Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-04-17
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 17 avril 1868 17 avril 1868
Description : 1868/04/17 (A3,N729). 1868/04/17 (A3,N729).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717731w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
& cent. le numéro
5 cent. le numéro
-
ABONNEMENTS. — Trois mois. 811 mois. Un an.
Paris 5 fr. 9 fr. 1 s fr.
Départements.. 6 Il
Administrateur : E. DELSAUX. e ZD
1
3me s.nnée. — VENDREDI 4 7 AVRIL 1868. — N" 729
recteur-ropr tare : JANNIN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Drouot.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 16 AVRIL 1868.
LUNETTES ET LUNETTIERS
\: !1 >
En Chine, assure-t-on, les lunettes sont
le signe distinctif de la richesse et de l'aris-
tocratie. Tout mandarin qui se respecte, tout,
dandy qui tient à briller, tonte jolie femme <
qui vise à plaire, se plantent des lunettes sur
le nez.
L'usage, chez nous, est un peu moins gé-
néral. Cependant les trois mille jeunes gens
qu'on désigne sous le nom de petits crevés
n'iraient ni au théâtre, ni aux courses, sans
abriter sous un pince-nez leurs yeux de vingt
ans.
En Allemagne, dans les universités, à Hei-
delberg, à Munich, les étudiants, qui sont fort
lf'ttrés,corwme chacun sait, imitent volontiers
les savants chinois. Dans les musicos et les
bastringues, ce ne sont rçue casquettes à ban-
des rouges et blanches, lunettes, et bottes
passées SUT le pantalon. On danse, Qn boit,
on chante en chœur, dans la fumée. Au mi-
lieu de ce tohu-bohu du plaisir, les lunettes
symbolisent l'étude. La grande-chaumière et
récole fout bon ménage au-delà du Rhin.
J'ai reçu ce matin une grande brochure à
couverture bleue (le bleu repose les yeux),
sur laquelle étaient imprimés ces mots :
Exposition universelle de 1867. — RAPPORTS
DES DÉLÉGATIONS OUVRIÈRES. LUNETTIERS.
Les publications de cette nature sont de
celles que j'aime à signaler, dès leur appari-
tion. Rien ne dénote avec plus de force les
progrès accomplis depuis la Révolution par
le prolétariat et ta petite bourgeoisie, que ces
quelques feuilles de papier, — sorte de
cahiers du peuple — sur lesquelles un ou-
vrier délégué par ses compagnons constate
l'état d'une industrie, fait part au gouverne-
ment et au public des espérances et des
vœux d'une corporation.
Le délégué des lunettiers, M. Joseph
Ronyer, fait précéder le compte rendu des
produits exposés par Gile histoire abrégée de
la lunetterie, histoire incomplète sans doute,
mais qui a le mérite de fournir des docu-
ments précis, et de bien indiquer la marche
de cette fabrication à travers les temps...
\ ...
îLes lunettes de l'antiquité avaient lin ca-
cher tout particulier. Salomon regardait les
pbjets à travers une boule de verre, afin qu'ils
''lui parussent plus gros, et Néron se servait
d'une énorme émeraude pour suivre les com-
bats des gladiateurs. Aujourdihui, il n'y a
plus guère que les cordonniers qui emploient
des boules de verre pour grossir les objets à
la lumière. -
Le corps de la lunette, dite lunette-à nez,
appelé autrefois châssis, ne remonte pas au-
delà du douzième siècle.
Son inventeur fut un gentilhomme floren-
tin, nommé Salvino Armati. Il avait fait ses
lunettes pour lui, et ne cherchait nullement
à en tirer parti. Mais un moine des frères-
prècheurs, Despina, flaira l'invention, se mit
à l'œuvre, et produisit, lui aussi, une lunette. :
Ce qui établit la priorité d'Armati, c'est un
tombeau de la cathédrale de Florence, sur le- ,
quel crn le désigne comme l'inventeur.
Ainsi, la lunette a environ six cents ans de
date.
AI1 seizième siècle, un capucin, le Père
, Rheita, fitun binocle qui ne ressemblait en
rien aux nôtres : c'était une sorte de lunette à
tube, munie de trois ou quatre verres.
