Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-12-23
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 23 décembre 1867 23 décembre 1867
Description : 1867/12/23 (A2,N613). 1867/12/23 (A2,N613).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717615f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
- , _r.^ • . - - '
& cent. le numéro JOUH! jQfl^TïDIESfê S cent. le numéro
wi :¡'", ii t t. ? Cλ
ABONNEMENTS. — Trois mois. Siamois, Un an.
Paris a fr. 9 fr. 1 s fr.
Départements.. S IR e v
Admin-ist'rat61Ir: E. D KL S AUX.
1 u.r n;c:i.-,r vi I r r .. • • i 1 1
~
c
» année. — LUNDI 3 DECEMBRE 1867. — N« 613 .
Directeur-Propriétaire : .lA N N lN.i
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, RUSE Dil-Gnot.
ADMINISTRATION : 13. PLACE RRE^A
La Presse illustrée journal hebdoma-
daire à 10 centimes, est vendue 5 cen-
limes seulement il toute personne qui
achète la Petite Presse le samedi à Paris
' et le dimanche, en province.
PARIS, 22 DÉCEMBRE 1867.
L'INTELLIGENCE DES ANIMAUX
» Une belle fable de l'antiquité est celle qui
montre le premier homme destiné à vivre
vingt ans tout au plus. Il était désespéré; il
avait auprès de lui une chenille, un papillon,
un paon, un cheval, un renard et un singe.
— Prolonge ma vie, dit-il à Jupiter; < je
vaux mieux que tous ces animaux-là : il est
juste que moi et mes enfants nous vivions
très-longtemps, pour commander à toutes les
bêtes.
— Volontiers, répondit Jupiter; mais je n'ai
qu'un certain nombre de jours à partager
entre tous les êtres à qui j'ai accordé la vie.
Je ne puis te donner qu'en retranchant aux
autres. Je veux bien Raccorder quelques an-
nées de plus, en les ôtant à ces six animaux
dont tu es jaloux; mais à une condition :
s'est que tu auras successivement leurs ma-
nières d'être. L'homme sera d'abord chenille,
an se traînant comme elle dans sa première
enfance. Il aura jusqu'à quinze ans la légèreté
d'un papillon; dans sa jeunesse, la vanité
d'un paon. Il faudra, dans l'âge viril, qu'il
travaille comme un cheval. Vers les cinquante
ans, il aura les ruses du renard; et, dans sa
viellesse, il sera laid et ridicule comme un
singe. /
Jupiter n'oublia qu'une chose, c'était d'ha-
biller l'homme, comme il avait vêtu le singe,
le renard, le cheval, le paon, le papillon, et
jusqu'à la chenille.
En y réfléchissant, en effet, nous n'avons
pas lieu d'être bien fiers.
Cependant, nous rions fort des Egyptiens,
qui adoraient des animaux :
En Egypte, jadis toute bète était Dieu,
Tant l'homme, au contraire, était bête.
Nous croyons volontiers que les fleuves ont
été faits pour les villes, les animaux pour
l'homme, et nous refusons toute intelligence
aux êtres qui ne sont pas nous.
Il est bon que, de temps en temps, un natu-
raliste, un savant, un observateur, remette
les choses dans leur vrai jour, et nous en-
seigne la modestie par l'histoire naturelle,
comme on enseigne la morale par l'exemple.
La librairie Hachette vient de publier, dans
sa BIBLIOTHÈQUE DES MERVEILLES, un petit livre
qui a un très-grand mérite, celui d'ins-
truire en récréant. L'Intelligence des ani-
maux,, par M. Ernest Menault, est un recueil
d'anecdotes bien plus qu'un traité. Mais, parmi
ces anecdotes, il y en a de si amusantes et de
si jolies !...
Je prends presque au hasard, ne pouvant
tout citer.
Je passe, à dessein, sur les républiques 1
des fourmis et sur les royaumes des abeilles.
L'araignée, déployant tout son génie à guetter
sa proie, me touche peu. Mais la puce!... Qui
donc a cru que les puces n'étaient bonnes
| qu'à tourmenter l'homme? Les puces sont
d'admirables animaux, d'une force muscu-
' laire incroyable et d'une merveilleuse intelli-
gence. Elles tirent le canon comme les artil-
I leurs, font l'exercice comme les grenadiers,
[ puisent de l'eau comme les pompiers.
