Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1869-11-03
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 03 novembre 1869 03 novembre 1869
Description : 1869/11/03 (A4,N1294). 1869/11/03 (A4,N1294).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4718296t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 07/11/2017
Thonorable corporation des voleurs ne pouvait laisser
)chapper une si belle occasion de fouiller les poches
ie ses contemporains.
Croyez qu'elle n'y a point manqué.
Par exemple, toutes les recherches que j'ai pu faire
à ce sujet n'ont pu me permettre d'établir, même ap-
proximativement, le chiffre des valeurs prélevées, tant
en monnaie qu'en bijoux, montres, chaînes, mou-
choirs, etc., etc.
Foree nous sera donc de ne point faire entrer en
ligne de compte cette dernière somme, qui assuré-
ment n'est pas la moindre, et de nous contenter du
total . déjà fort respectable de vn million huit cent-
quatre-vingt-quinze mille francs. —
EDOUARD DANGIN.
(Le Gaulois.)
TRIBUNAUX
COUR D'ASSISSES DU VAR (séant à Draguignan)
Présidence de M. Figarelli, conseiller à la Cour
impériale d'Aix.
Audience du mardi 2 novembre.
LE DRAME DE TOULON
Acte d'accusation.
Le 24 septembre dernier, la nouvelle d un mystérieux
assassinat commis, la nuit précédente, rue du Parti,
dans la maison portant le no 10, répandit tout à coup
la consternation dans la ville de Toulon.
La victime de cet assassinat, le sieur Samson, occu-
pait un rang honorable dans le commerce toulonnais.
Depuis le commencement de l'été, sa famille habitait
la campagne, tandis que lui-même était retenu à la
ville p.ir les soins de son commerce. Le jeudi 23 du
mois de septembre dernier, il avait, selon son habi-
tude, quitte son comptoir vers sept heures du soir pour
aller Jiezlui changer de vêtements et de là se rendre
chez le Jeur Causse, son contre-maître, pour souper avec
lui, comme il avait coutume de le faire pendant l'ab-
sence de sa famille. Le sieur Causse l'attendit jusqu'à
huit neures et quart, il alla même frapper à sa porte;
mais, n'ayant obtenu aucune réponse, il rentra chez lui
tt soupa seul.
- Le lendemain, vers neuf - heures et demie, Mme
Bam- -on revenant de la campagne, après avoir tait vai-
îemeni chercher son mari, se décida à faire ouvrir la.
lorte son domicile par un serrurier. Un spectacle
tiorriïjlft s'offrit à sa vue lorsqu'elle pénétra dans sa
îhambre à coucher. Le cadavre du sieur Samson était
étendu la face contre terre et baignait dans une mare
de sang. Les constatations faites par les magistrats, ar-
rivés quelques instants après sur les lieux, révélèrent,
dès la première heure, un crime. Le nombre, la place
et le caractère des blessures ne pouvaient laisser au-
4 cun doute à cet égard. Ces blessures étaient au nom-
* bre de vingt-trois. Profondes pour la plupart, elles
avaient lésé les organes essentiels à la vie; quelques-
unes avaient dû entraîner la mort en un temps fort
souri;. La tête de la victime avait été littéralement dé-
chiquetée à coups de coutha*; le crâne portait sept
plaies larges et béantes; le pavillon de l'oreille droite
était presque entièrement détaché, et à la région cer-
vicale se trouvaient, deux plaies si.profondes que la sec-
tion totale des muscles decette région avait été opérée.
Les objets épars sur le carreau, la position du ca-
davre, les entailles qu'il portait aux mains et d'autres
indices encore démontraient que le sieur Samson, doué
d'une très-grande force, avait dû lutter, au moins pen-
dant quelques instants, avec toute l'énergie du désespoir
contre son assassin.
Diverses a-utres constatations importantes furent im-
médiatement faites par les magistrats. Dans la pièce
©à le crime avait été commis, on remarquait quatre
empreintes très-nettes de pieds nus ensanglantés. Il
était facile de reconnaître que 'l'assassin avait eu . la
précaution de quitter ses ahaussures pour commettre
l'attentat, et qu'après avoir, tout dégouttant encore du
sang de sa victime, parcouru les diverses pièces de
l'appartement, il était allé dans la cuisine se laver
dans un grand vase que l'on trouvait encore plein d'eau
sanguinolente. Au milieu de la mare de sang où gi-
sait le cadavre de M. Samson, se trouvaient une carte
photographique de femme et une lettre. La photogra-
phie était déchirée et on avait eu soin d'enlever soit
dans ie bas à gauche, soit au verso le nom du photo-
graphe. La lettre était en partie recouverte de sang; on
distinguait cependant qu'elle était d'une écriture dégui-
' sée. Soumise à des procédés chimiques, elle a pu être
lue et reproduite. Par cette lettre une femme inconnue
déclarait s'être vengée de ce que M. Samson l'avait dé-
laissée pour une autre maîtresse, et pour donner plus
d'apparence à cette invention, on avait lacéré deux
portraits de la victime qui se trouvaient dans son ap-
partement.
Malgré toutes ces précautions prises pour égarer la
justice, elle fut mise immédiatement sur les traces du
toupable. On savait, en effet, dans le quartier qu'un
jeune homme violent et débauché, nommé Consauve,
qui habitait la même maison que M. Samson, avait
3'our maîtresse une ancienne domestique de ce com-
merçant, nommée Marie Maxime, et qu'il témoignait
des sentiments très-vifs de jalousie à l'égard de M.
Samson qui avait entretenu pendant plusieurs années
et qui entretenait peut-être encore des relations avec
cette jeune fille. Un indice récent venait confirmer ces
soupçons. Dix ou douze jours avant le crime, Marie
Maxime était allée se plaindre au parquet, en compa-
gnie de M. Samson, des poursuites et des menaces
dont elle était l'objet de -la part de Consauve, qui l'a-
vait lassée par ses obsessions et dont elle voulait être
délivrée. Mandé au parquet pour expliquer sa oonduite,
l'accusé avait paru vivement impressionné lorsqu'il
apprit que M. Samson avait accompagné la plai-
gnante.
