Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-05-11
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 mai 1866 11 mai 1866
Description : 1866/05/11 (N24)-1866/05/12. 1866/05/11 (N24)-1866/05/12.
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4719083t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 07/11/2017
LA PRESSE ILLUSTRÉE
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numêf^
S cent. le numéro.
ABONNEMENTS — Trois vS&..gàmsi
Paris .... < « fr.\ > S f r.
Départements. ? *
! VENDREDI T SAMEDI, Il ET 12 MAI 1866. — N° U. 1
BUREAUX D'ABONNEMENT : 24, boulevard des Italiens. -
ADMINISTRATION : 15, rue lireda.
AVIS
Le numéro d'aujourd'hui contient la
magnifique vue de Venise et de la mer
Adriatique que nous avons annoncée
hier. -
Les deux page.* du milieu étant occu-
pées par cette gravure d'une dimension
inusitée, nous avons dû, pour ne point
sacrifier entièrement le texte, nous abste-
nir d'illustrer, suivant notre habitude,
la première et la quatrième pages du
journal.
ECHOS DE PARIS
Coin du feu, livres et tableaux, le moment
est venu de vous quitter.
— Tout le monde,sur le pont ! crie le porte
voix du capitaine dans l'orage.
— Tout le monde à la fenêtre! crient de
même les événements impérieux.
Adieu la rêverie, la réflexion, l'étude.
Qu'y a-t-il de nouveau?
Là bas, à Pétersbourg, un fanatique, sorti
de la noblesse, attente à la vie du czar.
Là bas, à Berlin, un fanatique, sorti du
peuple, décharge un revolver sur M. de Bis-
mark.
L'empereur et le ministre sont sauvés.
Le meurtrier du second s'est ouvert la
gorge.
On va donner la question au meurtrier de
l'autre.
De l'Elbe au Mincio, les lourds canons font
trembler les routes, et les bataillons défilent
dans les villes...
Ces bataillons, les uns venant du Nord et
les autres du Midi, finiront-ils par se rencon-
trer ?
Au delà du Rhin, tout se fait sagement,
prudemment, lentement.
En 484S, un parisien trois fois parisien,
Nadar, quitte Paris pour aller délivrer la Po-
logne..
il arrive à Dresde.
Dans les rues, de chaque côté du ruisseau,
il remarque des petits tas de pavés anodins. !
— Qu'est-ce que cela? demande-t-il.
On lui répond :
— Des barricades.
— Comment ! des barricades ! mais cela ne
barre même pas la rue!
— Sans doute ! si la rue était barrée, com-
ment passerait-on ? . - .
Telles sont les nouvelles de l'étranger.
A Paris, on commente des discours, les
cours de la Bourse continuent à baisser, et
les. recettes des théâtres font comme les cours
de la Bourse.
Encore un peu de temps; et M. le direc-
teur du Vaudeville arrêtera les spéculateurs
malheureux qui passent devant son théâtre,
afin de leur proposer des billets à prix réduit.
M. Victorien Sardou s'est confiné dans sa
maison,de Marly.
Depuis que le conseil municipal, de Vienne
a décrété un portrait de Ponsard, un buste de
Ponsard, une coupe et une couronne pour
Ponsard, M. Sardou ne dort plus.
Comme le bonhomme Poirier, il. s'avoue —
en baissant la tête — qu'il est « ambitieux! »
Il voudrait que les notables de Marly imi-
tassent les notables de Vienne.
Comme Diderot, il attend sa statue.
M. Bagier n'a pas laissé que d'attendre
aussi sa subvention.
Enfin, le gouvernement lui accorde cin-
quante mille francs.
C'est le prix de la Patti pour dix soirées.
On s'égaye beaucoup sur le tour de France
que vont entreprendre les comédiens de
l'Odéon.
Got, à cheval, fera son entrée dans les
chefs-lieux, suivi de Berton conduisant un
char, et de Madame Doche, en Colombfne,
frappant avec une baguette sur l'affiche de la
Contagion: Entrez ! Entrez! La vue n'en coûte
que deux francs !...
Ce-sera fort plaisant.
