Titre : L'Indépendant des Basses-Pyrénées : paraissant les lundi, mercredi et vendredi ["puis" paraissant tous les jours excepté le dimanche "puis" journal républicain quotidien "puis" le mieux informé des journaux de la région]
Éditeur : [s.n.] (Pau)
Date d'édition : 1898-07-08
Contributeur : Garet, Émile (1829-1912). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34416250c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 08 juillet 1898 08 juillet 1898
Description : 1898/07/08 (A31,N227). 1898/07/08 (A31,N227).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliothèque Pireneas (Pau) Collection numérique : Bibliothèque Pireneas (Pau)
Description : Collection numérique : BIPFPIG64 Collection numérique : BIPFPIG64
Description : Collection numérique : Bibliothèque Pireneas (Pau) Collection numérique : Bibliothèque Pireneas (Pau)
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k52271847
Source : Bibliothèque patrimoniale de Pau, Ee 3218
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/03/2020
Trente-Unième Année. — N° 227,
Prix : 5 Centimes.
Vendredi 8 Juillet 1898.
L’INDEPENDANT
DES BASSES-PYRÉNÉES
j o XT /R IT -A- XJ POLITIQUE QUOTIDIEN
[texte manquant]
[texte manquant]
A HO.WH.MI.\TS i 3 MOIS 6 MOIS 1 AN
Pau, départ, et limitrophes Sfr. » 10 fr. 20 fr.
Autres départements 6 50 12 24
Maires et instituteurs des B.-Pyr.... 8 16
ÉTRANGER PRIX DU DÉf'ARTEMENI Kï ROM MU SU»
RÉDACTION et ADMINISTRATION : 11, ruo de» Cordeliers, 11 — PAU
Réducteur en Chef » Octave AIJBBBT
l» DIRECTION POLITIQUE «PPMITIINT AU CQNHU D’ADRIINISTRRTIO» DE IA SOCIÉTÉ DE V « IRDÉPEROART »
Tout co gui Concerne les AOonnamcnts et les Annonces, doit être adressé A Pau,
à M. Georges HAURET, administrateur-comptable : à Paris, aux diverses Agences pour les annonces.
Les Manuscrit» cou instaé» n® «ont pas rendu».
... i.. -S- --- ■>, 1
ANNONCES
Annonces judiciaires 20 c. la ligna.
Annonces Ordinaires 25
Réclamas......... 40 —
Chronique locale oi faits divers 60
A FORFAIT POUR LES ANNONCES DE DURÉE
1
BOURSE UH PAWD
(FAX oÉrâcH»)
Cours du 7 Juillet
3 0/0 Perpétuel 102 80
3 0/0 Amortissable 101.00
S 1« 0/0 1891 106 80
«OURS D’TDUVIRTOR» du 7 Juillet
Communiqués par te CREDIT LYONNAIS
Kgence de Pau, Place Royale.
•Crédit Lyonnais 850
Brésilien 4 0 0 1889 00 00
Crédit Foncier 000
Uruguay 00 00
BanqueOttomane 517
Russe 3 0|0 1891 00 00
Actions Saragosse 119
Italien 5 0 0 uî 30
Actions nord Espagne 00 00
Extérieure 4 0|0 33 00
Midi (cours du t ) 1.485 00 ’
Turc série Ü.., 22 55
Rio Tinto 677
Portugais 3 0/0 ... 00 00
Ttiarsis 171
EXTRAIT DE LA COTE OFFICIELLE
Cours du 0 juillet
Basque de France 3 615
Société Générale. 530 01)
O'léans 1 895 00
Nord 2.152
Ouest 1 .‘225 00
P.-L.-M 1.947 00
Est 1.100 00
Compagnie du Gaz 1.125
Canal ae Suez 3 690 00
■3 1/2 0/0 Russe 1894 102.50
S 0/0 Anglais consolidé 112.50
4 0'0 Autrichien, Or 103 30
4 0 0 Américain, Or 102 00
5 0 0 Argentin 432 00
BARCSX.ONB, 6 juillet — Change sur Paris,
82 à 85 00; change sur Londres, 40 55.
LISBONNS, 6 juillet — Change sur Paris,
979 ; change sur Londres, 29 25 ; or, 79 1(2.
dusNos ATRSS, 5 juil. — Prime or 172 00.
Rio DI-JANSIRO, 5 juil. — Change sur
Londres. 7 3[8.
VALFARAISO, 5 juil. — Change sur Lon-
dres, 17 00.
TÉLÉGRAMMES
Service spécial de l’INDÉPBNDANT
DÉPÊCHES DE LA NUIT
La Calaslrophc de la « Bourgogne »
A bord du • Cromartyshlne • .
Halifax, G juillet.
Le capitaine du Crornartyrshire a écrit
ce qui suit dans son livre de bord ;
« Nous marchions à une vitesse de 4 à 5
milles à l’heure. Nous faisions siffler la
sirène régulièrement une fois par minute,
lorsque nous entendîmes du côté du vent le
sifflet d’un vapeur qui semblait s appro-
cher très rapidement. Nous donnâmes un
coup de sirène. Le vapeur répondit par un
coup de sifflet. Il émergea soudain du brouil-
lard par un bâbord devant et pénétra avec
fracas dans notre voilier avec une vitesse
terrible.
» Notre petit mât de hune et notre mât
de grand perroquet s’abattirent et avec eux
toutes les voiles el tout ce qui y était atta-
ché.
» Je donnai immédiatement l’ordre de
mettre les chaloupes à la mer pour exami-
ner l'avarie. Nos bossoirs étaient entière-
ment coupés, et les plaques étaient tordues
de toutes les manières imaginables.
» Nous nous mimes immédiatement à dé-
blayer les débris, lorsque nous entendîmes
le sifflet d'un vapeur; nous répondîmes
avec notre sirène. Le vapeur lança alors
une fusée et tira un coup de canon ; nous
lançâmes nous aussi des fusées et nous
tirâmes un coup de canon mais nous n’en-
teu limes et ne vîmes rien.
» Vers cinq heures et demie, le brouil-
lard s'étant un peu dissipé, nous aperçûmes
deux chaloupes battant pavillon français
qui ramaient dans notre direction. Nous
leur fîmes le signa! de venir bord à bord,
Nous apprîmes alors que le vapeur était
La Bourgogne, et qu’il avait sombré.
» Nous restâmes toute la journée Sur le
lieu du sinistre et recueillîmes à notre bord
200 survivants environ.
