Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1882-01-22
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32779904b
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 94503 Nombre total de vues : 94503
Description : 22 janvier 1882 22 janvier 1882
Description : 1882/01/22 (Numéro 52). 1882/01/22 (Numéro 52).
Description : Note : supplément littéraire, commercial et... Note : supplément littéraire, commercial et financier.
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k524126v
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/02/2008
SUPPLÉMEMT DU GAULO!S
Numéro 52
Dimanche 22 Janvier 1882
Adresser tout ce qui concerne la R&dMtiem &
M.BOTJUCtES
9~6o[t~o~rdd~
Ce~< c<~c/
ABOKNËMENTSPOURmGAU~OYSUUU)MA~!GHË~ 1
)''AntS't;TDB]'A!tTt:MENT8 8
m fr.~ 50. Si, niois fr. tir a. 1:
rrbir. mos a fr.. &!?. Six ntois a. fr. Ut an ~tj.,t.MhC
~j.aT['
Ad rosser tout ce qui concerner Rédaction &
M. BOUlt&ES
'9,&ott!eec[fd(.!e~jf
Ce ~p~/eMCM~ est eM/t'er~MCMt gTa/Mt~j~OMt' ~toMKë<
` et .4c/t~eMr~ au KMMtero
AHOU~EMHNTS POUR LE GAt/~b/S DU DIMANCHE
TARISETDÊPAttTEMEN'fS
f)u!~ n'o: < fr. ae. Six mois 9 fr. Un-an efr.
r r SO;M[:M:A.X~ME `
LA.FAt'STf!<. jM<(We! ~f SMouYt.~fKs D'E~r't'E. C/ta/es'.B~(f/!c.
LETT~HS.KSAKf;S.–Mo/t~~KH'tt.
At'RÈS CnN.STANTJNE.
J'A~Mt,):tS MtUUX KT~ti EvËQUE. Le A/H/'<7Kt'9
t
'mFAUSTIN
~a réputation de M. Edmond de Gon-
court est faite depuis longtemps. Il a con-
linué vaillamment l'œuvre commencée
avec son frère Jules/et il faut lui savoir
grc d'avoir eu ce courage. Ce qui est re-
marquable dans l'œuvre des Goncourt,
c'est le'soin avec lequel ils choisissent
leur sujet. Dans la F~M~/K, ils nous mon-
trent comment a'mie~a femme de théâtre i
,laFaustin est une sœur de laM~de
Charles Demailly. Nous donnons aujour-
dtnu un des plus curieux épisodes du
Les deux femmes commencèrent une
ascension, au, bout de laquelle elles dé-
bouchèrent sur un grand palier; la
Faustin compta les portes de la paroi de
'gauche, et s'arrêta à la septième.
Elle frappa..
Des pas pesants s'approchèrent de la
porte, qui s'ouvrit de trois ou quatre
centimètres de largeur, et dans l~troit
entre-bâillement apparut un nez corbin,
pareil au dos d'une serpette, surmonté
de longs cheve'ux blancs, sur lesquels
était pose un petit toquet, brode depail-
Ions dores.
Ces dames se trompent sans
doute? dit la vieillard en retournant
peureusement la tête, et en adressant
'des p~< bizarres dans l'intérieur de la
chambre.
« Non, vous êtes bien- M. Athanas-
siadis, n'est-ce pas? et voici-un mot d'un
de nos amis communs qui m'a adressée
<)- vous, et elle lui mit dans la main
la carte d'un illustre académicien.
1 – le vieillard, après avoir jeté un regard
sur la carte, –mais glissez-vous comme
'ça. à cause de mes petits amis.
Les deux femmes pénétrèrent, dans
une haute chambre, un ancien atelier
de pauvre photographe, où il y avait
tout un monde volant des plus rares et
des plus charmants oiseaux, en pleine
liberté.
Tiens, ces bestioles. c'est gentil
tout plein, s'écria la sœur, et pres-
que aussitôt passant une main sur sa
robe c'est seulement dommage
qu'ils fassent caca sur vous, ces petits
malpropres! »
La chambre-atelier, tenue,' en dépit
des oisillons, avec la propreté d'une
-chambre de vieille fille, n'avait pour
toute décoration que trois bas-reliefs en
ptâtre du Parthenon, tenant la place de
!a glace d'une cheminée, où s'engageait
le tuyau d'un petit poêle jetant une rou-
geur sur le carreau ciré. Une longue
-.planche, placée à une certaine hauteur,
et chargée de livres à reliures italiennes
eu vélin blanc, courait le long des murs.
Dansuncoin, un placard entr'ouvert
!aissait entrevoir des bocaux, où na-
geaient, dans de l'huile, des conserves
d,c mangeailles, et un saladier débor-
dant d'œufs. Il n'y avait qu'un fauteuil
de paille dans la pièce, mais, en un ren-
foncement jouant l'alcôve, sur une plan-
:che posée dessus des tréteaux, était
étendu un petit matelas recouvert d'un
tapis turc, où, la nuit, devait dormir le
vieillard tout habillé. Et la chambre
sentait l'oiseau et la pastille du sérail.
t Mesdames, qu est-ce que je puis
-pour vôtre service? demanda le maître
du logis, en faisant asseoir les deux fem-
mes sur spn lit.
–Voici, monsieur. C'était la. Faus-
tin qui prenait la parole. II existe,
m'a ditjM. Sainte-Beuve, une autre .P/<
<~e q'ue celle de Racine. et il m'a dit
en même temps que vous étiez l'homme
qui pouviez le mieux m'en donner l'in-
tëlligence. vous, un Grec. et qui con-
naissez si bien la langue de la vieille
Grèce.Ce que je veux. je ne le sais
-vraiment pas trop. Cependant je suis
curieuse de vous entendre lire de cette
P~Jc~ dans l'original. Ça éveillera
.paut-êtrë des idées chez moi. Voilà.
Je voudrais revenir dechez vous, comme
une Barbare d'autrefois. qui aurait
-passé deux heures dans la Grèce de Pé-
riclës. et avec un peu du bruit de la
langue dans mon oreille.
Le vieillard se mit à traîner derrière
lui son fauteuil jusqu'à la planche des
livres, rassembla, autour de sa maigre
et longue personne, le nettement "d'une
robe de chambre en cotonnade, sous la-
quelle on sentait la superposition de
giiets de tricot et de grands bas de laine,
monta sur le fauteuil, et désignant le
volume du milieu de la rangée, prononça
avec le ton de vénération d'un custode
de trésor abbatial, vous indiquant sa
grande relique <: Mesdames, le divin
Homère Puis, prenant à côté un autre
volume, il le descendit, en essuya pieu-
sement la poussière, de son coude, et, le
posant sur une petite table qu'il attira à
lui, il l'ouvrit soigneusement à une
page, dont il lissa, un moment, les gran-
des marges avec la paume de ses deux
vieilles mains.
D'énormes besicles solidement éta-
blies sur le coupant de son nez, après
s'être penché un moment sur le bou-
quin, Athanassiadi~ releva une tête ex-
tasiée, et dit, les yeux au plafond
–HiPPOLYTE.
La scène se passe à Trézène, devant
le palais à l'entrée duquel on voit deux
statues, une de Diane l'autre de Vénus.
Et, aussitôt, il attaqua les deux pre-
miers vers de la trogédie grecque dont
voici la traduction
< Je m'appelle Vénus, la déesse au re-
nom répandu parmi les mortels et dans
le ciel.
Pardon, monsieur Athanassiadis,
interrompit la Festin, si Vous
preinez -votre livre. j'ai ma voiture en
bas. je vous emmènerais. vous dîne-
riez avec ma sœur et moi. je ferais dé-
fendre ma porte. Comme cela; nous au-
rions toute une bonne soirëe à nous.
Oh t madame, répondit le vieillard,
si je le pouvais. sachant vous êtreagréa-
bie,ce oserait avec un grand plaisir.
Ma~~u mois de novembre jusqu'à la
fin do mai, je suis prisonnier dans cette
chambre. et vous comprenez un peu le
p!aisir que j'ai à avoir autour de moi ces
oiseaux. Tout ce long temps, il m'est
absolument interdit de sortir. l'air de
votre hiver me tuerait.
La Faustin remarqua alors qu'il y
avait du papier collé sur toutes les join-
tures de la baie vitrée.
Le vieillard se replongea dans la lec-
ture, interrompant par-ci par-ià, le vieux
grec du livre par des phrases françaises
comme celle-ci:
Votre Racine, madame, n'a pas tenu
compte de cela. Votre Racine, madame,
n'a pas traduit cela. Votre Racine, ma-
dame, a mal traduit cela.
Tu t'ennuies, petite Maria? dit à
voix basse, la Faustin à sa sœur.
–Non, de temps en temps je ne dé-
teste pas les casse-tète chinois. puis je
le trouve cocasse ton Athanassiadis.
Le jour était tombé. Le vieillard avait
alluméune petite lampe, et continuait
sa lecture, mais à chaque changement
de personnage dans le dialogue, son œil
allait à un coucou, placé au-dessus de la
tête des deux femmes.
–Est-ce que par hasard nous vous
gênerions, monsieur Athanassiadis ? Ht
la Faustin, âpres avoir remarqué le ma-
nège du bonhomme.
