection de l'abbé Gayraud abso-
lument tombés en désuétude chez les petits-fils
des combattants de Cholet et de Chatillon.
C'était bien peu connaître ce pays de Bretagne,
où si peu de choses s'oublient, où dans le cours
précisément de cette tournée je devais, comme je
l'ai raconté un jour, entendre un maire de village
reprocher à l'Empire non pas Sedan, mais le di-
vorce de Napoléon Ier. A peine avais-je heurté
aux premiers buissons de la route ce chapeau_
haut de forme que Janvier de La Motte m'avait
toujours recommandé de porter au cours de la
campagne électorale, comme plus respectueux
pour l'électeur rural, que déjà les mots de blancs
et bleus m'étaient devenus aussi familiers que le
cri du goëland le long des grèves foulées par
mes pas ambitieux.
Je me rappelle qu'une fois même l'emploi de
ces expressions m'a laissé quelque peu rêveur à
cause de la bouche qui les prononçait.C'étaitdans
un bureau de tabac àTinténiac.sijene metrompe,
à moins que ce ne fût à Pleugueneuc où j'étais
entré avec deux patrons de ma candidature, car
ma candidature a trouvé jusqu'à deux patrons, ce
qui me rend rétrospectivement bien fier. Le débi-
tant, un bel homme grisonnant, portant mousta-
che et impériale, assez communicatif tant que
je lui parus un simple acheteur de caporal et de
timbres-poste, m'arrêta net dès que je lui glissai
les quelques premiers mots de ma candidature
« Nous autres, en Pretagne, me dit-il avec auto-
rité, nous sommes tous pleus. »
Ce débitant, à ce que j'ai appris depuis, était
un ancien gendarme, enfant de Colmar, qui,
retraité en Ille-et-Vilaine, avait pris à son terroir
d'adoption le vocabulaire politique, à défaut de
l'accent du cru.
En ce temps-là, également, il n'y avait pas de
nuance intermédiaire. Tous blancs royalistes à
cette époque ou bleus républicains dans la classe
moyenne, et le bonapartiste, par conséquent,
passé à l'état de quantité négligeable. Un jour
qu'entre deux fatigantes randonnées de candidat,
j'étais venu me délasser à Rennes, je rencontre
sur la place du Palais un ancien camarade de
Paris en garnison dans la capitale de l'ancienne
Bretagne. Après les « Toi ici I » et les « Comment
vas-tu? » obligatoires, mon camarade me pro-
pose d'aller prendre un vermouth au café de la
Comédie, qui était alors le plus achalandé de
Rennes. J'accepte. Mais une fois sur le seuil, il
s'arrête comme frappé d'une idée et me dit
préoccupé
Attends un peu. Tu es candidat bonapar-
tiste.
Oui. Eh bien? y
Eh bien I Je me demande de quel côté du
café nous allons aller, à gauche ou à droite.
Comprends mon embarras. Tu vois que le comp-
toir est placé entre deux salles, l'une à sa gauche
l'autre à sa droite. Or, tous les consom-
mateurs républicains ont l'habitude de s'ins-
taller dans la salle de gauche, tous les consom-
mateurs royalistes dans celle de droite, et cela
depuis un temps immémorial sans qu'il y ait
jamais eu entre eux non seulement de fusion,
bien entendu, mais même de confusion. Il n'y
a pas de place pour un troisième parti. Voila
pourquoi je me demande où tu peux bien te caser
comme bonapartiste, à moins que ce ne soit sur
les genoux de la dame de comptoir.
•̃̃̃̃ 3fc~
Ce qui est bien significatif également sur
q a
La terre de granit recouverte de chênes
c'est que le « blanc » n'y est pas exclusivement
comme, dans d'autres régions de la France, le
noble d'une part, et ensuite l'obligé du no-
ble, son fermier, son ouvrier, votant pour lui
quelquefois sans conviction. Ainsi que dans cette
ville de Nîmes, où M. Alphonse Daudet nous a si
pittoresquement dépeint les « états d'âme » roya-
listes des petits bourgeois et des artisans de
l'Enclos Rey, on rencontre dans toutes les villes
et dans tous les villages de Bretagne des bouti-
quiers, des pêcheurs, des paysans aussi roya-
listes sinon que le Roi, du moins que le marquis
ou le baron habitant les manoirs voisins de chez
eux. Je vois encore d'ici le regard plein de franchise
avec lequel un paysan, vêtu de la blouse bleue et
coiffé du bonnet de coton blanc encore tradition-
nel là-bas, me dit en plein champ de pommes de
terre, entouré d'une dizaine de « gars» accoutrés
comme lui « Nous sommes tous pour le Roi dans
c'te paroisse ici ».
Les raisons de cette persistance de l'idée roya-
liste chez certains bourgeois et prolétaires bre-
tons sont le plus souvent moins fondées sur
le raisonnement que sur le sentiment. Le Breton
est longtemps resté légitimiste çarce que les no-
bles de l'Armorique « nos messieurs», comme di-
saient les paysans de ces régions-là, ont toujours
été ce qu'on appelle maintenant, à' Paris, « à la
coule ». Les gars ont chouànné jadis pour eux,
parce qu'ils n'étaient pas fiers, qu'ils n'allaient
pas se ruiner à Versailles, gu'ils vivaient dans le
peup, non sur le peuple.
L'autre jour, à la Bodinière, après une très in?
téressante conférence de M. Henry, Fouquier, j'ai
entendu Mme Amel chanter, entre autres chan-
sons nationales, celle si jolie qui fut un cri d«
guerre vendéen et qui commence par
Monsieur d' Gharette a dit à ceux d'Ancenis.
Faites-vous dire cette chanson, si vous ne vous
la rappelez, elle explique toute la Vendée Elle
révèle l'amour des humbles pour leurs messieurs
qui, avant d'aller soi-disant «chasser la perdrix»
leur ont dit de s'armer comme ils se sont armés
eux-mêmes
Prends ton fusil, Grégoire,
Prends ta gourde pour boire.
Et pour lesquels Grégoire se faisait tuer aveo
plaisir, car ces nobles de l'Ouest ne croyaient pas
déchoir en se battant sous les ordres d'autres
Gregoires, de Cathelineau, par exemple, un an-
chasse™ porteur'et de Stofflet qui fut garde-
chasse.
Cette confraternité d'armes créée sur les champs
de bataille de la Vendée s'est cimentée de nou-
veau en 1870. Le mobilisé englué dans les boues
du camp a Conlie, le mobile breton dépaysé dans
le Pans du siège ont toujours trouvé appui et as-
sistance auprès du gentilhomme capitaine ou
lieutenant leur chef. Ils s'en sont souvenu une fois
rentres chez eux au jour du scrutin. Ce n'est pas
le cléricalisme qui a été le facteur des élections
royalistes en Bretagne pendant vingt ans, c'est
beaucoup le « bon garçonnisme » et ma foi il n'y
a pas honte à cela.
Il est même grand dommage, je le dis sans es-
prit de parti, que la reconnaissance du paysan
breton pour ses « messieurs » se soit un peu éva-
porée avec le temps. La représentation nationale
n y gagne rien comme valeur. Loin de la Au
temps ou j'étais embarrassé pour aller m'asseoir
a gauche ou a droite au café de la Comédie à Ren-
nes, mon incurable « réactionnarisme » aurait
trouve aux tables de gauche des contradicteurs
instruits, intelligents et modérés. Songez gue M
Waldeck-Rousseau devait être à quelques années
delà députe de Rennes. Aujourd'hui, presque
toute la représentation républicaine des cinq dé-
partements de Bretagne est de cette étoffe parti-
culière ou se taillent les jaquettes des sous-vé-
tennaires. Et le modéré a disparu. C'est un
loup-garou dont on ne parle plus qu'à la veillée.