Mais ce qui ne l'était pas moins, et ce qu'on
ne sait pas assez, c'est 'que les artistes des
Italiens ont fait pendant tout l'hiver le jo'i
métier que les artistes de l'Odéon vont faire
pendant l'été.
Chaque semaine, Mme Anna de Lagrange,
Mlle Vitali, le ténor Nicolini et quelques autres
étaient expédiés soit à Rouen, soit à Bruxel-
les. Ils arrivaient, chantaient avec accompa-
gnement de chœurs belges ou normands,
rentraient -à Paris, répétaient et repartaient
de nouveau.
Ce qu'ils gagnaient en route aidait à rem-
plir la caisse vidée par la Patti.
Les chanteurs ambulants 'payaient l'étoile
fixe.
Je continue cette petite revue des théâtres.
Mlle Thuiliier donne sa représentation de
retraite.
Le Gymnase donne le Tourbillon, de M. Mi-
chel Carré.
Les Variétés préparent — pour un avenir
lointain — une revue de M. Siraudin.
- La Porte Saint-Martin répète Richard III
ou ijÀ on père, je ne croix pas avoir fait une
œuvre médiocre, de M. Victor Séjour :
« fr. toi le Northumberland , Stanley. —
A toi le comté de Galles, Northumberland...
etc., etc... »
Pendant un mois, le Cirque du Prince Im-
périal a annoncé tous les jours qu'il ouvrirait
le lendemain.
La salle était prête, les décors en place, les
chevaux à l'écurie.
Les auteurs avaient fait répéter leurs pièces
et les acteurs savaient leurs rôles.
Un seul petit détail a paralysé tout cet en-
semble.
Le théâtre ne tenait pas sur ses fondations.
Un coup de vent, une salle comble, et les
murs seraient tombés sur la tête des specta-
teurs!...
En attendant que les architectes se soient
mis d'accord sur les moyens de consolider ce
château de cartes, les acteurs ont loué le
cirque Napoléon pour y jouer provisoirement
leur répertoire...
MlleCéline Montaland est rentrée au Palais-
Royal .
Elle en était partie en 1852, décidée à con-
quérir la toison d'or.
Encore une artiste voyageuse !
Elle avait djx ans quand elle entreprit son
tour de France, entre un voyage en Hollande
et un autre, en Italie..
Jè la vois encore, débarquant sur le quai de
ma petite ville. Son père surveillait les ba-
gages, et sa mère lui donnait la main. Elle
venait de faire douze lieues sur le pont d'un
bateau à vapeur; elle allait répéter dans une
heure et jouer le soir, comme elle avait joué
la veille. Bah ! elle était fraîche et reposée.
Elle riait d'un bon rire d'enfant, et, tout le
long du chemin, elle mangeait des cerises
qu'elle tirait d'un petit panier suspendu à son
bras.
Le mois suivant, la duchesse de Gênes lui
donnait des bonbons à croquer, et Victor-
ien manuel passait une grande revue en son
honneur. Au moment où les canons allaient
tonner : -
— Ne tirez pas I cria le roi ; cela effrayerait '
l'enfant !
— Tirez! dit bravement Céline; tirez ! je
n'ai pas peur. , , ■
En quittant Turin, elle revint à Paris et
rentra au Palais-Royal, en même temps qu'une
autre voyageuse, Rachel, rentrait au Théâtre-
Français. Elle en sortit de nouveau pour faire
de nouveaux voyages. Cette fois elle traversa
les Pyrénées; une autre fois elle mit brave-
ment le pied sur un vaisseau et s'en alla en
Afrique.
A Alger, le général Bosquet la surnomma
Y Enfant Bonheur.
Ce n'est qu'en 1860 que la Porte Saint-
Martin nous l'a rendue en espagnole du Pied
de mouton,
La pièce de début de Mme Montaland s'ap-
pelle la Dent de Sagesse.
Elle est suivie d'une spirituelle bouffonne-
rie de Cham, intitulée : Le Myosotis.