Non, non, mesdames. seulement
j'ai des habitudes.de mon pays. je dîne
plus tôt que le beau monde de Paris.
–Ah t c'est l'heure où l'on apporte
votre dîner. parfaitement, dit la Faus-
tin avec cette adorable tyrannie de la
femme qui veut satisfaire jusqu'au bout
un de ses caprices; monsieur Athanas-
siadis, il faut dîner. dîner eomme si
nous n'étions pas là. nous reprendrons
après.
–C'est. c'est que, mesdames. on
ne m'apporte pas mon dîner.je le fais s
moi-même. Ôh! la cuisine ici n'est pas
bien compliquée. je suis un peu de l'é-
cole du Vénitien Cornaro. des œufs,
du poisson séché, des olives noires. te-
nez vous voyez, d'où vous êtes, le garde-
manger de mon hivernage.
La Faustin s'était levée, avait été au
placard: là, avec la curiosité d'une pe~
titë ûlle, elle sortait l'un âpres l'autre
chacun des bocaux, les faisait un mo-
ment gaminement tournoyer dans la
lumière, les refourrait dans l'ombre.
–01)! ces petits poissons, si secs,
qu'ils ont l'air d'allumettes.
–Oui, ce sont des <~os. ça se mangé
en buvant du ~'sM.
–Jamais, jamais de viande?.Mon-
sieur Athanassiadis, c'est particulier,
cela. Ah) des anchois. c'est bon à sa-
voir. Et tous les jours vous mangez
deux œufs sur le plat. ça doit être bien,
ennuyeux à la longue.
Tout en parlant, cherchant, regardant,
la Faustin attachait sa traîne, retrous-
sait avec des épingles sa jupe en "la-
veuse de vaisselle et quand cela fut
fait, du ton de joyeux commandement
d'une femme dans une partie de campa-
gne, elle jeta a la compagnie « Et nous
disons qu'aujourd'hui c'est nous qui al
Ions faire votre cuisine. Vous ignorez
certainement ce que c'est que l'omelette
aux anchois. cette omelette pour la
confection de laquelle je n'ai pas de ri-
vale. Eh bien, vous allez en goûter une
faite par ma blanche main. Ëh la pe-
tite Maria, passe-moi la poêle que je vois
là-bas. et vous, monsieur Athanassia-
dis, tout de suite du charbon là-dedans.
–Oh! mesdames, mesdames. vous
me contusionnez! glapissait Athanassia-
dis abasourdi.
–Laisse-toi donc faire, mon vieux
Palicare; ma sœur et moi, nous ne som-
'mes pas nées avec un cuisinier déposé
dans notre berceau royal, fit la maîtresse
de Carsonac, de sa nature très facilement
familière avec les gens.
Tant pis, j'en casse trois. des
œufs. monsieur Athanassiadis, voyez
comme je hache les anchois. ni trop
gros ni trop petits. et mon secret, je
vous le conne. c'est de les faire gril-
ler un rien sur le feu.ça du cumin,
n'est-ce pas. va pour un soupçon du
cumin.
–Oh t mesdames, mesdames conti-
nuait à gémir Athanassiadis.
–Au large, mon vieux Palicare, tu
nous gênes dans nos opérations fit la
sœur.
Monsieur Athanassiadis. atten-
tion. vous allez voir comme je la re-
tourne. une, deux, trois. ça y est
et a-t-elle une belle couleur en dessous,
et est-elle moelleuse dessus! Mainte-
nant, la petite Maria, mettons le cou-
vert de monsieur.
Etparmi le voletage et le gazouillement
des'oiseaux, tenus, ce soir-là, en éveil,
par le bruit, le mouvement, le « va-et-
vient de la petite fête, les deux sœura,
avec des gentillesses de soubrettes de
théâtre, se mirent à servir le vieillard,
qui, ne se défendant plus que mollement
s abandonnait au charme de cette juvé-
nile et caressante gaieté de femmes,
faisant, une heure, compagnie à ses
vieilles années,
Eh bien, monsieur Athanassiadis,
est-ce réussi ?. êtes-vous content de
votre cuisinière? disait la Faustin, les
traits- animés d'une joie d'enfant. Et
maintenant le second ser vice. les oli-
ves.Oh! maiselles sont bonnes, celles-
là, nt-elle, pendant qu'elle en croquait
deux ou trois. Goûte-donc petite Marie.
Merci, je suis plus carnivore que
cela, moi 1
Monsieur a uni. on dessert et
la Faustin, en une minute, balaya la pe-
tite table de tout ce qu'elle portait, avec
des grâces tourbillonnantes.
Allons, soupira, le vieil Athana.ssia-
dis, en reprenant son Ëuripiderdans un
de ces aSaissemems souriants qae pro-
duit le bonheur chez la vieillesse < Tout
ce que je sais de mon vieux grec, je
vais tâcher de vous le donner, mesda-
mes !)
Et ton cocher, Juliette ?
Je l'avais parfaitement oublié.
Rends-moi le service de descendre.
qu'il aille dîner chez le premier mar-
chand de vin, et qu'il revienne.
Quand la soeur remonta, elle trouva
la Faustin, les coudes posés sur ses ge-
noux écartés, sa belle et nerveuse tête
de tragédienne enfoncée entre les deux
paumes de ses mains, et buvant, pour
ainsi dire, les sonorités qui s'échap-
paient de la bouche du vieillard grec.
Quelquefois se levant, tout en faisant si-
gne à Athanassiadis de continuer, elle
marchai.t, elle mimait le vers, qu'un mot
de traduction française lui avait fait
comprendre, puis venait se rasseoir.
Et Athanassiadis, arrivé à l'accusa-
tion posthume de Phèdre contre son
beau-fils, se mettait à .expliquer aux
deux femmes, avec une intelligence qui
surprit la Faustin, cette ngure de fata-
lité bien autrement grande, bien autre-
ment humaine, bien autrement Ha dans son ressentiment amoureux, que
la femme conventionnelle et théâtrale-
ment ~m~/M~Mg, peinte par le poète
de la cour de Louis XIV et le commen-
tateur donnait à la tragédienne moderne
la tentation d'accents nouveaux à intro-
duire dans le rôle rajeuni, renouvelé,
compris historiquement.
La lecture de la tragédie était termi-
née. 11 était huit heures.
La Faustin se leva~ après avoir discrè-
tement roulé plusieurs pièces d'or dans
un morceau de papier, et, de l'air et sur
le ton d'une très grande dame, dit
–Monsieur Je professeur de grec.voilà
bien des heures que nous vous avons
prises. Je vous prie d'accepter cette
faible rémunération de votre temps
perdu.~
Non, madame, répondit le vieillard
d'abord vous m'avez fait à Sîner. puis
je vous connais. je vous ai vue jouer
souvent. l'été. dans les mois où il
m'est permis de sortir. et les Grecs, les
modernes, comme les anciens, vous
doivent une certaine reconnaissance
pour prêter votre talent à la résurrection
des grandes Sgures de leur histoire.
non, chère madame.
Et le vieillard prononça ces paroles,
de sa voix chantonnante, où tremblait
un peu d'émotion, et où la substitution
du ~c au c/< mettait comme une douceur
enfantine.
Eh bien, je suis de votre avis, mon-
sieur Athanassiadis. je trouve que le
plaisir de cette soirée ne doit pas être
payé avec de l'argent. j'aimerais à me
rappeler à vous autrement. je vou-
drais voussavoir désirer une chose que
moi seule pourrais vous donner.
Du moment, madame, que vous
voulezêtre si gracieuse pour le vieil
homme.je vous avouerai qu'il y a ici
un produit de mon 'pays que je ne puis
me procurer.et je serais heureux d'y
goûter encore une fois avant de mou-
rir.c'est du miel de l'Hymète. peut-
être vous, madame, par les ambas-
sades.
Comment donc t le ministre pléni-
potentiaire de France en Grèce est de
mes amis il y aura, dans la première
valise de l'ambassade, une jarre de miel
de l'Hymëte. tout ce qm les abeilles
de votre patrie font de mieux. et en-
core une fois, monsieur Athanassiadis,
adieu et merci.
EDMOND DE GONCOURT
SOUVENIRS D'EGYPTE
On sait la perte que la critique artistique
vient de faire en la personne de M. Chanes
Blanc. Il y a quelques semaines déjà, le
G~K/o~ a donne un morceau de prose de
l'éloquent professeur, mais nous ne pen-
sions pas que 1& second extrait que nous
aurions à Mire dans son œuvre dût triste-
ment coïncider avec la date de sa mort. Le
fragment que nous publions ci-après est
tiré des ~M. Charles Blanc dans le journal A* 7' et qui ont paru en i8y6, à la librairie'Re-
nouard.
MBmRAUXTAHSDUCmE
Nous étions une fois dans la chambre
la plus profonde du bazar, avec MM. Ja-
min et Niaudet-Bréguet, à marchander
des tapis. Un drogman de rencontre
nous avait suivis et s'était imposéànous
à force d'obséquiosité et de fautes amu-
santes dans la langue française, qu'il di-
sait posséder à merveille.
Cet homme, pour faire l'officieux, nous
avertit tout bas, et sans avoir l'aif d'y
toucher, qu'il fallait oSrir résolument le
tiers ou môme le quart duprix demandé.
