Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-09-25
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 25 septembre 1866 25 septembre 1866
Description : 1866/09/25 (N159). 1866/09/25 (N159).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717343q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
Le spectacle qu'on a sous les yeux est navrant
Les pleurs, les cris déchirants des malheureux
incendiés qui sont sans asile, sans vêtements,
sans pain, sont bien faits pour émouvoir les
coeurs les plus indifférents.
Une des dernières représentations de la ménagerie
située sur le cours Napoléon, a été féconde en émo-
tions.
Le dompteur avait annoncé qu'il entrerait dans la
cage de l'ours noir, animal au caractère peu liant. Rem-
plissant sa promesse, à l'heure dito le dompteur faisait
sa visite à son pensionnaire, qu'on avait préalablement
muselé.
L'ours se dresse sur ses pattes en grognant, le domp-
teur le prend et cherche à le jeter à terre ; jusque-là ce
n'était que comique ; mais tout à coup, l'ours passant
sa patte derrière le cou de son adversaire, lui appli . ue
ses griffes sur la figure.
Le sang jaillit, et à cette vue une émotiou des plus
vives s'empare des spectateurs. Fort" heureusement, le
dompteur ne perd 'pas la tête ; il parvient à se dégager,
et, à l'aide de cordes, lie rapidement les pattes del'ours.
Lorsque l'animal est ainsi rendu impuissant, le domp-
teur administre à son élève la plus belle volée de coups de
cravache, et se retire au milieu des bravos de la foule
applaudissant à son sang-froid. La blessure faite au
dompteur est sans gravité. (Sa,lut public.)
Le condamné Bovo, qui s'était échappé, il y a huit
jours, du bagne de Toulon, en se revêtant de l'uni-
forme du maître màteur du port, va être traduit devant
le tribunal maritime, sous la prévention de vol de vê-
tements et de tentative d'évasion ; on a écarté le délit
de port illégal de la Légion d'honneur, en ce que le fait
avait eu lieu sans intention, la décoration tenant à l'u-
niforme qu'il avait dérobé ; on a admis comme circon-
stance atténuante l'impossibilité où il se trouvait de
s'occuper d'un aussi léger détail.
Ce condamné parait être un homme à précautions ;
en s'emparant du costume, il n'avait pas oublié de
prendre en même temps un parasol en toile blanche et
un mètre en buis, déposés sur une table. Le parasol
devait lui servir à se garantir, non pas des rayons du
soleil, mais des regards indiscrets de ceux qui étaient
chargés de le surveiller. Et le mètre lui a été excessi-
vement utile, car on s'est rappelé qu'en franchissant la
porte de l'arsenal, il le tenait déployé à la main, en
paraissant se livrer à des calculs de mesures... qui
étaient sans doute celles de son évasion.
Bovo est un annexé, né à Nice en 1830 ; il fut con-
damné à 30 ans de travaux forcés pour assassinat et
rébellion à main armée contre les carabiniers italiens;
échappé du bagne de Gênes, il fut rattrapé en Toscane,
'lors de l'invasion de ce duché par les Piémontais, et il
se trouvait à la double chaîne lorsque sa qualité de
Niçard le fit céder à la France qui aurait pu parfaite-
ment s'en passer, car il était d'autant plus embarrassant
qu'on ne pouvait pas l'envoyer à Cayenne, la loi sur la
déportation n'admettant pas d'effet rétroactif.
Il n'y a pas plus de trois jours un des cantonniers
qui ont pour mission de se tenir, à l'heure du passage
des trains, debout le long des railway, le bras horizon-
talement étendu comme pour faire serment qu'aucun
péril ne menace les voyageurs, piquait cette espèce de
quart sur la ligne de Lyon, près de Tournus, lorsque
empoigné par sa blouse que le vent avait fait flotter à
l'avant du convoi, l'infortuné roule dessous et est tué
sur-le-champ.
Un ingénieur est chargé de se rendre auprès de la
veuve et de lui annoncer, avec les circonlocutions et
les réticences poignantes d'usage, cette terrible chose
.qui, dans la pratiqua comme dans la légende de M. de
'Malborough signifie, en résumé : « Votre mari est
mort 1 )J
« Oh ! mon Dieu 1 s'écrie la pauvre femme du can-
tonnier... et elle tombe, écrasée de douleur...
Puis, tout à coup se ravisant, elle -ajoute : « Pardon
monsieur, il alvait sur lui son porte-monnaie. ' I
Ce cri, authentique, est fait pour adoucir singulière-
ment l'amertume de certaines préoccupations dans l'es-
prit de pauvres maris qui, prêts à quitter intempesti-
vement et prématurément la vie, cherchent à entourer
xle molleton le coup que doit porter à leurs femmes nna
si rude nouvelle. —
B.
ÉTRANGER
Le duc de Nassau vient d'envoyer sa décora-
tion à un honorable citoyen de Strasbourg, M#-
Barthélémy Chabert, pour un service considéra.
ble qu'il lui aurait rendu pendant la dernière
guerre. On sait que ce prince, pour sauver ses
vins déposés dans les caves de son château de
Bieberich, les avait fait transporter à l'entrepôt
de la gare de Strasbourg, où des envoyés prus-
siens les réclamèrent sans succès. Mais on
ignore généralement que le duc de Nassau, pour
mettre sa fortune mobilière en lieu de sûreté,
l'avait adressée, renfermée dans des caisses à M.
