Titre : Journal des débats politiques et littéraires
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1913-11-28
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Langue : français
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Description : 28 novembre 1913 28 novembre 1913
Description : 1913/11/28 (Numéro 330s). 1913/11/28 (Numéro 330s).
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Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : IIe République - Second Empire (1848-1870)
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Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : d'une guerre à l'autre (1914-1945)
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/11/2007
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rissaient en paix. grâce,& 'M. Ju~es HsssQa.
s'esteHorcé, comme d'autres, de dévctopperlo
goût du jardinage; il a tonde une nonssante
sociôté de tir; on ne voit guère d'ininattvos~
éprouvées qu'il n'ait accueillies ma)s. aux
inventions des autres, il a ajoute ses trou-
vaitles personnelles, et en voici. une qui
révèle tou-t l'homme. M. a remarque que
nos petits campagnards ne partent guère,
qu'Us n'ont, à aucun degré, fart de ta conver-
sation, et que. comme dit le peuple. !ts sont
rarement en confiance. Gomment les fau'e cau-
ser? A quel moment? L'école. le secrétariat
de deux mairies, ta Caisse d'épargne, tes So-
ciétés dont on est te secrétaire, absorbent,
sembte-t-il, tous les moments de ta journée.
Sans doute, mais il y a tes heures des repas
deux fois par semaine, pour te repas de midi,
l'instituteur convoque Jeux enfants de l'école,
qui s'asseyent à la table dé famille, prennent
part à ta conversation générale, emportent un
gâteau, et s'en vont jouer sur la cour. Je suis
sûr. pour avoir aperçu quelques personnes de
cette famille, que tes entants ainsi admis dans
l'intimité de.la maison n'apprennent pas seule-
ment à mieux parler, mais qu'ils reçoivent une
leçon de dignité de vie, de cordialité et d'hon-
neur. M. Jutes Besson a épousé une Lorraine,
Mtte Rapp. apparentée à ta famille du générât.
Le père de Mme Besson, lorsque !es Allemands
envahirent la Lorraine, en i870, était percep-
teur à Diébling. Comme il refusait de livrer
l'argent de sa caisse à l'ennemi, il fut jugé,
condamné à la détention dansune~orteresse.et
n'échappa à la peine qu'en se retirant en
Suisse. Au même moment, sa femme quittait
Diûbling. à pied. touteseule.traversa.it tes li-
gnes prussiennes, et allait remettre àla Tréso-
rerie générale de Metz tes 10.000 tr. qu'elle
avait cachés dans son corsage. On devine que te
patriotisme est en honneur dans ta maison,
le vrai. qui pérore peu. mais qui se dévoue.
M. et Mme Besson ont eu six enfants. Ils
ont abandonné toutes leurs économies pour
sauver un parent compromis et menacé de
poursuites. Voilà des éducateurs qui peuvent
enseigner la morale. Et si on me demande
queite morale, je pourrais répondre: celte
qu'ils pratiquent eux-mêmes. Geta n'est point
encore assez net & mon gré. It faut que ce bet
exemple soit tout clair. Je demanderai donc au
rapport de M. te maire de Ghevitly la réponse
à cette question. « Je dissimulerais un trait
essentiel de sa physionomie, écrit M. le doc-
teur Gassot, si je ne disais que M. Besson est.
personnellement, un catholique convaincu.
Tant qu'il le put. il se fit un devoir de surveil-
ler, à i'église. tes enfants que leurs parents y
envoyaient. Quand lui fut donné l'ordre de
s'abstenir, il s'inclina, mais rien ne put jamais
le détourner des pratiques commandées par
sa conscience. Pourtant, quelles que soient ses
convictions personnelles. M. Besson n'en a pas
moins été, dans son école, un modèle de
neutralité religieuse. )> De pareils instituteurs
ont droit à ta gratitude do tous.'Je ne veux
pas-dire qu'ils aient donné toute leur mesure,
qu'ils aient pu développer toute leur puis-
sance pour le bien il leur a manqué, selon
moi, la liberté d'être des hommes religieux
dans leur enseignement, comme ils l'ont été
dans leur vie. Mais its se sont montrés braves
et inspirateurs do bravoure, artisans de paix
publique', amis précieux de la campagne me-
nacée d'abandon, -et, dans un petit village.
mainteneurs de la grande Franco. Un pays
serait bien fort qui aurait beaucoup de ces
bons serviteurs. A l'unanimité, l'Académie,
dans sa séance du 12 juin. a décidé d'accorder
un prix Broquette-Gonin à M. Jules T3esson.
L'unanimité a. de même, désigné pour un
prix Broquette-Gonin M. Bernard Alibert, an-
cien Frère de ta Doctrine chrétienne, directeur
de l'école primaire l)bre de Saint-Anrique, dans
l'Aveyron. M. Bernard Alibert a soixante-trois
ans d'âge et 47 ans d'enseignement. Il n'est pas
nécessaire de se demander quelle morale it a
enseignée, ni si elle est efficace, ni quels en sont
les garants. Le dossier n'est pas. là-dessus,
bien protixe. Mais it nous montre un éducateur
remarquable et un homme de grande charité.
Le frère Atibert. tout jeune, pendant la guerre
franco-allemande, avait vu de près ta variole
noire, dans ta vitte et dans l'école do Mit-
lau. En 1879. il rencontre de nouveau le ter-
rible mal à Figeac, où it vient d'être nommé di-
recteur. On tui apprend qu'un de ses collègues
est atteint par ta contagion. Il n'hésite pas. et
sa réponse est belle « A présent, dit-il.je dois
avoir grâce d'état p-oùr affronter le mat. 11
part aussitôt-:pour aller visiter le moribond, le
soigne et te sauve. Des paroles de ce ton-ià.
lorsque l'acte tes suit, ne font peut-être pas
tout te portrait d'un homme mais eltes empê-
chent de le confondre avec ses voisins. Los té-
moignages recueillis dans le dossiernous mon-
trent « t'influence extraordinaire exercée par
cet homme de bien sur tes générations qu'il a
élevées Us disent que les élèves de M. Ber-
nard Alibert «se sont fait remarquer dans
toutes les carriëres».qu'on tes recherche dans
les magasins, tes usines, lès ateliers et que
-s protestants et catholiques s'adressent avec
une .égale eonSance au directeur de l'école
HbredeSaint-Anriquo.
Les revenus de ta fondation Broquette-Gonin
ne permettront de distribuer, d'ordinaire, que
deux prtx aux instituteurs. Cette année, il a été
possible de distribuer trois prix. et t'Aca-iémie
a vouiu récompenser une institutrice. Elte a
chois] Mtte Desrayaud. qui dirige les courssupé-
rieurs de l'école Lapeyr'e. à Maçon. Un arrêté
préfectorai la nommait institutrice adjointe a
cette école, en 1883 trente ans ptus tard,en 1913.
nous la trouvons dans ta même école, et avec
de même titre. On ne pourra pas dire qu'elle
ait ~ait preuve de cette habileté que ceux qui
menacent le dictionnaire nomment«arrivisme~.
Les notes accumulées dans son dossier nous
avertissent et nous prouvent qu'elle a su gagner
l'estime particulière de ses chefs. et c'est
peut-être parce qu'ils jugent qu'elle fait beau-
coup de bien ta où elle est. qu'ils hésitent de-
puis si longtemps à ta faire avancer. Elles
nous représentent Mlle MarieDesrayaud comme
une personne de jugement clair, d'inteliigence
8ne. d'une grande droiture de caractère, et
somme une de ces éducatrices chez qui les
attentions secrètes pour les enfants, te don de
soi-même, l'acceptation du pillage de tout le
ioisir, de toute l'intimité.de tout te rêve.de toute
la retraite nécessaire, sont ta forme quoti-
dienne de l'héroïsme. J'ai connu. & Paris ou en
province, d'autres institutrices qui ressem-
blaient a Mlle Desrayaud. Ettes remplissaient
leurs obligations de fonctionnaires publiques
avec .toute ta perfection souhaitée, mais elles
étaient supérieures à l'idéal même qui teur était
proposé des âmes pénétrées du sentiment de
ta valeur des âmes. des femmes dignes du plus
gran.d respect, de ta plus juste admiration.
Après avoir nommé de tels maîtres de la
jeunesse, je dois parler des prix de vertu ac-
cordés par l'Académie, et, en le faisant, je ne
change pas de sujet, je continue celui que
j'avais entrepris de traiter. Je parlerai d'abord
des prix accordés à des œuvres, hélas de quel-
ques-uns seulement: car le palmarès s'allonge
chaque année, et les limites du rapport doi-
vent-resterles mêmes. Un de mes confrères,
qui cache sous des dehors sévères et qui cache
mat. ;e dois l'en prévenir, un cour tout géné-
reux et prompt à s'émouvoir, a,entrepris de vi-
siter,: chaque année, tes œuvres parisiennes
pour:tesquelles une récompense est sotticitée,
d'interroger les directeurs ou administrateurs,
de demà.nder les détails les plus minutieux, et
d'instruire le.procès. avec la même défiance
des simples affirmations. des phrases sans
chinres. des budgets incomplets, que s~il in-
struisait une affaire criminelle. Ma qualité de
rapporteur m'a vatu de l'accompagner. Je ra-
conte donc, simplement, plusieurs de nos
courses en automobile.
La liste des prix de vertu, pour 1913, porte
cette mention, qui est ta première de la pre-
mière page « L'Académie a décerné un
prix deë.OOO francs à la dame Payen (en reli-
gion sœur Adèle-Cécité), à l'orphelinat de la
Vitlette, à Paris, Seine. » Rappelez vos souve-
nirs vous avez dû voir sœur Payen de forts
sourcils gris. des yeux attentifs quand la
chanté le commande, vite détournésquand elle
n'est point en cause, un visage solide, sculpté
par la fatigue et par la volonté, de la disttnc-
tion de parole et d'esprit; eUe ressemble à
beaucoup de ses sœurs en saint Vincent de
~auL Nous causons d'abord, dans un salon peu
'meu'b~. ù'ù je'nc v.o~s'dc.tnxeux' qù'e ~"ecl'a~du
~rarqueC 'biea (retté.Il- est.,v<;Tiu~av'ec s.osu'r-
Rayen~ù'ne sc&uf -ptus.'Jeun'e, qui 'a un tong'vi-
'sagebianc, un sû-utwe naturel,qu'eHe retient.
un peu à cause de nous. et des yeux encore
étonnésdetoutcequ'ily a d'imprévu dans ta
vie. Elle aussi, elle parte très bien. J'ai observe
que ta plupart, des religieuses de M. Vincent
ont unetaçon de dire très nette, ordonnée, fa-
milière et du meilleurmonde ondiraitqu'elles
ont entendu causer leurs grandes-tantes du
dix-septième. Nous visitons la maison, tous
lesétages.Etle peut logerune centaine d'or-
phelines; c'est une grande maison sonore avec
des escaliers clairs, que, de te~Mps en. temps,
unegrandepensionnaire qui s'oublie dégringole
en quatrième vitesse. Depuis la fondation, en
1852, ila passé, dans cet orphelinat de [a Vii-
lette. 745 enfants, qui ont retrouvé ta une
mère, appris un métier et, ce qui est mieux
encore, comment vivre. On peut tes admettre
dès l'âge de trois ans. Les femmes le savent
bien. Plusieurs, en mourant, supplient les
sœurs: « Prenez ma plus petite! Elevez-la! »
On Ja prend. Le père, l'oncle, le frère aîné,
dans le premier mouvement, promet de donner
une petite somme chaque mois, pour aider les
bienfaitrices. Quetques-uns persévèrent. La
plupart, après quetques mois, ou quelques
années, ne donnent plus rien, pas même des
nouvelles. Us sont «partis ». Ne croyez pas que
ce soit pour l'autre monde c'est pour un autre
quartier, et souvent un autre ménage. Les pe-
tites grandissent à l'abri c'est 1 important.
Elles passent de l'ouvroir des moyennes, où
eltes travaillent de treize à quinze ans. l'ouvroir
des grandes. Alors il se produit fréquemment
une nouvelle crise de famille, en sens inverse
Sœur Payen nous fait cette observation, qui
prouve l'expérience: «Jeunes, elles n'ontpas de
parents quand eltes arrivent à dix-huit ans et
qu'elles peuvent gagner, il leur débarque des
oncles, des tantes et des cousins à ne savoir
qu'en faire.» Nous traversons les ateliers, où
les enfants travaillent par catégories d'âge et
de métier, les couloirs, les vestiaires où
sont pendus des petits sarraux tous pareils et
des robes toutes pareilles. Nous rencontrons
quelques Hngères où surveillantes de travail
qui ont sûrement, plus de vingt et un ans.
Sœur Payen nous explique que l'(Euvre de la
Bonne Garde permet à'plusieurs de celles
qu'elle nomme «nos anciennes enfants » de
rentrer dans la ruche et d'y vivre. Mais la plu-
part des orphe)ine?, à vingt et un ans. s'en
vont. Elles sont lingères, couturières, brodeu-
ses, de plus en plus rarementdomestiques. Les
unes se marient, les autres non. Quelques-unes
tournent mal et oublient la maison. « C'est le
petit nombre », dit sœur Payen; « le tout
petit ». ajoute la sœur plus jeune, qui
monte devant nous. «Lorsque nos entants se
marient, dit sœur Payen, elles ont cette jolie
coutume de venir saluer ici la Bonmë Mère, en
sortant de l'église. Elles viennent en blanc. On
teur fait un petit cadeau. » La voix plus ieune
réplique: «Ça coûte si cner.de se marier!» »
et, un instant après.:« De cette façon, Bonne
Mère a beaucoup de gendres dans le quartier. »
Nous sommes arrivés au dernier étage. Je
m'approche d'une fenêtre. Nous dominons les
toits de la Villette, des toits de tuile autour
desquels les rues, vues de cette hauteur, font
du clo'isonné.gris il y a un cairal d'eau noire,
des cheminées d'usines, dont les fumées, au-
jourd'hui. s'en vont vite dans le vent c'est le
quartier de .sœur Payen, de ses Elles, de ses
gendres, de ses amis du peuple parisien, qui
ont mis 1,200 signatures au bas de la demande
faite à l'Académie.
Notre seconde visite nous a conduits égale-.
ment dans un quartier assez éloigné du centre
de Paris « Chauffeur, à Aubervittiers, rue des
Ctoys » Nous tourniltons un peu avant de
trouver cette rue des Ctoys où les meilleurs
chauffeurs n'ont pas leurs habitudes. Voici
enfin ta maison que nous cherchons. Elle est
basse, comme ses voisines, elle a une devan-
ture sombre, et qui, de loin, m'avait semblé
indiquer un atelier de repassage: car tout le
monde a observé que les repasseuses font vo-
lontiers peindre leur boutique d'une couleur
foncée afin que la blancheur du linge en pa-
raisse plus éclatante. Mais non c'est une sorte
de restaurant populaire, une des cantines
de la Fédération des Cantines matoi nettes et
filiales. Une dizaine de femmes déjeunent dans
la partie gauche de la salle. La cuisine est con-
tiguë. Elte est pleine de l'odeur sucrée de l'oi-
gnon roussi. Nous y rencontrons l'intendante
de cette œuvre philanthropique. Elle nous
donne quelques détails sur la clientèle de la
cantine, le nombre des clientes, les heures et
la composition des repas. « Je comprends,
Madame vous offrez des repas gratuits aux
femmes enceintes de cinq mois, ou à celles
qui nourrissent leur enfant; mais vous devez
être trompée, de temps à autre? Il doit y avoir
des usurpations d'état? Ah! mais non il ne
sufSt pas d'arriver avec son bébé sur les bras
on doit faire voir son lait, et nourrir devant
moi, pour preuve, et; si le petit n'est pas en-
core à la surface, on doit m'apporter un certi-
ficat de Lariboisière. Sans ça le quartier s'amè-
nerait à notre miroton! Et quel est le menu
de ce matin ? Voici une soupe a l'oignon
avec lentilles; du bourguignon, c'est-à-dire de
la viande dechevalmijotëe avec des oignons,
et du macaroni.» Je rentre dans la salle de
restaurant. Il y a là des femmes qui ont le vi-
sage long et implorant des misères défini-
tives; d'autres s'arrêtent de manger, et elles
me montrent, discrètement, le nourrisson
qu'elles tiennent sur le bras gauche; d'au-
tres ont le regard dur de la révolte qui
n'a pas de sexe, et de la haine qui n'a pas be-
soin de connaître. Près de moi. dans la partie
de la salle où il n'y a point de tables, j'aperçois
sur une chaise une couronnefunéraireblanche
avec l'inscription « Les mères de la cantine ».
!e voudrais demanderuno explication. J'insiste
du regard. Une des femmes– ces délicatesses-
là sont fréquentes dans le pauvre monde se
fève, s'approche, et à demi-voix « On ne peut
pas en parler touthaut. n'est-ce pas. parce que
la mère est là. C'est une petite femme qui vient
de perdre son enfant; alors, nous, on a donné
ce qu'on a pu, deux sous. trois sous, pour avoir
la couronne. Elle a été contente. Mais ça la fe-
rait pleurer do nous entendre. Au revoir,
m'sieu » Sur une des tables, près d'une cliente
qui est laide mais ardemment jeune, une Heur
d'œillet blanc achève de vivre, la tige plongée
dans une carafe.
Les deux œuvres que nous visitons après
celle-là, et à des jours différents, reçoivent
chacune 4.000 fr. C'est le Patronage Saint-Fran-
çois-Xavier d'Auteuil et Point-d~-Jour et. d'au-
tre part. l'Œuvre d'assistance aux militaires
coloniaux et légionnaires.
H faut visiter les patronages le dimanche.
C'est pourquoi, le 20 avril, nous allons voir
celui du Point-du-Jour. L'avenue de la Frilière,
où il est situé, ne passera jamais pour une
des plus larges de Paris. Nous arrivons de
bonne heure. Les cours sont pleines d'enfants
qui jouent.et, plus loin, déjeunes hommes qui
s'exercent aux barres parallèles et au trapèze.
Au delà. tout au fond des cours.les salles
de réunion, les salles de jeu et de théâtre, la
chapelle, les bibliothèques, forment une longue
ligne de bâtiments tout neufs, en brique rouge.
On les prendrait pour une suite d'ateliers un
peu élégants. L'un des fondateurs du patro-
nage, un homme jeune, ami enthousiaste de la
belle élite ouvrière qui pousse en ce moment,
partout où il y a des âmes pour l'aimer, un de
ces Français de l'espèce forte, qui font des
dettes pour une œuvre sociale, nous reçoit, et
nous dit, voyant que nous regardons les
grands, là-bas, sous le préau <: Comment
voulez-vous qu'on ne se dévoue pas à des
hommes comme ceux-là ? Après le service
militaire, l'an dernier, pas de déchet ifs
sont tous revenus » L'oeuvre a été fon-
dée en 1898. Simple patronage d'abord, elle
est devenue, en se développant, une sorte
.d'œuvre d'éducation populaire, avec ses cours
du soir, ses salles de lecture, ses Syndicats
d'employés, sa Caisse d'épargne, qui verse un
intérêt de 3.60 0/0. Un conseil de direction de
quinze membres ~administre. Quelques-uns
sontdeFïnstitut; la ptupart sont simplement
du quartier, et tout jeunes. Quand j'arrive au
haut des escaliers, sur la terrasse qui sert de
toiture à une partie de l'immeuble, j'aperçois
tes coHines de Meùdon, et, bien que te prin-
temps sojtnouveau, déjà ia courbe des bois est
toute v.erte.
Nous. n'avons pas besoin de çhoisjr un
dimanche ~pou~ Vis~'tëF t'ouvre d assistance
.aux'miHtaires coloniaux 'et dégionnaires. K!lo~
'est. établie sur tes to.rtiucatious Mêmes, su
'delà du-parc de Montsouris. Le bastion 84
a été mis à ia disposition de la Société de
secours aux blessés, et transformé en une
petite caserne où sont hébergés, pendant
quelques semaines, tes soldats qui revien-
nent des colonies ou qui sortent de )a lé-
gion étrangère. Que vont-ils faire? Souvent
ils n'en savent rien eux-mêmes. Ils de-
mandent «une placer, ou encore « du tra-
vail formules équivalentes, vagues et im-
périeuses. comme -x j'ai taim » ou « j'ai
soif Un des membres les plus actifs
de la Société do secours aux blessés a
bien voulu nous accompagner dans notre visite
au bastion. « Quoi de nouveau? dit-il en en-
trant. Un sergent porte la main au képi. et ré-
pond « Rien. mon capitaine, si ce n'est qu'en
mars nous avons un très fort électif, 81 pré-
sents, et nous n'avons que 70 places. » Des
hommes passent. En voici un qui descend ~es-
calier. Il est de visage rude et tanné, -x Appro-
che ici. mon brave, raconte un peu qui tu
es?» IlestWurtembourgeois.Il m'explique,
dans une langue non cataloguée, qu'il a fait
trois ans do service dans son pays d'origine.
Puis une idée subite, et il part pour s'engager dans la légion
étrangère. H y reste dix-sept ans; il fait vingt-
deux campagnes aujourd nui, à quarante-six
ans~il a la médaille militaire, une retraite de
800 francs, et il cherche une place, lui aussi,
mais il sait laquelle il a résolu de revenir
au métier de sapremière jeunesse, et d'entrer
chez un tapissier. Un second traverse le cou-
loir, venant du jardin. 11 est maigre comme
une longue guerre. M a servi treize ans dans
l'infanterie coloniale. Blessé au Maroc, en
mai 1911, il a été rapatrié, il a reçu 50 francs.
« En attendant le reste, nous dit-il, ie me.
suis mis en convalescence au bastion 84. )>
Depuis 1896, date de la fondation de l'oeu-
vre. plus de 2,000 soldats ont été recueillis
de la sorte, hospitalisés, nourris et placés. Ces
rudes hommes, cerveaux brûlés souvent, ont
le cœur vite attendri et porté à l'idylle. Il suf-
fit, pour n'en pas douter, dé lire les lettres où
ils remercient do l'hospitalité reçue; il suffit
même de franchir la porte du .bastion du côté
des fortifications. Là. sur la pente du taius qui
protège encore Paris, au milieu du gazon, les
soldats ont dessiné et ils cultivent un petit jar-
din d'agrément, lequel est composé de trois
motifs de décoration. Jugez si les traditions ont
la vie dure Le premier motif, c'est l'ancré do
la marine; le' second, la croix de la Légion-
d'Honneur; le troisième, la grenade enflam-
mée Le trait qui dessine la grenade est fait do
myosotis, l'intérieur de pâquerettes. On retrou-
verait ce petit jardin sur les bords du Niger ou
du Tchad, au bord des rivières de l'Indo-Chino,
sur les plateaux de Madagascar, partout où il
y a un fortin surmonté du drapeau tricolore et
défendu par des soldats français.
L'Académie accorde un prix de 803 fr. à
à l'Œuvre d'assistance parle travail du Val-de-
Gràce, (ondée en 1871 par Mme de Pressensé,
et dirigée aujourd'huiparMme Adolphe Puaux.
Ce n'est pas la première fois, ni la dernière
sans doute, qu'elle recommande ces groupe-
ments, indépendant les uns des autres, qui
viennent en aide à l'ouvrièreà domicile, s'ef-
forcent de lui donner le salaire plein, le salaire
total, et même, je crois bien, la mesure com-
ble, répondant ainsi à un rêve souvent ex-
primé et souvent impossible. Pour qu'il s'ac-
complisse, il faut que la clientèle accepte de
payer un peu plus cher que dans les grands
magasins, otque l'oeuvre ne retienne pour elle-
même aucun bénéfice d'intermédiaire. D'après
les comptes rendus que j'ai pu consulter, l'oeu-
vre améliore ainsi grandement la condition de
00 ou 80 femmes, parmi lesquelles les bonnes
lingèrespeuvent gagner do 4 à 6 fr. par jour.
De même l'Académie accorde un prix de
1,000 francs à l'Ecole ménagère des libérées de
Saint-Lazare, à Paris, école bâtie dans des jar-
dins à Billancourt, confortable en tout point,
presque luxueuse, où sont logées et enseignées
quatorze jeunes filles mineures,dont la plupart
ont été envoyées la par la 8° chambre du tribu-
nal de la Seine ou par la Cour d'appel. Ecole
sans doute, mais d'où l'on ne sort pas avant un
certain terme. Nous avons vu les élèves grou-
pées'autour do la directrice générale de
l'oeuvre le spectacle n'évoquait pas le moins
du monde l'idée d'une contrainte. Si j'étais
venu la. sans .savoir où j'allais, j'aurais
pensé que j'avais devant moi do jeunes
faubouriennes, invitées par quelque dame pa-
tronnesso fine et maternelle et qui n'était pas
du quartier. L'entreprise est ardue de tirer des
créatures humaines du désordre. L'Ecole ména-
gère des libérées de Saint-Lazare s'efforce d'y
réussir sans recourir a l'idée religieuse. C'est
une œuvre toute neutre. Saint Lazare lui a
laissé son nom. mais il a disparu. Je me per-
mets do le regretter, pour tes enfants, per-
suadé que je suis qu'il a emporté beaucoup de
consolation, beaucoup de force et les plus so-
lides raisons de suivre la morale. Mais il est
resté d'excellentes intentions, des exemples
qui ne peuvent pas être sans influence, et une
bonne foi dont je ne puis m'approcher sans
nespect.
L'Académie accorde un prix de 1.500 tr. à
l'Atelier Sainte-Agnès à Thiais (Seine), dirigé
par Mlle de La Girennerie. et qui a poursous-
tttre Mutualité ouvrière. C'est bien à cette for-
mule et à cette sorte d'oeuvre qu'ont abouti les
expériences charitables de Mlle de La Girenne-
rie. Les quinze apprenties et ouvrieres'qu'elle a
recueillies et formées ont commencé par tra-
vailler pour les magasins de Paris, par faire
des chemises d'homme, des bourgerons et des
pantalons de treillis, des robes de poupée. En-
fin, le difficile problème de vivre a été résolu.
Elles sont devenues couturières en habits d'en-
fan.ts; elles ont un magasin de vente à Paris.
Mais ce qui me semble être le trait le plus clair,
et le plus remarquable enseignement du dos-
sier, c'est la physionomie de cette jeune fille
du monde qui laisse te monde pour vivre en
communauté avec des jeunes Sites du peuple,
recommandées par leur misère et par leur
abandon, afin de travailler manuellement avec
elles, et de corriger non seulement la nature,
presque toujours l'éducation reçue. La tâche
est ingrate. Dans un cahier de notes rédigées
par la directrice de l'atelier de Thiais, l'origine
des pensionnaires de la maison est indiquée,
mais pas toujours précise, et pour cause- Et
j'ai lu. par exemple < Mlle Valentine, cf&s
~M/or/gloire, mais il peut être glorieux de ne s'y
point arrêter, et de devenir la sœur volontaire
de ces pauvres passantes.
Même indifférence à l'endroit de la généa-
logie de ses pupilles chez Mlle B~'ancine Artur,
de Morlaix, à laquelle l'Académie accorde
un prix de 2.000 fr. Mlle Artur s'émut de
~oir les,petits garçons à l'abandon, dans
l.es rues de Morlaix, entre les classes, et le
soir, après la sortie de l'école, avant l'heure
du coucher. Elle en réunit quelques-uns
chez elle, dans son modeste logement de pro-
fesseur, en 1887. 11 faut croire que l'idée était
bonne les parents l'ont comprise. Empêchés
souvent, par le travail, de remplir leurs obli-
gations de familte. ils ont envoyé leurs enfants
à la garderie Saint-Joseph, qui s'est dévelop-
pée, qui est devenue une grande œuvre. Dans
l'espace de vingt-cinq années, Mlle Francine
Artur a reçu chez elle, éclairé, chauSé, sur-
veillé, amusé, sermonne 3,000 écoliers elle en
a placé 900. Vous représentez-vous le nombre
de démarches qu'il a fallu faire et de paroles
qu'il a fallu dire, pour procurer du travail et
ouvrir un métier à 900 enfants! La pétition
adressée à l'Académie est bien un témoignage
de la gratitude populaire. Les feuillets sont
couverts de signatures éculées, tronquées,
bancales, boiteuses, magnifiques d'inexpé-
rience et d'enbrt. Alasuitede beaucoup d'entre
elles, on peut lire la qualité du témoin « ba-
layeuse des rues)>, «cigarière~, ~factrice~,
« grand'mère d'orphelins Tout un monde de
braves gens de Bretagne s'est enfin ému, et a
voulu patronner a son tour sa bienfaitrice. Il
était sûr de réussir,
Nous avons attribué un prix de même va-
leur a l'Union familiale de Charonne fondée à
Paris, en 1894. par Mile Gahëry. organisme
assez complexe, que quelqu'un a pu nommer
« une ecolede formation sociale L'Union fa-
miliale est logée dans un .bel immeuble neuf et
<~air,au ~85 do.la rue de Gharonne. C'e~tMen
unrB garderie 6gatem.ent.que nous pouvons ét.u-
.dier dès notre* entrée; dans .ta inaisan~ Au'mi-
tien d'une cour sablée/une jeun~ fille est
assise; elle a un tabtiër rosé.; etie est très ieune,
et elle sourit à une douzaine de toutes petites
filles qui tendent leurs, bras vers ëtte. L'i-
mage est heureuse et n'a pas été préparée; car
notre visite n'a pas été annoncée; la direc-
trice n'est pas ta, et les visiteurs se trouvent
derrière une porte vitrée. Mais ta garderie
n'est ici qu'une préface. Nous entrons, au fond
de la cour. dans do grands, bâtiments de cons-
truction légère, décores, 'à l'intérieur, d'une
foute d'objets,, peints ou modelés, paysages,
personnages, animaux, dos moulins, des phares,
des bœufs tirant une charrue, un oiseau ou-
vrant faite. H parait que les enfants méditeront
ces choses, les imiteront & la craie et que c'est
d'une pédagogie avancée. Près de là, une bande
do terrain est entourée de grillages et divisée
en « jardins d'enfants». Ailleurs, dans ta grande
maison neuve, nous trouvons établies plusieurs
œuvres d'hygiène pour les nourrissons, une
œuvre intéressante du trousseau pour tes jeunes
ûttes, et une école d'enseignement ménager
d'où sortent, nous a-t-on dit, d'excellents pro-
fesseurs.
Une autre école mais d'une autre sorte, est
encore inscrite sur la liste des récompenses
académiques, c'est une œuvre Israélite, l'Ecole
professionnelle de ieunes fitles, appelée sou-
vent école Bischofl'sheim, à Paris. Cinquante
jeunes Sites sont la, logées, nourries, habiitées
et instruites gratuitement. On les prépare,
comme ailteurs, au brevet élémentaire et au
brevet supérieur; elles apprennent la sténo-
graphie, ta dactylographie, ta comptabilité;
une partie d'entre- ettes deviennent institu-
trices; d'autres trouvent des places dans te com-
merce et l'industrie. Le trait original estcetui-
ci dix-sept places sont réservées à de jeunes
Orientâtes, qui viennent étudier le français, et.
après quelques années, vont t'enseigner dans
leur pays. D'anciennes élèves sont institutrices
à Tétouan. a Larache, à Tanger, à Smyrne.
Bagdad. Damas, Jérusalem, Gavatia, Satonique,
Constantinopte. Alexandrie. Maxime du Camp
disait déjà, dans son PaWs B!CM/fM'saM<:<< Je
tes ai vues, ces petites Orientâtes, au mitieu de
leurs compagnes, vêtues comme ettos, et par-
tant un français irréprochable. »
It me resta à louer te principal lauréat de
cette année. La liste otfIcieUe porté'cetto men-
tion un prix. de 8.000 fr. a M. l'abbé AigOuy,
directeur d'oeuvres au Kremlin-Bicêtre (Seine).
Le titulaire do ce prix est bien directeur d'œu-
vres, mais il est aussi curé du'Kremtin-Bi-
cêtre et ie fondateur de cette paroisse, où il
est venu s'installer, voilà dix-huit ans, au mi-
lieu d'une population dont on peut dire qu'elle
ne formait pan un milieu préparé. Le dimanche
4 mai dernier, par temps froid et averses do ptuie
serrée, nous traversions Paris pour aller faire
notre enquête sur place. C'était aussi jour de mar-
ché a tabarrièred'Itatie. Dans la coupure même
où passe la route, le long des parois du talus
éventré, on avait dressé debout, sur leur crosse
,ou leur pointe, des parapluies à 13 sous. il
1 fr. 25, ai fr. 45. Il y en avait même à 1 fr. 95.
mais, pour bien montrer )a supériorité de ceux-
ci et l'estime qu'il en fallait faire, on les avait
couchés sur une batadeu&e. Aussitôt les fortifi-
cations franchies, sur un kilomètre de lon-
gueur, nous passons entre deux étalages de
vieux outils, de vieux habits, d'oignons, de
vaisselle et .de chaussures. Des maisons bas-
ses, des. jardins, des terrains incultes, des rou-
lottes assemblées b.ordent la route, et au
boutde cette longue ligne droite le Krem-
tim-Bicêtre arrondit sa ville en formation.
Nous entrons dans une salle modeste, où sept
ou huit habitants notables, presque tous jeunes.
délibèrent sur les intérêts d'une œuvre, je ne
sais plus taquetle. Il est permis do s'y perdre.
Caries documents qui ont été produits et les
hommes que nous avons interrogés signaient.
outre les écoles, un patronage de garçons, un
patronage de dites, des cours d'enseignement
ménager, une bibliothèque populaire, un atelier
d'apprentissage pour les menuisiers-ébénistes.
un fourneau économique, un vestiaire, une
œuvre de ta layette, une caisse de prévoyance
militaire, une conférence de Saint-Vincent de
Faut, une œuvre des pauvres malades, un dispen-
saire gratuit, un secrétariat du peuple, une caise
des familles pour te cas de maladie, des jardins
ouvriers, une œuvre do cotonie de vacances
pour tes garçons, qui vont à Rectoses près de
Fontainebleau, une autre pour tes fittes, éta-
blie aux environs de Laon t'œuvro du Ptateau
de Bicêtre, qui n'est pas autre chose qu'une
nouvelle paroisse en formation. je suis sur
que j'en oublie. Pendant que nous visitons tes
salles, les hangars, tes cours, je regarde che-
miner, à côté de nous, ce prêtre qui vou-
lait jadis entrer au séminaire des Missions
étrangères, et à qui il (ut répondu
« Vous trouverez la Chine à quinze minutes
des barrières de Paris s; ce. curé. qui n'a
pas de repos parce que. autour de tui.la mi-
sère n'en a pas; qui; s'est d-ôpensé pour son
Kremtin-Bicôtro au point de ruiner savante;
cethomme jeune encore, qui a t.a poitrine
creuse, tes joues creuses, les yeux creux, et
qui n'a d'incroyablement tort que ta namme de
ses prunettes. Puissance vivifiante de ta cha-
rité, courage de tous tes jours, fraternité sans
paroles mais qui passez, tes mains pleines
d œuvres, c'est vous qui êtes récompensés en ta
personne de M. t'abbé Aigouy. Et c'est vous
aussi, coopérateurs sans lesquels faction d'un
apôtre serait presque vaine, hommes et fem-
mesdu quartier, obligés pour taptupartau tra-
vail journalier, et qui avez donné vos diman-
ches et des heures de veiftée pour ta fondation
de toutes ces œuvres, pour que. parmi des po-
pulations jusque-tà abandonnées et sans tien,
i'1 y eut plus de bonté, moins de soufl'rance,
ptus d'idéal. Je ne suis pas f ennemi des « amis
de tette vilie x-, ou de têt chef-lieu de canton,
ou des forets, ou des eaux courantes mais
j'aime avant tout tes amis de famé poputSire.
ceux à qui on peut dire « Tu n'en peux ptus ?
Non, monsieur Ni moi non ptus attons
quand môme Sur fenvetoppe écrue du dos-
sier du Kremtin-Bicêtro j'ai trouvé une anno-
tation écrite en travers, d'une belte écriture
décidée, et qui était ainsi conçue « Le grand
prix de 1913 pour te créateur admirable d'une
civilisation, x-C'est cela même une civilisation
au tieu de ta barbarie, si cruette à vivre.
J'ai dit que je ne pouvais parler de toutes les
œuvres qui sont récompensées cette année. Je
ne puis louer selon teur mérite, qui est tou-
jours de grande charité, qui est souvent d'ori-
ginalité puissante l'Œu~'re cathotique des co-
lonies de vacances à Oran te Cercle national
pour te sotdat de Paris; Mme veuve Sylvain
Prieur, fondalriced'un asite en Seine-et-Oise
Mme de Marsiitac, directrice d'une Œuvrer
pour tes jeunes Slles isotées Mme .veuve
Thierry-Ladrange. surveiljante générale de t'hô-.
pitat des Da.mes françaises de ta Groix-Rougo
t'Œuvre des Dames du .Calvaire à Saint-Etienne;
l'Union de t'Ouest te Corctë catholique des
patrons et des ouvriers de. Saint-Bruno-les-
Ghartreux, à Lyon ia Société philanthropique
des prêts gratuits. Il est de même impossible
de nommertoutes les personnes quiontobtenu
un prix individuel et de raconter leur histoire.
J~ choisirai seulement, pour les résumer,
quelques-uns des dossiers qui ont attiré parti-
culièrement l'attention de l'Académie.
Je cite d'abord deux infirmes, une jeune 611e
aveugle et un homme paralysé, qui ont sur-
passé, en dévouement, presque toutes les fem-
mes qui voient et presque tous tes hommes qui
marchent. Aveugle de naissance. Mile Mar-
guerite Beltue a pu apprendre la musique,
grâce à ta méthode Braille. Elle gagne sa,
vie en'donnant d~s leçons. Elle soutient ainsi,
par son travail, sa mère, âgée de soixante-dix-
neuf ans, et un frère, sourd-muet. Ce n'est pas.
tout. La mère ne pouvant pas payer une do-
mestique< la jeune aveugle fait te ménage et
fait ta cuisine. Enfin, commet! existe des êtres
merveilleux, de même qu'il existe des mons-
tres, elle trouve le temps, ta'force et le cou-
rage de venir en aide à des voisins, < a ceux
qui sont plus malades que moi dit-eiï~.
Même courage héroïque chez Charles Conart
qui, à l'âge de quatorze mois, a été atteint de
paralysie des membres inférieurs et d'atrophie
partieUe des bras. Pas de jambes et des mains
sans force Charles Conart tut admis chez les
Frères de Sait-Jeah-de-Rieu, rue. Leco.u.rbe, &
Pans. Très intelligent, et adroit pa~r !a puis-
sance de sa votonté, it était. & dix-huit ans. chef
de l'atelier de brosserie. Les pièces du dossier
OQus te représentent ~er~aRt ses fonctions
de contremaître «Tl ne'tui res.tai t .qu~ua peu' d~e
{orée dans les, b~'as, pour mettre en mouve-
ment une chaise, sur laquelle s'était passée sa
vie, et avec laquelle il se transportait d'un
lieu à un autre, par petits coups lents et
réguliers, en pivotant à droite ou à gauche.
Matgré ta fatigue du trayait manuel dans de
telles conditions, il employait tout son temps
libre à perfectionner son instruction primaire,
et, en 1885, il était reçu au brevet élémentaire.
Trois ans plus tard, une vocation décidée pour
le professorat lui faisait abandonner la direc-
tion de l'atelier et se consacrer à l'instruction
des aveugles. Depuis lors. il prépare les autres
aux examens. Il a môme été mis à la tête des jeu-
nes maîtres qui distribuent l'enseignement aux
différentes classes d'infirmés. L'Académie, dé-
sireuse de récompenser ce prodige d'énergie
et de dévouement, accorde à Charles Conart
une des principales récompenses dont elle dis-
pose, un prix de 2,000 fr.
On pourrait faire un livre, chaque année,
avec les récits qui sont adressés à l'Académie,
do toutes les provinces de France, et qui rela-
tent les vertus de vieux domestiques. Je sais
bien que les mœurs et l'esprit de la nouvelle
domesticité sont tout din'érents et qu'ils mena-
cent de réduire le livre dont je parle aux pro-
portions d'un opuscule. Cependant, cette année
encore, le volume serait épais. Parmi les lau-
réates, j'aperçois une vieille Servannaise.une
des plus vieilles servantes, peut-être, des en-
fants du peuple, Joséphine Lefeuvre, qui aura
bientôt soixante-neuf ans, et qui, depuis l'âge
de treize ans, chaque matin, se rend à l'asi'le
maternel de Saint-Servan et; s'occupe des
petits enfants.
A côté d'elle, je vois Léontine Vichet et Ro-
salie Brctonnière. Léontine Vichet, depuis
trente ans, sert d'auxiliaire dans une salle
dincurables et d'infirmes à l'hospice d'Arbois.
La forte vertu de son âme l'y retient seule, car.
pour cette tâche toujours pénible et souvent
répugnante, elle a reçu d'abord 10 francs par
mois, puis 15 francs; depuis l'an dernier, elle
gagne 20 francs par mois. Et encore si nous
avons été augmentée, ne nous accusez pas
d'ambition d'argent Cette folie du siècle ne
nous a pas touchée. Il a fallu une circonstance
impérieuse. La vieille mère Vichet, 80 ans,
est venue demander secours a Léontine. la
servante. Alors celle-ci a loué une chambre,
près de l'hôpital. Comme auparavant, elle fait
son service d'infirmière, très bien, mais elle
ne prend plus du tout de récréation, et elle
emploie le temps qui est libre a (aire le mé-
nage et la cuisine de sa première malade, sa
mère. Mme du Couëdic. supérieure générale
des religieuses hospitaHèrës de Besançon, et
qui connaît la rigueur du service des incura-
bles. a écrit, à propos de Lôontine Vichet:
« Cette humble fille m'est un modèle; sa vie ca-
chée, à jamais dépourvue do foie. m'apparaît
admirablement belle, digne d'être louée haute-
ment et récompensée déjà sur la terre. » C'est
ce que nous avons essayé do (aire.
Rosalie Hretonnière, retirée à Monaco, où
son maître est mort, a été, pendant soixante-
six ans, la fidèle servante do l'explorateur Jean
Dupuis, c'est-à-dire d'un des premiers pion-
niers de notre nouvel empire colonial. On se
souvient encore de cette histoire, même dans
le public qui ne retient que les grosses émo-
tions c'est Jean Dupuis qui. le premier, re-
monta le douve Rouge: c'est à ta suite'de son
second voyage que la France fut amenée à. une
intervention, et que s'ouvrit la première
phase de la conquête du Tonkin. Cet homme
de grands desseins et de grandes entreprises
n'était pas un homme d'affaires. Il s'était ruiné
deux fois et ne vivait plus que d'une rente
que lui faisait le gouvernement d'Indo-Ghine.
Son maître étant pauvre, Rosalie Bretonnièra
continuait de le servir gratuitement. Mais
comme, de plus, dans la seconde catastrophe,
elle avait perdu presque toutes ses économies,
elle soutirait de ne pouvoir l'assister de son
argent. Cependant, à Monaco où il passait tou-
jours l'hiver, elle put payer les frais d'un trai-
tement qu'il suivait. Puis M. Jean Dupuis mou-
rut. Rosalie se souvint qu'il avait toujours sou-
haité de reposer dans le vitlago natal, elte
vendit les quelques valeurs qui lui restaient,
ordonna que le corps de son maître fût trans-
porté à Saint-Just, dans la Loire, et acquitta les
trais de transportet les frais d'enterrement.Quet-
qu~un pouvait dire. dans te récit qui nous a été
envoyé « C'est ainsi que l'explorateur dont te
voyage nous a amené à la conquête du Tonkin
a été enterré aux frais d'une femme à son
service. »
Un groupe encore peut être composé de ces
héroïnes charitables que j'appellerai~es. jeunes GHes, vieilles tittes, vieilles fem-
mes, presque toujours pauvres, souvent débi-
les. parfois infirmes, et que tour grand cœur
pousse à recueillir, à nourrir, à consoler de ta
sout!rance qui dure ou do )a mort qui s'appro-
cha. tantôt des parents, des frères, des sœurs,
des neveux, tantôt, des étrangers. En générât,
ces adoptantes sont d'une extrême témérité.
Elles n'ont aucun égard a )a lourdeur do la
charge qu'elles prennent volontairement. Elles
.ont des ressources insuffisantes et elles veu-
lent les partager. Tous tes économistes les
condamneraient. Mais une aide secrète, qu'il y
a'par le monde, les soutient, et fait vivre, con-
tre l'Institut s'it le faut. la générosité mater-
nelle, détestable calculatrice. Les adoptantes
sont nombreuses, cette année en voici quel-
ques-unes.
i.Marie Dumont est une Parisienne, née en
1872, de parents très pauvres. Habile coutu-
rière, elle a vécu d'abord avec sa mère, non
pus dans l'aisance, mais presque facilement.
On avait le cœur très charitable. La Site et
la mère décidèrent donc de donner l'hospita-
lité à une jeune ouvrière blanchisseuse, mo-
ralement abandonnée. Pendant un peu de
temps, ces trois faiblesses mirent en commun
trois petits salaires. Un jour. la mère s'alita
et mourut. Peu après la blanchisseuse est
tombée malade. Marie Dumont, devenue seul
soutien de son amie, s'est mise & travailler
la nuit pour payer les remèdes. Les mé-
decins ont'ensuite parlé de tuberculose,
et ordonné un sanatorium. Alors Marie
Dumont s'est privée de nourriture aSn que
la malade ne manquât de rien. Que va-
t-elle faire du prix que lui décerne l'Académie ?
Pourvu qu'eDe n'ailtepas prendre prétexte de
cette petite richesse pour adopter une nouvelle
amie malheureuse Avec ces âmes-là, on ne
sait jamais à quelles aventures de générosité
on est exposé!
Mlle Marie-Rosé Fougères, une autre adop-
tante exerce les fonctions d'institutrice
publique à Marpiré, dans l'IMe-et-Vilai.ne. Elle
n'a jamais occupé d'autre poste, bien ~u~elle
ait aujourd'hui 63 ans. Des devoirs multiples,
ceux qu'elle avait, ceux qu'elle s'est imposés,
L'ontà jamais retenue dans ce coin de Breta-
gne. Il y avait là, dans des temps reculés, vers
1'868, une institutrice, appelée Mlle Viel. qui
proposa, à la fille intelligente d'un paysan
de Marpiré, le marché suivant :< Aidez-moi,
et je vous préparerai à passer vos examens,
vous deviendrez institutrice. s> L'offre fut
acceptée. Mil Fougères passa ses examens, Ct
la classe, fit le ménage, et. en récompense,
vers 1872, fut nommée « adjointe volontaire et
sans traitement » à l'école de Mlle Viel. Elle y
entra avec son bonnet de paysanne. Pendant
vingtans elle exerça ces (onctions gratuitement.
Pendant vingt ans, les deux femmes vécurent
d'un seul traitement, qui fut longtemps de 700
francs, et ne dépassa pas 1,000 francs. Non
seulement elles vécurent, mais eltes économi-
sèrent. On assura qu'elles possédèrent, à une
certaine date, une somme de 1,200 francs. Elles
l'employèrent d'abord & réparer une vieille
masure que Mlle Vielav.ait héritée de sa mère,
puis & faire la charité. En 1878, le frère de la
directrice mourait, laissant sept enfants. Les
institutrices prirent avec elles l'aînée, alors
âgée de huit ans. ta gardèrent quatre ans, et la
placèrent comme domestique elles appelèrent
ensuite la seconde 611e. et la troisième, et les
placèrent de même. Puis, Mlle Viel étant
devenue infirme, au point de ne pouvoir s'ha-
biller seule, « l'adjointe volontaire et sans trai-
tement se nt la cuisinière et la garde-malade
de la directrice. C'est cette belle charité, à
chaque période renouvelée, que l'Académie a
voufu récompenser.
Voici Tante Reine. On oe la connaît guère
que sous ce nom-là, dans Fougères, la petite
ville ouvrière. Ceux qui l'ont présentée à l'Aca-
démie, qui ont rédigé la demande et assemblé
les témoignages Ie.s plus touchants, ce soat.des
teunes gens. comptables, employés, ouvriers
en chaussures. Us disent joliment que tout le
md'nde. dans 1& quartier de la Pinterie, salue,
au passage cette tante Reine, dont chacun aime
la mince silhouette et te doux visage fatigué ».
Ils nous apprennent qu'une de ses sœurs, ma-
riée à un chaussonnior, ayant abandonné son
mari, tante Reine prend les enfants chez
elle, les élevé et tes établit. Cela ne se
fait pas aussi vite que cela se dit.
Quand ces petits Le Breton sont devenus
grands, tante Reine s'aperçoit que des voisi-
nes, des enfants, les petites & sont en"
danger de perditions. Ce sont les termes de la
pétition. Reine fait venir la plus chétive des
petite G.et la tire de~danger.Un peu plus
tard, elle songe qu'elle a une chambre pres-
que inutile, à côté de la sienne. Etie y installe
une vieille infirme. Quand l'infirme est morte.
que faire de la chambre? Il y a, près de
là, dans un logement humide, une femme tu'
borculeuse. Reine annonce qu'elle- va lui pro~
poser de ta loger. «Qu'altez-vous faire?~ lui
dit-on. « Ne savez-vous.pas que la tuberculose
est contagieuse? Faut-il à cause de cela.
répond tante Reine, laisser le pauvre monde
s'en aller sans soins ni caresses ? Ah le beau
mot, que saint Vincent de Paul eût aimé!'Ce
(ut la malade qui. après quinze mois, ne voulut t
pas abuser de la charité de son hôtesse, et se
retira, de son plein gré, pour mourir.
Voici, enfin, ~'adoptante par excellence, Ma-
rie Le Balch. Elle appartient à une bonne fa- a
mille ouvrière de Carhaix. A vingt et un ans,
elle perd son père et elle doit, avec sa mère.
veiller sur la nombreuse famille. Us sont dix
enfants. Peu à peu les frères et sœurs quittent
la maison et s'établissent. Marie leur a été bien
utile jusque-là. Elle va maintenant sauver
leurs enfants. Voyez cette extraordinaire ma-
ternité d'adoption. Une des sœurs de Marie est
mal mariée. Marie s'émeut de voir un garçon
de cinq ans presque abandonné. Elle se charge
de lui et l'élève entièrement. Vers la même
époque, le mari d'une autre sœur perd sa
place et tombe dans la misère. Il a six
enfants Marie en prend trois. Un de ses frè-
res meurtpar accident il laisse neuf enfants
Marie accepte d'en élever six. Plus tard. un&
do ses nièces reste veuve avec sept enfants.
Marie lui trouve une petite ferme, paye d'à-'
vance une année de fermage, et placé quatre
des fils dans une pension religieuse da Breta-
gne. s'engageant à payer pour eux. Elle a ainsi
adoptéquatorzë enfants. Je viens de montrei'cn.
quelles circonstances. Mais, comme elle avait
neuf frères et sœurs, comme elle avait com-
mencé par leur servir de seconde mère, c'est
en vér.ité de vingt-trois créatures humaines.
qu'elle a été la providence.
L'Académie a encore décerné deux autres
grands prix. L'un est attribué à Jean-Ma'rie Ga-'
menen. ancien syndic dos gens de mer. à l'ile de
Groix, ancien patron d'un canot de sauvetage. `
avec lequel il a secouru 29 navires et sauvé 4~
personnes. Le patron Camenen a reçu toutes
les médailles et tous les brevets qu'on peut
avoir. Il est chevalier de la Légion-d'Honneur.
Le maire de Groix, M. Bihan, capitaine au ca-
botage, a demandé, pour ce vieux brave, un.
prix Montyon. Il a écrit « J'ai pensé que l'un
de vos prix devraitêtre le couronnement d'une-
carrière aussi bien remplie.~Bien que ledê- °
v.ouementsoitunecarrièrevraimentirréguliër&-
personno n'a hésité, capitaine, et 'le prix est
accordé.
Ennn un prix de 3,000 francs a été décerné à
Mme Didier, en religion Mère Marie, de la Con-
grégation de Saint-Joseph deCluny.qui a cin-
quante-quatre ans aujourd'hui, dont trente ans
d'Afrique, à Dakar ou à Brazzaville, trente ans
au service de la race noire. Elle a un~ histoire
magnifique. Klle a traversé enchantant tous les
dangers. Mais je ne raconterai pas sa vie et jo
no la louerai pas. Je n'en ai pas lé temps et
puis, missionnaire française~son métier est `'
d'êtrehéroique.
Voilà certes de beaux exemples; des répon-
ses a beaucoup d'accusations et do prédictions
sinistres. Nous en récompensons quelques-
uns, mais combien peu, et de quelle mà'nire
disproportionnée!
Hsconstituentleplusmagniuque objet et la
plus varié qui soitottert a la louange des hom-
mes. Car le monde physique a été en notable
partie parcouru et décrit: mais le monde des
âmes ne sera jamais épuisé. Il se rehouvelle.Il
voisine avec l'infini.
Ces âmes d'élite sont l'affirmation la plus
extraordinaire de la force de la volonté, et de 6
la noblesse ouverte à laquelle chacun est ap-
pelé. Certes, les dévouements dont on meurt
tout d'un coup sont dignes d'admiration. Mais
leur brièveté môme rend les grands sacri-
fices plus faciles, tandis que cette dépense'
quotidienne, sou par sou, de l'énergie hu'-
maine, sans applaudissements, ni clairons, ni
croix d'honneur, ni compagnons qui peinent
de même voila, je crois, le plus sublime.
Trente ans de dévouement 'd'une domestiqua
dontlesgages ne sont pas payés; la femme qui
soigne, par pitié, les câncër&ux et vit volontai-
rement dans la familiarité de ta mort: aucune
action d'éclat, aucun mot surtout, ne fait un
pareil honneur à l'humanité rachetée.
Ces âmes sont annonciatrices. Et)es indi- `
quent le sens de t'cducation qu'il faut donner à
.un pays. Oh elles ont puisé, ta est la source de-
là vie, de ta grandeur, de la paix véritable, l'in-
térieure, celle dos esprits et des cœurs, infini-
ment supérieure à l'autre.
Ces âmes sont dinérentes et une cependant.
Qu'elles le veuillent ou non. qu'elles le sachent
ou t'ignorent, toutes cites ont cessé d'appar-
tenir au monde antique, eltes ont respiré l'at-
mosphère de ce pays sanctifié, elles ont suin
t'influence du baptême de ta France. A travers
chacune d'elles, ie vois transparaître une
image, nette ou effacée. toujours reconnaissa-
bte, celle du Maître qui apporta à la terré Is
charité, de l'Ami des pauvres, du Constatent'
des souffrants,de Celui qui a passé en faisan tir:
bien, et qu'avec des millions de vivants et des
milliards de morts, j'ai la joie do nommer.
NotreSeigneur Jésus-Christ.
Ces âmes n'ont pas de récompense humaine.
Je ne suppose pas qu'on prétende les encoura-
ger au bien en leur promettant ta reconnais-
sance des hommes. Ce serait une adrcusc
ironie. Et j'espère que. de même, la mode est,
finie de parler de la volupté du sacriCcc. Quel-
ques gens de littérature ont osé naguère asso-
cier ces deux mots-ià. Us démontrent ainsi
qu'ils ignorent ce qu'ils admirent, et,se ion la ru-
buste expression populaire, qu'ils ne sont pas
de la partie. H n'y a point de volupté .du sacri-
fice. Itya une gêne. une souffrance, une mort
acceptée pour le bonheur des autres, et la con-
solation qui peut en venir au cœur, outre
qu'elle n'a rien de commun avec la volupté, n'a
point été promise, n'est jamais due, et ne dé-
truit pas la rigueur du sacrifice elle aide seu-
lement à le porter..Et c'est pourquoi ie sacri-
fice ne peut être demandé à des âmes to.utes
terrestres, et qui n'ont pas d'amour ptus grand
qu'elles-mêmes. L'héroïsme sera toujours dé-
raisonnable, et c'est au delà de la raison, au
delà de ta sensualité surtout, qu'il faut en
chercher l'explication..
Ces âmes peuvent en quelque manière effa-
cer l'inégalité des conditions. L'égalité n'est
nulle part, et les eSbrts tentés pour t'étà-
btir ne produisent que ruines et que haine- Mais
lésâmes aussi peuvent être inégales, et, par t'
elles, tout est réparé. Des conditions inéga-
les, mais des âmes très .supérieures a leur
condition, des âmes magnifiques dans des con-
ditions obscures, simples dans la splendeur.:
indinerentes aux surprises~ de la vie: voilà
par où le monde peut connaître la ressem-
blance des hommes, leur étroite fraternité, ta
paix entre eux. Tout le reste, est .illusion d'és-,
prit ou artiBce de popularité.
Ces âmes-là sontrédemptrices. Grâceà elles.:
la France a résisté à des maux, qui eussent tuo.
une nation moins riche en saintetés ignorées.
Par elles ont été possibles les plus beaux siè-
cles qu'etles aient connus, et qui.n'ont pas été
grands seulement par leurs grands hommes.
mais par tout le peuple surélevé. El! es expli-
q.uent la France, ettes sont sa prcmiet'c ri-
chesse, les témoins de safoi, la raison de &a vi-
talité, le rachat de ses fautes, sa sauvegardcA
jamais!
~StîPPLËM~NT~ ~~JO~NAL~DES -~ÊBAT~~BUV~DRE~~a~VEMBRE~
\'é) se ce :gra)~Tboafg de. Cheviliy.out bta.nc
panmi ses,jai'dias.'vet'ts,.q'ij-e -les-: &e!'tH&s y.m~
rissaient en paix. grâce,& 'M. Ju~es HsssQa.
s'esteHorcé, comme d'autres, de dévctopperlo
goût du jardinage; il a tonde une nonssante
sociôté de tir; on ne voit guère d'ininattvos~
éprouvées qu'il n'ait accueillies ma)s. aux
inventions des autres, il a ajoute ses trou-
vaitles personnelles, et en voici. une qui
révèle tou-t l'homme. M. a remarque que
nos petits campagnards ne partent guère,
qu'Us n'ont, à aucun degré, fart de ta conver-
sation, et que. comme dit le peuple. !ts sont
rarement en confiance. Gomment les fau'e cau-
ser? A quel moment? L'école. le secrétariat
de deux mairies, ta Caisse d'épargne, tes So-
ciétés dont on est te secrétaire, absorbent,
sembte-t-il, tous les moments de ta journée.
Sans doute, mais il y a tes heures des repas
deux fois par semaine, pour te repas de midi,
l'instituteur convoque Jeux enfants de l'école,
qui s'asseyent à la table dé famille, prennent
part à ta conversation générale, emportent un
gâteau, et s'en vont jouer sur la cour. Je suis
sûr. pour avoir aperçu quelques personnes de
cette famille, que tes entants ainsi admis dans
l'intimité de.la maison n'apprennent pas seule-
ment à mieux parler, mais qu'ils reçoivent une
leçon de dignité de vie, de cordialité et d'hon-
neur. M. Jutes Besson a épousé une Lorraine,
Mtte Rapp. apparentée à ta famille du générât.
Le père de Mme Besson, lorsque !es Allemands
envahirent la Lorraine, en i870, était percep-
teur à Diébling. Comme il refusait de livrer
l'argent de sa caisse à l'ennemi, il fut jugé,
condamné à la détention dansune~orteresse.et
n'échappa à la peine qu'en se retirant en
Suisse. Au même moment, sa femme quittait
Diûbling. à pied. touteseule.traversa.it tes li-
gnes prussiennes, et allait remettre àla Tréso-
rerie générale de Metz tes 10.000 tr. qu'elle
avait cachés dans son corsage. On devine que te
patriotisme est en honneur dans ta maison,
le vrai. qui pérore peu. mais qui se dévoue.
M. et Mme Besson ont eu six enfants. Ils
ont abandonné toutes leurs économies pour
sauver un parent compromis et menacé de
poursuites. Voilà des éducateurs qui peuvent
enseigner la morale. Et si on me demande
queite morale, je pourrais répondre: celte
qu'ils pratiquent eux-mêmes. Geta n'est point
encore assez net & mon gré. It faut que ce bet
exemple soit tout clair. Je demanderai donc au
rapport de M. te maire de Ghevitly la réponse
à cette question. « Je dissimulerais un trait
essentiel de sa physionomie, écrit M. le doc-
teur Gassot, si je ne disais que M. Besson est.
personnellement, un catholique convaincu.
Tant qu'il le put. il se fit un devoir de surveil-
ler, à i'église. tes enfants que leurs parents y
envoyaient. Quand lui fut donné l'ordre de
s'abstenir, il s'inclina, mais rien ne put jamais
le détourner des pratiques commandées par
sa conscience. Pourtant, quelles que soient ses
convictions personnelles. M. Besson n'en a pas
moins été, dans son école, un modèle de
neutralité religieuse. )> De pareils instituteurs
ont droit à ta gratitude do tous.'Je ne veux
pas-dire qu'ils aient donné toute leur mesure,
qu'ils aient pu développer toute leur puis-
sance pour le bien il leur a manqué, selon
moi, la liberté d'être des hommes religieux
dans leur enseignement, comme ils l'ont été
dans leur vie. Mais its se sont montrés braves
et inspirateurs do bravoure, artisans de paix
publique', amis précieux de la campagne me-
nacée d'abandon, -et, dans un petit village.
mainteneurs de la grande Franco. Un pays
serait bien fort qui aurait beaucoup de ces
bons serviteurs. A l'unanimité, l'Académie,
dans sa séance du 12 juin. a décidé d'accorder
un prix Broquette-Gonin à M. Jules T3esson.
L'unanimité a. de même, désigné pour un
prix Broquette-Gonin M. Bernard Alibert, an-
cien Frère de ta Doctrine chrétienne, directeur
de l'école primaire l)bre de Saint-Anrique, dans
l'Aveyron. M. Bernard Alibert a soixante-trois
ans d'âge et 47 ans d'enseignement. Il n'est pas
nécessaire de se demander quelle morale it a
enseignée, ni si elle est efficace, ni quels en sont
les garants. Le dossier n'est pas. là-dessus,
bien protixe. Mais it nous montre un éducateur
remarquable et un homme de grande charité.
Le frère Atibert. tout jeune, pendant la guerre
franco-allemande, avait vu de près ta variole
noire, dans ta vitte et dans l'école do Mit-
lau. En 1879. il rencontre de nouveau le ter-
rible mal à Figeac, où it vient d'être nommé di-
recteur. On tui apprend qu'un de ses collègues
est atteint par ta contagion. Il n'hésite pas. et
sa réponse est belle « A présent, dit-il.je dois
avoir grâce d'état p-oùr affronter le mat. 11
part aussitôt-:pour aller visiter le moribond, le
soigne et te sauve. Des paroles de ce ton-ià.
lorsque l'acte tes suit, ne font peut-être pas
tout te portrait d'un homme mais eltes empê-
chent de le confondre avec ses voisins. Los té-
moignages recueillis dans le dossiernous mon-
trent « t'influence extraordinaire exercée par
cet homme de bien sur tes générations qu'il a
élevées Us disent que les élèves de M. Ber-
nard Alibert «se sont fait remarquer dans
toutes les carriëres».qu'on tes recherche dans
les magasins, tes usines, lès ateliers et que
-s protestants et catholiques s'adressent avec
une .égale eonSance au directeur de l'école
HbredeSaint-Anriquo.
Les revenus de ta fondation Broquette-Gonin
ne permettront de distribuer, d'ordinaire, que
deux prtx aux instituteurs. Cette année, il a été
possible de distribuer trois prix. et t'Aca-iémie
a vouiu récompenser une institutrice. Elte a
chois] Mtte Desrayaud. qui dirige les courssupé-
rieurs de l'école Lapeyr'e. à Maçon. Un arrêté
préfectorai la nommait institutrice adjointe a
cette école, en 1883 trente ans ptus tard,en 1913.
nous la trouvons dans ta même école, et avec
de même titre. On ne pourra pas dire qu'elle
ait ~ait preuve de cette habileté que ceux qui
menacent le dictionnaire nomment«arrivisme~.
Les notes accumulées dans son dossier nous
avertissent et nous prouvent qu'elle a su gagner
l'estime particulière de ses chefs. et c'est
peut-être parce qu'ils jugent qu'elle fait beau-
coup de bien ta où elle est. qu'ils hésitent de-
puis si longtemps à ta faire avancer. Elles
nous représentent Mlle MarieDesrayaud comme
une personne de jugement clair, d'inteliigence
8ne. d'une grande droiture de caractère, et
somme une de ces éducatrices chez qui les
attentions secrètes pour les enfants, te don de
soi-même, l'acceptation du pillage de tout le
ioisir, de toute l'intimité.de tout te rêve.de toute
la retraite nécessaire, sont ta forme quoti-
dienne de l'héroïsme. J'ai connu. & Paris ou en
province, d'autres institutrices qui ressem-
blaient a Mlle Desrayaud. Ettes remplissaient
leurs obligations de fonctionnaires publiques
avec .toute ta perfection souhaitée, mais elles
étaient supérieures à l'idéal même qui teur était
proposé des âmes pénétrées du sentiment de
ta valeur des âmes. des femmes dignes du plus
gran.d respect, de ta plus juste admiration.
Après avoir nommé de tels maîtres de la
jeunesse, je dois parler des prix de vertu ac-
cordés par l'Académie, et, en le faisant, je ne
change pas de sujet, je continue celui que
j'avais entrepris de traiter. Je parlerai d'abord
des prix accordés à des œuvres, hélas de quel-
ques-uns seulement: car le palmarès s'allonge
chaque année, et les limites du rapport doi-
vent-resterles mêmes. Un de mes confrères,
qui cache sous des dehors sévères et qui cache
mat. ;e dois l'en prévenir, un cour tout géné-
reux et prompt à s'émouvoir, a,entrepris de vi-
siter,: chaque année, tes œuvres parisiennes
pour:tesquelles une récompense est sotticitée,
d'interroger les directeurs ou administrateurs,
de demà.nder les détails les plus minutieux, et
d'instruire le.procès. avec la même défiance
des simples affirmations. des phrases sans
chinres. des budgets incomplets, que s~il in-
struisait une affaire criminelle. Ma qualité de
rapporteur m'a vatu de l'accompagner. Je ra-
conte donc, simplement, plusieurs de nos
courses en automobile.
La liste des prix de vertu, pour 1913, porte
cette mention, qui est ta première de la pre-
mière page « L'Académie a décerné un
prix deë.OOO francs à la dame Payen (en reli-
gion sœur Adèle-Cécité), à l'orphelinat de la
Vitlette, à Paris, Seine. » Rappelez vos souve-
nirs vous avez dû voir sœur Payen de forts
sourcils gris. des yeux attentifs quand la
chanté le commande, vite détournésquand elle
n'est point en cause, un visage solide, sculpté
par la fatigue et par la volonté, de la disttnc-
tion de parole et d'esprit; eUe ressemble à
beaucoup de ses sœurs en saint Vincent de
~auL Nous causons d'abord, dans un salon peu
'meu'b~. ù'ù je'nc v.o~s'dc.tnxeux' qù'e ~"ecl'a~du
~rarqueC 'biea (retté.Il- est.,v<;Tiu~av'ec s.osu'r-
Rayen~ù'ne sc&uf -ptus.'Jeun'e, qui 'a un tong'vi-
'sagebianc, un sû-utwe naturel,qu'eHe retient.
un peu à cause de nous. et des yeux encore
étonnésdetoutcequ'ily a d'imprévu dans ta
vie. Elle aussi, elle parte très bien. J'ai observe
que ta plupart, des religieuses de M. Vincent
ont unetaçon de dire très nette, ordonnée, fa-
milière et du meilleurmonde ondiraitqu'elles
ont entendu causer leurs grandes-tantes du
dix-septième. Nous visitons la maison, tous
lesétages.Etle peut logerune centaine d'or-
phelines; c'est une grande maison sonore avec
des escaliers clairs, que, de te~Mps en. temps,
unegrandepensionnaire qui s'oublie dégringole
en quatrième vitesse. Depuis la fondation, en
1852, ila passé, dans cet orphelinat de [a Vii-
lette. 745 enfants, qui ont retrouvé ta une
mère, appris un métier et, ce qui est mieux
encore, comment vivre. On peut tes admettre
dès l'âge de trois ans. Les femmes le savent
bien. Plusieurs, en mourant, supplient les
sœurs: « Prenez ma plus petite! Elevez-la! »
On Ja prend. Le père, l'oncle, le frère aîné,
dans le premier mouvement, promet de donner
une petite somme chaque mois, pour aider les
bienfaitrices. Quetques-uns persévèrent. La
plupart, après quetques mois, ou quelques
années, ne donnent plus rien, pas même des
nouvelles. Us sont «partis ». Ne croyez pas que
ce soit pour l'autre monde c'est pour un autre
quartier, et souvent un autre ménage. Les pe-
tites grandissent à l'abri c'est 1 important.
Elles passent de l'ouvroir des moyennes, où
eltes travaillent de treize à quinze ans. l'ouvroir
des grandes. Alors il se produit fréquemment
une nouvelle crise de famille, en sens inverse
Sœur Payen nous fait cette observation, qui
prouve l'expérience: «Jeunes, elles n'ontpas de
parents quand eltes arrivent à dix-huit ans et
qu'elles peuvent gagner, il leur débarque des
oncles, des tantes et des cousins à ne savoir
qu'en faire.» Nous traversons les ateliers, où
les enfants travaillent par catégories d'âge et
de métier, les couloirs, les vestiaires où
sont pendus des petits sarraux tous pareils et
des robes toutes pareilles. Nous rencontrons
quelques Hngères où surveillantes de travail
qui ont sûrement, plus de vingt et un ans.
Sœur Payen nous explique que l'(Euvre de la
Bonne Garde permet à'plusieurs de celles
qu'elle nomme «nos anciennes enfants » de
rentrer dans la ruche et d'y vivre. Mais la plu-
part des orphe)ine?, à vingt et un ans. s'en
vont. Elles sont lingères, couturières, brodeu-
ses, de plus en plus rarementdomestiques. Les
unes se marient, les autres non. Quelques-unes
tournent mal et oublient la maison. « C'est le
petit nombre », dit sœur Payen; « le tout
petit ». ajoute la sœur plus jeune, qui
monte devant nous. «Lorsque nos entants se
marient, dit sœur Payen, elles ont cette jolie
coutume de venir saluer ici la Bonmë Mère, en
sortant de l'église. Elles viennent en blanc. On
teur fait un petit cadeau. » La voix plus ieune
réplique: «Ça coûte si cner.de se marier!» »
et, un instant après.:« De cette façon, Bonne
Mère a beaucoup de gendres dans le quartier. »
Nous sommes arrivés au dernier étage. Je
m'approche d'une fenêtre. Nous dominons les
toits de la Villette, des toits de tuile autour
desquels les rues, vues de cette hauteur, font
du clo'isonné.gris il y a un cairal d'eau noire,
des cheminées d'usines, dont les fumées, au-
jourd'hui. s'en vont vite dans le vent c'est le
quartier de .sœur Payen, de ses Elles, de ses
gendres, de ses amis du peuple parisien, qui
ont mis 1,200 signatures au bas de la demande
faite à l'Académie.
Notre seconde visite nous a conduits égale-.
ment dans un quartier assez éloigné du centre
de Paris « Chauffeur, à Aubervittiers, rue des
Ctoys » Nous tourniltons un peu avant de
trouver cette rue des Ctoys où les meilleurs
chauffeurs n'ont pas leurs habitudes. Voici
enfin ta maison que nous cherchons. Elle est
basse, comme ses voisines, elle a une devan-
ture sombre, et qui, de loin, m'avait semblé
indiquer un atelier de repassage: car tout le
monde a observé que les repasseuses font vo-
lontiers peindre leur boutique d'une couleur
foncée afin que la blancheur du linge en pa-
raisse plus éclatante. Mais non c'est une sorte
de restaurant populaire, une des cantines
de la Fédération des Cantines matoi nettes et
filiales. Une dizaine de femmes déjeunent dans
la partie gauche de la salle. La cuisine est con-
tiguë. Elte est pleine de l'odeur sucrée de l'oi-
gnon roussi. Nous y rencontrons l'intendante
de cette œuvre philanthropique. Elle nous
donne quelques détails sur la clientèle de la
cantine, le nombre des clientes, les heures et
la composition des repas. « Je comprends,
Madame vous offrez des repas gratuits aux
femmes enceintes de cinq mois, ou à celles
qui nourrissent leur enfant; mais vous devez
être trompée, de temps à autre? Il doit y avoir
des usurpations d'état? Ah! mais non il ne
sufSt pas d'arriver avec son bébé sur les bras
on doit faire voir son lait, et nourrir devant
moi, pour preuve, et; si le petit n'est pas en-
core à la surface, on doit m'apporter un certi-
ficat de Lariboisière. Sans ça le quartier s'amè-
nerait à notre miroton! Et quel est le menu
de ce matin ? Voici une soupe a l'oignon
avec lentilles; du bourguignon, c'est-à-dire de
la viande dechevalmijotëe avec des oignons,
et du macaroni.» Je rentre dans la salle de
restaurant. Il y a là des femmes qui ont le vi-
sage long et implorant des misères défini-
tives; d'autres s'arrêtent de manger, et elles
me montrent, discrètement, le nourrisson
qu'elles tiennent sur le bras gauche; d'au-
tres ont le regard dur de la révolte qui
n'a pas de sexe, et de la haine qui n'a pas be-
soin de connaître. Près de moi. dans la partie
de la salle où il n'y a point de tables, j'aperçois
sur une chaise une couronnefunéraireblanche
avec l'inscription « Les mères de la cantine ».
!e voudrais demanderuno explication. J'insiste
du regard. Une des femmes– ces délicatesses-
là sont fréquentes dans le pauvre monde se
fève, s'approche, et à demi-voix « On ne peut
pas en parler touthaut. n'est-ce pas. parce que
la mère est là. C'est une petite femme qui vient
de perdre son enfant; alors, nous, on a donné
ce qu'on a pu, deux sous. trois sous, pour avoir
la couronne. Elle a été contente. Mais ça la fe-
rait pleurer do nous entendre. Au revoir,
m'sieu » Sur une des tables, près d'une cliente
qui est laide mais ardemment jeune, une Heur
d'œillet blanc achève de vivre, la tige plongée
dans une carafe.
Les deux œuvres que nous visitons après
celle-là, et à des jours différents, reçoivent
chacune 4.000 fr. C'est le Patronage Saint-Fran-
çois-Xavier d'Auteuil et Point-d~-Jour et. d'au-
tre part. l'Œuvre d'assistance aux militaires
coloniaux et légionnaires.
H faut visiter les patronages le dimanche.
C'est pourquoi, le 20 avril, nous allons voir
celui du Point-du-Jour. L'avenue de la Frilière,
où il est situé, ne passera jamais pour une
des plus larges de Paris. Nous arrivons de
bonne heure. Les cours sont pleines d'enfants
qui jouent.et, plus loin, déjeunes hommes qui
s'exercent aux barres parallèles et au trapèze.
Au delà. tout au fond des cours.les salles
de réunion, les salles de jeu et de théâtre, la
chapelle, les bibliothèques, forment une longue
ligne de bâtiments tout neufs, en brique rouge.
On les prendrait pour une suite d'ateliers un
peu élégants. L'un des fondateurs du patro-
nage, un homme jeune, ami enthousiaste de la
belle élite ouvrière qui pousse en ce moment,
partout où il y a des âmes pour l'aimer, un de
ces Français de l'espèce forte, qui font des
dettes pour une œuvre sociale, nous reçoit, et
nous dit, voyant que nous regardons les
grands, là-bas, sous le préau <: Comment
voulez-vous qu'on ne se dévoue pas à des
hommes comme ceux-là ? Après le service
militaire, l'an dernier, pas de déchet ifs
sont tous revenus » L'oeuvre a été fon-
dée en 1898. Simple patronage d'abord, elle
est devenue, en se développant, une sorte
.d'œuvre d'éducation populaire, avec ses cours
du soir, ses salles de lecture, ses Syndicats
d'employés, sa Caisse d'épargne, qui verse un
intérêt de 3.60 0/0. Un conseil de direction de
quinze membres ~administre. Quelques-uns
sontdeFïnstitut; la ptupart sont simplement
du quartier, et tout jeunes. Quand j'arrive au
haut des escaliers, sur la terrasse qui sert de
toiture à une partie de l'immeuble, j'aperçois
tes coHines de Meùdon, et, bien que te prin-
temps sojtnouveau, déjà ia courbe des bois est
toute v.erte.
Nous. n'avons pas besoin de çhoisjr un
dimanche ~pou~ Vis~'tëF t'ouvre d assistance
.aux'miHtaires coloniaux 'et dégionnaires. K!lo~
'est. établie sur tes to.rtiucatious Mêmes, su
'delà du-parc de Montsouris. Le bastion 84
a été mis à ia disposition de la Société de
secours aux blessés, et transformé en une
petite caserne où sont hébergés, pendant
quelques semaines, tes soldats qui revien-
nent des colonies ou qui sortent de )a lé-
gion étrangère. Que vont-ils faire? Souvent
ils n'en savent rien eux-mêmes. Ils de-
mandent «une placer, ou encore « du tra-
vail formules équivalentes, vagues et im-
périeuses. comme -x j'ai taim » ou « j'ai
soif Un des membres les plus actifs
de la Société do secours aux blessés a
bien voulu nous accompagner dans notre visite
au bastion. « Quoi de nouveau? dit-il en en-
trant. Un sergent porte la main au képi. et ré-
pond « Rien. mon capitaine, si ce n'est qu'en
mars nous avons un très fort électif, 81 pré-
sents, et nous n'avons que 70 places. » Des
hommes passent. En voici un qui descend ~es-
calier. Il est de visage rude et tanné, -x Appro-
che ici. mon brave, raconte un peu qui tu
es?» IlestWurtembourgeois.Il m'explique,
dans une langue non cataloguée, qu'il a fait
trois ans do service dans son pays d'origine.
Puis une idée subite,
étrangère. H y reste dix-sept ans; il fait vingt-
deux campagnes aujourd nui, à quarante-six
ans~il a la médaille militaire, une retraite de
800 francs, et il cherche une place, lui aussi,
mais il sait laquelle il a résolu de revenir
au métier de sapremière jeunesse, et d'entrer
chez un tapissier. Un second traverse le cou-
loir, venant du jardin. 11 est maigre comme
une longue guerre. M a servi treize ans dans
l'infanterie coloniale. Blessé au Maroc, en
mai 1911, il a été rapatrié, il a reçu 50 francs.
« En attendant le reste, nous dit-il, ie me.
suis mis en convalescence au bastion 84. )>
Depuis 1896, date de la fondation de l'oeu-
vre. plus de 2,000 soldats ont été recueillis
de la sorte, hospitalisés, nourris et placés. Ces
rudes hommes, cerveaux brûlés souvent, ont
le cœur vite attendri et porté à l'idylle. Il suf-
fit, pour n'en pas douter, dé lire les lettres où
ils remercient do l'hospitalité reçue; il suffit
même de franchir la porte du .bastion du côté
des fortifications. Là. sur la pente du taius qui
protège encore Paris, au milieu du gazon, les
soldats ont dessiné et ils cultivent un petit jar-
din d'agrément, lequel est composé de trois
motifs de décoration. Jugez si les traditions ont
la vie dure Le premier motif, c'est l'ancré do
la marine; le' second, la croix de la Légion-
d'Honneur; le troisième, la grenade enflam-
mée Le trait qui dessine la grenade est fait do
myosotis, l'intérieur de pâquerettes. On retrou-
verait ce petit jardin sur les bords du Niger ou
du Tchad, au bord des rivières de l'Indo-Chino,
sur les plateaux de Madagascar, partout où il
y a un fortin surmonté du drapeau tricolore et
défendu par des soldats français.
L'Académie accorde un prix de 803 fr. à
à l'Œuvre d'assistance parle travail du Val-de-
Gràce, (ondée en 1871 par Mme de Pressensé,
et dirigée aujourd'huiparMme Adolphe Puaux.
Ce n'est pas la première fois, ni la dernière
sans doute, qu'elle recommande ces groupe-
ments, indépendant les uns des autres, qui
viennent en aide à l'ouvrièreà domicile, s'ef-
forcent de lui donner le salaire plein, le salaire
total, et même, je crois bien, la mesure com-
ble, répondant ainsi à un rêve souvent ex-
primé et souvent impossible. Pour qu'il s'ac-
complisse, il faut que la clientèle accepte de
payer un peu plus cher que dans les grands
magasins, otque l'oeuvre ne retienne pour elle-
même aucun bénéfice d'intermédiaire. D'après
les comptes rendus que j'ai pu consulter, l'oeu-
vre améliore ainsi grandement la condition de
00 ou 80 femmes, parmi lesquelles les bonnes
lingèrespeuvent gagner do 4 à 6 fr. par jour.
De même l'Académie accorde un prix de
1,000 francs à l'Ecole ménagère des libérées de
Saint-Lazare, à Paris, école bâtie dans des jar-
dins à Billancourt, confortable en tout point,
presque luxueuse, où sont logées et enseignées
quatorze jeunes filles mineures,dont la plupart
ont été envoyées la par la 8° chambre du tribu-
nal de la Seine ou par la Cour d'appel. Ecole
sans doute, mais d'où l'on ne sort pas avant un
certain terme. Nous avons vu les élèves grou-
pées'autour do la directrice générale de
l'oeuvre le spectacle n'évoquait pas le moins
du monde l'idée d'une contrainte. Si j'étais
venu la. sans .savoir où j'allais, j'aurais
pensé que j'avais devant moi do jeunes
faubouriennes, invitées par quelque dame pa-
tronnesso fine et maternelle et qui n'était pas
du quartier. L'entreprise est ardue de tirer des
créatures humaines du désordre. L'Ecole ména-
gère des libérées de Saint-Lazare s'efforce d'y
réussir sans recourir a l'idée religieuse. C'est
une œuvre toute neutre. Saint Lazare lui a
laissé son nom. mais il a disparu. Je me per-
mets do le regretter, pour tes enfants, per-
suadé que je suis qu'il a emporté beaucoup de
consolation, beaucoup de force et les plus so-
lides raisons de suivre la morale. Mais il est
resté d'excellentes intentions, des exemples
qui ne peuvent pas être sans influence, et une
bonne foi dont je ne puis m'approcher sans
nespect.
L'Académie accorde un prix de 1.500 tr. à
l'Atelier Sainte-Agnès à Thiais (Seine), dirigé
par Mlle de La Girennerie. et qui a poursous-
tttre Mutualité ouvrière. C'est bien à cette for-
mule et à cette sorte d'oeuvre qu'ont abouti les
expériences charitables de Mlle de La Girenne-
rie. Les quinze apprenties et ouvrieres'qu'elle a
recueillies et formées ont commencé par tra-
vailler pour les magasins de Paris, par faire
des chemises d'homme, des bourgerons et des
pantalons de treillis, des robes de poupée. En-
fin, le difficile problème de vivre a été résolu.
Elles sont devenues couturières en habits d'en-
fan.ts; elles ont un magasin de vente à Paris.
Mais ce qui me semble être le trait le plus clair,
et le plus remarquable enseignement du dos-
sier, c'est la physionomie de cette jeune fille
du monde qui laisse te monde pour vivre en
communauté avec des jeunes Sites du peuple,
recommandées par leur misère et par leur
abandon, afin de travailler manuellement avec
elles, et de corriger non seulement la nature,
presque toujours l'éducation reçue. La tâche
est ingrate. Dans un cahier de notes rédigées
par la directrice de l'atelier de Thiais, l'origine
des pensionnaires de la maison est indiquée,
mais pas toujours précise, et pour cause- Et
j'ai lu. par exemple < Mlle Valentine, cf&s
~M
point arrêter, et de devenir la sœur volontaire
de ces pauvres passantes.
Même indifférence à l'endroit de la généa-
logie de ses pupilles chez Mlle B~'ancine Artur,
de Morlaix, à laquelle l'Académie accorde
un prix de 2.000 fr. Mlle Artur s'émut de
~oir les,petits garçons à l'abandon, dans
l.es rues de Morlaix, entre les classes, et le
soir, après la sortie de l'école, avant l'heure
du coucher. Elle en réunit quelques-uns
chez elle, dans son modeste logement de pro-
fesseur, en 1887. 11 faut croire que l'idée était
bonne les parents l'ont comprise. Empêchés
souvent, par le travail, de remplir leurs obli-
gations de familte. ils ont envoyé leurs enfants
à la garderie Saint-Joseph, qui s'est dévelop-
pée, qui est devenue une grande œuvre. Dans
l'espace de vingt-cinq années, Mlle Francine
Artur a reçu chez elle, éclairé, chauSé, sur-
veillé, amusé, sermonne 3,000 écoliers elle en
a placé 900. Vous représentez-vous le nombre
de démarches qu'il a fallu faire et de paroles
qu'il a fallu dire, pour procurer du travail et
ouvrir un métier à 900 enfants! La pétition
adressée à l'Académie est bien un témoignage
de la gratitude populaire. Les feuillets sont
couverts de signatures éculées, tronquées,
bancales, boiteuses, magnifiques d'inexpé-
rience et d'enbrt. Alasuitede beaucoup d'entre
elles, on peut lire la qualité du témoin « ba-
layeuse des rues)>, «cigarière~, ~factrice~,
« grand'mère d'orphelins Tout un monde de
braves gens de Bretagne s'est enfin ému, et a
voulu patronner a son tour sa bienfaitrice. Il
était sûr de réussir,
Nous avons attribué un prix de même va-
leur a l'Union familiale de Charonne fondée à
Paris, en 1894. par Mile Gahëry. organisme
assez complexe, que quelqu'un a pu nommer
« une ecolede formation sociale L'Union fa-
miliale est logée dans un .bel immeuble neuf et
<~air,au ~85 do.la rue de Gharonne. C'e~tMen
unrB garderie 6gatem.ent.que nous pouvons ét.u-
.dier dès notre* entrée; dans .ta inaisan~ Au'mi-
tien d'une cour sablée/une jeun~ fille est
assise; elle a un tabtiër rosé.; etie est très ieune,
et elle sourit à une douzaine de toutes petites
filles qui tendent leurs, bras vers ëtte. L'i-
mage est heureuse et n'a pas été préparée; car
notre visite n'a pas été annoncée; la direc-
trice n'est pas ta, et les visiteurs se trouvent
derrière une porte vitrée. Mais ta garderie
n'est ici qu'une préface. Nous entrons, au fond
de la cour. dans do grands, bâtiments de cons-
truction légère, décores, 'à l'intérieur, d'une
foute d'objets,, peints ou modelés, paysages,
personnages, animaux, dos moulins, des phares,
des bœufs tirant une charrue, un oiseau ou-
vrant faite. H parait que les enfants méditeront
ces choses, les imiteront & la craie et que c'est
d'une pédagogie avancée. Près de là, une bande
do terrain est entourée de grillages et divisée
en « jardins d'enfants». Ailleurs, dans ta grande
maison neuve, nous trouvons établies plusieurs
œuvres d'hygiène pour les nourrissons, une
œuvre intéressante du trousseau pour tes jeunes
ûttes, et une école d'enseignement ménager
d'où sortent, nous a-t-on dit, d'excellents pro-
fesseurs.
Une autre école mais d'une autre sorte, est
encore inscrite sur la liste des récompenses
académiques, c'est une œuvre Israélite, l'Ecole
professionnelle de ieunes fitles, appelée sou-
vent école Bischofl'sheim, à Paris. Cinquante
jeunes Sites sont la, logées, nourries, habiitées
et instruites gratuitement. On les prépare,
comme ailteurs, au brevet élémentaire et au
brevet supérieur; elles apprennent la sténo-
graphie, ta dactylographie, ta comptabilité;
une partie d'entre- ettes deviennent institu-
trices; d'autres trouvent des places dans te com-
merce et l'industrie. Le trait original estcetui-
ci dix-sept places sont réservées à de jeunes
Orientâtes, qui viennent étudier le français, et.
après quelques années, vont t'enseigner dans
leur pays. D'anciennes élèves sont institutrices
à Tétouan. a Larache, à Tanger, à Smyrne.
Bagdad. Damas, Jérusalem, Gavatia, Satonique,
Constantinopte. Alexandrie. Maxime du Camp
disait déjà, dans son PaWs B!CM/fM'saM<:<< Je
tes ai vues, ces petites Orientâtes, au mitieu de
leurs compagnes, vêtues comme ettos, et par-
tant un français irréprochable. »
It me resta à louer te principal lauréat de
cette année. La liste otfIcieUe porté'cetto men-
tion un prix. de 8.000 fr. a M. l'abbé AigOuy,
directeur d'oeuvres au Kremlin-Bicêtre (Seine).
Le titulaire do ce prix est bien directeur d'œu-
vres, mais il est aussi curé du'Kremtin-Bi-
cêtre et ie fondateur de cette paroisse, où il
est venu s'installer, voilà dix-huit ans, au mi-
lieu d'une population dont on peut dire qu'elle
ne formait pan un milieu préparé. Le dimanche
4 mai dernier, par temps froid et averses do ptuie
serrée, nous traversions Paris pour aller faire
notre enquête sur place. C'était aussi jour de mar-
ché a tabarrièred'Itatie. Dans la coupure même
où passe la route, le long des parois du talus
éventré, on avait dressé debout, sur leur crosse
,ou leur pointe, des parapluies à 13 sous. il
1 fr. 25, ai fr. 45. Il y en avait même à 1 fr. 95.
mais, pour bien montrer )a supériorité de ceux-
ci et l'estime qu'il en fallait faire, on les avait
couchés sur une batadeu&e. Aussitôt les fortifi-
cations franchies, sur un kilomètre de lon-
gueur, nous passons entre deux étalages de
vieux outils, de vieux habits, d'oignons, de
vaisselle et .de chaussures. Des maisons bas-
ses, des. jardins, des terrains incultes, des rou-
lottes assemblées b.ordent la route, et au
boutde cette longue ligne droite le Krem-
tim-Bicêtre arrondit sa ville en formation.
Nous entrons dans une salle modeste, où sept
ou huit habitants notables, presque tous jeunes.
délibèrent sur les intérêts d'une œuvre, je ne
sais plus taquetle. Il est permis do s'y perdre.
Caries documents qui ont été produits et les
hommes que nous avons interrogés signaient.
outre les écoles, un patronage de garçons, un
patronage de dites, des cours d'enseignement
ménager, une bibliothèque populaire, un atelier
d'apprentissage pour les menuisiers-ébénistes.
un fourneau économique, un vestiaire, une
œuvre de ta layette, une caisse de prévoyance
militaire, une conférence de Saint-Vincent de
Faut, une œuvre des pauvres malades, un dispen-
saire gratuit, un secrétariat du peuple, une caise
des familles pour te cas de maladie, des jardins
ouvriers, une œuvre do cotonie de vacances
pour tes garçons, qui vont à Rectoses près de
Fontainebleau, une autre pour tes fittes, éta-
blie aux environs de Laon t'œuvro du Ptateau
de Bicêtre, qui n'est pas autre chose qu'une
nouvelle paroisse en formation. je suis sur
que j'en oublie. Pendant que nous visitons tes
salles, les hangars, tes cours, je regarde che-
miner, à côté de nous, ce prêtre qui vou-
lait jadis entrer au séminaire des Missions
étrangères, et à qui il (ut répondu
« Vous trouverez la Chine à quinze minutes
des barrières de Paris s; ce. curé. qui n'a
pas de repos parce que. autour de tui.la mi-
sère n'en a pas; qui; s'est d-ôpensé pour son
Kremtin-Bicôtro au point de ruiner savante;
cethomme jeune encore, qui a t.a poitrine
creuse, tes joues creuses, les yeux creux, et
qui n'a d'incroyablement tort que ta namme de
ses prunettes. Puissance vivifiante de ta cha-
rité, courage de tous tes jours, fraternité sans
paroles mais qui passez, tes mains pleines
d œuvres, c'est vous qui êtes récompensés en ta
personne de M. t'abbé Aigouy. Et c'est vous
aussi, coopérateurs sans lesquels faction d'un
apôtre serait presque vaine, hommes et fem-
mesdu quartier, obligés pour taptupartau tra-
vail journalier, et qui avez donné vos diman-
ches et des heures de veiftée pour ta fondation
de toutes ces œuvres, pour que. parmi des po-
pulations jusque-tà abandonnées et sans tien,
i'1 y eut plus de bonté, moins de soufl'rance,
ptus d'idéal. Je ne suis pas f ennemi des « amis
de tette vilie x-, ou de têt chef-lieu de canton,
ou des forets, ou des eaux courantes mais
j'aime avant tout tes amis de famé poputSire.
ceux à qui on peut dire « Tu n'en peux ptus ?
Non, monsieur Ni moi non ptus attons
quand môme Sur fenvetoppe écrue du dos-
sier du Kremtin-Bicêtro j'ai trouvé une anno-
tation écrite en travers, d'une belte écriture
décidée, et qui était ainsi conçue « Le grand
prix de 1913 pour te créateur admirable d'une
civilisation, x-C'est cela même une civilisation
au tieu de ta barbarie, si cruette à vivre.
J'ai dit que je ne pouvais parler de toutes les
œuvres qui sont récompensées cette année. Je
ne puis louer selon teur mérite, qui est tou-
jours de grande charité, qui est souvent d'ori-
ginalité puissante l'Œu~'re cathotique des co-
lonies de vacances à Oran te Cercle national
pour te sotdat de Paris; Mme veuve Sylvain
Prieur, fondalriced'un asite en Seine-et-Oise
Mme de Marsiitac, directrice d'une Œuvrer
pour tes jeunes Slles isotées Mme .veuve
Thierry-Ladrange. surveiljante générale de t'hô-.
pitat des Da.mes françaises de ta Groix-Rougo
t'Œuvre des Dames du .Calvaire à Saint-Etienne;
l'Union de t'Ouest te Corctë catholique des
patrons et des ouvriers de. Saint-Bruno-les-
Ghartreux, à Lyon ia Société philanthropique
des prêts gratuits. Il est de même impossible
de nommertoutes les personnes quiontobtenu
un prix individuel et de raconter leur histoire.
J~ choisirai seulement, pour les résumer,
quelques-uns des dossiers qui ont attiré parti-
culièrement l'attention de l'Académie.
Je cite d'abord deux infirmes, une jeune 611e
aveugle et un homme paralysé, qui ont sur-
passé, en dévouement, presque toutes les fem-
mes qui voient et presque tous tes hommes qui
marchent. Aveugle de naissance. Mile Mar-
guerite Beltue a pu apprendre la musique,
grâce à ta méthode Braille. Elle gagne sa,
vie en'donnant d~s leçons. Elle soutient ainsi,
par son travail, sa mère, âgée de soixante-dix-
neuf ans, et un frère, sourd-muet. Ce n'est pas.
tout. La mère ne pouvant pas payer une do-
mestique< la jeune aveugle fait te ménage et
fait ta cuisine. Enfin, commet! existe des êtres
merveilleux, de même qu'il existe des mons-
tres, elle trouve le temps, ta'force et le cou-
rage de venir en aide à des voisins, < a ceux
qui sont plus malades que moi dit-eiï~.
Même courage héroïque chez Charles Conart
qui, à l'âge de quatorze mois, a été atteint de
paralysie des membres inférieurs et d'atrophie
partieUe des bras. Pas de jambes et des mains
sans force Charles Conart tut admis chez les
Frères de Sait-Jeah-de-Rieu, rue. Leco.u.rbe, &
Pans. Très intelligent, et adroit pa~r !a puis-
sance de sa votonté, it était. & dix-huit ans. chef
de l'atelier de brosserie. Les pièces du dossier
OQus te représentent ~er~aRt ses fonctions
de contremaître «Tl ne'tui res.tai t .qu~ua peu' d~e
{orée dans les, b~'as, pour mettre en mouve-
ment une chaise, sur laquelle s'était passée sa
vie, et avec laquelle il se transportait d'un
lieu à un autre, par petits coups lents et
réguliers, en pivotant à droite ou à gauche.
Matgré ta fatigue du trayait manuel dans de
telles conditions, il employait tout son temps
libre à perfectionner son instruction primaire,
et, en 1885, il était reçu au brevet élémentaire.
Trois ans plus tard, une vocation décidée pour
le professorat lui faisait abandonner la direc-
tion de l'atelier et se consacrer à l'instruction
des aveugles. Depuis lors. il prépare les autres
aux examens. Il a môme été mis à la tête des jeu-
nes maîtres qui distribuent l'enseignement aux
différentes classes d'infirmés. L'Académie, dé-
sireuse de récompenser ce prodige d'énergie
et de dévouement, accorde à Charles Conart
une des principales récompenses dont elle dis-
pose, un prix de 2,000 fr.
On pourrait faire un livre, chaque année,
avec les récits qui sont adressés à l'Académie,
do toutes les provinces de France, et qui rela-
tent les vertus de vieux domestiques. Je sais
bien que les mœurs et l'esprit de la nouvelle
domesticité sont tout din'érents et qu'ils mena-
cent de réduire le livre dont je parle aux pro-
portions d'un opuscule. Cependant, cette année
encore, le volume serait épais. Parmi les lau-
réates, j'aperçois une vieille Servannaise.une
des plus vieilles servantes, peut-être, des en-
fants du peuple, Joséphine Lefeuvre, qui aura
bientôt soixante-neuf ans, et qui, depuis l'âge
de treize ans, chaque matin, se rend à l'asi'le
maternel de Saint-Servan et; s'occupe des
petits enfants.
A côté d'elle, je vois Léontine Vichet et Ro-
salie Brctonnière. Léontine Vichet, depuis
trente ans, sert d'auxiliaire dans une salle
dincurables et d'infirmes à l'hospice d'Arbois.
La forte vertu de son âme l'y retient seule, car.
pour cette tâche toujours pénible et souvent
répugnante, elle a reçu d'abord 10 francs par
mois, puis 15 francs; depuis l'an dernier, elle
gagne 20 francs par mois. Et encore si nous
avons été augmentée, ne nous accusez pas
d'ambition d'argent Cette folie du siècle ne
nous a pas touchée. Il a fallu une circonstance
impérieuse. La vieille mère Vichet, 80 ans,
est venue demander secours a Léontine. la
servante. Alors celle-ci a loué une chambre,
près de l'hôpital. Comme auparavant, elle fait
son service d'infirmière, très bien, mais elle
ne prend plus du tout de récréation, et elle
emploie le temps qui est libre a (aire le mé-
nage et la cuisine de sa première malade, sa
mère. Mme du Couëdic. supérieure générale
des religieuses hospitaHèrës de Besançon, et
qui connaît la rigueur du service des incura-
bles. a écrit, à propos de Lôontine Vichet:
« Cette humble fille m'est un modèle; sa vie ca-
chée, à jamais dépourvue do foie. m'apparaît
admirablement belle, digne d'être louée haute-
ment et récompensée déjà sur la terre. » C'est
ce que nous avons essayé do (aire.
Rosalie Hretonnière, retirée à Monaco, où
son maître est mort, a été, pendant soixante-
six ans, la fidèle servante do l'explorateur Jean
Dupuis, c'est-à-dire d'un des premiers pion-
niers de notre nouvel empire colonial. On se
souvient encore de cette histoire, même dans
le public qui ne retient que les grosses émo-
tions c'est Jean Dupuis qui. le premier, re-
monta le douve Rouge: c'est à ta suite'de son
second voyage que la France fut amenée à. une
intervention, et que s'ouvrit la première
phase de la conquête du Tonkin. Cet homme
de grands desseins et de grandes entreprises
n'était pas un homme d'affaires. Il s'était ruiné
deux fois et ne vivait plus que d'une rente
que lui faisait le gouvernement d'Indo-Ghine.
Son maître étant pauvre, Rosalie Bretonnièra
continuait de le servir gratuitement. Mais
comme, de plus, dans la seconde catastrophe,
elle avait perdu presque toutes ses économies,
elle soutirait de ne pouvoir l'assister de son
argent. Cependant, à Monaco où il passait tou-
jours l'hiver, elle put payer les frais d'un trai-
tement qu'il suivait. Puis M. Jean Dupuis mou-
rut. Rosalie se souvint qu'il avait toujours sou-
haité de reposer dans le vitlago natal, elte
vendit les quelques valeurs qui lui restaient,
ordonna que le corps de son maître fût trans-
porté à Saint-Just, dans la Loire, et acquitta les
trais de transportet les frais d'enterrement.Quet-
qu~un pouvait dire. dans te récit qui nous a été
envoyé « C'est ainsi que l'explorateur dont te
voyage nous a amené à la conquête du Tonkin
a été enterré aux frais d'une femme à son
service. »
Un groupe encore peut être composé de ces
héroïnes charitables que j'appellerai
mes, presque toujours pauvres, souvent débi-
les. parfois infirmes, et que tour grand cœur
pousse à recueillir, à nourrir, à consoler de ta
sout!rance qui dure ou do )a mort qui s'appro-
cha. tantôt des parents, des frères, des sœurs,
des neveux, tantôt, des étrangers. En générât,
ces adoptantes sont d'une extrême témérité.
Elles n'ont aucun égard a )a lourdeur do la
charge qu'elles prennent volontairement. Elles
.ont des ressources insuffisantes et elles veu-
lent les partager. Tous tes économistes les
condamneraient. Mais une aide secrète, qu'il y
a'par le monde, les soutient, et fait vivre, con-
tre l'Institut s'it le faut. la générosité mater-
nelle, détestable calculatrice. Les adoptantes
sont nombreuses, cette année en voici quel-
ques-unes.
i.Marie Dumont est une Parisienne, née en
1872, de parents très pauvres. Habile coutu-
rière, elle a vécu d'abord avec sa mère, non
pus dans l'aisance, mais presque facilement.
On avait le cœur très charitable. La Site et
la mère décidèrent donc de donner l'hospita-
lité à une jeune ouvrière blanchisseuse, mo-
ralement abandonnée. Pendant un peu de
temps, ces trois faiblesses mirent en commun
trois petits salaires. Un jour. la mère s'alita
et mourut. Peu après la blanchisseuse est
tombée malade. Marie Dumont, devenue seul
soutien de son amie, s'est mise & travailler
la nuit pour payer les remèdes. Les mé-
decins ont'ensuite parlé de tuberculose,
et ordonné un sanatorium. Alors Marie
Dumont s'est privée de nourriture aSn que
la malade ne manquât de rien. Que va-
t-elle faire du prix que lui décerne l'Académie ?
Pourvu qu'eDe n'ailtepas prendre prétexte de
cette petite richesse pour adopter une nouvelle
amie malheureuse Avec ces âmes-là, on ne
sait jamais à quelles aventures de générosité
on est exposé!
Mlle Marie-Rosé Fougères, une autre adop-
tante exerce les fonctions d'institutrice
publique à Marpiré, dans l'IMe-et-Vilai.ne. Elle
n'a jamais occupé d'autre poste, bien ~u~elle
ait aujourd'hui 63 ans. Des devoirs multiples,
ceux qu'elle avait, ceux qu'elle s'est imposés,
L'ontà jamais retenue dans ce coin de Breta-
gne. Il y avait là, dans des temps reculés, vers
1'868, une institutrice, appelée Mlle Viel. qui
proposa, à la fille intelligente d'un paysan
de Marpiré, le marché suivant :< Aidez-moi,
et je vous préparerai à passer vos examens,
vous deviendrez institutrice. s> L'offre fut
acceptée. Mil Fougères passa ses examens, Ct
la classe, fit le ménage, et. en récompense,
vers 1872, fut nommée « adjointe volontaire et
sans traitement » à l'école de Mlle Viel. Elle y
entra avec son bonnet de paysanne. Pendant
vingtans elle exerça ces (onctions gratuitement.
Pendant vingt ans, les deux femmes vécurent
d'un seul traitement, qui fut longtemps de 700
francs, et ne dépassa pas 1,000 francs. Non
seulement elles vécurent, mais eltes économi-
sèrent. On assura qu'elles possédèrent, à une
certaine date, une somme de 1,200 francs. Elles
l'employèrent d'abord & réparer une vieille
masure que Mlle Vielav.ait héritée de sa mère,
puis & faire la charité. En 1878, le frère de la
directrice mourait, laissant sept enfants. Les
institutrices prirent avec elles l'aînée, alors
âgée de huit ans. ta gardèrent quatre ans, et la
placèrent comme domestique elles appelèrent
ensuite la seconde 611e. et la troisième, et les
placèrent de même. Puis, Mlle Viel étant
devenue infirme, au point de ne pouvoir s'ha-
biller seule, « l'adjointe volontaire et sans trai-
tement se nt la cuisinière et la garde-malade
de la directrice. C'est cette belle charité, à
chaque période renouvelée, que l'Académie a
voufu récompenser.
Voici Tante Reine. On oe la connaît guère
que sous ce nom-là, dans Fougères, la petite
ville ouvrière. Ceux qui l'ont présentée à l'Aca-
démie, qui ont rédigé la demande et assemblé
les témoignages Ie.s plus touchants, ce soat.des
teunes gens. comptables, employés, ouvriers
en chaussures. Us disent joliment que tout le
md'nde. dans 1& quartier de la Pinterie, salue,
au passage cette tante Reine, dont chacun aime
la mince silhouette et te doux visage fatigué ».
Ils nous apprennent qu'une de ses sœurs, ma-
riée à un chaussonnior, ayant abandonné son
mari, tante Reine prend les enfants chez
elle, les élevé et tes établit. Cela ne se
fait pas aussi vite que cela se dit.
Quand ces petits Le Breton sont devenus
grands, tante Reine s'aperçoit que des voisi-
nes, des enfants, les petites & sont en"
danger de perditions. Ce sont les termes de la
pétition. Reine fait venir la plus chétive des
petite G.et la tire de~danger.Un peu plus
tard, elle songe qu'elle a une chambre pres-
que inutile, à côté de la sienne. Etie y installe
une vieille infirme. Quand l'infirme est morte.
que faire de la chambre? Il y a, près de
là, dans un logement humide, une femme tu'
borculeuse. Reine annonce qu'elle- va lui pro~
poser de ta loger. «Qu'altez-vous faire?~ lui
dit-on. « Ne savez-vous.pas que la tuberculose
est contagieuse? Faut-il à cause de cela.
répond tante Reine, laisser le pauvre monde
s'en aller sans soins ni caresses ? Ah le beau
mot, que saint Vincent de Paul eût aimé!'Ce
(ut la malade qui. après quinze mois, ne voulut t
pas abuser de la charité de son hôtesse, et se
retira, de son plein gré, pour mourir.
Voici, enfin, ~'adoptante par excellence, Ma-
rie Le Balch. Elle appartient à une bonne fa- a
mille ouvrière de Carhaix. A vingt et un ans,
elle perd son père et elle doit, avec sa mère.
veiller sur la nombreuse famille. Us sont dix
enfants. Peu à peu les frères et sœurs quittent
la maison et s'établissent. Marie leur a été bien
utile jusque-là. Elle va maintenant sauver
leurs enfants. Voyez cette extraordinaire ma-
ternité d'adoption. Une des sœurs de Marie est
mal mariée. Marie s'émeut de voir un garçon
de cinq ans presque abandonné. Elle se charge
de lui et l'élève entièrement. Vers la même
époque, le mari d'une autre sœur perd sa
place et tombe dans la misère. Il a six
enfants Marie en prend trois. Un de ses frè-
res meurtpar accident il laisse neuf enfants
Marie accepte d'en élever six. Plus tard. un&
do ses nièces reste veuve avec sept enfants.
Marie lui trouve une petite ferme, paye d'à-'
vance une année de fermage, et placé quatre
des fils dans une pension religieuse da Breta-
gne. s'engageant à payer pour eux. Elle a ainsi
adoptéquatorzë enfants. Je viens de montrei'cn.
quelles circonstances. Mais, comme elle avait
neuf frères et sœurs, comme elle avait com-
mencé par leur servir de seconde mère, c'est
en vér.ité de vingt-trois créatures humaines.
qu'elle a été la providence.
L'Académie a encore décerné deux autres
grands prix. L'un est attribué à Jean-Ma'rie Ga-'
menen. ancien syndic dos gens de mer. à l'ile de
Groix, ancien patron d'un canot de sauvetage. `
avec lequel il a secouru 29 navires et sauvé 4~
personnes. Le patron Camenen a reçu toutes
les médailles et tous les brevets qu'on peut
avoir. Il est chevalier de la Légion-d'Honneur.
Le maire de Groix, M. Bihan, capitaine au ca-
botage, a demandé, pour ce vieux brave, un.
prix Montyon. Il a écrit « J'ai pensé que l'un
de vos prix devraitêtre le couronnement d'une-
carrière aussi bien remplie.~Bien que ledê- °
v.ouementsoitunecarrièrevraimentirréguliër&-
personno n'a hésité, capitaine, et 'le prix est
accordé.
Ennn un prix de 3,000 francs a été décerné à
Mme Didier, en religion Mère Marie, de la Con-
grégation de Saint-Joseph deCluny.qui a cin-
quante-quatre ans aujourd'hui, dont trente ans
d'Afrique, à Dakar ou à Brazzaville, trente ans
au service de la race noire. Elle a un~ histoire
magnifique. Klle a traversé enchantant tous les
dangers. Mais je ne raconterai pas sa vie et jo
no la louerai pas. Je n'en ai pas lé temps et
puis, missionnaire française~son métier est `'
d'êtrehéroique.
Voilà certes de beaux exemples; des répon-
ses a beaucoup d'accusations et do prédictions
sinistres. Nous en récompensons quelques-
uns, mais combien peu, et de quelle mà'nire
disproportionnée!
Hsconstituentleplusmagniuque objet et la
plus varié qui soitottert a la louange des hom-
mes. Car le monde physique a été en notable
partie parcouru et décrit: mais le monde des
âmes ne sera jamais épuisé. Il se rehouvelle.Il
voisine avec l'infini.
Ces âmes d'élite sont l'affirmation la plus
extraordinaire de la force de la volonté, et de 6
la noblesse ouverte à laquelle chacun est ap-
pelé. Certes, les dévouements dont on meurt
tout d'un coup sont dignes d'admiration. Mais
leur brièveté môme rend les grands sacri-
fices plus faciles, tandis que cette dépense'
quotidienne, sou par sou, de l'énergie hu'-
maine, sans applaudissements, ni clairons, ni
croix d'honneur, ni compagnons qui peinent
de même voila, je crois, le plus sublime.
Trente ans de dévouement 'd'une domestiqua
dontlesgages ne sont pas payés; la femme qui
soigne, par pitié, les câncër&ux et vit volontai-
rement dans la familiarité de ta mort: aucune
action d'éclat, aucun mot surtout, ne fait un
pareil honneur à l'humanité rachetée.
Ces âmes sont annonciatrices. Et)es indi- `
quent le sens de t'cducation qu'il faut donner à
.un pays. Oh elles ont puisé, ta est la source de-
là vie, de ta grandeur, de la paix véritable, l'in-
térieure, celle dos esprits et des cœurs, infini-
ment supérieure à l'autre.
Ces âmes sont dinérentes et une cependant.
Qu'elles le veuillent ou non. qu'elles le sachent
ou t'ignorent, toutes cites ont cessé d'appar-
tenir au monde antique, eltes ont respiré l'at-
mosphère de ce pays sanctifié, elles ont suin
t'influence du baptême de ta France. A travers
chacune d'elles, ie vois transparaître une
image, nette ou effacée. toujours reconnaissa-
bte, celle du Maître qui apporta à la terré Is
charité, de l'Ami des pauvres, du Constatent'
des souffrants,de Celui qui a passé en faisan tir:
bien, et qu'avec des millions de vivants et des
milliards de morts, j'ai la joie do nommer.
NotreSeigneur Jésus-Christ.
Ces âmes n'ont pas de récompense humaine.
Je ne suppose pas qu'on prétende les encoura-
ger au bien en leur promettant ta reconnais-
sance des hommes. Ce serait une adrcusc
ironie. Et j'espère que. de même, la mode est,
finie de parler de la volupté du sacriCcc. Quel-
ques gens de littérature ont osé naguère asso-
cier ces deux mots-ià. Us démontrent ainsi
qu'ils ignorent ce qu'ils admirent, et,se ion la ru-
buste expression populaire, qu'ils ne sont pas
de la partie. H n'y a point de volupté .du sacri-
fice. Itya une gêne. une souffrance, une mort
acceptée pour le bonheur des autres, et la con-
solation qui peut en venir au cœur, outre
qu'elle n'a rien de commun avec la volupté, n'a
point été promise, n'est jamais due, et ne dé-
truit pas la rigueur du sacrifice elle aide seu-
lement à le porter..Et c'est pourquoi ie sacri-
fice ne peut être demandé à des âmes to.utes
terrestres, et qui n'ont pas d'amour ptus grand
qu'elles-mêmes. L'héroïsme sera toujours dé-
raisonnable, et c'est au delà de la raison, au
delà de ta sensualité surtout, qu'il faut en
chercher l'explication..
Ces âmes peuvent en quelque manière effa-
cer l'inégalité des conditions. L'égalité n'est
nulle part, et les eSbrts tentés pour t'étà-
btir ne produisent que ruines et que haine- Mais
lésâmes aussi peuvent être inégales, et, par t'
elles, tout est réparé. Des conditions inéga-
les, mais des âmes très .supérieures a leur
condition, des âmes magnifiques dans des con-
ditions obscures, simples dans la splendeur.:
indinerentes aux surprises~ de la vie: voilà
par où le monde peut connaître la ressem-
blance des hommes, leur étroite fraternité, ta
paix entre eux. Tout le reste, est .illusion d'és-,
prit ou artiBce de popularité.
Ces âmes-là sontrédemptrices. Grâceà elles.:
la France a résisté à des maux, qui eussent tuo.
une nation moins riche en saintetés ignorées.
Par elles ont été possibles les plus beaux siè-
cles qu'etles aient connus, et qui.n'ont pas été
grands seulement par leurs grands hommes.
mais par tout le peuple surélevé. El! es expli-
q.uent la France, ettes sont sa prcmiet'c ri-
chesse, les témoins de safoi, la raison de &a vi-
talité, le rachat de ses fautes, sa sauvegardcA
jamais!
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