L'Arabe qut,nous montrait sa marchan-
dise était parfaitement calme et beau.
On eût dit du plus jeune des douze apô-
tres. Il paraissait inaccessible à l'envie
de nous séduire et indifférent sur la vente
de ses tapis. Il nous voyait d'ailleurs
éblouis et il demeurait silencieux et in-
dolent.
Tout à coup, ayant compris ou deviné
dans les yeux du drogman ce qu'il vient
de nous conseiller, il se précipite sur lui
prompt comme l'éclair, le ferrasse, le
roule sur les tapis, le prend à la gorge,
et sans nous il l'étranglait. Une minute
après, notre Arabe est redevenu- digne,
imposant, impassible.
Le lieu où cette scène rapide venait
de se passer était comme un puits formé
par d'assez hautes maisons. Pour se dé-
tendre du soleil, on', avait tendu sur des
cordes de vieilles étoffes qui, par places,
laissaient passer la lumière. Sur trois
côtés de la cour s'ouvraient des maga-
sins sombres où étaient empilés des ta-
pis de Perse, de Smyrhe, de Caramanie,
de*Teao's. Du fond de ces magasins, les
marchands tiraient, & force de bras, des
tapis qui, passant de l'obscurité à la lu-
mtëre et aussitôt dépliés, resplendis-
saient de toutes les magnificences des
tissus orientaux.
Une variété sans fin rendait ce spec-
tacle attachant et nos yeux infatigables.
La dernière pièce qu'on déroulait était
toujours la plus belle. Ici c'est un tapis
de prière ou une pluie de marguerites
de toutes couleurs, avec quelques étoiles
blanches, semble tombée sur l'impos-
sible gazon d'une prairie obscure et
rousse.
Là sur un tapis de Caramanie, un <~M ~e ~M~, des cordes ingénieusement
tressées ont, en guise de nœuds, des
fleurs épanouies dans les jardins de l'i-
magination, et les <~es de ces fleurs, al-
lant s'enrouler en spirales autour des
cordes, en forment le réseau d'une den-
telle colossale sur un fond à grand lé
qui passe du rouge de Chine au vert
poireau, de l'orangé bruni au bleu sourd
et qui est coupé encore par des largeurs
blanches, mais d'un blanc' légèrement
délavé. Quelquefois la musique des tons,
aigrie par quelques dissonances, com-
pose un tableau délicieusement amer.
Les heures passent vite à regarder
ces tapis. Enfui, comme il faut se dé-
cider, nôtre choix s'est fixé sur un mo-
tif charmant que nos compagnons ont
préféré comme moi. Des bandes jaune
d'or, obliquement rangées' sur une des-
cente de ht, alternent avec des bandes
d'un bleu sombre jouant le noir, et cette
opposition déjà vive, mais moins aiguë
que si le bleu eût été du violet, est ra-
chetée, sur les bords de la bande, par
des ourlets de couleur où paraissent des
tons roux, de minces traînées de blanc
et des niets d'un bleu froid.
Sur ces bandes sont semées des fleurs
de convention à cinq pétales, sortant
d'un calice arbitraire. Jetées dans un
apparent désordre, ces fleurs sont de
toutes les couleurs imaginables..11 en
est de fauves, de livides, de cendrées,
d'un orangé clair; la même forme prend
une teinte glauque, brique, blanc de
lait, gris de souris, mauve, citron, céla-
don, vert-chou, abricot, soufre, noisette
mais à mesure qu'elles passent sur la
bande jaune, ou sur la bande indigo, el-
les s'en détachent par une différence lé-
gère ou franche, par un ton résolu ou
m.né, parfois mordant, jamais cr~. De
menues taches de blanc, de petits papil-
lons noirs viennent ça et là raviver' ce
qui serait, tiède, accentuer ce qui serait
indécis, et le tout ensemble, encadré par
une première bordure uniforme et som-
bre, se trouve séparé de la bordure fi-
nale par une bande d'un blanc d'ivoire
que tranquillisent des géométries fan-
tastiques dont la laine estompe les con-
tours.
CHARLES BLANC
LETTRES PERSANES
Beaucoup de gens ont dans leur biblio-
thèque l'Esprit ZoM; c'est un livre
dont on aime à parler par habitude et qu'on
lit peu. Mais les Zc~r.MMM.~ N'est-ce
pas là que Montesquieu a mis la Heur de
son esprit? N'est-ce pas un de ces livres
légers et profonds, comme les mémoires
d'Hamilton et les contes de Voltaire ? Nos
lecteurs seront certainement curieux de
relire ce que Rica dit à Ibben de cet an-
cien Paris, père du Paris moderne.
7ÏMM! 7&&6M, a ~e
Nous sommes à Paris depuis un mois,
et nous avons toujours été dans un mou-
vement continuel. Il faut bien des af-
faires avant qu'on soit logé, qu'on ait
trouvé les gens à qui on est adressé, et
qu'on se soit pourvu des choses néces-
saires, qui manquent toutes à la fois.
Paris est aussi grand qu'Ispahan les
maisons y sont si hautes, qu'on jurerait
qu'elles ne sont habitées que par des as-
trologues. Tu juges bien qu'une ville
bâtie en l'air, qui a six ou sept maisons
les unes sur les autres, est extrêmement
peuplée, et que, quand tout le monde est
descendu dans la rue, il s'y fait un bel
embarras.
Tu ne le croirais pas, peut-être, depuis
un mois que je suis ici, je n'y ai encore
vu marcher personne. Il n'y a point de
gens au monde qui tirent mieux parti
de leur machine que les Français ils
courent, ils volent les voitures lentes
d'Asie, le pas réglé de nos chameaux,
les feraient tomber en syncope.
Pour moi, qui ne suis point fait à ce
train, et qui vais souvent à pied sans
changer d'allure, j'enrage quelquefois
comme un chrétien car encore passe
qu'on m'éclabousse depuis les pieds j us-
qu'à la tête mais je ne puis pardonner
les coups de coude que je reçois réguliè-
rement et périodiquement. Un homme,
qui vient âpres moi et qui me passe, me
Mit faire un demi-tour et un autre, qui
me croise de l'autre côté, me remet sou-
dain où le ~premier m'avait pris; et je
n'ai pas fait cent pas, que je suis plus
brisé que si j'avais fait dix lieues.
Ne crois pas que je puisse, quant à
présent, te parler à fond des mœurs et
des coutumes européennes je n'en ai
moi-même qu'une légère idée, et je n'ai
eu à peine que le temps de .m'étonner.
Le roi de France est le plus puissant
prince de l'Europe. Il n'a point de mines
d'or comme le roi d'Espagne son voisin;
mais il a plus de richesses que lui, parce
qu'il les tire de la vanité de ses sujets,
plus inépuisables que les mines. On lui
a vu entreprendre ou soutenir de gran-
des guerres, n'ayant d'autres fonds que
des titres d'honneur à vendre; et, par
un prodige de l'orgueil humain, ses
troupes se trouvaient payées, ses places
munies, et ses flottes équipées,
/C~<<<<
Les habitants de Paris ~ont d'une 'u-
riosité qui va .jusqu'à l'extravagance.
Lorsque j'arrivai, je fus regardé comme
si j'avais été envoyé du ciel vieillards,
hommes, femmes, entants, tous vou-
laient me voir. Si je sortais, tout le
monde se mettait aux fenêtres si j'étais
aux Tuileries, je voyais aussitôt un cer-
clé se former autour de moi les fem-
mes mêmes faisaient un arc-en-ciel,
nuancé de mille couleurs qui m'entou-
rait.
Si j'étais au spectacle, je trouvais
d'abord cent lorgnettes dressées contre
ma figure enfin jamais l'homme n'a
tant été vu que moi. Je souriais quel-
quefois d'entendre des gens qui n'é-
taient presque jamais sortis de leur
chambre, qui disaient entre eux '< il faut
avouer"qu'il a l'air bien persan.' Chose
admirable je trouvais de mes portraits
partout; je me voyais multiplié dans
toutes les boutiques, sur toutes les che-
minées, tant on craignait de ne m'avoir
pasassezvu.
Tant d'honneurs ne laissent pas d'être
à charge je ne me croyais pas un
homme si curieux et si rare, et, quoique
j'aie très bonne opinion de moi, je neme
serais jamais imaginé que je dusse trou-
bler le repos d'une grande ville où je
n'étais'point connu.
Cela me fit résoudre ~'quitter l'habit
persan et à en endosser un à l'euro-
péenne pour voir s'il resterait encore
dans ma physionomie quelque chose
d'admirable. Cet essai me fit connaître
ce que je valais réellement. Libre de
tous ornements étrangers, je me vis ap-
précié au plus juste. J'eus sujet de me
plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait
en un instant l'attention'et l'estime pu-
blique, car j'entrai tout à coup dans un
néantàSreux.
Je demeurais quelquefois une heure
dans une compagnie sans qu'on m'eût
regardé et qu on m'eût mis en occasion
d'ouvrir la bouche mais si quelqu'un,
par hasard, apprenait à la compagnie
que j'étais Persan, j'entendais aussitôt
autour de moi un bourdonnement :ah! monsieur est Persan! (Test une chose
bien extraordinaire Comment peut-on
être Persan!' »
De P:M'is, le 6 de in lune de Chah'al, 1712.
