SAINT-JUST 133
Blérancourt. M. Thorin, qui la plaignait, eût, dit-ou,
pardonné. Elle refusa toute conciliation. Le 8 octobre.
le maire l'interrogea au sujet du divorce devenu inévi-
table. Très digne, elle accepta toutes les responsabilités
d'une faute qu'elle ne renia jamais, et plus tard,
divorcée, elle vécut à l'écart dans un silence blessé,
amoureuse d'une ombre sanglante. Les habitants de
Blérancourt la voyaient passer, austère, porteuse
d'un deuil volontaire. Elle devait mourir, le 16 jan-
vier 1806, jeune encore, et fidèle au passé.
Au Comité de Salut public, Saint-Just s'était consa-
cré d'abord à peu près exclusivement aux travaux de
législation constitutionnelle. Le 18 juillet, il avait
été chargé d'une première mission dont il ne reste
d'autre trace dans les archives que la décision du
Comité : « Le Comité de Salut public de la Convention
Nationale charge Saint-Just, l'un de ses membres,
de se rendre rapidement dans les départements de
l'Aisne, de l'Oise, de la Somme, pour y remplir un
objet d'intérêt public. » Ce fut peut-être pendant ce
voyage qu'au relai d'Etoges, tandis que sonnaient les
clochettes, des chevaux de poste, il fit la connaissance
de ce berger révolutionnaire dont la silhouette curieuse,
en houppelande brune, reparaît sur sa route proconsu-
laire à chaque excursion dans l'Est. Etienne Lambert,
vieux pâtre de la révolte, avait été élu maire d'Etoges
au scandale de toute la région ; farouche, obstiné, il
avait eu raison des protestations juridiques de ses
adversaires et s'était mis à l'étude de l'alphabet pour
pouvoir lire et signer les pièces officielles. Il poussait
devant lui, de hameaux en hameaux, ses moutons
et ses haines. « Fanatisé par un regard de Saint-Just »,
a dit Lenôtre dans son étude sur la vie pittoresque
Blérancourt. M. Thorin, qui la plaignait, eût, dit-ou,
pardonné. Elle refusa toute conciliation. Le 8 octobre.
le maire l'interrogea au sujet du divorce devenu inévi-
table. Très digne, elle accepta toutes les responsabilités
d'une faute qu'elle ne renia jamais, et plus tard,
divorcée, elle vécut à l'écart dans un silence blessé,
amoureuse d'une ombre sanglante. Les habitants de
Blérancourt la voyaient passer, austère, porteuse
d'un deuil volontaire. Elle devait mourir, le 16 jan-
vier 1806, jeune encore, et fidèle au passé.
Au Comité de Salut public, Saint-Just s'était consa-
cré d'abord à peu près exclusivement aux travaux de
législation constitutionnelle. Le 18 juillet, il avait
été chargé d'une première mission dont il ne reste
d'autre trace dans les archives que la décision du
Comité : « Le Comité de Salut public de la Convention
Nationale charge Saint-Just, l'un de ses membres,
de se rendre rapidement dans les départements de
l'Aisne, de l'Oise, de la Somme, pour y remplir un
objet d'intérêt public. » Ce fut peut-être pendant ce
voyage qu'au relai d'Etoges, tandis que sonnaient les
clochettes, des chevaux de poste, il fit la connaissance
de ce berger révolutionnaire dont la silhouette curieuse,
en houppelande brune, reparaît sur sa route proconsu-
laire à chaque excursion dans l'Est. Etienne Lambert,
vieux pâtre de la révolte, avait été élu maire d'Etoges
au scandale de toute la région ; farouche, obstiné, il
avait eu raison des protestations juridiques de ses
adversaires et s'était mis à l'étude de l'alphabet pour
pouvoir lire et signer les pièces officielles. Il poussait
devant lui, de hameaux en hameaux, ses moutons
et ses haines. « Fanatisé par un regard de Saint-Just »,
a dit Lenôtre dans son étude sur la vie pittoresque
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