Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-30
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 30 août 1868 30 août 1868
Description : 1868/08/30 (A3,N864). 1868/08/30 (A3,N864).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717866f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL - QUOTIDIEN
5 ml le numéro
5 ceflt le auiaéw
AOONNFè; irtTS. — Trois moi*. Six mis. Ba ta.
Pari- & fr. 9 b. i* fr.
Départements., li ne ■.
Administrateur ' E. û&L&àttX.
Sœ* année. — DIMANCHE 30 AOUT 4868. —-N* 8*54
Directeur-Propriétaire : JANNIN.
Rédacteur en ehef : A. DE RALATHIER-BRAGLILONN&
BUREAUX D'ABObiNEMENT : 94 rue Uroaot.
ÂBII1NI81mATION '. 13, place Breda.
PARIS, 29 AOUT 1868
LES FÊTES DE TOURNUS
GREUZE
A M. Charmont, maire de Tournus
J'étais à Trouville, mon cher ami, lorsque
ta lettre est. venue me rappeler notre bon pays
de Mâcon et de Tournus. En regardant l'O-
man, j'ai revu la Saône; et ta petite ville, gra-
cit'usumpnt assise au bord de la rivière entre
les arbres, m'est apparue, avec sa vieille ab-
baye, ses groupes de maisons basses, son
charme de tranquillité...
Tu m'invitais à aller passer quelques jours
là-bas. J'aurais serré la main à des camara-
des d'enfance, et j'aurais assisté à l'inaugu-
ration de la statue que ta ville élève à son
grand homme.
Un vrai grand homme celui-là, car il n'a
la it que du bien. Ses tableaux, qu'a popula-
risés la gi Vitre, représentent tous des scènes
de jeunesse, d'amour et de Tamille. Lorsqu'on
les regarde, le cœur s'ouvre aux sentiments
naïfs, honnêtes, sincères. Tout le monde
comprend le respect des enfants et des petits- !
enfants pour leurs ancêtres, la tendresse des
mères pour tours fils, et les belles amours
des jeunes gens, que le mariage doit consa-
crer.
Les journaux m'avaient déjà donné des
détails sur la statue et sur la fête. La statue
est de M Rondelet, un Tournusien. Les
chœurs des sociétés chantantes se grouperont
autour d'elle.. El, lorsque le voile qui la re-
couvre tombera, on entendra l'acclamation
des bonnes ^ens,heureux de saluer une gloire
de clocher qui est en même temps une gloire
nationale.
J'aurais bien voulu voir iout cela. Par mal-
heur, je ne dispose pas toujours de mon
temps, et je suis le plus souvent forcé de
rester ici quand je voudrais être là.
Je tieIJs ci LI moins à parler aujourd'hui de
Grenze, J'ai pris le livre de M. Arsène Hous-
ST'VO, l'Histoire de l'art français au dix-hui-
tième siècle, et. j'ai résumé, d'après lui, les
principaux épisodes de la vie de notre
Gccuze.
La Petite Presse, qui paraît aujourd'hui, à
Parts, t'arrivera demain, à Tournus, en
p'eme tete, et ce sera ma carte de visite, a
défaut de la visite que je ne puis te faire à
mon grand regret. ^
W . V'-v '
;:'uta,uzfl est né à Tournus. en 1728.
_:t famille était de Bussy, et l'on trouve,
¡if i ses &ncètres, un seigneur de la Guiche,
procureur de la prévôté royale. Son père était
.Architecte et vit avec plaisir ses premiers pro-
grès dans le dessin. A sept ans, l'enfant ayant
fait le portrait de son maître d'école :
— Très-bien ! dit le père. Mais ce sont des
fenêtres des temples et des colonnes qu'il
faut dessiner.
L'écolier fit des colonnes, des temples et
des fenêtres; seulement il y ajoutait toujours
quelque personnage, sa mère, sa sœur, sa
cousine. L'architecte défendit toute espèce de
figure Alors Greuze fit les maisons officielle-
ment et, les figures en cachette. A huit ans,
le jour de la Saint-Jacques, fête de son père,
il arriva, tenant d'une main un bouquet, de
l'autre une image du saint.
— D'où te vient cette gravure?
— C'est encore moi qui en suis cou-
pable.