'7~. M*
J'allai, l'autre'jour, voir une maison
ou l'en. entretient environ trois cents
personnes assez pauvrement. J'eus bien-
tôt fait, car l'église et les bâtiments ne
méritent pas cTêtre regardés. Ceux qui
sont dans cette maison étaient assez
gais plusieurs d'entre eux jouaient aux
cartes ou a d'autres jeux que je ne con-
nais point.
Comme je sortais, un de ces hommes'
sortait aussi, et m'ayant entendu de-
mander le chemin du Marais, qui est le
quartier le plus éloigné de Paris < J'y
vais, me dit-il, et je vous y conduirai;
suivez-moi.' Il me mena à merveille, me
tira de tous les embarras, et me sauva
adroitement des carrosses et des voi-
tures.
Nous étions près d'arriver, quand la
curiosité me prit : dis-je, ne pourrais-je point savoir qui
vous êtes ? Je suis aveugle, mon-
sieur, me répondit-i!Comment! lui
dis-je, vous êtes aveugle! Et que ne
priiez-vous cet honnête homme qui
jouait aux cartes avec vous de nous
conduire? –Il est aveugle aussi, me
répondit-il; il y a quatre cents ans que
nous sommes trois cents aveugles dans
cette maison où vous rn~avez trouvé.
Mais il faut que je vous quitte; voilà la
rue que vous demandiez; je vais me
mettre dans la foule j'entre dans cette
église, où, je vous jure, j'embarrasserai
plus les gens qu'ils ne m'embarrasse-
ront.
De Paris. le 17 de la lune do Chalval, 171S.
!7~/{ s jR/
Le café est très en usage à Paris il y
a un grand nombre de maisons publi-
ques où on le distribue. Dans quelques-
unes de ces maisons, on dit des nouvel-
les dans d'autres. on joue aux échecs.
Il y en a une où l'on apprête le café de
telle manière qu'il donne de l'esprit à
ceux qui en prennent, au moins, de tous
ceux qui en sortent, il n'y a personne
qui ne croie qu'il en a quatre fois plus
que lorsqu'il y est entré.
Mais ce qui me choque de ces beaux-
esprits, c'est qu'ils ne se rendent pas
utiles à leur patrie et qu'ils amusent
leurs talents à des choses puériles. Par
exemple, lorsque j'arrivai à Paris, je les
trouvai échauiïés sur une dispute la plus
mince qui se puisse imaginer il s'agis-
sait de la réputation d'un vieux poète
grec, dont, depuis deux mille ans, on
ignore la patrie aussi bien que le temps
de sa mort.
Ceux dont je viens de te parler dispu-
tent en langue vulgaire, et il faut les
distinguer d'une autre sorte de dispu-
teurs qui se servent d'une langue bar-
bare, qui semble ajouter quelque chose
à la fureur et à l'opiniâtreté des combat-
tants. Il y a des quartiers eu l'on voit
comme une mêlée noire et épaisse de
ces sortes de gens ils se nourrissent de
distinctions ils vivent de raisonnement
obscurs et de fausses conséquences. Ce
métier, où l'on devrait mourir de faim.
ne laisse pas de rendre. On a vu une na-
tion entière, chassée de son pays, tra-
verser les mers pour s'établir en t rance,
n'emportant avec elle, pour parer aux
nécessités de la vie, qu'un redoutable
talent pour la dispute. Adieu.
Do .Puriste dM'merdcla. lune (.~Xilhagë, H13.
MOMTESaUtEU.
'ÂPSËS CMST~'Ttm.
Le ~4 novembre t~G, mie petite nr-
mée française, grande comme sa more
impériale, échelonnait, sa retraite de
ConstantinsâSpma. C'était le desastre
de Moscou en miniature. Les soldas,
Épuisés par des marches manies et tons
les ûéaux de l'univers, soutenaient une
lutte de désespoir contre les nuées d'A-
rabes amonceies aux quatre horixons,
comme le plus formidable des ouragans
africains.
La nature, qui, dans ses .secrets da
destruction, vient souvent servir d'auxt-
liaire homicide et prendre son rang de
bataille dans l'une ou l'autre armée,&
nature implacable avait déchaîné toutes
ses horreurs contre nos soldats élis
grossissait les torents, elle ouvrait les
réservoirs ~es pluies et le trésor des
neiges, elle mugissait dans le tonnerre
des vents comme une immense voix de
désolation; et nos légions, comme celles
-de Varus en Germanie, ne voyaient que
la mort sous mille formes, et tous les
périls irritants, contre lesquels le cou-
rage est inutile dans un jour sans lende-
main..
Lorsque ces calamités se consomment,
on ne distingue, dans cette confuse mê-
lée de sang et de deuil, que les têtes 41-
lustres seules, elles Se recommandent
au burin de l'histoire, et le voile de l'ou-
bli enveloppe à jamais les actes modes-
tement sublimes accomplis dans les rangs
inférieurs.
C'est une chose qui paraît injuste au
premier abord.; mais, après rénexion
sage, on est forcé de convenir que les
historiens et les livres n'auraient pas
suni, si la plume eût enregistré scrupu-
leusement, détail par détail, tous Jes .s
traits particuliers d'héroïsme qui ont
honoré les armées malheureuses, depuis
la retraite des Dix millejusqu'à la re-
traite de Constantine, depuis Xénephou
jusqu'à Clausel.
Il est pourtant convenable quelquefois
d'exhumer de cet oubli un obscur sol-
dat, afin de prouver aux autres qu'il y~
chance d'acquérir un peu de renommée
tardive, même sous les épaulette de laine
etiehavresac..
C'est ce qu'il faut faire pour le brave
Ambroise Vernier, du 63° de ligne.
Au passage de la Seybouse, les Arabes `
-venaient de tenter des.eSorts surhu-
mains pour couper notre retraite là se
couvraient de gloire le commandant
Changarnier,.Io lieutenant\colonel Du-
vivier, le capitaine Molliére, le jeune
Bertrand, blessé à Constantine, et tant
d'autres ofnciersqui préludaient, à leur
gloire africaine. Cette lutte prodigieuse
acheva d'épuiser la force et le courage
de beaucoup d'hommes; et quand la nuit
vint encore ajouter ses horreurs à tunt
de glorieuses misères, il y eut des sol-
dats qui s'avouèrent vaincus par excès
de découragement, et, qui attendirent I&
la mort dans cette immobilité de ré.st-
gnation, suprême' vertu des guerriers-
sauvages de vaut leurs, inexorables vain-
queurs.
Après avoir passé la Seybouse, dans
une dernière dépense de force, le jeune
Ambroise Vernier se coucha sur un I de plantes marécageuses, a l'entrée
d'une petite grotte creusée par le cours
de l'eau.
Personne ne remarqua ce malheureux
piéton voyageur, qui prenait son gite de
mort pour s'épargner d'autres frais de
route. L'armée passa, les Arabes cassè-
rent. Amis et ennemis étaient déjà bien
loin, et Vernier n'entendait plus que le
sourd fracas du neuve et les harmonies.
lointaines et lugubres qui senties voix
de la nuit dans le désert.
Il y a, dans certaines organisations,
un merveilleux mécanisme physiologi-
que qui bouleverse l'ordre des sentiments
et des idées avec une promptitude éton-
nante. Vernier avait, depuis bien des
heures, accepté la mort comme un re-
mède plein de charmes et comme la ces-
sation d'une lutte impossible la vie ne
lui paraissait pas digne d'être achetée au
prix de tant de souiïrances, d'angoisses,
d'eSorts surhumains.
Eh bien) quand il se vit seul au bord
de ce neuve sans nom, seul dans un dé-
sert, avec l'étrange orgueil de peupler
une solitude, et if ayant sur la tête qu'un
groupe d'étoiles qui ne luisaient que
pour lui, il se cramponna de nouveau à
l'existence; il rougit d'avoir désespère
de Dieu dans une double désertion, lâ-
che transfuge de la vie et des armées;
et ce mouvement de révolte opéré con-
tre lui-même le rendit brave et fortcom
me le soldat levé à l'aube pour le com-
bat.
Ce chargement de résolution étonnera
moins lorsqu'on saura que Vernier était
un enfant de nos contrées méridionales,
où les phénomènes de la nature impri-
ment aux âmes des contrastes moraux
inexplicables le calme et la tempête,
l'excitation et l'abattement, la vie et l'a-
ridité, les ombres et les rayons. Ver'
nier avait été payé comme impôt de sang
par le village de la Cadière, qui se ca-
che non loin de la mer, dans des masses
confuses de collines, de vallons, de bois,
de torrents, de montagnes, de jar-
dins.
Il y a, dans ces agrestes résidences.
si paisibles vues de loin, il y a des riva-
lités orageuses, des haines vives, pétries
avec le mistral et leSoleil, et qui ont
pris naissance un jour de fête, au milieu
d'un concert, ou dans le gymnase des
jeux renouvelés des Romains. La musi-
que, le chant, les trois sauts, le ballon,
la lutte, sont quelquefois des éléments
de discorde, qui amènent des duels au
pugilat, et des ressentiments vivaces,
qui n'ont de chance de s'éteindre que
dans les agapes générales d'un jubilé
sous les rameaux paciûques de la croix.