Chabert, qui a gardé religieusement ce dépôt
jusqu'au moment où le duc, chassé de ses Etats,
le lui a fait redemander. C'est en souvenir de ce
service que M. Ghabert a reçu la croix de che-
valier de l'ordre d'Adolphe de Nassau.
Le roi et la reine des Belges parcourent les
provinces de leur royaume. Dernièrement Léo-
pold II a fait son entrée solennelle à Tournay, le
berceau de la monarchie française, la vieille mé-
tropole des mérovingiens, où l'on a retrouvé, il y
a peu d'années encore, le tombeau, le sceptre et
la framée de Clodion le Chevelu.
Un pêcheur de l'île de Wight, dans la Manche, vient
de trouver sur le rivage une bouteille contenant Jt
lettre suivante, qui nous apprend un nouveau sini(£W
maritime.
SON PREMIER VOYAGE EN ANGLETERRE.
17 juin 186f.
La Spanish-Queen (la Reine-d'Espagne), en ute
pour Bristol, a quitté Québec le 5 mars, avec un char-
gement de bois. La tempête dure depuis neuf jours; le
vieux navire fait eau comme une nasse et coule à fond
Tous les matelots sont épuisés par le travail aux pom.
pes. Le capitaine est malade, couché sur le pont, où il
écrit ces mots, qu'il enfermera dans une bouteille-
Mon dernier désir est que si cette bouteille est trouvée
par quelqu'un, on fasse publier ces lignes dans les
journaux, car j'ai un père et une mère chéris, et j'ai-
merais leur apprendre que je meurs heureux. Il n'y a
plus d'espoir pour nous; je ne jetterai cette bouteille à
la mer qu'au dernier moment. Nous sommes vingt-
trois hommes à bord.
GEOBGES MILLS
Le garde-côte de Ventnor, dans l'île de Wight, a fait
photographier cette lettre avant de l'envoyer au Bureau
de commerce de Londres, et il annonce qu'il tient une .
de ces photographies à la disposition de la famille du
malheureux capitaine Mills.
L'événement suivant s'est produit à Sunderlànd (An-
gleterre), le mardi 18 septembre :
Après s'être promenée dans le parc avec son père,
une jeune dame arrivait sur le pont qui traverse le
chemin de fer de North-Eastern, lorsqu'elle monta sur
le parapet du pont et se lança dans l'espace. Au mo-
ment où elle tomba sur la voie, une locomotive remon-
tait l'une des lignes, et un train de charbon descendait
l'autre. Le mécanicien de la locomotive vit la chute, à
environ deux cents pas de distance, renversa immé-
diatement la vapeur, serra le frein et donna le signal
de stopper au train qui venait en sens inverse. Cela
sauva la dame, car la locomotive s'arrêta à quatre ou
cinq pas au plus du point où elle était étendue sans
connaissance et toute ensanglantée.
L'examen de ses blessures démontra que, quoique
gravement blessée, elle avait échappé heureusement à
une mort que tout semblait devoir rendre inévitable.
On lit dans la Gazette de Milan du 18 septembre :
Le bourg de San Pietro in Sala, à Porta Magenta, a
été le théâtre, dans la nuit d:.hier, d'un événement trar
gique.
Le nommé Giuseppe Solari, infirmier, sortant d'un
cabaret, rencontra Angelo Cogliati, maraîcher, accom-
pagné du nommé Francesco Tanzi; après avoir échangé
deux mots seulement, Tanzi et Solari en vinrent aux
voies de fait Cogliati et Tanzi étaient armés de bâtons
ét de poignards. Solari avait sur lui un révolver à cinq
coups dont il n'hésita pas à se servir. Il tira les cinq
ciups sur ses adversaires qui roulèrent par terre griè-
vement blessés à la tête et à la poitrine. Ils ont été
transportés à l'hôpital des Fale-bene fratelli.
Le meurtrier qui avait pris la fuite, fut arrêté
par deux carabiniers, que la détonation de l'arme
avait attirés. On attribut à la jalousie la cause de cette
scène de meurtre.
! Un ouvrier, dit l'Étoile de Bruxelles, employé dans
urfe entreprise de déménagements des faubourgs de la
capitale, prétendu mort à la suite d'une courte mala-
die, fut enseveli immédiatement et transporté dans le
corbillard commun à un dépôt mortuaire établi à -l'en-
trée du cimetière. Chemin faisant, le conducteur du char
funèbre crut entendre du bruit dans l'intérieur du lu-
gubre véhicule, et bientôt ses soupçons so changèrent
en triste certitude.
Le mort supposé, sorti de son état léthargique, n'avait
pas eu grande peine à briser ou à ouvrir le frêle coffre
qui lui avait été donné pour cercueil, et le malheu-
reux, enveloppé aussitôt dans le manteau du cocher
croque-mort, reçut asile dans une habitation voisine,
011 tous les soins désirables lui furent pndigués, non
sans frayeur, et d'où il put regagner sa demeure.
On ajoute que le revenant apu reprendre son travail,
et qu la déclaration de décès, faite à l'état civil de la
cosainuue, ç dû être rectifiée.
NÉCROLOGIE
Nous avons le regret d'annoncer la mort de !
M. le comte Baciocchi, sénateur, premier cham-
bellan de l'Empereur," surintendant général des ]
théâtres, décédé hier soir, au palais des Tuile-
ries.,
Le vétéran des lettres françaises, M. Ulric
Guttinguer, vient de mourir à l'âge de 83 ans.