Le bleu, a force d'exciter le paysan contre le
blanc, la rendu rouge. Pauvre vieille Bretagne
royaliste et chrétienne, je te pleure, comme a dit
lneophile Gautier de l'Egypte, et plus juste-
ment encore « avec des larmes de granit »
Gaston Jollivet
B/oc-Mofes Parisien
CONTRE-ENQUÊTE
Le gouvernement heriénique a voulu sonder l'opinion
publique en France. Il s'est naturellement adressé à
Mme de Thebes, qui a évoqué trois notabilités de la
Grèce antique et les a semées dans Paris avec mis-
sion de lui rédiger un rapport sur l'état des esprits
Voici la copie de ce document, que nous avons pu
nous procurer par des moyens inavouables
I
« A peine sorti de nos Champs-Elysées, j'en ai trouvé"
d autres, sensiblement plus gais, où, devant un monu-
ment totalement dépourvu de style, stationnait une
ioule curieuse. La porte du monument s'est ouverte et
des chars en sont sortis, chargés d'hommes et de fem-
mes vêtus de costumes bizarres. J'ai compris que je
tombais en pleine bacchanale, et, me trouvant dans un
élément familier, j'ai escaladé l'un des chars, où mon
propre vêtement n'a excité la surprise de personne.
» J y suis resté trois jours, pendant lesquels j'ai par-
couru les rues de la ville. Les habitants de cette grande
cité m ont paru exclusivement préoccupés de se jeter à
la figure de petits morceaux de papyrus découpés en
rond.L un d'eux ayant ouvert la bouche pour deman-
der ou en était la question grecque, son voisin la lui a
fermée en y engouffrant une poignée de ces projectiles
Jen eusse été moi-même aveuglé sans le masque
qui ne me quitte jamais. Ce masque m'a d'ail-
leurs valu quelques railleries de la foule par la-
quelle i ai été plusieurs fois traité de « vieux pcw
» chard ». Je n'ai pas compris ce genre de plaisan-
icnc*
» Thespis. »
Il
« Suivant vos instructions, je me suis tout d'abord
rendu au palais où siègent les représentants de notre
pays. J y ai trouvé plusieurs jeunes hommes fort aii
mables qui m'ont prêté un de leurs costumes en échan-
ge du mien, lequel, m'ont-ils dit, eût risqué de me
faire inutilement remarquer. Puis, l'un d'eux m'a con-
duit vers un temple où j'ai cru reconnaître une vague
copie de notre Parthénon. Ce temple était plein d'hom-
mes qui se bousculaient, poussaient des cris sauvages
et paraissaient en proie au plus étrange délire. Mon
guide m'expliqua que ces hommes étaient là pour
chiflrer les fortunes de tous les peuples du monde, et que
ma science des nombres m'avait désigné pour me ren-
dre compte de l'estime qu'ils faisaient de notre pays.
» Je renonçai bientôt à discerner quoi que ce soit au
milieu de ce tumulte effroyable, et je trouvai plus sim-
ple d'aborder un de ces bruyants personnages en lui de-
mandant ce qu'il pensait de la Grèce. Il cessa brusque-
ment de crier, me considéra un instant avec l'expres-
sion d'une stupeur profonde, et, roulant soudain dès
^eux féroces, me lança au visage ce mot qui semblait
résumer sa pensée « Zut si vous ne payez pas votre
:oupon » Je vous transmets cette exclamation sans
sn avoir saisi le sens.
» Pythagore. »
IN
« J'ai pensé que le plus sûr moyen de connaître l'o.
prnion de la nation française était d'aller rendre visite
lux hommes qui ont pour mission de traduire cette opi-
nion par leurs discours. Je me suis donc fait indiquer
e lieu où ces hommes tiennent leurs assises, et j'y suis
illé tout droit. Les portes s'ouvrirent devant moi sans
que leurs gardiens parussent surpris de mon costume.
l'en profitai pour me mêler à plusieurs groupes où dei
orateurs exprimaient familièrement leurs idées sur les
questions du jour.
» L'un d'eux terminait justement sa harangue par ces
nots, qui restèrent obscurs pour moi « Les Grecs ? i'
1s nous rasent » Je m'approchai de lui et le priai de
rouloir bien m'expliquer le sens de ses paroles.
c Tenez, me dit-il, demandez à mon collègue de vous
> les traduire. Entre musulmans vous vous entendrez
> mieux I »
» Et il me montra un petithomme vêtu d'une tunique
)lanche, qui venait d'entrer et, se mettant à genoux,
rappait la terre de son front. Je partis indigné d'avoir
ru prendre pour un Turc
» Votre dévoué,
Démosthènes. »
Ce triple rapport est parvenu avant-hier à Athènes.
)n nous assure, de bonne source, qu'il n'est pas étran-
er à la décision du gouvernement grec.
Tout-Paris
RAMUNTCHO
Par Pierre Loti
C'est demain que paraît le nouveau roman de Pierre
ioti llamunlcho. L'intrigue, à la fois simple et pa-
îétique, se déroule sur la frontière d'Espagne, en
ït étrange et peu connu pays basque, dans le monde
es contrebandiers. Nous sommes heureux de pou-
oir offrir à nos lecteurs la primeur de quelques pa-
as de ce beau livre, que nous a communiquées l'edi-
iur Galmann-Lévy, une impressionnante histoire de
jntrebande nocturne qui met en scène le héros
iême du roman.
Minuit, une nuit d'hiver noire comme l'enfer,
ar grand vent et pluie fouettante. Au bord de la
idassoa, au milieu d'une étendue confuse au sol
aître qui éveille des idées de chaos, parmi des
ises où leurs pieds s'enfoncent, des hommes
îarrient des caisses sur leurs épaules et, entrant
ins l'eau jusqu'à mi-jambe, viennent tous les
ster dans une longue chose, plus noire que la
uit, qui doit être une barque, une barque
ispecte et sans fanal, amarrée près de la berge.
C'est encore la bande d'Itchoua qui, cette fois,
i opérer par la rivière. On a dormi quelques
81» Année. 3e série. N" 5604.
PARIS ET DÉPARTEMENTS 15 CENTIMES
LE PLUS GRAND JOURNAL DU MATIN
ARTHUR fflEYER
JOt~MBT
9ÉO|CT1ON
de GOiasm huches bu" Mm A xms heuhe nu hattu
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Montmartre et des Italiens
ABONNEMENTS
Paris et départements
ï^.mois •• 5 fr. I Six mois 211t.
Trois mois 13 50 | Un an &4 fr.
~M~Mtgef
Trois mois (TTnioii postale) i<$ fr.
I«es manuscrits ne sont pas ren&us
ARTHUR iiSYER
Dirs1t1s4x
ADMINISTRATIO»
RENSEIGNEMENTS
ABONNEMENTS, PETITES AHHOSQS
2, rue Drouot, 2
(Acgla des boulevards Montmartre et dos icaim
ANNONCES
klluf. CH. LAGHANGB, CERF & Q»
6, PLACB DE LA. BOURSE, 6
Et à V administration du Journal
Li«e manuscrits ne sont pas rendu!
~;j~~
ET LE TSAR?
̃'̃ Lgs grandes douleurs sont muettes, dit-on. Ce
n'est pas totit à fait vrai, et j'ai connu des gens
:
II serait plus juste de prétendre que les dou-
leurs paraissent plus grandes lorsqu'elles sont
.«^Jàcentrées et silencieuses. Et ce que l'on dit de
'laMuleur pourrait convenir à tous les grands
sentiments
,çore à la volonté.
e&çore à la volonté.
.y- Un homme qui serre les poings et grince des
dents sans rien dire paraît plus furieux; un hom-
me qui marche droit, l'œil fixé vers son but et
sans consentir à discuter, paraît plus résolu.