Vernier avait quitté son village en em-
portant, incrustée au fond du cœur, une
Numéro 52
Dimanche 22 Janvier 1882
Adresser tout ce qui concerne la R&dMtiem &
M.BOTJUCtES
9~6o[t~o~rdd~
Ce~<
ABOKNËMENTSPOURmGAU~OYSUUU)MA~!GHË~ 1
)''AntS't;TDB]'A!tTt:MENT8 8
m fr.~ 50. Si, niois fr. tir a. 1:
rrbir. mos a fr.. &!?. Six ntois a. fr. Ut an ~tj.,t.MhC
~j.aT['
Ad rosser tout ce qui concerner Rédaction &
M. BOUlt&ES
'9,&ott!eec[fd(.!e~jf
Ce ~p~/eMCM~ est eM/t'er~MCMt gTa/Mt~j~OMt' ~toMKë<
` et .4c/t~eMr~ au KMMtero
AHOU~EMHNTS POUR LE GAt/~b/S DU DIMANCHE
TARISETDÊPAttTEMEN'fS
f)u!~ n'o: < fr. ae. Six mois 9 fr. Un-an efr.
r r SO;M[:M:A.X~ME `
LA.FAt'STf!<. jM<(We! ~f S
LETT~HS.KSAKf;S.–Mo/t~~KH'tt.
At'RÈS CnN.STANTJNE.
J'A~Mt,):tS MtUUX KT~ti EvËQUE. Le A/H/'<7Kt'9
t
'mFAUSTIN
~a réputation de M. Edmond de Gon-
court est faite depuis longtemps. Il a con-
linué vaillamment l'œuvre commencée
avec son frère Jules/et il faut lui savoir
grc d'avoir eu ce courage. Ce qui est re-
marquable dans l'œuvre des Goncourt,
c'est le'soin avec lequel ils choisissent
leur sujet. Dans la F~M~/K, ils nous mon-
trent comment a'mie~a femme de théâtre i
,laFaustin est une sœur de laM~de
Charles Demailly. Nous donnons aujour-
dtnu un des plus curieux épisodes du
Les deux femmes commencèrent une
ascension, au, bout de laquelle elles dé-
bouchèrent sur un grand palier; la
Faustin compta les portes de la paroi de
'gauche, et s'arrêta à la septième.
Elle frappa..
Des pas pesants s'approchèrent de la
porte, qui s'ouvrit de trois ou quatre
centimètres de largeur, et dans l~troit
entre-bâillement apparut un nez corbin,
pareil au dos d'une serpette, surmonté
de longs cheve'ux blancs, sur lesquels
était pose un petit toquet, brode depail-
Ions dores.
Ces dames se trompent sans
doute? dit la vieillard en retournant
peureusement la tête, et en adressant
'des p~< bizarres dans l'intérieur de la
chambre.
« Non, vous êtes bien- M. Athanas-
siadis, n'est-ce pas? et voici-un mot d'un
de nos amis communs qui m'a adressée
<)- vous, et elle lui mit dans la main
la carte d'un illustre académicien.
1 –
sur la carte, –mais glissez-vous comme
'ça. à cause de mes petits amis.
Les deux femmes pénétrèrent, dans
une haute chambre, un ancien atelier
de pauvre photographe, où il y avait
tout un monde volant des plus rares et
des plus charmants oiseaux, en pleine
liberté.
Tiens, ces bestioles. c'est gentil
tout plein, s'écria la sœur, et pres-
que aussitôt passant une main sur sa
robe c'est seulement dommage
qu'ils fassent caca sur vous, ces petits
malpropres! »
La chambre-atelier, tenue,' en dépit
des oisillons, avec la propreté d'une
-chambre de vieille fille, n'avait pour
toute décoration que trois bas-reliefs en
ptâtre du Parthenon, tenant la place de
!a glace d'une cheminée, où s'engageait
le tuyau d'un petit poêle jetant une rou-
geur sur le carreau ciré. Une longue
-.planche, placée à une certaine hauteur,
et chargée de livres à reliures italiennes
eu vélin blanc, courait le long des murs.
Dansuncoin, un placard entr'ouvert
!aissait entrevoir des bocaux, où na-
geaient, dans de l'huile, des conserves
d,c mangeailles, et un saladier débor-
dant d'œufs. Il n'y avait qu'un fauteuil
de paille dans la pièce, mais, en un ren-
foncement jouant l'alcôve, sur une plan-
:che posée dessus des tréteaux, était
étendu un petit matelas recouvert d'un
tapis turc, où, la nuit, devait dormir le
vieillard tout habillé. Et la chambre
sentait l'oiseau et la pastille du sérail.
t Mesdames, qu est-ce que je puis
-pour vôtre service? demanda le maître
du logis, en faisant asseoir les deux fem-
mes sur spn lit.
–Voici, monsieur. C'était la. Faus-
tin qui prenait la parole. II existe,
m'a ditjM. Sainte-Beuve, une autre .P/<
<~e q'ue celle de Racine. et il m'a dit
en même temps que vous étiez l'homme
qui pouviez le mieux m'en donner l'in-
tëlligence. vous, un Grec. et qui con-
naissez si bien la langue de la vieille
Grèce.Ce que je veux. je ne le sais
-vraiment pas trop. Cependant je suis
curieuse de vous entendre lire de cette
P~Jc~ dans l'original. Ça éveillera
.paut-êtrë des idées chez moi. Voilà.
Je voudrais revenir dechez vous, comme
une Barbare d'autrefois. qui aurait
-passé deux heures dans la Grèce de Pé-
riclës. et avec un peu du bruit de la
langue dans mon oreille.
Le vieillard se mit à traîner derrière
lui son fauteuil jusqu'à la planche des
livres, rassembla, autour de sa maigre
et longue personne, le nettement "d'une
robe de chambre en cotonnade, sous la-
quelle on sentait la superposition de
giiets de tricot et de grands bas de laine,
monta sur le fauteuil, et désignant le
volume du milieu de la rangée, prononça
avec le ton de vénération d'un custode
de trésor abbatial, vous indiquant sa
grande relique <: Mesdames, le divin
Homère Puis, prenant à côté un autre
volume, il le descendit, en essuya pieu-
sement la poussière, de son coude, et, le
posant sur une petite table qu'il attira à
lui, il l'ouvrit soigneusement à une
page, dont il lissa, un moment, les gran-
des marges avec la paume de ses deux
vieilles mains.
D'énormes besicles solidement éta-
blies sur le coupant de son nez, après
s'être penché un moment sur le bou-
quin, Athanassiadi~ releva une tête ex-
tasiée, et dit, les yeux au plafond
–HiPPOLYTE.
La scène se passe à Trézène, devant
le palais à l'entrée duquel on voit deux
statues, une de Diane l'autre de Vénus.
Et, aussitôt, il attaqua les deux pre-
miers vers de la trogédie grecque dont
voici la traduction
< Je m'appelle Vénus, la déesse au re-
nom répandu parmi les mortels et dans
le ciel.
Pardon, monsieur Athanassiadis,
interrompit la Festin, si Vous
preinez -votre livre. j'ai ma voiture en
bas. je vous emmènerais. vous dîne-
riez avec ma sœur et moi. je ferais dé-
fendre ma porte. Comme cela; nous au-
rions toute une bonne soirëe à nous.
Oh t madame, répondit le vieillard,
si je le pouvais. sachant vous êtreagréa-
bie,ce oserait avec un grand plaisir.
Ma~~u mois de novembre jusqu'à la
fin do mai, je suis prisonnier dans cette
chambre. et vous comprenez un peu le
p!aisir que j'ai à avoir autour de moi ces
oiseaux. Tout ce long temps, il m'est
absolument interdit de sortir. l'air de
votre hiver me tuerait.
La Faustin remarqua alors qu'il y
avait du papier collé sur toutes les join-
tures de la baie vitrée.
Le vieillard se replongea dans la lec-
ture, interrompant par-ci par-ià, le vieux
grec du livre par des phrases françaises
comme celle-ci:
Votre Racine, madame, n'a pas tenu
compte de cela. Votre Racine, madame,
n'a pas traduit cela. Votre Racine, ma-
dame, a mal traduit cela.
Tu t'ennuies, petite Maria? dit à
voix basse, la Faustin à sa sœur.
–Non, de temps en temps je ne dé-
teste pas les casse-tète chinois. puis je
le trouve cocasse ton Athanassiadis.
Le jour était tombé. Le vieillard avait
alluméune petite lampe, et continuait
sa lecture, mais à chaque changement
de personnage dans le dialogue, son œil
allait à un coucou, placé au-dessus de la
tête des deux femmes.
–Est-ce que par hasard nous vous
gênerions, monsieur Athanassiadis ? Ht
la Faustin, âpres avoir remarqué le ma-
nège du bonhomme.
Non, non, mesdames. seulement
j'ai des habitudes.de mon pays. je dîne
plus tôt que le beau monde de Paris.
–Ah t c'est l'heure où l'on apporte
votre dîner. parfaitement, dit la Faus-
tin avec cette adorable tyrannie de la
femme qui veut satisfaire jusqu'au bout
un de ses caprices; monsieur Athanas-
siadis, il faut dîner. dîner eomme si
nous n'étions pas là. nous reprendrons
après.
