Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1888-01-02
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 02 janvier 1888 02 janvier 1888
Description : 1888/01/02 (A22,N7908). 1888/01/02 (A22,N7908).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47239536
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 31/12/2017
LA PETITE PRESSE
Le Numéro 5 centimes
JOURNAL CONSERVATEUR QUOTIDIEN
Le Numéro 5 centimes
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mots Un M
Paris et Départements.. • • . 6 fr. 10 fr. t8 Cr,
Bureaux : 13, quai Voltaire, à Paris.
ÏU6T-MIXIÈJK ANNÉE. - Numéro 7908. - LUNDI 2 JANVIER 1888. " Saint Clair
Les Annonces sont reçues
Chez MM. L. AUDBOURG et ClB, 10, place de laBoars#
Et dans les Bureaux du Journal.
Les communications, lettres et manuscrits con-
cernant l a rédaction, doivent être adressés à
NI Gabriel LATOUCHE, secrétaire de la ré-
daction, {3, quai Voltaire.
Nous commencerons demain la publi-
cation de
CLÉOPATRE
Par HENRY GRÉVILLE
Nous publierons également, à partir
du 16 janvier:
L'ŒUVRE DE SANG
Grand roman inédit des plus émouvants.
Depuis le lor octobre, M. Ferdinand
Duval, ancien préfet de la Seine, mem-
bre du Conseil municipal de Paris et du
Conseil général de la Seine, a pris la direc-
tion politique de la PETITE PRESSE,
avec le concours de MM. Riant, Ga-
Illard, Lerolle, Denys Cochin,
Amedée Dufaure, Deville, Despa-
tys, conseillers municipaux, Clioppin,
secrétaire général du Comité conserva-
teur du département de la Seine, Henr
Cochin, Froment Meurice, Pierre
de YVitt, Edmond Villetard, Ernest
Baudouin.
LA JUSTICE POLITIQUE
Je ne sais si l'on se fait beaucoup d'il-
lusions dans les sphères officielles au su-
jet de l'effet produit sur l'opinion publi-
que par les récentes décisions judiciaires.
Nous n'ignorons point que les magis-
trats ne doivent pas se préoccuper de
l'opinion, et que leur conscience, s'appu-
yant sur la loi, doit être le seul guide
qu'ils consultent et qu'ils suivent dans
l'exercice de leurs fonctions. Il n'en est
pas moins malheureux qu'un fâcheux et
persistant hasard prenne plaisir, depuis
quelque temps, à brouiller à tout propos
la loi, ou tout au moins l'application qui
en est faite, avec le sens commun.
VoilàM. Gragnon qui détourne des let-
tres faisant partie d'un dossier criminel,
pendant que ce dossier est entre ses
mains à l'occasion de ses fonctions. On dé-
cide que les articles 254 et 255 du Code
pénal ne lui sont pas applicables, parce
qu'il n'aurait pas été dépositaire du dos-
sier, comme si la loi ne constituait pas
dépositaire d'un dossier tout officier pu-
blic à qui elle le confie.
Nous avons ensuite M. Lefebvre-Roncier
qu'un juge d'instruction déclare ne pou-
voir poursuivre. Il est pourtant établi
qu'il a reçu 10,000 francs et ne les a reçus
qu'à raison de son titre de conseiller mu-
nicipal; mais il n'est pas suffisamment
prouvé qu'il ait accepté ce cadeau pour
faire un acte de sa fonction ; comme si ]
un spéculateur donnait 10,000 francs à
un conseiller municipal chargé d'exami-
ner l'affaire qu'il dirige et qui estmenacée
d'un retrait de concession, et se séparait
de ses écus pour autre chose que pour
obtenir un rapport favorable.
Mais la justice contemporaine n'est pas
moins étonnante quand elle condamne que
quand elle acquitte; je n'en veux pour
preuve que la femme Ratazzi, tripoteuse
peu intéressante, d'ailleurs.
Mme Ratazzi' a été condamnée en pre-
mière instance; elle a fait appel, et la
cour se prépare à lui appliquer la théorie
que voici. — On va me dire qu'il est bien
audacieux de préjuger l'arrêt et que c'est
imiter ce président qui, interrogeant un
prévenu, lui disait ; « Vous n'avez jamais
été condamné ? » — Non, monsieur, ré-
pondait le patient. — Eh bien ! vous allez
l'être ; asseyez-vous, nous allons entendre
les témoins.
Donc Mm0 Ratazzi va être condamnée ;
et voici pourquoi: il y a quelques jours à
peine, la même chambre de la cour d.e-
vant laquelle elle a comparu jugeait un
sieur de Cœlln qui avait manigancé des
affaires de décorations. Ce négociant en
mercerie prouvait d'une façon victorieuse
que ses bons soins n'étaient pas inutiles,
et qu'il avait dans les régions gouverne-
mentales des influences réelles; il croyait
bonnement échapper ainsi à l'inculpation
d'escroquerie, la seule qui fût dirigée con-
tre lui. Mais la cour lui a répondu : La
croix de la Légion d'honneur n étant pas
à vendre, c'est une escroquerie de se faire
remettre de l'argent pour la procurer,
quand même on disposerait d'un pouvoir
effectif.
Celte théorie présente cet immense
avantage qu'elle rend inutiles devant la
juridiction décidée à l'appliquer tous les
efforts que pourraient faire les trafiquants
en décorations pour fournir la preuve que
leur commerce est sérieux.
Il n'y a pas de raison pour que la cham-
bre des appels correctionnels abandonne
ce système qu'elle a eu le mérite d'inven-
ter; elle paraît d'ailleurs si peu disposée
à changer d'opinion que, si l'on en croit
les nouvelles les plus fraîches, M. le pré-
sident de cette chambre aurait refusé de
voir le dossier que produisait Mme # Ra-
tazzi pour établir l'influence dont elle jouit
incontestablement.
Voilà pourquoi l'on se permet d'annon-
cer que Mme Ratazzi sera condamnée ;
elle le sera comme le nommé de Coelln,
par le même système et pour les mêmes
raisons.
Il y a déjà eu des révélations gênantes
et de gros scandales. On sent que la Ré-
publique n'y résisterait pas longtemps.
Quand il sera bien démontré que les pré-
venus n'ont aucun intérêt juridique à
compromettre les personnages haut pla-
cés qui ont travaillé avec eux, on pourra
les faire taire au moment où ils entreront
dans la voie des révélations.
Tout cela, c'est peut-être de la raison
d'Etat; mais ce n'est à coup sûr pas de la
justice; la justice ne doit point savoir se
plier ainsi aux circonstances; elle ne peut,
sans dommage, se montrer également in-
génieuse pour acquitter les uns et pour
condamner les autres; il ne faut point
qu'elle regarde autour d'elle avant d'avan-
cer, qu'elle s'enquière des hommes, des
situations, des fortunes et des places ;
elle doit être indépendante de tous et de
tout, excepté de la loi.
Ceux qui la poussent dans une route
différente, dans la voie des partis pris,
des ménagements et des complaisances la
mènent à sa perte et se suicident avec
elle. La justice est un besoin social, et le
régime qui ne satisfait pas à ce besoin
est irrémédiablement condamné.
G. DE LA BARRE.
LA JOURNÉE
TEMPÉRATURE
Lever du soleil à 7 h. 56 ; coucher à 4 heures 12.
Ce jour est en croissance d'une minute sur le pré-
cèdent.
La pression diminue dans le nord et l'ouest de
l'Europe ; elle s'élève rapidement dans le centre et
le sud, et atteint 169 à Carlsruhe. Une bourrasque
passe au nord de la Scandinavie (750\ où le veut
est fort de l'ouest, avec neige de Bodœ ; il est du
sud est très fort à Kudessness. Le minimum d'Ita-
lie s'éloigne vers le sud-est.
De faibles neiges sont signalées en Allemagne.
La température monte sur le nord et l'ouest de
l'Europe.
A Paris, hier, journée belle et froide.
Thermomètre, — 3°, — Baromètre, 76o mime
NOUVELLES ET DÉPÊCHES
Madame la Comtesse de Paris, accompa-
gnée du duc d'Orléans et du prince Ferdi-
nand, ses fils, et du duc de Charges, arrivera
à Madrid le 3 janvier. Elle repartira le 4
pour Lisbonne.
Le conseil des ministres s'est réuni hier, à
trois heures de l'après-midi, à l'Elysée, sous
la présidence de M. Carnot.
M. Tirard a communiqué au conseil le
texte de la lettre adressée au préfet de la
Seine au sujet de la délibération . prise par le
Conseil municipal de Paris relativement à la
répartition de la contribution mobllièra. M.
Faye a entretenu ses collègues de la suppres-
sion du traitement du directeur du collège
Chaptal, suppression décidée par le Conseil
municipal de Paris. Enfin, les ministres de
l'intérieur, de l'agriculture et de l'instruction
publique ont soumis à la signature de M.
Carnot des décrets portant nominations et
promotions dans l'ordre de la Légion d'hon-
neur.
M. le président du conseil a reçu hier ma-
tin le personnel de l'administration centrale
de son ministère, celui des régies financières,
le receveur central de la Seine et les percep-
teurs do Paris, la chambre syndicale des
agents de change et enfin les représentants
de l'administration des postas et télégraphes.
Cette réception n'a d'ailleurs donné lieu à
aucun incident intéressant.. Comme toujours,
en pareil cas, on a échangé les appréciations
les plus optimistes.
Plusieurs journaux prêtent au gouverne-
ment l'intention de demander à la Chambre
le rétablissement du crédit de cent mille
francs pour les missions africaines. Ce crédit
a été supprimé lors de la discussion du bud-
get de f887.
Le parquet a décidé d'abandonner les pour-
suites commencées contre M. Lisbonne pour
un délit commis par voie d'afliches séditieu-
ses.
Le roi de Serbie a entamé avec les princi-
paux membres de la Chambre des députés des
négociations pour la formation d'un nouveau
cabinet. Ses efforts n'ont pas jusqu'ici abouti.
On assure que le roi serait disposé à accep-
ter un ministère radical, en se réservant de
désigner le titulaire des affaires étrangères.
Dans la nuit du 29 au 30 décembre, la gar-
nison de Souakim a fait une sortie et opéré
une razzia sur les tribus insurgées auxquelles
elle a enlevé 200 chameaux et mille têtes 1
de bétail.
Ce ne doit pas etre sans un profond seeti-
ment d'amertume que les républicains con-
vaincus peuvent jeter sur l'année écoulée un
coup d'œil rétrospectif. En ces trois cent
soixante-cinq jours, les choses ont singuliè-
rement changé de face, et, ce qui est carac-
téristique, c'est des républicains eux-mêmes
que la République a reçu les coups les plus
sensibles. Il serait exagéré de dire qu'au dé-
but de 1887, M. Grévy jouissait d'une bien
grande popularité. Du moins le tenait-on
assez généralement -- nous parlons de la
masse — pour un fort honnête homme.
Tout le monde a encore présents à l'esprit les
incidents qui ont obligé le Président de la
République à donner sa démission, et on ne
saurait guère prétendre qu'il soit sorti de
place pour jouir d'une retraite honorée. On a
pu voir aussi que si des personnes tenant à
M. Grévy de fort près étaient plus ou moins
impliquées1 dans des affaires fâcheuses, il n'y
avait pas que dans la famille élyséenne qu'on
constatait des défaillances. Ainsi ce n'était
plus seulement la faute d'un homme ou
d'une famille. Le parti républicain tout en-
tier s'est trouvé compromis dans ces scandales
qui caractériseront particulièrement, dans
l'histoire de la République, l'année 1887.
Ce sont les républicains qui ont soulevé
cette boue dans laquelle ils s'enlisent aujour-
d'hui. Ce sont eux encore qui, pour se débar-
rasser d'un président devenu incommode,
n'ont pas hésité à enseigner, au Parlement
d'abord et à la rue ensuite, qui aura retenu
la leçon, comment on pouvait violer la Cons-
titution. Jusqu'en 1887, on pouvait croire que
le pouvoir exécutif restait pour sept ans entre
les mains d'un seul homme. On sait aujour-
d'hui qu'il suffit d'une campagne activement
menée pour avoir raison de la présidence de
la République aussi facilement que de la pré-
sidence du conseil.
Un des principaux personnages du parti
républicain destitué de l'estime qui s'attachait
à son nom, la Constitution violée par ceux-là
mêmes qui se prétendent ses défenseurs ex-
clusifs, ce sont là, entre bien d'autres, deux
des souvenirs les plus éloquents que laissera
l'année 1887. Elle aura montré également les
agitateurs de la rue relevant la tête, ébau-
chant, à l'Hôtel de Ville même, l'embryon
d'un mouvement révolutionnaire, et le Par-
lement affolé devant ces menaces de la rue.
Tout cela est l'œuvre des républicains. Elle
n'est point consolante pour eux ni belle pour
personne.
E. B.
LE PRÉSIDENT AU VAL-DE-GRACE
M. le Président de la République a vi-
sité, dans la même journée, la Salpêtrière
et le Val-de-GrAce. Il reprend ainsi la tra-
dition du maréchal de Mac-Mahon, qui
faisait de fréquentes visites aux hôpitaux,
où M. Grévy ne mettait jamais les pieds.
M. Sadi Carnot a décoré une infirmière
laïque à la Salpêtrière et la supérieure des
sœurs du Val-de-Grâce.
De ces deux actes, le premier était pré-
médité ; il était certainement concerté
avec le ministre de l'intérieur et au mo-
ment même où il s'accomplissait, le se-
crétaire général de la préfecture de la
Seine en informait le Conseil municipal.
La seconde décoration accordée est un
acte tout spontané de M. Carnot. La Ré-
publique française, qui reçoit les commu-
nications ministérielles, tient à le consta-
ter. Le fait est du reste établi par cette
circonstance que le Président, pour déco-
rer la supérieure du Val-de-Grâce, a dû
emprunter la croix d'un des chirurgiens-
majors qui étaient présents.
C'est le général Logerot qui a présenté
à M. Carnot la supérieure, Mme de Moissac,
âgée de quatre-vingt-deux ans et comptant
cinquante-quatre ans de services dans les
hôpitaux dont trente-trois ans au Val-de-
Grâce ; « plus cinq campagnes »,, a dit le
ministre de la guerre, faisant. allusion à
cinq épidémies meurtrières, pendant les-
quelles Mme de Moissac a déployé le plus
admirable dévouement.
M. Sadi Carnot, pris à l'improviste, s'est
exécuté avec bonne grâce. Il ne m'en
coûte pas de le reconnaître ; mais il a
manqué de logique.
Décorer dans un hôpital militaire la su-
périeure des sœurs et autoriser le même
jour le directeur de l'Assistance publique
à chasser les religieuses des derniers hô-
pitaux civils où elles sont encore est r;
conduite singulière. Mais M. Carnot 8 •
main forcée par des ministres qui ta -
blent à la seule pensée de résister «u
Conseil municipal.
IL est regrettable qu'il n'ait pas
s'affranchir de ces considérations me,.
quines. Il est bien à lui d'avoir visité
Salpêtrière mais s'il avait été plus Pari-
sien, M. le Président de la République :u:;
raitlsu que sa première visite devait ê i:
pour l'Hôtel-Dieu. Ceux qui avaient
sion de le lui dire ne l'ont pas fait. Je
comprends.IM. le directeur de l'Assistaj : ;
publique a craint de laisser voir au c^v-
de l'Etat les sentiments que les médec?' ;
et les malades professent à l'égard ;1("
s murs.
F. D.
BONNE ANNÉE
Ça y est! Nous sommes en 1888.
C'est cette nuit, à minuit sonnant, ch
lecteurs, que la nouvelle année est ve
au monde.
Et Jean de France vient à vous, ni p
ni moins que votre facteur ou votre c
cierge, vous souhaiter la bonne année.
comme je n'ai pas mission de réalisér
souhaits, voyons un peu ce que nous pc
rions souhaiter ensemble.
D'abord, cela va sans dire, une bo'
santé. Quoi de meilleur qu'une bo'
santé? C'est quand on ne l'a plus, di
dicton commun, qu'on en connait le p v
La tète libre, les entrailles de même,
pieds chauds et le cœur en joie, sont c
d'inestimables avantages. Tout le reste
donné par surcroît, semble-t-il, et tien =
prédispose mieux à voir courageusem
la vie que l'équilibre parfait de l'organis
Je vous souhaite donc une bonne sa, ,
du même cœur que je me la souhaite
moi.
Avec cela, la réussite, la prospérité d
vos affaires, le calme de l'esprit, les ac
tions fructueuses, tout ce qu'un lion
honnête et laborieux, industriel ou c<
merçant, peut désirer sans se risquer du,
le domaine des chimères.
Quoi encore, avant de sortir du ter . :
de la banalité ?
Etes-vous pères, mes chers lecie
ètes-vous mères, charmantes lectrices
« En ce cas, — comme disait Henri IV
je vais faire un autre tour. »
« Mes chers parents.
« Recevez en ce beau jour, le prer
de l'année, les vœux que forme pour v
votre fils qui vous aime.
« Pour tout le bien que vous m'avez î&.1
pour la patiente sollicitude dont vous n, r
vez entouré, je veux vous donner un téo
gnagne de mon amour et de ma reconn
sance. Soyez en sûrs, chers parents, 1
née qui vient vous donnera de ma part !
tes les satisfactions, et quand sonr
l'heure des grandes vacances tant désir<
vous attacherez sur mon front plus de c
ronnes que je n'en ai obtenu encore.
« Votre fils qui vous aime..
« Etc., etc.... b
Mais, si, dans le nombre de mes
teurs, se trouvent quelques jeunes fi
que pourrai-je bien leur offrir, en fai
vœux ? Délicat problème ! V 0118 ne je
plus à la poupée, mesdemoiselles, n:
peut-être, comme le disait une spiritu
caricature, commencez-vous à porter q
que intérêt aux stupides pantins que r
sommes ? Voici qui m'ouvre tout un
N° 17. — Feuilleton de la PETITE PRESSE.
LA DOUBLE VUE
PAR
PIERRE MAEL
Deuxième Partie
I
— Non, père, répondit la jeune femme sans
détourner les yeux.
— Alors, pourquoi ne me parles-tu pas?
— Que veux-tu que je te dise?
— On a toujours quelque chose à dire.
Voyons. Es-tu allée au cimetière aujour-
d'hui?
Pour le coup, Yvonne releva le front et at-
tacha sur son père un regard étonné.
- Au cimetière ? Je suis allée au cime-
tière ?
Cloarek se mordit les lèvres, sentant sa
faute. Il répliqua avec enjouement :
— Bah ! je te demande ça pour rire. Tu es
si triste, vraiment, qu'on le croirait.
Elle soupira profondément. Le vieux ma-
rin entendit des sanglots bruire dans ce
souffle oppressé. Il s'approcha d'elle, et
prit doucement sa tête charmante contre
ses deux rudes mains, et la baisa sur les
cheveux.
— Voyons, voyons, petite. Tout cela n'est
pas naturel à ton âge. Tiens, tu vois bien que
j'avais raison. Tu me caches quelque
chose. Voilà que tu pleures à présent !
Qu'est-ce qui te fait pleurer? Est-ce moi?
Je ne suis pourtant pas un mauvais père,
nom d'un sabord 1
Elle répondit à l'étreinte du vieillard par
une affectueuse caresse, et nouant ses deux
bras à l'entour de son cou, elle murmura très
vite :
— Non, non. Tu es un bon et un ex-
cellent père. Et c'est justement pour cela .que
je ne comprends pas pourquoi Itu me. fais
tant de peine ?
Elle garda un instant lo silence ; puis :
— Pourquoi v^jix-tu me marier ?
Il tressaillit, et demeura sans parole, hé-
bété. Enfin il bégaya, sans conviction i
— Mais... je te l'ai dit... parce :que tu es
d'âge à te marier.
— Et, si j'aime mieux ne pas me ma-
rier ; si je veux demeurer avec îtoi, tou-
jours, pour te soigner, comme je l'ai fait jus-
qu'ici ?
Fillette, je suis un matelot, moi, tu le sais
bien, un sauveteur. La vague peut me pren-
dre un de ces jours. D'ailleurs, entoutecause,
je dois partir le premier.
Elle ut un mélancolique sourire.
— Ce n'est pas bien sùr, père. Les jeunes
n'ont pas de garantie.
Il l'embrassa avec une sorte de violence.
— Tais-toi, folle, tu ne sais pas ce que tu
dis. Tu es belle et solide au poste. Tu dois vi-
vre, pour être heureuse, pour qu'on t'aime,
pour avoir beaucoup d'enfants. Moi, je suis
vieux, j'ai fait mon temps ; si je m'en allais,
que deviendrais-tu?
Elle répondit tranquillement t
— Père, si tu partais, j'irais trouver lamère
Saint-Gwénolé qui m'a élevé à Quimperlé,
et je lui demanderais de me prendre parmi
ses sœurs. Elle ne refuserait pas, je t'assure.
Cloarek haussa les épaules.
— Tu dis des bêtises, maintenant. Avec ça
que tu es faite pour porter la cornette ?
Puis, se reprenant avec douceur :
— Voyons, sois franche, Yvonne. Est-ce
que tu n'aimes pus M. Vidal?
Elle s'enhardit et lui répondit :
— Non ! je ne l'aime pas. Je le hais.
Alors, un flux de paroles déborda de ses lè-
vres :
— Ecoute, père, je ne sais pas ce que cela
veut dire; je ne comprends pas moi-même.
Mais cet homme me fait horreur. Il me sem-
ble qu'il y a un secret dans ma vie. J'y trouve
quelque chose de vide. On dirait que je suis
tombée dans quelque trou affreux et que j'en
ressors, lasse, brisée, sans forces. Souvent
j'éprouve des sensations bizarres, des choses
que je ne connaissais pas avant et qui me font
frissonner et qui me font rougir. Dis-moi qu'il
ne s'est rien passé. Si tu savais comme j'ai
besoin que tu me le dises, que tu m'assures
que je suis folle de m'arrêter à ces idées qui
me font peur et honte ! Père, me comprends-
tu bien? Réponds-moi, je t'en supplie, rassure-
moi, console-moi.
Le sauveteur se détourna. Il voulait cacher
les larmes qui lui brûlaient les yeux. Il grom-
mela avec une rudesse feinte :
— Parbleu! c'est clair, quo tu es folle. Que
veux-tu qu'il te soit arrivé? Tiens, je parie
que si tu détestes M. Vidal, c'est parce qu'il
te reste encore quelque chose au fond du
cœur, que tu songes encore à l 'autre, à Pierre
Yvonne couvrit son visage de ses deux mains.
Une pudeur avait envahi ses joues, et comme
son père réitérait sa question, elle murmura
faiblement :
— C'est vrai! Je l'aime toujours.
Cloarek ne répliqua rien ; il était renseigné.
L'entretien en resta la.
Dès lors la situation devint terrible pour le
vieillard. Il connaissait l'état du cœur de sa
fille, et, à moins de lui tout révéler, il ne pou-
vait trouver d'excuses valables pour ce ma-
riage qui la désespérait. Les insomnies repa-
rurent, et le sauveteur traîna dans les
goisses la plus lamentable existence q
puisse imaginer. Il porta ses chagrins au
teur. Les efforts du prêtre pour allège
peine furent vains. La douleur de Clo
était de celles qu'on ne console pas. To .
que put lui dire le curé, ce furent ses pa:
habituelles :
— Mon ami, le bon Dieu a déjà arr.'
bien des choses. Il vous tirera encore de
Le bon curé! il ne croyait point sa pr
; si près de se vérifier.
Cependant, Vidal continuait sa cour
cherchant les occasions, ^'efforçant d(
trouver en tète-à-tête avec sa victime.
l'œil vigilant de Cloarek ne le quittait p
le misérable se sentait surveillé.
Un soir, pourtant, l'occasion parut s'( '
propice à son désir infâme. Ilsehâtade la -
tre à profit.
On avait signalé une barque de pêch* ;
détresse sur les rochers do l'embouchur " ■
la Laita. Cloarek était patron du cane
sauvetage, et, bien que la mer fût calirp
barque, clouée sur les pointes du gr. ; ;
réclamait un prompt secours. Vidal attei
le départ du père avant de se présenter t i
fille.
Quand celle ci le vit paraître, elle eut ; ' v;
de ces frayeurs instinctives que l'on nom-
~ bon droit des pressentiments.
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Par HENRY GRÉVILLE
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du 16 janvier:
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Depuis le lor octobre, M. Ferdinand
Duval, ancien préfet de la Seine, mem-
bre du Conseil municipal de Paris et du
Conseil général de la Seine, a pris la direc-
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que par les récentes décisions judiciaires.
Nous n'ignorons point que les magis-
trats ne doivent pas se préoccuper de
l'opinion, et que leur conscience, s'appu-
yant sur la loi, doit être le seul guide
qu'ils consultent et qu'ils suivent dans
l'exercice de leurs fonctions. Il n'en est
pas moins malheureux qu'un fâcheux et
persistant hasard prenne plaisir, depuis
quelque temps, à brouiller à tout propos
la loi, ou tout au moins l'application qui
en est faite, avec le sens commun.
VoilàM. Gragnon qui détourne des let-
tres faisant partie d'un dossier criminel,
pendant que ce dossier est entre ses
mains à l'occasion de ses fonctions. On dé-
cide que les articles 254 et 255 du Code
pénal ne lui sont pas applicables, parce
qu'il n'aurait pas été dépositaire du dos-
sier, comme si la loi ne constituait pas
dépositaire d'un dossier tout officier pu-
blic à qui elle le confie.
Nous avons ensuite M. Lefebvre-Roncier
qu'un juge d'instruction déclare ne pou-
voir poursuivre. Il est pourtant établi
qu'il a reçu 10,000 francs et ne les a reçus
qu'à raison de son titre de conseiller mu-
nicipal; mais il n'est pas suffisamment
prouvé qu'il ait accepté ce cadeau pour
faire un acte de sa fonction ; comme si ]
un spéculateur donnait 10,000 francs à
un conseiller municipal chargé d'exami-
ner l'affaire qu'il dirige et qui estmenacée
d'un retrait de concession, et se séparait
de ses écus pour autre chose que pour
obtenir un rapport favorable.
Mais la justice contemporaine n'est pas
moins étonnante quand elle condamne que
quand elle acquitte; je n'en veux pour
preuve que la femme Ratazzi, tripoteuse
peu intéressante, d'ailleurs.
Mme Ratazzi' a été condamnée en pre-
mière instance; elle a fait appel, et la
cour se prépare à lui appliquer la théorie
que voici. — On va me dire qu'il est bien
audacieux de préjuger l'arrêt et que c'est
imiter ce président qui, interrogeant un
prévenu, lui disait ; « Vous n'avez jamais
été condamné ? » — Non, monsieur, ré-
pondait le patient. — Eh bien ! vous allez
l'être ; asseyez-vous, nous allons entendre
les témoins.
Donc Mm0 Ratazzi va être condamnée ;
et voici pourquoi: il y a quelques jours à
peine, la même chambre de la cour d.e-
vant laquelle elle a comparu jugeait un
sieur de Cœlln qui avait manigancé des
affaires de décorations. Ce négociant en
mercerie prouvait d'une façon victorieuse
que ses bons soins n'étaient pas inutiles,
et qu'il avait dans les régions gouverne-
mentales des influences réelles; il croyait
bonnement échapper ainsi à l'inculpation
d'escroquerie, la seule qui fût dirigée con-
tre lui. Mais la cour lui a répondu : La
croix de la Légion d'honneur n étant pas
à vendre, c'est une escroquerie de se faire
remettre de l'argent pour la procurer,
quand même on disposerait d'un pouvoir
effectif.
Celte théorie présente cet immense
avantage qu'elle rend inutiles devant la
juridiction décidée à l'appliquer tous les
efforts que pourraient faire les trafiquants
en décorations pour fournir la preuve que
leur commerce est sérieux.
Il n'y a pas de raison pour que la cham-
bre des appels correctionnels abandonne
ce système qu'elle a eu le mérite d'inven-
ter; elle paraît d'ailleurs si peu disposée
à changer d'opinion que, si l'on en croit
les nouvelles les plus fraîches, M. le pré-
sident de cette chambre aurait refusé de
voir le dossier que produisait Mme # Ra-
tazzi pour établir l'influence dont elle jouit
incontestablement.
Voilà pourquoi l'on se permet d'annon-
cer que Mme Ratazzi sera condamnée ;
elle le sera comme le nommé de Coelln,
par le même système et pour les mêmes
raisons.
Il y a déjà eu des révélations gênantes
et de gros scandales. On sent que la Ré-
publique n'y résisterait pas longtemps.
Quand il sera bien démontré que les pré-
venus n'ont aucun intérêt juridique à
compromettre les personnages haut pla-
cés qui ont travaillé avec eux, on pourra
les faire taire au moment où ils entreront
dans la voie des révélations.
Tout cela, c'est peut-être de la raison
d'Etat; mais ce n'est à coup sûr pas de la
justice; la justice ne doit point savoir se
plier ainsi aux circonstances; elle ne peut,
sans dommage, se montrer également in-
génieuse pour acquitter les uns et pour
condamner les autres; il ne faut point
qu'elle regarde autour d'elle avant d'avan-
cer, qu'elle s'enquière des hommes, des
situations, des fortunes et des places ;
elle doit être indépendante de tous et de
tout, excepté de la loi.
Ceux qui la poussent dans une route
différente, dans la voie des partis pris,
des ménagements et des complaisances la
mènent à sa perte et se suicident avec
elle. La justice est un besoin social, et le
régime qui ne satisfait pas à ce besoin
est irrémédiablement condamné.
G. DE LA BARRE.
LA JOURNÉE
TEMPÉRATURE
Lever du soleil à 7 h. 56 ; coucher à 4 heures 12.
Ce jour est en croissance d'une minute sur le pré-
cèdent.
La pression diminue dans le nord et l'ouest de
l'Europe ; elle s'élève rapidement dans le centre et
le sud, et atteint 169 à Carlsruhe. Une bourrasque
passe au nord de la Scandinavie (750\ où le veut
est fort de l'ouest, avec neige de Bodœ ; il est du
sud est très fort à Kudessness. Le minimum d'Ita-
lie s'éloigne vers le sud-est.
De faibles neiges sont signalées en Allemagne.
La température monte sur le nord et l'ouest de
l'Europe.
A Paris, hier, journée belle et froide.
Thermomètre, — 3°, — Baromètre, 76o mime
NOUVELLES ET DÉPÊCHES
Madame la Comtesse de Paris, accompa-
gnée du duc d'Orléans et du prince Ferdi-
nand, ses fils, et du duc de Charges, arrivera
à Madrid le 3 janvier. Elle repartira le 4
pour Lisbonne.
Le conseil des ministres s'est réuni hier, à
trois heures de l'après-midi, à l'Elysée, sous
la présidence de M. Carnot.
M. Tirard a communiqué au conseil le
texte de la lettre adressée au préfet de la
Seine au sujet de la délibération . prise par le
Conseil municipal de Paris relativement à la
répartition de la contribution mobllièra. M.
Faye a entretenu ses collègues de la suppres-
sion du traitement du directeur du collège
Chaptal, suppression décidée par le Conseil
municipal de Paris. Enfin, les ministres de
l'intérieur, de l'agriculture et de l'instruction
publique ont soumis à la signature de M.
Carnot des décrets portant nominations et
promotions dans l'ordre de la Légion d'hon-
neur.
M. le président du conseil a reçu hier ma-
tin le personnel de l'administration centrale
de son ministère, celui des régies financières,
le receveur central de la Seine et les percep-
teurs do Paris, la chambre syndicale des
agents de change et enfin les représentants
de l'administration des postas et télégraphes.
Cette réception n'a d'ailleurs donné lieu à
aucun incident intéressant.. Comme toujours,
en pareil cas, on a échangé les appréciations
les plus optimistes.
Plusieurs journaux prêtent au gouverne-
ment l'intention de demander à la Chambre
le rétablissement du crédit de cent mille
francs pour les missions africaines. Ce crédit
a été supprimé lors de la discussion du bud-
get de f887.
Le parquet a décidé d'abandonner les pour-
suites commencées contre M. Lisbonne pour
un délit commis par voie d'afliches séditieu-
ses.
Le roi de Serbie a entamé avec les princi-
paux membres de la Chambre des députés des
négociations pour la formation d'un nouveau
cabinet. Ses efforts n'ont pas jusqu'ici abouti.
On assure que le roi serait disposé à accep-
ter un ministère radical, en se réservant de
désigner le titulaire des affaires étrangères.
Dans la nuit du 29 au 30 décembre, la gar-
nison de Souakim a fait une sortie et opéré
une razzia sur les tribus insurgées auxquelles
elle a enlevé 200 chameaux et mille têtes 1
de bétail.
Ce ne doit pas etre sans un profond seeti-
ment d'amertume que les républicains con-
vaincus peuvent jeter sur l'année écoulée un
coup d'œil rétrospectif. En ces trois cent
soixante-cinq jours, les choses ont singuliè-
rement changé de face, et, ce qui est carac-
téristique, c'est des républicains eux-mêmes
que la République a reçu les coups les plus
sensibles. Il serait exagéré de dire qu'au dé-
but de 1887, M. Grévy jouissait d'une bien
grande popularité. Du moins le tenait-on
assez généralement -- nous parlons de la
masse — pour un fort honnête homme.
Tout le monde a encore présents à l'esprit les
incidents qui ont obligé le Président de la
République à donner sa démission, et on ne
saurait guère prétendre qu'il soit sorti de
place pour jouir d'une retraite honorée. On a
pu voir aussi que si des personnes tenant à
M. Grévy de fort près étaient plus ou moins
impliquées1 dans des affaires fâcheuses, il n'y
avait pas que dans la famille élyséenne qu'on
constatait des défaillances. Ainsi ce n'était
plus seulement la faute d'un homme ou
d'une famille. Le parti républicain tout en-
tier s'est trouvé compromis dans ces scandales
qui caractériseront particulièrement, dans
l'histoire de la République, l'année 1887.
Ce sont les républicains qui ont soulevé
cette boue dans laquelle ils s'enlisent aujour-
d'hui. Ce sont eux encore qui, pour se débar-
rasser d'un président devenu incommode,
n'ont pas hésité à enseigner, au Parlement
d'abord et à la rue ensuite, qui aura retenu
la leçon, comment on pouvait violer la Cons-
titution. Jusqu'en 1887, on pouvait croire que
le pouvoir exécutif restait pour sept ans entre
les mains d'un seul homme. On sait aujour-
d'hui qu'il suffit d'une campagne activement
menée pour avoir raison de la présidence de
la République aussi facilement que de la pré-
sidence du conseil.
Un des principaux personnages du parti
républicain destitué de l'estime qui s'attachait
à son nom, la Constitution violée par ceux-là
mêmes qui se prétendent ses défenseurs ex-
clusifs, ce sont là, entre bien d'autres, deux
des souvenirs les plus éloquents que laissera
l'année 1887. Elle aura montré également les
agitateurs de la rue relevant la tête, ébau-
chant, à l'Hôtel de Ville même, l'embryon
d'un mouvement révolutionnaire, et le Par-
lement affolé devant ces menaces de la rue.
Tout cela est l'œuvre des républicains. Elle
n'est point consolante pour eux ni belle pour
personne.
E. B.
LE PRÉSIDENT AU VAL-DE-GRACE
M. le Président de la République a vi-
sité, dans la même journée, la Salpêtrière
et le Val-de-GrAce. Il reprend ainsi la tra-
dition du maréchal de Mac-Mahon, qui
faisait de fréquentes visites aux hôpitaux,
où M. Grévy ne mettait jamais les pieds.
M. Sadi Carnot a décoré une infirmière
laïque à la Salpêtrière et la supérieure des
sœurs du Val-de-Grâce.
De ces deux actes, le premier était pré-
médité ; il était certainement concerté
avec le ministre de l'intérieur et au mo-
ment même où il s'accomplissait, le se-
crétaire général de la préfecture de la
Seine en informait le Conseil municipal.
La seconde décoration accordée est un
acte tout spontané de M. Carnot. La Ré-
publique française, qui reçoit les commu-
nications ministérielles, tient à le consta-
ter. Le fait est du reste établi par cette
circonstance que le Président, pour déco-
rer la supérieure du Val-de-Grâce, a dû
emprunter la croix d'un des chirurgiens-
majors qui étaient présents.
C'est le général Logerot qui a présenté
à M. Carnot la supérieure, Mme de Moissac,
âgée de quatre-vingt-deux ans et comptant
cinquante-quatre ans de services dans les
hôpitaux dont trente-trois ans au Val-de-
Grâce ; « plus cinq campagnes »,, a dit le
ministre de la guerre, faisant. allusion à
cinq épidémies meurtrières, pendant les-
quelles Mme de Moissac a déployé le plus
admirable dévouement.
M. Sadi Carnot, pris à l'improviste, s'est
exécuté avec bonne grâce. Il ne m'en
coûte pas de le reconnaître ; mais il a
manqué de logique.
Décorer dans un hôpital militaire la su-
périeure des sœurs et autoriser le même
jour le directeur de l'Assistance publique
à chasser les religieuses des derniers hô-
pitaux civils où elles sont encore est r;
conduite singulière. Mais M. Carnot 8 •
main forcée par des ministres qui ta -
blent à la seule pensée de résister «u
Conseil municipal.
IL est regrettable qu'il n'ait pas
s'affranchir de ces considérations me,.
quines. Il est bien à lui d'avoir visité
Salpêtrière mais s'il avait été plus Pari-
sien, M. le Président de la République :u:;
raitlsu que sa première visite devait ê i:
pour l'Hôtel-Dieu. Ceux qui avaient
sion de le lui dire ne l'ont pas fait. Je
comprends.IM. le directeur de l'Assistaj : ;
publique a craint de laisser voir au c^v-
de l'Etat les sentiments que les médec?' ;
et les malades professent à l'égard ;1("
s murs.
F. D.
BONNE ANNÉE
Ça y est! Nous sommes en 1888.
C'est cette nuit, à minuit sonnant, ch
lecteurs, que la nouvelle année est ve
au monde.
Et Jean de France vient à vous, ni p
ni moins que votre facteur ou votre c
cierge, vous souhaiter la bonne année.
comme je n'ai pas mission de réalisér
souhaits, voyons un peu ce que nous pc
rions souhaiter ensemble.
D'abord, cela va sans dire, une bo'
santé. Quoi de meilleur qu'une bo'
santé? C'est quand on ne l'a plus, di
dicton commun, qu'on en connait le p v
La tète libre, les entrailles de même,
pieds chauds et le cœur en joie, sont c
d'inestimables avantages. Tout le reste
donné par surcroît, semble-t-il, et tien =
prédispose mieux à voir courageusem
la vie que l'équilibre parfait de l'organis
Je vous souhaite donc une bonne sa, ,
du même cœur que je me la souhaite
moi.
Avec cela, la réussite, la prospérité d
vos affaires, le calme de l'esprit, les ac
tions fructueuses, tout ce qu'un lion
honnête et laborieux, industriel ou c<
merçant, peut désirer sans se risquer du,
le domaine des chimères.
Quoi encore, avant de sortir du ter . :
de la banalité ?
Etes-vous pères, mes chers lecie
ètes-vous mères, charmantes lectrices
« En ce cas, — comme disait Henri IV
je vais faire un autre tour. »
« Mes chers parents.
« Recevez en ce beau jour, le prer
de l'année, les vœux que forme pour v
votre fils qui vous aime.
« Pour tout le bien que vous m'avez î&.1
pour la patiente sollicitude dont vous n, r
vez entouré, je veux vous donner un téo
gnagne de mon amour et de ma reconn
sance. Soyez en sûrs, chers parents, 1
née qui vient vous donnera de ma part !
tes les satisfactions, et quand sonr
l'heure des grandes vacances tant désir<
vous attacherez sur mon front plus de c
ronnes que je n'en ai obtenu encore.
« Votre fils qui vous aime..
« Etc., etc.... b
Mais, si, dans le nombre de mes
teurs, se trouvent quelques jeunes fi
que pourrai-je bien leur offrir, en fai
vœux ? Délicat problème ! V 0118 ne je
plus à la poupée, mesdemoiselles, n:
peut-être, comme le disait une spiritu
caricature, commencez-vous à porter q
que intérêt aux stupides pantins que r
sommes ? Voici qui m'ouvre tout un
N° 17. — Feuilleton de la PETITE PRESSE.
LA DOUBLE VUE
PAR
PIERRE MAEL
Deuxième Partie
I
— Non, père, répondit la jeune femme sans
détourner les yeux.
— Alors, pourquoi ne me parles-tu pas?
— Que veux-tu que je te dise?
— On a toujours quelque chose à dire.
Voyons. Es-tu allée au cimetière aujour-
d'hui?
Pour le coup, Yvonne releva le front et at-
tacha sur son père un regard étonné.
- Au cimetière ? Je suis allée au cime-
tière ?
Cloarek se mordit les lèvres, sentant sa
faute. Il répliqua avec enjouement :
— Bah ! je te demande ça pour rire. Tu es
si triste, vraiment, qu'on le croirait.
Elle soupira profondément. Le vieux ma-
rin entendit des sanglots bruire dans ce
souffle oppressé. Il s'approcha d'elle, et
prit doucement sa tête charmante contre
ses deux rudes mains, et la baisa sur les
cheveux.
— Voyons, voyons, petite. Tout cela n'est
pas naturel à ton âge. Tiens, tu vois bien que
j'avais raison. Tu me caches quelque
chose. Voilà que tu pleures à présent !
Qu'est-ce qui te fait pleurer? Est-ce moi?
Je ne suis pourtant pas un mauvais père,
nom d'un sabord 1
Elle répondit à l'étreinte du vieillard par
une affectueuse caresse, et nouant ses deux
bras à l'entour de son cou, elle murmura très
vite :
— Non, non. Tu es un bon et un ex-
cellent père. Et c'est justement pour cela .que
je ne comprends pas pourquoi Itu me. fais
tant de peine ?
Elle garda un instant lo silence ; puis :
— Pourquoi v^jix-tu me marier ?
Il tressaillit, et demeura sans parole, hé-
bété. Enfin il bégaya, sans conviction i
— Mais... je te l'ai dit... parce :que tu es
d'âge à te marier.
— Et, si j'aime mieux ne pas me ma-
rier ; si je veux demeurer avec îtoi, tou-
jours, pour te soigner, comme je l'ai fait jus-
qu'ici ?
Fillette, je suis un matelot, moi, tu le sais
bien, un sauveteur. La vague peut me pren-
dre un de ces jours. D'ailleurs, entoutecause,
je dois partir le premier.
Elle ut un mélancolique sourire.
— Ce n'est pas bien sùr, père. Les jeunes
n'ont pas de garantie.
Il l'embrassa avec une sorte de violence.
— Tais-toi, folle, tu ne sais pas ce que tu
dis. Tu es belle et solide au poste. Tu dois vi-
vre, pour être heureuse, pour qu'on t'aime,
pour avoir beaucoup d'enfants. Moi, je suis
vieux, j'ai fait mon temps ; si je m'en allais,
que deviendrais-tu?
Elle répondit tranquillement t
— Père, si tu partais, j'irais trouver lamère
Saint-Gwénolé qui m'a élevé à Quimperlé,
et je lui demanderais de me prendre parmi
ses sœurs. Elle ne refuserait pas, je t'assure.
Cloarek haussa les épaules.
— Tu dis des bêtises, maintenant. Avec ça
que tu es faite pour porter la cornette ?
Puis, se reprenant avec douceur :
— Voyons, sois franche, Yvonne. Est-ce
que tu n'aimes pus M. Vidal?
Elle s'enhardit et lui répondit :
— Non ! je ne l'aime pas. Je le hais.
Alors, un flux de paroles déborda de ses lè-
vres :
— Ecoute, père, je ne sais pas ce que cela
veut dire; je ne comprends pas moi-même.
Mais cet homme me fait horreur. Il me sem-
ble qu'il y a un secret dans ma vie. J'y trouve
quelque chose de vide. On dirait que je suis
tombée dans quelque trou affreux et que j'en
ressors, lasse, brisée, sans forces. Souvent
j'éprouve des sensations bizarres, des choses
que je ne connaissais pas avant et qui me font
frissonner et qui me font rougir. Dis-moi qu'il
ne s'est rien passé. Si tu savais comme j'ai
besoin que tu me le dises, que tu m'assures
que je suis folle de m'arrêter à ces idées qui
me font peur et honte ! Père, me comprends-
tu bien? Réponds-moi, je t'en supplie, rassure-
moi, console-moi.
Le sauveteur se détourna. Il voulait cacher
les larmes qui lui brûlaient les yeux. Il grom-
mela avec une rudesse feinte :
— Parbleu! c'est clair, quo tu es folle. Que
veux-tu qu'il te soit arrivé? Tiens, je parie
que si tu détestes M. Vidal, c'est parce qu'il
te reste encore quelque chose au fond du
cœur, que tu songes encore à l 'autre, à Pierre
Yvonne couvrit son visage de ses deux mains.
Une pudeur avait envahi ses joues, et comme
son père réitérait sa question, elle murmura
faiblement :
— C'est vrai! Je l'aime toujours.
Cloarek ne répliqua rien ; il était renseigné.
L'entretien en resta la.
Dès lors la situation devint terrible pour le
vieillard. Il connaissait l'état du cœur de sa
fille, et, à moins de lui tout révéler, il ne pou-
vait trouver d'excuses valables pour ce ma-
riage qui la désespérait. Les insomnies repa-
rurent, et le sauveteur traîna dans les
goisses la plus lamentable existence q
puisse imaginer. Il porta ses chagrins au
teur. Les efforts du prêtre pour allège
peine furent vains. La douleur de Clo
était de celles qu'on ne console pas. To .
que put lui dire le curé, ce furent ses pa:
habituelles :
— Mon ami, le bon Dieu a déjà arr.'
bien des choses. Il vous tirera encore de
Le bon curé! il ne croyait point sa pr
; si près de se vérifier.
Cependant, Vidal continuait sa cour
cherchant les occasions, ^'efforçant d(
trouver en tète-à-tête avec sa victime.
l'œil vigilant de Cloarek ne le quittait p
le misérable se sentait surveillé.
Un soir, pourtant, l'occasion parut s'( '
propice à son désir infâme. Ilsehâtade la -
tre à profit.
On avait signalé une barque de pêch* ;
détresse sur les rochers do l'embouchur " ■
la Laita. Cloarek était patron du cane
sauvetage, et, bien que la mer fût calirp
barque, clouée sur les pointes du gr. ; ;
réclamait un prompt secours. Vidal attei
le départ du père avant de se présenter t i
fille.
Quand celle ci le vit paraître, elle eut ; ' v;
de ces frayeurs instinctives que l'on nom-
~ bon droit des pressentiments.
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