Depuis deux ans la vieillesse avait condamné
à l'inaction la plus absolue cet aimable poëte,
qui occupa une grande place dans les cénacles
littéraires d'autrefois.
Ses débuts remontent à 1812 ; mais il ne
donna toute sa mesure que sous la Restaura-
tion.
Ses Mélanges poétiques, ses poëmes de Char-
les VII et d'Edith, lui ont valu une place dis-
tinguée dans le milieu poétique de cette époque.
Il a aussi collaboré au Corsaire.
C'est à Ulric Guttinguer qu'Alfred de Musset
a dédié un de ses chefs-d'œuvre.
Ulric, nul de nous deux n'a mesuré l'abîme,
Ni les hérons plongeurs, ni les vieux matelots.
On annonce la mort de M. Alphonse Griin,
chef de section aux archives de l'Empire, et an-
cien rédacteur en chef du Moniteur universel,
frappé d'apoplexie aux bains de Bühl, près de
Barr (Bas--Rhin), où il s'était rendu pour passer
les vacances avec sa famille.. :
Le service de bout de l'an du duc de Grammont-
Caderousse, aura lieu demain mardi, à il heures
du matin à la Madeleine.
LE DÉSHÉRITÉ
TENTATIVE D'ASSASSINAT
Un notaire de Paris vient heureusement d'échapper à
une tentative d'assassinat préméditée contre lui dans les
circonstances suivantes :
Le nommé L..., âgé de 60 ans, habite Vaugirard.
C'est un petit rentier qui avait l'espérance de voir aug-
menter sa fortune par la mort d'un de ses parents, du-
quel, selon ses prévisions, il devait hériter d'une somm
assez importante.
Mais il advint que ce parent, étant décédé récemment,
avait, par testament, disposé de ce qu'il possédait en
faveur 4!e plusieurs personnes pour la plupart étrangè-
res à sa famille.
M. X..., notaire, fut chargé de la liquidation. L...,
n'étant pa3 compris au nombre des héritiers, se figu-
rera, — bien à tort très-certainement — que l'officier
ministériel s'était ente!ldu avctJ certains légataires pour
lui soustraire le legs sur lequel il comptait.
Dominé par cette idée, il conçut le projet de se vea-
ger du notaire, et,. malgré les sages observations que
lui firent ses amis en essayant de lui démontrer que ses
suppositions étaient absurdes et mal fondées, il persis-
tait à soutenir que le notaire, l'avait dépouillé, et, dans \
ses moments d'exaspération, il s'écrait:je le tuerai
Ces sinistres dispositions; connues des personnes qui
approchaient L..., leur imposèrent le devoir de le sur-
veiller. Lune d'elles, M. D..., remarqua avant-hijr, que
L... avait placé un pistolet, dans la poche de son pale-
tot.
Il n'en dit rien, mais lorsque, vers midi, il sortit en
annonçant qu'il allait faire un tour de promenade sur
les boulevards, M. D... le suivit inostensiblement.
Il le vit se diriger vers la demeure du notaire, mar-
chant d'un pas ferme. Tout dans son attitude, ses gestes,
son regard brillant d'un feu sombre, décelait l'homme
qui vient de prendre une énergique résolution et qui
va l'exécuter.
1 Redoutant avec raison un malheur, M. D... prévint
des sergents de ville qui arrêtèrent L... au moment où
il allait arriver à la maison de celui à la vie duquel il
voulait attenter.
Les agents, que M. D... avait mis au courant de ce
qui se passait, se hâtèrent, dès qu'ils abordèrent L...,
de le fouiller pour lui retirer son arme qui était char-
gée et amorcée. Il lit quelques résistances, mais se ré-
signant, il s'écria :
Je cède à la force, je suis découvert, c'est malheu-
reux, mais il ne m'échappera pas, je le tuerai tôt ou
tard.
Mis immédiatement à la disposition du commissaire
de police, L... a répondu avec beaucoup de sang-froid
aux questions de ce magistrat. Il lui a raconté les faits ,
qu'il croit avoir à reprocher au notaire, déclarant éner-
giquement qu'il n'était pas fou, qu'il avait toute sa
raison et que rien ne le ferait renoncer à ses projets de
vengeance, à moins qu'on ne le tienne en prison pen-
dant le restant de ses jours.
L... a été en conséquence livré à la justice comme
inculpé de tentative d'assassinat, aggravée par la pré-
méditation, et n'ayant manqué son effet que par une
circonstance indépendante de la volonté de son au-
teur. —
P.
LA CUEILLETTE
Le Pays trouve qu'il y a des femmes qui valent leur ;
pesant d'or.
Le rajah de Kolapoor est mort le mois passé. '
Avant de, rendre le dernier soupir, il s'est fait
peser, lui et ses femmes, selon la coutume in-
dienne.
Les usages veulent que le mari laisse à ses
femmes autant de roupies que chacune d'elles
pèse. Dans le cas présent, le rajah n'a pesé que
4,000 roupies, tandis que ses deux femmes en-
semble ont pesé 14,000 roupies, ce qui fait 7,000
pour chacune.
Léon Gozlan était-il bien réellement chrétien ? Le
passage suivant d'une lettre adressée par un de ses
amis d'enfance, M. Régis de la Colombière, à un jour-
nal de Marseille, permet d'en douter fortement : "
Quant à ce qu'on a dit de son baptême, ac-
compli en 1803 à l'église de la Major, rien n'est
moins certain. Ce que je puis certifier, c'est que
dans sa famille on-pratiquait la religion de Moïse.