–C'est. c'est que, mesdames. on
ne m'apporte pas mon dîner.je le fais s
moi-même. Ôh! la cuisine ici n'est pas
bien compliquée. je suis un peu de l'é-
cole du Vénitien Cornaro. des œufs,
du poisson séché, des olives noires. te-
nez vous voyez, d'où vous êtes, le garde-
manger de mon hivernage.
La Faustin s'était levée, avait été au
placard: là, avec la curiosité d'une pe~
titë ûlle, elle sortait l'un âpres l'autre
chacun des bocaux, les faisait un mo-
ment gaminement tournoyer dans la
lumière, les refourrait dans l'ombre.
–01)! ces petits poissons, si secs,
qu'ils ont l'air d'allumettes.
–Oui, ce sont des <~os. ça se mangé
en buvant du ~'sM.
–Jamais, jamais de viande?.Mon-
sieur Athanassiadis, c'est particulier,
cela. Ah) des anchois. c'est bon à sa-
voir. Et tous les jours vous mangez
deux œufs sur le plat. ça doit être bien,
ennuyeux à la longue.
Tout en parlant, cherchant, regardant,
la Faustin attachait sa traîne, retrous-
sait avec des épingles sa jupe en "la-
veuse de vaisselle et quand cela fut
fait, du ton de joyeux commandement
d'une femme dans une partie de campa-
gne, elle jeta a la compagnie « Et nous
disons qu'aujourd'hui c'est nous qui al
Ions faire votre cuisine. Vous ignorez
certainement ce que c'est que l'omelette
aux anchois. cette omelette pour la
confection de laquelle je n'ai pas de ri-
vale. Eh bien, vous allez en goûter une
faite par ma blanche main. Ëh la pe-
tite Maria, passe-moi la poêle que je vois
là-bas. et vous, monsieur Athanassia-
dis, tout de suite du charbon là-dedans.
–Oh! mesdames, mesdames. vous
me contusionnez! glapissait Athanassia-
dis abasourdi.
–Laisse-toi donc faire, mon vieux
Palicare; ma sœur et moi, nous ne som-
'mes pas nées avec un cuisinier déposé
dans notre berceau royal, fit la maîtresse
de Carsonac, de sa nature très facilement
familière avec les gens.
Tant pis, j'en casse trois. des
œufs. monsieur Athanassiadis, voyez
comme je hache les anchois. ni trop
gros ni trop petits. et mon secret, je
vous le conne. c'est de les faire gril-
ler un rien sur le feu.ça du cumin,
n'est-ce pas. va pour un soupçon du
cumin.
–Oh t mesdames, mesdames conti-
nuait à gémir Athanassiadis.
–Au large, mon vieux Palicare, tu
nous gênes dans nos opérations fit la
sœur.
Monsieur Athanassiadis. atten-
tion. vous allez voir comme je la re-
tourne. une, deux, trois. ça y est
et a-t-elle une belle couleur en dessous,
et est-elle moelleuse dessus! Mainte-
nant, la petite Maria, mettons le cou-
vert de monsieur.
Etparmi le voletage et le gazouillement
des'oiseaux, tenus, ce soir-là, en éveil,
par le bruit, le mouvement, le « va-et-
vient de la petite fête, les deux sœura,
avec des gentillesses de soubrettes de
théâtre, se mirent à servir le vieillard,
qui, ne se défendant plus que mollement
s abandonnait au charme de cette juvé-
nile et caressante gaieté de femmes,
faisant, une heure, compagnie à ses
vieilles années,
Eh bien, monsieur Athanassiadis,
est-ce réussi ?. êtes-vous content de
votre cuisinière? disait la Faustin, les
traits- animés d'une joie d'enfant. Et
maintenant le second ser vice. les oli-
ves.Oh! maiselles sont bonnes, celles-
là, nt-elle, pendant qu'elle en croquait
deux ou trois. Goûte-donc petite Marie.
Merci, je suis plus carnivore que
cela, moi 1
Monsieur a uni. on dessert et
la Faustin, en une minute, balaya la pe-
tite table de tout ce qu'elle portait, avec
des grâces tourbillonnantes.
Allons, soupira, le vieil Athana.ssia-
dis, en reprenant son Ëuripiderdans un
de ces aSaissemems souriants qae pro-
duit le bonheur chez la vieillesse < Tout
ce que je sais de mon vieux grec, je
vais tâcher de vous le donner, mesda-
mes !)
Et ton cocher, Juliette ?
Je l'avais parfaitement oublié.
Rends-moi le service de descendre.
qu'il aille dîner chez le premier mar-
chand de vin, et qu'il revienne.
Quand la soeur remonta, elle trouva
la Faustin, les coudes posés sur ses ge-
noux écartés, sa belle et nerveuse tête
de tragédienne enfoncée entre les deux
paumes de ses mains, et buvant, pour
ainsi dire, les sonorités qui s'échap-
paient de la bouche du vieillard grec.
Quelquefois se levant, tout en faisant si-
gne à Athanassiadis de continuer, elle
marchai.t, elle mimait le vers, qu'un mot
de traduction française lui avait fait
comprendre, puis venait se rasseoir.
Et Athanassiadis, arrivé à l'accusa-
tion posthume de Phèdre contre son
beau-fils, se mettait à .expliquer aux
deux femmes, avec une intelligence qui
surprit la Faustin, cette ngure de fata-
lité bien autrement grande, bien autre-
ment humaine, bien autrement Ha
la femme conventionnelle et théâtrale-
ment ~m~/M~Mg, peinte par le poète
de la cour de Louis XIV et le commen-
tateur donnait à la tragédienne moderne
la tentation d'accents nouveaux à intro-
duire dans le rôle rajeuni, renouvelé,
compris historiquement.
La lecture de la tragédie était termi-
née. 11 était huit heures.
La Faustin se leva~ après avoir discrè-
tement roulé plusieurs pièces d'or dans
un morceau de papier, et, de l'air et sur
le ton d'une très grande dame, dit
–Monsieur Je professeur de grec.voilà
bien des heures que nous vous avons
prises. Je vous prie d'accepter cette
faible rémunération de votre temps
perdu.~
Non, madame, répondit le vieillard
d'abord vous m'avez fait à Sîner. puis
je vous connais. je vous ai vue jouer
souvent. l'été. dans les mois où il
m'est permis de sortir. et les Grecs, les
modernes, comme les anciens, vous
doivent une certaine reconnaissance
pour prêter votre talent à la résurrection
des grandes Sgures de leur histoire.
non, chère madame.
Et le vieillard prononça ces paroles,
de sa voix chantonnante, où tremblait
un peu d'émotion, et où la substitution
du ~c au c/< mettait comme une douceur
enfantine.
Eh bien, je suis de votre avis, mon-
sieur Athanassiadis. je trouve que le
plaisir de cette soirée ne doit pas être
payé avec de l'argent. j'aimerais à me
rappeler à vous autrement. je vou-
drais voussavoir désirer une chose que
moi seule pourrais vous donner.
Du moment, madame, que vous
voulezêtre si gracieuse pour le vieil
homme.je vous avouerai qu'il y a ici
un produit de mon 'pays que je ne puis
me procurer.et je serais heureux d'y
goûter encore une fois avant de mou-
rir.c'est du miel de l'Hymète. peut-
être vous, madame, par les ambas-
sades.
Comment donc t le ministre pléni-
potentiaire de France en Grèce est de
mes amis il y aura, dans la première
valise de l'ambassade, une jarre de miel
de l'Hymëte. tout ce qm les abeilles
de votre patrie font de mieux. et en-
core une fois, monsieur Athanassiadis,
adieu et merci.
EDMOND DE GONCOURT
SOUVENIRS D'EGYPTE
On sait la perte que la critique artistique
vient de faire en la personne de M. Chanes
Blanc. Il y a quelques semaines déjà, le
G~K/o~ a donne un morceau de prose de
l'éloquent professeur, mais nous ne pen-
sions pas que 1& second extrait que nous
aurions à Mire dans son œuvre dût triste-
ment coïncider avec la date de sa mort. Le
fragment que nous publions ci-après est
tiré des ~M. Charles Blanc dans le journal A* 7'
nouard.
MBmRAUXTAHSDUCmE
Nous étions une fois dans la chambre
la plus profonde du bazar, avec MM. Ja-
min et Niaudet-Bréguet, à marchander
des tapis. Un drogman de rencontre
nous avait suivis et s'était imposéànous
à force d'obséquiosité et de fautes amu-
santes dans la langue française, qu'il di-
sait posséder à merveille.
Cet homme, pour faire l'officieux, nous
avertit tout bas, et sans avoir l'aif d'y
toucher, qu'il fallait oSrir résolument le
tiers ou môme le quart duprix demandé.
L'Arabe qut,nous montrait sa marchan-
dise était parfaitement calme et beau.
On eût dit du plus jeune des douze apô-
tres. Il paraissait inaccessible à l'envie
de nous séduire et indifférent sur la vente
de ses tapis. Il nous voyait d'ailleurs
éblouis et il demeurait silencieux et in-
dolent.
Tout à coup, ayant compris ou deviné
dans les yeux du drogman ce qu'il vient
de nous conseiller, il se précipite sur lui
prompt comme l'éclair, le ferrasse, le
roule sur les tapis, le prend à la gorge,
et sans nous il l'étranglait. Une minute
après, notre Arabe est redevenu- digne,
imposant, impassible.