Ordre fut immédiatement donné de rechercher
Marie Maxime et Consauve.
Marie Maxime fut trouvée sans peine à son domi-
cile. Elle fournit sur l'emploi de son tem-ps pendant la
soirée et la nuit précédente des explications précises
qui furent vérifiées de tous points et établirent com-
piétement son innocence; mais IBo; renseignements
qu'elle fournit à la justice au sujet de ses relations
avec Consauve aggravèrent encore les indices qui
existaient déjà contre cet individu. Elle raconta en
effet que, pendant tout le temps qu'elle avait été au
service de M. Samson, elle avait eu des relations avec
son maître; qu'à la même époque Consauve, qui ha-
bitait la même maison, la poursuivait .sans cesse de
ses propositions; qu'au mois de juin dernier, renvoyée
Jar Mme Samson, elle- s'était retirée dans un village
es Alpes-Maritimes; q.ue Consauve était venu l'y
chercher, lui promettant'le mariage; qu'il l'avait pro-
menée1 à. Paris, à - Cette, et qu'après. avoir ainsi dissipé
toutes les économies de cette fille, il l'avait placée dans
un couvent, à Montpellier, re voulant pas la laisser à
Toulon à cause de la jalousie que lui inspirait M.
Samson; qu'elle était revenue à Toulon malgré lui,
décidée à se soustraire à sa tyrannie, et qu'elle avait
repris ses relations avec son ancien maître; que depuis
ce temps Consauve la poursuivait sans cesæ, proférant
des menaces contre elle et contre M. Samson, et que
la veille même du crime, après l'avoir vivement adju-
rée une dernière fois de revenir à lui, il s'était écrié
en levant la main : « Marie, je' vous le jure, vous
vous rappellerez de moi dans quelques jours. Vous ou
un autre, vous me le payerez. »
En même temps que ces déclarations étaient recueil-
lies, l'instruction suivait son cours, elle déterminait
l'heure précise de l'assassinat, qui avait été commis de
7 à 9 heures du soir et constatait que l'assassin avait
soustrait à sa victime une somme de 998 francs; enfin
la justice découvrait une no-ivelle charge très-grave
contre Consauve : c'est que six jours avant le crime
il s'était fait faire par un serrurier, en lui fournissant
une empreinte, une clef semblable à celle qui ouvrait
l'appartement de M. Samson.
Cependant Consauve n'avait pu être retrouvé. Ses
parents déclaraient qu'il avait disparu le lendemain du
crime, sans les avertir et sans qu'ils pussent savoir
pourquoi.
Son signalement fut immédiatement envoyé dans
toutes les directions. Six jours après il était arrêté à
Marseille où il se cachait sous de faux noms et où il
avait déjà traité de son passage à New York, sur un
navire norwégien.
Mis en demeure de s'expliquer sur ce brusque dé-
part, il ne put en fournir aucune explication plausible.
Quoiqu'il eut fait à Marseille des dépenses considéra-
bles, il était encore nanti d'une somme de près de
300 francs qu'il prétendait avoir volée à ses parents au
moment de son départ. Mais ils lui opposèrent à cet
égard un formel démenti. Il donnait sur l'emploi de
son temps pendant la soirée du 23 septembre, dans la-
quelle le crime a été commis, des explications détail-
lées qui ont toutes été reconnues fausses et qu'il a é,té
obligé plus tard de rétracter. Enfin il portait au vi-
sage, aux pieds, aux jambes et aux mains des excoria-
tions et des blessures nombreuses qu'il cherchait à
expliquer en prétendant que des inconnus l'avaient
attaqué le jour de son départ de Toulon, mais qui
étaient évidemment le résultat de la lutte désespérée
à laquelle s'était livrée sa victime. Des hommes de
l'art désignés par la justice l'examinèrent avec plus
de soin et constatèrent que la plante de ses pieds con-
cordait exactement avec les empreintes sanglantes
laissées sur le sol de l'appartement de M. Samson,
concordance d'autant plus remarquable qu'une diffor-
mito* existant à l'un de ses pieds se retrouvait égale-
ment dans les empreintes correspondantes. On recon-
nut aussi l'existence de sang coagulé dans les
rainures des ongles de ses pieds, bien que les pieds
eux-mêmes fussent d'une propreté irréprochable; enfin
des taches de sang existaient sur quelques-unes des
pièces d'argent trouvées en sa possession.
Ce n'était pas assez : il fallait encore que les objets
mêmes destinés à égarer les investigations de la jus-
tice contribuassent à désigner l'assassin.
On sait qu'une photographie de femme lacérée avait
été retrouvée près du cadavre de M. Samson. La fille
Marie Maxime avait déclaré en avoir vu une pareille
entre les mains de Consauve, qui lui avait dit que
c'était le portrait d'une femme d'Albi; or, bien que le
coupable eût eu soin d'effacer le nom du photographe,
elle a été reconnue par un sieur Prompt, photographe
à Albi, comme étant sortie de ses ateliers, il y a plus
d'un an, à l'époque où l'accusé, soldat au 36° de ligne,
était en garnison dans cette ville. Enfin l'expert au-
quel a été soumise l'écriture contrefaite de la prétendue
lettre de femme, retrouvée dans la chambre de la vic-
time, a cru y reconnaître les caractères de l'écriture
de Consauve.
En présence de charges si accablantes, et après
avoir été tant de fois convaincu de mensonge, l'accusé
a pris en dernier lieu le parti de se réfugier dansilence absolu, déclarant qu'il sait tout, mais qu'il ne
parlera que devant ses juges.
Le soin qu'il a eu de commander six jours d'a-
vance une clef pour pénétrer c-hez M. Samson, de pré-
parer cette photographie et cette lettre, qui devaient
égarer les soupçons de la justice; les précautions qu'il
a prises en se dépouillant de ses chaussures pour com-
mettre le crime et en faisant disparaître, après l'avoir
commis, les traces de sang qui existaient sur sa. per-
sonne, tout indique que l'assassin a agi avec une lon-
gue préméditation et une froide énergie: il a d'ailleurs
donné la mesure de ':a. dépravation par l'indifférence
cynique qu'il a témoignée en présence du cadavre de
sa victime, et par la gaieté sinistre avec laquelle, au
retour de cette confrontation, il se vantait d'avoir bien
fait marronner les gendarmes en leur faisant faire
trois fois le tour de la caisse.
