Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-07-26
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 26 juillet 1866 26 juillet 1866
Description : 1866/07/26 (N99). 1866/07/26 (N99).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4719155v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 07/11/2017
LES TROUPIERS
CONSCRIT.
Les filles du village lui ont déjà trouvé un remplaçant.
PENDANT LA PAIX.
,Iîn reconnaissance près d'une place forte qui ne demande pas mieux que de se rendre. , -
A une heure du matin, l'affluence avait pris
des proportions inquiétantes pour le mainti'en
de l'ordre; cependant la foule s'est tenue calme
et convenable.
Dèslundi à li heures, le sort de Philippe avait
été décidé, et ordre d'exécuter la sentence (ln
la Cour (['assises du 27 juin dernier arrivait au
Parq net de M. le procureur général, qui trans-
mettait ces ordres <1, l'exécuteur et à la force ar-
mée.
Comme toujours, l'exécuteur s'est assuré du
bon état de son instrument. : puis il est. entre
dans la prison pour réclamer II) condamne.
Pendant tous ces 1)I'(",'aralil< Ptntippe dormait
d'un profond sommeil. Le directeur de la pri-
son, 111. GrolJon, est entre à f> heures et demie
dans la cellule du condamne pour lui annoncer
que sa dernière heure était arrivée.
Philippe n'a pas paru surpris et il s'est levé
en conservant son calme habituel. Il occupait la
cellule où La Pommeraye avait été mis. '
Philippe a été débarrasse de la camisole dl;
force, et il n'a conservé que II' pantalon gris et les
sandales de la prison. Il a voulu mettre lui-
même la chemise blanche qu'il avait demandée
pour sa dernière heure et que les ciseaux des
aides devaient largement écbancrer. Jusque-la,
il était entre les mains des gardiens de la prison
et en présence de M. l'aumônier; mais un mo-
ment après il a été conduit dans une autre cel-
lule voisine où se trouvaient M. l'exécuteur et
ses aides. Il a supporté la toilette du condamné
avec beaucoup de calme; cependant'on a remar-
qué que, des les premiers cris des ciseaux, son
œil clair a pris une grande vivacité.
Six heures allaient sonner, l'ordre d'exécution
était pour cette heure; et toujours 1 exécuteur de
Paris veut que la tète du condamné tombe
en même temps que le marteau sur la cloche.
Il fallait donc se presser. Un se mit en marche,
le condamné ayant, à sa droite 31. l'aumônier, à
sa gauche l'exécuteur.
La porte du la prison s'ouvre subitement et
avec bruit. Les Gardes (lu Par.s achevai t irent leur
sabre du fourreau, puis un des aides qui venait
de prendre part a la toilette de l'lliliplle gravit
précipitamment les marc ies de l'échalaud et
examine d'un coup d'ceil rapide si les derniers
préparatifs sont bien faits. Ces divers mouve-
ments, qui venaient d'impressionner le, public,
avaient leur signification ; tous les,regards étaient
dirigés vers ta porte béante qui allait livrer le
con amné à la curiosité du public et à l'écha-
LLLld.
Philippe par;!ît, s'avançant avec f'en-ncté. mais
jiàle... Il venait d'apercevoir tout tt coup et, en
perspective l'instrument du supplice avec J,cs
x • »f 'ux longs bras et son couteau triann'utaire.
Parvenu a la première marche. Piiihppe a été
quitté un instar) t par M. l'abbé Cro/.e, qui l'a pré-
cédé sur la pl ;te-Jorinc. Le condamné est monté
entre t'cxécutcur et un ai()e. mais il n'a pas eu
besoin d'être soutenu. Philippe a regardé une
partie de lt foule; il a baise le crucifix que
jui présentait. M. t'abbé Crow, puis il a embrassé
j'aumonier'avec effusion.
Un petit détail qui a frappé les spc'C;atnlll'.;,
c'est la bianehi'ur de la chemise de Philippe, qui
Misait ressortir davantage sa physionomie pain et
brune, ses traits énergiques, comme pour les
livrer plus facilement aux regards de tous.
La toute a été attentive et silencieuse avant
et après t'e\ecution. et c'est au milieu d'un si-
lence de mort que le fatal c,outc;v 1 nangulaire a
situe, et glisse comme l'éclair. Le silence a encore
régné longtemps après l'exécution, et 011 a en-
tendu sur le pave le sautillemem des roues et
les pas d'une escorte qui s'éloignaient. C'était le
fourgon dont nous parlions plus haut, qui empor-
tait la dépouille de PI)itinne au cimetière de .
l'Ouest.
I n enfuit qni était monte sur un arbre disait
en ()escen(!ant, : Ii était temps! Le coup m'a
porté dans la poitrine (et il se la frappait avec
la main; et j'ai failli tomber comité un fruit trop
mur.
Philippe, dans l'intervalle qui s'est écoulé tlc-
puis son incarcération au dépôt des condamnés,
jusqu'à ce matin, a conservé un grand calme; il
avait toujours ceLte impassibilité et, ce mutisme
qui faisaient croire à son défenseur qu'il n'a-
vait pas la plénitude de ses facultés intellec-
tuclles. M. l'abbé Croze a ÓlÓ. pour Pltilippe,
d'une bienveillance tout évangélique et le con-
damné écoutait toujours ses exhortations avec
un grand respect et beaucoup de soumission.
AFFAIRE PEYTEL
1838 — 1839.
Lorsque, au commencement de l'année 18G2
nous nous rendîmes à Bourg pour le procès, à
jamais célèbre. de M. et J\1 !I1C Dumolarel, une
chose me frappa tout d'abord. l'impression pro-
fonde qu ,L\,tlL laissée dans le pays l'affaire que
je vais remettre sous 1 -s yeux des lecteurs de
la P, esse ?'«usfrec. En vérité, les Bressans me ,
parurent plus fiers d'avoir vu mourir Peytel
que d'avoir donné naissance à Lalar.de, l'astro-
none arachnopha.ne et à l'immortel Bicllêlt.
Du 1829 à 1834, Peytel avait habité Paris, et
sous prétexte de continuer son stage chez Me
Berlond. notaire, il avait fréquenté les cafés lit-
téraires du quartier Latin, les coulisses et, les pe-
tits journaux. Nous verrons que l'eytcl avait
quoique fortune; il acheta de M. Berthet, sa part
dans la propriété du Valeur, journal reproducteur,
que celui-ci avait fondé avec M. Emile de Girar-
din et Lautour-Mézerai, qui fut depuis préfet
d'Alger. Peytel signa le journal en qualité de gé-
rant, et. comme tout, débutant, se chargea du
compte-rendu des théâtres, position toujours
très-envice, niais qui n'était pas sans quelques
périls a cette'epoque. Il existe plusieurs articles
signes Peytel de AJontanchin d'une des propriétés
ile sa mère).
I-e plus. Peytel avait, fait, sous un pselHIo-
nyme, il est vra'. mllÍs sans en Il l'liner jamais
la | ateruité. llil petit liv e ou pamphlet I)ollliilue, .
pen'kntd esprit t't([e méchanceté : la, Physiologie
J., lu Puin, lequel se vendit assez bien lors de
son apparition, mais s'enleva jusqu'au dernier
exemplaire quand l'auteur fut devenu une célé-
brité de cour d'assises. C'est hl, pour le dire en
passant, un moyen un peu violent, mais infail-
lible, sur lequel j'appelle l'attention de ceux de
nos confrères dont, la prose ou les vers ne s'écou-
lent peut-être pas aussi rapidement qu'ils le pour-
raient désirer.
Le 25 mai 1832, Philippon était, pour la
dixième fois'peut-ètre, traduit aux assises, accusé
d outrage envers la personne du roi Louis-Phi-
hppe. outrage résultant d'un des dessins du jour-
"aH la CarÎmlure. « Messieurs les jurés, dit-il, le
ministère | nhlic prétend que dans ce personnage
nous avons voulu représenter le roi-citoyen, il ne
le prouve pas; ce n'est point notre faute si la
tète de Sa Majesté ressemble à bien d'autres
têtes... et même à bien d'autres choses. Te-
nez, par exemple, je prie M. le greffier de me
vouloir bien passer une feuille de papier... (il
donne quatre coups de crayon) Qu'est ceci?
— Les jurés : « Une poire. » (Quatre autres coups
de crayon) Et ceci? « Une poire. » Et ceci? « Une
poire; "'mais... à la quatrième, les jurés trou-
vèrent que c'était bien toujours une poire, mais
en même temps un portrait incontestable de
Louis-Philippe. Le grand artiste obtint un sou-
rire. mais il obtint aussi six mois de prison et
2,000 francs d'amende. Jamais ce pauvre Phi-
lippon ne se remit complètement de ce qu'il ap-
pelait son asthme de bain te-Pélagie.
A partir du lendemain, ce fut dans les jour-
naux des deux oppositions, grands et petits, un
feu roulant de plaisanteries sur la poire, ceux
qui l'aimaient et ceux qui ne la pouvaient
souffrir. Peytel s'en inspira, et prit son temps,
car ce ne fut que le 17 novembre qu'il fit paraître
« chez les libraires de laplace de la Bourse,,(Paulin
ctSautelet) fa Physiologie de la Poire, par Louis
Benoît, jardinier, avec ce M te épigraphe : (, Prenez
et mangez : ceci est mon corps, ceci est mon
sang. )),:un volume in-8° do 270 pages, avec illus-
trations dans le texte, non signées, mais qu'on
prétend être (le Gavarni.
Dans san Programme en guise de préface, Pey'
Lel nous apprend qu'il fut l'un des combattants
les journées de juillet 1830; que, compromis dans
es deux prétendues conspirations du Pont des
Arts et des Vendanges de Bourgogne, il fut traduit
uix assises de la Seine et !(cquitté; qu'.rrété aux ;
dl'aires de juin 1832, il fut condamné à mort par
m conseil de guerre, mai, que la sentence ayant c
\t6 annulée par la Cour de cassation, il en fut i
juitte pour un emprisonnement à Sainte-Péla- c
;ie ; puis il ajoute :
« Ainsi ['auteur du présent in-oelavo ne sera
nas fusiil'', comme Ney ou Caron ;
» Il ne sera pas gullUtinë, comme Bories,
lnuul" et Goubin ;
» 11 n'aura pas les oreilles coupées, comme
5rynne, Bastwick et bur.on, les trois célèbres
'uritains. ; •
» Le nez et les oreilles coupées, comme Lysi-
maque ; . ■
» Les yeux crevés, comme le vieux baron de
Montescaglioso, au temps de Guillaume Ier, dit
le Méchant, roi de Naples et de Si, ile ;
» Il ne sera pas pendu, comme Villon le poëte,
Villon, l'argotier, Villon le voleur, Villon-Crede-
\ille;ViHon le prince des sots ;
» Il ne sera pas tiré à quatre chevaux, comme
Damions ;
» Mis en croix, comme Barabas ; '
» Enterré vif, comme Perrette. Mauger, au
temps de Louis XI;
» Poignardé dans son bain, comme Marat;
» Fusille dans un fauteuil, comme d'Elbée;
» Mené a rebours sur un âne, comme Perkins-
Warbec;
» Berne, comme l'ecuyer de Don QuicllOlte;
» Mangé, par un lion, comme M. Martin;
» Bat'ude verges, comme Candide;
» Brûle, comme s ai n t Laurent;
» Etranglé, comme Je prince de Condé;
» Non, rien de tout cela. — Il fera tout sim-
pdemc'nt son temps il Sainte-Pélacrie, comme au-
trefois, sous LI Bcstauration. MM. Jay, Jouy,
Cauchois-Lemaire et Béranger. »
Quels étranges rapprochements ! Combien ces
plaisan eries semblent lugubres en présence du
sort qui attendait ce malheureux.
Il me paraissa tassez étonnant qu'il n'eût pas
été dit un mot devant la Cour d'assises de Bourg
de ces antécédents de lle\-Lel. Je me méfie des
assassins en g-é]:}l'ral, et dt s assassins lettrés plus
que de tous autres. Je consacrai bravement plu-
sieurs heures à compulser -lesregistres de Sainte-
Pélagie, delà Force, des Madelonnettes et de la
Conciergerie pour les années 1831-1832; j(' ne
rencontrai pas une seule fois le nom de mon
homme. Il y a bien eu un nommé Pét l. con-
damné par le conseil de p-UTrc, mais, outre la
différence d'orthographe, en 1 ui-ci était composi-
teur-typographe à la l'riounc, journal auquel je
travaillais à cette époque. Je poussai mes re-
cherches plus loin, j'acquis la certitude, non-seu-
lement que Peytel n'avait jamais été condamné
politique, mais qu'il n'avait jamais été surveillé.
Pourquoi donc a t-il inséré cette fable dans la
préface de la Physiologie de le Poire? Pour se
rendre intéressant et mieux assurer à son livre
l'appui de ses coreligionnaires politiques.
Ayant perdu l'espoir de se faire uni'position
lans la carrière des lettres, Peytel, à la fin de
1834, quitta Paris, où ce nom devait retentit
Illatro ans plus tard comme celui d'un assaSSlI1,
B. MAURICE.
(La suite au prochain numéro.)
Le rddacteuv en c'itf.
A. DE IIAI.ATIIII.;!t BRAGELONNE.
----4
Pztrl.i. — Imprimerie Vallée tJ, ruj Ureàu.
1
CONSCRIT.
Les filles du village lui ont déjà trouvé un remplaçant.
PENDANT LA PAIX.
,Iîn reconnaissance près d'une place forte qui ne demande pas mieux que de se rendre. , -
A une heure du matin, l'affluence avait pris
des proportions inquiétantes pour le mainti'en
de l'ordre; cependant la foule s'est tenue calme
et convenable.
Dèslundi à li heures, le sort de Philippe avait
été décidé, et ordre d'exécuter la sentence (ln
la Cour (['assises du 27 juin dernier arrivait au
Parq net de M. le procureur général, qui trans-
mettait ces ordres <1, l'exécuteur et à la force ar-
mée.
Comme toujours, l'exécuteur s'est assuré du
bon état de son instrument. : puis il est. entre
dans la prison pour réclamer II) condamne.
Pendant tous ces 1)I'(",'aralil< Ptntippe dormait
d'un profond sommeil. Le directeur de la pri-
son, 111. GrolJon, est entre à f> heures et demie
dans la cellule du condamne pour lui annoncer
que sa dernière heure était arrivée.
Philippe n'a pas paru surpris et il s'est levé
en conservant son calme habituel. Il occupait la
cellule où La Pommeraye avait été mis. '
Philippe a été débarrasse de la camisole dl;
force, et il n'a conservé que II' pantalon gris et les
sandales de la prison. Il a voulu mettre lui-
même la chemise blanche qu'il avait demandée
pour sa dernière heure et que les ciseaux des
aides devaient largement écbancrer. Jusque-la,
il était entre les mains des gardiens de la prison
et en présence de M. l'aumônier; mais un mo-
ment après il a été conduit dans une autre cel-
lule voisine où se trouvaient M. l'exécuteur et
ses aides. Il a supporté la toilette du condamné
avec beaucoup de calme; cependant'on a remar-
qué que, des les premiers cris des ciseaux, son
œil clair a pris une grande vivacité.
Six heures allaient sonner, l'ordre d'exécution
était pour cette heure; et toujours 1 exécuteur de
Paris veut que la tète du condamné tombe
en même temps que le marteau sur la cloche.
Il fallait donc se presser. Un se mit en marche,
le condamné ayant, à sa droite 31. l'aumônier, à
sa gauche l'exécuteur.
La porte du la prison s'ouvre subitement et
avec bruit. Les Gardes (lu Par.s achevai t irent leur
sabre du fourreau, puis un des aides qui venait
de prendre part a la toilette de l'lliliplle gravit
précipitamment les marc ies de l'échalaud et
examine d'un coup d'ceil rapide si les derniers
préparatifs sont bien faits. Ces divers mouve-
ments, qui venaient d'impressionner le, public,
avaient leur signification ; tous les,regards étaient
dirigés vers ta porte béante qui allait livrer le
con amné à la curiosité du public et à l'écha-
LLLld.
Philippe par;!ît, s'avançant avec f'en-ncté. mais
jiàle... Il venait d'apercevoir tout tt coup et, en
perspective l'instrument du supplice avec J,cs
x • »f 'ux longs bras et son couteau triann'utaire.
Parvenu a la première marche. Piiihppe a été
quitté un instar) t par M. l'abbé Cro/.e, qui l'a pré-
cédé sur la pl ;te-Jorinc. Le condamné est monté
entre t'cxécutcur et un ai()e. mais il n'a pas eu
besoin d'être soutenu. Philippe a regardé une
partie de lt foule; il a baise le crucifix que
jui présentait. M. t'abbé Crow, puis il a embrassé
j'aumonier'avec effusion.
Un petit détail qui a frappé les spc'C;atnlll'.;,
c'est la bianehi'ur de la chemise de Philippe, qui
Misait ressortir davantage sa physionomie pain et
brune, ses traits énergiques, comme pour les
livrer plus facilement aux regards de tous.
La toute a été attentive et silencieuse avant
et après t'e\ecution. et c'est au milieu d'un si-
lence de mort que le fatal c,outc;v 1 nangulaire a
situe, et glisse comme l'éclair. Le silence a encore
régné longtemps après l'exécution, et 011 a en-
tendu sur le pave le sautillemem des roues et
les pas d'une escorte qui s'éloignaient. C'était le
fourgon dont nous parlions plus haut, qui empor-
tait la dépouille de PI)itinne au cimetière de .
l'Ouest.
I n enfuit qni était monte sur un arbre disait
en ()escen(!ant, : Ii était temps! Le coup m'a
porté dans la poitrine (et il se la frappait avec
la main; et j'ai failli tomber comité un fruit trop
mur.
Philippe, dans l'intervalle qui s'est écoulé tlc-
puis son incarcération au dépôt des condamnés,
jusqu'à ce matin, a conservé un grand calme; il
avait toujours ceLte impassibilité et, ce mutisme
qui faisaient croire à son défenseur qu'il n'a-
vait pas la plénitude de ses facultés intellec-
tuclles. M. l'abbé Croze a ÓlÓ. pour Pltilippe,
d'une bienveillance tout évangélique et le con-
damné écoutait toujours ses exhortations avec
un grand respect et beaucoup de soumission.
AFFAIRE PEYTEL
1838 — 1839.
Lorsque, au commencement de l'année 18G2
nous nous rendîmes à Bourg pour le procès, à
jamais célèbre. de M. et J\1 !I1C Dumolarel, une
chose me frappa tout d'abord. l'impression pro-
fonde qu ,L\,tlL laissée dans le pays l'affaire que
je vais remettre sous 1 -s yeux des lecteurs de
la P, esse ?'«usfrec. En vérité, les Bressans me ,
parurent plus fiers d'avoir vu mourir Peytel
que d'avoir donné naissance à Lalar.de, l'astro-
none arachnopha.ne et à l'immortel Bicllêlt.
Du 1829 à 1834, Peytel avait habité Paris, et
sous prétexte de continuer son stage chez Me
Berlond. notaire, il avait fréquenté les cafés lit-
téraires du quartier Latin, les coulisses et, les pe-
tits journaux. Nous verrons que l'eytcl avait
quoique fortune; il acheta de M. Berthet, sa part
dans la propriété du Valeur, journal reproducteur,
que celui-ci avait fondé avec M. Emile de Girar-
din et Lautour-Mézerai, qui fut depuis préfet
d'Alger. Peytel signa le journal en qualité de gé-
rant, et. comme tout, débutant, se chargea du
compte-rendu des théâtres, position toujours
très-envice, niais qui n'était pas sans quelques
périls a cette'epoque. Il existe plusieurs articles
signes Peytel de AJontanchin d'une des propriétés
ile sa mère).
I-e plus. Peytel avait, fait, sous un pselHIo-
nyme, il est vra'. mllÍs sans en Il l'liner jamais
la | ateruité. llil petit liv e ou pamphlet I)ollliilue, .
pen'kntd esprit t't([e méchanceté : la, Physiologie
J., lu Puin, lequel se vendit assez bien lors de
son apparition, mais s'enleva jusqu'au dernier
exemplaire quand l'auteur fut devenu une célé-
brité de cour d'assises. C'est hl, pour le dire en
passant, un moyen un peu violent, mais infail-
lible, sur lequel j'appelle l'attention de ceux de
nos confrères dont, la prose ou les vers ne s'écou-
lent peut-être pas aussi rapidement qu'ils le pour-
raient désirer.
Le 25 mai 1832, Philippon était, pour la
dixième fois'peut-ètre, traduit aux assises, accusé
d outrage envers la personne du roi Louis-Phi-
hppe. outrage résultant d'un des dessins du jour-
"aH la CarÎmlure. « Messieurs les jurés, dit-il, le
ministère | nhlic prétend que dans ce personnage
nous avons voulu représenter le roi-citoyen, il ne
le prouve pas; ce n'est point notre faute si la
tète de Sa Majesté ressemble à bien d'autres
têtes... et même à bien d'autres choses. Te-
nez, par exemple, je prie M. le greffier de me
vouloir bien passer une feuille de papier... (il
donne quatre coups de crayon) Qu'est ceci?
— Les jurés : « Une poire. » (Quatre autres coups
de crayon) Et ceci? « Une poire. » Et ceci? « Une
poire; "'mais... à la quatrième, les jurés trou-
vèrent que c'était bien toujours une poire, mais
en même temps un portrait incontestable de
Louis-Philippe. Le grand artiste obtint un sou-
rire. mais il obtint aussi six mois de prison et
2,000 francs d'amende. Jamais ce pauvre Phi-
lippon ne se remit complètement de ce qu'il ap-
pelait son asthme de bain te-Pélagie.
A partir du lendemain, ce fut dans les jour-
naux des deux oppositions, grands et petits, un
feu roulant de plaisanteries sur la poire, ceux
qui l'aimaient et ceux qui ne la pouvaient
souffrir. Peytel s'en inspira, et prit son temps,
car ce ne fut que le 17 novembre qu'il fit paraître
« chez les libraires de laplace de la Bourse,,(Paulin
ctSautelet) fa Physiologie de la Poire, par Louis
Benoît, jardinier, avec ce M te épigraphe : (, Prenez
et mangez : ceci est mon corps, ceci est mon
sang. )),:un volume in-8° do 270 pages, avec illus-
trations dans le texte, non signées, mais qu'on
prétend être (le Gavarni.
Dans san Programme en guise de préface, Pey'
Lel nous apprend qu'il fut l'un des combattants
les journées de juillet 1830; que, compromis dans
es deux prétendues conspirations du Pont des
Arts et des Vendanges de Bourgogne, il fut traduit
uix assises de la Seine et !(cquitté; qu'.rrété aux ;
dl'aires de juin 1832, il fut condamné à mort par
m conseil de guerre, mai, que la sentence ayant c
\t6 annulée par la Cour de cassation, il en fut i
juitte pour un emprisonnement à Sainte-Péla- c
;ie ; puis il ajoute :
« Ainsi ['auteur du présent in-oelavo ne sera
nas fusiil'', comme Ney ou Caron ;
» Il ne sera pas gullUtinë, comme Bories,
lnuul" et Goubin ;
» 11 n'aura pas les oreilles coupées, comme
5rynne, Bastwick et bur.on, les trois célèbres
'uritains. ; •
» Le nez et les oreilles coupées, comme Lysi-
maque ; . ■
» Les yeux crevés, comme le vieux baron de
Montescaglioso, au temps de Guillaume Ier, dit
le Méchant, roi de Naples et de Si, ile ;
» Il ne sera pas pendu, comme Villon le poëte,
Villon, l'argotier, Villon le voleur, Villon-Crede-
\ille;ViHon le prince des sots ;
» Il ne sera pas tiré à quatre chevaux, comme
Damions ;
» Mis en croix, comme Barabas ; '
» Enterré vif, comme Perrette. Mauger, au
temps de Louis XI;
» Poignardé dans son bain, comme Marat;
» Fusille dans un fauteuil, comme d'Elbée;
» Mené a rebours sur un âne, comme Perkins-
Warbec;
» Berne, comme l'ecuyer de Don QuicllOlte;
» Mangé, par un lion, comme M. Martin;
» Bat'ude verges, comme Candide;
» Brûle, comme s ai n t Laurent;
» Etranglé, comme Je prince de Condé;
» Non, rien de tout cela. — Il fera tout sim-
pdemc'nt son temps il Sainte-Pélacrie, comme au-
trefois, sous LI Bcstauration. MM. Jay, Jouy,
Cauchois-Lemaire et Béranger. »
Quels étranges rapprochements ! Combien ces
plaisan eries semblent lugubres en présence du
sort qui attendait ce malheureux.
Il me paraissa tassez étonnant qu'il n'eût pas
été dit un mot devant la Cour d'assises de Bourg
de ces antécédents de lle\-Lel. Je me méfie des
assassins en g-é]:}l'ral, et dt s assassins lettrés plus
que de tous autres. Je consacrai bravement plu-
sieurs heures à compulser -lesregistres de Sainte-
Pélagie, delà Force, des Madelonnettes et de la
Conciergerie pour les années 1831-1832; j(' ne
rencontrai pas une seule fois le nom de mon
homme. Il y a bien eu un nommé Pét l. con-
damné par le conseil de p-UTrc, mais, outre la
différence d'orthographe, en 1 ui-ci était composi-
teur-typographe à la l'riounc, journal auquel je
travaillais à cette époque. Je poussai mes re-
cherches plus loin, j'acquis la certitude, non-seu-
lement que Peytel n'avait jamais été condamné
politique, mais qu'il n'avait jamais été surveillé.
Pourquoi donc a t-il inséré cette fable dans la
préface de la Physiologie de le Poire? Pour se
rendre intéressant et mieux assurer à son livre
l'appui de ses coreligionnaires politiques.
Ayant perdu l'espoir de se faire uni'position
lans la carrière des lettres, Peytel, à la fin de
1834, quitta Paris, où ce nom devait retentit
Illatro ans plus tard comme celui d'un assaSSlI1,
B. MAURICE.
(La suite au prochain numéro.)
Le rddacteuv en c'itf.
A. DE IIAI.ATIIII.;!t BRAGELONNE.
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