Vers le même temps, on trouva le moyen
d'appliquer un treillis de fer très-serré sur le
verre. Ce treillis ne laissait passer la lumière
que par une certaine ouverfure, et ramenait
ainsi le rayon visuel dans son centre. On voit
la similitude avec les louchettes contempo-
raines.
La lunette fut importée d'Italie en France,
vers 1400. M. ftouyer a eu sous les yeux un
brevet de maîtrise accordé en 1580 à la cor-
poration des miroitiers-lunettiers.
Je liens à m?arrêter un instant ici.
Il y a deux jours, j'énumérais tous les vi-
ces des anciennes corporations. J'aurais dû
faire une exception en faveur de quelques:
états où l'apprentissage était long et où les
charges de la maîtrise étaient en rapport avec
ses priviléges.
Dans le brevet -cité par M. Rouyer, il est
dit que le roi accordait aux miroitiers-lunet-
tiers le droit de faire etide vendre deslunettes
en corne et en étain, de fabriquer le verre de
celles-ci, soit en cristal ordinaire, soit'en
cristal de roche, de faire aussi les étuis en
cuir et en étoffes et non en papier.... Mais, en
même temps, les maîtres étaient tenus en-
vers les apprentis de les nourrir, vêtir et
coucher, et de leur apprendre leur état en
entier. Chaque maître ne pouvait prendre un'
second apprenti avant que le premier eût fait
quatre années de son temps,qui était de cinq.
Il devait garantir le savoir complet des en- j
fants qu'il avait préparés au compagnonnage.
De nos jours, paraît-il, les apprentis lunet-
tiers sont moins privilégiés : on les nourrit
très-peu, on ne les couche pas du tout, et les
trois quarts quittent l'apprentissage en sa-
chant à peine une partie du métier.
Je reprends mon exposé.
Les lunettes n'ont pas laissé de traces pro-
fondes dans l'histoire de France.
Un compte de l'année 1454 mentionne la
vente d'une espèce de lorgnon « pour aider à
lire à la reine ».
En 1488, une fourniture de lunettes est
faite aux échevins de Paris, au prix de dix
sous huit deniers...
Autre fourniture aux conseillers de la Cour
des Comptes : « trente six paires de lu-
nettes cristal, au prix de six sols tornois, et !
trois sols la paire en verre... »
Dans aucune de ces notes il n'est question
des fournisseurs. En faut-il conclure que la
France tirait ses lunettes de l'Angleterre, de
l'Allemagne et de la Suis-se ?...
Quoiqu'il en soit, le premier établissement
de lunetterie, connu chez nous, date du dix-
huHièrrîr^îièf le : c'est celui fondé à Songeons j
en Picardie, par Pingard et Deshayes. Depuis
près de <.ent ans, les frères Cozette, de Son-
geons, sont célèbres ; la maison Poullot et la
Société des lunettiers ont des succursales en
Picardie.
Les autres fabriques les plus célèbres sont
celles de Morez, dans le Jura, qui ne remon-
tent pas à plus de soixante ans. '
C'est là qu'après des essais infructueux,
tentés par quelques maisons suisses, se sont
établis et florissent les Lamy, les Michaud-
Pianet, les Reydor, les Camille Moret, etc.
Notre industrie lutte maintenant avec les
produits de l'Allemagne, et elle l'emporte sur
eux par la qualité et le fini. Le Jura exporte
pour quinze ou dix-huit cent mille francs de
lunettes. Paris, qui avait autrefois le mono-
pole de la partie acier, se défend avec peine
contre le bon marché de la main-d'œuvre
dans les départements.
Il est certain que l'Allemagne et l'Angle-
terre nous ont ouvert la voie, et fourni les
premiers modèles. Il 'est certain aussi que,
pour l'art. et le bon goût dans la fabrication,
la France est au premier rang.
Depuis Turgot, nos orfèvres fabriquent des
lunettes d'argent. Mais c'est en 1810, avec
les travaux de M. Chevalier, que commence
le véritable progrès...
Qui reconnaîtrait, dans nos élégantes lu-
nettes d'or, d'argent ou d'écaillé, la bésicle ou
nez-cintré de nos pères?.. Entre les deux, il
faut saluer les inventeurs inconnus qui pri-
rent la forme ovale, et qui imaginèrent l'o-
reille et la branche. Les lorgnons français
sont les premiers des lorgnons.
Je voudrais citer tous les noms de lunet-
tiers contenus dans le rapport. Je suis forcé à
regret de me borner à quelques-uns : M. Le-
page, fils de son père, — les Lepage forment
une dynastie lunettière; — M. Poullot, inven,
teur du pince-nez à plaquettes; M. Thiroin,
inventeur du pince-nez japonais....
Est-ce M. Coutellier ou M. Douyon qui a
eu le premier l'idée d'ouvrir l'écaillé?... Ce
que je sais, c'est que les importateurs, en
France, de la trempe de la lunette d'acier,
sont MM. Mariotte et Beaudussot...
Que de belles choses à dire sur le chapitre
des lunettes !
Grâce à elles, le vieillard dont l'imagination
est restée active et vive, peut se croire jeune
encere en voyant les objets avec des yeux
jeunes.
Placez deux verres aux extrémités d'un
tube de cuivre, et derrière ces verres l'œil
d'un savant ou d'un poëte : la création s'a-
grandira, les mondes les plus éloignés et les
plus petits seront soumis à son observation.
Non, les temps ne sont plus où, reine solitaire,
Sur sou trône immobile on asseyait la terre;
Non, le rapide char, portant l'astre du jour,
De l'aurore au couchant ne décrit plus son tour;
Le firmament n'est plus la voûte cristalline
Qui, comme un plafond bleu, de lustres s'iïïumine;
Ce n'est plus pour nous seuls que Dieu fit l'univers;
Mais, loin de nous tenir abaissés, soyons fiers!
Car, si nous abdiquons une royauté fausse,
Jusqu'au règne du Vrai la Science nous hausse
• . • > ....
D'autres cieux fécondés
Sont, par delà nos cieux, d'étoiles inondés.
Franchissant notre azur, mon hardi télescope
De notre amas stellaire a percé l'enveloppe ;
ROCAMBOLE
mess=""N° 160 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIS
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXI
Que se passa-t-il dès lors entre le révérend
Peters Town, miss Ellen et Paddy?
C'est ce que les deux premiers ne dirent pas ;
mais, en s'en allant, environ une heure après,
Paddy, murmura :
— Cette fois, j'ai bien vendu mon âme à ces
jeux démons.
On a beau vouloir être honnête, quand on
Vcir le numéro du 22.novembre -, ->
est misérable et dans les mains des riches, il
faut toujours finir par être criminel.
Et Paddy ayant étouffé un soupir, sortît à
grands pas de Belgrave square et regagna le
pont de Westminster.
Ce pont est comme la limite naturelle qui sé-
pare le beau du laid, l'opulence de la misère,
les palais des maisons noires, enfumées, fétides
où grouille une population chétive et sans cesse
aux prises avec la faim.
Paddy s'arrêta au milieu du pont dont les
nombreux reverbères reflétaient leurs rayonne-
ments sur les eaux noires de la Tamise.
Un vent violent qui soufflait du nord-ouest
avait déchiré le brouillard, et on apercevait en
haut les étoiles, en bas les fauves reflets Je l'eau
dans laquelle se miraient les becs de gaz.
Paddy s'arrêta au milieu du pont, s'accouda
au parapet et promena ses regards tour à tour
de la rive gauche où tout était splendeur, à la
rive droite où régnaient l'ombre et la souf-
france.
Le Parlement qui baigne ses assises dans le
fleuve, flamboyait comme un phare , gigan-
tesque.
C'était l'heure où les législateurs forgent des
lois nouvelles et s'occupent de gouverner le
naond.
De l'autre côté du pont, le Southwark était
plongé dans les ténèbres.
Cà et là, cependant, une lumière tremblot-
tante apparaissait au haut de quelque édifice.
Une surtout attira l'attention de Paddy.
Celle-là paraissait comme suspendue entre la
terre et le ciel, et tout autre qu'un homme du
quartier s'y serait trompé peut-être.
Mais Paddy avait presque toujours vécu dans
le Soutwark, et il reconnut le clocher de Saint-
George, la cathédrale des catholiques, et dans
cette lumière qui brillait, la lampe nocturne du
vieux gardien¿¡ui couchait dans le clocher.
— Ma parole d'Anglais, murmura-t-il enfin,
la vue de Saint-George me fait penser à une
chose, c'est que Nichols et son compagnon
pourraient bien faire fausse route.
Paddy s'assit sur le parapet du pont, à peu
près à égale distance des deux rives, tantôt
contemplant la façade illuminée du Parlement,
car les nobles lords ne siègent que le soir,
tantôt reportant son regard sur les maisons
tristes du Southwark, et fixant de nouveau
cette petite lampe nocturne qui avait tout
d'abord attiré son attention.
Puis il se tint le discours'suivant :
Rotherithe est un quart^, protestant; il ne
s'y trouve que fort peu de catholiques, et les
Irlandais qui travaillent dans les docks préfè-
rent loger sur la rive gauche, dans le Wapping.
Nichols pourrait donc bien s'être trompé en
prenant Rotherithe pour le centre de ses inves-
tigations.
Le condamné qu'on a enlevé se nommait John
Colden, il était catholique; par conséquent il est
probable que ses sauveurs sont catholiques pa-
reillement : d'où je conclus qu'il est plutôt dans
le Southwark qu'à Rotherithe.
Et Paddy, fixant une dernière fois la lumière
qui brillait dans le clocher de Saint-George, ne
put s'empêcher de tressaillir.
— J'ai mon idée, moi aussi, murmura-t-il.
Alors il se retnit en marche, passa le pont et
s'enfonça dans les ruelles obscures du South-
wark, se dirigeant vers Adam street.
Une demi-heure après, il arrivait chez lui.
Les deux enfants dormaient, mais la f-emme
veillait.
Lisbeth, assise auprès du poële dans lequel
brûlait un reste de coke, prêtait l'oreille au
moindre bruit qui lui venait du dehors.
! Vingt fois elle avait tressailli, croyant enten-
dre le pas de son mari.
Enfin Paddy entra.
Il était pâle, mais résolu.
— Bonsoir, femme ! dit-il.
Il regarda les deux enfants, couchés côte à
côte sur le grabat qui leur servait de lit. -
JOURNAL QUOTIDIEN
& cent. le numéro
5 cent. le numéro
-
ABONNEMENTS. — Trois mois. 811 mois. Un an.
Paris 5 fr. 9 fr. 1 s fr.
Départements.. 6 Il
Administrateur : E. DELSAUX. e ZD
1
3me s.nnée. — VENDREDI 4 7 AVRIL 1868. — N" 729
recteur-ropr tare : JANNIN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Drouot.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 16 AVRIL 1868.
LUNETTES ET LUNETTIERS
\: !1 >
En Chine, assure-t-on, les lunettes sont
le signe distinctif de la richesse et de l'aris-
tocratie. Tout mandarin qui se respecte, tout,
dandy qui tient à briller, tonte jolie femme <
qui vise à plaire, se plantent des lunettes sur
le nez.
L'usage, chez nous, est un peu moins gé-
néral. Cependant les trois mille jeunes gens
qu'on désigne sous le nom de petits crevés
n'iraient ni au théâtre, ni aux courses, sans
abriter sous un pince-nez leurs yeux de vingt
ans.
En Allemagne, dans les universités, à Hei-
delberg, à Munich, les étudiants, qui sont fort
lf'ttrés,corwme chacun sait, imitent volontiers
les savants chinois. Dans les musicos et les
bastringues, ce ne sont rçue casquettes à ban-
des rouges et blanches, lunettes, et bottes
passées SUT le pantalon. On danse, Qn boit,
on chante en chœur, dans la fumée. Au mi-
lieu de ce tohu-bohu du plaisir, les lunettes
symbolisent l'étude. La grande-chaumière et
récole fout bon ménage au-delà du Rhin.
J'ai reçu ce matin une grande brochure à
couverture bleue (le bleu repose les yeux),
sur laquelle étaient imprimés ces mots :
Exposition universelle de 1867. — RAPPORTS
DES DÉLÉGATIONS OUVRIÈRES. LUNETTIERS.
Les publications de cette nature sont de
celles que j'aime à signaler, dès leur appari-
tion. Rien ne dénote avec plus de force les
progrès accomplis depuis la Révolution par
le prolétariat et ta petite bourgeoisie, que ces
quelques feuilles de papier, — sorte de
cahiers du peuple — sur lesquelles un ou-
vrier délégué par ses compagnons constate
l'état d'une industrie, fait part au gouverne-
ment et au public des espérances et des
vœux d'une corporation.
Le délégué des lunettiers, M. Joseph
Ronyer, fait précéder le compte rendu des
produits exposés par Gile histoire abrégée de
la lunetterie, histoire incomplète sans doute,
mais qui a le mérite de fournir des docu-
ments précis, et de bien indiquer la marche
de cette fabrication à travers les temps...
\ ...
îLes lunettes de l'antiquité avaient lin ca-
cher tout particulier. Salomon regardait les
pbjets à travers une boule de verre, afin qu'ils
''lui parussent plus gros, et Néron se servait
d'une énorme émeraude pour suivre les com-
bats des gladiateurs. Aujourdihui, il n'y a
plus guère que les cordonniers qui emploient
des boules de verre pour grossir les objets à
la lumière. -
Le corps de la lunette, dite lunette-à nez,
appelé autrefois châssis, ne remonte pas au-
delà du douzième siècle.
Son inventeur fut un gentilhomme floren-
tin, nommé Salvino Armati. Il avait fait ses
lunettes pour lui, et ne cherchait nullement
à en tirer parti. Mais un moine des frères-
prècheurs, Despina, flaira l'invention, se mit
à l'œuvre, et produisit, lui aussi, une lunette. :
Ce qui établit la priorité d'Armati, c'est un
tombeau de la cathédrale de Florence, sur le- ,
quel crn le désigne comme l'inventeur.
Ainsi, la lunette a environ six cents ans de
date.
AI1 seizième siècle, un capucin, le Père
, Rheita, fitun binocle qui ne ressemblait en
rien aux nôtres : c'était une sorte de lunette à
tube, munie de trois ou quatre verres.
Vers le même temps, on trouva le moyen
d'appliquer un treillis de fer très-serré sur le
verre. Ce treillis ne laissait passer la lumière
que par une certaine ouverfure, et ramenait
ainsi le rayon visuel dans son centre. On voit
la similitude avec les louchettes contempo-
raines.
La lunette fut importée d'Italie en France,
vers 1400. M. ftouyer a eu sous les yeux un
brevet de maîtrise accordé en 1580 à la cor-
poration des miroitiers-lunettiers.
Je liens à m?arrêter un instant ici.
Il y a deux jours, j'énumérais tous les vi-
ces des anciennes corporations. J'aurais dû
faire une exception en faveur de quelques:
états où l'apprentissage était long et où les
charges de la maîtrise étaient en rapport avec
ses priviléges.
Dans le brevet -cité par M. Rouyer, il est
dit que le roi accordait aux miroitiers-lunet-
tiers le droit de faire etide vendre deslunettes
en corne et en étain, de fabriquer le verre de
celles-ci, soit en cristal ordinaire, soit'en
cristal de roche, de faire aussi les étuis en
cuir et en étoffes et non en papier.... Mais, en
même temps, les maîtres étaient tenus en-
vers les apprentis de les nourrir, vêtir et
coucher, et de leur apprendre leur état en
entier. Chaque maître ne pouvait prendre un'
second apprenti avant que le premier eût fait
quatre années de son temps,qui était de cinq.
Il devait garantir le savoir complet des en- j
fants qu'il avait préparés au compagnonnage.
De nos jours, paraît-il, les apprentis lunet-
tiers sont moins privilégiés : on les nourrit
très-peu, on ne les couche pas du tout, et les
trois quarts quittent l'apprentissage en sa-
chant à peine une partie du métier.
Je reprends mon exposé.
Les lunettes n'ont pas laissé de traces pro-
fondes dans l'histoire de France.
Un compte de l'année 1454 mentionne la
vente d'une espèce de lorgnon « pour aider à
lire à la reine ».
En 1488, une fourniture de lunettes est
faite aux échevins de Paris, au prix de dix
sous huit deniers...
Autre fourniture aux conseillers de la Cour
des Comptes : « trente six paires de lu-
nettes cristal, au prix de six sols tornois, et !
trois sols la paire en verre... »
Dans aucune de ces notes il n'est question
des fournisseurs. En faut-il conclure que la
France tirait ses lunettes de l'Angleterre, de
l'Allemagne et de la Suis-se ?...
Quoiqu'il en soit, le premier établissement
de lunetterie, connu chez nous, date du dix-
huHièrrîr^îièf le : c'est celui fondé à Songeons j
en Picardie, par Pingard et Deshayes. Depuis
près de <.ent ans, les frères Cozette, de Son-
geons, sont célèbres ; la maison Poullot et la
Société des lunettiers ont des succursales en
Picardie.
Les autres fabriques les plus célèbres sont
celles de Morez, dans le Jura, qui ne remon-
tent pas à plus de soixante ans. '
C'est là qu'après des essais infructueux,
tentés par quelques maisons suisses, se sont
établis et florissent les Lamy, les Michaud-
Pianet, les Reydor, les Camille Moret, etc.
Notre industrie lutte maintenant avec les
produits de l'Allemagne, et elle l'emporte sur
eux par la qualité et le fini. Le Jura exporte
pour quinze ou dix-huit cent mille francs de
lunettes. Paris, qui avait autrefois le mono-
pole de la partie acier, se défend avec peine
contre le bon marché de la main-d'œuvre
dans les départements.
Il est certain que l'Allemagne et l'Angle-
terre nous ont ouvert la voie, et fourni les
premiers modèles. Il 'est certain aussi que,
pour l'art. et le bon goût dans la fabrication,
la France est au premier rang.
Depuis Turgot, nos orfèvres fabriquent des
lunettes d'argent. Mais c'est en 1810, avec
les travaux de M. Chevalier, que commence
le véritable progrès...
Qui reconnaîtrait, dans nos élégantes lu-
nettes d'or, d'argent ou d'écaillé, la bésicle ou
nez-cintré de nos pères?.. Entre les deux, il
faut saluer les inventeurs inconnus qui pri-
rent la forme ovale, et qui imaginèrent l'o-
reille et la branche. Les lorgnons français
sont les premiers des lorgnons.
Je voudrais citer tous les noms de lunet-
tiers contenus dans le rapport. Je suis forcé à
regret de me borner à quelques-uns : M. Le-
page, fils de son père, — les Lepage forment
une dynastie lunettière; — M. Poullot, inven,
teur du pince-nez à plaquettes; M. Thiroin,
inventeur du pince-nez japonais....
Est-ce M. Coutellier ou M. Douyon qui a
eu le premier l'idée d'ouvrir l'écaillé?... Ce
que je sais, c'est que les importateurs, en
France, de la trempe de la lunette d'acier,
sont MM. Mariotte et Beaudussot...
Que de belles choses à dire sur le chapitre
des lunettes !
Grâce à elles, le vieillard dont l'imagination
est restée active et vive, peut se croire jeune
encere en voyant les objets avec des yeux
jeunes.
Placez deux verres aux extrémités d'un
tube de cuivre, et derrière ces verres l'œil
d'un savant ou d'un poëte : la création s'a-
grandira, les mondes les plus éloignés et les
plus petits seront soumis à son observation.
Non, les temps ne sont plus où, reine solitaire,
Sur sou trône immobile on asseyait la terre;
Non, le rapide char, portant l'astre du jour,
De l'aurore au couchant ne décrit plus son tour;
Le firmament n'est plus la voûte cristalline
Qui, comme un plafond bleu, de lustres s'iïïumine;
Ce n'est plus pour nous seuls que Dieu fit l'univers;
Mais, loin de nous tenir abaissés, soyons fiers!
Car, si nous abdiquons une royauté fausse,
Jusqu'au règne du Vrai la Science nous hausse
• . • > ....
D'autres cieux fécondés
Sont, par delà nos cieux, d'étoiles inondés.
Franchissant notre azur, mon hardi télescope
De notre amas stellaire a percé l'enveloppe ;
ROCAMBOLE
mess=""N° 160 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIS
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXI
Que se passa-t-il dès lors entre le révérend
Peters Town, miss Ellen et Paddy?