En d'autres termes, il est admis que les mani-
fegtations extérieures détendent les sentiments
et que là parole ou la plume sont des soupapes
fe l'âme, soupapes dont l'ouverture laisse nos
jrbes intimes se répandre et se perdre dans
rifnmensité impassible, comme les soupapes des
chaudières laissent s'échapper en un nuage inof-
ïens|f la vapeur dont l'effort intérieur briserait
Ips parois d'acier.
J C'est un système, une théorie de psychologie
-,gui condamnerait la littérature et l'éloquence à
n èjprimér qHe des sentiments affaiblis si,comme
le Soutiennent les naturalistes, l'art avait pour
;ùnique but une représentation aussi adéquate
que possible de la nature.
Avec ce système, "avec cette théorie, les héros
||e l'Iliade deviendraient de simples cabotins,
exprimant des colères qu'ils ne ressentent point.
flar le vieil Homère a l'habitude de mettre dans
|a bouche de ses guerriers, au moment où ils
tTont s'étreindre, des discours tellement longs que,
transportés dans les œuvres modernes, ils abou-
tiraient forcément non à combat corps à corps,
mais à un déjeuner sur l'herbe.
Et cependant, si vous consultez Zola, le grand
interviewé vous déclarera qu'Homère est le père
t naturalisme et que lui-même, lorsqu'il écrit
livret d'opéra en prose, a pour unique et mo-
deste ambition le désir de faire de l'Homère.
Néanmoins, en dépit de l'hérédité, de l'ata-
visme et de l'habitude ancestrale, on me permet-
tra de penser et de dire que la note de la Grèce
fa réponse à l'ultimatum des puissances, note
gui a absorbé cinq grandes feuilles de papier éco-
lier ou ministre recelé et le protocole usent
;au même format est un peu trop longue pour
exprimer un refus catégorique.
Sans aller jusqu'à la concision militaire de
Capibronne, des gens qui seraient décidés à se
Mre casser la tête pour s'annexer la Crète n'en
patenteraient pas tant. Il est à présumer que le
gouvernement du roi Georges, en face de l'atti-
*gfte des puissances résolues à donner à la Crète
son autonomie, a compris que la situation de la
Grèce devenait moins sympathique puisqu'elle
i poursuivait non point la délivrance de ses frères
mais l'augmentation de son territoire.
C'est pour cela qu'au lieu de répondre simple-
'• ment non, au- concert européen l'invitant à reti-
rer sa flotte et ses troupes de terre, il se réfugie
dans une cote mal taillée, offre de rappeler ses
vaisseaux, mais fait des difficultés pour rapatrier
le colonel Vassos et ses soldats. Il demande à
l'Europe de laisser ce colonel coopérer au main-
tien de la tranquillité en Crète.
Les puissances lui répondront probablement
qu elles peuvent se passer de lui, que l'attitude
gu elles ont prise vis-à-vis de la Turquie exige
même qu'elles s'en passent, et qu'en outre le co-
Jonel Vassos est un singulier restaurateur de
l'ordre, puisque son arrivée en Crète a été le
point de départ de nouveaux désordres et puis-
que, pour imposer la tranquillité, il serait obligé
de tirer sur ses auxiliaires sinon sur ses propres
soldats.
Mais, tout au moins,la note grecque a cet avan-
tagé dans sa prolixité, de permettre aux puis-
sances, dans leur longanimité et leur bienveil-
lance légitimes pour la Grèce, de causer encore,
si elles y consentent, avant même d'entamer le
fclocus, c'est-à-dire un premier simulacre d'atti-
tude hostile.
H reste, en outre, dans cette note de la Grèce
un point digne de commentaires; c'est la demande
déguisée de plébiscite à accorder aux Crétois, ap-
pelés à choisir leur gouvernement.
Il est très probable que si les Crétois n'étaient
soumis à aucune pression, ils préféreraient les
cieniaits ae i autonomie et de l'indépendance à
l'honneur de faire partie de la Grèce. Et c'est
même pour cela que dans cette hypothèse, le co-
lonel Vassos devrait se retirer, pour qu'on ne pût
pas l'accuser d'avoir pesé sur le plébiscite.
Et les Crétois auraient, fichtre bien raison de
ne pas vouloir épouser la dette grecque et la bar-
barie du système militaire moderne que les
Grecs ont emprunté aux grandes nations en même
temps que leur argent. Il faudrait être fou, lors-
qu'on peut rester en dehors du tourbillon anti-
social et antihumain qui conduit les nations à des
hétacombes et à des cataclysmes intellectuels,
lorsqu'on a autour de soi la barrière bleue des
flots, sous ses pieds un peu de terre nourricière,
et sur sa tête le dôme d'azur du ciel d'Orient, il
faudrait être fou pour demander d'appartenir à
un groupe quelconque d'hommes liés les uns aux
autres parles entraves insupportables qu'ils ap-
pellent prétentieusement et faussement les bien-
faits de la civilisation.
Mais, d'ailleurs, il n'est pas probable que les
Crétois soient exposés à commettre cet acte de
«emence. Sur les six puissances interlocutrices
c ne la Grèce, deux seules comprennent ce que si-
gnifle un plébiscite.
La France sait ce que c'est qu'un plébiscite.
C est une opération qui a pour but d'assurer l'é-
4. ternité à un régime que l'on renverse six mois
̃' après;
^'l^l^ sait aussi ce
laquelle les populations exaltées ou terrorisées
justifient et consacrent les attentats commis con-
tre le droit international et les agressions tentées
en pleine paix.
Mais les quatre autres puissances ne peuvent
pas entendre parler de ce procédé d'établir la sou-
veraineté et de légitimer les annexions.
Ce n'est pas l'Angleterre qui accepterait un
plébiscite crétois, pour qu'on lui parlât d'un plé-
biscite égyptien.
Ce n'est pas l'Allemagne, qui s'est faite avec le
tranchant du fer et non avec le sapin des urnes.
Ce n'est pas l'Autriche-Hongrie, qui tomberait
en poussière si les populations de son habit
d Arlequin pouvaient tirer chacune de son côté.
Ce n'est pas la Russie, enfin, qui n'a pas préci-
sément consulté les Polonais.
Cette idée de proposer un plébiscite àFEurone e
est une idée de garde national.
Mais ce qu'il y a de plus intéressant pour nous
dans cette manifestation diplomatique, c'est que
peut-être, en épargnant à l'Europe l'obligation
f ^i*111^ le blocus immédiat, elle épargnera à
la Chambre française l'ennui de blesser nos pa-
roxystes et nos outranciers, en se prononçant une
seconde fois pour la politique de concert euro-
péen, qui nous obligerait, en bonne logique, à
prendre notre part du blocus et des moyens sûb-
gequents.
«iJîLl a quelques jours, à propos de fattikide ré-
fëf u™^1^3 organes ^8, je racontais
ïeç eura da Gauiofsl'his du peiiillre cii
;|W* lecteurs au Gaulois l'histoire du peintre en I
bâtiment qui accomplissait son voyage de noce
sans sa femme, et 'je rapprochais cette anecdote
très rée,l|e de npjre situation en face de la Russie,
qui s'est mariée' avec nous il y a quelques mois,
et que nous ne pouvons pas refuser de suivre a
sa première sortie.
Il faut insister sur les devoirs, ou plutôt sur les
obligations que nous impose cette alliance, préci-
sément parce que ceux qui l'ont le plus réclamée
ne semblent pas se douter qu'elle nous force à ne
pas lâcher la Russie.
Jadis, la politique du recueillement, de l'abs-
tention, du reploiement sur soi-même, après nous
avoir été imposée par nos désastres, avait fini
par conquérir parmi nous des partisans. Elle ne
me déplaisait pas, cette politique, encore qu'elle
ressemblât à une renonciation absolue de la
France au rôle séculaire qu'elle avait joué en
Europe. Elle ne me déplaisait pas. Et voici pour-
quoi.