. Ce qu'il me faut à moi, qui ne suis qu'un enfant,
Un enfant inhabile aux plaisirs de la terre,
C'est une fleur au bord d'un sentier solitaire •
Plein d'ombre et de fraîcheur, une feuille glissant
A la pente de l'eau. Ce qui cause ma joie,
C'est le jonc où le vent siffle, où ronde tournoie,
Ef. près du banc de pierre où je reviens m'asseoir.
Un genêt tout fleuri qui tremble a i vent du soir.
La chose la plus humble et la plus délaissés
Suffit, pendant une heure, à remplir ma pensée :
Le bluet qu'en couro;in*'on se l'lait à lier,
Et le Myosotis, qui défend d'oublier.
La pièce du Palais-Royal n'a rien de com-
mun, je n'ai pas besoin de vous le dire, avec
ces beaux vers d'Hégésippe Moreau, qui man-
quent dans l'édition de ses œuvres, et que je
retrouve pour vous dans une revue d'il y a
vingt ans.
TONY RÉVILLON.
LES CONTES DU DRAPEAU
1er ÉPISODE
LES COSAQUES A PARIS
PAR
PONSON DU TERRAIL
Prologue
LA BATAILLE DE MONTMIRAIL
XXIV
Jean Michel avait donc dédaigné de fuir. I
Quand le chevalier et Mâchefer eurent disparu
par ce trou béant, le vieux fermier se dit :
— Chacun a ses principes. Je n'ai pas voulu
fuir, parce que je n'ai plus que quelques jours à
vivre, et qu'à mon âge, reculer devant la mort est
une lâcheté.
Mais le jeune homme a bien fait.
Il est le fils du château, il a une mère... il '
doit épouser sa cousine Mlle Charlotte.
Il a bien fait!
Et il se leva de son lit de paille et s'approcha
du banc sur lequel les soldats s'étaient endor-
mis.
Frantz et Joseph ronflaient comme des tou-
pies hollandaises.
Le premier avait parfaitement compris se qui
était arrivé.
V t'if les ttttjadcos para» depuis le 48 avril.
Le vin offert par le chevalier, qui n'avait bu
que de l'eau, était mélangé d'une substance so-
porifique.
Jean Michel les secoua l'un après l'autre.
Tous deux soupirèrent.
Aucun ne s'éveilla.
Alors lé fermier se dit encore, tandis qu'un
sourire malicieux glissait sur ses lèvres :
— Il ne'faut pas qu'on sache par où il a pu
s'échapper.
Ils croiront à un miracle, ces mécréants É
Et il repoussa. la dalle et l'ajusta dans son
alvéole avec la précision d'un ouvrier maçon.
Puis, avec ses mains, il remplit de poussière
les fentes qui l'entouraient, et, en quelques mi-
nutes, il répara si bien la besogne de Mâchefer
qu'il eût été impossible de dire quelle était 4st
dalle qui avait été déplacée.
Après quoi, il se coucha tout de son longuet
attendit.
Deux heures s'écoulèrent.
On n'entendait aucun bruit dans la salle basse
où avaient été enfermés les deux prisonniers.
Les soldats qui causaient assez bruyamment
naguères s'étaient tû subitement.
Le sergent et les quatre hommes de garde
dans la pièce voisine finirent par s'inquiéter de
ce silence.
Le sergent ouvrit la porte.
D'abord il ne vit que les soldats qui dormaient
sur leur banc.
— Voici deux gaillards qui feront cennaissance
avec la salle de police, dit-il.
Et il entra.
Jean Michel était immobile sur sa paille et
paraissait dormir.
Mais où était le chevalier?
Le sergent cria aux armes.
Les hommes accoururent et. s'arrêtèrent stu-
péfaits sur le seuil.
Les deux factionnaires ne s'étaient pas
éveillés.
Seul, Jean Michel leva la tête.
— Où est l'autre? où est l'autre? criait le ser-
gent.
— Les anges sont venus le chercher, ricana
Jean Michel.
Le sergent ne croyait que médiocrement à
l'intervention des anges.
L'officier qui commandait le poste de la maison
commune fut averti et accourut en toute hâte.