» Plusieurs des passagers se trouvaient
sur des radeaux de sauvetage dépourvus
d’aviron. Je demandai à mon équipage et
aux marins français survivant des volon-
taires pour recueillir les radeaux. Quelques
passagers et marins de La Bourgogne
nous aidèrent, et nous jetâmes par-dessus
bord une trentaine de tonnes de cargaison.
» Quelque temps après, un vapeur se diri-
gea sur nous : c’était le Grecian, et son
capitaine voulut bien prendre les passagers
qui étaient a notre bord pour les conduire
à Halifax. »
Halifax, 6 juillet.
Mme Henderson, femme du capitaine du
Cromartysliire, qui était à bord avec ses
deux enfants, a fait le récit suivant :
« Je m'étais levée comme d’habitude de
très bonne heure. Le brouillard était très
épais. Quelques instants avant la collision,
j’entendis le sifflet d’un vapeur du côté
bâbord. J'attirai l’attention de mon mari
sur les coups de sifflet du vapeur, et le se-
cond, qui était de quart, entendit une mi-
nute après ces coups de sifflet, qui s’appro-
chaient do plus en plus.
» Je me plaçai près de notre cabine pour
sauver nies enfants, en cas de catastrophe.
* Tout à coup la coque énorme d'un va-
peur émergea du brouillard. Ce vapeur
I marchait à une vitesse d’environ dix-huit
noeuds. Presque aussitôt, j’entendis un fra-
cas formidable.
» Je descendis en courant, el je trouvais
mes enfants, qui avaient été éveillés par la
secousse. Je les habillai à la hâte et les fis
monter sur le pont, car je m’attendais à ce
que le Cromartyshire coulât,d’un moment
à l'autre. Mais lorsqu’il fut constaté qu'il
n’y avait pas de danger immédiat, le Cro-
martyshire vira de bord.
» Nous ne savions alors quel était le vais-
seau abordeur; mais quelques minutes plus
tard, nous entendîmes son sifflet et aprçu-
I mes plusieurs fusées. Mon mari, pensant
que le vapeur nous offrait du secours, ré-
pondit par des signaux analogues ; mais
au bout de quelques minutes, tout était
tranquille, et uos marins commençaient à
se rendre compte des terribles avaries cau-
sées au voilier par la collision.
» Le temps s’éclaircit et on put voir de
tous côtés des gens cramponnés à des épa-
ves ou flottant sur ijdes radeaux de sauve-
tage. La scène était atroce.
» Des secours furent imraédiatemen or-
ganisés. Plus de deux cents survivants
furent recueillis et pris à notre bord. Beau-
coup parmi les étrangers se battaient pour
obtenir des places dans nos chaloupes,
quoiqu’il y eût amplement le temps pour
sauver au moins quelques lemines et
quelques ônfaiils.
» Presque tous les passagers de première
classe furent perdus : les survivants sont
surtout des passagers de l’entrepont et le
personnel de l’équipage.
» Le professeur Lacâssé et sa femme sont
restés huit heures dans l’eau, cramponnés
à un radeau avant d’ètre recueillis.
» Un des su rvivants rentrait en France
avec ses deux enfants, après la mort de sa
fefflme. 11 a perdu ses deux enfants dans le
naufrage.
Mme Laçasse dit que les officiers de La
Bourgogne sont restés héroïquement à
leurs postes. Le commissaire qui a été sau-
vé a coulé avec le transatlantique. Gomme
il était très fort nageur, il réussit à échap- |
per à la mort.
» Au moment de la collision, tous les
passagers élaient couchés, excepté le pro-
fesseur Laçasse, qui se précipita aussitôt
vers sa cabine, arracha sa femme, de son
lit, la revêtit à la bâto de quelques vête-
ments, et tous deux remontèrent rapide-
ment sur le pont pour être presque immé-
diatement projetés dans l’eau.
» Il3 rencontrèrent bientôt un radeau à
demi submergé. Le professeur Laçasse
réussit à y placer sa femme, qui venait de
s’évanouir, puis se cramponna désespéré-
ment au radeau. C’est dans cotte situation
qu’il fut sauvé, huit heures plus tard.
» Le professeur dit que quelques-unes
des chaloupes de La Bourgogne qui ve-
naient d’ôtre mises à la mer chavirèrent, et
tous les occupants furent noyés.
» Un homme à bord de La Bourgogne,
pri s d’un accès de folie, se jeta par-dessus
le bord et se noya. »
Paris, 6 juillet, soir
Suivant une dépêche d’Halifax, le nom-
bre des passagers de la Bourgogne se dé-
composerait exactement ainsi ;
82 passagers de lr" classe, 128 de 5” cl.,
200 de 3" ci. et 212 hommes d’équipage ; en
tout 721 personnes, dont 556 auraient péri.
Le paquebot aurait sombré en 40 minutes.
Taris, G juillet, soir
La Compagnie Transatlantique s'attend
à recevoir de Nek-York, dans le courant de
la nuit, la liste de tous les passagers et cel-
le des survivants, passagers et équipage.
C'est lesecond voyage que faisait la Bour-
gogne depuis les travaux importants qui
avà'ent été exécutés à son bord.
Uue dépêche 3e New-York fait part de
l’énorme émotion causée dans tous les mi-
lieux par la nouvelle de la catastrophe.
Ou a été frappé par ce fait qu’un navire
d'un tonnage si peu important que le Cro-
martyshire ait coulé un steamer de l’im-
portance de la Bourgogne qui jaugeait
7,000 tonneaux.
On fait remarquer à ce propos qu’un ac-
cident tout à fait semblable a eu lieu en
1889, avec le transatlantique Oregon, de la
Compagnie Cunard. qui fut coupé par un
petit voilier.
On calcule que, depuis quinze ans, sur la
ligne des Etats-Unis, il y a eu neuf naufra-
ges de grands transatlantiques, ayant cau-
sé la mort de plus de 1,000 personnes.
La Collision
Un marin du Cromatyshire dit qu'un
instant après que la Bourgogne fut aper-
çue en avant, à une demi-longueur de na-
vire, par bâbord devant, le boule-dehors
de foc dn Cromatyshire pénétra avec tra-
cas dans la passerelle de ta Bourgogne et
le bossoir du voilier fit un trou énorme
dans les lianes du transatlantique, près de
la chambre des machines. La Bourgogne
êrfllla tiens toute sa longueur le bâbord du
Cromatyshire, puis elle vira de bord, lan-
çant de longs coups de sifflets.