« Hoock raconte qu'un ouvrier anglais
avait construit en ivoire un carrosse à six
chevaux, un cocher sur le . siège avec un
chien entre les jambes, un postillon, quatre
maîtres dans le carrosse et deux laquais der-
rière ; tout cet équipage, était traîné par une
puce. Quel limonier! »
Le baron Walckenaër rapporte les mer-
veilles exécutées par des puces savantes, que
l'on montrait sur la place de la Bourse pour
la somme de soixante centimes. - Je les ai
vues, dit-il, avec mes yeux d'entomologiste
armés de plusieurs loupes :
« Quatre puces faisaient l'exercice et se te-
naient debout sur leurs pattes de derrière, ar-
mées d'une pique, qui était un petit éclat de
bois très-mince.
» Deux puces étaient attelées à une berline
d'or à quatre roues, avec un postillon,et elles
traînaient cette berline. Une troisième puce
était assise sur le siège du cocher avec un petit
éclat de bois qui figurait le fouet. Deux autres
puces traînaient un canon sur un affût. Ce
petit bijou était admirable, il n'y manquait
pas une vis, pas un écrou. Toutes ces mer-
veilles et quelques autres encore s'exécutaient
sur une glace polie. Les puces chevaux étaient
attachée^ :ayec une chaîne d'or par leurs cuis-
ses de derrière ; on m'a dit, ajoute Walcke-
naër, que jamais on ne leur ôtait cette chaîne.
Elles vivaient ainsi depuis deux ans et demi.
Pas une- n'était morte dans cet intervalle.
On les nourrissait en les posant sur un bras
d'homm&^qu'elles : suçaient. Quand elles ne
voulaient pas traîner le canon ou la berline,
l'homme prenait un charbon allumé qu'il
promenait au-dessus d'elles, et aussitôt elles
se remuaient et recommençaient leurs exer-
cices... »
Ces puces, après avoir donné des représen-
tations à Paris, allèrent en donner en pro-
vince; partout elles confondirent l'orgueil
humain.
Si le lézard est l'ami de l'homme, c'est
plutôt pour sa douceur qu'il faut le louer que
pour son intelligence. La couleuvre est l'amie
de la femme. Une couleuvre apprivoisée a j
suivi sa maîtresse à la nage. Le crapaud même !
est susceptible d'éducation, et Lacépède a ra- ;
conté l'histoire d'un crapaud domestique, qui
a vécu, pendant trente-six ans, dans une fa-
mille. j
« Bête comme un poisson ! » a-t-on cou- i
tume de dire. Ce n'était pas l'avis du docteur
Francklin, et il cite à ce propos une anecdote, !
lue en 1850, dans une réunion scientifique à |
Liverpool:
« Quand je demeurais à Durham, raconte
le docteur Warwich, je me promenais un soir
dans le parc qui appartient au comte de
Stamford et j'arrivai sur le bord d'un étang,
où l'on mettait, pour quelque temps, les
poissons destinés à la table. Mon attention se
porta sur un beau brochet d'environ six
livres ; mais, voyant que je l'observais, il se
précipita comme un trait au milieu des
eaux. |
» Dans sa fuite, il se frappa la tête contre
le crochet d'un poteau. Il s'était fracturé le
cràne et blessé le nerf optique. L'animal
donna des signes d'une effroyable douleur ; il
s'élança au fond de l'eau, et, enfonçant sa
tête dans la vase, tournoya avec tant dg célé-
rité, que je le perdis presque de vue pendant j
un moment. Puis il plongea çà et là dans
l'étang, et enfin se jeta tout à-fait hors de
l'eau, sur le bord. Je l'examinai et je recon-
nus qu'une très-petite partie du cerveau sor-
tait de la fracture du crâne.
e Je replaçai soigneusement le cerveau lesé,
élevée un petit cure-dents d'argent, je rele-
vai les partis dentelées du crâne.Le poisson de-
meura tranquille pendant l'opération, puis il
se replongea,d'un saut, dans l'étang. Il sembla
d'abord beaucoup soulagé; mais, au bout de
quelques minutes, il s'élança et plongea, de
nouveau , jusqu'à ce qu'il se jetât encore
hors de l'eau. Il recommença ainsi plusieurs
fois.
» J'appelai le garde et avec son assistance
j'appliquai un bandage sur la fracture du
poisson ; cela fait, nous le rejetâmes dans
l'étang et l'abandonnâmes à son sort. Le len-
demain matin, dès que je parus sur le bord
de la pièce d'eau , le brochet vint à moi, tout
près de la berge et posa sa tête sur mes pieds.
Je prouvai le fait extraordinaire; mais sans
m'y arrêter, j'examinai le crâne du poisson
et je reconnus :¡u'il allait bien ; je me prome-
nai alors le long de la pièce d'eau, pendant
quelque temps ; le poisson ne cessa de nager,
en suivant mes pas, tournant quand je tour-
nais; mais comme il était borgne du côté
qui avait été blessé , il parut toujours agité
quand son mauvais œil se trouvait en face de
la rive sur laquelle je changeais la direction
de mes mouvements.
» Le lendemain , j'amenai quelques amis
pour voir ce poisson : le brochet nagea vers
moi comme à l'ordinaire. Peu à peu il devyit
si docile qu'il arrivait, dès que je siflais, et
mangeait dans ma main. Avec les autres
personnes , au contraire, il resta aussi om-
1 brageux et aussi farouche qu'il l'avait tou-
jours été. »
On dit aussi: « bête comme une oie. » Sans
vouloir rappeler l'histoire du Capitole et de
Rome sauvée, il est permis de protester.
L'oie est un oiseau calomnié. Elle a l'air
idiot, c'est vrai, mais elle est très-fine, très-
vigilante et capable de rendre des services à
ses maîtres.
En Allemagne, une vieille femme aveugle
était conduite tous les dimanches à l'église,
par un jars qui la tirait par la robe avec son
bec. Lorsque la vieille était assise à son banc,
l'oiseau se retirait dans le cimetière pour
paître l'herbe, et, lorsque le service était
terminé, il reconduisait sa maitresse à la
; maison. Un jour, le pasteur allait rendre vi-
ROCAMBOLE
mess=""N° 44 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIÈRE PARTIE
L'ENFANT PERDU
IV
Bulton colla ses lèvres à l'oreille de Su-
lannah.
Ils étaient côte à côte et l'obscurité la plus
profonde régnait dans la chambre.
On n'entendait que le bruit paisible et régu-
Voir le liuicéro du 8 novembre.
lier de la respiration du petit Irlandais qui dor-
mait.
— Vois-tu, dit alors Bulton, j'ai l'idée d'en
finir d'un coup.
— Que veux-tu dire? j
— Un jour ou l'autre, on me prendra et j'irai
danser les pieds dans le vide devant Newgate
ou devant Clarkenweld.
— Tais-toi, ne parle pas ainsi... tu me fais
mourir par avance, murmura Suzannah qui l'é- 1
treignit avec passion.
— Cela arrivera tôt ou tard, te dis-je.
— Tais-toi 1... au nom du ciel!
Le bandit eut un ricanement.
— C'est précisément parceque le ciel existe
que cela arrivera, te dis-je. Cependant... si nous
avions seulement mille livres sterling...
— Eh bien?
— Peut-être échapperais-je à mon sort, peut-
être pourrions-nous être heureux?
— Heureux! murmura Suzannah avec ex-
tase.
— Tu ne ferais plus ton honteux métier, tu
ne volerais plus, et nous quitterions l'Angle-
terre.
— Où irions-nous? 1
— En France. Nous nous marierions et je
tâcherais de vivre honnêtement.
Suzannah pressa Bulton dans ses bras
— Tu ferais cela? dit-elle.
— Oui.
Elle soupira. I
— Mais hélas ! fit-elle, nous n'aurons jamais
mille livres.
— Qui sait? ,
Et, comme elle attendait qu'il s'expliquât :
— Cet enfant, poursuivit-il, pourrait nous
rendre un grand service.
— Oh! Bulton, Bulton! mon bien-aimé, dit
Suzannah d'un ton de reproche, pourquoi veux-
tu faire de ce malheureux enfant un voleur?
n'as-tu pas vu comme il était beau... comme il
ressemblait à un p-etit ange ?... ne frissonnes-tu
donc pas en pensant que nous pourrions en-
voyer au moulin cette innocente créature?
Le bandit eut un rire moqueur :
— Tu es vraiment émouvante, ma chère,
quand tu parles ainsi. Cependant, je ne veux
pas te faire de peine, ma Suzannah, et je te
promets que je ne m'opposerai pas à ce que tu
le ramènes à sa mère, mais quand il nous aura
rendu le service dont j'ai besoin.
— Quel est donc ce service? demanda Su-
zannah.
— Ecoute-moi bien.
Et Bulton baissa la voix plus encore
— Je nourris une affaire depuis longtemps;
dit-il, une affaire superbe.. '
— Ahl
— Je n'en ai parlé à aucun des camarades,
car il faudrait partager, et ce n'est pas mille
livres, c'est deux mille, peut-être trois ou
quatre que nous aurions.
— Quatre mille livres! murmura Suzannah.
Et à qui donc veux-tu voler ça?
— A un homme qui a volé tout le monde,
les pauvres et les riches, dont le nom est exécré
dans Londres, et qui, lorsqu'il passe dans une
rue, est poursuivi par les malédictions du
peuple.
— Quel est donc cet homme?
— On l'appelle Thomas Elgin.
— L'usurier?
— J-ustement.
— Et c'est cet homme que tu veux voler,
toi ?
— Mon plan est fait. J'ai l'empreinte de tou-
tes les serrures, depuis celle de la grille de son
petit jardin sur le square jusques à celle de son
bureau où est sa caisse. Ayant les empreintes,
j'ai fabriqué les clés.
— Mais où demeure-t-il, ce Thomas Elgin ?
— Dans Kilburne square, tout auprès de la
station de Western-Railway, il vit seul et n a
même pas de servante. Il prend ses repas dans
un boarding de la Cité et ne rentre chez lui que
; Je soir assez tard.
- , _r.^ • . - - '
& cent. le numéro JOUH! jQfl^TïDIESfê S cent. le numéro
wi :¡'", ii t t. ? Cλ
ABONNEMENTS. — Trois mois. Siamois, Un an.
Paris a fr. 9 fr. 1 s fr.
Départements.. S IR e v
Admin-ist'rat61Ir: E. D KL S AUX.
1 u.r n;c:i.-,r vi I r r .. • • i 1 1
~
c
» année. — LUNDI 3 DECEMBRE 1867. — N« 613 .
Directeur-Propriétaire : .lA N N lN.i
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, RUSE Dil-Gnot.
ADMINISTRATION : 13. PLACE RRE^A
La Presse illustrée journal hebdoma-
daire à 10 centimes, est vendue 5 cen-
limes seulement il toute personne qui
achète la Petite Presse le samedi à Paris
' et le dimanche, en province.
PARIS, 22 DÉCEMBRE 1867.
L'INTELLIGENCE DES ANIMAUX
» Une belle fable de l'antiquité est celle qui
montre le premier homme destiné à vivre
vingt ans tout au plus. Il était désespéré; il
avait auprès de lui une chenille, un papillon,
un paon, un cheval, un renard et un singe.
— Prolonge ma vie, dit-il à Jupiter; < je
vaux mieux que tous ces animaux-là : il est
juste que moi et mes enfants nous vivions
très-longtemps, pour commander à toutes les
bêtes.
— Volontiers, répondit Jupiter; mais je n'ai
qu'un certain nombre de jours à partager
entre tous les êtres à qui j'ai accordé la vie.
Je ne puis te donner qu'en retranchant aux
autres. Je veux bien Raccorder quelques an-
nées de plus, en les ôtant à ces six animaux
dont tu es jaloux; mais à une condition :
s'est que tu auras successivement leurs ma-
nières d'être. L'homme sera d'abord chenille,
an se traînant comme elle dans sa première
enfance. Il aura jusqu'à quinze ans la légèreté
d'un papillon; dans sa jeunesse, la vanité
d'un paon. Il faudra, dans l'âge viril, qu'il
travaille comme un cheval. Vers les cinquante
ans, il aura les ruses du renard; et, dans sa
viellesse, il sera laid et ridicule comme un
singe. /
Jupiter n'oublia qu'une chose, c'était d'ha-
biller l'homme, comme il avait vêtu le singe,
le renard, le cheval, le paon, le papillon, et
jusqu'à la chenille.
En y réfléchissant, en effet, nous n'avons
pas lieu d'être bien fiers.
Cependant, nous rions fort des Egyptiens,
qui adoraient des animaux :
En Egypte, jadis toute bète était Dieu,
Tant l'homme, au contraire, était bête.
Nous croyons volontiers que les fleuves ont
été faits pour les villes, les animaux pour
l'homme, et nous refusons toute intelligence
aux êtres qui ne sont pas nous.
Il est bon que, de temps en temps, un natu-
raliste, un savant, un observateur, remette
les choses dans leur vrai jour, et nous en-
seigne la modestie par l'histoire naturelle,
comme on enseigne la morale par l'exemple.
La librairie Hachette vient de publier, dans
sa BIBLIOTHÈQUE DES MERVEILLES, un petit livre
qui a un très-grand mérite, celui d'ins-
truire en récréant. L'Intelligence des ani-
maux,, par M. Ernest Menault, est un recueil
d'anecdotes bien plus qu'un traité. Mais, parmi
ces anecdotes, il y en a de si amusantes et de
si jolies !...
Je prends presque au hasard, ne pouvant
tout citer.
Je passe, à dessein, sur les républiques 1
des fourmis et sur les royaumes des abeilles.
L'araignée, déployant tout son génie à guetter
sa proie, me touche peu. Mais la puce!... Qui
donc a cru que les puces n'étaient bonnes
| qu'à tourmenter l'homme? Les puces sont
d'admirables animaux, d'une force muscu-
' laire incroyable et d'une merveilleuse intelli-
gence. Elles tirent le canon comme les artil-
I leurs, font l'exercice comme les grenadiers,
[ puisent de l'eau comme les pompiers.
« Hoock raconte qu'un ouvrier anglais
avait construit en ivoire un carrosse à six
chevaux, un cocher sur le . siège avec un
chien entre les jambes, un postillon, quatre
maîtres dans le carrosse et deux laquais der-
rière ; tout cet équipage, était traîné par une
puce. Quel limonier! »
Le baron Walckenaër rapporte les mer-
veilles exécutées par des puces savantes, que
l'on montrait sur la place de la Bourse pour
la somme de soixante centimes. - Je les ai
vues, dit-il, avec mes yeux d'entomologiste
armés de plusieurs loupes :
« Quatre puces faisaient l'exercice et se te-
naient debout sur leurs pattes de derrière, ar-
mées d'une pique, qui était un petit éclat de
bois très-mince.
» Deux puces étaient attelées à une berline
d'or à quatre roues, avec un postillon,et elles
traînaient cette berline. Une troisième puce
était assise sur le siège du cocher avec un petit
éclat de bois qui figurait le fouet. Deux autres
puces traînaient un canon sur un affût. Ce
petit bijou était admirable, il n'y manquait
pas une vis, pas un écrou. Toutes ces mer-
veilles et quelques autres encore s'exécutaient
sur une glace polie. Les puces chevaux étaient
attachée^ :ayec une chaîne d'or par leurs cuis-
ses de derrière ; on m'a dit, ajoute Walcke-
naër, que jamais on ne leur ôtait cette chaîne.
Elles vivaient ainsi depuis deux ans et demi.
Pas une- n'était morte dans cet intervalle.
On les nourrissait en les posant sur un bras
d'homm&^qu'elles : suçaient. Quand elles ne
voulaient pas traîner le canon ou la berline,
l'homme prenait un charbon allumé qu'il
promenait au-dessus d'elles, et aussitôt elles
se remuaient et recommençaient leurs exer-
cices... »
Ces puces, après avoir donné des représen-
tations à Paris, allèrent en donner en pro-
vince; partout elles confondirent l'orgueil
humain.
Si le lézard est l'ami de l'homme, c'est
plutôt pour sa douceur qu'il faut le louer que
pour son intelligence. La couleuvre est l'amie
de la femme. Une couleuvre apprivoisée a j
suivi sa maîtresse à la nage. Le crapaud même !
est susceptible d'éducation, et Lacépède a ra- ;
conté l'histoire d'un crapaud domestique, qui
a vécu, pendant trente-six ans, dans une fa-
mille. j
« Bête comme un poisson ! » a-t-on cou- i
tume de dire. Ce n'était pas l'avis du docteur
Francklin, et il cite à ce propos une anecdote, !
lue en 1850, dans une réunion scientifique à |
Liverpool:
« Quand je demeurais à Durham, raconte
le docteur Warwich, je me promenais un soir
dans le parc qui appartient au comte de
Stamford et j'arrivai sur le bord d'un étang,
où l'on mettait, pour quelque temps, les
poissons destinés à la table. Mon attention se
porta sur un beau brochet d'environ six
livres ; mais, voyant que je l'observais, il se
précipita comme un trait au milieu des
eaux. |
» Dans sa fuite, il se frappa la tête contre
le crochet d'un poteau. Il s'était fracturé le
cràne et blessé le nerf optique. L'animal
donna des signes d'une effroyable douleur ; il
s'élança au fond de l'eau, et, enfonçant sa
tête dans la vase, tournoya avec tant dg célé-
rité, que je le perdis presque de vue pendant j
un moment. Puis il plongea çà et là dans
l'étang, et enfin se jeta tout à-fait hors de
l'eau, sur le bord. Je l'examinai et je recon-
nus qu'une très-petite partie du cerveau sor-
tait de la fracture du crâne.
e Je replaçai soigneusement le cerveau lesé,
élevée un petit cure-dents d'argent, je rele-
vai les partis dentelées du crâne.Le poisson de-
meura tranquille pendant l'opération, puis il
se replongea,d'un saut, dans l'étang. Il sembla
d'abord beaucoup soulagé; mais, au bout de
quelques minutes, il s'élança et plongea, de
nouveau , jusqu'à ce qu'il se jetât encore
hors de l'eau. Il recommença ainsi plusieurs
fois.
» J'appelai le garde et avec son assistance
j'appliquai un bandage sur la fracture du
poisson ; cela fait, nous le rejetâmes dans
l'étang et l'abandonnâmes à son sort. Le len-
demain matin, dès que je parus sur le bord
de la pièce d'eau , le brochet vint à moi, tout
près de la berge et posa sa tête sur mes pieds.
Je prouvai le fait extraordinaire; mais sans
m'y arrêter, j'examinai le crâne du poisson
et je reconnus :¡u'il allait bien ; je me prome-
nai alors le long de la pièce d'eau, pendant
quelque temps ; le poisson ne cessa de nager,
en suivant mes pas, tournant quand je tour-
nais; mais comme il était borgne du côté
qui avait été blessé , il parut toujours agité
quand son mauvais œil se trouvait en face de
la rive sur laquelle je changeais la direction
de mes mouvements.
» Le lendemain , j'amenai quelques amis
pour voir ce poisson : le brochet nagea vers
moi comme à l'ordinaire. Peu à peu il devyit
si docile qu'il arrivait, dès que je siflais, et
mangeait dans ma main. Avec les autres
personnes , au contraire, il resta aussi om-
1 brageux et aussi farouche qu'il l'avait tou-
jours été. »
On dit aussi: « bête comme une oie. » Sans
vouloir rappeler l'histoire du Capitole et de
Rome sauvée, il est permis de protester.
L'oie est un oiseau calomnié. Elle a l'air
idiot, c'est vrai, mais elle est très-fine, très-
vigilante et capable de rendre des services à
ses maîtres.
En Allemagne, une vieille femme aveugle
était conduite tous les dimanches à l'église,
par un jars qui la tirait par la robe avec son
bec. Lorsque la vieille était assise à son banc,
l'oiseau se retirait dans le cimetière pour
paître l'herbe, et, lorsque le service était
terminé, il reconduisait sa maitresse à la
; maison. Un jour, le pasteur allait rendre vi-
ROCAMBOLE
mess=""N° 44 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIÈRE PARTIE
L'ENFANT PERDU
IV
Bulton colla ses lèvres à l'oreille de Su-
lannah.