Ce fut un véritable moment de stupeur.
Le chevalier s'était évadé.
Par où? Comment?
Les soldats dormaient toujours, et on recon-
nut bien vite qu'ils avaient avalé une forte dé-
coction de jus de pavots.
Un seul homme aurait pu dire ce qu'était de-
venu le chevalier.
Mais cet homme, Jean Michel, refusa de
parler.
— Si vous êtes pressé, dit-il, fusillez-moi tout
de suite.
Et il rentra dans son silence plein de dignité
et de dédain.
Les soldats- sondèrent les murs à coups de
crosse, vérifièrent les barreaux d'une fenêtre.
Les murs rendirent partout un son mat et
plein, les barreaux étaient intacts,
Nul ne songea au sol et au chemin souterrain
qu'avait pris le fugitif.
Il fallut se résigner.
— Tu payeras pour deux, toi ! dit le sergent à
Jean Michel.
— Je suis prêt, répondit le vieillard.
A partir de ce moment, il ne parla plus.
On avait emporté les deux ivrognes et on les
avait remplacés par deux vieux soldats qui pas-
sèrent le reste de la nuit l'arme au bras.
Le jour vint.
Jean Michel avait fini par s'endormir.
Et une fois endormi, il rêva à ba Toinette bien.
aimée, l'enfant pleurée si longtemps, et qu'il
n'avait revue quelques minutes que pour lui dire
un éternel adieu.
Quand il s'éveilla, le soleil entrait à flots dans
la salle basse.
Un bruit sourd retentissait dans l'éloigDV
ment.
Les deux grognards étaient toujours là..
— Est-ce l'heure? demanda le vieillard.
— Quelle heure ? fit un des soldats. k
— L'heure de me fusillér. - >
— Cela ne nous regarde pas.
Jean Michel prêta l'oreille.
— J'entends le canon, dit-il.
Oui, répondit un des grognards avec hu-
meur. On se bat à Montmirail et nous n'y som-
mes pas! Nous aimerions mieux cela cependant,
que de garder un vieil imbécile comme toi.
Le fermier se tut de nouveau.
PONSON DU TERRAIL.
(L/J tut to at6 prothain numirt.) . -1
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numêf^
S cent. le numéro.
ABONNEMENTS — Trois vS&..gàmsi
Paris .... < « fr.\ > S f r.
Départements. ? *
! VENDREDI T SAMEDI, Il ET 12 MAI 1866. — N° U. 1
BUREAUX D'ABONNEMENT : 24, boulevard des Italiens. -
ADMINISTRATION : 15, rue lireda.
AVIS
Le numéro d'aujourd'hui contient la
magnifique vue de Venise et de la mer
Adriatique que nous avons annoncée
hier. -
Les deux page.* du milieu étant occu-
pées par cette gravure d'une dimension
inusitée, nous avons dû, pour ne point
sacrifier entièrement le texte, nous abste-
nir d'illustrer, suivant notre habitude,
la première et la quatrième pages du
journal.
ECHOS DE PARIS
Coin du feu, livres et tableaux, le moment
est venu de vous quitter.
— Tout le monde,sur le pont ! crie le porte
voix du capitaine dans l'orage.
— Tout le monde à la fenêtre! crient de
même les événements impérieux.
Adieu la rêverie, la réflexion, l'étude.
Qu'y a-t-il de nouveau?
Là bas, à Pétersbourg, un fanatique, sorti
de la noblesse, attente à la vie du czar.
Là bas, à Berlin, un fanatique, sorti du
peuple, décharge un revolver sur M. de Bis-
mark.
L'empereur et le ministre sont sauvés.
Le meurtrier du second s'est ouvert la
gorge.
On va donner la question au meurtrier de
l'autre.
De l'Elbe au Mincio, les lourds canons font
trembler les routes, et les bataillons défilent
dans les villes...
Ces bataillons, les uns venant du Nord et
les autres du Midi, finiront-ils par se rencon-
trer ?
Au delà du Rhin, tout se fait sagement,
prudemment, lentement.