Je suis un rallié d'une espèce spéciale. Les ral-
liés ordinaires ont reçu de Notre Saint-Père le
Pape le conseil de se rallier à la république, mais
de combattre les républicains qui ont fait de si
mauvaises lois. Pour moi, c'est tout le contraire.
Les républicains ne m'inspirent pas de senti-
ments hostiles, tandis que je s*is travaillé d'une
haine inaltérable et d'un mépris profond pour la
république.
Le rallié pense que la république vaut mieux
que le républicain. Je pense, moi, que le répu-
blicain vaut mieux que la république. A part
cela, nous sommes d'accord, le rallié et moi.
Ceci étant, et la république me paraissant un
gouvernement interlope, je suis porté à conseiller
a mon pays qui en est affligé, ce que je conseil-
lerais a mon meilleur ami, s'il s'obstinait à vivre
en concubinage.
A l'ami, je dirais « Cache-toi ne fréquente
personne, ne vas pas dans le monde et tu n'y
perdras pas grand chose au fond. » y
A mon pays j'aurais dit volontiers « Ne cher-
che pas d'alliances. Ne t'avise pas de fréquenter
les monarchies; ce n'est pas ton monde. Reste
dans ton coin. Ne sois plus la France, puisque tu
n'es plus en monarchie. Sois la Suisse, puisque
tu es en république. Tu ne feras pas mieux
qu'elle. Fais aussi bien 1 »
Mais les républicains grillaient d'envie d'ins-
taller leur république au milieu des monarchies
européennes. Et quand ils ont été certains que le
Tsar consentait à symboliser par un voyage, aux
yeux de l'Europe, l'alliance franco-russe, ils ont
crevé d'orgueil dans leur peau de bourgeois ou
de bohèmes embourgeoisés et ravis de pénétrer
dans le high-life.
Pour le paysan; pour l'ouvrier, l'alliance russe
a été la satisfaction délicieuse d'un besoin que
l'être humain éprouve, d'un besoin qui constitue
sa supériorité sur les animaux, d'un besoin indi-
viduel chez l'homme et collectif chez les nations
le besoin de n'être pas seul, le besoin de se repo-
ser des rancunes par l'amitié, le besoin d'aimer,
l'instinct social.
Pour le républicain, pour le monde officiel,
l'alliance russe a été un acte colofsal dé"sno-
bisme. 0 ossal de sno-
Aussi que penser de ceux qui Hont exploitée et
qui viennent aujourd'hui chanter les bienfaits de
l'isolement, aujourd'hui que l'alliance est sortie
de la-période des embrassades pour entrer dans
la période des actes ?
Tout uniment que ce sont de pauvres gens qui
n'y voient pas plus loin que leur nez. Peut-on,
en effet, trouver quelque chose de plus comique
que ce rapprochement q
Il y a six mois, une partie de la presse fran-
çaise taxait d'infamie Hanotaux, sous prétexte
qu'en son machiavélisme il faisait tout ce qu'il
pouvait pour s'opposer a~ la consommation du
mariage mystique et politique de la France et de
la Russie.
Aujourd'hui, cette même partie de la même
presse française taxe le même Hanotaux de la
même infamie, parce qu'il expose nos marins à
se rencontrer avec ceux de l'amiral Avellan,
pour bloquer le Pirée 1
Bien curieux 1 n'est-ce pas q
4>
Ce qui se passe
GAULOIS-GUIDE
Aujourd'hui
Courses à Neuilly-Levallois.
Visite au musée Grévin.
ÉCHOS JD1[ PARIS
Le jour où, la folie sportive étant arrivée à son
comble, on organisera des journalodromes,
on assistera à quelques courses d'informations
qui intéresseront quelquefois les tranquilles spec-
tateurs des tribunes, ce sont les lecteurs que
nous voulons dire.
L'épreuve de lundi soir compterait parmi les
plus mémorables grâce à l'ardeur d'un de nos
colkCborateurs, le Gaulois étant arrivé dead-
heat avec Y Éclair, nous avons pu offrir à nos
lecteurs la primeur du texte officiel de la réponse
du gouvernement grec.
Entre le départ et l'arrivée au poteau, il a fallu
compter quelques obstacles, mais les reporters
ont une satanée cravache amour-propre qui leur
fait sauter toutes les banquettes, que dis-je,
franchir toutes les portes.
A une heure et demie du matin, le téléphone
nous apportait la nouvelle de l'arrivée de la dé-
pêche officielle à l'Agence nationale malheu-
reusement, le temps d'en traduire le chiffre et
d'en produire au polycopie quelques exemplaires
pour les journaux, cela remettait à une heure im-
possible le résultat définitif.
Notre collaborateur ne se découragea pas pour
si peu: il courut à l'agence, força toutes les consi-
gnes et, suivant mot à mot par-dessus son épaule
le travail du traducteur, transcrivit le texte en-
tier qui, feuille par feuille, arriva à notre typo-
graphie où, grâce à la bonne volonté de tous, il
fut rapidement composé.
Et je suis sûr que vous, qui, légèrement, en
même temps que votre café au lait, avez dégusté
la nouvelle, vous ne vous êtes pas douté du
rush final de cette course de la dernière heure 1
Simple réflexion.
Le tribunal de simple police vient de condam-
ner cinq manifestants philhellènes à 1 franc
d'amende pour tapage nocturne.
20 sous, ce n'est vraiment pas payer trop cher
le droit d'affirmer hautement ses opinions, quand
on songe aux sommes que dépensent certains can-
didats pour déguiser les leurs I
Dans les rues de Paris.
Maintenant que l'automobilisme jette sur la
voie publique un nombre de jour en jour plus
grand de voitures de tous calibres, il serait peut-
être bon de réfréner un peu la dangereuse ardeur
de quelques cochers-mécaniciens.
Tout le monde a été frappé de la vitesse vrai-
ment exagérée avec laquelle certains de ces auto-
médons circulent dans les endroits les plus fré-
quentés de Paris. Ils vont, jetant l'avertissement
bruyant de leurs trompes, et devant eux, sem-
ble-t-il,'le monde entier doit respectueusement
se garer.
Les sportsmen qui manœuvrent eux-mêmes
leurs voitures automobiles apportent naturelle-
ment dans cet exercice une prudence que leur
commande la connaissance des choses de sport,
mais nous avons vu de ces voitures confiées à
des jeunes gens que la frayeur d'un cheval met-
J. Cornély
tait en joie, les encourageant à redoubler âx
bruit ou de vitesse. •̃ ̃
Quelques bonnes contraventions, comme des
coups de règle sur les doigts, apprendraient peut-
être aux grands enfants qu'il y a des jeux dange-
reux pour les petits camarades.
C'est un rêve caressé de son vivant par Dumas
fils, que réalise aujourd'hui la souscription ayant
pour objet l'érection d'un monument en l'hon-
neur de l'illustre mort sur la place où s'élève déjà
la statue de son père.
L'auteur de la Dame aux Camélias s'en était
déjà expliqué, il y a quelques années, avec un de
nos collaborateurs, au cours d'une lettre où il ra-
conte en même temps comme suit un trait amu-
sant de son père, rapporté inexactement jus-
que-là
Un jour, je le trouve travaillant comme à l'ordi-
naire. Comment vas-tu ? Je suis très fatigué
(tout en continuant à écrire). Tu devrais te repo-
ser. Alors, il ouvre son tiroir et me montre.deux piè-
ces de vingt francs Mon cher, quand je suis ar-
rivé à Paris, me dit-il, en 1823, j'avais cinquante-
trois francs. "Et vois, je n'en ai plus que quarante.
Tant que je n'aurai pas rattrapé mes treize francs,
je ne pourrai pas me reposer.
On sait qu'il ne rattrapa jamais ses treize
francs et qu'il ne se reposa que dans la tombe.
Une station brûlée.
Ceci n'est pas un fait-divers, le mot brûlé
n'ayant ici qu'un sens figuré.