Je ne rappellerai qu'une circonstance, c'est qu'il
ne manquait pas de distribuer à ses amis catho-
liques à l'époque de la fête de Pâque des gâteaux
LES VAUDOU
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
p Suite (4)
— C'est vous, n'est-ce pas, monsieur, lui de-
manda-t-il, qui êtes le délégué de la police de
sûreté ?
— Oui, monsieur, répondit l'agent,
— Alors ceci est pour vous, veuillez je vous
,prie en prendre connaissance, dit-il en sortant
'de la poche de côté de son habit, un large pli j
cacheté de rouge qu'il lui remit. i
— Une dépêche !
— Oui, monsieur, du président Geffrard.
M. Chauvelin s'inclina et décacheta la lettre
que d'abord il parcourut rapidement des yeux,
rjpuis il se mit à lire avec la plus sérieuse atten-
tion.
Chacun examinait avec anxiété le virage de
ragent qui se rembrunissait de plus en plus au
fur et à mesure qu'il avançait dans la lecture de
la dépêche.
Lorsqu'il eut fini de lire, M. Chauvelin toussa
à deux ou trois reprises, plia la lettre, la mit
(1) Voir les numéros parus depuis le 28 août.
dans sa poche et s'inclinant froidement devant
M. Duvauchelle.
— J'obéirai, monsieur, dit-il.
— Merci, merci, monsieur, je n'attendais pas
moins vous! répondit-il avec effusion; mais
ajouta-t-il, vous allez, je crois, vous mettre à ta-
ble, j'ai moi-même besoin de prendre quelque
chose, je suis à jeun, déjeunons, nous causerons
ensuite ; pas mn mot pendant le repas.
On servit, le déjeuner dura à peine un quart
d'heure; chacun des assistante comprenait que
quelque chose de grave allait se passer.
Lorsqu'on se fut levé de table, M. Duvauchelle
fit signe à son beau-frère de l'accompagner, et
suivi de M. Chauvelin, il quitta la salle; mais
avant de sortir il embrassa Angèle au front, et
serra la main de soii futur beau-frère.
— Où allons-nous? demanda le planteur.
— Faire une promenade à cheval, répondit-il
avec un clignement d'yeux significatif.
— Alors je vais donner des ordres
— C'est inutile, mon domestique a dû faire
seller trois chevaux.
En effet, trois chevaux attendaient tenus en
bride par un noir.
Les trois hommes se mirent en selle et s'éloi-
gnèrent au grand trot. Arrivés au bout de l'ave-
nue des Toma;ins :
— Maintenant, dit M. Duvauche le, vous Jo-
seph, tournez à droite, monsieur tournera à gau-
che, moi je suivrai tout droit devant moi, il ne
faudra pas que nous soyons vus ensemble, le
rendez-vous est au Saut-du-Chien, près les mon-
tagnes Noires; dans deux heures, crevez vos
chevaux ! allez, et bonne chance.
Ils se séparèrent.
Deux heures plus tard, tous trois arrivaient au
rendez-vous par des chemins différents.
L'endroit était parfaitement choisi pour éviter
une surprise ; de la hauteur où se trouvaient
placés les trois hommes, leur vue s'étendait à une
longue distance dans toutes les directions, à
quelques pas du lieu choisi par Monsieur Du-
vauchelle, une énorme crevasse, s'ouvrait béante,
cette crevasse était le Saut-du-chien.
— Pardonnez-moi de vous avoir obligé à faire
cette longue course, dit Monsieur Duvauchelle,
mais, ainsi que vous le comprendrez bientôt, c'est
ici seulement que je pouvais m'expliquer en toute
sureté avec vous.
— Toute surprise est impossible, il n'y a pas
d'espion à craindre, fit observer monsieur Colette.
— Mais nous pouvons être vus ! murmura
l'agent.
— Oui, si nous restions débout, mais une fois
étendus dans l'herbe haute et touffue, nul regard
fût-ce celui de l'aigle ne saurait nous aper-
cevoir.
— Mais nos chevaux?
— Attendez.
Il siffla, un jeune nègre émergea de derrière
une pointe de roc,s'empara des chevaux et lés
emmena avec lui; ce noir était Marcelin, le do-
mestique de confiance de Monsieur Duvauchelle.
— Voyez, reprit-il, en étendant le bras, nous
sommes à portée de Léogane, de Jérémie, et du
Port-au-Prince , c'est-à-dire qu'en moins de
deux heures du secours peut nous arriver par
trois directions différentes, sans compter le
Lameutin et les Cayes, qui ne sont pas non plus
fort éloignés, maintenant regardez par ici cette
épaisse forêt de l'Artibonite. Au milieu se trouve
le Morne des Curidas, eh bien là à trois lieues à
peine à vol d'oiseau du lieu où nous sommes, au
pied de cette immense flèche, roc gigan'tesque et
inaccessible où seuls se reposent les vautours,
au pied dis-je du Piton, du Morne des Curidas sa .
tient l'assemblée des Vaudotlx.
— Ah! firent les deux hommes avec une sur.
prise mêlée d'effroi.
— Etes-vous bien sùr de ce que vous avancez?
demanda M. Chauvelin.
Un sourire d'une expression singulière plissa
les lèvres de M. Duvauchelle.
— Je les ai vus, dit-il.
Il y eut un silence.
- Asseyez-vous et écoutez-moi, reprit-il; il
est inutile que nous restions plus longtemps de-
bout; on pourrait nous dépister.