Le lieu où cette scène rapide venait
de se passer était comme un puits formé
par d'assez hautes maisons. Pour se dé-
tendre du soleil, on', avait tendu sur des
cordes de vieilles étoffes qui, par places,
laissaient passer la lumière. Sur trois
côtés de la cour s'ouvraient des maga-
sins sombres où étaient empilés des ta-
pis de Perse, de Smyrhe, de Caramanie,
de*Teao's. Du fond de ces magasins, les
marchands tiraient, & force de bras, des
tapis qui, passant de l'obscurité à la lu-
mtëre et aussitôt dépliés, resplendis-
saient de toutes les magnificences des
tissus orientaux.
Une variété sans fin rendait ce spec-
tacle attachant et nos yeux infatigables.
La dernière pièce qu'on déroulait était
toujours la plus belle. Ici c'est un tapis
de prière ou une pluie de marguerites
de toutes couleurs, avec quelques étoiles
blanches, semble tombée sur l'impos-
sible gazon d'une prairie obscure et
rousse.
Là sur un tapis de Caramanie, un <
tressées ont, en guise de nœuds, des
fleurs épanouies dans les jardins de l'i-
magination, et les <~es de ces fleurs, al-
lant s'enrouler en spirales autour des
cordes, en forment le réseau d'une den-
telle colossale sur un fond à grand lé
qui passe du rouge de Chine au vert
poireau, de l'orangé bruni au bleu sourd
et qui est coupé encore par des largeurs
blanches, mais d'un blanc' légèrement
délavé. Quelquefois la musique des tons,
aigrie par quelques dissonances, com-
pose un tableau délicieusement amer.
Les heures passent vite à regarder
ces tapis. Enfui, comme il faut se dé-
cider, nôtre choix s'est fixé sur un mo-
tif charmant que nos compagnons ont
préféré comme moi. Des bandes jaune
d'or, obliquement rangées' sur une des-
cente de ht, alternent avec des bandes
d'un bleu sombre jouant le noir, et cette
opposition déjà vive, mais moins aiguë
que si le bleu eût été du violet, est ra-
chetée, sur les bords de la bande, par
des ourlets de couleur où paraissent des
tons roux, de minces traînées de blanc
et des niets d'un bleu froid.
Sur ces bandes sont semées des fleurs
de convention à cinq pétales, sortant
d'un calice arbitraire. Jetées dans un
apparent désordre, ces fleurs sont de
toutes les couleurs imaginables..11 en
est de fauves, de livides, de cendrées,
d'un orangé clair; la même forme prend
une teinte glauque, brique, blanc de
lait, gris de souris, mauve, citron, céla-
don, vert-chou, abricot, soufre, noisette
mais à mesure qu'elles passent sur la
bande jaune, ou sur la bande indigo, el-
les s'en détachent par une différence lé-
gère ou franche, par un ton résolu ou
m.né, parfois mordant, jamais cr~. De
menues taches de blanc, de petits papil-
lons noirs viennent ça et là raviver' ce
qui serait, tiède, accentuer ce qui serait
indécis, et le tout ensemble, encadré par
une première bordure uniforme et som-
bre, se trouve séparé de la bordure fi-
nale par une bande d'un blanc d'ivoire
que tranquillisent des géométries fan-
tastiques dont la laine estompe les con-
tours.
CHARLES BLANC
LETTRES PERSANES
Beaucoup de gens ont dans leur biblio-
thèque l'Esprit ZoM; c'est un livre
dont on aime à parler par habitude et qu'on
lit peu. Mais les Zc~r.MMM.~ N'est-ce
pas là que Montesquieu a mis la Heur de
son esprit? N'est-ce pas un de ces livres
légers et profonds, comme les mémoires
d'Hamilton et les contes de Voltaire ? Nos
lecteurs seront certainement curieux de
relire ce que Rica dit à Ibben de cet an-
cien Paris, père du Paris moderne.
7ÏMM! 7&&6M, a ~e
Nous sommes à Paris depuis un mois,
et nous avons toujours été dans un mou-
vement continuel. Il faut bien des af-
faires avant qu'on soit logé, qu'on ait
trouvé les gens à qui on est adressé, et
qu'on se soit pourvu des choses néces-
saires, qui manquent toutes à la fois.
Paris est aussi grand qu'Ispahan les
maisons y sont si hautes, qu'on jurerait
qu'elles ne sont habitées que par des as-
trologues. Tu juges bien qu'une ville
bâtie en l'air, qui a six ou sept maisons
les unes sur les autres, est extrêmement
peuplée, et que, quand tout le monde est
descendu dans la rue, il s'y fait un bel
embarras.
Tu ne le croirais pas, peut-être, depuis
un mois que je suis ici, je n'y ai encore
vu marcher personne. Il n'y a point de
gens au monde qui tirent mieux parti
de leur machine que les Français ils
courent, ils volent les voitures lentes
d'Asie, le pas réglé de nos chameaux,
les feraient tomber en syncope.
Pour moi, qui ne suis point fait à ce
train, et qui vais souvent à pied sans
changer d'allure, j'enrage quelquefois
comme un chrétien car encore passe
qu'on m'éclabousse depuis les pieds j us-
qu'à la tête mais je ne puis pardonner
les coups de coude que je reçois réguliè-
rement et périodiquement. Un homme,
qui vient âpres moi et qui me passe, me
Mit faire un demi-tour et un autre, qui
me croise de l'autre côté, me remet sou-
dain où le ~premier m'avait pris; et je
n'ai pas fait cent pas, que je suis plus
brisé que si j'avais fait dix lieues.
Ne crois pas que je puisse, quant à
présent, te parler à fond des mœurs et
des coutumes européennes je n'en ai
moi-même qu'une légère idée, et je n'ai
eu à peine que le temps de .m'étonner.
Le roi de France est le plus puissant
prince de l'Europe. Il n'a point de mines
d'or comme le roi d'Espagne son voisin;
mais il a plus de richesses que lui, parce
qu'il les tire de la vanité de ses sujets,
plus inépuisables que les mines. On lui
a vu entreprendre ou soutenir de gran-
des guerres, n'ayant d'autres fonds que
des titres d'honneur à vendre; et, par
un prodige de l'orgueil humain, ses
troupes se trouvaient payées, ses places
munies, et ses flottes équipées,
/C~<<<<
Les habitants de Paris ~ont d'une 'u-
riosité qui va .jusqu'à l'extravagance.
Lorsque j'arrivai, je fus regardé comme
si j'avais été envoyé du ciel vieillards,
hommes, femmes, entants, tous vou-
laient me voir. Si je sortais, tout le
monde se mettait aux fenêtres si j'étais
aux Tuileries, je voyais aussitôt un cer-
clé se former autour de moi les fem-
mes mêmes faisaient un arc-en-ciel,
nuancé de mille couleurs qui m'entou-
rait.
Si j'étais au spectacle, je trouvais
d'abord cent lorgnettes dressées contre
ma figure enfin jamais l'homme n'a
tant été vu que moi. Je souriais quel-
quefois d'entendre des gens qui n'é-
taient presque jamais sortis de leur
chambre, qui disaient entre eux '< il faut
avouer"qu'il a l'air bien persan.' Chose
admirable je trouvais de mes portraits
partout; je me voyais multiplié dans
toutes les boutiques, sur toutes les che-
minées, tant on craignait de ne m'avoir
pasassezvu.
Tant d'honneurs ne laissent pas d'être
à charge je ne me croyais pas un
homme si curieux et si rare, et, quoique
j'aie très bonne opinion de moi, je neme
serais jamais imaginé que je dusse trou-
bler le repos d'une grande ville où je
n'étais'point connu.
Cela me fit résoudre ~'quitter l'habit
persan et à en endosser un à l'euro-
péenne pour voir s'il resterait encore
dans ma physionomie quelque chose
d'admirable. Cet essai me fit connaître
ce que je valais réellement. Libre de
tous ornements étrangers, je me vis ap-
précié au plus juste. J'eus sujet de me
plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait
en un instant l'attention'et l'estime pu-
blique, car j'entrai tout à coup dans un
néantàSreux.
Je demeurais quelquefois une heure
dans une compagnie sans qu'on m'eût
regardé et qu on m'eût mis en occasion
d'ouvrir la bouche mais si quelqu'un,
par hasard, apprenait à la compagnie
que j'étais Persan, j'entendais aussitôt
autour de moi un bourdonnement :ah! monsieur est Persan! (Test une chose
bien extraordinaire Comment peut-on
être Persan!' »
De P:M'is, le 6 de in lune de Chah'al, 1712.
'7~. M*
J'allai, l'autre'jour, voir une maison
ou l'en. entretient environ trois cents
personnes assez pauvrement. J'eus bien-
tôt fait, car l'église et les bâtiments ne
méritent pas cTêtre regardés. Ceux qui
sont dans cette maison étaient assez
gais plusieurs d'entre eux jouaient aux
cartes ou a d'autres jeux que je ne con-
nais point.
Comme je sortais, un de ces hommes'
sortait aussi, et m'ayant entendu de-
mander le chemin du Marais, qui est le
quartier le plus éloigné de Paris < J'y
vais, me dit-il, et je vous y conduirai;
suivez-moi.' Il me mena à merveille, me
tira de tous les embarras, et me sauva
adroitement des carrosses et des voi-
tures.