Par suite d'une distraction incompréhensible,
Je mécanicien conduisant hier le train de quatre
heures et demie, Paris-Versailles, a oublié de
s'arrêter à Bécon-les-Bruyères 1
Les voyageurs ont eu beau agiter à la portière
mouchoirs et chapeaux, le train a clairement ma-
nifesté son mépris pour la modeste station, en
passant outre. Le mécanicien avait-il un rendez-
vous, a-t-il aperçu un créancier, une belle-
mère ? R
On se perd en conjectures sur ce fait qui ten-
drait, s'il se renouvelait, à diminuer l'importance
de la gare de Bécon-les-Bruyères.
Indiscrétion littéraire.
M. Paul Hervieu, avant d'être un romancier
mondain et un auteur dramatique consacré, était
une manière de satiriste à froid qui savait châ-
tier, comme le veut l'adage latin, en riant. Té-
moin un livre introuvable la Bêtise parisienne,
formé d'une suite de petits chapitres dont le
Gaulois avait eu la primeur.
Car M. Paul Hervieu débuta dans ce journal.
Or, l'auteur de la Loi de l'homme va publier
une nouvelle édition de ce vieux livre. Nous
avons pu en parcourir les bonnes feuilles tt, com-
me nous connaissons la Bêtise parisienne pre-
mière manière, nous n'avons pas eu de peine à
constater que M. Paul Hervieu en avait retranché
la partie qui s'appelait Etudes politiques, et où
le jeune écrivain raillait admirablement le « Jeu
des institutions», le « Conseil des ministres», les
« Crises ministérielles », etc.
Il serait piquant de savoir p«urquoi M. P. Her-
vieu a fait ces suppressions son livre sera cer-
tainement très intéressant, mais encore une fois.
l'académicien d'après-demain n'avait-il pas des
raisons particulières de rogner sans merci dans
son amusant vade mecum de la Bêtise pari-
sienne ?
On mande d'Arras
Un couvreur de Mouchy-au-Bois, père de sept t
enfants, qui venait aujourd'hui toucher un cou-
pon à la Trésorerie générale, a appris que son
obligation gagnait cent mille francs à un des der-
niers tirages.
C'est certainement la première fois que ce cou-
vreur reçoit sur la tête une tuile aussi agréable I
Un buste de Sarah Bernhardt.
Il y a quelques mois, boulevard'de Clichy, de-
vant l'hôtel de M. Gérôme,s'arrêtait souvent une
voiture attelée de chevaux fringants.
Un jeune garçon, au type oriental, portant le
costume de son pays, descendait du siège et ou-
vrait la portière.
Ce serait le moment de réitérer la vieille plai-
santerie la voiture était vide, Sarah Bernhardt
en descendait. mais cette légende de maigreur
est aujourd'hui, comme l'on sait, un gracieux
mensonge.
Donc l'illustre comédienne venait poser, entre
deux répétitions, devant le non moins illustre
peintre-sculpteur qui exécuta un buste d'une te-
nue magistrale.
Ce buste, achevé depuis quelque temps, est en
marbre blanc polychrome. Le visage est d'une
intensité de vie qu'accentuent les touches légères
de couleur distribuées avec un tact parfait sur les
chairs. Aux joues, un soupçon de carmin sur les
lèvres, qu'un sourire entr'ouvre, une note vivace
de rouge dans les cheveux, patinés de brun
clair, des frottis d'or qui échauffent la composi-
tion tout entière et donnent à la femme je ne sais
quelle allure de déesse.
Ce portrait ne figurera point au Salon, mais M.
Gérôme se propose de l'offrir à l'Etat pour le
Luxembourg.
BOUT DU 9OQ
Sans doute, Paris ne fera que son devoir en recevant
du mieux qu'il pourra son hôte de demain, Nansen. La
capitale du pays dont il a été dit que nul ne le dépasse en
ignorance de la géographie doit avoir à tâche de se jus-
tifier de ce reproche, hélas 1 trop justement mérité.
Mais, tout deraême, quelque chose me gâte un peu
Nansen c'est le « coup » fait par ses barnums, autour
de son exploration du pôle Nord. Après tout, Nansen
est revenu sain et sauf d'une expédition où, grâce à
tout le confort relatif emporté d'Europe, il n'a
pas trop souffert. Cela mérite-t-il des apothéoses ? Que
ferait-on de plus pour un unique survivant de la Jean-
nette qui reparaîtrait demain à l'état de fantôme ?
L'exploration a beau avoir le droit de devenir une af-
faire dans le sens pratique du mot, je l'aime mieux uni-
quement poussée par l'amour de la gloire et la science
vers le pôle ou vers ce qui n'est guère moins périlleu*
que le pôle, l'intérieur de l'Afrique, de l'Amérique et de
l'Asie.
N'oublions pas, nous autres Français, un précurseur
de Nansen qui s'appelait Gustave Lambert. Lambert ne
demandait que de très maigres subsides pour aller au
pôle, si maigres que lorsqu'il les obtint du Corps légis-
latif, en 1870, il vendit ce qui lui restait pour parfaire
la somme nécessaire. Cela le retarda.
Pendant ce temps, Paris fut investi par les Prussiens.
Tous ses amis lui dirent « Ne bougez pas, attendez
la réouverture des portes. » Il attendit, mais comme
c'était un brave homme et un homme brave, il bougea.
Engagé comme simple soldat dans un régiment de li-
gne, il fut tué à Buzenval.
Si Lambert était allé au pôle Nord, je gage bien qu'à
son retour il n'aurait pas tiré une fortune de sa narra-
tion, ou, dans ce cas, il en aurait consacré le montant à
une exploration au pôle Sud.
Sait-on quel est le chiffre auquel montent les
intérêts pécuniaires de la France en Turquie?
Deux milliards sept cent millions Une grande
partie de cette somme, environ un milliard et
demi, est représentée par des fonds turcs. Le
reste est disséminé dans diverses entreprises en
Turquie, chemins de fer, quais, travaux publics,
usines, etc., etc.
Il en résulte que les intérêts français dépassent
en importance les intérêts de tous les autres
peuples de l'Europe réunis. Après la France vient
l'Angleterre, en troisième vient l'Allemagne. La
Russie n'a presque pas d'intérêts économiques
directs en Turquie. A ce point de vue, elle vient
même après la Belgique.
Grandeur et décadence.
Les nombreux Parisiens qui ont l'habitude de
traverser chaque jour la rue Auber n'ont pas été,
depuis quelque temps, sans remarquer, avec une
certaine inquiétude, la disparition d'un de ses
plus remarquables, pittoresques et anciens orne-
ments je veux parler du fakir, du célèbre fakir,
du seul fakir dont s'enorgueillisse notre Paris et
qui stationnait là depuis des temps immémo- J
riaux.
¡ Qui ne se souvient d'avoir jeté, en passant, Jan
coup d'oeil sur ce vénérable mendiant à barbe
blanche, éternellement figé dans la même attitude
d'immobilité et tenant entre ses doigts crispés et
recourbés un faisceau de crayons que nul ne lui
achetait? 't i
Or, désormais, le fakir a disparu, non pas en
s élevant, comme ses confrères de l'Indoustan, en
des couches aériennes par le seul effet de sa force
psychique, mais victime, sans doute, de quelque
conspiration ayant réuni, dans un même but de
basse vengeance, police, administrations, con-
currents en mendicité.
Il a été obligé de transporter ses tristes pénates
au boulevard Haussmann. C'est là que les pas-
sants sélect pourront le voir désormais en se-
maine, mais en semaine seulement, car le di-
manche le fakir abandonne les quartiers mon-
dains désertés pour la populaire rue Lepic, plus
fréquentée.
Peste soit. de la peste, si elle doit fermer nos
ports et réduire les échanges avec l'étranger. En
attendant, activons les nôtres, nos échanges phy-
siologiques, par l'usage de l'eau de Pougues, l'é-
quilibriste de nos fonctions stomacales et intesti-
nales, et par suite la régulatrice du système
nerveux.