C'est ce que les deux premiers ne dirent pas ;
mais, en s'en allant, environ une heure après,
Paddy, murmura :
— Cette fois, j'ai bien vendu mon âme à ces
jeux démons.
On a beau vouloir être honnête, quand on
Vcir le numéro du 22.novembre -, ->
est misérable et dans les mains des riches, il
faut toujours finir par être criminel.
Et Paddy ayant étouffé un soupir, sortît à
grands pas de Belgrave square et regagna le
pont de Westminster.
Ce pont est comme la limite naturelle qui sé-
pare le beau du laid, l'opulence de la misère,
les palais des maisons noires, enfumées, fétides
où grouille une population chétive et sans cesse
aux prises avec la faim.
Paddy s'arrêta au milieu du pont dont les
nombreux reverbères reflétaient leurs rayonne-
ments sur les eaux noires de la Tamise.
Un vent violent qui soufflait du nord-ouest
avait déchiré le brouillard, et on apercevait en
haut les étoiles, en bas les fauves reflets Je l'eau
dans laquelle se miraient les becs de gaz.
Paddy s'arrêta au milieu du pont, s'accouda
au parapet et promena ses regards tour à tour
de la rive gauche où tout était splendeur, à la
rive droite où régnaient l'ombre et la souf-
france.
Le Parlement qui baigne ses assises dans le
fleuve, flamboyait comme un phare , gigan-
tesque.
C'était l'heure où les législateurs forgent des
lois nouvelles et s'occupent de gouverner le
naond.
De l'autre côté du pont, le Southwark était
plongé dans les ténèbres.
Cà et là, cependant, une lumière tremblot-
tante apparaissait au haut de quelque édifice.
Une surtout attira l'attention de Paddy.
Celle-là paraissait comme suspendue entre la
terre et le ciel, et tout autre qu'un homme du
quartier s'y serait trompé peut-être.
Mais Paddy avait presque toujours vécu dans
le Soutwark, et il reconnut le clocher de Saint-
George, la cathédrale des catholiques, et dans
cette lumière qui brillait, la lampe nocturne du
vieux gardien¿¡ui couchait dans le clocher.
— Ma parole d'Anglais, murmura-t-il enfin,
la vue de Saint-George me fait penser à une
chose, c'est que Nichols et son compagnon
pourraient bien faire fausse route.
Paddy s'assit sur le parapet du pont, à peu
près à égale distance des deux rives, tantôt
contemplant la façade illuminée du Parlement,
car les nobles lords ne siègent que le soir,
tantôt reportant son regard sur les maisons
tristes du Southwark, et fixant de nouveau
cette petite lampe nocturne qui avait tout
d'abord attiré son attention.
Puis il se tint le discours'suivant :
Rotherithe est un quart^, protestant; il ne
s'y trouve que fort peu de catholiques, et les
Irlandais qui travaillent dans les docks préfè-
rent loger sur la rive gauche, dans le Wapping.
Nichols pourrait donc bien s'être trompé en
prenant Rotherithe pour le centre de ses inves-
tigations.
Le condamné qu'on a enlevé se nommait John
Colden, il était catholique; par conséquent il est
probable que ses sauveurs sont catholiques pa-
reillement : d'où je conclus qu'il est plutôt dans
le Southwark qu'à Rotherithe.
Et Paddy, fixant une dernière fois la lumière
qui brillait dans le clocher de Saint-George, ne
put s'empêcher de tressaillir.
— J'ai mon idée, moi aussi, murmura-t-il.
Alors il se retnit en marche, passa le pont et
s'enfonça dans les ruelles obscures du South-
wark, se dirigeant vers Adam street.
Une demi-heure après, il arrivait chez lui.
Les deux enfants dormaient, mais la f-emme
veillait.
Lisbeth, assise auprès du poële dans lequel
brûlait un reste de coke, prêtait l'oreille au
moindre bruit qui lui venait du dehors.
! Vingt fois elle avait tressailli, croyant enten-
dre le pas de son mari.
Enfin Paddy entra.
Il était pâle, mais résolu.
— Bonsoir, femme ! dit-il.
Il regarda les deux enfants, couchés côte à
côte sur le grabat qui leur servait de lit. -
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