Les trois hommes s'étendirent sur l'herbe.
GUSTAVE AIMARD.
(La suite à demain.)
Les pleurs, les cris déchirants des malheureux
incendiés qui sont sans asile, sans vêtements,
sans pain, sont bien faits pour émouvoir les
coeurs les plus indifférents.
Une des dernières représentations de la ménagerie
située sur le cours Napoléon, a été féconde en émo-
tions.
Le dompteur avait annoncé qu'il entrerait dans la
cage de l'ours noir, animal au caractère peu liant. Rem-
plissant sa promesse, à l'heure dito le dompteur faisait
sa visite à son pensionnaire, qu'on avait préalablement
muselé.
L'ours se dresse sur ses pattes en grognant, le domp-
teur le prend et cherche à le jeter à terre ; jusque-là ce
n'était que comique ; mais tout à coup, l'ours passant
sa patte derrière le cou de son adversaire, lui appli . ue
ses griffes sur la figure.
Le sang jaillit, et à cette vue une émotiou des plus
vives s'empare des spectateurs. Fort" heureusement, le
dompteur ne perd 'pas la tête ; il parvient à se dégager,
et, à l'aide de cordes, lie rapidement les pattes del'ours.
Lorsque l'animal est ainsi rendu impuissant, le domp-
teur administre à son élève la plus belle volée de coups de
cravache, et se retire au milieu des bravos de la foule
applaudissant à son sang-froid. La blessure faite au
dompteur est sans gravité. (Sa,lut public.)
Le condamné Bovo, qui s'était échappé, il y a huit
jours, du bagne de Toulon, en se revêtant de l'uni-
forme du maître màteur du port, va être traduit devant
le tribunal maritime, sous la prévention de vol de vê-
tements et de tentative d'évasion ; on a écarté le délit
de port illégal de la Légion d'honneur, en ce que le fait
avait eu lieu sans intention, la décoration tenant à l'u-
niforme qu'il avait dérobé ; on a admis comme circon-
stance atténuante l'impossibilité où il se trouvait de
s'occuper d'un aussi léger détail.
Ce condamné parait être un homme à précautions ;
en s'emparant du costume, il n'avait pas oublié de
prendre en même temps un parasol en toile blanche et
un mètre en buis, déposés sur une table. Le parasol
devait lui servir à se garantir, non pas des rayons du
soleil, mais des regards indiscrets de ceux qui étaient
chargés de le surveiller. Et le mètre lui a été excessi-
vement utile, car on s'est rappelé qu'en franchissant la
porte de l'arsenal, il le tenait déployé à la main, en
paraissant se livrer à des calculs de mesures... qui
étaient sans doute celles de son évasion.
Bovo est un annexé, né à Nice en 1830 ; il fut con-
damné à 30 ans de travaux forcés pour assassinat et
rébellion à main armée contre les carabiniers italiens;
échappé du bagne de Gênes, il fut rattrapé en Toscane,
'lors de l'invasion de ce duché par les Piémontais, et il
se trouvait à la double chaîne lorsque sa qualité de
Niçard le fit céder à la France qui aurait pu parfaite-
ment s'en passer, car il était d'autant plus embarrassant
qu'on ne pouvait pas l'envoyer à Cayenne, la loi sur la
déportation n'admettant pas d'effet rétroactif.
Il n'y a pas plus de trois jours un des cantonniers
qui ont pour mission de se tenir, à l'heure du passage
des trains, debout le long des railway, le bras horizon-
talement étendu comme pour faire serment qu'aucun
péril ne menace les voyageurs, piquait cette espèce de
quart sur la ligne de Lyon, près de Tournus, lorsque
empoigné par sa blouse que le vent avait fait flotter à
l'avant du convoi, l'infortuné roule dessous et est tué
sur-le-champ.
Un ingénieur est chargé de se rendre auprès de la
veuve et de lui annoncer, avec les circonlocutions et
les réticences poignantes d'usage, cette terrible chose
.qui, dans la pratiqua comme dans la légende de M. de
'Malborough signifie, en résumé : « Votre mari est
mort 1 )J
« Oh ! mon Dieu 1 s'écrie la pauvre femme du can-
tonnier... et elle tombe, écrasée de douleur...
Puis, tout à coup se ravisant, elle -ajoute : « Pardon
monsieur, il alvait sur lui son porte-monnaie. ' I
Ce cri, authentique, est fait pour adoucir singulière-
ment l'amertume de certaines préoccupations dans l'es-
prit de pauvres maris qui, prêts à quitter intempesti-
vement et prématurément la vie, cherchent à entourer
xle molleton le coup que doit porter à leurs femmes nna
si rude nouvelle. —
B.
ÉTRANGER
Le duc de Nassau vient d'envoyer sa décora-
tion à un honorable citoyen de Strasbourg, M#-
Barthélémy Chabert, pour un service considéra.
ble qu'il lui aurait rendu pendant la dernière
guerre. On sait que ce prince, pour sauver ses
vins déposés dans les caves de son château de
Bieberich, les avait fait transporter à l'entrepôt
de la gare de Strasbourg, où des envoyés prus-
siens les réclamèrent sans succès. Mais on
ignore généralement que le duc de Nassau, pour
mettre sa fortune mobilière en lieu de sûreté,
l'avait adressée, renfermée dans des caisses à M.
Chabert, qui a gardé religieusement ce dépôt
jusqu'au moment où le duc, chassé de ses Etats,
le lui a fait redemander. C'est en souvenir de ce
service que M. Ghabert a reçu la croix de che-
valier de l'ordre d'Adolphe de Nassau.
Le roi et la reine des Belges parcourent les
provinces de leur royaume. Dernièrement Léo-
pold II a fait son entrée solennelle à Tournay, le
berceau de la monarchie française, la vieille mé-
tropole des mérovingiens, où l'on a retrouvé, il y
a peu d'années encore, le tombeau, le sceptre et
la framée de Clodion le Chevelu.
Un pêcheur de l'île de Wight, dans la Manche, vient
de trouver sur le rivage une bouteille contenant Jt
lettre suivante, qui nous apprend un nouveau sini(£W
maritime.
SON PREMIER VOYAGE EN ANGLETERRE.
17 juin 186f.
La Spanish-Queen (la Reine-d'Espagne), en ute
pour Bristol, a quitté Québec le 5 mars, avec un char-
gement de bois. La tempête dure depuis neuf jours; le
vieux navire fait eau comme une nasse et coule à fond
Tous les matelots sont épuisés par le travail aux pom.
pes. Le capitaine est malade, couché sur le pont, où il
écrit ces mots, qu'il enfermera dans une bouteille-
Mon dernier désir est que si cette bouteille est trouvée
par quelqu'un, on fasse publier ces lignes dans les
journaux, car j'ai un père et une mère chéris, et j'ai-
merais leur apprendre que je meurs heureux. Il n'y a
plus d'espoir pour nous; je ne jetterai cette bouteille à
la mer qu'au dernier moment. Nous sommes vingt-
trois hommes à bord.
GEOBGES MILLS
Le garde-côte de Ventnor, dans l'île de Wight, a fait
photographier cette lettre avant de l'envoyer au Bureau
de commerce de Londres, et il annonce qu'il tient une .
de ces photographies à la disposition de la famille du
malheureux capitaine Mills.
L'événement suivant s'est produit à Sunderlànd (An-
gleterre), le mardi 18 septembre :
Après s'être promenée dans le parc avec son père,
une jeune dame arrivait sur le pont qui traverse le
chemin de fer de North-Eastern, lorsqu'elle monta sur
le parapet du pont et se lança dans l'espace. Au mo-
ment où elle tomba sur la voie, une locomotive remon-
tait l'une des lignes, et un train de charbon descendait
l'autre. Le mécanicien de la locomotive vit la chute, à
environ deux cents pas de distance, renversa immé-
diatement la vapeur, serra le frein et donna le signal
de stopper au train qui venait en sens inverse. Cela
sauva la dame, car la locomotive s'arrêta à quatre ou
cinq pas au plus du point où elle était étendue sans
connaissance et toute ensanglantée.
L'examen de ses blessures démontra que, quoique
gravement blessée, elle avait échappé heureusement à
une mort que tout semblait devoir rendre inévitable.
On lit dans la Gazette de Milan du 18 septembre :
Le bourg de San Pietro in Sala, à Porta Magenta, a
été le théâtre, dans la nuit d:.hier, d'un événement trar
gique.
Le nommé Giuseppe Solari, infirmier, sortant d'un
cabaret, rencontra Angelo Cogliati, maraîcher, accom-
pagné du nommé Francesco Tanzi; après avoir échangé
deux mots seulement, Tanzi et Solari en vinrent aux
voies de fait Cogliati et Tanzi étaient armés de bâtons
ét de poignards. Solari avait sur lui un révolver à cinq
coups dont il n'hésita pas à se servir. Il tira les cinq
ciups sur ses adversaires qui roulèrent par terre griè-
vement blessés à la tête et à la poitrine. Ils ont été
transportés à l'hôpital des Fale-bene fratelli.
Le meurtrier qui avait pris la fuite, fut arrêté
par deux carabiniers, que la détonation de l'arme
avait attirés. On attribut à la jalousie la cause de cette
scène de meurtre.
! Un ouvrier, dit l'Étoile de Bruxelles, employé dans
urfe entreprise de déménagements des faubourgs de la
capitale, prétendu mort à la suite d'une courte mala-
die, fut enseveli immédiatement et transporté dans le
corbillard commun à un dépôt mortuaire établi à -l'en-
trée du cimetière. Chemin faisant, le conducteur du char
funèbre crut entendre du bruit dans l'intérieur du lu-
gubre véhicule, et bientôt ses soupçons so changèrent
en triste certitude.
Le mort supposé, sorti de son état léthargique, n'avait
pas eu grande peine à briser ou à ouvrir le frêle coffre
qui lui avait été donné pour cercueil, et le malheu-
reux, enveloppé aussitôt dans le manteau du cocher
croque-mort, reçut asile dans une habitation voisine,
011 tous les soins désirables lui furent pndigués, non
sans frayeur, et d'où il put regagner sa demeure.
On ajoute que le revenant apu reprendre son travail,
et qu la déclaration de décès, faite à l'état civil de la
cosainuue, ç dû être rectifiée.
NÉCROLOGIE
Nous avons le regret d'annoncer la mort de !
M. le comte Baciocchi, sénateur, premier cham-
bellan de l'Empereur," surintendant général des ]
théâtres, décédé hier soir, au palais des Tuile-
ries.,
Le vétéran des lettres françaises, M. Ulric
Guttinguer, vient de mourir à l'âge de 83 ans.
Depuis deux ans la vieillesse avait condamné
à l'inaction la plus absolue cet aimable poëte,
qui occupa une grande place dans les cénacles
littéraires d'autrefois.