A travers les livres
Voici pour les débuts dans le roman d'André
Lebey, un auteur qui s'est si brillamment révélé
dans les revues des Jeunes, une bien curieuse
étude, les Premières Luttes, qui aura rapide-
ment le plus grand succès. C'est en un volume
de cette Bibliothèque-Charpentier, ordinairement
réservée aux talents consacrés, qu'elle paraît au-
jourd'hui chez l'éditeur Fasquelle.
NOUVELLES A LA MAIN
Entendu à une réunion d'actionnaires d'une
société financière
Premier actionnaire. A la suite du rapport
qui vient de nous être présenté, le conseil d'ad-
ministration est en cause. Moi, je le tiens pour
dissous.
Deuxième ACTIONNAIRE. C'est encors trop
cher.
Dans le monde.
Alors M. X. vient de célébrer ses noces
d'or?.
Vous faites erreur. il vient seulement de
se marier I.
C'est vrai. mais sa femme a eu un million
de dot t.
T m
LA MFUSM Ut M 01.UCE
Nous avons pu donner, dès hier matin, le texte
officiel de la réponse de la Grèce. Nous ne revien-
drons sur cette note que pour dire qu'une copie
en a été remise, dans la matinée, par M. De-
lyanni, ministre de Grèce à Paris, à M. Hano-
taux, qui en avait reçu, dans la nuit, communica-
tion télégraphique de notre ministre à Athènes.
A la Chambre, M. Hanotaux, interpellé à nou-
veau par M. Millerand, a, de nouveau, refusé de
répondre, ainsi que nous l'avions prévu. Le reste
de nos prévisions se réalisera également nous
en avons pour garant la sûreté de nos renseigne-
ments.
De notre correspondant de Londres:
Londres, 9 mars, soir.
La connaissance du texte officiel de la réponse
de la Grèce n'a pas modifié les impressions géné-
rales, qui restent très favorables à la paix.
La journée d'aujourd'hui a été consacrée tout
entière, comme il fallait s'y* attendre, à un
échange continuel de dépêches entre les cabinets
des six grandes puissances, qui étudient et qui
ont à arrêter la forme de la réponse à adresser à
cette réponse, qui ne les a pas pris au dépourvu,
mais dont ils ne connaissaient pas, jusqu'à ce
matin, le texte exact.
On pourrait, il est vrai, s'abstenir, et, considé-
rant la première note adressée au gouvernement
d'Athènes comme un ultimatum, passer, sans
plus de formes, des paroles aux actes.
En agissant autrement, en répondant au long
plaidoyer du ministre des affaires étrangères hel-
lène, l'Europe entend donner au roi Georges et au
peuple grec un témoignage de bienveillante con-
descendance, qui ne fera que rendre plus immua-
bles et plus énergiques les mesures de coercition
que rendrait inévitables la persistance de la
Grèce dans son refus.
Certaines puissances, dont les sympathies
pour la Grèce ont survécu à son attitude, persis-
tent à croire qu'on pourrait peut-être, à titre de
mesure transitoire, autoriser une fraction des
troupes hellènes débarquées en Crète à y concou-
rir au maintien de l'ordre, sous le commande-
ment des amiraux.
Je vous avais signalé, il y a quelques jours dé-
jà, cette éventualité elle est de nouveau mise en
avant, mais on insiste tout particulièrement sur
ce point, qu'il ne saurait y avoir là qu'une me-
sure d'un caractère essentiellement transitoire et
.qui ne porterait aucune atteinte au double prin-
cipe de l'évacuation et de l'autonomie de la
Crète. Le concert est plus solide que jamais.
G.
A LA CHAMBRE
J'ai pu causer, hier, avec quelques députés sur
la signification exacte de la réponse du gouverne-
ment grec à la note des puissances. Est-ce le blo-
cus ? Est-ce la guerre ?. est-ce le blocus ou est-
ce la paix après un nouvel échange de petits pa-
piers avec M. Skouzès ? `?
SI. Lockroy
J'ai lu attentivement la réponse du gouver-
nement grec, me dit M. Lockroy, et je ne vous
dissimule pas qu'à mon avis c'est là un docu-
ment des plus diplomatiques, c'est-à-dire fort
habile. La Grèce répond aux-puissances soit, je
consens à retirer mes vaisseaux elle pense avec
juste raison que devant les bateaux des six puis-
sances réunis devant la Canée sa flotte peut s'en
aller sans inconvénient dans d'autres parages.
Donc elle a l'air de céder sur ce point.
«D'un autre côté,le documentditque les troupes
du colonel Vassos qui se trouvent en Crète ne de-
mandent pas mieux que de collaborer à la pacifi-
cation de l'île sous la haute direction des puis-
sances.
» Les Grecs se sont donc montrés Normands,en
ne répondant ni non, ni oui, à la note des puis-
sances. Je ne crois pas qu'il y ait là matière à dé-
sespérer d'une solution conforme aux vœux de
tous, à la paix européenne.
» Il est vrai que le gouvernement ne consent
pas knous dire, avant jeudi, ce qu'il pense, ni ce
qu'il veut faire.
» Attendons jeudi » »
M. Francis Charmes
n'est pas pessimiste, lui non plus.
Il était à prévoir, nous dit-il, que la Cham-
bre n'insisterait pas pour obtenir du gouverne-
ment des explications sur sa ligne de conduite
après la répoii^e de la Grèce, avant que le minis-
tre des affaires étrangères n'ait eu le temps d'é-
changer ses vues avet> .les cabinets européens.
» Les Grecs demandent à rester en Crète?
» Mais si les troupes grecefuos restent, les trou-
pes turques voudront rester aussi, et elles y ont
incontestablement plus de droit que les troupes
grecques. Et alors?
» II est sûr que la gouvernement grec cherche
simplement à gagner du temps. J'estime que
l'Europe a pris une attitude; devant les torts
incontestables de la Grèce, elle la maintiendra.
La forme évasive de la réponse grecque per-
mettra sans doute aux puissances de ne pas abou-
Un Domino
tir immédiatement aux conséquences rigoureuses
de la note collective mais, malgré le nouveau
sursis qu'on pourra donner à la Grèce, celle-ci
devra céder sur tous les points. »
Mais voici
91. Develle
ancien ministre des affaires étrangères, qui tra-
verse la salle des Pas-Perdus.
Je me précipite sur lui
Eh bien et cette réponse ?. est-ce la paix? f
M. Develle rallume son cigare et murmure ce
simple mot
Je le crois.
Je rencontre enfin
SI. le baron d'Estourneïles
ancien conseiller à l'ambassade de Londres,
ancien ministre de France à Alexandrie. Voici
l'opinion du distingué député de la Sarthe sur la
situation
-Je tiens avant tout à ne pas gêner l'action du
gouvernement, et j'ai eu grand soin de ne pas
dire un mot qui puisse impliquer une critique
depuis que les événements se sont précipités. Je
ne regrette pas toutefois que ces événements
fassent au Parlement l'objet de discussions répé-
tées et que le sentiment public s'éclaire ainsi peu
à peu.
» Sans ces discussions, on pourrait croire à
l'étranger que la France est indifférente, et nous
demander par suite d'aller plus loin que nous ne
voudrions. Après des années d'une tolérance
coupable en faveur des Turcs, nous ne pouvons
vraiment réveiller tout à coup notre énergie pour
l'exercer contre les Grecs. Ce serait une dérision,
une faiblesse, une imprudence. Ce serait risquer
de déchaîner la révolte en Grèce et d'encourager
la reprise des massacres en Turquie.
