Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-03-11
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 mars 1868 11 mars 1868
Description : 1868/03/11 (A3,N692). 1868/03/11 (A3,N692).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47176942
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
S eeul. le numéro "
JOURNAL QUOTIDIEN
S cent. le numéro -
ABONNEMENTS. - - Trois mois. six mois. Un an.
Paris 5 fr, - ■ 9 fr. 18 fr. -
Départements.. C Il ee -
Administrateur: E. DELSAUX.
3mo année. — MERCREDI 11 M AR S I868. N° 692
Directeur-Proprié taire : J AN N I N.
Rédacteur en chef: A. DE BALATIIIER BRAGEL00NE.
B U r. E A U x 1) A BON SEMENT : 9, rue Drouot.
\r>-.iiNï'STUATiON : 13, place Breda.
PARIS, 10 MARS 1868.
LE MAITRE D'ÉTUDES
t/
Chacune de ces causeries, chers lecteurs,
nécessite quelques recherches.
C'est ainsi qu'hier, pour vous parler du
Japon, j'ai feuilleté deux ou trois volumes que
je n'avais pas ouverts depuis lor'igteIllps.
L'un d'eux était un vieux dic^nnairèT^ur
la première page duquel étaient écrits ee
mots: ■ /»"'
« Passe-moi mon soulier i&:i
m-
a Passe-moi inoit soulier! »
Je me mis à rire : j'avais reconnu mon écri-
ture d'il y a vingt ans.
A qui donc pouvais-je bien demander mon
soulier ?
Et je me rappelai aussitôt le nom d'un bon
garçon qui m'avait appris à me servir de cinq
plumes pour expédier les vers de mes pen-
sums.
Je m'étais montré ingrat ; j'avais refusé de
lui laisser copier ma version, et il avait été
.puni.
Alors, pris à la fois d'un double désir de
vengeance, il m'avait arraché mon soulier
pour le jeter à la tète du pion.
« Passe-moi mon soulier ! D
Il se garda bien de me le passer, l'animal ;
.. mais je. dois dire qu'il ne le jeta pas non
p!us. ~~
Aus!r; quels reproches ! — Tu n'a pas osé!...
"'était bien la peine de te vanter!... Quel
'iaponl...
Dix ans plus tard, ce capon s'est fait tuer en
Crimée.
L est égal, le pion l'avait échappé belle....
Le pion ! Il en est de ce mot comme d'un
'o'e de,Bouffé : il fait rire et pleurer en même
temps.
Pour les collégiens, c'est l'ennemi, —
un ennemi contre lequel ils sont toujours
armés.
L'un nouera les draps de son lit.
L'autre les remplira de poils de brosse.
Un troisième jettera ses habits par la fe-
nêtre.
Un quatrième tendra une ficelle pour le
faire trébucher.
En hiver, il sera le but des boules de
neige.
Au printemps, les hannetons habiteront sa
chaire.
En été, les mouches promèneront leurs
queues de papier sur son front. -
En automn-e, le gaz, subitement éteint,
cessera d'éclairer l'étude ; et, dans l'obscu-
rité, un capitaine d'aventures de douze ans
dra planter des clous sur la chaise du. tyran.
\ Le pion se fâche, on rit.
| Il punit, on rit encore.
/ Il punit plus fort, on répond : — Qu'ça me
fait?
Au fond, on est consterné, et, quand l'oc-
casion se présente, on se venge de la puni-
tion, comme on se vengerait d'une injustice.
Mon ami CamÍllc Etiévant m'a raconté
l'histoire d'un de ses pions.
Cétait un brave jeune homme, plein de
cœur; sur les soixante-dix francs par mois qui
formaient sa haute paye, il en envoyait cin-
quante à sa mère.
Avec le reste il achetait des livres; il étu-
diait sans relâche ; il ne sortait jamais.
Son unique habit était râpé jusqu'à la
corde., mais d'une propreté parfaite, et il en
prenait un soin exlrcme.
Une fois, ses élèves se cotisèrent pour lui
acheter une paire de fausses manches.
Le pauvre d'iflble fit semblant de rire.
— Merci, dit-il ; voilà une bonne idée !.'
Et il se remit à étudier, afin de passer plus
vite sa licence et de pouvoir quitter enfin cette
galèle. *
Une autre fois, il avait acheté un pan-
talon.
La distribution des prix allait avoir lieu :
il voulait être convenablement vêtu pour ce
grand jour.
Le dimanche précédent, il mit son pan-
talon.
Il était jeune, et ce n'est pas sans plaisir
qu'il y donnait de temps en temps un coup
d'œil.
Î
Ce coup d/feil fut surpris par ses élèves.
Pendant toute la récréation qui - suivit, on
ne parla que du pantalon du pion.
Un demi-pensionnaire se procura de la
poix....
La chaise du maitre d'études en fut en-
duite avec amour.
L'heure sonna.
On se regardait, on souriait...
La victime cependant se dirigea en sou-
riant vers sa place. Le jeune homme était
dans un jour de bonheur : les vacances ap-
prochaient et il allait pouvoir étudier à l'aise ;
il irait embrasser sa mère, solliciter ses pro-
tecteurs; qui sait? peut-être ne serait-il plus
forcé db remettre les pieds dans la maison
maudite... Le pantalon jouait 1Un rôle dans
tout cela. Un vêtement neuf enhardit; il
donne à celui qui le Dorte je ne sais quelle
autorité...
Le pion s'assit.
Il se releva par un mouvement brusque,
porta la main. à sa chaise, et jeta à ses bour-
reaux un regard terrible. Puis il devint
très-pâ1e, et des larmes roulèrent dans ses
yeux.
Les enfants avaient fait une bonne farce,
et ils Comptaient bien rire. C'est pourquoi,
voyant ces larmes, ils se mirent à pleurer
aussi.
Depuis, ce jour, le pion fut leur ami.
11 faaJt-dire la vérité.
Les, maîtres d'études justifient souvent la
haine dont ils sont l'objet.
Ln#tnTs sont des jeunes gens sans fortune,
qui profitent de l'hospitalité de l'Université
pour étudier le droit et la médecine, pré-
parer leurs examens pour l'école Normale ou
pour la licence. Ceux-là, si leurs élèves les
laissent travailler en repos, ne sont ni exi-
geants, ni tyranniques. Et pui--, ils sont
jeunes; ils vivent dans l'avenir, et l'espérance
leur fait supporter le présent.
Par malheur, il y en a d'autres, les fruits
eecs du baccalauréat, ceux qui se sont rési-
gnés à être maîtres d'études toute leur vie.
Il en est de ces derniers comme des vieux
sous-officiers : ils cherchent à passer le temps
le plus gaiement possible ; pendant les heures
des classes, ils vont au café; ils lisent des
romans pendant les heures d'étude. Parfois
l'absinthe broche sur le tout. Quant aux élèves,
ce sont de méchants petits drôles;sur lesquels
il est trop juste de faire tomber sa mauvaise
humeur... Aussi, les vieux pions sont sans
pitié.
Cherchez au fond de toutes les révoltes, si
fréquentes dans les colléges, ce sera un ha-
sard si, parmi leurs causes, vous ne trouvez
pas quelque abus de pouvoir commis par un
vieux pion...
i '
Il ne m'appartient pas d'indiquer le remède
à cet état de choses.
Faut-il, comme le voulait un ministre de
l'instruction publique, relever la condition
des maîtres d'études par une augmentation
de trnitement?
Faut-il, comme le désirait un autre, consl-
.dércr comme démissionnaire tout maître
d'études qui, après un certain nombre d'an-
nées d'exercice, n'aurait pas subi les épreuves
• de la licence?
Je ne saurais me prononcer.
Ce que je sais bien, c'est que cette prores-
sion, utile entre toutes, est exercée par des
parias.
Ce -que- je veux me rappeler, c'-est que,
parmi ces parias, il y a eu des hommes qui,
plus tard, ont servi ou illustré leur pays.
Pichègru, un grand général, a manié la
férule.
Monge, un grand savant, a donné tics
pensums.
Louis-Philippe, exilé, a dit : — 'Silence,
messieurs !
Alphonse Karr a écrit Sous les tilleul*,
dans une chaire de pion.
C'est en se promenant sous les arbres ,
grêles d'une cour de collége, qu'IIégésin 0
Moreau revoyait son pays natal...
La Laie en fleurs, le petit Lois,
L'enclos plein de lumière...
1
On a dit que tout soldat avait dans l'a
giberne le bâton de maréchal de France.
Les pions, on le voit, sont encore ID1h;X
partages.
TONY RÉVILLON.
mess=""ROCAMBOLE
123 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
TROISIÈME PARTIE
NEWGATE. — LE CIMETIÈRE DES SUPPLICIÉS
XX
Cependant, plusieurs jours s'étaient écoulés,
et l'heure fixée pour le supplice de John Colden
. s'avançait.
Encore quarante-huit heures, et l'échafaud
qJ1i s'était dressé pour Bulton se dresserait-de
nouveau pour John Colden.
Veir Je numéro du 22 novembre.
Le peuple de Londres est comme celui de
Paris.
Il est avide de ces lugubres tragédies qui n'ont
d'autre rampe que les rayons blafards du petit
jour.
Longtemps à l'avance, il s'occupe d'avoir une
bonne place à ce spectacle r: e mort.
Plus favorisé que le peuple de Paris, qui s'en
va quelquefois huit nuits de suite sur la place
de la Roquette, celui de Londres sait l'heure et
le jour, et ne se dérange pas inutilement.
Pendant les derniers jours qui précèdent l'exé-
cution, le condamné devient le sujet de toutes
les conversations, soit dans les tavernes et les
public-houses, soit chez les pâtissiers et les
marchands d'huîtres.
Au Wapping et dans White-Chapei, on ne
parle plus d'autre chose -
Le condamné, deux ou Uois jours avant sa
dernière heure, devient le lion du moment.
Ceux qui l'ont connu racontent sur lui une
foule d'anecdotes, ceux qui ont eu le bonheur
de pénétrer dans l'enceinte réservée an public,
le jour de la cour d'assises, se complaisent à
répéter les arguments de l'attorney général et
la plaidoirie du sollicitor, et le petit di-cours
* que le juge, en prononçant la peine de mort, a
fait, le" lances aux yeux, au condamné.
En Angleterre, le pari est tellement dans les
mœurs, que le moindre événement est un pré-
texte à gageures.
On engage donc des paris sur le jour de l'exé-
cution, l'heure, la température du moment, le
courage ou la faiblesse du condamné.
Mourra-t il bien ou mal?
Telle est la question.
Un pari formidable s'était engagé là-dessus,
au B!ak-horse, le public house fameux que nous
connaissons, et dans la cave duquel trônait ma-
jestueusement mistress Brandy.
C'était le six janvier, et l'exécution devait
avoir lieu le huit.
La cave du Cheval Noir était pleine.
Les d'eux garçons de mistress Brandy ne suf-
fisaient point à servir les choppes de bière, à
verser le gin dans les verres et à' préparer des
sherry-cobler pour les aristocrates de l'endroit,
car il y a des aristocrates partout, même au
Wapping.
Il y avait de tout ce soir-là, et disons-le tout
de suite, les marins étaient en si grand
nombre que les voleurs se trouvaient en mÍtlO-
rité.
Parmi les premiers, on voyait Williams, ce
màtelot aux cheveux et aux favoris rouges que
l'homme gris avait terrassé, quelques jours
aul'aravant.
Williams avait retrouvé toute sa faconde,
toute sa forfanterie insolente.
Pendant un jour ou deux, il s'était tenu tran-
quille, mais comme l'homme gris n'avait pas re-
paru au Blak-horse, Williams s'était senti
à l'aise et sa nature querelleuse avait repris le
dessus.
Parmi les voleurs, on voyait également llüe
de nos anciennes connaissances, Jak,dit 1 Oiseau
bleu.
'Et enfin, il y avait aussi. des dames, et par n.i
elles, cette affreuse Betty, qui voulait accapa-
rer l'amour de Williams et avait essayé d arra-
cher les yeux à la pauvre Irlandaise.
Comme Betty n'en était encore qu'à son on-
zième verre de gin, elle conservait une lueur de
raison et causait presque comme un être hu-
main.
— Mon petit Williams, disait.eile, mon cher;,
mon amour, n'est-ce pas que tu me conduiras
dans Old Bailey demain soir ? Nous irons de
bonne heure, et nous arriverons les premiers.
Williams haussa les épaules :
— Cela ne m'amuse guère, moi, dit-il, d 'at-
tendre toute la nuit pour voir pendre.
— Il y a en face de la porte de Newgate un
public house où nous pourrons boire.
— Mais où tu ne verraî rien, ricana le Etir
tslot.
S eeul. le numéro "
JOURNAL QUOTIDIEN
S cent. le numéro -
ABONNEMENTS. - - Trois mois. six mois. Un an.
Paris 5 fr, - ■ 9 fr. 18 fr. -
Départements.. C Il ee -
Administrateur: E. DELSAUX.
3mo année. — MERCREDI 11 M AR S I868. N° 692
Directeur-Proprié taire : J AN N I N.
Rédacteur en chef: A. DE BALATIIIER BRAGEL00NE.
B U r. E A U x 1) A BON SEMENT : 9, rue Drouot.
\r>-.iiNï'STUATiON : 13, place Breda.
PARIS, 10 MARS 1868.
LE MAITRE D'ÉTUDES
t/
Chacune de ces causeries, chers lecteurs,
nécessite quelques recherches.
C'est ainsi qu'hier, pour vous parler du
Japon, j'ai feuilleté deux ou trois volumes que
je n'avais pas ouverts depuis lor'igteIllps.
L'un d'eux était un vieux dic^nnairèT^ur
la première page duquel étaient écrits ee
mots: ■ /»"'
« Passe-moi mon soulier i&:i
m-
a Passe-moi inoit soulier! »
Je me mis à rire : j'avais reconnu mon écri-
ture d'il y a vingt ans.
A qui donc pouvais-je bien demander mon
soulier ?
Et je me rappelai aussitôt le nom d'un bon
garçon qui m'avait appris à me servir de cinq
plumes pour expédier les vers de mes pen-
sums.
Je m'étais montré ingrat ; j'avais refusé de
lui laisser copier ma version, et il avait été
.puni.
Alors, pris à la fois d'un double désir de
vengeance, il m'avait arraché mon soulier
pour le jeter à la tète du pion.
« Passe-moi mon soulier ! D
Il se garda bien de me le passer, l'animal ;
.. mais je. dois dire qu'il ne le jeta pas non
p!us. ~~
Aus!r; quels reproches ! — Tu n'a pas osé!...
"'était bien la peine de te vanter!... Quel
'iaponl...
Dix ans plus tard, ce capon s'est fait tuer en
Crimée.
L est égal, le pion l'avait échappé belle....
Le pion ! Il en est de ce mot comme d'un
'o'e de,Bouffé : il fait rire et pleurer en même
temps.
Pour les collégiens, c'est l'ennemi, —
un ennemi contre lequel ils sont toujours
armés.
L'un nouera les draps de son lit.
L'autre les remplira de poils de brosse.
Un troisième jettera ses habits par la fe-
nêtre.
Un quatrième tendra une ficelle pour le
faire trébucher.
En hiver, il sera le but des boules de
neige.
Au printemps, les hannetons habiteront sa
chaire.
En été, les mouches promèneront leurs
queues de papier sur son front. -
En automn-e, le gaz, subitement éteint,
cessera d'éclairer l'étude ; et, dans l'obscu-
rité, un capitaine d'aventures de douze ans
dra planter des clous sur la chaise du. tyran.
\ Le pion se fâche, on rit.
| Il punit, on rit encore.
/ Il punit plus fort, on répond : — Qu'ça me
fait?
Au fond, on est consterné, et, quand l'oc-
casion se présente, on se venge de la puni-
tion, comme on se vengerait d'une injustice.
Mon ami CamÍllc Etiévant m'a raconté
l'histoire d'un de ses pions.
Cétait un brave jeune homme, plein de
cœur; sur les soixante-dix francs par mois qui
formaient sa haute paye, il en envoyait cin-
quante à sa mère.
Avec le reste il achetait des livres; il étu-
diait sans relâche ; il ne sortait jamais.
Son unique habit était râpé jusqu'à la
corde., mais d'une propreté parfaite, et il en
prenait un soin exlrcme.
Une fois, ses élèves se cotisèrent pour lui
acheter une paire de fausses manches.
Le pauvre d'iflble fit semblant de rire.
— Merci, dit-il ; voilà une bonne idée !.'
Et il se remit à étudier, afin de passer plus
vite sa licence et de pouvoir quitter enfin cette
galèle. *
Une autre fois, il avait acheté un pan-
talon.
La distribution des prix allait avoir lieu :
il voulait être convenablement vêtu pour ce
grand jour.
Le dimanche précédent, il mit son pan-
talon.
Il était jeune, et ce n'est pas sans plaisir
qu'il y donnait de temps en temps un coup
d'œil.
Î
Ce coup d/feil fut surpris par ses élèves.
Pendant toute la récréation qui - suivit, on
ne parla que du pantalon du pion.
Un demi-pensionnaire se procura de la
poix....
La chaise du maitre d'études en fut en-
duite avec amour.
L'heure sonna.
On se regardait, on souriait...
La victime cependant se dirigea en sou-
riant vers sa place. Le jeune homme était
dans un jour de bonheur : les vacances ap-
prochaient et il allait pouvoir étudier à l'aise ;
il irait embrasser sa mère, solliciter ses pro-
tecteurs; qui sait? peut-être ne serait-il plus
forcé db remettre les pieds dans la maison
maudite... Le pantalon jouait 1Un rôle dans
tout cela. Un vêtement neuf enhardit; il
donne à celui qui le Dorte je ne sais quelle
autorité...
Le pion s'assit.
Il se releva par un mouvement brusque,
porta la main. à sa chaise, et jeta à ses bour-
reaux un regard terrible. Puis il devint
très-pâ1e, et des larmes roulèrent dans ses
yeux.
Les enfants avaient fait une bonne farce,
et ils Comptaient bien rire. C'est pourquoi,
voyant ces larmes, ils se mirent à pleurer
aussi.
Depuis, ce jour, le pion fut leur ami.
11 faaJt-dire la vérité.
Les, maîtres d'études justifient souvent la
haine dont ils sont l'objet.
Ln#tnTs sont des jeunes gens sans fortune,
qui profitent de l'hospitalité de l'Université
pour étudier le droit et la médecine, pré-
parer leurs examens pour l'école Normale ou
pour la licence. Ceux-là, si leurs élèves les
laissent travailler en repos, ne sont ni exi-
geants, ni tyranniques. Et pui--, ils sont
jeunes; ils vivent dans l'avenir, et l'espérance
leur fait supporter le présent.
Par malheur, il y en a d'autres, les fruits
eecs du baccalauréat, ceux qui se sont rési-
gnés à être maîtres d'études toute leur vie.
Il en est de ces derniers comme des vieux
sous-officiers : ils cherchent à passer le temps
le plus gaiement possible ; pendant les heures
des classes, ils vont au café; ils lisent des
romans pendant les heures d'étude. Parfois
l'absinthe broche sur le tout. Quant aux élèves,
ce sont de méchants petits drôles;sur lesquels
il est trop juste de faire tomber sa mauvaise
humeur... Aussi, les vieux pions sont sans
pitié.
Cherchez au fond de toutes les révoltes, si
fréquentes dans les colléges, ce sera un ha-
sard si, parmi leurs causes, vous ne trouvez
pas quelque abus de pouvoir commis par un
vieux pion...
i '
Il ne m'appartient pas d'indiquer le remède
à cet état de choses.
Faut-il, comme le voulait un ministre de
l'instruction publique, relever la condition
des maîtres d'études par une augmentation
de trnitement?
Faut-il, comme le désirait un autre, consl-
.dércr comme démissionnaire tout maître
d'études qui, après un certain nombre d'an-
nées d'exercice, n'aurait pas subi les épreuves
• de la licence?
Je ne saurais me prononcer.
Ce que je sais bien, c'est que cette prores-
sion, utile entre toutes, est exercée par des
parias.
Ce -que- je veux me rappeler, c'-est que,
parmi ces parias, il y a eu des hommes qui,
plus tard, ont servi ou illustré leur pays.
Pichègru, un grand général, a manié la
férule.
Monge, un grand savant, a donné tics
pensums.
Louis-Philippe, exilé, a dit : — 'Silence,
messieurs !
Alphonse Karr a écrit Sous les tilleul*,
dans une chaire de pion.
C'est en se promenant sous les arbres ,
grêles d'une cour de collége, qu'IIégésin 0
Moreau revoyait son pays natal...
La Laie en fleurs, le petit Lois,
L'enclos plein de lumière...
1
On a dit que tout soldat avait dans l'a
giberne le bâton de maréchal de France.
Les pions, on le voit, sont encore ID1h;X
partages.
TONY RÉVILLON.
mess=""ROCAMBOLE
123 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
TROISIÈME PARTIE
NEWGATE. — LE CIMETIÈRE DES SUPPLICIÉS
XX
Cependant, plusieurs jours s'étaient écoulés,
et l'heure fixée pour le supplice de John Colden
. s'avançait.
Encore quarante-huit heures, et l'échafaud
qJ1i s'était dressé pour Bulton se dresserait-de
nouveau pour John Colden.
Veir Je numéro du 22 novembre.
Le peuple de Londres est comme celui de
Paris.
Il est avide de ces lugubres tragédies qui n'ont
d'autre rampe que les rayons blafards du petit
jour.
Longtemps à l'avance, il s'occupe d'avoir une
bonne place à ce spectacle r: e mort.
Plus favorisé que le peuple de Paris, qui s'en
va quelquefois huit nuits de suite sur la place
de la Roquette, celui de Londres sait l'heure et
le jour, et ne se dérange pas inutilement.
Pendant les derniers jours qui précèdent l'exé-
cution, le condamné devient le sujet de toutes
les conversations, soit dans les tavernes et les
public-houses, soit chez les pâtissiers et les
marchands d'huîtres.
Au Wapping et dans White-Chapei, on ne
parle plus d'autre chose -
Le condamné, deux ou Uois jours avant sa
dernière heure, devient le lion du moment.
Ceux qui l'ont connu racontent sur lui une
foule d'anecdotes, ceux qui ont eu le bonheur
de pénétrer dans l'enceinte réservée an public,
le jour de la cour d'assises, se complaisent à
répéter les arguments de l'attorney général et
la plaidoirie du sollicitor, et le petit di-cours
* que le juge, en prononçant la peine de mort, a
fait, le" lances aux yeux, au condamné.
En Angleterre, le pari est tellement dans les
mœurs, que le moindre événement est un pré-
texte à gageures.
On engage donc des paris sur le jour de l'exé-
cution, l'heure, la température du moment, le
courage ou la faiblesse du condamné.
Mourra-t il bien ou mal?
Telle est la question.
Un pari formidable s'était engagé là-dessus,
au B!ak-horse, le public house fameux que nous
connaissons, et dans la cave duquel trônait ma-
jestueusement mistress Brandy.
C'était le six janvier, et l'exécution devait
avoir lieu le huit.
La cave du Cheval Noir était pleine.
Les d'eux garçons de mistress Brandy ne suf-
fisaient point à servir les choppes de bière, à
verser le gin dans les verres et à' préparer des
sherry-cobler pour les aristocrates de l'endroit,
car il y a des aristocrates partout, même au
Wapping.
Il y avait de tout ce soir-là, et disons-le tout
de suite, les marins étaient en si grand
nombre que les voleurs se trouvaient en mÍtlO-
rité.
Parmi les premiers, on voyait Williams, ce
màtelot aux cheveux et aux favoris rouges que
l'homme gris avait terrassé, quelques jours
aul'aravant.
Williams avait retrouvé toute sa faconde,
toute sa forfanterie insolente.
Pendant un jour ou deux, il s'était tenu tran-
quille, mais comme l'homme gris n'avait pas re-
paru au Blak-horse, Williams s'était senti
à l'aise et sa nature querelleuse avait repris le
dessus.
Parmi les voleurs, on voyait également llüe
de nos anciennes connaissances, Jak,dit 1 Oiseau
bleu.
'Et enfin, il y avait aussi. des dames, et par n.i
elles, cette affreuse Betty, qui voulait accapa-
rer l'amour de Williams et avait essayé d arra-
cher les yeux à la pauvre Irlandaise.
Comme Betty n'en était encore qu'à son on-
zième verre de gin, elle conservait une lueur de
raison et causait presque comme un être hu-
main.
— Mon petit Williams, disait.eile, mon cher;,
mon amour, n'est-ce pas que tu me conduiras
dans Old Bailey demain soir ? Nous irons de
bonne heure, et nous arriverons les premiers.
Williams haussa les épaules :
— Cela ne m'amuse guère, moi, dit-il, d 'at-
tendre toute la nuit pour voir pendre.
— Il y a en face de la porte de Newgate un
public house où nous pourrons boire.
— Mais où tu ne verraî rien, ricana le Etir
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