Ses débuts remontent à 1812 ; mais il ne
donna toute sa mesure que sous la Restaura-
tion.
Ses Mélanges poétiques, ses poëmes de Char-
les VII et d'Edith, lui ont valu une place dis-
tinguée dans le milieu poétique de cette époque.
Il a aussi collaboré au Corsaire.
C'est à Ulric Guttinguer qu'Alfred de Musset
a dédié un de ses chefs-d'œuvre.
Ulric, nul de nous deux n'a mesuré l'abîme,
Ni les hérons plongeurs, ni les vieux matelots.
On annonce la mort de M. Alphonse Griin,
chef de section aux archives de l'Empire, et an-
cien rédacteur en chef du Moniteur universel,
frappé d'apoplexie aux bains de Bühl, près de
Barr (Bas--Rhin), où il s'était rendu pour passer
les vacances avec sa famille.. :
Le service de bout de l'an du duc de Grammont-
Caderousse, aura lieu demain mardi, à il heures
du matin à la Madeleine.
LE DÉSHÉRITÉ
TENTATIVE D'ASSASSINAT
Un notaire de Paris vient heureusement d'échapper à
une tentative d'assassinat préméditée contre lui dans les
circonstances suivantes :
Le nommé L..., âgé de 60 ans, habite Vaugirard.
C'est un petit rentier qui avait l'espérance de voir aug-
menter sa fortune par la mort d'un de ses parents, du-
quel, selon ses prévisions, il devait hériter d'une somm
assez importante.
Mais il advint que ce parent, étant décédé récemment,
avait, par testament, disposé de ce qu'il possédait en
faveur 4!e plusieurs personnes pour la plupart étrangè-
res à sa famille.
M. X..., notaire, fut chargé de la liquidation. L...,
n'étant pa3 compris au nombre des héritiers, se figu-
rera, — bien à tort très-certainement — que l'officier
ministériel s'était ente!ldu avctJ certains légataires pour
lui soustraire le legs sur lequel il comptait.
Dominé par cette idée, il conçut le projet de se vea-
ger du notaire, et,. malgré les sages observations que
lui firent ses amis en essayant de lui démontrer que ses
suppositions étaient absurdes et mal fondées, il persis-
tait à soutenir que le notaire, l'avait dépouillé, et, dans \
ses moments d'exaspération, il s'écrait:je le tuerai
Ces sinistres dispositions; connues des personnes qui
approchaient L..., leur imposèrent le devoir de le sur-
veiller. Lune d'elles, M. D..., remarqua avant-hijr, que
L... avait placé un pistolet, dans la poche de son pale-
tot.
Il n'en dit rien, mais lorsque, vers midi, il sortit en
annonçant qu'il allait faire un tour de promenade sur
les boulevards, M. D... le suivit inostensiblement.
Il le vit se diriger vers la demeure du notaire, mar-
chant d'un pas ferme. Tout dans son attitude, ses gestes,
son regard brillant d'un feu sombre, décelait l'homme
qui vient de prendre une énergique résolution et qui
va l'exécuter.
1 Redoutant avec raison un malheur, M. D... prévint
des sergents de ville qui arrêtèrent L... au moment où
il allait arriver à la maison de celui à la vie duquel il
voulait attenter.
Les agents, que M. D... avait mis au courant de ce
qui se passait, se hâtèrent, dès qu'ils abordèrent L...,
de le fouiller pour lui retirer son arme qui était char-
gée et amorcée. Il lit quelques résistances, mais se ré-
signant, il s'écria :
Je cède à la force, je suis découvert, c'est malheu-
reux, mais il ne m'échappera pas, je le tuerai tôt ou
tard.
Mis immédiatement à la disposition du commissaire
de police, L... a répondu avec beaucoup de sang-froid
aux questions de ce magistrat. Il lui a raconté les faits ,
qu'il croit avoir à reprocher au notaire, déclarant éner-
giquement qu'il n'était pas fou, qu'il avait toute sa
raison et que rien ne le ferait renoncer à ses projets de
vengeance, à moins qu'on ne le tienne en prison pen-
dant le restant de ses jours.
L... a été en conséquence livré à la justice comme
inculpé de tentative d'assassinat, aggravée par la pré-
méditation, et n'ayant manqué son effet que par une
circonstance indépendante de la volonté de son au-
teur. —
P.
LA CUEILLETTE
Le Pays trouve qu'il y a des femmes qui valent leur ;
pesant d'or.
Le rajah de Kolapoor est mort le mois passé. '
Avant de, rendre le dernier soupir, il s'est fait
peser, lui et ses femmes, selon la coutume in-
dienne.
Les usages veulent que le mari laisse à ses
femmes autant de roupies que chacune d'elles
pèse. Dans le cas présent, le rajah n'a pesé que
4,000 roupies, tandis que ses deux femmes en-
semble ont pesé 14,000 roupies, ce qui fait 7,000
pour chacune.
Léon Gozlan était-il bien réellement chrétien ? Le
passage suivant d'une lettre adressée par un de ses
amis d'enfance, M. Régis de la Colombière, à un jour-
nal de Marseille, permet d'en douter fortement : "
Quant à ce qu'on a dit de son baptême, ac-
compli en 1803 à l'église de la Major, rien n'est
moins certain. Ce que je puis certifier, c'est que
dans sa famille on-pratiquait la religion de Moïse.
Je ne rappellerai qu'une circonstance, c'est qu'il
ne manquait pas de distribuer à ses amis catho-
liques à l'époque de la fête de Pâque des gâteaux
LES VAUDOU
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
p Suite (4)
— C'est vous, n'est-ce pas, monsieur, lui de-
manda-t-il, qui êtes le délégué de la police de
sûreté ?
— Oui, monsieur, répondit l'agent,
— Alors ceci est pour vous, veuillez je vous
,prie en prendre connaissance, dit-il en sortant
'de la poche de côté de son habit, un large pli j
cacheté de rouge qu'il lui remit. i
— Une dépêche !
— Oui, monsieur, du président Geffrard.
M. Chauvelin s'inclina et décacheta la lettre
que d'abord il parcourut rapidement des yeux,
rjpuis il se mit à lire avec la plus sérieuse atten-
tion.
Chacun examinait avec anxiété le virage de
ragent qui se rembrunissait de plus en plus au
fur et à mesure qu'il avançait dans la lecture de
la dépêche.
Lorsqu'il eut fini de lire, M. Chauvelin toussa
à deux ou trois reprises, plia la lettre, la mit
(1) Voir les numéros parus depuis le 28 août.
dans sa poche et s'inclinant froidement devant
M. Duvauchelle.
— J'obéirai, monsieur, dit-il.
— Merci, merci, monsieur, je n'attendais pas
moins vous! répondit-il avec effusion; mais
ajouta-t-il, vous allez, je crois, vous mettre à ta-
ble, j'ai moi-même besoin de prendre quelque
chose, je suis à jeun, déjeunons, nous causerons
ensuite ; pas mn mot pendant le repas.
On servit, le déjeuner dura à peine un quart
d'heure; chacun des assistante comprenait que
quelque chose de grave allait se passer.
Lorsqu'on se fut levé de table, M. Duvauchelle
fit signe à son beau-frère de l'accompagner, et
suivi de M. Chauvelin, il quitta la salle; mais
avant de sortir il embrassa Angèle au front, et
serra la main de soii futur beau-frère.
— Où allons-nous? demanda le planteur.
— Faire une promenade à cheval, répondit-il
avec un clignement d'yeux significatif.
— Alors je vais donner des ordres
— C'est inutile, mon domestique a dû faire
seller trois chevaux.
En effet, trois chevaux attendaient tenus en
bride par un noir.
Les trois hommes se mirent en selle et s'éloi-
gnèrent au grand trot. Arrivés au bout de l'ave-
nue des Toma;ins :
— Maintenant, dit M. Duvauche le, vous Jo-
seph, tournez à droite, monsieur tournera à gau-
che, moi je suivrai tout droit devant moi, il ne
faudra pas que nous soyons vus ensemble, le
rendez-vous est au Saut-du-Chien, près les mon-
tagnes Noires; dans deux heures, crevez vos
chevaux ! allez, et bonne chance.
Ils se séparèrent.
Deux heures plus tard, tous trois arrivaient au
rendez-vous par des chemins différents.
L'endroit était parfaitement choisi pour éviter
une surprise ; de la hauteur où se trouvaient
placés les trois hommes, leur vue s'étendait à une
longue distance dans toutes les directions, à
quelques pas du lieu choisi par Monsieur Du-
vauchelle, une énorme crevasse, s'ouvrait béante,
cette crevasse était le Saut-du-chien.
— Pardonnez-moi de vous avoir obligé à faire
cette longue course, dit Monsieur Duvauchelle,
mais, ainsi que vous le comprendrez bientôt, c'est
ici seulement que je pouvais m'expliquer en toute
sureté avec vous.
— Toute surprise est impossible, il n'y a pas
d'espion à craindre, fit observer monsieur Colette.
— Mais nous pouvons être vus ! murmura
l'agent.
— Oui, si nous restions débout, mais une fois
étendus dans l'herbe haute et touffue, nul regard
fût-ce celui de l'aigle ne saurait nous aper-
cevoir.
— Mais nos chevaux?
— Attendez.
Il siffla, un jeune nègre émergea de derrière
une pointe de roc,s'empara des chevaux et lés
emmena avec lui; ce noir était Marcelin, le do-
mestique de confiance de Monsieur Duvauchelle.
— Voyez, reprit-il, en étendant le bras, nous
sommes à portée de Léogane, de Jérémie, et du
Port-au-Prince , c'est-à-dire qu'en moins de
deux heures du secours peut nous arriver par
trois directions différentes, sans compter le
Lameutin et les Cayes, qui ne sont pas non plus
fort éloignés, maintenant regardez par ici cette
épaisse forêt de l'Artibonite. Au milieu se trouve
le Morne des Curidas, eh bien là à trois lieues à
peine à vol d'oiseau du lieu où nous sommes, au
pied de cette immense flèche, roc gigan'tesque et
inaccessible où seuls se reposent les vautours,
au pied dis-je du Piton, du Morne des Curidas sa .
tient l'assemblée des Vaudotlx.
— Ah! firent les deux hommes avec une sur.
prise mêlée d'effroi.
— Etes-vous bien sùr de ce que vous avancez?
demanda M. Chauvelin.
Un sourire d'une expression singulière plissa
les lèvres de M. Duvauchelle.
— Je les ai vus, dit-il.
Il y eut un silence.
- Asseyez-vous et écoutez-moi, reprit-il; il
est inutile que nous restions plus longtemps de-
bout; on pourrait nous dépister.
Les trois hommes s'étendirent sur l'herbe.
GUSTAVE AIMARD.
(La suite à demain.)
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