— Comment, toil Mais c'est une gra-
vure...
— Regardez bien!...
L'architecte regarda et découvrit çà et là le
trait de plume.
— Ah ! c'est ainsi, dit-il, je te pardonne
encore ; mais que ce soit pour la dernière
fois.
La guerre civile ne cessa jamais entre le
père et le fils. Heureusement que la mère
était là, apaisant l'un et consolant l'autre.
Quand l'apprenti architecte était las des
festons et des astragales, il allait courir à tra-
vers la campagne ; il dessinait des moisson-
neurs et des mariniers ; il se mêlait aux fêtes
des villages voisins et dansait sans façon les
soirs de vendanges ou de noces. Toutes ses
sensations, toutes ses impressions d'alors se
retrouvent dans son œuvre...
Il avait treize ans. Un soir, un peintre de
Lyon, nommé Gromdon, vint s'asseoir à la
table de la famille.
— Voulez-vous des tableaux, monsieur
Greuze? J'en ai de tous les prix et de tous les
genres.
— Voulez vousun peintre, monsieur Grom-
don ? Je vous le donne pour rien.
Gromdon accepta. Il dirigeait à Lyon une
véritable fabrique de tableaux, de portraits et
a enseignes. Cet artiste universel avait sous
ses ordres une demi-douzaine de barbouil-
leurs faméliques, qui lui livraient chacun une
toile par semaine. Greuzp en fit une par jour,
par dessous la jambe, comme il le disait.
Il devint arcaureux de la femme de son
maître. Ur amour de la vingtième année,
chaste et discret. Il avait dérobé une pan-
toufle à l'objet aimé, et il allait la couvrir de
baisers, dans un coin, sous les arbres.
Mme Gromdon vint l'y surprendre un jour.
Il se mit à genoux, et elle lui posa la main
sur les cheveux.
— Greuze. dit-elle, ne m'aimez plus, de
grâce ; car tout serait perdu....
— Pourquoi ne pas vous aimer? demanda-
t-il tout en larmes...
A ce moment, une enfant qui jouait dans
le jardin accourut vers eux..
— Pourquoi ? s'écria la jeune femme, pour-
quoi ? Voilà la réponse que Dieu m'envoie...
Et, du doigt, elle montra sa fille. !
— Il n'y a plus d'enfants, dit le mari lors-
qu'il sut l'histoire. I
Greuze avait trouvé, dans son métier de
peintre d'enseignps, le temps de faire un vrai
tableau. Un vieux fermier lisait la Bible à sa
famille, groupée autour de lui.
Gromdon- vit ce table m.
— Va-t en, dit il à son élève. Tu es ùn
grand peintre et tu n'as plus rien à faire
ici.
Et il Ié- congédia, enchanté d'en être débar-
rassé.
Greuze avait vingt ans. Il partit pour Paris,
à pied, sans un buu.
A peine installé dans un vieil hôtel de la
rue Richelieu, il courut à l'Académie de pein-
ture. Boucher triomphait alors. L'Académie
n?était peuplée que de Vénus et de Cupidons.
Greuze n'y comprit rien. Son seul maître
avait été la nature. Il résolut de n'en pas
changer, Les peintres se moquèrent de lui,
mais le public s'arrêta, charmé, devant ses
premiers tableatix.
Dès qu'il eut gagné quelque argent, le
jeune homme voulut faire le voyage d Italie.
Il admira beaucoup les vierges de Raphaël;
mais, quand il prenait son crayon, il ne son-
geait plus à les copier et préférait faire le
portrait de quelque, belle fille de Rome.
Un nouvel amour traversa sa vie.
Il donnait des leçons à la fille d'un grand
seigneur, le duc del Orr... Le maître et l'éco-
lière s'entendirent en quelques jnurun pauvre diable de peintre ne pouvait épou-
ser une princesse. Greuze se dit cela, et cessa.
de retourner au palais.
Le duc le rappela. La jeune fille, en. la
voyant, lui tendit la main et lui jetant un re-
gard de ses beaux yeux :
— Monsieur Greuze, dit-elle, je vous
aime.
Il se laissa aller au charme. Un enlève-
ment fut convenu. Mais, comme les amou- '
reux allaient quitter l'appartement, Lœlitia
devint soudain très-pâle.
— Voyez, dit-elle, voyez!...
Et elle montrait le portrait de son père.
Ce portrait était de Greuze. Comme dans
toutes les têtes du peintre, il y avait dans
celle-ci tant de douceur, de charme et de no-
blesse qu'on était attendri en la regardant.
— Je n'ai plus la force d'avancer, dit la
jeune fille. Soutenez-moi et emmenez-moi.
— Je n'ai pas de force non plus, répondit
Greuze; ayons le courage de nous aimer assez
pour ne plus nous aimer.
— Ah ! cria-t-elle, je vous remercie, vous
êtes un brave homme I..-
Elle se jeta dans ses bras en pleurant et
s'enfuit comme une folle.
Greuze revint en France, emportant son
portrait. Il avait peint de souvenir celui d'E-
léonore Gromdon, ses premières amours.
Un jour, le grand-duc et la grande-duehes,e
de Russie lui offrirent vingt mille livres de
ces deux têtes.
— Vous me donneriez toutes les richesses
de votre empire de RIJssie, sans payer ces
deux tableaux ! répondit-il avec émotion.
Huit ans plus tard, Greuze reçut une lettre
de son amoureuse de Rome, devenue la com-
tesse Pallen. Il lut :
1
« Mon cher Greuze, votre ancienne élève
est maintenant une bonne mère de famille;
j'ai cinq enfants charmants que j'adore. Ma
première fille serait digne d'offrir un modele
à votre heureux crayon : elle est belle comme
un ange, demandez-le au prince d'Est. Mon
mari me ferait presque croire que je suis tou-
jours jeune et jolie, tant il continue de m ai-
mer. Comme je vous l'ai dit, ce bonheur,
c'est votre ouvrage, et je vous aime de m'a-
voir empêchée de vous aimer 1 D
A cet homme, tout sentiment, le bonheur .
du coin du feu devait sourire. Il se maris
Sa femme, Diderot nous l'a présentée :
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XXI
f3
Le lendemain, poursuivit la jeune femme, mon
tïea!e, aux pieds du maréchal, lui demandait
vengeance.
Mars le chevalier avait pris les devants; il avait
vu le tnaréchal, il lui avait forgé une histoire,
véritable ti^su de mensonges, qui établissait
son innocence, non-seulement en CP- qui concer-
nait l'assassinat de Mattéo, mais encore la fin
tragique du seigneur bohème. ~ ,
Voir tes numéros parus depuis le 21 juin, "
Cet homme exerçait un tel empire sur tout
ce qui l'approchait, que le maréchal le crut sur
parole et lui rendit toute sa faveur.
La faveur sans égale et presque inouïe dont
avait joui le maréchal lui avait suscité des en-
nemis acharnés et puissants.
On était parvenu à s'emparer de l'esprit du
jeune roi et de celui de la reine mère.
L'orage amoncelé contre lui était loin encore,
mais .1 pouvait éclater tout à coup.
Le chevalier de Flavicouft devina la situation,
et comme la trahison était dans son cœur, il se
retourna brusquement vers les ennemis de son
bien'aiteur.
Ce fut lui qui vola la correspondance secrète
du maréchal, lui qui conspira des premiers con-
tre celui-ci, !uit'nGn qui se chargea de conduire
lés bandes d'assassins qui pénétrèrent dans le pa-
lais du premier ministre et les massacrèrent lui,
sa femme et ses serviteurs.
Janine avait alors dix ans ; elle assista au
massacre, elle ne dut son salut qu'au dévouement
d'une vieille servante bohème qui l'emporta
dain's ses bras, après avoir mis sa jeune sœur en
sûreié.
Quant à ma malheureuse aïeule, elle tomba,
comme la maréchale, sous le poignard des as-
!' sassins, et el;e put voir, en mourant, le cheva-
1 lier da Flavicourt impassible et les lèvres ser-
rées d'un cruel sourire qui se repaissait de son
agonie.
Mais la mère de Janine avait rendu le dernier
soupir en léguant à sa fille le soin de la venger
et de venger :,es bienfaiteurs, le maréchal et la
maréchale d'Ancre.
La vieille servante bohème cacha les deux en-
fants, les éleva dans l'ombre et le mystère et
quand Jani,ne eut seize ans, elle lui remit un
papier couvert de signes bizarres mais qui
avaient un sens pour elle, car mon aïeule avait
appris à sa fille ai'iéela langue tchèque qui était
la langue maternelle.
Ce papier ordonnait à la jE'une' fille de pour-
suivre le chevalier de Flavicourt, ou plutôt le
prince margrave de Lansbourg Nassau, en quel-
que lieu qu'il se trouvât.
En outre il renfermait une recette pour faire
de l'or.
Ce dernier secret lui avait été donné par une
vieille femme qui se disait- centenaire et préten-
dait avoir trouvé le moyen de prolonger la vie
humaine et de conserver une jeunesse éternelle;
et si elle avait renoncé à profi er elle-même
de la découverte, disait-elle, c'est qu'elle n'a-
vait ni parents, ni amis et qu elle était lese de
vivre.
Mon aïeule n'avait pas ajouté grap.de foi à
cette recuite oiarvetlleusa
Riche, comblée de faveurs. elle n'avait nt
besoin d'or; veuve et pie >rant toujours Matté<
que lui importaient les rid^s et la vieillesse ?
Néanmoins elle avait écrit, vieille femme, les mots magiques qui devaient
produire de l'or et conserver la beauté.
N'avait-elle pas un héritage de vtngeanee à.
léguer à ses filles?
La servante bohème remit donc à Janine de-
venue femme le papier écrit en langue tchèque.
Janine se mit à l'étudier.
Pour que la. vengeance donne des fruits, il
faut la semer avec une charrue d'or, et Janine,
qui était pauvre, songea à devenir riche.
Et puis, ce n'était pas seulement pour son
œuvre de vengeance que Janine voulait des
trésors.
Le maréchal d'Ancre et sa femme, Eléonope
Galigaï, avaient laissé un enfant.
Cet enfant, comme Janine, échappé au massa-
cre et sauvé par un vieux serviteur, vivait er
un coin ignoré de l'Italie, pauvre et manquant
de pain.
Et Janine avait juré de relever la splendeur
des bienfaiteurs de sa mère.
Elle essaya donc de faire de l'or.
D'abord ses tentatives demeurèrent infruc-
tueuses; il y avait quelques mots à demi effa.
I cés sur le papier mystérieux. et c était l irapoa»
JOURNAL - QUOTIDIEN
5 ml le numéro
5 ceflt le auiaéw
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Pari- & fr. 9 b. i* fr.
Départements., li ne ■.
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Sœ* année. — DIMANCHE 30 AOUT 4868. —-N* 8*54
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BUREAUX D'ABObiNEMENT : 94 rue Uroaot.
ÂBII1NI81mATION '. 13, place Breda.
PARIS, 29 AOUT 1868
LES FÊTES DE TOURNUS
GREUZE
A M. Charmont, maire de Tournus
J'étais à Trouville, mon cher ami, lorsque
ta lettre est. venue me rappeler notre bon pays
de Mâcon et de Tournus. En regardant l'O-
man, j'ai revu la Saône; et ta petite ville, gra-
cit'usumpnt assise au bord de la rivière entre
les arbres, m'est apparue, avec sa vieille ab-
baye, ses groupes de maisons basses, son
charme de tranquillité...
Tu m'invitais à aller passer quelques jours
là-bas. J'aurais serré la main à des camara-
des d'enfance, et j'aurais assisté à l'inaugu-
ration de la statue que ta ville élève à son
grand homme.
Un vrai grand homme celui-là, car il n'a
la it que du bien. Ses tableaux, qu'a popula-
risés la gi Vitre, représentent tous des scènes
de jeunesse, d'amour et de Tamille. Lorsqu'on
les regarde, le cœur s'ouvre aux sentiments
naïfs, honnêtes, sincères. Tout le monde
comprend le respect des enfants et des petits- !
enfants pour leurs ancêtres, la tendresse des
mères pour tours fils, et les belles amours
des jeunes gens, que le mariage doit consa-
crer.
Les journaux m'avaient déjà donné des
détails sur la statue et sur la fête. La statue
est de M Rondelet, un Tournusien. Les
chœurs des sociétés chantantes se grouperont
autour d'elle.. El, lorsque le voile qui la re-
couvre tombera, on entendra l'acclamation
des bonnes ^ens,heureux de saluer une gloire
de clocher qui est en même temps une gloire
nationale.
J'aurais bien voulu voir iout cela. Par mal-
heur, je ne dispose pas toujours de mon
temps, et je suis le plus souvent forcé de
rester ici quand je voudrais être là.
Je tieIJs ci LI moins à parler aujourd'hui de
Grenze, J'ai pris le livre de M. Arsène Hous-
ST'VO, l'Histoire de l'art français au dix-hui-
tième siècle, et. j'ai résumé, d'après lui, les
principaux épisodes de la vie de notre
Gccuze.
La Petite Presse, qui paraît aujourd'hui, à
Parts, t'arrivera demain, à Tournus, en
p'eme tete, et ce sera ma carte de visite, a
défaut de la visite que je ne puis te faire à
mon grand regret. ^
W . V'-v '
;:'uta,uzfl est né à Tournus. en 1728.
_:t famille était de Bussy, et l'on trouve,
¡if i ses &ncètres, un seigneur de la Guiche,
procureur de la prévôté royale. Son père était
.Architecte et vit avec plaisir ses premiers pro-
grès dans le dessin. A sept ans, l'enfant ayant
fait le portrait de son maître d'école :
— Très-bien ! dit le père. Mais ce sont des
fenêtres des temples et des colonnes qu'il
faut dessiner.
L'écolier fit des colonnes, des temples et
des fenêtres; seulement il y ajoutait toujours
quelque personnage, sa mère, sa sœur, sa
cousine. L'architecte défendit toute espèce de
figure Alors Greuze fit les maisons officielle-
ment et, les figures en cachette. A huit ans,
le jour de la Saint-Jacques, fête de son père,
il arriva, tenant d'une main un bouquet, de
l'autre une image du saint.
— D'où te vient cette gravure?
— C'est encore moi qui en suis cou-
pable.
— Comment, toil Mais c'est une gra-
vure...
— Regardez bien!...
L'architecte regarda et découvrit çà et là le
trait de plume.
— Ah ! c'est ainsi, dit-il, je te pardonne
encore ; mais que ce soit pour la dernière
fois.
La guerre civile ne cessa jamais entre le
père et le fils. Heureusement que la mère
était là, apaisant l'un et consolant l'autre.
Quand l'apprenti architecte était las des
festons et des astragales, il allait courir à tra-
vers la campagne ; il dessinait des moisson-
neurs et des mariniers ; il se mêlait aux fêtes
des villages voisins et dansait sans façon les
soirs de vendanges ou de noces. Toutes ses
sensations, toutes ses impressions d'alors se
retrouvent dans son œuvre...
Il avait treize ans. Un soir, un peintre de
Lyon, nommé Gromdon, vint s'asseoir à la
table de la famille.
— Voulez-vous des tableaux, monsieur
Greuze? J'en ai de tous les prix et de tous les
genres.
— Voulez vousun peintre, monsieur Grom-
don ? Je vous le donne pour rien.
Gromdon accepta. Il dirigeait à Lyon une
véritable fabrique de tableaux, de portraits et
a enseignes. Cet artiste universel avait sous
ses ordres une demi-douzaine de barbouil-
leurs faméliques, qui lui livraient chacun une
toile par semaine. Greuzp en fit une par jour,
par dessous la jambe, comme il le disait.
Il devint arcaureux de la femme de son
maître. Ur amour de la vingtième année,
chaste et discret. Il avait dérobé une pan-
toufle à l'objet aimé, et il allait la couvrir de
baisers, dans un coin, sous les arbres.
Mme Gromdon vint l'y surprendre un jour.
Il se mit à genoux, et elle lui posa la main
sur les cheveux.
— Greuze. dit-elle, ne m'aimez plus, de
grâce ; car tout serait perdu....
— Pourquoi ne pas vous aimer? demanda-
t-il tout en larmes...
A ce moment, une enfant qui jouait dans
le jardin accourut vers eux..
— Pourquoi ? s'écria la jeune femme, pour-
quoi ? Voilà la réponse que Dieu m'envoie...
Et, du doigt, elle montra sa fille. !
— Il n'y a plus d'enfants, dit le mari lors-
qu'il sut l'histoire. I
Greuze avait trouvé, dans son métier de
peintre d'enseignps, le temps de faire un vrai
tableau. Un vieux fermier lisait la Bible à sa
famille, groupée autour de lui.
Gromdon- vit ce table m.
— Va-t en, dit il à son élève. Tu es ùn
grand peintre et tu n'as plus rien à faire
ici.
Et il Ié- congédia, enchanté d'en être débar-
rassé.
Greuze avait vingt ans. Il partit pour Paris,
à pied, sans un buu.
A peine installé dans un vieil hôtel de la
rue Richelieu, il courut à l'Académie de pein-
ture. Boucher triomphait alors. L'Académie
n?était peuplée que de Vénus et de Cupidons.
Greuze n'y comprit rien. Son seul maître
avait été la nature. Il résolut de n'en pas
changer, Les peintres se moquèrent de lui,
mais le public s'arrêta, charmé, devant ses
premiers tableatix.
Dès qu'il eut gagné quelque argent, le
jeune homme voulut faire le voyage d Italie.
Il admira beaucoup les vierges de Raphaël;
mais, quand il prenait son crayon, il ne son-
geait plus à les copier et préférait faire le
portrait de quelque, belle fille de Rome.
Un nouvel amour traversa sa vie.
Il donnait des leçons à la fille d'un grand
seigneur, le duc del Orr... Le maître et l'éco-
lière s'entendirent en quelques jnurun pauvre diable de peintre ne pouvait épou-
ser une princesse. Greuze se dit cela, et cessa.
de retourner au palais.
Le duc le rappela. La jeune fille, en. la
voyant, lui tendit la main et lui jetant un re-
gard de ses beaux yeux :
— Monsieur Greuze, dit-elle, je vous
aime.
Il se laissa aller au charme. Un enlève-
ment fut convenu. Mais, comme les amou- '
reux allaient quitter l'appartement, Lœlitia
devint soudain très-pâle.
— Voyez, dit-elle, voyez!...
Et elle montrait le portrait de son père.
Ce portrait était de Greuze. Comme dans
toutes les têtes du peintre, il y avait dans
celle-ci tant de douceur, de charme et de no-
blesse qu'on était attendri en la regardant.
— Je n'ai plus la force d'avancer, dit la
jeune fille. Soutenez-moi et emmenez-moi.
— Je n'ai pas de force non plus, répondit
Greuze; ayons le courage de nous aimer assez
pour ne plus nous aimer.
— Ah ! cria-t-elle, je vous remercie, vous
êtes un brave homme I..-
Elle se jeta dans ses bras en pleurant et
s'enfuit comme une folle.
Greuze revint en France, emportant son
portrait. Il avait peint de souvenir celui d'E-
léonore Gromdon, ses premières amours.
Un jour, le grand-duc et la grande-duehes,e
de Russie lui offrirent vingt mille livres de
ces deux têtes.
— Vous me donneriez toutes les richesses
de votre empire de RIJssie, sans payer ces
deux tableaux ! répondit-il avec émotion.
Huit ans plus tard, Greuze reçut une lettre
de son amoureuse de Rome, devenue la com-
tesse Pallen. Il lut :
1
« Mon cher Greuze, votre ancienne élève
est maintenant une bonne mère de famille;
j'ai cinq enfants charmants que j'adore. Ma
première fille serait digne d'offrir un modele
à votre heureux crayon : elle est belle comme
un ange, demandez-le au prince d'Est. Mon
mari me ferait presque croire que je suis tou-
jours jeune et jolie, tant il continue de m ai-
mer. Comme je vous l'ai dit, ce bonheur,
c'est votre ouvrage, et je vous aime de m'a-
voir empêchée de vous aimer 1 D
A cet homme, tout sentiment, le bonheur .
du coin du feu devait sourire. Il se maris
Sa femme, Diderot nous l'a présentée :
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
XXI
f3
Le lendemain, poursuivit la jeune femme, mon
tïea!e, aux pieds du maréchal, lui demandait
vengeance.