Nous étions près d'arriver, quand la
curiosité me prit :
vous êtes ? Je suis aveugle, mon-
sieur, me répondit-i!Comment! lui
dis-je, vous êtes aveugle! Et que ne
priiez-vous cet honnête homme qui
jouait aux cartes avec vous de nous
conduire? –Il est aveugle aussi, me
répondit-il; il y a quatre cents ans que
nous sommes trois cents aveugles dans
cette maison où vous rn~avez trouvé.
Mais il faut que je vous quitte; voilà la
rue que vous demandiez; je vais me
mettre dans la foule j'entre dans cette
église, où, je vous jure, j'embarrasserai
plus les gens qu'ils ne m'embarrasse-
ront.
De Paris. le 17 de la lune do Chalval, 171S.
!7~/{ s jR/
Le café est très en usage à Paris il y
a un grand nombre de maisons publi-
ques où on le distribue. Dans quelques-
unes de ces maisons, on dit des nouvel-
les dans d'autres. on joue aux échecs.
Il y en a une où l'on apprête le café de
telle manière qu'il donne de l'esprit à
ceux qui en prennent, au moins, de tous
ceux qui en sortent, il n'y a personne
qui ne croie qu'il en a quatre fois plus
que lorsqu'il y est entré.
Mais ce qui me choque de ces beaux-
esprits, c'est qu'ils ne se rendent pas
utiles à leur patrie et qu'ils amusent
leurs talents à des choses puériles. Par
exemple, lorsque j'arrivai à Paris, je les
trouvai échauiïés sur une dispute la plus
mince qui se puisse imaginer il s'agis-
sait de la réputation d'un vieux poète
grec, dont, depuis deux mille ans, on
ignore la patrie aussi bien que le temps
de sa mort.
Ceux dont je viens de te parler dispu-
tent en langue vulgaire, et il faut les
distinguer d'une autre sorte de dispu-
teurs qui se servent d'une langue bar-
bare, qui semble ajouter quelque chose
à la fureur et à l'opiniâtreté des combat-
tants. Il y a des quartiers eu l'on voit
comme une mêlée noire et épaisse de
ces sortes de gens ils se nourrissent de
distinctions ils vivent de raisonnement
obscurs et de fausses conséquences. Ce
métier, où l'on devrait mourir de faim.
ne laisse pas de rendre. On a vu une na-
tion entière, chassée de son pays, tra-
verser les mers pour s'établir en t rance,
n'emportant avec elle, pour parer aux
nécessités de la vie, qu'un redoutable
talent pour la dispute. Adieu.
Do .Puriste dM'merdcla. lune (.~Xilhagë, H13.
MOMTESaUtEU.
'ÂPSËS CMST~'Ttm.
Le ~4 novembre t~G, mie petite nr-
mée française, grande comme sa more
impériale, échelonnait, sa retraite de
ConstantinsâSpma. C'était le desastre
de Moscou en miniature. Les soldas,
Épuisés par des marches manies et tons
les ûéaux de l'univers, soutenaient une
lutte de désespoir contre les nuées d'A-
rabes amonceies aux quatre horixons,
comme le plus formidable des ouragans
africains.
La nature, qui, dans ses .secrets da
destruction, vient souvent servir d'auxt-
liaire homicide et prendre son rang de
bataille dans l'une ou l'autre armée,&
nature implacable avait déchaîné toutes
ses horreurs contre nos soldats élis
grossissait les torents, elle ouvrait les
réservoirs ~es pluies et le trésor des
neiges, elle mugissait dans le tonnerre
des vents comme une immense voix de
désolation; et nos légions, comme celles
-de Varus en Germanie, ne voyaient que
la mort sous mille formes, et tous les
périls irritants, contre lesquels le cou-
rage est inutile dans un jour sans lende-
main..
Lorsque ces calamités se consomment,
on ne distingue, dans cette confuse mê-
lée de sang et de deuil, que les têtes 41-
lustres seules, elles Se recommandent
au burin de l'histoire, et le voile de l'ou-
bli enveloppe à jamais les actes modes-
tement sublimes accomplis dans les rangs
inférieurs.
C'est une chose qui paraît injuste au
premier abord.; mais, après rénexion
sage, on est forcé de convenir que les
historiens et les livres n'auraient pas
suni, si la plume eût enregistré scrupu-
leusement, détail par détail, tous Jes .s
traits particuliers d'héroïsme qui ont
honoré les armées malheureuses, depuis
la retraite des Dix millejusqu'à la re-
traite de Constantine, depuis Xénephou
jusqu'à Clausel.
Il est pourtant convenable quelquefois
d'exhumer de cet oubli un obscur sol-
dat, afin de prouver aux autres qu'il y~
chance d'acquérir un peu de renommée
tardive, même sous les épaulette de laine
etiehavresac..
C'est ce qu'il faut faire pour le brave
Ambroise Vernier, du 63° de ligne.
Au passage de la Seybouse, les Arabes `
-venaient de tenter des.eSorts surhu-
mains pour couper notre retraite là se
couvraient de gloire le commandant
Changarnier,.Io lieutenant\colonel Du-
vivier, le capitaine Molliére, le jeune
Bertrand, blessé à Constantine, et tant
d'autres ofnciersqui préludaient, à leur
gloire africaine. Cette lutte prodigieuse
acheva d'épuiser la force et le courage
de beaucoup d'hommes; et quand la nuit
vint encore ajouter ses horreurs à tunt
de glorieuses misères, il y eut des sol-
dats qui s'avouèrent vaincus par excès
de découragement, et, qui attendirent I&
la mort dans cette immobilité de ré.st-
gnation, suprême' vertu des guerriers-
sauvages de vaut leurs, inexorables vain-
queurs.
Après avoir passé la Seybouse, dans
une dernière dépense de force, le jeune
Ambroise Vernier se coucha sur un I
d'une petite grotte creusée par le cours
de l'eau.
Personne ne remarqua ce malheureux
piéton voyageur, qui prenait son gite de
mort pour s'épargner d'autres frais de
route. L'armée passa, les Arabes cassè-
rent. Amis et ennemis étaient déjà bien
loin, et Vernier n'entendait plus que le
sourd fracas du neuve et les harmonies.
lointaines et lugubres qui senties voix
de la nuit dans le désert.
Il y a, dans certaines organisations,
un merveilleux mécanisme physiologi-
que qui bouleverse l'ordre des sentiments
et des idées avec une promptitude éton-
nante. Vernier avait, depuis bien des
heures, accepté la mort comme un re-
mède plein de charmes et comme la ces-
sation d'une lutte impossible la vie ne
lui paraissait pas digne d'être achetée au
prix de tant de souiïrances, d'angoisses,
d'eSorts surhumains.
Eh bien) quand il se vit seul au bord
de ce neuve sans nom, seul dans un dé-
sert, avec l'étrange orgueil de peupler
une solitude, et if ayant sur la tête qu'un
groupe d'étoiles qui ne luisaient que
pour lui, il se cramponna de nouveau à
l'existence; il rougit d'avoir désespère
de Dieu dans une double désertion, lâ-
che transfuge de la vie et des armées;
et ce mouvement de révolte opéré con-
tre lui-même le rendit brave et fortcom
me le soldat levé à l'aube pour le com-
bat.
Ce chargement de résolution étonnera
moins lorsqu'on saura que Vernier était
un enfant de nos contrées méridionales,
où les phénomènes de la nature impri-
ment aux âmes des contrastes moraux
inexplicables le calme et la tempête,
l'excitation et l'abattement, la vie et l'a-
ridité, les ombres et les rayons. Ver'
nier avait été payé comme impôt de sang
par le village de la Cadière, qui se ca-
che non loin de la mer, dans des masses
confuses de collines, de vallons, de bois,
de torrents, de montagnes, de jar-
dins.
Il y a, dans ces agrestes résidences.
si paisibles vues de loin, il y a des riva-
lités orageuses, des haines vives, pétries
avec le mistral et leSoleil, et qui ont
pris naissance un jour de fête, au milieu
d'un concert, ou dans le gymnase des
jeux renouvelés des Romains. La musi-
que, le chant, les trois sauts, le ballon,
la lutte, sont quelquefois des éléments
de discorde, qui amènent des duels au
pugilat, et des ressentiments vivaces,
qui n'ont de chance de s'éteindre que
dans les agapes générales d'un jubilé
sous les rameaux paciûques de la croix.
Vernier avait quitté son village en em-
portant, incrustée au fond du cœur, une
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 82.83%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 82.83%.
- Collections numériques similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"Arts de la marionnette Arts de la marionnette /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "Pam1" Bibliothèque Diplomatique Numérique Bibliothèque Diplomatique Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MAEDIGen0" La Grande Collecte La Grande Collecte /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "GCGen1"
- Auteurs similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"Arts de la marionnette Arts de la marionnette /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "Pam1" Bibliothèque Diplomatique Numérique Bibliothèque Diplomatique Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MAEDIGen0" La Grande Collecte La Grande Collecte /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "GCGen1"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k524126v/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k524126v/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k524126v/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k524126v/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k524126v
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k524126v
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k524126v/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest