Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1882-01-08
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32779904b
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 janvier 1882 08 janvier 1882
Description : 1882/01/08 (Numéro 50). 1882/01/08 (Numéro 50).
Description : Note : supplément littéraire, commercial et... Note : supplément littéraire, commercial et financier.
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5241107
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/02/2008
Numéro 50
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LITTÉRAIRE, 91 COMMERCIAL & FINANCIER
~a~
X,e Gatku; \'¥A Rois. Ernest d'Hervilly.
̃ Les Kobls de Saboly. Saint-flené Taillan-
dier.
La Barrique n*ÀMONTiLt,Ano. Edgar Poë.
.Daniel Deromda. George Eliot.
Eugène Deiaouoix au Maroc. Ev.gçne Dela-
croix.
LE GATEAU DES ROIS
-,v ̃> lh.- ''>' ̃in 'i ̃ ̃
La spirituelle fafitaisie que nous publions
".ci-après, et qui prouve que, si, le Jour des
Rois a eu ses peintres, tels que Teniers,
Jordaens, Jan Steen, il a trouvé de notre
temps des écrivains pour le célébrer, ne
peut manquer d'intéresser nos lecteurs, à
ce lendemain de la fête de l'Epiphanie. Nous
empruntons cette nouvelle au journal d'art,
la Vie moderne, où elle a paru autrefois.
(Charpentier, éditeur.^
̃ Mon ami Philippe me racontait
v/liier.̃
Mais j'ignore si votre mémoire, ho-
iioré lecteur, a e.u l'obligeance de placer
ce nom sur l'une de ses plus sympathi-
ques étagères. Gomme j en doute, avec
une certaine intensité, je prends la pré-
caution de vous rappeler que mon ami
Philippe, un incorrigible faiseur de rê-
ves, est l'auteur des Notes d'un homme
qui n'en a jamais pris, publiées ici-
même..
Ceci n'est pas une réclame amicale;
.-1 Je tiens seulement à vous faire souve-
nir, honoré lecteur, que mon ami Phi-
lippe vit beaucoup en marge de la réa-
.'lité. ̃̃ • ̃'̃-̃• ̃̃̃ '-̃• =•̃ ̃•
Donc, il nous a raconté hier ce qui
"suit ̃̃'•• ̃̃̃•
J'avais été invité à tirer lés Rois.
en famille, à Paris. En famille, oui,
• .rien de plus charmant que cela!
Moi, je suis conservateur,, voyez-vous
Jes anniversaires, les grandes dates, la
-•tradition! Plus de société sans cela.
Enfin, je tirais donc les Rois, en fa-
mille. En famille, entendons-nous,
'̃ c'est-à-dire que, après le maître et la
maîtresse de la- maison qui se connais-
saient un peu, dame ils sont mariés,
c'est leur affaire, les autres convives
se voyaient pour la première fois. C'é-
taittrès touchant. la lampe de famille.
du gaz, parbleu j. lès enfants. Oh! 1
non, je me trompe les enfants étaient
couchés, heureusement. ils auraient
troublé la solennité attendrie de cette
fête tout intime. Excellent dîner
• d'ailleurs On mange des truffes à la
dinde, pas beaucoup de dinde. et,avant
le coulommier double-crème, on parta-:
gea le fameux gâteau de l'actualité.
1 faut vous dire aussi qu'il n'y avait là
pas plus de galette des Rois que sur la
place de la Concorde ou aux Tuileries.
non. d'ailleurs c'est si lourd! On par-
tagea simplement, je le répète, un. ma
foi, je ne sais plus comment ças'appelle.;
Bref, c'était un chef-d'œuvre en pâte de
marrons glacés, crémeux, là, sucré.
d'un confiseur illustre sur le boulevard
de. attendez donc. enfin, ce boule-
vard-là ou un autre.
C'était très bon. Au fait, je crois que;
le nom, c'est xxnralatoutchâ au cynorho-
don. On s'en ferait du mal. Délicieux
gâteau des Rois. Aucun rapport, d'ail-
leurs, avec l'absurde gâteau de nos pè-
res, sauf la fève, ah oui, sauf la fève,
et encore non, ce n'était pas une fève,
c'était une petite poupée en porcelaine,
délicieuse.
Je fus le roi. Mais, vous savez, des
gens très bien. on ne me cria rien du
tout pendant que je buvais. c'est bien
plus agréable. Conservons les tradi-
tions, mais modernisons-les. Il faut de
la distinction en tout, même en matière1
de fête de famille. C'est d'un bon exem-
ple pour les enfants. oh 1 non, ilsétaient
couchés.
Et puis, ma foi,; on mit un petit peu
l'Epiphanie au Champagne, très bonne
marque, pour faire couler le ratatoutcha.
Le Champagne, c'est la crème fouettée
de la vigne. Un clou chasse l'autre. La;
crème de la vigne fit passer la crème du
rataloutcha. ̃•
Les « tournées » (mille pardons !) fu-
rent nombreuses. A la fin, la cordialité,
mon cher, était telle que le maître et la
maîtresse de la maison avaient fait com-
plètement connaissance. Il avaient tout
a fait l'air d'amis de vingt ans, et pour-
tant il n'y en -a que cinq qu'ils sont ma-
riés. Ils se racontaient des histoires de
jeunesse, d'avant leur collaboration.
Ce que ça embêtait un monsieur qui
était là, qui est l'amoureux de madame,
fallait voir Dame ce n'est pas lui qui
"touche la rente, le pauvre garçon, dans
;ces occasions-là!
Mais que c'est doux, ces fêtes de fa-
mille, sous la lampe Tous lés absents
y ont passe, pas sous la lampe, sous la
langue. Ah on a cassé un joli sucre sur
leur dos Je crois même qu'on a dit du
mal des enfants des. absents.
Enfin, le dernier brévas évaporé en
fumée, on s'est séparé très amis, en se
promettant de se revoir à pareille fête
l'an prochain. Il y a même un monsieur,
mon voisin de fourchette, qui est de-
venu maintenant mon ami. Je ne sais
pas exactement son nom, mais enfin il
est très gentil, un blond. non, au fait,
c'est un brun mitigé..
"En sortant, je trouve heureusement une
voiture. Elle était borgne d'une lanterne,
la pauvre vieille, et sentait fort l'huile
brûlée Ma foi, les souvenirs me ber-
cent dans cette voiture je m'y endors.
4 Qiiand je me réveille, je me vois à la
poi'lc! d'uiie petite maison au toit très ̃'
.pùiiïlu, dans une rue sans bec de gaz,
qui avait un air moyenâgeux tout par-
Uculier..
Sans m 'étonner de rien, je frappe à la
porte. Un valet, à cheveux blancs, se,,
présente. H tenait a la main un flambeau
de bois garni d'une chandelle jaune.
Entrez, étranger, me dît-il. Soyez
le bienvenu. On va couper le gâteau jus-
tement.
Je nem'étonne de. rien, j'entre. J'en-
tre dans une grande salle.un peu noire,
où ça sentait tort lachandelle et la fumée
de bois, et qu'éclairaient deux espèces
de grands cierges qui pleuraient du suif
à plaisir, bien qu'ils fussent des pré-
sents du maître chandelier voisin.
Je salue. Il y avait là nombreuse com-
pagnie autour d'une lourde table, des
gens de tout âge, depuis les.vieux jus-
qu'aux marmots au sein, comme dans
le tableau de Jordaens, vous save^'la
Ripaille du Louvre.
Tous ces gens-là portaient des costu-
mes d'autrefois. Ils n'en étaient pas plus
laids. Mon, habit noir, au contraire, avait
un petit air étriqué et pauvre qui me fit
froid dans lé dos quand je le consta-
tai.
A mon entrée, tout le monde s'était
levé, s'était empressé de me faire place;
onm'avait souri de tous les coins de lata-
ble, avec une bonté de regard vraiment
touchante.
Je m'assieds. Les conversations et
les rires, un moment suspendus, re-
prennent de plus belle. Le joyeux mur-
mure est coupé soudain par un: « Au
gâteau !» crié d'une voix encore sonore
par le grand-père de toute la tablée.
Ce cri semble évoquer un domestique
qui, à bras tendus, apporte sur une plan-
che une galette énorme, losangée avec
art et dorée comme par un soleil pâtis-
.sier.
On pose la galette devant l'aïeul, dont
le nez est un peu rouge (mais uii jour
de fête !). Il prend un couteau et tailte
les parts. Autant de parts qne de convi-
ves, sans oublier la part du bon Dieu, la
• part de l'absent, la part du pauvre et la
part de chacun des domestiques. Puis
une serviette blanche est jetée sur le
gâteau en morceaux, qui rappelle alors
le « poêle aux membres disjoints », éten-
du sur le sol, dont parle Virgile.
r
Un enfant est appelé. C'est le « culot »
du nid, le Benjamin de la famille, le pe-
tit 4iable qui a les sympathies de lagaie
assemblée. Il dormait un peu, le cher oi-
seau, la joue sur le coude, au milieu des
pommes et des noix qu'il n'avait pu cro-
quer. On le réveille. Il rit. Il se dirige
en chancelant vers le grand-père,– qui
l'installe sur ses genoux, etqui dit.après
avoir fourré la menotte de l'enfant
sous la serviette qui recouvre le gâ-
teau
•– Attention Tu vas nommer.
Et il ajoute:
Faba, Domine, pour qui-?
Et l'enfant crie ̃
Pour le ben Dieu! 1 '̃̃
Et la part tirée par l'enfant est mise
de côté. On la donnera, m'assure mon
voisin, au premier pèlerin qui frappera
à la porte ce soir-là.
Le grand-père reprend
Faba, Domine, pour qui ? '?
L'enfant crie en riant:
Pour l'absent. m
Et la part est mise de côté pour l'ab-
sent.
L'absent, c'est le fils aîné, qui est en
voyage. Au moment où sa part est ainsi
réservée, tous les cœur pensent à ce
cher voyageur. Tous les regards échan-
gent un souhait de bonne santé à son
intention. Ah le nez, comme dit le pro-
verbe, doit bien lui démanger en ce mo-
ment-là, car tous les coeurs battent à son
souvenir et se parlent de lui, l'un à
l'autre, en cette seconde attendrie où
l'on songe à lui garder sa part de gâ-
teau de famille.
Le grand-père, dont les yeux se sont
mouillés, reprend d'une voix moins
ferme
Faba, Domine, pour qui ?
` L'enfant alors, l'enfant me regarde (je
le mangerais de baisers), et d'un petit
air troublé, malin et tendre, il dit s
Pour le pauvre t~,
Et le vieux valet qui m'a introduit
dans la bonne vieille maison de la rue
sans becs dé gaz m'apporte avec un res-
pect plein deinenveiliance, la part dé-
signée par l'enfant.
Je la consomme, ma foi, en pleurant-
ces braves gens-là m'ont caressé le
cœur avec leurs douces paroles et leurs
bons regards, et. c'est moi qui ai la
fève, une fève véritable, une gourgane
quia l'air d'être en acajou etqu'uncheval
seul serait capable de broyer.
La distribution suit son cours. Mais
c'est moi, le pauvre.qui suis le roi. Tout
le monde me fait fête. Qu'ils sont aima-
bles, tous ces arzo~e7a-tcgei.lâ I
• • ..̃ •- i
Ma reine, car j'ai choisi une reine (et
elle est d'un joli ton), a pris quelques
amies pour me composer une cour.
Elle me force à boire, et, moi, je bois
d'abord pour avoir le plaisir de me sen-
tir les lèvres essuyées, après chaque
rasade, par ma reine ou par ses suivan-
tes ensuite pour donner à mon peuple
la fréquente occasion de me manifester
ses sentiments d'enthousiasme ensuite,
mon Dieu, pour avoir moi-même la sa-
tisfaction de boire ce qu'on boit là, un
vin épicé, très doux, qui n'a aucun rap-
port avec le Champagne, etqui, est-ce
curieux ? ne me rend ni nerveux ni
sceptique.
Au contraire, il m'attendrit et. je me
réveille dans mon fiacre borgne, qui
sent l'huile brûlée, étouffant et regret-
tant, quand mes sens sont enfin re-
pris, d'avoir trop mangé de raiatout-
chaauaynorhodon en compagnie de gens
que je ne connais pas,et qui ne m'ont pas
donné une seule bonne émotion, sous
prétexte de célébrer l'Epiphanie, pour
conserver une tradition f
EBNE6T DHERVILUY
U&IiltS 1 SÂBOLY
ET LA POÉSIE PR0V1ÇALE
Les éditeurs Plon ont publié dernière-
ment des études écrites à diverses époques
par M. Saint-René Taillandier sur le mou-
vement poétique qui a commencé en Pro-
vence il y a une trentaine d'années, et qu'a
illustré le succès de Mireille. Nous déta-
chons de ce volume le fragment suivant,
qui parle de ces Noels de Saboly restés si
populaires dans tout le midi de la France.
(Etudes littéraires. Plon, éditeur.)
11 y avait au dix-septième siècle un
prêtre du Comtat, poète et musicien, qui
passa toute sa vie a chanter des noëls. Il
en composait à la fois les paroles et la
musique. Quand il en avait terminé un,
il en faisait un autre. Chaque année, au
mois de décembre, de nouveaux noëls
s'échappaient de sa retraite, comme une
volée d'oiseaux. Chanter la venue du
Christ, c'était l'occupation unique de cet
excellent homme, et, comme il était or-
ganiste d'une église d'Avignon, il popu-
larisait lui-même ses chants en accom-
pagnant la foule pieuse qui les enton--
naît à pleine voix.
Ce ne sont pas des œuvres artificielles
que ces noëls de Saboly; avec son ima-
gination naïve, il apercevait les murs de
Bethléem, il voyait l'étable, la crèche,
le bœuf et l'âne, et c'est le plus sincère-
ment du monde qu'il partait pour adorer •
l'Enfant-Dieu, appelant tous les gens du
pays, pâtres et filles des champs. « Eh!
Jean, Eslève, Sauvaire, eh vous autres,
les pâtres du Luberon, les bouviers de
la Camargue, vous ne savez pas la nou-
velle? Le Fils de Dieu est né. Arrivez,
arrivez tous » Et là-dessus des collo-
ques s'engageaient entre le poète et les
paysans.
Ce thème variait sans fln. Rien d'ab-
strait, rien qui sentît la poésie conve-
nue. C'étaient des dialogues, des épiso-
des touchants ou comiques, maintes fa-
miliarités qui saisissaient l'esprit. Il sem-
blait en vérité que Bethléem fût en
Provence, et que Jésus-Christ fût né là-
bas, sous les oliviers, dans quelque mas
des Alpilles.
Ces noëls de Saboly sont populaires
d'un bout de la'Pfovênce à l'autre. Il y
a deux siècles qu'on les chante, et on
les chantera-encore longtemps. JLe peu-
ple les entonne dans l'église aux jours
consacrés; la nuit, le pâtre de la Crau
les répète à la clarté des étoiles. « Quel
est le recoin de la Provence, si écarté
qu'il soit, où ces noëls n'aient pas pé-
nétré ? dit M. Mistral dans une vive no-
tice sur Saboly. De Briançon à Arles et
de Nîmes à Antibes, furetez de toutes
parts, si vous trouvez un homme, une
temme, un enfant qui ne connaisse pas
au moins le noël de Y Hôte, je vous achète
un merle blanc, et je vais le dire à
Romev. Tout cela ne veut pas dire que
Saboly soit un trouveicr (troubairé) de
première main, comme Homère, Dante,
Corneille ou Lamartine mais il n'y a si
petit buisson qui ne donne de l'ombre
au moins une fois par jour. Le travail-
leur qui endure la soif et la fatigue se
délecte cent, fois plus avec un noël de
Saboly qu'avec une tragédie de Cor-
neille. Saboly est le Irouveur du pauvre
monde, le chantre de la crèche, de l'âne,
du foin, de l'étable, du froid, des langes,
de la misère; et son bonheur et son
triomphe, c'est de faire rire la misère,
tout en la relevant. »
°
-»' -le
Ces noëls si populaires, on n'en con-
naissait pas exactement la musique. Si
l'imprimerie, en de nombreuses éditions,
avait fidèlement conservé le texte des
paroles, les airs, transmis de bouche en
bouche, avaient subi des altérations
inévitables. Or, il y a quelques années,
ce texte musical, que l'on croyait perdu,
fut retrouvé dans une bibliothèque par-
ticulière d'Avignon, et un savant musi-
cien du pays, M. Séguin, le fit graver
avec un soin religieux. Ce fut une occa-
• sion toute naturelle pour nos chanteurs
provençaux.
Déjà plus d'un parmi eux avait com-
posé des noëls pour obéir au sentiment
populaire et suivre la tradition; la dé-
couverte de ces airs primitifs fut comme
un signal, et chacun se mit à l'œuvre.
MM. Roumanille, AubaneL et Mistral
publièrent une nouvelle édition de Sa-
boly, accompagnée de tous les noëls ré-
cemment inspirés. Après la farandole
joyeuse, la pieuse procession commen-
çait.
Le vieil organiste a dû tressaillir dans
sa tombe; la tradition créée par lui re-
vivait tout à coup avec une grâce origi-
nale. Par des sentiers jonchés de fleurs,
une troupe de chanteurs allait vers le
berceau de l'Enfant Jésus. Où était ce
berceau? A Bethléhem ou dans la vallée
du Rhône? On ne saurait le dire. Quel-
ques-uns des poètes avaient repris le ton
de l'histoire et s'inspiraient du récit
évangélique; les autres, fidèles à la
naïve tradition de Saboly, continuaient
de peindre la Provence en glorifiant la
crèche; mais, poésie idéale ou réa-
lité familière, on ne voyait partout que
des fleurs, partout on n'entendait que
des chants.
Parmi ces noëls de 1856, il en est quel-
ques-uns qui méritent une mention à
part ce sont les noëls charmants de
M. Roumanille et les noëls terribles de
M. Aubanel. M. Roumanille est de ceux
qui ont conservé la tradition de Saboly
en allant à la crèche de Jésus, il ne sort
jamais de la Provence. Ces petits en-
fants qui montent sur l'âne, qui jouent
avec les cornes du bœuf, ce sont, comme
les pâtres du vieil organiste, des enfants
de Monlmajour ou de Saint-ileniy.
C'est une Provençale aussi,cette jeune
fille aveugle qui supplie sa mère de la
conduire à l'étable où le Sauveur vient
de naître « Mère, pourquoi me laisser
seule ici ? Je pleurerai, le me désolerai
pendant que vous bercerez l'enfant.
Ma fille, qu'irais-tu faire à la crèche? Tes
pauvres yeux sont condamnés à ne pas
voir. Résigne-toi. A la vêprée, demain,
qu'elle joie pour toi quand nous revien-
drons Nous te raconterons tout ce que
nous aurons vu »
Mais p'àveugle prie si doucement, si
tendrement, qu'il faut bien l'emmener à
Bethléem elle arrive, elle met sur
son cœur la main du divin Enfant, et
aussitôt la vue lui est rendue. Le poète a
pris pour épigraphe cesparoles de saint
Thomas d'Aquin Prœstet (Ides supple-
menlum sënsuum defectui. Cette rectifi-
cation des sens par la foi est exprimée
ici avac une rare harmonie de style le
dernier vers E iê vécue! 1 (et elle vit!)
est comme un cri de joie, comme l'explo-
sion de la lumière dans les ténèbres.
Tout autres sont les tableaux de M.
Théodore Aubanel là, plus de suaves
histoires, plus de légendes et de pein-
tures provençales nous sommes bien
dans l'antique Judée, et la vigoureuse
imagination de l'auteur commente' tra-
giquement les récils de l'Evangile. Tan-
tôt ce sont les esclaves à qui un ange
annonce la venue du Rédempteur, et le
servile troupeau, tout à coup réveillé,
pousse une clameur à faire trembler les
césars. Tantôt c'est le Massacre des in-
nocents. t
~`~ `
Le poète en a fait trois noëls qu'il
appelle une trilogie: le premier, le Chien
de saint Joseph, est d'un effet: étrange
et sinistre. Le, chien du charpentier- Jo-
seph, le bon chien Labri,- si connu des
enfants du village, ne fait que hurler
depuis le matin. Les mères tremblent,
les enfants frissonnent « Ce n'est rien,
dit une voix; Joseph et "Marie, en par-
lant hier, l'ont oublié dans l'étable. Il
en devient fou, et voilà la cause de ce
sabbat d'enfer. Ouvrez-lui la porte, il se
taira. » On ouvre, et Labri hurle encore.
Les enfants le caressent, essayent de
jouer avec lui; Labri hurle toujours,
comme on dit que les chiens hurlent
quand ils sentent la mort. Tout à coup,
par la grande route, arrive au galop une
troupe de cavaliers; quel bruit! que de
visages sinistres que d'épées hors des
fourreaux. Alors le chien, qui hurlait
immobile, se mit à courir, hurlant tou-
jours, dans toutes les rues de Bethléem.
Après cette introduction si poétiquement
effrayante, le lecteur est préparé à la se-
conde partie de la trilogie, intitulée le,
Massacre.
%-< Fermez à clef, barricadez les portes,
car les brigands qui vaguent de toutes
parts, vous ne savez pas, mères, où ils
vont.
» Cachez.ôtez de leurs yeux, et les ber-
ceaux, et les enfants. Pour les chercher,
la bande rôde. Ce sont les bourreaux
envoyés par notre roi Hérode. Ni larmes
ni cris ne les feront reculer.
» Cachez les enfants de lait, ils vont
les égorger.
» 0 mères dans les rues, pour fuir ne
soyez pas lentes, élancez-vous, ne re-
prenez pas haleine, courez, courez dans
Bethléem sur votre cœur tremblant,
serrez votre enfant qui sommeille;
étouffez avec la main ses cris, s'ils se
lamente éploré.
» N'enfëndez-vous pas hurler
» –Où sont les enfants de lait? nous
voulons les égorger.
» Brisons les portes barrées un
peu d'aide, camarade Sur la porte de
cette maison jouons,jouons de la hache 1
Il n'y a personne dit sur le seuil une
femme toute pâle; mais la horde déjà
montait dans la maison Dans les
chambres d'en haut, nous avons entendu
crier! I
» Nous le voulons, ton enfant de lait,
nous le voulons pour l'égorger 1
» Oh quels coups quelle lutte ils
ne sont pas assez fort la mère est agile,
elle a pris l'enfant mais le bourreau,
saisissant la mère par les cheveux,
frappe l'innocent qui à la mamelle tirait
encore une gorgée. Dieu que son épée
était tranchante Coupé en deux, l'en-
fant roule à terre.
» Où y a-t-il encore des enfants de
lait, que nous allions les égorger?
» Horreur! le croira- t-on? Hérode
vint voir, à la nuit, si l'on avait massa-
cré comme il faut I De temps en temps
son pied se heurtait sur le sol aux jam-
bes d'un enfant mort. Il disait en mar-
chant Qu'il est doux de n'entendre
ce soir personne souffler, personne par-
ler 1
» Où sont les enfants de lait? On les a
tous égorgés 1
» 0 roi à cette heure tu es maître.
Que te fait Bethléem qui pleure? que
t'importe d'être couvert de sang? Dis" à
tes bourreaux Grand merci. Dans ton
palais, à loisir va reposer sur l'hermine.
Un jour, qui n'est pas bien loin, de ton
siège si haut nous te verrons descendre,
mangé par les vers.
» llsne sontpas tous égorgés, Hérode,
les enfants de lait » ZD
SAINT-RENÉ TAILLANDIER
i,
LA BARRIQUE
D'AMONTILLADO
J'avais supporté du mieux que j'avais
pu les mille injustices de Fortunato;
mais, quand il en vint à l'insulte, je ju-
rai de me venger. Vous cependant, qui
connaissez bien la nature de mon âme,
vous ne supposeréz pas que j'aie articulé
une seule menace. A la longue, je de-
vais être vengé c'était un point défini-
tivement arrêté mais la perfection
même de ma résolution excluait toute
idée de péril. Je devais non seulement
puni, mais punir impunément. Une in-
jure n'est pas redressée quand le ckâti-
ment atteint le redresseur; elle n'est pas
non plus redressée quand le vengeur n'a
pas soin de se faire connaître 4«£elûi qui t
a commis l'injure.
Il faut qu'on sache que je n'avais donné
à Fortunato aucune raison de douter de
ma bienveillance, ni par mes paroles,
ni par mes actions. Je continuai, selon
mon habitude, à lui sourire en face, et
il ne devinait pas que mon sourire dé-
sormais ne traduisait que la pensée de
son immolation, ̃ .̃̃
Il avait un côté faible, ce Fortunato,
bien qu'il fût à tous .autres égards un
homme à respecter, et même à craindre.
Il se faisait gloire d'être connaisseur en
vin. Peu d'Italiens ont le véritable esprit
de connaisseur; leur enthousiasme est
la plupart du temps emprunté, accom-
modé au temps et à l'occasion; c'est un
charlatanisme pour agir sur les million-
naires anglais et autrichiens: En fait de
peintures et de pierres précieuses, For-
tunato, comme ses compatriotes, était un
charlatan –mais en matière de vieux
vins il était sincère. A cet égard, je ne
différais pas essentiellement de lui j'é-
tais moi-même très étendu dans les crus
italiens, et j'en achetais considérable-
ment toutes les fois que je le pouvais.
o. :•:̃ .:̃̃
Un soir, à la brune, au fort de la fo-
lie du carnaval, je rencontrai moni
ami. Il m'accosta avec une très chaude
cordialité, car il' avait beaucoup bu. Mon
homme était déguisé. Il portait un vê-
tement collant et mi-parti, et sa tête'
était surmontée d'un bonnet conique
avec des sonnettes^ J'étais si heureux de
le voir que je crus que je ne finirais ja-'
mais de lui pétrir la main..
Je lui dis Mon cher Fortunato, je'
vous rencontre à. propos. Quelle ex-
cellente mine vous avez aujourd'hui
Mais j'ai reçu une pipe damontillado,.
ou du moins d'un vin qu'on me donne,
pour tel, et j'ai des doutes. ̃
Comment? dit-il, de l'amontil-
lado ? Une pipe ? Pas possible Et au
milieu du carnaval 1 ̃
J'ai des doutes, répliquai-je/ ̃
et j'ai été assez bête pour payer le prix
total de l'amontillado sans vous consul-
ter. On n'a pas pu vous trouver, et je
tremblais de manquer une occasion 1
De l'amontillado 1 >>̃'̃
J'ai des doutes! ;i Vi
De l'amontillado
Et je veux les tirer au clair."
De l'amontillado
Puisque vous êtes invité quelque
part, je vais chercher Luchesi. Si quel-
qu'un a le sens critique, c'est lui. Il me
dira, ̃*
Luchesi est incapable de distinguer
l'amontillado du xérès.
Et cependant il y a des imbéciles
qui tiennent que son goût est égal au
vôtre.
Venez, allons 1 V î r i
OÙ? « '•:•:•
A vos caves.
Mon ami, non; je ne veux pas
abuser de votre bonté. Je vois que vous
êtes invité. Luchesi.
Je ne suis pas invité; partons I
Mon ami, non. Ce n'est pas la ques-
tion de l'invitation, mais c'est le cruel
froid dont je m'aperçois que vous souf-
frez. Les caves sont insupportablement
humides; elles sont tapissées de nitre.
N'importe, allons Le froid n'est
absolument rien. De l'amontillado On
vous en a imposé. Et quant à Luchesi,
il est incapable de distinguer le xérès
de l'amontillado.
En parlant ainsi, Fortunato s'empara
de mon bras. Je mis un masque de soie
noire, et, m'enyeloppant soigneusement
d'un manteau, je me laissai traîner par
lui jusqu'à mon palais.
Il n'y avait pas de domestiques à la
maison ils s'étaient cachés pour faire
ripaille en l'honneur de la saison. Je
leur avais dit que je ne rentrerais pas
avant le matin, et je leur avais donné
l'ordre formel de ne pas bouger de la
maison. Cet ordre suffisait, je le savais
bien, pour qu'ils décampassent en toute
hâte, tous, jusqu'au dernier, aussitôt
que j'aurais tourné le dos.
Je pris deux flambeaux à la glace,
j'en donnai un à Fortunato, et je le diri-
geai complaisamment, à travers une en-
filade de pièces, jusqu'au vestibule qui
conduisait aux caves. Je descendis de-
vant lui un long et tortueux escalier,
me retournant et lui recommandant de
prendre bien garde. Nous atteignîmes
enfin les derniers degrés, et nous nous
trouvâmes ensemble sur le sol humide
des catacombes des Montrésors.
La démarche de mon ami était chan-
celante, et les clochettes de son bonnet
cliquetaient à chacune de ses enjam-
bées.
La pipe d'amontillado ? dit-il.
C'est plus loin, dis-je; mais
observez cette broderie blanche qui étin-
celle sur les murs de ce caveau.
Il se retourna vers moi et me regarda
dans les yeux avec deux globes vitreux
qui distillaient les larmes 'de l'ivresse.
Le nitre ? demanda-t-il à la fin.
Le nitre, répliquai-je. Depuis
combien de temps avez-vous attrapé
cette toux?
Euh euh euh euh euh I euh 1
euh euh euh euh
Il fut impossible à mon pauvre ami de
répondre avant quelques minutes.
Ce n'est rien, dit-il enfiu.
Venez, dis-je avec fermeté,
allons-nous-en votre santé est pré-
cieuse. Vous êtes riche, respecté, ad-
miré, aimé; vous êtes heureux, comme
je le fus autrefois vous êtes un homme
qui laisserait un vide. Pour moi, ce n'est
pas la même chose. Allons nous-en
vous vous rendrez malade. D'ailleurs. il
y a Luchesi.
Assez, dit-il; la toux, ce n'est
rien. Cela ne me tuera pas. Je ne mour-
rai pas d'un rhume.
C'est vrai, c'est vrai, répli-
quai-je, et en vérité je n'avais pas
Fintention de vous alarmer inutilement j 1 i
mais vous devriez prendre des pré*
cautions. Un coup de ce médoc vous; dé*
fendra contre l'humidité.
Ici j'enlevai une bouteille à une lon-
gue rangée de ses compagnes qui
étaient eopchées par terre, et je fis, sau-
ter le goulot. ̃; ̃
Buvez, dis-je, en lui présentant
le via. r
Il porta la bouteille à ses lèvres, en
me regardant du coin de l'œij. 11 fit une
pause, me salua familièrement (les gre-
lots sonnèrent), et dit
Je bois aux défuats qui reposent
autour de nous! ;,«, ̃
Et. moi, à ya^re longue vie!
< II reprit mon bras, et nous nous remî-
mes en roate.
Ces t-aVl.aux, dit-il, sont très
vastes. ̃̃>'
Les Montrésor, J répliquaj-je -l'-
étaient une grande et nombreuse ,fa*
mille/ .•
J'ai oublié vos armes.
Un grand pied d'o? sur champ d'a-
zur le pied écrase un serpent- rampant
dont les dents s'enfoncent dans le talon,
Et la devise? !• =i
Nemo me im%mne lacessit.
Fort beau! dit-il.
Le vin étincelait dans ses yeux, et led
sonnettes tintaient. Le médoc m'avait
aussi échauffé les idées. Nous étions ar-
rivés à travers des murailles d'ossements
empilés, entremêlés de barriques, et de
pièces de vifl, aux dernières profondeurs
des catacombes. Jém!arrêtai. dé nouveau,
et cette fois je pris la liberté de saisir
Fortunato par. un, bras, au-dessus;' da
coude.
Le nitre dis-je; voyez, èiela
augmente*. Il pend comme de la mousse
le long des voûtes. Nous sommes sous
le lit de la rivière. Les gouttes d'humi-
dité filtrent à travers les ossements. Ve-
nez, partons, avant qu'il soit trop tard.
Votre toux.
Ce n'est rien, dit-il, contï*
nuons. Mais, d'abord, encore un coup de
médoô.
Je cassai un flacon de vin de Grave,
et je le lui tendis. Il le vida d'un trait.
Ses yeux brillèrent d'un feu ardent. Il
se mit à rire, et jeta la bouteille en l'air
avec un geste que je ne pus pas com-
prendre.
Je le regardai avec surprise. Il répéta
le mouvement, un mouvemenT gro--
tesque.
Vous ne comprenez pas? dit-il.
Non, répliquai-je. `
Alors vous n'êtes pas de la loge.
Comment?
Vous n'êtes pas maçon. jï-:
Si! si dis^je, si 1 si i.
Vous? impossible vous maçoati
Oui, maçon, répondis-je.. "Z
Un signe dit-il.
Voici, répliquai-je, et tirant une
truelle de dessous les plis de mon man-
teau.
Vous voulez rire, s'écria-t-il, en
reculant de quelques pas. Mais allons
à l'amontillado.
Soit, dis-je, en replaçant l'outil
sous ma roquelaure, et lui offrant de
nouveau mon bras. Il s'appuya lourde-
ment dessus. Nous continuâmes notre
route à la recherche de l'amontillado.
Nous passâmes sous une rangée d'ar-
ceaux fort bas; nous descendîmes; nous
iïmes quelques pas, et, descendant en-
core, nous arrivâmes à une crypte pro»
fonde, où l'impureté de l'air faisait rou*
gir plutôt que briller nos flambeaux.
Tout au fond de cette crypte, on en
découvrait une autre moins spacieuse.
Ses murs avaient été revêtus avec les
débris humains, empilés dans les caves
au-dessus de nous, à la manière des
grandes catacombes de Paris. Trois cô-
tés de cette seconde crypte étaient encore
décorés de cette façon. Du quatrième les
os avaient été arrachés et gisaient con-
fusément sur le sol, formant en un point
un rempart d'une certaine hauteur.
Dans le mur, ainsi mis à nu par le dé-
placement des os, nous apercevions en-
core une autre niche, profonde de qua-
tre pieds environ, large de trois, haute
de six ou sept. Elle ne semblait pas
avoir été construite pour un usage spé-
cial, mais formait simplement l'inter-
valle entre deux des piliers énormes
qui supportaient là voûte des catacom-
bes, et s'appuyait à l'un des murs de
granit massif qui délimitait l'ensem-
ble.
Ce fut en vain que Fortunato, élevant
sa torche malade, s'efforça de scruter la
profondeur de la niche. La lumière af-
faiblie ne nous permettait pas d'en aper-
cevoir l'extrémité.
Avancez, dis-je;– c'est là qu'est
l'amontillado. Quant à Luchesi.
C'est un être ignare interrom-
pit mon ami, prenant les devants1 et
marchant tout de travers, pendant que
je suivais sur ses talons. En un instant,
il avait atteint l'extrémité de la niche,
et, trouvant sa marche arrêtée par le
roc, il s'arrêta stupidement ébahi. Un
moment après, je l'avais enchaîné au
granit. Sur la paroi il y avait deux cram-
pons de fer, à la distance d'environ deux
pieds l'un de l'autre, dans le sens hori-
zontal. A l'un des deux était suspendue
une courte chaîne, à l'autre un cadenas.
Ayant jeté la chaîne autour de sa taille
l'assujettir fut une besogne de cruelqnes
secondes. Il était trop étonné pour résis-
ter. Je retirai la clef, et reculai de quel-
ques pas hors de la niche.
Passez votre main sur le mur,
dis-je vous ne pouvez pas ne pas
sentir le nitre. Vraiment, il est très hu-
mide. Laissez-moi vous supplier \me
fois encore de vous en aller.– Non ?
Alors, il faut positivement que je vous
quitte. Mais je vous rendrai d'abord
tous les petits soins qui sont en mon pou-
voir. M
L'amontillado! s'écria mon ami;
qui n'était pas encore revenu de son éton-
nement.
C'est vrai, répliquai-je, l'a-
montillado.
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X,e Gatku; \'¥A Rois. Ernest d'Hervilly.
̃ Les Kobls de Saboly. Saint-flené Taillan-
dier.
La Barrique n*ÀMONTiLt,Ano. Edgar Poë.
.Daniel Deromda. George Eliot.
Eugène Deiaouoix au Maroc. Ev.gçne Dela-
croix.
LE GATEAU DES ROIS
-,v ̃> lh.- ''>' ̃in 'i ̃ ̃
La spirituelle fafitaisie que nous publions
".ci-après, et qui prouve que, si, le Jour des
Rois a eu ses peintres, tels que Teniers,
Jordaens, Jan Steen, il a trouvé de notre
temps des écrivains pour le célébrer, ne
peut manquer d'intéresser nos lecteurs, à
ce lendemain de la fête de l'Epiphanie. Nous
empruntons cette nouvelle au journal d'art,
la Vie moderne, où elle a paru autrefois.
(Charpentier, éditeur.^
̃ Mon ami Philippe me racontait
v/liier.̃
Mais j'ignore si votre mémoire, ho-
iioré lecteur, a e.u l'obligeance de placer
ce nom sur l'une de ses plus sympathi-
ques étagères. Gomme j en doute, avec
une certaine intensité, je prends la pré-
caution de vous rappeler que mon ami
Philippe, un incorrigible faiseur de rê-
ves, est l'auteur des Notes d'un homme
qui n'en a jamais pris, publiées ici-
même..
Ceci n'est pas une réclame amicale;
.-1 Je tiens seulement à vous faire souve-
nir, honoré lecteur, que mon ami Phi-
lippe vit beaucoup en marge de la réa-
.'lité. ̃̃ • ̃'̃-̃• ̃̃̃ '-̃• =•̃ ̃•
Donc, il nous a raconté hier ce qui
"suit ̃̃'•• ̃̃̃•
J'avais été invité à tirer lés Rois.
en famille, à Paris. En famille, oui,
• .rien de plus charmant que cela!
Moi, je suis conservateur,, voyez-vous
Jes anniversaires, les grandes dates, la
-•tradition! Plus de société sans cela.
Enfin, je tirais donc les Rois, en fa-
mille. En famille, entendons-nous,
'̃ c'est-à-dire que, après le maître et la
maîtresse de la- maison qui se connais-
saient un peu, dame ils sont mariés,
c'est leur affaire, les autres convives
se voyaient pour la première fois. C'é-
taittrès touchant. la lampe de famille.
du gaz, parbleu j. lès enfants. Oh! 1
non, je me trompe les enfants étaient
couchés, heureusement. ils auraient
troublé la solennité attendrie de cette
fête tout intime. Excellent dîner
• d'ailleurs On mange des truffes à la
dinde, pas beaucoup de dinde. et,avant
le coulommier double-crème, on parta-:
gea le fameux gâteau de l'actualité.
1 faut vous dire aussi qu'il n'y avait là
pas plus de galette des Rois que sur la
place de la Concorde ou aux Tuileries.
non. d'ailleurs c'est si lourd! On par-
tagea simplement, je le répète, un. ma
foi, je ne sais plus comment ças'appelle.;
Bref, c'était un chef-d'œuvre en pâte de
marrons glacés, crémeux, là, sucré.
d'un confiseur illustre sur le boulevard
de. attendez donc. enfin, ce boule-
vard-là ou un autre.
C'était très bon. Au fait, je crois que;
le nom, c'est xxnralatoutchâ au cynorho-
don. On s'en ferait du mal. Délicieux
gâteau des Rois. Aucun rapport, d'ail-
leurs, avec l'absurde gâteau de nos pè-
res, sauf la fève, ah oui, sauf la fève,
et encore non, ce n'était pas une fève,
c'était une petite poupée en porcelaine,
délicieuse.
Je fus le roi. Mais, vous savez, des
gens très bien. on ne me cria rien du
tout pendant que je buvais. c'est bien
plus agréable. Conservons les tradi-
tions, mais modernisons-les. Il faut de
la distinction en tout, même en matière1
de fête de famille. C'est d'un bon exem-
ple pour les enfants. oh 1 non, ilsétaient
couchés.
Et puis, ma foi,; on mit un petit peu
l'Epiphanie au Champagne, très bonne
marque, pour faire couler le ratatoutcha.
Le Champagne, c'est la crème fouettée
de la vigne. Un clou chasse l'autre. La;
crème de la vigne fit passer la crème du
rataloutcha. ̃•
Les « tournées » (mille pardons !) fu-
rent nombreuses. A la fin, la cordialité,
mon cher, était telle que le maître et la
maîtresse de la maison avaient fait com-
plètement connaissance. Il avaient tout
a fait l'air d'amis de vingt ans, et pour-
tant il n'y en -a que cinq qu'ils sont ma-
riés. Ils se racontaient des histoires de
jeunesse, d'avant leur collaboration.
Ce que ça embêtait un monsieur qui
était là, qui est l'amoureux de madame,
fallait voir Dame ce n'est pas lui qui
"touche la rente, le pauvre garçon, dans
;ces occasions-là!
Mais que c'est doux, ces fêtes de fa-
mille, sous la lampe Tous lés absents
y ont passe, pas sous la lampe, sous la
langue. Ah on a cassé un joli sucre sur
leur dos Je crois même qu'on a dit du
mal des enfants des. absents.
Enfin, le dernier brévas évaporé en
fumée, on s'est séparé très amis, en se
promettant de se revoir à pareille fête
l'an prochain. Il y a même un monsieur,
mon voisin de fourchette, qui est de-
venu maintenant mon ami. Je ne sais
pas exactement son nom, mais enfin il
est très gentil, un blond. non, au fait,
c'est un brun mitigé..
"En sortant, je trouve heureusement une
voiture. Elle était borgne d'une lanterne,
la pauvre vieille, et sentait fort l'huile
brûlée Ma foi, les souvenirs me ber-
cent dans cette voiture je m'y endors.
4 Qiiand je me réveille, je me vois à la
poi'lc! d'uiie petite maison au toit très ̃'
.pùiiïlu, dans une rue sans bec de gaz,
qui avait un air moyenâgeux tout par-
Uculier..
Sans m 'étonner de rien, je frappe à la
porte. Un valet, à cheveux blancs, se,,
présente. H tenait a la main un flambeau
de bois garni d'une chandelle jaune.
Entrez, étranger, me dît-il. Soyez
le bienvenu. On va couper le gâteau jus-
tement.
Je nem'étonne de. rien, j'entre. J'en-
tre dans une grande salle.un peu noire,
où ça sentait tort lachandelle et la fumée
de bois, et qu'éclairaient deux espèces
de grands cierges qui pleuraient du suif
à plaisir, bien qu'ils fussent des pré-
sents du maître chandelier voisin.
Je salue. Il y avait là nombreuse com-
pagnie autour d'une lourde table, des
gens de tout âge, depuis les.vieux jus-
qu'aux marmots au sein, comme dans
le tableau de Jordaens, vous save^'la
Ripaille du Louvre.
Tous ces gens-là portaient des costu-
mes d'autrefois. Ils n'en étaient pas plus
laids. Mon, habit noir, au contraire, avait
un petit air étriqué et pauvre qui me fit
froid dans lé dos quand je le consta-
tai.
A mon entrée, tout le monde s'était
levé, s'était empressé de me faire place;
onm'avait souri de tous les coins de lata-
ble, avec une bonté de regard vraiment
touchante.
Je m'assieds. Les conversations et
les rires, un moment suspendus, re-
prennent de plus belle. Le joyeux mur-
mure est coupé soudain par un: « Au
gâteau !» crié d'une voix encore sonore
par le grand-père de toute la tablée.
Ce cri semble évoquer un domestique
qui, à bras tendus, apporte sur une plan-
che une galette énorme, losangée avec
art et dorée comme par un soleil pâtis-
.sier.
On pose la galette devant l'aïeul, dont
le nez est un peu rouge (mais uii jour
de fête !). Il prend un couteau et tailte
les parts. Autant de parts qne de convi-
ves, sans oublier la part du bon Dieu, la
• part de l'absent, la part du pauvre et la
part de chacun des domestiques. Puis
une serviette blanche est jetée sur le
gâteau en morceaux, qui rappelle alors
le « poêle aux membres disjoints », éten-
du sur le sol, dont parle Virgile.
r
Un enfant est appelé. C'est le « culot »
du nid, le Benjamin de la famille, le pe-
tit 4iable qui a les sympathies de lagaie
assemblée. Il dormait un peu, le cher oi-
seau, la joue sur le coude, au milieu des
pommes et des noix qu'il n'avait pu cro-
quer. On le réveille. Il rit. Il se dirige
en chancelant vers le grand-père,– qui
l'installe sur ses genoux, etqui dit.après
avoir fourré la menotte de l'enfant
sous la serviette qui recouvre le gâ-
teau
•– Attention Tu vas nommer.
Et il ajoute:
Faba, Domine, pour qui-?
Et l'enfant crie ̃
Pour le ben Dieu! 1 '̃̃
Et la part tirée par l'enfant est mise
de côté. On la donnera, m'assure mon
voisin, au premier pèlerin qui frappera
à la porte ce soir-là.
Le grand-père reprend
Faba, Domine, pour qui ? '?
L'enfant crie en riant:
Pour l'absent. m
Et la part est mise de côté pour l'ab-
sent.
L'absent, c'est le fils aîné, qui est en
voyage. Au moment où sa part est ainsi
réservée, tous les cœur pensent à ce
cher voyageur. Tous les regards échan-
gent un souhait de bonne santé à son
intention. Ah le nez, comme dit le pro-
verbe, doit bien lui démanger en ce mo-
ment-là, car tous les coeurs battent à son
souvenir et se parlent de lui, l'un à
l'autre, en cette seconde attendrie où
l'on songe à lui garder sa part de gâ-
teau de famille.
Le grand-père, dont les yeux se sont
mouillés, reprend d'une voix moins
ferme
Faba, Domine, pour qui ?
` L'enfant alors, l'enfant me regarde (je
le mangerais de baisers), et d'un petit
air troublé, malin et tendre, il dit s
Pour le pauvre t~,
Et le vieux valet qui m'a introduit
dans la bonne vieille maison de la rue
sans becs dé gaz m'apporte avec un res-
pect plein deinenveiliance, la part dé-
signée par l'enfant.
Je la consomme, ma foi, en pleurant-
ces braves gens-là m'ont caressé le
cœur avec leurs douces paroles et leurs
bons regards, et. c'est moi qui ai la
fève, une fève véritable, une gourgane
quia l'air d'être en acajou etqu'uncheval
seul serait capable de broyer.
La distribution suit son cours. Mais
c'est moi, le pauvre.qui suis le roi. Tout
le monde me fait fête. Qu'ils sont aima-
bles, tous ces arzo~e7a-tcgei.lâ I
• • ..̃ •- i
Ma reine, car j'ai choisi une reine (et
elle est d'un joli ton), a pris quelques
amies pour me composer une cour.
Elle me force à boire, et, moi, je bois
d'abord pour avoir le plaisir de me sen-
tir les lèvres essuyées, après chaque
rasade, par ma reine ou par ses suivan-
tes ensuite pour donner à mon peuple
la fréquente occasion de me manifester
ses sentiments d'enthousiasme ensuite,
mon Dieu, pour avoir moi-même la sa-
tisfaction de boire ce qu'on boit là, un
vin épicé, très doux, qui n'a aucun rap-
port avec le Champagne, etqui, est-ce
curieux ? ne me rend ni nerveux ni
sceptique.
Au contraire, il m'attendrit et. je me
réveille dans mon fiacre borgne, qui
sent l'huile brûlée, étouffant et regret-
tant, quand mes sens sont enfin re-
pris, d'avoir trop mangé de raiatout-
chaauaynorhodon en compagnie de gens
que je ne connais pas,et qui ne m'ont pas
donné une seule bonne émotion, sous
prétexte de célébrer l'Epiphanie, pour
conserver une tradition f
EBNE6T DHERVILUY
U&IiltS 1 SÂBOLY
ET LA POÉSIE PR0V1ÇALE
Les éditeurs Plon ont publié dernière-
ment des études écrites à diverses époques
par M. Saint-René Taillandier sur le mou-
vement poétique qui a commencé en Pro-
vence il y a une trentaine d'années, et qu'a
illustré le succès de Mireille. Nous déta-
chons de ce volume le fragment suivant,
qui parle de ces Noels de Saboly restés si
populaires dans tout le midi de la France.
(Etudes littéraires. Plon, éditeur.)
11 y avait au dix-septième siècle un
prêtre du Comtat, poète et musicien, qui
passa toute sa vie a chanter des noëls. Il
en composait à la fois les paroles et la
musique. Quand il en avait terminé un,
il en faisait un autre. Chaque année, au
mois de décembre, de nouveaux noëls
s'échappaient de sa retraite, comme une
volée d'oiseaux. Chanter la venue du
Christ, c'était l'occupation unique de cet
excellent homme, et, comme il était or-
ganiste d'une église d'Avignon, il popu-
larisait lui-même ses chants en accom-
pagnant la foule pieuse qui les enton--
naît à pleine voix.
Ce ne sont pas des œuvres artificielles
que ces noëls de Saboly; avec son ima-
gination naïve, il apercevait les murs de
Bethléem, il voyait l'étable, la crèche,
le bœuf et l'âne, et c'est le plus sincère-
ment du monde qu'il partait pour adorer •
l'Enfant-Dieu, appelant tous les gens du
pays, pâtres et filles des champs. « Eh!
Jean, Eslève, Sauvaire, eh vous autres,
les pâtres du Luberon, les bouviers de
la Camargue, vous ne savez pas la nou-
velle? Le Fils de Dieu est né. Arrivez,
arrivez tous » Et là-dessus des collo-
ques s'engageaient entre le poète et les
paysans.
Ce thème variait sans fln. Rien d'ab-
strait, rien qui sentît la poésie conve-
nue. C'étaient des dialogues, des épiso-
des touchants ou comiques, maintes fa-
miliarités qui saisissaient l'esprit. Il sem-
blait en vérité que Bethléem fût en
Provence, et que Jésus-Christ fût né là-
bas, sous les oliviers, dans quelque mas
des Alpilles.
Ces noëls de Saboly sont populaires
d'un bout de la'Pfovênce à l'autre. Il y
a deux siècles qu'on les chante, et on
les chantera-encore longtemps. JLe peu-
ple les entonne dans l'église aux jours
consacrés; la nuit, le pâtre de la Crau
les répète à la clarté des étoiles. « Quel
est le recoin de la Provence, si écarté
qu'il soit, où ces noëls n'aient pas pé-
nétré ? dit M. Mistral dans une vive no-
tice sur Saboly. De Briançon à Arles et
de Nîmes à Antibes, furetez de toutes
parts, si vous trouvez un homme, une
temme, un enfant qui ne connaisse pas
au moins le noël de Y Hôte, je vous achète
un merle blanc, et je vais le dire à
Romev. Tout cela ne veut pas dire que
Saboly soit un trouveicr (troubairé) de
première main, comme Homère, Dante,
Corneille ou Lamartine mais il n'y a si
petit buisson qui ne donne de l'ombre
au moins une fois par jour. Le travail-
leur qui endure la soif et la fatigue se
délecte cent, fois plus avec un noël de
Saboly qu'avec une tragédie de Cor-
neille. Saboly est le Irouveur du pauvre
monde, le chantre de la crèche, de l'âne,
du foin, de l'étable, du froid, des langes,
de la misère; et son bonheur et son
triomphe, c'est de faire rire la misère,
tout en la relevant. »
°
-»' -le
Ces noëls si populaires, on n'en con-
naissait pas exactement la musique. Si
l'imprimerie, en de nombreuses éditions,
avait fidèlement conservé le texte des
paroles, les airs, transmis de bouche en
bouche, avaient subi des altérations
inévitables. Or, il y a quelques années,
ce texte musical, que l'on croyait perdu,
fut retrouvé dans une bibliothèque par-
ticulière d'Avignon, et un savant musi-
cien du pays, M. Séguin, le fit graver
avec un soin religieux. Ce fut une occa-
• sion toute naturelle pour nos chanteurs
provençaux.
Déjà plus d'un parmi eux avait com-
posé des noëls pour obéir au sentiment
populaire et suivre la tradition; la dé-
couverte de ces airs primitifs fut comme
un signal, et chacun se mit à l'œuvre.
MM. Roumanille, AubaneL et Mistral
publièrent une nouvelle édition de Sa-
boly, accompagnée de tous les noëls ré-
cemment inspirés. Après la farandole
joyeuse, la pieuse procession commen-
çait.
Le vieil organiste a dû tressaillir dans
sa tombe; la tradition créée par lui re-
vivait tout à coup avec une grâce origi-
nale. Par des sentiers jonchés de fleurs,
une troupe de chanteurs allait vers le
berceau de l'Enfant Jésus. Où était ce
berceau? A Bethléhem ou dans la vallée
du Rhône? On ne saurait le dire. Quel-
ques-uns des poètes avaient repris le ton
de l'histoire et s'inspiraient du récit
évangélique; les autres, fidèles à la
naïve tradition de Saboly, continuaient
de peindre la Provence en glorifiant la
crèche; mais, poésie idéale ou réa-
lité familière, on ne voyait partout que
des fleurs, partout on n'entendait que
des chants.
Parmi ces noëls de 1856, il en est quel-
ques-uns qui méritent une mention à
part ce sont les noëls charmants de
M. Roumanille et les noëls terribles de
M. Aubanel. M. Roumanille est de ceux
qui ont conservé la tradition de Saboly
en allant à la crèche de Jésus, il ne sort
jamais de la Provence. Ces petits en-
fants qui montent sur l'âne, qui jouent
avec les cornes du bœuf, ce sont, comme
les pâtres du vieil organiste, des enfants
de Monlmajour ou de Saint-ileniy.
C'est une Provençale aussi,cette jeune
fille aveugle qui supplie sa mère de la
conduire à l'étable où le Sauveur vient
de naître « Mère, pourquoi me laisser
seule ici ? Je pleurerai, le me désolerai
pendant que vous bercerez l'enfant.
Ma fille, qu'irais-tu faire à la crèche? Tes
pauvres yeux sont condamnés à ne pas
voir. Résigne-toi. A la vêprée, demain,
qu'elle joie pour toi quand nous revien-
drons Nous te raconterons tout ce que
nous aurons vu »
Mais p'àveugle prie si doucement, si
tendrement, qu'il faut bien l'emmener à
Bethléem elle arrive, elle met sur
son cœur la main du divin Enfant, et
aussitôt la vue lui est rendue. Le poète a
pris pour épigraphe cesparoles de saint
Thomas d'Aquin Prœstet (Ides supple-
menlum sënsuum defectui. Cette rectifi-
cation des sens par la foi est exprimée
ici avac une rare harmonie de style le
dernier vers E iê vécue! 1 (et elle vit!)
est comme un cri de joie, comme l'explo-
sion de la lumière dans les ténèbres.
Tout autres sont les tableaux de M.
Théodore Aubanel là, plus de suaves
histoires, plus de légendes et de pein-
tures provençales nous sommes bien
dans l'antique Judée, et la vigoureuse
imagination de l'auteur commente' tra-
giquement les récils de l'Evangile. Tan-
tôt ce sont les esclaves à qui un ange
annonce la venue du Rédempteur, et le
servile troupeau, tout à coup réveillé,
pousse une clameur à faire trembler les
césars. Tantôt c'est le Massacre des in-
nocents. t
~`~ `
Le poète en a fait trois noëls qu'il
appelle une trilogie: le premier, le Chien
de saint Joseph, est d'un effet: étrange
et sinistre. Le, chien du charpentier- Jo-
seph, le bon chien Labri,- si connu des
enfants du village, ne fait que hurler
depuis le matin. Les mères tremblent,
les enfants frissonnent « Ce n'est rien,
dit une voix; Joseph et "Marie, en par-
lant hier, l'ont oublié dans l'étable. Il
en devient fou, et voilà la cause de ce
sabbat d'enfer. Ouvrez-lui la porte, il se
taira. » On ouvre, et Labri hurle encore.
Les enfants le caressent, essayent de
jouer avec lui; Labri hurle toujours,
comme on dit que les chiens hurlent
quand ils sentent la mort. Tout à coup,
par la grande route, arrive au galop une
troupe de cavaliers; quel bruit! que de
visages sinistres que d'épées hors des
fourreaux. Alors le chien, qui hurlait
immobile, se mit à courir, hurlant tou-
jours, dans toutes les rues de Bethléem.
Après cette introduction si poétiquement
effrayante, le lecteur est préparé à la se-
conde partie de la trilogie, intitulée le,
Massacre.
%-< Fermez à clef, barricadez les portes,
car les brigands qui vaguent de toutes
parts, vous ne savez pas, mères, où ils
vont.
» Cachez.ôtez de leurs yeux, et les ber-
ceaux, et les enfants. Pour les chercher,
la bande rôde. Ce sont les bourreaux
envoyés par notre roi Hérode. Ni larmes
ni cris ne les feront reculer.
» Cachez les enfants de lait, ils vont
les égorger.
» 0 mères dans les rues, pour fuir ne
soyez pas lentes, élancez-vous, ne re-
prenez pas haleine, courez, courez dans
Bethléem sur votre cœur tremblant,
serrez votre enfant qui sommeille;
étouffez avec la main ses cris, s'ils se
lamente éploré.
» N'enfëndez-vous pas hurler
» –Où sont les enfants de lait? nous
voulons les égorger.
» Brisons les portes barrées un
peu d'aide, camarade Sur la porte de
cette maison jouons,jouons de la hache 1
Il n'y a personne dit sur le seuil une
femme toute pâle; mais la horde déjà
montait dans la maison Dans les
chambres d'en haut, nous avons entendu
crier! I
» Nous le voulons, ton enfant de lait,
nous le voulons pour l'égorger 1
» Oh quels coups quelle lutte ils
ne sont pas assez fort la mère est agile,
elle a pris l'enfant mais le bourreau,
saisissant la mère par les cheveux,
frappe l'innocent qui à la mamelle tirait
encore une gorgée. Dieu que son épée
était tranchante Coupé en deux, l'en-
fant roule à terre.
» Où y a-t-il encore des enfants de
lait, que nous allions les égorger?
» Horreur! le croira- t-on? Hérode
vint voir, à la nuit, si l'on avait massa-
cré comme il faut I De temps en temps
son pied se heurtait sur le sol aux jam-
bes d'un enfant mort. Il disait en mar-
chant Qu'il est doux de n'entendre
ce soir personne souffler, personne par-
ler 1
» Où sont les enfants de lait? On les a
tous égorgés 1
» 0 roi à cette heure tu es maître.
Que te fait Bethléem qui pleure? que
t'importe d'être couvert de sang? Dis" à
tes bourreaux Grand merci. Dans ton
palais, à loisir va reposer sur l'hermine.
Un jour, qui n'est pas bien loin, de ton
siège si haut nous te verrons descendre,
mangé par les vers.
» llsne sontpas tous égorgés, Hérode,
les enfants de lait » ZD
SAINT-RENÉ TAILLANDIER
i,
LA BARRIQUE
D'AMONTILLADO
J'avais supporté du mieux que j'avais
pu les mille injustices de Fortunato;
mais, quand il en vint à l'insulte, je ju-
rai de me venger. Vous cependant, qui
connaissez bien la nature de mon âme,
vous ne supposeréz pas que j'aie articulé
une seule menace. A la longue, je de-
vais être vengé c'était un point défini-
tivement arrêté mais la perfection
même de ma résolution excluait toute
idée de péril. Je devais non seulement
puni, mais punir impunément. Une in-
jure n'est pas redressée quand le ckâti-
ment atteint le redresseur; elle n'est pas
non plus redressée quand le vengeur n'a
pas soin de se faire connaître 4«£elûi qui t
a commis l'injure.
Il faut qu'on sache que je n'avais donné
à Fortunato aucune raison de douter de
ma bienveillance, ni par mes paroles,
ni par mes actions. Je continuai, selon
mon habitude, à lui sourire en face, et
il ne devinait pas que mon sourire dé-
sormais ne traduisait que la pensée de
son immolation, ̃ .̃̃
Il avait un côté faible, ce Fortunato,
bien qu'il fût à tous .autres égards un
homme à respecter, et même à craindre.
Il se faisait gloire d'être connaisseur en
vin. Peu d'Italiens ont le véritable esprit
de connaisseur; leur enthousiasme est
la plupart du temps emprunté, accom-
modé au temps et à l'occasion; c'est un
charlatanisme pour agir sur les million-
naires anglais et autrichiens: En fait de
peintures et de pierres précieuses, For-
tunato, comme ses compatriotes, était un
charlatan –mais en matière de vieux
vins il était sincère. A cet égard, je ne
différais pas essentiellement de lui j'é-
tais moi-même très étendu dans les crus
italiens, et j'en achetais considérable-
ment toutes les fois que je le pouvais.
o. :•:̃ .:̃̃
Un soir, à la brune, au fort de la fo-
lie du carnaval, je rencontrai moni
ami. Il m'accosta avec une très chaude
cordialité, car il' avait beaucoup bu. Mon
homme était déguisé. Il portait un vê-
tement collant et mi-parti, et sa tête'
était surmontée d'un bonnet conique
avec des sonnettes^ J'étais si heureux de
le voir que je crus que je ne finirais ja-'
mais de lui pétrir la main..
Je lui dis Mon cher Fortunato, je'
vous rencontre à. propos. Quelle ex-
cellente mine vous avez aujourd'hui
Mais j'ai reçu une pipe damontillado,.
ou du moins d'un vin qu'on me donne,
pour tel, et j'ai des doutes. ̃
Comment? dit-il, de l'amontil-
lado ? Une pipe ? Pas possible Et au
milieu du carnaval 1 ̃
J'ai des doutes, répliquai-je/ ̃
et j'ai été assez bête pour payer le prix
total de l'amontillado sans vous consul-
ter. On n'a pas pu vous trouver, et je
tremblais de manquer une occasion 1
De l'amontillado 1 >>̃'̃
J'ai des doutes! ;i Vi
De l'amontillado
Et je veux les tirer au clair."
De l'amontillado
Puisque vous êtes invité quelque
part, je vais chercher Luchesi. Si quel-
qu'un a le sens critique, c'est lui. Il me
dira, ̃*
Luchesi est incapable de distinguer
l'amontillado du xérès.
Et cependant il y a des imbéciles
qui tiennent que son goût est égal au
vôtre.
Venez, allons 1 V î r i
OÙ? « '•:•:•
A vos caves.
Mon ami, non; je ne veux pas
abuser de votre bonté. Je vois que vous
êtes invité. Luchesi.
Je ne suis pas invité; partons I
Mon ami, non. Ce n'est pas la ques-
tion de l'invitation, mais c'est le cruel
froid dont je m'aperçois que vous souf-
frez. Les caves sont insupportablement
humides; elles sont tapissées de nitre.
N'importe, allons Le froid n'est
absolument rien. De l'amontillado On
vous en a imposé. Et quant à Luchesi,
il est incapable de distinguer le xérès
de l'amontillado.
En parlant ainsi, Fortunato s'empara
de mon bras. Je mis un masque de soie
noire, et, m'enyeloppant soigneusement
d'un manteau, je me laissai traîner par
lui jusqu'à mon palais.
Il n'y avait pas de domestiques à la
maison ils s'étaient cachés pour faire
ripaille en l'honneur de la saison. Je
leur avais dit que je ne rentrerais pas
avant le matin, et je leur avais donné
l'ordre formel de ne pas bouger de la
maison. Cet ordre suffisait, je le savais
bien, pour qu'ils décampassent en toute
hâte, tous, jusqu'au dernier, aussitôt
que j'aurais tourné le dos.
Je pris deux flambeaux à la glace,
j'en donnai un à Fortunato, et je le diri-
geai complaisamment, à travers une en-
filade de pièces, jusqu'au vestibule qui
conduisait aux caves. Je descendis de-
vant lui un long et tortueux escalier,
me retournant et lui recommandant de
prendre bien garde. Nous atteignîmes
enfin les derniers degrés, et nous nous
trouvâmes ensemble sur le sol humide
des catacombes des Montrésors.
La démarche de mon ami était chan-
celante, et les clochettes de son bonnet
cliquetaient à chacune de ses enjam-
bées.
La pipe d'amontillado ? dit-il.
C'est plus loin, dis-je; mais
observez cette broderie blanche qui étin-
celle sur les murs de ce caveau.
Il se retourna vers moi et me regarda
dans les yeux avec deux globes vitreux
qui distillaient les larmes 'de l'ivresse.
Le nitre ? demanda-t-il à la fin.
Le nitre, répliquai-je. Depuis
combien de temps avez-vous attrapé
cette toux?
Euh euh euh euh euh I euh 1
euh euh euh euh
Il fut impossible à mon pauvre ami de
répondre avant quelques minutes.
Ce n'est rien, dit-il enfiu.
Venez, dis-je avec fermeté,
allons-nous-en votre santé est pré-
cieuse. Vous êtes riche, respecté, ad-
miré, aimé; vous êtes heureux, comme
je le fus autrefois vous êtes un homme
qui laisserait un vide. Pour moi, ce n'est
pas la même chose. Allons nous-en
vous vous rendrez malade. D'ailleurs. il
y a Luchesi.
Assez, dit-il; la toux, ce n'est
rien. Cela ne me tuera pas. Je ne mour-
rai pas d'un rhume.
C'est vrai, c'est vrai, répli-
quai-je, et en vérité je n'avais pas
Fintention de vous alarmer inutilement j 1 i
mais vous devriez prendre des pré*
cautions. Un coup de ce médoc vous; dé*
fendra contre l'humidité.
Ici j'enlevai une bouteille à une lon-
gue rangée de ses compagnes qui
étaient eopchées par terre, et je fis, sau-
ter le goulot. ̃; ̃
Buvez, dis-je, en lui présentant
le via. r
Il porta la bouteille à ses lèvres, en
me regardant du coin de l'œij. 11 fit une
pause, me salua familièrement (les gre-
lots sonnèrent), et dit
Je bois aux défuats qui reposent
autour de nous! ;,«, ̃
Et. moi, à ya^re longue vie!
< II reprit mon bras, et nous nous remî-
mes en roate.
Ces t-aVl.aux, dit-il, sont très
vastes. ̃̃>'
Les Montrésor, J répliquaj-je -l'-
étaient une grande et nombreuse ,fa*
mille/ .•
J'ai oublié vos armes.
Un grand pied d'o? sur champ d'a-
zur le pied écrase un serpent- rampant
dont les dents s'enfoncent dans le talon,
Et la devise? !• =i
Nemo me im%mne lacessit.
Fort beau! dit-il.
Le vin étincelait dans ses yeux, et led
sonnettes tintaient. Le médoc m'avait
aussi échauffé les idées. Nous étions ar-
rivés à travers des murailles d'ossements
empilés, entremêlés de barriques, et de
pièces de vifl, aux dernières profondeurs
des catacombes. Jém!arrêtai. dé nouveau,
et cette fois je pris la liberté de saisir
Fortunato par. un, bras, au-dessus;' da
coude.
Le nitre dis-je; voyez, èiela
augmente*. Il pend comme de la mousse
le long des voûtes. Nous sommes sous
le lit de la rivière. Les gouttes d'humi-
dité filtrent à travers les ossements. Ve-
nez, partons, avant qu'il soit trop tard.
Votre toux.
Ce n'est rien, dit-il, contï*
nuons. Mais, d'abord, encore un coup de
médoô.
Je cassai un flacon de vin de Grave,
et je le lui tendis. Il le vida d'un trait.
Ses yeux brillèrent d'un feu ardent. Il
se mit à rire, et jeta la bouteille en l'air
avec un geste que je ne pus pas com-
prendre.
Je le regardai avec surprise. Il répéta
le mouvement, un mouvemenT gro--
tesque.
Vous ne comprenez pas? dit-il.
Non, répliquai-je. `
Alors vous n'êtes pas de la loge.
Comment?
Vous n'êtes pas maçon. jï-:
Si! si dis^je, si 1 si i.
Vous? impossible vous maçoati
Oui, maçon, répondis-je.. "Z
Un signe dit-il.
Voici, répliquai-je, et tirant une
truelle de dessous les plis de mon man-
teau.
Vous voulez rire, s'écria-t-il, en
reculant de quelques pas. Mais allons
à l'amontillado.
Soit, dis-je, en replaçant l'outil
sous ma roquelaure, et lui offrant de
nouveau mon bras. Il s'appuya lourde-
ment dessus. Nous continuâmes notre
route à la recherche de l'amontillado.
Nous passâmes sous une rangée d'ar-
ceaux fort bas; nous descendîmes; nous
iïmes quelques pas, et, descendant en-
core, nous arrivâmes à une crypte pro»
fonde, où l'impureté de l'air faisait rou*
gir plutôt que briller nos flambeaux.
Tout au fond de cette crypte, on en
découvrait une autre moins spacieuse.
Ses murs avaient été revêtus avec les
débris humains, empilés dans les caves
au-dessus de nous, à la manière des
grandes catacombes de Paris. Trois cô-
tés de cette seconde crypte étaient encore
décorés de cette façon. Du quatrième les
os avaient été arrachés et gisaient con-
fusément sur le sol, formant en un point
un rempart d'une certaine hauteur.
Dans le mur, ainsi mis à nu par le dé-
placement des os, nous apercevions en-
core une autre niche, profonde de qua-
tre pieds environ, large de trois, haute
de six ou sept. Elle ne semblait pas
avoir été construite pour un usage spé-
cial, mais formait simplement l'inter-
valle entre deux des piliers énormes
qui supportaient là voûte des catacom-
bes, et s'appuyait à l'un des murs de
granit massif qui délimitait l'ensem-
ble.
Ce fut en vain que Fortunato, élevant
sa torche malade, s'efforça de scruter la
profondeur de la niche. La lumière af-
faiblie ne nous permettait pas d'en aper-
cevoir l'extrémité.
Avancez, dis-je;– c'est là qu'est
l'amontillado. Quant à Luchesi.
C'est un être ignare interrom-
pit mon ami, prenant les devants1 et
marchant tout de travers, pendant que
je suivais sur ses talons. En un instant,
il avait atteint l'extrémité de la niche,
et, trouvant sa marche arrêtée par le
roc, il s'arrêta stupidement ébahi. Un
moment après, je l'avais enchaîné au
granit. Sur la paroi il y avait deux cram-
pons de fer, à la distance d'environ deux
pieds l'un de l'autre, dans le sens hori-
zontal. A l'un des deux était suspendue
une courte chaîne, à l'autre un cadenas.
Ayant jeté la chaîne autour de sa taille
l'assujettir fut une besogne de cruelqnes
secondes. Il était trop étonné pour résis-
ter. Je retirai la clef, et reculai de quel-
ques pas hors de la niche.
Passez votre main sur le mur,
dis-je vous ne pouvez pas ne pas
sentir le nitre. Vraiment, il est très hu-
mide. Laissez-moi vous supplier \me
fois encore de vous en aller.– Non ?
Alors, il faut positivement que je vous
quitte. Mais je vous rendrai d'abord
tous les petits soins qui sont en mon pou-
voir. M
L'amontillado! s'écria mon ami;
qui n'était pas encore revenu de son éton-
nement.
C'est vrai, répliquai-je, l'a-
montillado.
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