Le troisième offbier du Cromatyshire
dit que les Français croyaient évidemment
que le vaisseau qui avait été en collision
avait sombré et que le navire abordé n était
pas le Cromatyshire.
« La Bourgogne, dit-il, devait marcher
à une vitesse de 18 à 19 noeuds, bien que le
brouillard fut si épais qu’ou n’y pouvait
voir à plus de 20 mètres devant soi.
H ajoute qu’euviron trots heures après
que le Cromatyshire eût recueilli tous les
survivants, il rencontra le Grecian qui
prit le Cromatyshire à la remorque.
Le soir, vers huit heures, le troisième of-
ficier du Cromatgshire entendit, environ
à 3 milles de distance, plusieurs coups de
canon et aperçut trois fusées et une lumière
bleue, qui étaient des signaux de détresse.
Le Grecian répondit qu’il partait au se-
cours ; mais quelques minutes après, les
signaux avaient cessé et on ne vit plus le
vaisseau qui doit avoir certainement coulé.
Le professeur Laçasse eslime qu’il a dû
y avoir, dans celte collision, un troisième
vaisseau.
Londres, 7 juillet.
Scènes effroyables
L’Evening-Kews publie les détails sui-
ants do son correspondant d’Halifax.
L'avant du Cromatyshire a été presque
étaché par la force de la collision.
Le radeau sur lequel Mme Laçasse a pu
échapper était composé de chaises pliant,
ui avaient flotté de dessus le pont, quand
i bateau s’est enfoncé.
Le professeur Laçasse dit qu’il a vu le
apitaine Deloncle, sur la passerelle
'avant, au moment du sinistre. Le capi-
ftine Deloncle refusa de quitter le vais-
eau qui coulait et il s’enfonça avec lui.
,a plupart des passagers étaient en che-
uise.
Une seule chaloupe fut mise à la mer ;
ille était remplie de femmes ; elle chavira
in touchant l’eau. Toutes les femmes furent
loyées. . . , . ...
Les scènes de la dernière minute ont été
ifl'nyables. Les passagers couraient à la
•echèrche de ceintures de sauvetage. D’au-
res se précipitaient sur le pont, implorant
m’on leur donnât place dans les bateaux
le sauvetage. Les escaliers étaient bondés
le femmes qui poussaient des cris de dé-
resse et qui s’accrochaient â leurs maris,
l’une manière désespérée. Les uns riaient ;
l’autres priaient ; d’antres ailolés, se je-
taient par-dessus le bord.
Avaut que la moitié des passagers de
première classe fussent rassemblés près
des chaloupes, la mer balayait le pont et,
au moment où le vaisseau sombrait, on vit
une masse confuse d’hommes et de femmes
enchevêtrées qui se débattaient en criant,
près des chaloupes, sur le pont.
Le Capitaine du « Cromatyshire •
Glasgow, 7 juillet.
Les armateurs du Cromatyshire reçoi-
vent du capitaine la dépêche suivante :
« J'ai été en collision avec la Bourgogne I
par un brouillard. La Bourgogne a coulé.
200 de ses 800 passagers et marins oui été
sauvés ; 600 ont péri.
« J’ai été remorqué pendant 180 milles
juscu’à Halifax, par le Grecian. Mes bos-
soirs sont crevés. J’ai perdu mon mât de
hune, mon beaupré et tous les accessoires,
et mon mât de grand perroquet. J’ai pu
flotter à cause des cloisons étanches. Je n’ai
pas de voie d’eau. »
Les Survivants
New-York, 7 juillet.
Les dernières nouvelles donnent 49 pas-
sagers de l’entrepont, outre 108 hommes
d’équipage, parmi lesquels le quatrième
mécanicien, M. Laisne, et le second méca-
nicien, M. Scott, comme sauvés.
Parmi les passagers de seconde classe
qui ont survécu au désastre de la Bourges
gne, se trouvaient M. Albert Gaidot, pro-
fesseur, Mme Laçasse, M. Antoine Achard,
M. Charles Lièbre, M. Jacques Baccarat,
M. Otto Zaiser, M. Lucien Verlaud, M. Pa-
trick Mackeswn.
Il n’est pas exact que M. Dubosc se trou-
vait à bord de la Bourgogne. Il s’agit d’un
meunier de Montréal, nommé Dubosc. M.
Dubosc, ambassadeur espagnol, est toujours
à Montréal.
La Compagnie transatlantique a offert
aux survivants de leur faire gagner New-
York soit par bateau, soit par chemin de
fer, à leur choix.
Actes de sauvagerie.
4 cette terrible catastrophe, on a malheu-
reusement à signaler de nombreuses scènes
ie sauvagerie, vraiment répugnantes. Lors-
que la Bourgogne a sombré, les voyageurs
se battaient entre eux pour s emparer des
bateaux. Dans ces bagarres, les hommes
ne ménagaient pas leurs coups avx fetomos
et aux enfants qui, comme on le sait, cm
tous péri. , „ .
Ceux qui avaient réussi à se caser da •=>
un bateau où à se maintenir sur les radeaux,
bri talisérent sans pitié les personnes tom-
bées à l’eau, qui cherchaient à prendre
nia'e auprès d’eux. On en vit même plu-
sieurs se servir de couteaux pour couper
les mains des malheureuses qui se cram-
ponuaieut aux épaves.
1 un survivant raconte quil a yuun naa-
fraugé, sur un radeau, brandissant une
énorme barre de fer, à l'aide de laipiolle ■
repmssait les malheureux qw.^apP^”
cha ent de lui. Il frappa même si bruta "-
ment snr la tète de l’un d’eux, qu U le iua
ae[ n autre survivant. Christophe Brunet,
conarme, lui aussi, que tous ceux qui mou-
rurent ne furent pas noyés, mais bien
assommés. Lui-même fut jeté à leau, sans
pitié : mais comme il était bon nageur, i
réussit, à l’aide d’autresnaufragés.àretom-
ner une chaloupe renversée et à se sauvei.
Les Disparus
Les passagers de première et seconde
classe disparus dans la catastrophe de La
Bourgogne sont : Frère Ambroise, A.-L.
Angel, Guiseppe Alpi, jeune Giovanni Alpi,
révérend Léon Beaumann, Gaspard Hehi,
Fernand Brochard, Paul broyer, Loui^
Casazza, Giacomo Casazza, H. Schumle ,
Gustave Cure, J.-M. Channt, Pierre Collm.
p Pflrnhrfli
Luigi Cunéo, .4. Câblât, Joseph Durkee,
Ernest Delmotte, Lvlvani Dumont, Dubosc,
I s E Davies Descot, Evans, Frank Fiston,
jeune Frank Fiston, Révérend Cymneu
Florisoone, Giovanni Fellini, Adolf Gra._ A.
Graudvilliers, M. Gini, Georges Gneshaber,
Gabriel, jeune Gabriel, Edward Halporn,
James J. Paggerty, Auton Hodnick.
U. Pyman, Léon Jacquet, Richard Jacob,
FEUILLETON DE L’INDÉPENDANT 13
CRARLE8 DR VITIB
LE ROMAN DE L'OUVRIÈRE j
PREMIÈRE PARTIE
LA DENTELLIÈRE
— C’est inutile, je suis décidée répartit Mlle
d’Orehamps, relevant la tète avec résolution.
Veuillez me faire retenir uu logement dans la
maison dont vous m'avez parlé. Dès demain
ajouta-t elle avec un soupir, je retournerai |
dans l’appartement de mes parents pour sépa-
rer les meubles, le linge que je désire garder
de ce qui devra être envoyé à l’Hôtel des Ven-
tes Le conciergo m'aidera.
— Et moi, mon enfant, je tâcherai de m'y
rendre au jour qui sera convenu pour sur-
veiller le départ du mobilier que vous aurez
décidé de faire porter rue Drouot. Vous pou-
vez compter sur moi. Le surplus vous sera en-
voyé le lendemain matin.
La maison qu'allait habiter Germaine était
située dans une de ccs voies étroites qui
s’amorcent sur la rue Tolozé, non loin de l'an-
tique Moulin de ia Galette.
Elle offrait une particularité étrange.
C’avait été d'abord, deux maisons bâties â
une date où l'ambition dos architectos nes'éle
vai‘. guère au-dessus des deux étages sumion
tés des mansardes, chers à nos aïeux. Toutes
deux appartenaient au même propriétaire.
Des travaux de voirie dus â l’initiative d’un
conseiller municipal en quête d’une réélection,
l'ayant forcé a abattre, dans le sens de la pro-
fondeur, la moitié d’un des immeubles, il s'était
contenté de réédiger un pigeon perée de quel
qurs fenêtres placées au hasard et, sans souci
Je la différence de nlvôau des planchers, avait
réuni cette demi maison â la maison non at-
teinte à l’aide d'ouvertures dans le mur de sé-
paration, de sorte que l’intérieur du bâtiment
oflïuit un bizarre assemblage d'escaliers inter-
rompus, de couloirs sans but, de marches en
casse-cou et de ohamlnus étroites d’une lun-
gueur démesurée.
On n’y trouvait n’y ordre, ni harmonie, ni
élégance ; cependant tel qu’il était, l’immeuble
était rarement vide, en raison du peu d’exi
I gerces de son propriétaire.
Le nouveau domicile de Germaine s’ouvrait
directement sur un corridor suffisamment
I éclairé ; il se composait d’une pièce bien car-
rée, assez spacieuse, fraîchement tapissée,
I dont un alcôvu ot un cabinet pris sur la lon-
gueur doublaient l’aisance et l’agrément.
L’unique fenêtre donnait sur la rue.
Germaine se promit d’en faire tout à la fois
son salon et sa chambre à coucher.
La seconde pièce était étrange; étroite et
longue, elle était â demi envahie dans sa lar-
geur par une cheminée monumentale aux pro-
fondeurs noircie» par les feux do bien des
hivers. , , . ,,
La jeune fille calcula d on coup d oeil que cet
âtre si vaste lui ferait une petite cuisine et
que dans les enfoncements, à droite et à gau
che de la cheminée, elle pourrait, à peu de
frais, faire établir deux armoires contenant
son linge, sa vaisellc et les divers ustensiles
de son ménage minuscule.
U resterait alors une sorte de vastu corridor
au fond duquel le plafond s’abaissant brusque I
ment sous un escalier qui ne conduisait plus
nulle part, formait un large et profond renfon-
cement que Germains se promit d’utiliser.
Poux fenêtres éclairaient cette pièce si bizar-
rement dessinée. Elles donnaient sur un ter
rain vague où végétaient quelques arbres, der-
niers débris d’antiques jardins envahis par la
marée montante des maisons.
— Là, se dit Germaine, sera ma salle à mau- i
ger et ma chambre de travail.
Et cotte pensée n’avait rien d amer pour la
courageuse jeune fille. La bonne concierge lui
avait spontanément offert ses services pour les
courses et les travaux grossier» bien étrangers
à ses mains blanches.
Elle [fourrait donc vivre ici et y cacher scs 4
douleurs, peut-être même, elle si malheureuse,
rendre service à de plus malheureux, de plus
éprouvés qu’elle.
Soutenue par cet:e pensée, elle mit uu
certain entrain à diriger le jardinier du cou-
vent que la bonne supérieure avait prêté pour
l’aider à organiser les meubles de sa nouvelle
demeure. Ils étaient bien simples; la jeune
tillo n’avait voulu emporter de la maison pater-
nelle aucune élégance déplacée daus un logis
d’ouvrière,
C’étaient dos meubles empruntés aux cham-
bres les plus modestes, un lit de fer nickelé,
une commode toilette, une très médiocre ar-
moire â glace de noyer plaqué, le vieux fau-
teuil de moleskine de son père, un tout petit
supha on indienne où sa inère aimait à se repo-
ser, un léger buffet de cuisine, quelques chai-
ses, une table ronde, do celles qui so plient eu
deux «t ne prennent pas trop de place dans un
humilie logis sa table â ouvrage do jeune fille
et enfin le linge le pins ordinaire, la vaisselle
la plus commune qu’elle avait pu trouver.
Elle avait lait deux parts de ce qui lui res-
tait la plus belle, la plus riche, avait dù être
envoyée la veille à l’Hôtel des Ventes par les
soins de l’abbé Martinet ; la seconde lui arri-
vait en ce froid matin de décembre, montée par
les mêmes commissionnaires qui, la veille,
avaient transporté l’autre rue Drouot.
A leur dernier voyage, ils déposèrent aux
pieds de Germaine une lourde malle, de linge
et présentèrent la note à acquitter.
— C’est lieu, dit-elle, aussitôt que voVs aurez
SU-
âgé des deux ouvriers, il ne reste plus rieu su
le camion.
— En êtes vous bien sur 7
— Parfaitement sûr : regardez plutôt.
Germaine so pencha en aehore de la fenêtre
et demeura interdite. Comment se faisait il
que le meuble légué par sa marraine, dont
elle avait promis à sa mère de ne jamais se
séparer et que, quelques jours auparavant, o
avait si instamment recommandé au concierge
da ne pas envoyer à la salle des ventes, n eût
point été joint à son petit mobilier, omine C> <■
en avait donné l’ordre t
Est ce bien vous, demanda-t-elle aux com-
missionnaires, qui avez, hier, aidé à porter le
mobilier réserve à la salle Drouot »
— Oui, mademoiselle.
Avez vous remarqué un petit meur e
ancien que j’avais fait placer près d’uue fenê-
tre entre ce lit et cette armoire à glace, un
meuble.-.. „ .
— Do forme Louis \V avec des garnitures
de cuivre doré, n’est ce pas t inter ompit le
plus jeune des ouvrière. Je me le rappelle d au-
tant mieux que le concierge ue voulait pas le
lais er partir ; il soutenait que vous désiriez
le garder. Mais le curé qui surveillait l’ealêv.
meut des meublos l’a fait joindre aux autre*
I en disant que votre intention ôtait de ne
prendre que des meubles simples et que si
vous aviez aimé garder celui-là, vous l’en auries
I averti. f* «•»’*)•
Prix : 5 Centimes.
Vendredi 8 Juillet 1898.
L’INDEPENDANT
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BOURSE UH PAWD
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Cours du 7 Juillet
3 0/0 Perpétuel 102 80
3 0/0 Amortissable 101.00
S 1« 0/0 1891 106 80
«OURS D’TDUVIRTOR» du 7 Juillet
Communiqués par te CREDIT LYONNAIS
Kgence de Pau, Place Royale.
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Rio Tinto 677
Portugais 3 0/0 ... 00 00
Ttiarsis 171
EXTRAIT DE LA COTE OFFICIELLE
Cours du 0 juillet
Basque de France 3 615
Société Générale. 530 01)
O'léans 1 895 00
Nord 2.152
Ouest 1 .‘225 00
P.-L.-M 1.947 00
Est 1.100 00
Compagnie du Gaz 1.125
Canal ae Suez 3 690 00
■3 1/2 0/0 Russe 1894 102.50
S 0/0 Anglais consolidé 112.50
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4 0 0 Américain, Or 102 00
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BARCSX.ONB, 6 juillet — Change sur Paris,
82 à 85 00; change sur Londres, 40 55.
LISBONNS, 6 juillet — Change sur Paris,
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dusNos ATRSS, 5 juil. — Prime or 172 00.
Rio DI-JANSIRO, 5 juil. — Change sur
Londres. 7 3[8.
VALFARAISO, 5 juil. — Change sur Lon-
dres, 17 00.
TÉLÉGRAMMES
Service spécial de l’INDÉPBNDANT
DÉPÊCHES DE LA NUIT
La Calaslrophc de la « Bourgogne »
A bord du • Cromartyshlne • .
Halifax, G juillet.
Le capitaine du Crornartyrshire a écrit
ce qui suit dans son livre de bord ;
« Nous marchions à une vitesse de 4 à 5
milles à l’heure. Nous faisions siffler la
sirène régulièrement une fois par minute,
lorsque nous entendîmes du côté du vent le
sifflet d’un vapeur qui semblait s appro-
cher très rapidement. Nous donnâmes un
coup de sirène. Le vapeur répondit par un
coup de sifflet. Il émergea soudain du brouil-
lard par un bâbord devant et pénétra avec
fracas dans notre voilier avec une vitesse
terrible.
» Notre petit mât de hune et notre mât
de grand perroquet s’abattirent et avec eux
toutes les voiles el tout ce qui y était atta-
ché.
» Je donnai immédiatement l’ordre de
mettre les chaloupes à la mer pour exami-
ner l'avarie. Nos bossoirs étaient entière-
ment coupés, et les plaques étaient tordues
de toutes les manières imaginables.
» Nous nous mimes immédiatement à dé-
blayer les débris, lorsque nous entendîmes
le sifflet d'un vapeur; nous répondîmes
avec notre sirène. Le vapeur lança alors
une fusée et tira un coup de canon ; nous
lançâmes nous aussi des fusées et nous
tirâmes un coup de canon mais nous n’en-
teu limes et ne vîmes rien.
» Vers cinq heures et demie, le brouil-
lard s'étant un peu dissipé, nous aperçûmes
deux chaloupes battant pavillon français
qui ramaient dans notre direction. Nous
leur fîmes le signa! de venir bord à bord,
Nous apprîmes alors que le vapeur était
La Bourgogne, et qu’il avait sombré.
» Nous restâmes toute la journée Sur le
lieu du sinistre et recueillîmes à notre bord
200 survivants environ.
» Plusieurs des passagers se trouvaient
sur des radeaux de sauvetage dépourvus
d’aviron. Je demandai à mon équipage et
aux marins français survivant des volon-
taires pour recueillir les radeaux. Quelques
passagers et marins de La Bourgogne
nous aidèrent, et nous jetâmes par-dessus
bord une trentaine de tonnes de cargaison.
» Quelque temps après, un vapeur se diri-
gea sur nous : c’était le Grecian, et son
capitaine voulut bien prendre les passagers
qui étaient a notre bord pour les conduire
à Halifax. »
Halifax, 6 juillet.
Mme Henderson, femme du capitaine du
Cromartysliire, qui était à bord avec ses
deux enfants, a fait le récit suivant :
« Je m'étais levée comme d’habitude de
très bonne heure. Le brouillard était très
épais. Quelques instants avant la collision,
j’entendis le sifflet d’un vapeur du côté
bâbord. J'attirai l’attention de mon mari
sur les coups de sifflet du vapeur, et le se-
cond, qui était de quart, entendit une mi-
nute après ces coups de sifflet, qui s’appro-
chaient do plus en plus.
» Je me plaçai près de notre cabine pour
sauver nies enfants, en cas de catastrophe.
* Tout à coup la coque énorme d'un va-
peur émergea du brouillard. Ce vapeur
I marchait à une vitesse d’environ dix-huit
noeuds. Presque aussitôt, j’entendis un fra-
cas formidable.
» Je descendis en courant, el je trouvais
mes enfants, qui avaient été éveillés par la
secousse. Je les habillai à la hâte et les fis
monter sur le pont, car je m’attendais à ce
que le Cromartyshire coulât,d’un moment
à l'autre. Mais lorsqu’il fut constaté qu'il
n’y avait pas de danger immédiat, le Cro-
martyshire vira de bord.
» Nous ne savions alors quel était le vais-
seau abordeur; mais quelques minutes plus
tard, nous entendîmes son sifflet et aprçu-
I mes plusieurs fusées. Mon mari, pensant
que le vapeur nous offrait du secours, ré-
pondit par des signaux analogues ; mais
au bout de quelques minutes, tout était
tranquille, et uos marins commençaient à
se rendre compte des terribles avaries cau-
sées au voilier par la collision.
» Le temps s’éclaircit et on put voir de
tous côtés des gens cramponnés à des épa-
ves ou flottant sur ijdes radeaux de sauve-
tage. La scène était atroce.
» Des secours furent imraédiatemen or-
ganisés. Plus de deux cents survivants
furent recueillis et pris à notre bord. Beau-
coup parmi les étrangers se battaient pour
obtenir des places dans nos chaloupes,
quoiqu’il y eût amplement le temps pour
sauver au moins quelques lemines et
quelques ônfaiils.
» Presque tous les passagers de première
classe furent perdus : les survivants sont
surtout des passagers de l’entrepont et le
personnel de l’équipage.
» Le professeur Lacâssé et sa femme sont
restés huit heures dans l’eau, cramponnés
à un radeau avant d’ètre recueillis.
» Un des su rvivants rentrait en France
avec ses deux enfants, après la mort de sa
fefflme. 11 a perdu ses deux enfants dans le
naufrage.
Mme Laçasse dit que les officiers de La
Bourgogne sont restés héroïquement à
leurs postes. Le commissaire qui a été sau-
vé a coulé avec le transatlantique. Gomme
il était très fort nageur, il réussit à échap- |
per à la mort.
» Au moment de la collision, tous les
passagers élaient couchés, excepté le pro-
fesseur Laçasse, qui se précipita aussitôt
vers sa cabine, arracha sa femme, de son
lit, la revêtit à la bâto de quelques vête-
ments, et tous deux remontèrent rapide-
ment sur le pont pour être presque immé-
diatement projetés dans l’eau.
» Il3 rencontrèrent bientôt un radeau à
demi submergé. Le professeur Laçasse
réussit à y placer sa femme, qui venait de
s’évanouir, puis se cramponna désespéré-
ment au radeau. C’est dans cotte situation
qu’il fut sauvé, huit heures plus tard.
» Le professeur dit que quelques-unes
des chaloupes de La Bourgogne qui ve-
naient d’ôtre mises à la mer chavirèrent, et
tous les occupants furent noyés.
» Un homme à bord de La Bourgogne,
pri s d’un accès de folie, se jeta par-dessus
le bord et se noya. »
Paris, 6 juillet, soir
Suivant une dépêche d’Halifax, le nom-
bre des passagers de la Bourgogne se dé-
composerait exactement ainsi ;
82 passagers de lr" classe, 128 de 5” cl.,
200 de 3" ci. et 212 hommes d’équipage ; en
tout 721 personnes, dont 556 auraient péri.
Le paquebot aurait sombré en 40 minutes.
Taris, G juillet, soir
La Compagnie Transatlantique s'attend
à recevoir de Nek-York, dans le courant de
la nuit, la liste de tous les passagers et cel-
le des survivants, passagers et équipage.
C'est lesecond voyage que faisait la Bour-
gogne depuis les travaux importants qui
avà'ent été exécutés à son bord.
Uue dépêche 3e New-York fait part de
l’énorme émotion causée dans tous les mi-
lieux par la nouvelle de la catastrophe.
Ou a été frappé par ce fait qu’un navire
d'un tonnage si peu important que le Cro-
martyshire ait coulé un steamer de l’im-
portance de la Bourgogne qui jaugeait
7,000 tonneaux.
On fait remarquer à ce propos qu’un ac-
cident tout à fait semblable a eu lieu en
1889, avec le transatlantique Oregon, de la
Compagnie Cunard. qui fut coupé par un
petit voilier.
On calcule que, depuis quinze ans, sur la
ligne des Etats-Unis, il y a eu neuf naufra-
ges de grands transatlantiques, ayant cau-
sé la mort de plus de 1,000 personnes.
La Collision
Un marin du Cromatyshire dit qu'un
instant après que la Bourgogne fut aper-
çue en avant, à une demi-longueur de na-
vire, par bâbord devant, le boule-dehors
de foc dn Cromatyshire pénétra avec tra-
cas dans la passerelle de ta Bourgogne et
le bossoir du voilier fit un trou énorme
dans les lianes du transatlantique, près de
la chambre des machines. La Bourgogne
êrfllla tiens toute sa longueur le bâbord du
Cromatyshire, puis elle vira de bord, lan-
çant de longs coups de sifflets.
Le troisième offbier du Cromatyshire
dit que les Français croyaient évidemment
que le vaisseau qui avait été en collision
avait sombré et que le navire abordé n était
pas le Cromatyshire.
« La Bourgogne, dit-il, devait marcher
à une vitesse de 18 à 19 noeuds, bien que le
brouillard fut si épais qu’ou n’y pouvait
voir à plus de 20 mètres devant soi.
H ajoute qu’euviron trots heures après
que le Cromatyshire eût recueilli tous les
survivants, il rencontra le Grecian qui
prit le Cromatyshire à la remorque.
Le soir, vers huit heures, le troisième of-
ficier du Cromatgshire entendit, environ
à 3 milles de distance, plusieurs coups de
canon et aperçut trois fusées et une lumière
bleue, qui étaient des signaux de détresse.
Le Grecian répondit qu’il partait au se-
cours ; mais quelques minutes après, les
signaux avaient cessé et on ne vit plus le
vaisseau qui doit avoir certainement coulé.
Le professeur Laçasse eslime qu’il a dû
y avoir, dans celte collision, un troisième
vaisseau.
Londres, 7 juillet.
Scènes effroyables
L’Evening-Kews publie les détails sui-
ants do son correspondant d’Halifax.
L'avant du Cromatyshire a été presque
étaché par la force de la collision.
Le radeau sur lequel Mme Laçasse a pu
échapper était composé de chaises pliant,
ui avaient flotté de dessus le pont, quand
i bateau s’est enfoncé.
Le professeur Laçasse dit qu’il a vu le
apitaine Deloncle, sur la passerelle
'avant, au moment du sinistre. Le capi-
ftine Deloncle refusa de quitter le vais-
eau qui coulait et il s’enfonça avec lui.
,a plupart des passagers étaient en che-
uise.
Une seule chaloupe fut mise à la mer ;
ille était remplie de femmes ; elle chavira
in touchant l’eau. Toutes les femmes furent
loyées. . . , . ...
Les scènes de la dernière minute ont été
ifl'nyables. Les passagers couraient à la
•echèrche de ceintures de sauvetage. D’au-
res se précipitaient sur le pont, implorant
m’on leur donnât place dans les bateaux
le sauvetage. Les escaliers étaient bondés
le femmes qui poussaient des cris de dé-
resse et qui s’accrochaient â leurs maris,
l’une manière désespérée. Les uns riaient ;
l’autres priaient ; d’antres ailolés, se je-
taient par-dessus le bord.
Avaut que la moitié des passagers de
première classe fussent rassemblés près
des chaloupes, la mer balayait le pont et,
au moment où le vaisseau sombrait, on vit
une masse confuse d’hommes et de femmes
enchevêtrées qui se débattaient en criant,
près des chaloupes, sur le pont.
Le Capitaine du « Cromatyshire •
Glasgow, 7 juillet.
Les armateurs du Cromatyshire reçoi-
vent du capitaine la dépêche suivante :
« J'ai été en collision avec la Bourgogne I
par un brouillard. La Bourgogne a coulé.
200 de ses 800 passagers et marins oui été
sauvés ; 600 ont péri.
« J’ai été remorqué pendant 180 milles
juscu’à Halifax, par le Grecian. Mes bos-
soirs sont crevés. J’ai perdu mon mât de
hune, mon beaupré et tous les accessoires,
et mon mât de grand perroquet. J’ai pu
flotter à cause des cloisons étanches. Je n’ai
pas de voie d’eau. »
Les Survivants
New-York, 7 juillet.
Les dernières nouvelles donnent 49 pas-
sagers de l’entrepont, outre 108 hommes
d’équipage, parmi lesquels le quatrième
mécanicien, M. Laisne, et le second méca-
nicien, M. Scott, comme sauvés.
Parmi les passagers de seconde classe
qui ont survécu au désastre de la Bourges
gne, se trouvaient M. Albert Gaidot, pro-
fesseur, Mme Laçasse, M. Antoine Achard,
M. Charles Lièbre, M. Jacques Baccarat,
M. Otto Zaiser, M. Lucien Verlaud, M. Pa-
trick Mackeswn.
Il n’est pas exact que M. Dubosc se trou-
vait à bord de la Bourgogne. Il s’agit d’un
meunier de Montréal, nommé Dubosc. M.
Dubosc, ambassadeur espagnol, est toujours
à Montréal.
La Compagnie transatlantique a offert
aux survivants de leur faire gagner New-
York soit par bateau, soit par chemin de
fer, à leur choix.
Actes de sauvagerie.
4 cette terrible catastrophe, on a malheu-
reusement à signaler de nombreuses scènes
ie sauvagerie, vraiment répugnantes. Lors-
que la Bourgogne a sombré, les voyageurs
se battaient entre eux pour s emparer des
bateaux. Dans ces bagarres, les hommes
ne ménagaient pas leurs coups avx fetomos
et aux enfants qui, comme on le sait, cm
tous péri. , „ .
Ceux qui avaient réussi à se caser da •=>
un bateau où à se maintenir sur les radeaux,
bri talisérent sans pitié les personnes tom-
bées à l’eau, qui cherchaient à prendre
nia'e auprès d’eux. On en vit même plu-
sieurs se servir de couteaux pour couper
les mains des malheureuses qui se cram-
ponuaieut aux épaves.
1 un survivant raconte quil a yuun naa-
fraugé, sur un radeau, brandissant une
énorme barre de fer, à l'aide de laipiolle ■
repmssait les malheureux qw.^apP^”
cha ent de lui. Il frappa même si bruta "-
ment snr la tète de l’un d’eux, qu U le iua
ae[ n autre survivant. Christophe Brunet,
conarme, lui aussi, que tous ceux qui mou-
rurent ne furent pas noyés, mais bien
assommés. Lui-même fut jeté à leau, sans
pitié : mais comme il était bon nageur, i
réussit, à l’aide d’autresnaufragés.àretom-
ner une chaloupe renversée et à se sauvei.
Les Disparus
Les passagers de première et seconde
classe disparus dans la catastrophe de La
Bourgogne sont : Frère Ambroise, A.-L.
Angel, Guiseppe Alpi, jeune Giovanni Alpi,
révérend Léon Beaumann, Gaspard Hehi,
Fernand Brochard, Paul broyer, Loui^
Casazza, Giacomo Casazza, H. Schumle ,
Gustave Cure, J.-M. Channt, Pierre Collm.
p Pflrnhrfli
Luigi Cunéo, .4. Câblât, Joseph Durkee,
Ernest Delmotte, Lvlvani Dumont, Dubosc,
I s E Davies Descot, Evans, Frank Fiston,
jeune Frank Fiston, Révérend Cymneu
Florisoone, Giovanni Fellini, Adolf Gra._ A.
Graudvilliers, M. Gini, Georges Gneshaber,
Gabriel, jeune Gabriel, Edward Halporn,
James J. Paggerty, Auton Hodnick.
U. Pyman, Léon Jacquet, Richard Jacob,
FEUILLETON DE L’INDÉPENDANT 13
CRARLE8 DR VITIB
LE ROMAN DE L'OUVRIÈRE j
PREMIÈRE PARTIE
LA DENTELLIÈRE
— C’est inutile, je suis décidée répartit Mlle
d’Orehamps, relevant la tète avec résolution.
Veuillez me faire retenir uu logement dans la
maison dont vous m'avez parlé. Dès demain
ajouta-t elle avec un soupir, je retournerai |
dans l’appartement de mes parents pour sépa-
rer les meubles, le linge que je désire garder
de ce qui devra être envoyé à l’Hôtel des Ven-
tes Le conciergo m'aidera.
— Et moi, mon enfant, je tâcherai de m'y
rendre au jour qui sera convenu pour sur-
veiller le départ du mobilier que vous aurez
décidé de faire porter rue Drouot. Vous pou-
vez compter sur moi. Le surplus vous sera en-
voyé le lendemain matin.