En conséquence, ledit Consauve Antoine, ci-dessus
dénommé et qualifié, est accusé :
Io D'avoir à Toulon, le 23 septembre IM9, soustrait
frauduleusement une somme de 998 francs 30 cen-
times, au préjudice du sfeur Samson;
Et ce, étant porteur d'une arme, à l'aide de vio-
lences, à l'aide de fausse clef, la nuit, dans une maison
habitée;
2° D'avoir, à la même époque et au même lieu,
commis volontairement un homicide sur la personne
du sieur Samson;
Et ce, avec préméditation, avec cette circonstance
que ledit homicide volontaire a été précédé Õu suivi
de la soustraction frauduleuse ci-dessus spécifiée.
DRAMES JUDICIAIRES
LE TIGRE-ROI(1)
PROLOGUE
XVIII
AYlll *
L'équipage de l' Alexandre était loin de parta-
ger les appréhensions d'Eléna, et les coups de vent
qu'il venait d'essuyer semblaient à tous, en quelque
sorte, un signe évident de la complicité de la Pro-
vidence.
Le navire n'était pas précisément désemparé,
mais les avaries étaient considérables, et en se
(1) Voir les numéros à partir du 17 octoBre.
présentant sans mât d'artimon, avec l'habitacle
arraché, les coutures de bâbord élargies de ma-
nière à laisser pénétrer l'eau, Marsaud pouvait
être cru quand il accuserait le chiffre de ses
morts.
Ce n'était plus un fait de piraterie, c'était tout
simplement un accident.
Aussi, le reste de la traversée que le trois-mâts
fournit pour atteindre Maurice, où il s'agissait de
se réparer, s'effectua-t-il au milieu de la. joie et
de la sécurité générales.
Eléna elle-même avait fini par se laisser ga-
gner; elle avait presque oubrié la scène épo-uvan-
table du 27 novembre, et s'abandonnait sanf3 re-
mords au bonheur qu'elle trouvait dans l-'amour
de Raymond.
Quant à ce dernier, il était enivré t
Jamais il n'avait éprouvé un sentiment si pro-
fond, jamais il n'avaii été si heureux.
Eléna l'aimait comme il n'avait pas encore été
aimé en ce monde, tout avait disparu' pour eux,
et le navire eût pu les engloutir, sans qu'il eussent
à regretter une ivresse.
L'amour de la je-une femme avait cela d'étrange
aussi, qu'il s'augmentait de toutes les terreurs
qu'en dépit de ses résolutions le souvenir du
crime lui apportait parfois.
Alors, elle déployait une âpreté, une énergie,
un emportement, qui étonnait Raymond; tout en
le charmant.
On eût dit qu'en prévision d'une séparation ou
d'une catastrophe, elle voulait épuiser tout de
suite et jusqu'au fond la coupe où sa lèvre s'eni-
vrait de bonheur... et le jeune lieutenant, incer-
tain, ébloui, fasciné, ne songeait pas à s'effrayer
d'un amour qui semblait se retremper même dans
la satiété.
Marsaud, de son côté, dégagé de toute préoc-
eupation de ce genre, avait pris toutes les mesu-
res que la prudence commandait.
Après l'assassinat de Lemoine, il avait fait si-
gner à l'équipage un procès-verbal pour constater
que la mort du capitaine et celle des autres per-
sonnes tuées étaient dues à la tempête que l'an
avait éprouvée.
Plus tard, il en dressa un autre, pour constater
que le décès de Gording devait être attribué à
une cause accidentelle.
Enfin, il fit un partage des effets appartenant
aux morts, et les plaça dans des sacs separés et
distincts, afin de prouver ainsi que l'on avait pro-
cédé régulièrement, qu'il n'y avait rien à repren-
dre à l'inventaire.
Ces précautions prises, le nouveau capitaine
pensa qu'il n'avait plus à redouter les investiga-
tions auxquelles il allait être soumis à son arrivée
à Maurice, et c'est avec une certaine impatience
même qu'il fit voile vers ce port.
L'Alexandre arriva dans les eaux de Maurice le
15 décembre 1837, vers une heure du soir.
Le temps était splendide, la mer profonde et
calme, et la brise poussait doucement le navire
vers la terre.
Marsaud était sur la dunette, Raymond et Eléna
se tenaient derrière lui.
Les autres matelots, Bellégou, Andrezet, Jolly,
Lagardère, etc., allaient et venaient sur le pont,
chacun en apparence indifférent, mais tous égale-
ment soucieux ou préoccupés.
Quand Maurice parut à l'horizon, et que l'on vit
se dessiner au loin les contours charmants de
cette île à la végétation luxuriante, un frémisse-
ment passa sur toiss ces hommes, et un même
sentiment s'empara de leurs cœurs.
Depuis un mois ils avaient oublié qu'il existait
une société, à laquelle ils devaient rendre compte
des crimes qu'ils avaient commis, et cette société
apparaissait tout à coup à leurs yeux.
Heureusement, pour eux, la perte de quelques
matelots, celle même du capitaine, n'étaient pas
des faits si rares dans la vie maritime, qu'ils eus-
sent dû particulièrement frapper ceux qui en eurent
connaissance.
Le consul de Maurice ne vit là qu'un inoident
fort ordinaire, il ne soupçonna rien au delà de ce
qui lui était rapporta, et sa surveillance se borna à
vérifier le rôle d'équipage, à viser les extraits m or-.-
tuaircs, et à compléter l'équipage en donnant à
Marsaud un complément de six hommes pris à
Maurice même. "
Seulement, le rôle qu'il remit à Marsaud portait
pour destination Bordeaux, et le nouveau capitaine
reçut l'invitation formelle de rapatrier au plus tôt
le navire dont le comma-ndement ne lui était con-
fié qu'à titre provisoire, et sauf confirmation ulté-
rieure des armateurs.
Telle était la situation nouvelle.
Tout semblait donc sauvé, et jusque-là rien
n'avait transpiré des atrocités commises à bord de
V Alexnndi@e.
Une Chose seulement contrariait encore Mar-
saud.
On le réexpédiait sur Bordeaux, et, à aucun
. prix, il ne voulait retourner en France; mais il
réfléchit qu'une fois en mer, il lui serait toujours
loisible de changer son itinéraire, et qu'au besoin
il pourrait aisément falsifier le rôle au bord en
substituant Boston à Bordeaux.
Sous le bénéfice de ces réflexions, ses inquié-
tudes se calmèrent bien vite, et il ne songea plus
qu'à préparer toute ehose pour son prochain dé-
part.
Depuis son arrivée à Maurice, et sans qu'Eléna
eût été mise dans la confidence, Marsaud et Ray-
mond avaient jenf^c nb'le de fréquentes confé-
rences.
Baymond était certes toujours aussi assidu au-
près de la jeune femme, aussi empressé, aussi ai-
mant ; mais il lui a'rriva.it assez souvent de s'ab-
senter sans dire la cause de son_ absence, et de
passer des nuits entières sans faire connaître les
motifs qui l'obligeaient à ces mystérieuses sorties.
Eléna chercha bien à faire parler son amant,
mais ce dernier avait jusqu'alors toujours éludé
de répondre catégoriquement.
Pourquoi ?
Elle se le demandait vainement.
Certes, Eléna rî'étalt pas jalouse.
Elle se croyait aimée par Raymond presque au-
tant qu'elle l'aimait elle-même.
Cet amour était désormais son seul bonheur,
toute sa vie !
SII lui eût fallu douter, elle seraÍi morte !
i Mais pourquoi ce mystère, et d'où venait qu'il
n'allait pas lui-même au-devant de ses questions
et ne cherchait pas à calmer des tourments qu'il
aurait dû deviner ?
Un soir, Raymond vint trouver Eléna plus tôt
que de coutume.
Il avait l'air sombre, agité, inquiet.
— Qu'y a-t-il donc ? demanda la jeune femme
en remarquant l'attitude insolite de son amant.
— Il y a, répondit Raymond, qu'il faut te pré-
parer tout de suite, et que nous allons embar-
quer.
— Noua partons donc ? ^ .
— Demain, à la première Mure.
— Mais tu ne m'avais pas prévenue. Je croyais
que nous avions encore quelques jours devant
nous...
— Viens, viens vite. Nous n'avons pas de temps
à perdre.
Eléna passa à la hâte ses vêtements de mousse,
réunit les quelques bijoux qu'elle devait empor-
ter, et prit le bras de Raymond.
Ils descendirent, gagnèrent les quais, et peu
après ils montaient à bord.
Un simple coup d'œil suffit à Eléna pour s'as-
surer que Raymond avait dit vrai.
Il régnait une grande activité à bord.
Elle apprit là que Jolly et Bellégou avaient dé-
serté, et son cœur se serra douloureusement en
songeant que Raymond aurait pu, comme eux, se
mettre à l'abri de toute poursuite en prenant la
fuite.
— Il,serait encore temps, si tu voulais? dit-elle
à son amant d'une voix suppliante.
— Impossible ! répondit Raymond, il faut que
Ii10n sort s'accomplisse jusqu'au bout, et, dussé-je
y périr; je suivrai Marsaud.
— Cet homme t'a fasciné?
— Oui !
— On dirait que tu lui es plus attaché que tu
ne l'es à moi-même.
— Quelle folle !
— Raymond ! Raymond ! si tu voulais....
"Eléna n'acheva pas.
La porte de la cabine où ils se trouvaient était
restée entr'ouverte, et, à travers l'entrebâillement
de cette porte, elle venait de voir passer une
femme ! - t
Etait-ce possible, était-ce vraisemblable ?
Eléna ne pouvait s'y tromper.
Et puis, Raymond l'avait quittée tout à coup et
venait de se, précipiter à la rencontre de cette
femme!...
A cette vue, un cri rauque s'échappa de sa poi-
trine, un nuage passa sur ses yeux, et tous les
démons de la jalousie se mirent à déchirer son .
pauvre cœur!
PIERRE ZACCONE.
(La suite à demain.)
LE TRÉSOR DU FOYER
ÉCONOMIE RURALE
Augmentation considérable et sans frais de la récolte
de pommes de terre. — Au lieu de planter les mor-
ceaux de pommes de terre et de les réenterrer quand
les pousses ont de 15 à 20 centimètres de hauteur, on
les mét simplement en ligne, la partie coupée sur
terre, et .on les enterre à l'instant ; les tubercules, ainsi
placés entre deux couches de bonne terre, l'enracinent
immédiatement avec force et poussent dans tous les
sens des jets vigoureux.
Un agronome du Brabant, M. Delstanche, dont la
nom fait autorité dans la matière,- a obtenu cette an-
née, par ce moyen, 524 kilogrammes 'par are.
UN CONSEIL PAR JOUR
La Rochefoucauld a-t-il raison de prétendre
qu'on peut donner des conseils, mais qul6n n'ins-
pire pas de conduite ?
Il est, en effet, fort difficile de changer l'en-
semble du caractère d'une personne; mais on
peut, à coup sûr, peser sur certaines de ses ac-
tions en particulier.
Empêchez quelqu'un de faire une sottise, une,
seule, dans toute sa vie, et vous aurez en somme
-rendu un bon office. %
HENRI D'ALLEBER.
LIBRAIRIE — SCIENCES — ARTS — AGRICULTURE
LE MONITEUR DES FONDS PUBLICS
sera envoyé gratuitement pendant 2 mois aux personnes
qui en feront la demande. .
Ecrire au directeur, 8, rue Nve-St-Augustin, Pans
'
TONY RÉVILLON
Biographie anecdotique du Chroniqueur de
la Petite Presse, par V.-F. Msisonneufve, avec un por.
trait photographie. — Prix : 50 cent. E. LACHAUD,
éditeur, 4, place du Théâtre-Français, à Paris.
nTTmTTTOTP Guérison. Broch. Env. fr. contre lOc.
rHlHlMM Ricou, chim. B. Sébastopol, 96, Padi-
*
Typographie JANNIN, quai Voltaire, ta.
)chapper une si belle occasion de fouiller les poches
ie ses contemporains.
Croyez qu'elle n'y a point manqué.
Par exemple, toutes les recherches que j'ai pu faire
à ce sujet n'ont pu me permettre d'établir, même ap-
proximativement, le chiffre des valeurs prélevées, tant
en monnaie qu'en bijoux, montres, chaînes, mou-
choirs, etc., etc.
Foree nous sera donc de ne point faire entrer en
ligne de compte cette dernière somme, qui assuré-
ment n'est pas la moindre, et de nous contenter du
total . déjà fort respectable de vn million huit cent-
quatre-vingt-quinze mille francs. —
EDOUARD DANGIN.
(Le Gaulois.)
TRIBUNAUX
COUR D'ASSISSES DU VAR (séant à Draguignan)
Présidence de M. Figarelli, conseiller à la Cour
impériale d'Aix.
Audience du mardi 2 novembre.
LE DRAME DE TOULON
Acte d'accusation.
Le 24 septembre dernier, la nouvelle d un mystérieux
assassinat commis, la nuit précédente, rue du Parti,
dans la maison portant le no 10, répandit tout à coup
la consternation dans la ville de Toulon.
La victime de cet assassinat, le sieur Samson, occu-
pait un rang honorable dans le commerce toulonnais.
Depuis le commencement de l'été, sa famille habitait
la campagne, tandis que lui-même était retenu à la
ville p.ir les soins de son commerce. Le jeudi 23 du
mois de septembre dernier, il avait, selon son habi-
tude, quitte son comptoir vers sept heures du soir pour
aller Jiezlui changer de vêtements et de là se rendre
chez le Jeur Causse, son contre-maître, pour souper avec
lui, comme il avait coutume de le faire pendant l'ab-
sence de sa famille. Le sieur Causse l'attendit jusqu'à
huit neures et quart, il alla même frapper à sa porte;
mais, n'ayant obtenu aucune réponse, il rentra chez lui
tt soupa seul.
- Le lendemain, vers neuf - heures et demie, Mme
Bam- -on revenant de la campagne, après avoir tait vai-
îemeni chercher son mari, se décida à faire ouvrir la.
lorte son domicile par un serrurier. Un spectacle
tiorriïjlft s'offrit à sa vue lorsqu'elle pénétra dans sa
îhambre à coucher. Le cadavre du sieur Samson était
étendu la face contre terre et baignait dans une mare
de sang. Les constatations faites par les magistrats, ar-
rivés quelques instants après sur les lieux, révélèrent,
dès la première heure, un crime. Le nombre, la place
et le caractère des blessures ne pouvaient laisser au-
4 cun doute à cet égard. Ces blessures étaient au nom-
* bre de vingt-trois. Profondes pour la plupart, elles
avaient lésé les organes essentiels à la vie; quelques-
unes avaient dû entraîner la mort en un temps fort
souri;. La tête de la victime avait été littéralement dé-
chiquetée à coups de coutha*; le crâne portait sept
plaies larges et béantes; le pavillon de l'oreille droite
était presque entièrement détaché, et à la région cer-
vicale se trouvaient, deux plaies si.profondes que la sec-
tion totale des muscles decette région avait été opérée.
Les objets épars sur le carreau, la position du ca-
davre, les entailles qu'il portait aux mains et d'autres
indices encore démontraient que le sieur Samson, doué
d'une très-grande force, avait dû lutter, au moins pen-
dant quelques instants, avec toute l'énergie du désespoir
contre son assassin.
Diverses a-utres constatations importantes furent im-
médiatement faites par les magistrats. Dans la pièce
©à le crime avait été commis, on remarquait quatre
empreintes très-nettes de pieds nus ensanglantés. Il
était facile de reconnaître que 'l'assassin avait eu . la
précaution de quitter ses ahaussures pour commettre
l'attentat, et qu'après avoir, tout dégouttant encore du
sang de sa victime, parcouru les diverses pièces de
l'appartement, il était allé dans la cuisine se laver
dans un grand vase que l'on trouvait encore plein d'eau
sanguinolente. Au milieu de la mare de sang où gi-
sait le cadavre de M. Samson, se trouvaient une carte
photographique de femme et une lettre. La photogra-
phie était déchirée et on avait eu soin d'enlever soit
dans ie bas à gauche, soit au verso le nom du photo-
graphe. La lettre était en partie recouverte de sang; on
distinguait cependant qu'elle était d'une écriture dégui-
' sée. Soumise à des procédés chimiques, elle a pu être
lue et reproduite. Par cette lettre une femme inconnue
déclarait s'être vengée de ce que M. Samson l'avait dé-
laissée pour une autre maîtresse, et pour donner plus
d'apparence à cette invention, on avait lacéré deux
portraits de la victime qui se trouvaient dans son ap-
partement.
Malgré toutes ces précautions prises pour égarer la
justice, elle fut mise immédiatement sur les traces du
toupable. On savait, en effet, dans le quartier qu'un
jeune homme violent et débauché, nommé Consauve,
qui habitait la même maison que M. Samson, avait
3'our maîtresse une ancienne domestique de ce com-
merçant, nommée Marie Maxime, et qu'il témoignait
des sentiments très-vifs de jalousie à l'égard de M.
Samson qui avait entretenu pendant plusieurs années
et qui entretenait peut-être encore des relations avec
cette jeune fille. Un indice récent venait confirmer ces
soupçons. Dix ou douze jours avant le crime, Marie
Maxime était allée se plaindre au parquet, en compa-
gnie de M. Samson, des poursuites et des menaces
dont elle était l'objet de -la part de Consauve, qui l'a-
vait lassée par ses obsessions et dont elle voulait être
délivrée. Mandé au parquet pour expliquer sa oonduite,
l'accusé avait paru vivement impressionné lorsqu'il
apprit que M. Samson avait accompagné la plai-
gnante.
Ordre fut immédiatement donné de rechercher
Marie Maxime et Consauve.
Marie Maxime fut trouvée sans peine à son domi-
cile. Elle fournit sur l'emploi de son tem-ps pendant la
soirée et la nuit précédente des explications précises
qui furent vérifiées de tous points et établirent com-
piétement son innocence; mais IBo; renseignements
qu'elle fournit à la justice au sujet de ses relations
avec Consauve aggravèrent encore les indices qui
existaient déjà contre cet individu. Elle raconta en
effet que, pendant tout le temps qu'elle avait été au
service de M. Samson, elle avait eu des relations avec
son maître; qu'à la même époque Consauve, qui ha-
bitait la même maison, la poursuivait .sans cesse de
ses propositions; qu'au mois de juin dernier, renvoyée
Jar Mme Samson, elle- s'était retirée dans un village
es Alpes-Maritimes; q.ue Consauve était venu l'y
chercher, lui promettant'le mariage; qu'il l'avait pro-
menée1 à. Paris, à - Cette, et qu'après. avoir ainsi dissipé
toutes les économies de cette fille, il l'avait placée dans
un couvent, à Montpellier, re voulant pas la laisser à
Toulon à cause de la jalousie que lui inspirait M.
Samson; qu'elle était revenue à Toulon malgré lui,
décidée à se soustraire à sa tyrannie, et qu'elle avait
repris ses relations avec son ancien maître; que depuis
ce temps Consauve la poursuivait sans cesæ, proférant
des menaces contre elle et contre M. Samson, et que
la veille même du crime, après l'avoir vivement adju-
rée une dernière fois de revenir à lui, il s'était écrié
en levant la main : « Marie, je' vous le jure, vous
vous rappellerez de moi dans quelques jours. Vous ou
un autre, vous me le payerez. »
En même temps que ces déclarations étaient recueil-
lies, l'instruction suivait son cours, elle déterminait
l'heure précise de l'assassinat, qui avait été commis de
7 à 9 heures du soir et constatait que l'assassin avait
soustrait à sa victime une somme de 998 francs; enfin
la justice découvrait une no-ivelle charge très-grave
contre Consauve : c'est que six jours avant le crime
il s'était fait faire par un serrurier, en lui fournissant
une empreinte, une clef semblable à celle qui ouvrait
l'appartement de M. Samson.
Cependant Consauve n'avait pu être retrouvé. Ses
parents déclaraient qu'il avait disparu le lendemain du
crime, sans les avertir et sans qu'ils pussent savoir
pourquoi.
Son signalement fut immédiatement envoyé dans
toutes les directions. Six jours après il était arrêté à
Marseille où il se cachait sous de faux noms et où il
avait déjà traité de son passage à New York, sur un
navire norwégien.
Mis en demeure de s'expliquer sur ce brusque dé-
part, il ne put en fournir aucune explication plausible.
Quoiqu'il eut fait à Marseille des dépenses considéra-
bles, il était encore nanti d'une somme de près de
300 francs qu'il prétendait avoir volée à ses parents au
moment de son départ. Mais ils lui opposèrent à cet
égard un formel démenti. Il donnait sur l'emploi de
son temps pendant la soirée du 23 septembre, dans la-
quelle le crime a été commis, des explications détail-
lées qui ont toutes été reconnues fausses et qu'il a é,té
obligé plus tard de rétracter. Enfin il portait au vi-
sage, aux pieds, aux jambes et aux mains des excoria-
tions et des blessures nombreuses qu'il cherchait à
expliquer en prétendant que des inconnus l'avaient
attaqué le jour de son départ de Toulon, mais qui
étaient évidemment le résultat de la lutte désespérée
à laquelle s'était livrée sa victime. Des hommes de
l'art désignés par la justice l'examinèrent avec plus
de soin et constatèrent que la plante de ses pieds con-
cordait exactement avec les empreintes sanglantes
laissées sur le sol de l'appartement de M. Samson,
concordance d'autant plus remarquable qu'une diffor-
mito* existant à l'un de ses pieds se retrouvait égale-
ment dans les empreintes correspondantes. On recon-
nut aussi l'existence de sang coagulé dans les
rainures des ongles de ses pieds, bien que les pieds
eux-mêmes fussent d'une propreté irréprochable; enfin
des taches de sang existaient sur quelques-unes des
pièces d'argent trouvées en sa possession.
Ce n'était pas assez : il fallait encore que les objets
mêmes destinés à égarer les investigations de la jus-
tice contribuassent à désigner l'assassin.
On sait qu'une photographie de femme lacérée avait
été retrouvée près du cadavre de M. Samson. La fille
Marie Maxime avait déclaré en avoir vu une pareille
entre les mains de Consauve, qui lui avait dit que
c'était le portrait d'une femme d'Albi; or, bien que le
coupable eût eu soin d'effacer le nom du photographe,
elle a été reconnue par un sieur Prompt, photographe
à Albi, comme étant sortie de ses ateliers, il y a plus
d'un an, à l'époque où l'accusé, soldat au 36° de ligne,
était en garnison dans cette ville. Enfin l'expert au-
quel a été soumise l'écriture contrefaite de la prétendue
lettre de femme, retrouvée dans la chambre de la vic-
time, a cru y reconnaître les caractères de l'écriture
de Consauve.
En présence de charges si accablantes, et après
avoir été tant de fois convaincu de mensonge, l'accusé
a pris en dernier lieu le parti de se réfugier dansilence absolu, déclarant qu'il sait tout, mais qu'il ne
parlera que devant ses juges.
Le soin qu'il a eu de commander six jours d'a-
vance une clef pour pénétrer c-hez M. Samson, de pré-
parer cette photographie et cette lettre, qui devaient
égarer les soupçons de la justice; les précautions qu'il
a prises en se dépouillant de ses chaussures pour com-
mettre le crime et en faisant disparaître, après l'avoir
commis, les traces de sang qui existaient sur sa. per-
sonne, tout indique que l'assassin a agi avec une lon-
gue préméditation et une froide énergie: il a d'ailleurs
donné la mesure de ':a. dépravation par l'indifférence
cynique qu'il a témoignée en présence du cadavre de
sa victime, et par la gaieté sinistre avec laquelle, au
retour de cette confrontation, il se vantait d'avoir bien
fait marronner les gendarmes en leur faisant faire
trois fois le tour de la caisse.
En conséquence, ledit Consauve Antoine, ci-dessus
dénommé et qualifié, est accusé :
Io D'avoir à Toulon, le 23 septembre IM9, soustrait
frauduleusement une somme de 998 francs 30 cen-
times, au préjudice du sfeur Samson;
Et ce, étant porteur d'une arme, à l'aide de vio-
lences, à l'aide de fausse clef, la nuit, dans une maison
habitée;
2° D'avoir, à la même époque et au même lieu,
commis volontairement un homicide sur la personne
du sieur Samson;
Et ce, avec préméditation, avec cette circonstance
que ledit homicide volontaire a été précédé Õu suivi
de la soustraction frauduleuse ci-dessus spécifiée.
DRAMES JUDICIAIRES
LE TIGRE-ROI(1)
PROLOGUE
XVIII
AYlll *
L'équipage de l' Alexandre était loin de parta-
ger les appréhensions d'Eléna, et les coups de vent
qu'il venait d'essuyer semblaient à tous, en quelque
sorte, un signe évident de la complicité de la Pro-
vidence.
Le navire n'était pas précisément désemparé,
mais les avaries étaient considérables, et en se
(1) Voir les numéros à partir du 17 octoBre.
présentant sans mât d'artimon, avec l'habitacle
arraché, les coutures de bâbord élargies de ma-
nière à laisser pénétrer l'eau, Marsaud pouvait
être cru quand il accuserait le chiffre de ses
morts.
Ce n'était plus un fait de piraterie, c'était tout
simplement un accident.
Aussi, le reste de la traversée que le trois-mâts
fournit pour atteindre Maurice, où il s'agissait de
se réparer, s'effectua-t-il au milieu de la. joie et
de la sécurité générales.
Eléna elle-même avait fini par se laisser ga-
gner; elle avait presque oubrié la scène épo-uvan-
table du 27 novembre, et s'abandonnait sanf3 re-
mords au bonheur qu'elle trouvait dans l-'amour
de Raymond.
Quant à ce dernier, il était enivré t
Jamais il n'avait éprouvé un sentiment si pro-
fond, jamais il n'avaii été si heureux.
Eléna l'aimait comme il n'avait pas encore été
aimé en ce monde, tout avait disparu' pour eux,
et le navire eût pu les engloutir, sans qu'il eussent
à regretter une ivresse.
L'amour de la je-une femme avait cela d'étrange
aussi, qu'il s'augmentait de toutes les terreurs
qu'en dépit de ses résolutions le souvenir du
crime lui apportait parfois.
Alors, elle déployait une âpreté, une énergie,
un emportement, qui étonnait Raymond; tout en
le charmant.
On eût dit qu'en prévision d'une séparation ou
d'une catastrophe, elle voulait épuiser tout de
suite et jusqu'au fond la coupe où sa lèvre s'eni-
vrait de bonheur... et le jeune lieutenant, incer-
tain, ébloui, fasciné, ne songeait pas à s'effrayer
d'un amour qui semblait se retremper même dans
la satiété.
Marsaud, de son côté, dégagé de toute préoc-
eupation de ce genre, avait pris toutes les mesu-
res que la prudence commandait.
Après l'assassinat de Lemoine, il avait fait si-
gner à l'équipage un procès-verbal pour constater
que la mort du capitaine et celle des autres per-
sonnes tuées étaient dues à la tempête que l'an
avait éprouvée.
Plus tard, il en dressa un autre, pour constater
que le décès de Gording devait être attribué à
une cause accidentelle.
Enfin, il fit un partage des effets appartenant
aux morts, et les plaça dans des sacs separés et
distincts, afin de prouver ainsi que l'on avait pro-
cédé régulièrement, qu'il n'y avait rien à repren-
dre à l'inventaire.
Ces précautions prises, le nouveau capitaine
pensa qu'il n'avait plus à redouter les investiga-
tions auxquelles il allait être soumis à son arrivée
à Maurice, et c'est avec une certaine impatience
même qu'il fit voile vers ce port.
L'Alexandre arriva dans les eaux de Maurice le
15 décembre 1837, vers une heure du soir.
Le temps était splendide, la mer profonde et
calme, et la brise poussait doucement le navire
vers la terre.
Marsaud était sur la dunette, Raymond et Eléna
se tenaient derrière lui.
Les autres matelots, Bellégou, Andrezet, Jolly,
Lagardère, etc., allaient et venaient sur le pont,
chacun en apparence indifférent, mais tous égale-
ment soucieux ou préoccupés.
Quand Maurice parut à l'horizon, et que l'on vit
se dessiner au loin les contours charmants de
cette île à la végétation luxuriante, un frémisse-
ment passa sur toiss ces hommes, et un même
sentiment s'empara de leurs cœurs.
Depuis un mois ils avaient oublié qu'il existait
une société, à laquelle ils devaient rendre compte
des crimes qu'ils avaient commis, et cette société
apparaissait tout à coup à leurs yeux.
Heureusement, pour eux, la perte de quelques
matelots, celle même du capitaine, n'étaient pas
des faits si rares dans la vie maritime, qu'ils eus-
sent dû particulièrement frapper ceux qui en eurent
connaissance.
Le consul de Maurice ne vit là qu'un inoident
fort ordinaire, il ne soupçonna rien au delà de ce
qui lui était rapporta, et sa surveillance se borna à
vérifier le rôle d'équipage, à viser les extraits m or-.-
tuaircs, et à compléter l'équipage en donnant à
Marsaud un complément de six hommes pris à
Maurice même. "
Seulement, le rôle qu'il remit à Marsaud portait
pour destination Bordeaux, et le nouveau capitaine
reçut l'invitation formelle de rapatrier au plus tôt
le navire dont le comma-ndement ne lui était con-
fié qu'à titre provisoire, et sauf confirmation ulté-
rieure des armateurs.
Telle était la situation nouvelle.
Tout semblait donc sauvé, et jusque-là rien
n'avait transpiré des atrocités commises à bord de
V Alexnndi@e.
Une Chose seulement contrariait encore Mar-
saud.
On le réexpédiait sur Bordeaux, et, à aucun
. prix, il ne voulait retourner en France; mais il
réfléchit qu'une fois en mer, il lui serait toujours
loisible de changer son itinéraire, et qu'au besoin
il pourrait aisément falsifier le rôle au bord en
substituant Boston à Bordeaux.
Sous le bénéfice de ces réflexions, ses inquié-
tudes se calmèrent bien vite, et il ne songea plus
qu'à préparer toute ehose pour son prochain dé-
part.
Depuis son arrivée à Maurice, et sans qu'Eléna
eût été mise dans la confidence, Marsaud et Ray-
mond avaient jenf^c nb'le de fréquentes confé-
rences.
Baymond était certes toujours aussi assidu au-
près de la jeune femme, aussi empressé, aussi ai-
mant ; mais il lui a'rriva.it assez souvent de s'ab-
senter sans dire la cause de son_ absence, et de
passer des nuits entières sans faire connaître les
motifs qui l'obligeaient à ces mystérieuses sorties.
Eléna chercha bien à faire parler son amant,
mais ce dernier avait jusqu'alors toujours éludé
de répondre catégoriquement.
Pourquoi ?
Elle se le demandait vainement.
Certes, Eléna rî'étalt pas jalouse.
Elle se croyait aimée par Raymond presque au-
tant qu'elle l'aimait elle-même.
Cet amour était désormais son seul bonheur,
toute sa vie !
SII lui eût fallu douter, elle seraÍi morte !
i Mais pourquoi ce mystère, et d'où venait qu'il
n'allait pas lui-même au-devant de ses questions
et ne cherchait pas à calmer des tourments qu'il
aurait dû deviner ?
Un soir, Raymond vint trouver Eléna plus tôt
que de coutume.
Il avait l'air sombre, agité, inquiet.
— Qu'y a-t-il donc ? demanda la jeune femme
en remarquant l'attitude insolite de son amant.
— Il y a, répondit Raymond, qu'il faut te pré-
parer tout de suite, et que nous allons embar-
quer.
— Noua partons donc ? ^ .
— Demain, à la première Mure.
— Mais tu ne m'avais pas prévenue. Je croyais
que nous avions encore quelques jours devant
nous...
— Viens, viens vite. Nous n'avons pas de temps
à perdre.
Eléna passa à la hâte ses vêtements de mousse,
réunit les quelques bijoux qu'elle devait empor-
ter, et prit le bras de Raymond.
Ils descendirent, gagnèrent les quais, et peu
après ils montaient à bord.
Un simple coup d'œil suffit à Eléna pour s'as-
surer que Raymond avait dit vrai.
Il régnait une grande activité à bord.
Elle apprit là que Jolly et Bellégou avaient dé-
serté, et son cœur se serra douloureusement en
songeant que Raymond aurait pu, comme eux, se
mettre à l'abri de toute poursuite en prenant la
fuite.
— Il,serait encore temps, si tu voulais? dit-elle
à son amant d'une voix suppliante.
— Impossible ! répondit Raymond, il faut que
Ii10n sort s'accomplisse jusqu'au bout, et, dussé-je
y périr; je suivrai Marsaud.
— Cet homme t'a fasciné?
— Oui !
— On dirait que tu lui es plus attaché que tu
ne l'es à moi-même.
— Quelle folle !
— Raymond ! Raymond ! si tu voulais....
"Eléna n'acheva pas.
La porte de la cabine où ils se trouvaient était
restée entr'ouverte, et, à travers l'entrebâillement
de cette porte, elle venait de voir passer une
femme ! - t
Etait-ce possible, était-ce vraisemblable ?
Eléna ne pouvait s'y tromper.
Et puis, Raymond l'avait quittée tout à coup et
venait de se, précipiter à la rencontre de cette
femme!...
A cette vue, un cri rauque s'échappa de sa poi-
trine, un nuage passa sur ses yeux, et tous les
démons de la jalousie se mirent à déchirer son .
pauvre cœur!
PIERRE ZACCONE.
(La suite à demain.)
LE TRÉSOR DU FOYER
ÉCONOMIE RURALE
Augmentation considérable et sans frais de la récolte
de pommes de terre. — Au lieu de planter les mor-
ceaux de pommes de terre et de les réenterrer quand
les pousses ont de 15 à 20 centimètres de hauteur, on
les mét simplement en ligne, la partie coupée sur
terre, et .on les enterre à l'instant ; les tubercules, ainsi
placés entre deux couches de bonne terre, l'enracinent
immédiatement avec force et poussent dans tous les
sens des jets vigoureux.
Un agronome du Brabant, M. Delstanche, dont la
nom fait autorité dans la matière,- a obtenu cette an-
née, par ce moyen, 524 kilogrammes 'par are.
UN CONSEIL PAR JOUR
La Rochefoucauld a-t-il raison de prétendre
qu'on peut donner des conseils, mais qul6n n'ins-
pire pas de conduite ?
Il est, en effet, fort difficile de changer l'en-
semble du caractère d'une personne; mais on
peut, à coup sûr, peser sur certaines de ses ac-
tions en particulier.
Empêchez quelqu'un de faire une sottise, une,
seule, dans toute sa vie, et vous aurez en somme
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TONY RÉVILLON
Biographie anecdotique du Chroniqueur de
la Petite Presse, par V.-F. Msisonneufve, avec un por.
trait photographie. — Prix : 50 cent. E. LACHAUD,
éditeur, 4, place du Théâtre-Français, à Paris.
nTTmTTTOTP Guérison. Broch. Env. fr. contre lOc.
rHlHlMM Ricou, chim. B. Sébastopol, 96, Padi-
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