» L'Europe tout' entière veut la paix, heureuse-
ment elle ne la maintiendra qu'en intimidant
les oppresseurs et en rassurant les oppressés. Ce
n'est pas une politique de sentiment; c'est une
politique de prudence et de simple bon sens. »
Citons, pour terminer, cette parole textuelle
d'un ministre qui cause, à côté de moi, avec un
député
« Vendredi, le gouvernement, d'après des ren-
seignements qui me sont communiqués à l'instant
même, pourra, je l'espère, déclarer aux Chambres
que la France n'aura pas à intervenir, et que la
paix est assurée. »
Marcel Hutin
BLANCS ET BLEUS
Bien qu'étant fils de père et de mère bretons,
j'avoue qu'en l'an de grâce 1876, au moment de
faire une tournée de candidat bonapartiste dans
l'Ille-et-Vilaine, je croyais les termes de « blanc
et bleu » qui ont retenti l'autre jour à la Cham-
bre au sujet de l'élection de l'abbé Gayraud abso-
lument tombés en désuétude chez les petits-fils
des combattants de Cholet et de Chatillon.
C'était bien peu connaître ce pays de Bretagne,
où si peu de choses s'oublient, où dans le cours
précisément de cette tournée je devais, comme je
l'ai raconté un jour, entendre un maire de village
reprocher à l'Empire non pas Sedan, mais le di-
vorce de Napoléon Ier. A peine avais-je heurté
aux premiers buissons de la route ce chapeau_
haut de forme que Janvier de La Motte m'avait
toujours recommandé de porter au cours de la
campagne électorale, comme plus respectueux
pour l'électeur rural, que déjà les mots de blancs
et bleus m'étaient devenus aussi familiers que le
cri du goëland le long des grèves foulées par
mes pas ambitieux.
Je me rappelle qu'une fois même l'emploi de
ces expressions m'a laissé quelque peu rêveur à
cause de la bouche qui les prononçait.C'étaitdans
un bureau de tabac àTinténiac.sijene metrompe,
à moins que ce ne fût à Pleugueneuc où j'étais
entré avec deux patrons de ma candidature, car
ma candidature a trouvé jusqu'à deux patrons, ce
qui me rend rétrospectivement bien fier. Le débi-
tant, un bel homme grisonnant, portant mousta-
che et impériale, assez communicatif tant que
je lui parus un simple acheteur de caporal et de
timbres-poste, m'arrêta net dès que je lui glissai
les quelques premiers mots de ma candidature
« Nous autres, en Pretagne, me dit-il avec auto-
rité, nous sommes tous pleus. »
Ce débitant, à ce que j'ai appris depuis, était
un ancien gendarme, enfant de Colmar, qui,
retraité en Ille-et-Vilaine, avait pris à son terroir
d'adoption le vocabulaire politique, à défaut de
l'accent du cru.
En ce temps-là, également, il n'y avait pas de
nuance intermédiaire. Tous blancs royalistes à
cette époque ou bleus républicains dans la classe
moyenne, et le bonapartiste, par conséquent,
passé à l'état de quantité négligeable. Un jour
qu'entre deux fatigantes randonnées de candidat,
j'étais venu me délasser à Rennes, je rencontre
sur la place du Palais un ancien camarade de
Paris en garnison dans la capitale de l'ancienne
Bretagne. Après les « Toi ici I » et les « Comment
vas-tu? » obligatoires, mon camarade me pro-
pose d'aller prendre un vermouth au café de la
Comédie, qui était alors le plus achalandé de
Rennes. J'accepte. Mais une fois sur le seuil, il
s'arrête comme frappé d'une idée et me dit
préoccupé
Attends un peu. Tu es candidat bonapar-
tiste.
Oui. Eh bien? y
Eh bien I Je me demande de quel côté du
café nous allons aller, à gauche ou à droite.
Comprends mon embarras. Tu vois que le comp-
toir est placé entre deux salles, l'une à sa gauche
l'autre à sa droite. Or, tous les consom-
mateurs républicains ont l'habitude de s'ins-
taller dans la salle de gauche, tous les consom-
mateurs royalistes dans celle de droite, et cela
depuis un temps immémorial sans qu'il y ait
jamais eu entre eux non seulement de fusion,
bien entendu, mais même de confusion. Il n'y
a pas de place pour un troisième parti. Voila
pourquoi je me demande où tu peux bien te caser
comme bonapartiste, à moins que ce ne soit sur
les genoux de la dame de comptoir.
•̃̃̃̃ 3fc~
Ce qui est bien significatif également sur
q a
La terre de granit recouverte de chênes
c'est que le « blanc » n'y est pas exclusivement
comme, dans d'autres régions de la France, le
noble d'une part, et ensuite l'obligé du no-
ble, son fermier, son ouvrier, votant pour lui
quelquefois sans conviction. Ainsi que dans cette
ville de Nîmes, où M. Alphonse Daudet nous a si
pittoresquement dépeint les « états d'âme » roya-
listes des petits bourgeois et des artisans de
l'Enclos Rey, on rencontre dans toutes les villes
et dans tous les villages de Bretagne des bouti-
quiers, des pêcheurs, des paysans aussi roya-
listes sinon que le Roi, du moins que le marquis
ou le baron habitant les manoirs voisins de chez
eux. Je vois encore d'ici le regard plein de franchise
avec lequel un paysan, vêtu de la blouse bleue et
coiffé du bonnet de coton blanc encore tradition-
nel là-bas, me dit en plein champ de pommes de
terre, entouré d'une dizaine de « gars» accoutrés
comme lui « Nous sommes tous pour le Roi dans
c'te paroisse ici ».
Les raisons de cette persistance de l'idée roya-
liste chez certains bourgeois et prolétaires bre-
tons sont le plus souvent moins fondées sur
le raisonnement que sur le sentiment. Le Breton
est longtemps resté légitimiste çarce que les no-
bles de l'Armorique « nos messieurs», comme di-
saient les paysans de ces régions-là, ont toujours
été ce qu'on appelle maintenant, à' Paris, « à la
coule ». Les gars ont chouànné jadis pour eux,
parce qu'ils n'étaient pas fiers, qu'ils n'allaient
pas se ruiner à Versailles, gu'ils vivaient dans le
peup, non sur le peuple.
L'autre jour, à la Bodinière, après une très in?
téressante conférence de M. Henry, Fouquier, j'ai
entendu Mme Amel chanter, entre autres chan-
sons nationales, celle si jolie qui fut un cri d«
guerre vendéen et qui commence par
Monsieur d' Gharette a dit à ceux d'Ancenis.
Faites-vous dire cette chanson, si vous ne vous
la rappelez, elle explique toute la Vendée Elle
révèle l'amour des humbles pour leurs messieurs
qui, avant d'aller soi-disant «chasser la perdrix»
leur ont dit de s'armer comme ils se sont armés
eux-mêmes
Prends ton fusil, Grégoire,
Prends ta gourde pour boire.
Et pour lesquels Grégoire se faisait tuer aveo
plaisir, car ces nobles de l'Ouest ne croyaient pas
déchoir en se battant sous les ordres d'autres
Gregoires, de Cathelineau, par exemple, un an-
chasse™ porteur'et de Stofflet qui fut garde-
chasse.
Cette confraternité d'armes créée sur les champs
de bataille de la Vendée s'est cimentée de nou-
veau en 1870. Le mobilisé englué dans les boues
du camp a Conlie, le mobile breton dépaysé dans
le Pans du siège ont toujours trouvé appui et as-
sistance auprès du gentilhomme capitaine ou
lieutenant leur chef. Ils s'en sont souvenu une fois
rentres chez eux au jour du scrutin. Ce n'est pas
le cléricalisme qui a été le facteur des élections
royalistes en Bretagne pendant vingt ans, c'est
beaucoup le « bon garçonnisme » et ma foi il n'y
a pas honte à cela.
Il est même grand dommage, je le dis sans es-
prit de parti, que la reconnaissance du paysan
breton pour ses « messieurs » se soit un peu éva-
porée avec le temps. La représentation nationale
n y gagne rien comme valeur. Loin de la Au
temps ou j'étais embarrassé pour aller m'asseoir
a gauche ou a droite au café de la Comédie à Ren-
nes, mon incurable « réactionnarisme » aurait
trouve aux tables de gauche des contradicteurs
instruits, intelligents et modérés. Songez gue M
Waldeck-Rousseau devait être à quelques années
delà députe de Rennes. Aujourd'hui, presque
toute la représentation républicaine des cinq dé-
partements de Bretagne est de cette étoffe parti-
culière ou se taillent les jaquettes des sous-vé-
tennaires. Et le modéré a disparu. C'est un
loup-garou dont on ne parle plus qu'à la veillée.
Le bleu, a force d'exciter le paysan contre le
blanc, la rendu rouge. Pauvre vieille Bretagne
royaliste et chrétienne, je te pleure, comme a dit
lneophile Gautier de l'Egypte, et plus juste-
ment encore « avec des larmes de granit »
Gaston Jollivet
B/oc-Mofes Parisien
CONTRE-ENQUÊTE
Le gouvernement heriénique a voulu sonder l'opinion
publique en France. Il s'est naturellement adressé à
Mme de Thebes, qui a évoqué trois notabilités de la
Grèce antique et les a semées dans Paris avec mis-
sion de lui rédiger un rapport sur l'état des esprits
Voici la copie de ce document, que nous avons pu
nous procurer par des moyens inavouables
I
« A peine sorti de nos Champs-Elysées, j'en ai trouvé"
d autres, sensiblement plus gais, où, devant un monu-
ment totalement dépourvu de style, stationnait une
ioule curieuse. La porte du monument s'est ouverte et
des chars en sont sortis, chargés d'hommes et de fem-
mes vêtus de costumes bizarres. J'ai compris que je
tombais en pleine bacchanale, et, me trouvant dans un
élément familier, j'ai escaladé l'un des chars, où mon
propre vêtement n'a excité la surprise de personne.
» J y suis resté trois jours, pendant lesquels j'ai par-
couru les rues de la ville. Les habitants de cette grande
cité m ont paru exclusivement préoccupés de se jeter à
la figure de petits morceaux de papyrus découpés en
rond.L un d'eux ayant ouvert la bouche pour deman-
der ou en était la question grecque, son voisin la lui a
fermée en y engouffrant une poignée de ces projectiles
Jen eusse été moi-même aveuglé sans le masque
qui ne me quitte jamais. Ce masque m'a d'ail-
leurs valu quelques railleries de la foule par la-
quelle i ai été plusieurs fois traité de « vieux pcw
» chard ». Je n'ai pas compris ce genre de plaisan-
icnc*
» Thespis. »
Il
« Suivant vos instructions, je me suis tout d'abord
rendu au palais où siègent les représentants de notre
pays. J y ai trouvé plusieurs jeunes hommes fort aii
mables qui m'ont prêté un de leurs costumes en échan-
ge du mien, lequel, m'ont-ils dit, eût risqué de me
faire inutilement remarquer. Puis, l'un d'eux m'a con-
duit vers un temple où j'ai cru reconnaître une vague
copie de notre Parthénon. Ce temple était plein d'hom-
mes qui se bousculaient, poussaient des cris sauvages
et paraissaient en proie au plus étrange délire. Mon
guide m'expliqua que ces hommes étaient là pour
chiflrer les fortunes de tous les peuples du monde, et que
ma science des nombres m'avait désigné pour me ren-
dre compte de l'estime qu'ils faisaient de notre pays.
» Je renonçai bientôt à discerner quoi que ce soit au
milieu de ce tumulte effroyable, et je trouvai plus sim-
ple d'aborder un de ces bruyants personnages en lui de-
mandant ce qu'il pensait de la Grèce. Il cessa brusque-
ment de crier, me considéra un instant avec l'expres-
sion d'une stupeur profonde, et, roulant soudain dès
^eux féroces, me lança au visage ce mot qui semblait
résumer sa pensée « Zut si vous ne payez pas votre
:oupon » Je vous transmets cette exclamation sans
sn avoir saisi le sens.
» Pythagore. »
IN
« J'ai pensé que le plus sûr moyen de connaître l'o.
prnion de la nation française était d'aller rendre visite
lux hommes qui ont pour mission de traduire cette opi-
nion par leurs discours. Je me suis donc fait indiquer
e lieu où ces hommes tiennent leurs assises, et j'y suis
illé tout droit. Les portes s'ouvrirent devant moi sans
que leurs gardiens parussent surpris de mon costume.
l'en profitai pour me mêler à plusieurs groupes où dei
orateurs exprimaient familièrement leurs idées sur les
questions du jour.
» L'un d'eux terminait justement sa harangue par ces
nots, qui restèrent obscurs pour moi « Les Grecs ? i'
1s nous rasent » Je m'approchai de lui et le priai de
rouloir bien m'expliquer le sens de ses paroles.
c Tenez, me dit-il, demandez à mon collègue de vous
> les traduire. Entre musulmans vous vous entendrez
> mieux I »
» Et il me montra un petithomme vêtu d'une tunique
)lanche, qui venait d'entrer et, se mettant à genoux,
rappait la terre de son front. Je partis indigné d'avoir
ru prendre pour un Turc
» Votre dévoué,
Démosthènes. »
Ce triple rapport est parvenu avant-hier à Athènes.
)n nous assure, de bonne source, qu'il n'est pas étran-
er à la décision du gouvernement grec.
Tout-Paris
RAMUNTCHO
Par Pierre Loti
C'est demain que paraît le nouveau roman de Pierre
ioti llamunlcho. L'intrigue, à la fois simple et pa-
îétique, se déroule sur la frontière d'Espagne, en
ït étrange et peu connu pays basque, dans le monde
es contrebandiers. Nous sommes heureux de pou-
oir offrir à nos lecteurs la primeur de quelques pa-
as de ce beau livre, que nous a communiquées l'edi-
iur Galmann-Lévy, une impressionnante histoire de
jntrebande nocturne qui met en scène le héros
iême du roman.
Minuit, une nuit d'hiver noire comme l'enfer,
ar grand vent et pluie fouettante. Au bord de la
idassoa, au milieu d'une étendue confuse au sol
aître qui éveille des idées de chaos, parmi des
ises où leurs pieds s'enfoncent, des hommes
îarrient des caisses sur leurs épaules et, entrant
ins l'eau jusqu'à mi-jambe, viennent tous les
ster dans une longue chose, plus noire que la
uit, qui doit être une barque, une barque
ispecte et sans fanal, amarrée près de la berge.
C'est encore la bande d'Itchoua qui, cette fois,
i opérer par la rivière. On a dormi quelques
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 78.87%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 78.87%.
- Collections numériques similaires Arts de la marionnette Arts de la marionnette /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "Pam1"L'Afrique du Nord illustrée : journal hebdomadaire d'actualités nord-africaines : Algérie, Tunisie, Maroc /ark:/12148/bd6t51438338x.highres The Romanic review : a quarterly journal devoted to research, the publications of texts and documents, critical discussions, notes, news and comment, in the field of the romance languages and literatures / edited by Henry Alfred Todd and Raymond Weeks /ark:/12148/bpt6k119586.highresCommun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
- Auteurs similaires Pène Henri de Pène Henri de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Pène Henri de" or dc.contributor adj "Pène Henri de")Tarbé des Sablons Edmond Joseph Louis Tarbé des Sablons Edmond Joseph Louis /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Tarbé des Sablons Edmond Joseph Louis" or dc.contributor adj "Tarbé des Sablons Edmond Joseph Louis") Meyer Arthur Meyer Arthur /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Meyer Arthur" or dc.contributor adj "Meyer Arthur")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k5298204/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k5298204/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k5298204/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k5298204/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k5298204
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k5298204
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k5298204/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest