Titre : L'Alsace française : revue hebdomadaire d'action nationale
Éditeur : [s.n.] (Strasbourg)
Date d'édition : 1934-07-22
Contributeur : Bucher, Pierre (1869-1921). Directeur de publication
Contributeur : Jaeger, Jules-Albert (1898-1964). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34440169p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 22 juillet 1934 22 juillet 1934
Description : 1934/07/22 (A14,N29). 1934/07/22 (A14,N29).
Description : Collection numérique : Collections de la... Collection numérique : Collections de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
Description : Collection numérique : Comité alsacien d'étude et... Collection numérique : Comité alsacien d'étude et information
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4772530w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-50983
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 08/07/2018
forêts, de la neige et des hommes neufs. Le plus
consolant, c est que je n'ai rien eu à inventer, même
pas les hommes. Ils existent tous. C'est ce que je
veux dire ici. Puisqu'il faut rédiger sa « prière
d insérer », qu'elle serve au moins à quelque chose.
A cette heure même où Paris existe — et il n'y a
pas de quoi en être fier — des hommes existent aussi
qui ne connaissent rien de l'horrible médiocrité dans
laquelle la civilisation, les philosophes, les discuteurs
et les bavards ont abaissé la vie humaine. Des hom-
mes sains, propres, forts (durs, purs et sûrs, comme
dit l'autre). Ils vivent leur vie d'aventure. Ils con-
naissent seuls la joie du monde et sa tristesse. Et
c est justice. Les autres ne méritent ni les joies de
la mort, ni les tristesses de l'amour. Ils ne savent pas
ce qu ils perdent. Ils ne pensent qu'à rapetasser leur
confortable sans prévoir qu'un jour les hommes
véritables sortiront du fleuve et de la montagne, plus
implacables et plus amers que les herbes de l'apo-
calypse )).
Distinction
Un poète genevois
L'a ul eur de ces lignes doit sans cloute à cette car-
rière consulaire qu'il a si longtemps suivie, de savoir
combien nombreux sont il l'étranger ceux qui s'inté-
ressent à la langue et à la littérature françaises, qui
en éprouvent l influence et sont touchés par son
ray oimement, Au reste, on ne parle pas et ou n'écrit
pas le Ira il çais qu'en France. C'est ainsi que la Suisse
romande a une histoire littéraire, à l'éclat de laquelle
nous ne sommes pas en France suffisamment sensi-
bles. Et la littérature romande a une originalité, une
saveur, que je souhaite ardemment qu'elle conserve.
Mais ce n'est pas un article de critique que je veux
écrire ici. Mon dessein est seulement de féliciter le
gouvernement de la République de l'heureuse initia-
tive qu il vient de prendre, en attribuant à un poète
genevois la croix de chevalier de la Légion d'honneur
i ar cet acte, le gouvernement a voulu montrer qu'il
sait reconnaître le mérite littéraire non seulement en
F rance, mais aussi hors de France, et qu'il est par-
faitement conscient de l'importance des lettres ro-
mandes dans cette culture qu'il faut bien appeler
française, a laquelle elles ont si puissamment contri-
bue.
Je connais bien et j'aime le village de Confignon,
jadis terre de Savoie, aujourd'hui terre de Genève Il
est paisible et clair. Epars sur un coteau de vignes
il offre la perspective la plus aimable jusqu'au Salève'
qu\ son horizon. C'est le village d'Emilia Cu-
chet-Albaret; elle l 'a délicieusement ébauché. Venue
a la poésie par les sciences qu'elle a longtemps pra-
tiquées, elle a trouvé dans le vers l'expression natu-
relle de ses joies, de ses soucis, de ses affections de
son amour pour sa patrie genevoise. Les Fuseaux
a ivoire la blmmne sous la cendre, le Collier d'étoi-
les) e Beau Châteull) sont là pour témoigner de son
talent, de l enrichissement de sa pensée, de la tou-
jours plus sûre maîtrise de son instrument, dont les
sons ont un accent bien personnel, profond et doux.
La distinction que la France a décernée à Emilia
Cuchet-Albaret met à sa place un poète dont la vieille
cite genevoise et la Suisse romande peuvent être jus-
tement fières. Elle vient à son heure. Le dernier livre
publie par le poète, le Message de la Cité, est, par
1 esprit qui 1 anime, singulièrement opportun, à la
vu t c les fêtes, par lesquelles on se propose de com-
mémorer le cinquième centenaire de Vlnstilwion
Chrétienne.
On ne saurait adresser à Mme Cuchet-Albaret le
reproche qu'on fait volontiers aux écrivains suisses
d etre un peu prêcheurs. Elle a simplement senti
que Genève avait pour nous tous un message de foi
d espérance et d "aitioui,. Ce message, elle l'a formulé
avec un sûr mérite, sans pédanterie, sans nationa-
lisme étroit, mais d'une façon bien émouvante.
Le Gouvernement français a su, au milieu des
soucis qui l'assaillent, en comprendre la valeur et
l'importance. Il convient de l'unir à Mme Cuchet-
Albaiet dans les félicitations qu'un geste aussi heu-
reux ne manquera pas de provoquer.
A. BARTHELEMY.
Souvenirs
Marins d'eau douce
Jamais la paix n'a paru plus décisive qu'entre
1 armistice et le traité de Versailles. Le temps de
restituer au gouvernement une garde-robe devenue,
Dieu merci, inconvenante, de revêtir un costume
offrant une certaine sécurité de vivre, et chacun se
hâtait de réaliser des projets mûris, pendant plusieurs
saisons, a l'espalier des tranchées. Me trompe-je ?
A ce moment d allégresse s'ouvrit un bureau d'écli-
tion. Il était installé dans une des rues qui, par une
perfide orientation, semblent réduire à peu de cho-
ses le parcours des études à la gloire, car elles relient
le quartier des écoles à l'Institut. Cette firme nou-
veau-née voulut, pour premiers vagissements, des
sons harmonieux : une fantaisie de Pierre Mac Orlan
un conte d 'Anclré Salomon, illustré par Laboureur,
une édition de luxe de la version Loti-Vedel du Roi
Lear, d autres beautés encore, et Marins d'eeru douce,
de Guy de Pourtalès.
La guerre avait interrompu la lente métamorphose
du manuscrit en volume. L'ouvrage de M. de Pour-
talès attendit sept ans la joie d'éclore, sans rien per-
dre de sa fraîcheur, de sa poésie, de sa jeunesse.
Miracle plus surprenant encore : en 1934, il reparaît
plus printanier que jamais, sans avoir subi de retou-
ches (1).
J'ai quelques raisons personnelles d'aimer ce récit
Il conte l'enfance de M. de Pourtalès et cette enfance
a eu pour décor, à quelques kilomètres près, celui de
la mienne; Guy de Pourtalès était riverain du Pelit
Lac ; moi, du Haut-Lac. A cela se borne ma supé-
riorité. Sur les autres chapitres, je lui abandonne la
prime place. Il disposait d'embarcations privées pour
naviguer, avec son grand-père ou des camarades;
je me croyais privilégié quand, sous le regard du
gendarme vaudois, je franchissais la passerelle du
(1) Paul Hartmann, éditeur,
consolant, c est que je n'ai rien eu à inventer, même
pas les hommes. Ils existent tous. C'est ce que je
veux dire ici. Puisqu'il faut rédiger sa « prière
d insérer », qu'elle serve au moins à quelque chose.
A cette heure même où Paris existe — et il n'y a
pas de quoi en être fier — des hommes existent aussi
qui ne connaissent rien de l'horrible médiocrité dans
laquelle la civilisation, les philosophes, les discuteurs
et les bavards ont abaissé la vie humaine. Des hom-
mes sains, propres, forts (durs, purs et sûrs, comme
dit l'autre). Ils vivent leur vie d'aventure. Ils con-
naissent seuls la joie du monde et sa tristesse. Et
c est justice. Les autres ne méritent ni les joies de
la mort, ni les tristesses de l'amour. Ils ne savent pas
ce qu ils perdent. Ils ne pensent qu'à rapetasser leur
confortable sans prévoir qu'un jour les hommes
véritables sortiront du fleuve et de la montagne, plus
implacables et plus amers que les herbes de l'apo-
calypse )).
Distinction
Un poète genevois
L'a ul eur de ces lignes doit sans cloute à cette car-
rière consulaire qu'il a si longtemps suivie, de savoir
combien nombreux sont il l'étranger ceux qui s'inté-
ressent à la langue et à la littérature françaises, qui
en éprouvent l influence et sont touchés par son
ray oimement, Au reste, on ne parle pas et ou n'écrit
pas le Ira il çais qu'en France. C'est ainsi que la Suisse
romande a une histoire littéraire, à l'éclat de laquelle
nous ne sommes pas en France suffisamment sensi-
bles. Et la littérature romande a une originalité, une
saveur, que je souhaite ardemment qu'elle conserve.
Mais ce n'est pas un article de critique que je veux
écrire ici. Mon dessein est seulement de féliciter le
gouvernement de la République de l'heureuse initia-
tive qu il vient de prendre, en attribuant à un poète
genevois la croix de chevalier de la Légion d'honneur
i ar cet acte, le gouvernement a voulu montrer qu'il
sait reconnaître le mérite littéraire non seulement en
F rance, mais aussi hors de France, et qu'il est par-
faitement conscient de l'importance des lettres ro-
mandes dans cette culture qu'il faut bien appeler
française, a laquelle elles ont si puissamment contri-
bue.
Je connais bien et j'aime le village de Confignon,
jadis terre de Savoie, aujourd'hui terre de Genève Il
est paisible et clair. Epars sur un coteau de vignes
il offre la perspective la plus aimable jusqu'au Salève'
qu\ son horizon. C'est le village d'Emilia Cu-
chet-Albaret; elle l 'a délicieusement ébauché. Venue
a la poésie par les sciences qu'elle a longtemps pra-
tiquées, elle a trouvé dans le vers l'expression natu-
relle de ses joies, de ses soucis, de ses affections de
son amour pour sa patrie genevoise. Les Fuseaux
a ivoire la blmmne sous la cendre, le Collier d'étoi-
les) e Beau Châteull) sont là pour témoigner de son
talent, de l enrichissement de sa pensée, de la tou-
jours plus sûre maîtrise de son instrument, dont les
sons ont un accent bien personnel, profond et doux.
La distinction que la France a décernée à Emilia
Cuchet-Albaret met à sa place un poète dont la vieille
cite genevoise et la Suisse romande peuvent être jus-
tement fières. Elle vient à son heure. Le dernier livre
publie par le poète, le Message de la Cité, est, par
1 esprit qui 1 anime, singulièrement opportun, à la
vu t c les fêtes, par lesquelles on se propose de com-
mémorer le cinquième centenaire de Vlnstilwion
Chrétienne.
On ne saurait adresser à Mme Cuchet-Albaret le
reproche qu'on fait volontiers aux écrivains suisses
d etre un peu prêcheurs. Elle a simplement senti
que Genève avait pour nous tous un message de foi
d espérance et d "aitioui,. Ce message, elle l'a formulé
avec un sûr mérite, sans pédanterie, sans nationa-
lisme étroit, mais d'une façon bien émouvante.
Le Gouvernement français a su, au milieu des
soucis qui l'assaillent, en comprendre la valeur et
l'importance. Il convient de l'unir à Mme Cuchet-
Albaiet dans les félicitations qu'un geste aussi heu-
reux ne manquera pas de provoquer.
A. BARTHELEMY.
Souvenirs
Marins d'eau douce
Jamais la paix n'a paru plus décisive qu'entre
1 armistice et le traité de Versailles. Le temps de
restituer au gouvernement une garde-robe devenue,
Dieu merci, inconvenante, de revêtir un costume
offrant une certaine sécurité de vivre, et chacun se
hâtait de réaliser des projets mûris, pendant plusieurs
saisons, a l'espalier des tranchées. Me trompe-je ?
A ce moment d allégresse s'ouvrit un bureau d'écli-
tion. Il était installé dans une des rues qui, par une
perfide orientation, semblent réduire à peu de cho-
ses le parcours des études à la gloire, car elles relient
le quartier des écoles à l'Institut. Cette firme nou-
veau-née voulut, pour premiers vagissements, des
sons harmonieux : une fantaisie de Pierre Mac Orlan
un conte d 'Anclré Salomon, illustré par Laboureur,
une édition de luxe de la version Loti-Vedel du Roi
Lear, d autres beautés encore, et Marins d'eeru douce,
de Guy de Pourtalès.
La guerre avait interrompu la lente métamorphose
du manuscrit en volume. L'ouvrage de M. de Pour-
talès attendit sept ans la joie d'éclore, sans rien per-
dre de sa fraîcheur, de sa poésie, de sa jeunesse.
Miracle plus surprenant encore : en 1934, il reparaît
plus printanier que jamais, sans avoir subi de retou-
ches (1).
J'ai quelques raisons personnelles d'aimer ce récit
Il conte l'enfance de M. de Pourtalès et cette enfance
a eu pour décor, à quelques kilomètres près, celui de
la mienne; Guy de Pourtalès était riverain du Pelit
Lac ; moi, du Haut-Lac. A cela se borne ma supé-
riorité. Sur les autres chapitres, je lui abandonne la
prime place. Il disposait d'embarcations privées pour
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