En 484S, un parisien trois fois parisien,
Nadar, quitte Paris pour aller délivrer la Po-
logne..
il arrive à Dresde.
Dans les rues, de chaque côté du ruisseau,
il remarque des petits tas de pavés anodins. !
— Qu'est-ce que cela? demande-t-il.
On lui répond :
— Des barricades.
— Comment ! des barricades ! mais cela ne
barre même pas la rue!
— Sans doute ! si la rue était barrée, com-
ment passerait-on ? . - .
Telles sont les nouvelles de l'étranger.
A Paris, on commente des discours, les
cours de la Bourse continuent à baisser, et
les. recettes des théâtres font comme les cours
de la Bourse.
Encore un peu de temps; et M. le direc-
teur du Vaudeville arrêtera les spéculateurs
malheureux qui passent devant son théâtre,
afin de leur proposer des billets à prix réduit.
M. Victorien Sardou s'est confiné dans sa
maison,de Marly.
Depuis que le conseil municipal, de Vienne
a décrété un portrait de Ponsard, un buste de
Ponsard, une coupe et une couronne pour
Ponsard, M. Sardou ne dort plus.
Comme le bonhomme Poirier, il. s'avoue —
en baissant la tête — qu'il est « ambitieux! »
Il voudrait que les notables de Marly imi-
tassent les notables de Vienne.
Comme Diderot, il attend sa statue.
M. Bagier n'a pas laissé que d'attendre
aussi sa subvention.
Enfin, le gouvernement lui accorde cin-
quante mille francs.
C'est le prix de la Patti pour dix soirées.
On s'égaye beaucoup sur le tour de France
que vont entreprendre les comédiens de
l'Odéon.
Got, à cheval, fera son entrée dans les
chefs-lieux, suivi de Berton conduisant un
char, et de Madame Doche, en Colombfne,
frappant avec une baguette sur l'affiche de la
Contagion: Entrez ! Entrez! La vue n'en coûte
que deux francs !...
Ce-sera fort plaisant.
Mais ce qui ne l'était pas moins, et ce qu'on
ne sait pas assez, c'est 'que les artistes des
Italiens ont fait pendant tout l'hiver le jo'i
métier que les artistes de l'Odéon vont faire
pendant l'été.
Chaque semaine, Mme Anna de Lagrange,
Mlle Vitali, le ténor Nicolini et quelques autres
étaient expédiés soit à Rouen, soit à Bruxel-
les. Ils arrivaient, chantaient avec accompa-
gnement de chœurs belges ou normands,
rentraient -à Paris, répétaient et repartaient
de nouveau.
Ce qu'ils gagnaient en route aidait à rem-
plir la caisse vidée par la Patti.
Les chanteurs ambulants 'payaient l'étoile
fixe.
Je continue cette petite revue des théâtres.
Mlle Thuiliier donne sa représentation de
retraite.
Le Gymnase donne le Tourbillon, de M. Mi-
chel Carré.
Les Variétés préparent — pour un avenir
lointain — une revue de M. Siraudin.
- La Porte Saint-Martin répète Richard III
ou ijÀ on père, je ne croix pas avoir fait une
œuvre médiocre, de M. Victor Séjour :
« fr. toi le Northumberland , Stanley. —
A toi le comté de Galles, Northumberland...
etc., etc... »
Pendant un mois, le Cirque du Prince Im-
périal a annoncé tous les jours qu'il ouvrirait
le lendemain.
La salle était prête, les décors en place, les
chevaux à l'écurie.
Les auteurs avaient fait répéter leurs pièces
et les acteurs savaient leurs rôles.
Un seul petit détail a paralysé tout cet en-
semble.
Le théâtre ne tenait pas sur ses fondations.
Un coup de vent, une salle comble, et les
murs seraient tombés sur la tête des specta-
teurs!...
En attendant que les architectes se soient
mis d'accord sur les moyens de consolider ce
château de cartes, les acteurs ont loué le
cirque Napoléon pour y jouer provisoirement
leur répertoire...
MlleCéline Montaland est rentrée au Palais-
Royal .
Elle en était partie en 1852, décidée à con-
quérir la toison d'or.
Encore une artiste voyageuse !
Elle avait djx ans quand elle entreprit son
tour de France, entre un voyage en Hollande
et un autre, en Italie..
Jè la vois encore, débarquant sur le quai de
ma petite ville. Son père surveillait les ba-
gages, et sa mère lui donnait la main. Elle
venait de faire douze lieues sur le pont d'un
bateau à vapeur; elle allait répéter dans une
heure et jouer le soir, comme elle avait joué
la veille. Bah ! elle était fraîche et reposée.
Elle riait d'un bon rire d'enfant, et, tout le
long du chemin, elle mangeait des cerises
qu'elle tirait d'un petit panier suspendu à son
bras.
Le mois suivant, la duchesse de Gênes lui
donnait des bonbons à croquer, et Victor-
ien manuel passait une grande revue en son
honneur. Au moment où les canons allaient
tonner : -
— Ne tirez pas I cria le roi ; cela effrayerait '
l'enfant !
— Tirez! dit bravement Céline; tirez ! je
n'ai pas peur. , , ■
En quittant Turin, elle revint à Paris et
rentra au Palais-Royal, en même temps qu'une
autre voyageuse, Rachel, rentrait au Théâtre-
Français. Elle en sortit de nouveau pour faire
de nouveaux voyages. Cette fois elle traversa
les Pyrénées; une autre fois elle mit brave-
ment le pied sur un vaisseau et s'en alla en
Afrique.
A Alger, le général Bosquet la surnomma
Y Enfant Bonheur.
Ce n'est qu'en 1860 que la Porte Saint-
Martin nous l'a rendue en espagnole du Pied
de mouton,
La pièce de début de Mme Montaland s'ap-
pelle la Dent de Sagesse.
Elle est suivie d'une spirituelle bouffonne-
rie de Cham, intitulée : Le Myosotis.
. Ce qu'il me faut à moi, qui ne suis qu'un enfant,
Un enfant inhabile aux plaisirs de la terre,
C'est une fleur au bord d'un sentier solitaire •
Plein d'ombre et de fraîcheur, une feuille glissant
A la pente de l'eau. Ce qui cause ma joie,
C'est le jonc où le vent siffle, où ronde tournoie,
Ef. près du banc de pierre où je reviens m'asseoir.
Un genêt tout fleuri qui tremble a i vent du soir.
La chose la plus humble et la plus délaissés
Suffit, pendant une heure, à remplir ma pensée :
Le bluet qu'en couro;in*'on se l'lait à lier,
Et le Myosotis, qui défend d'oublier.
La pièce du Palais-Royal n'a rien de com-
mun, je n'ai pas besoin de vous le dire, avec
ces beaux vers d'Hégésippe Moreau, qui man-
quent dans l'édition de ses œuvres, et que je
retrouve pour vous dans une revue d'il y a
vingt ans.
TONY RÉVILLON.
LES CONTES DU DRAPEAU
1er ÉPISODE
LES COSAQUES A PARIS
PAR
PONSON DU TERRAIL
Prologue
LA BATAILLE DE MONTMIRAIL
XXIV
Jean Michel avait donc dédaigné de fuir. I
Quand le chevalier et Mâchefer eurent disparu
par ce trou béant, le vieux fermier se dit :
— Chacun a ses principes. Je n'ai pas voulu
fuir, parce que je n'ai plus que quelques jours à
vivre, et qu'à mon âge, reculer devant la mort est
une lâcheté.
Mais le jeune homme a bien fait.
Il est le fils du château, il a une mère... il '
doit épouser sa cousine Mlle Charlotte.
Il a bien fait!
Et il se leva de son lit de paille et s'approcha
du banc sur lequel les soldats s'étaient endor-
mis.
Frantz et Joseph ronflaient comme des tou-
pies hollandaises.
Le premier avait parfaitement compris se qui
était arrivé.
V t'if les ttttjadcos para» depuis le 48 avril.
Le vin offert par le chevalier, qui n'avait bu
que de l'eau, était mélangé d'une substance so-
porifique.
Jean Michel les secoua l'un après l'autre.
Tous deux soupirèrent.
Aucun ne s'éveilla.
Alors lé fermier se dit encore, tandis qu'un
sourire malicieux glissait sur ses lèvres :
— Il ne'faut pas qu'on sache par où il a pu
s'échapper.
Ils croiront à un miracle, ces mécréants É
Et il repoussa. la dalle et l'ajusta dans son
alvéole avec la précision d'un ouvrier maçon.
Puis, avec ses mains, il remplit de poussière
les fentes qui l'entouraient, et, en quelques mi-
nutes, il répara si bien la besogne de Mâchefer
qu'il eût été impossible de dire quelle était 4st
dalle qui avait été déplacée.
Après quoi, il se coucha tout de son longuet
attendit.
Deux heures s'écoulèrent.
On n'entendait aucun bruit dans la salle basse
où avaient été enfermés les deux prisonniers.
Les soldats qui causaient assez bruyamment
naguères s'étaient tû subitement.
Le sergent et les quatre hommes de garde
dans la pièce voisine finirent par s'inquiéter de
ce silence.
Le sergent ouvrit la porte.
D'abord il ne vit que les soldats qui dormaient
sur leur banc.
— Voici deux gaillards qui feront cennaissance
avec la salle de police, dit-il.
Et il entra.
Jean Michel était immobile sur sa paille et
paraissait dormir.
Mais où était le chevalier?
Le sergent cria aux armes.
Les hommes accoururent et. s'arrêtèrent stu-
péfaits sur le seuil.
Les deux factionnaires ne s'étaient pas
éveillés.
Seul, Jean Michel leva la tête.
— Où est l'autre? où est l'autre? criait le ser-
gent.
— Les anges sont venus le chercher, ricana
Jean Michel.
Le sergent ne croyait que médiocrement à
l'intervention des anges.
L'officier qui commandait le poste de la maison
commune fut averti et accourut en toute hâte.
Ce fut un véritable moment de stupeur.
Le chevalier s'était évadé.
Par où? Comment?
Les soldats dormaient toujours, et on recon-
nut bien vite qu'ils avaient avalé une forte dé-
coction de jus de pavots.
Un seul homme aurait pu dire ce qu'était de-
venu le chevalier.
Mais cet homme, Jean Michel, refusa de
parler.
— Si vous êtes pressé, dit-il, fusillez-moi tout
de suite.
Et il rentra dans son silence plein de dignité
et de dédain.
Les soldats- sondèrent les murs à coups de
crosse, vérifièrent les barreaux d'une fenêtre.
Les murs rendirent partout un son mat et
plein, les barreaux étaient intacts,
Nul ne songea au sol et au chemin souterrain
qu'avait pris le fugitif.
Il fallut se résigner.
— Tu payeras pour deux, toi ! dit le sergent à
Jean Michel.
— Je suis prêt, répondit le vieillard.
A partir de ce moment, il ne parla plus.
On avait emporté les deux ivrognes et on les
avait remplacés par deux vieux soldats qui pas-
sèrent le reste de la nuit l'arme au bras.
Le jour vint.
Jean Michel avait fini par s'endormir.
Et une fois endormi, il rêva à ba Toinette bien.
aimée, l'enfant pleurée si longtemps, et qu'il
n'avait revue quelques minutes que pour lui dire
un éternel adieu.
Quand il s'éveilla, le soleil entrait à flots dans
la salle basse.
Un bruit sourd retentissait dans l'éloigDV
ment.
Les deux grognards étaient toujours là..
— Est-ce l'heure? demanda le vieillard.
— Quelle heure ? fit un des soldats. k
— L'heure de me fusillér. - >
— Cela ne nous regarde pas.
Jean Michel prêta l'oreille.
— J'entends le canon, dit-il.
Oui, répondit un des grognards avec hu-
meur. On se bat à Montmirail et nous n'y som-
mes pas! Nous aimerions mieux cela cependant,
que de garder un vieil imbécile comme toi.
Le fermier se tut de nouveau.
PONSON DU TERRAIL.
(L/J tut to at6 prothain numirt.) . -1
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