Mars le chevalier avait pris les devants; il avait
vu le tnaréchal, il lui avait forgé une histoire,
véritable ti^su de mensonges, qui établissait
son innocence, non-seulement en CP- qui concer-
nait l'assassinat de Mattéo, mais encore la fin
tragique du seigneur bohème. ~ ,
Voir tes numéros parus depuis le 21 juin, "
Cet homme exerçait un tel empire sur tout
ce qui l'approchait, que le maréchal le crut sur
parole et lui rendit toute sa faveur.
La faveur sans égale et presque inouïe dont
avait joui le maréchal lui avait suscité des en-
nemis acharnés et puissants.
On était parvenu à s'emparer de l'esprit du
jeune roi et de celui de la reine mère.
L'orage amoncelé contre lui était loin encore,
mais .1 pouvait éclater tout à coup.
Le chevalier de Flavicouft devina la situation,
et comme la trahison était dans son cœur, il se
retourna brusquement vers les ennemis de son
bien'aiteur.
Ce fut lui qui vola la correspondance secrète
du maréchal, lui qui conspira des premiers con-
tre celui-ci, !uit'nGn qui se chargea de conduire
lés bandes d'assassins qui pénétrèrent dans le pa-
lais du premier ministre et les massacrèrent lui,
sa femme et ses serviteurs.
Janine avait alors dix ans ; elle assista au
massacre, elle ne dut son salut qu'au dévouement
d'une vieille servante bohème qui l'emporta
dain's ses bras, après avoir mis sa jeune sœur en
sûreié.
Quant à ma malheureuse aïeule, elle tomba,
comme la maréchale, sous le poignard des as-
!' sassins, et el;e put voir, en mourant, le cheva-
1 lier da Flavicourt impassible et les lèvres ser-
rées d'un cruel sourire qui se repaissait de son
agonie.
Mais la mère de Janine avait rendu le dernier
soupir en léguant à sa fille le soin de la venger
et de venger :,es bienfaiteurs, le maréchal et la
maréchale d'Ancre.
La vieille servante bohème cacha les deux en-
fants, les éleva dans l'ombre et le mystère et
quand Jani,ne eut seize ans, elle lui remit un
papier couvert de signes bizarres mais qui
avaient un sens pour elle, car mon aïeule avait
appris à sa fille ai'iéela langue tchèque qui était
la langue maternelle.
Ce papier ordonnait à la jE'une' fille de pour-
suivre le chevalier de Flavicourt, ou plutôt le
prince margrave de Lansbourg Nassau, en quel-
que lieu qu'il se trouvât.
En outre il renfermait une recette pour faire
de l'or.
Ce dernier secret lui avait été donné par une
vieille femme qui se disait- centenaire et préten-
dait avoir trouvé le moyen de prolonger la vie
humaine et de conserver une jeunesse éternelle;
et si elle avait renoncé à profi er elle-même
de la découverte, disait-elle, c'est qu'elle n'a-
vait ni parents, ni amis et qu elle était lese de
vivre.
Mon aïeule n'avait pas ajouté grap.de foi à
cette recuite oiarvetlleusa
Riche, comblée de faveurs. elle n'avait nt
besoin d'or; veuve et pie >rant toujours Matté<
que lui importaient les rid^s et la vieillesse ?
Néanmoins elle avait écrit,
produire de l'or et conserver la beauté.
N'avait-elle pas un héritage de vtngeanee à.
léguer à ses filles?
La servante bohème remit donc à Janine de-
venue femme le papier écrit en langue tchèque.
Janine se mit à l'étudier.
Pour que la. vengeance donne des fruits, il
faut la semer avec une charrue d'or, et Janine,
qui était pauvre, songea à devenir riche.
Et puis, ce n'était pas seulement pour son
œuvre de vengeance que Janine voulait des
trésors.
Le maréchal d'Ancre et sa femme, Eléonope
Galigaï, avaient laissé un enfant.
Cet enfant, comme Janine, échappé au massa-
cre et sauvé par un vieux serviteur, vivait er
un coin ignoré de l'Italie, pauvre et manquant
de pain.
Et Janine avait juré de relever la splendeur
des bienfaiteurs de sa mère.
Elle essaya donc de faire de l'or.
D'abord ses tentatives demeurèrent infruc-
tueuses; il y avait quelques mots à demi effa.
I cés sur le papier mystérieux. et c était l irapoa»
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