Ils étaient côte à côte et l'obscurité la plus
profonde régnait dans la chambre.
On n'entendait que le bruit paisible et régu-
Voir le liuicéro du 8 novembre.
lier de la respiration du petit Irlandais qui dor-
mait.
— Vois-tu, dit alors Bulton, j'ai l'idée d'en
finir d'un coup.
— Que veux-tu dire? j
— Un jour ou l'autre, on me prendra et j'irai
danser les pieds dans le vide devant Newgate
ou devant Clarkenweld.
— Tais-toi, ne parle pas ainsi... tu me fais
mourir par avance, murmura Suzannah qui l'é- 1
treignit avec passion.
— Cela arrivera tôt ou tard, te dis-je.
— Tais-toi 1... au nom du ciel!
Le bandit eut un ricanement.
— C'est précisément parceque le ciel existe
que cela arrivera, te dis-je. Cependant... si nous
avions seulement mille livres sterling...
— Eh bien?
— Peut-être échapperais-je à mon sort, peut-
être pourrions-nous être heureux?
— Heureux! murmura Suzannah avec ex-
tase.
— Tu ne ferais plus ton honteux métier, tu
ne volerais plus, et nous quitterions l'Angle-
terre.
— Où irions-nous? 1
— En France. Nous nous marierions et je
tâcherais de vivre honnêtement.
Suzannah pressa Bulton dans ses bras
— Tu ferais cela? dit-elle.
— Oui.
Elle soupira. I
— Mais hélas ! fit-elle, nous n'aurons jamais
mille livres.
— Qui sait? ,
Et, comme elle attendait qu'il s'expliquât :
— Cet enfant, poursuivit-il, pourrait nous
rendre un grand service.
— Oh! Bulton, Bulton! mon bien-aimé, dit
Suzannah d'un ton de reproche, pourquoi veux-
tu faire de ce malheureux enfant un voleur?
n'as-tu pas vu comme il était beau... comme il
ressemblait à un p-etit ange ?... ne frissonnes-tu
donc pas en pensant que nous pourrions en-
voyer au moulin cette innocente créature?
Le bandit eut un rire moqueur :
— Tu es vraiment émouvante, ma chère,
quand tu parles ainsi. Cependant, je ne veux
pas te faire de peine, ma Suzannah, et je te
promets que je ne m'opposerai pas à ce que tu
le ramènes à sa mère, mais quand il nous aura
rendu le service dont j'ai besoin.
— Quel est donc ce service? demanda Su-
zannah.
— Ecoute-moi bien.
Et Bulton baissa la voix plus encore
— Je nourris une affaire depuis longtemps;
dit-il, une affaire superbe.. '
— Ahl
— Je n'en ai parlé à aucun des camarades,
car il faudrait partager, et ce n'est pas mille
livres, c'est deux mille, peut-être trois ou
quatre que nous aurions.
— Quatre mille livres! murmura Suzannah.
Et à qui donc veux-tu voler ça?
— A un homme qui a volé tout le monde,
les pauvres et les riches, dont le nom est exécré
dans Londres, et qui, lorsqu'il passe dans une
rue, est poursuivi par les malédictions du
peuple.
— Quel est donc cet homme?
— On l'appelle Thomas Elgin.
— L'usurier?
— J-ustement.
— Et c'est cet homme que tu veux voler,
toi ?
— Mon plan est fait. J'ai l'empreinte de tou-
tes les serrures, depuis celle de la grille de son
petit jardin sur le square jusques à celle de son
bureau où est sa caisse. Ayant les empreintes,
j'ai fabriqué les clés.
— Mais où demeure-t-il, ce Thomas Elgin ?
— Dans Kilburne square, tout auprès de la
station de Western-Railway, il vit seul et n a
même pas de servante. Il prend ses repas dans
un boarding de la Cité et ne rentre chez lui que
; Je soir assez tard.
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