La maison qu'allait habiter Germaine était
située dans une de ccs voies étroites qui
s’amorcent sur la rue Tolozé, non loin de l'an-
tique Moulin de ia Galette.
Elle offrait une particularité étrange.
C’avait été d'abord, deux maisons bâties â
une date où l'ambition dos architectos nes'éle
vai‘. guère au-dessus des deux étages sumion
tés des mansardes, chers à nos aïeux. Toutes
deux appartenaient au même propriétaire.
Des travaux de voirie dus â l’initiative d’un
conseiller municipal en quête d’une réélection,
l'ayant forcé a abattre, dans le sens de la pro-
fondeur, la moitié d’un des immeubles, il s'était
contenté de réédiger un pigeon perée de quel
qurs fenêtres placées au hasard et, sans souci
Je la différence de nlvôau des planchers, avait
réuni cette demi maison â la maison non at-
teinte à l’aide d'ouvertures dans le mur de sé-
paration, de sorte que l’intérieur du bâtiment
oflïuit un bizarre assemblage d'escaliers inter-
rompus, de couloirs sans but, de marches en
casse-cou et de ohamlnus étroites d’une lun-
gueur démesurée.
On n’y trouvait n’y ordre, ni harmonie, ni
élégance ; cependant tel qu’il était, l’immeuble
était rarement vide, en raison du peu d’exi
I gerces de son propriétaire.
Le nouveau domicile de Germaine s’ouvrait
directement sur un corridor suffisamment
I éclairé ; il se composait d’une pièce bien car-
rée, assez spacieuse, fraîchement tapissée,
I dont un alcôvu ot un cabinet pris sur la lon-
gueur doublaient l’aisance et l’agrément.
L’unique fenêtre donnait sur la rue.
Germaine se promit d’en faire tout à la fois
son salon et sa chambre à coucher.
La seconde pièce était étrange; étroite et
longue, elle était â demi envahie dans sa lar-
geur par une cheminée monumentale aux pro-
fondeurs noircie» par les feux do bien des
hivers. , , . ,,
La jeune fille calcula d on coup d oeil que cet
âtre si vaste lui ferait une petite cuisine et
que dans les enfoncements, à droite et à gau
che de la cheminée, elle pourrait, à peu de
frais, faire établir deux armoires contenant
son linge, sa vaisellc et les divers ustensiles
de son ménage minuscule.
U resterait alors une sorte de vastu corridor
au fond duquel le plafond s’abaissant brusque I
ment sous un escalier qui ne conduisait plus
nulle part, formait un large et profond renfon-
cement que Germains se promit d’utiliser.
Poux fenêtres éclairaient cette pièce si bizar-
rement dessinée. Elles donnaient sur un ter
rain vague où végétaient quelques arbres, der-
niers débris d’antiques jardins envahis par la
marée montante des maisons.
— Là, se dit Germaine, sera ma salle à mau- i
ger et ma chambre de travail.
Et cotte pensée n’avait rien d amer pour la
courageuse jeune fille. La bonne concierge lui
avait spontanément offert ses services pour les
courses et les travaux grossier» bien étrangers
à ses mains blanches.
Elle [fourrait donc vivre ici et y cacher scs 4
douleurs, peut-être même, elle si malheureuse,
rendre service à de plus malheureux, de plus
éprouvés qu’elle.
Soutenue par cet:e pensée, elle mit uu
certain entrain à diriger le jardinier du cou-
vent que la bonne supérieure avait prêté pour
l’aider à organiser les meubles de sa nouvelle
demeure. Ils étaient bien simples; la jeune
tillo n’avait voulu emporter de la maison pater-
nelle aucune élégance déplacée daus un logis
d’ouvrière,
C’étaient dos meubles empruntés aux cham-
bres les plus modestes, un lit de fer nickelé,
une commode toilette, une très médiocre ar-
moire â glace de noyer plaqué, le vieux fau-
teuil de moleskine de son père, un tout petit
supha on indienne où sa inère aimait à se repo-
ser, un léger buffet de cuisine, quelques chai-
ses, une table ronde, do celles qui so plient eu
deux «t ne prennent pas trop de place dans un
humilie logis sa table â ouvrage do jeune fille
et enfin le linge le pins ordinaire, la vaisselle
la plus commune qu’elle avait pu trouver.
Elle avait lait deux parts de ce qui lui res-
tait la plus belle, la plus riche, avait dù être
envoyée la veille à l’Hôtel des Ventes par les
soins de l’abbé Martinet ; la seconde lui arri-
vait en ce froid matin de décembre, montée par
les mêmes commissionnaires qui, la veille,
avaient transporté l’autre rue Drouot.
A leur dernier voyage, ils déposèrent aux
pieds de Germaine une lourde malle, de linge
et présentèrent la note à acquitter.
— C’est lieu, dit-elle, aussitôt que voVs aurez
SU-
âgé des deux ouvriers, il ne reste plus rieu su
le camion.
— En êtes vous bien sur 7
— Parfaitement sûr : regardez plutôt.
Germaine so pencha en aehore de la fenêtre
et demeura interdite. Comment se faisait il
que le meuble légué par sa marraine, dont
elle avait promis à sa mère de ne jamais se
séparer et que, quelques jours auparavant, o
avait si instamment recommandé au concierge
da ne pas envoyer à la salle des ventes, n eût
point été joint à son petit mobilier, omine C> <■
en avait donné l’ordre t
Est ce bien vous, demanda-t-elle aux com-
missionnaires, qui avez, hier, aidé à porter le
mobilier réserve à la salle Drouot »
— Oui, mademoiselle.
Avez vous remarqué un petit meur e
ancien que j’avais fait placer près d’uue fenê-
tre entre ce lit et cette armoire à glace, un
meuble.-.. „ .
— Do forme Louis \V avec des garnitures
de cuivre doré, n’est ce pas t inter ompit le
plus jeune des ouvrière. Je me le rappelle d au-
tant mieux que le concierge ue voulait pas le
lais er partir ; il soutenait que vous désiriez
le garder. Mais le curé qui surveillait l’ealêv.
meut des meublos l’a fait joindre aux autre*
I en disant que votre intention ôtait de ne
prendre que des meubles simples et que si
vous aviez aimé garder celui-là, vous l’en auries
I averti. f* «•»’*)•
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