Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-06-15
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 15 juin 1870 15 juin 1870
Description : 1870/06/15 (A5,N1518). 1870/06/15 (A5,N1518).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716946q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
6 cent. le numéro.
5 cent. le numéro.
ABDNNEMT .n-iTS. - Tantôt! S!xme!s tfnan'
Paris 5 fr. 9 fr, la tr.
. Départements 0 il 8.
Administrateur: BoURDILLIAT.
I üma année — MERCREDI 15 JUIN 1870 — N° 1513
Rédacteurm chef: A. DE BA.LA.THIER-BR.\GELONÎ(E
BUREAUX D'ABONNKMENT: 9, rnoftrauot
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 14 JUIN 1870
NORT D'ALPHONSE DUCHESNE
\ '• w , .
Je -Sois un adieu du cœur au ^eonfrëre
dent tout à l'heure je suivrai le convoi?
Dans quelques jours., le silence se sera
fait autour de son nom, qui était celui d'un
honnête homme et d'un écrivain de talent.
En effet, Alphonse Duchesne ne laisse pas
d'œuvre. Journaliste, critique, il monnayait
ses idées, combattant au jour le jour pour
ce qu'il croyait le bien et le beau, aux prises
avec une vie difficile, n'ayant jamais pu —
depuis 25 ans qu'il tenait une plume — trou- >
ver le loisir nécessaire pour s'isoler dans
une poursuite unique, se concentrer sur un
' même sujet, composer un livre...
Il était né en 1825, à Lisiecx. Enfant cé-
'lebre'de sa petite ville, il y publiait — à 19
; ans — un recueil de poésies : Chants d'un
} oiseau de passage. Puis, il venait à Paris,
1 comme les grands hommes de la province
ide Balzac, inquiet, curieux, désireux de
i prendre sa place sous ce soleil qui fait éclore
les réputations au contact des rivalités.
C'était un esprit sérieux, que l'étude ab-
•'< sorba d'abord tout entier. Même en produi-
sant,— lorsque la nécessité le força àjprodui-
; re, — il apprenait encore. Pour se délasser
: de son travail, pour se distraire des chagrins j
de la pauvreté, il faisait des vers, il aimait
' à passer quelques heures dans les cénacles
, et les milieux intelligents aujourd'hui dis-
! parus.
Lorsque j'arrivai à Paris, en 1857, Du-
| chesne collaborait à des Encyclopédies, à
: des Dictionnaires, à des Recueils spéciaux.
Je le rencontrais presque tous les jours,
montant la rue des Martyrs, une ser-
viette bourrée de papiers sous le bras. Il re-
venait de la Bibliothèque, un peu las, et il
allait dîner en famille à Montmartre. Quel- i
quefois, il s'arrêtait à la Brasserie, où il
rencontrait un groupe de bons compagnons : <
Pierre Dupont, ChampOeury, Gustave Ma- '
ITaieu, Courbet, Pernand Desnoyers, Casta-
gnary, ceux qu'on appelait les Réalistes.
Aux tables voisines de la leur, s'asseyaient
Vautres Jeunes gens, des romanciers, des
|jetatfés, des poëles : Théodore de Banville, :
ixène Boyer, Charles Monselct, Amé- \
d&rRolland, Charles Bataille, Henri Mur-
ger; Antoine Fauchery, Alfred Delvau...
j vien-s d'écrire quinze noms; sept seule-
ment parmi ceux qui les portaient peuvent
aujourd'hui parler des autres. La balance
est du côté de la mort.
Un matin de 185H, M. Francisque Sarcey,
— qui débarquait de Grenoble, avec le gros
sang et les emportements pourpres de la
province, — tomba sur la Brasserie des
Martyrs et ses habilués.
Se réunir pour boire de la bière, pour
parler art et poésie, n'étail-ce pas incompré-
hensible et monstrueux? Les Français, nés
pour l'action, ne doivent bctire que du
vin! ...
M. Sarcey fut presque éloquent; son ar-
ticle eut du succès. Qui donc y répondra?—
se demandait-on. 1
L'article avait pnru dans le Figaro ; le Fi-
garo reçut :1a réponse, une page de critique
élevée, entraînante, pleine de poésie et d'iro-
nie, qu'on aurait pu attribuer à Henri Heine.
Cette page n'élait pas signée. Après l'avoir
publiée, M. de Villemessant voulut en con-
naître l'auteur. On lui nomma Alphonse
Duchesne. Dès lors, ce dernier devint un
collaborateur assidu du Figaro.
C'est là qu'il a publié tour à tour de re-
marquables séries d'articles, les Lettres indé-
pendantes, la République des Lettres, n'inter-
rompant ses travaux de critique que pour
toucher par instants au pamphlet politique,
comme dans les Lettres de Junius en colla-
boration avec Delvau, et le Diable à Quatre
avec Ranc.
Je l'ai dit, dès le début, la vie avait été i
difficile pour Duchesne. !
A trente ans, il avait des chevéux blancs, I
lui contrastaient d'une façon singulière avec j
la jeunesse de sa figure aux traits réguliers,
au sourire railleur et fin.
Depuis longtemps, il était malade, se re-
levant avec vaillance dès qu'il lui était pos.
sible de se relever, retombant sans cesse....
A la fin du mois dernier, il se crut guéri;
11 écrivit un article qui devait servir de pré-
face à une nouvelle série. Cette série allait
commencer, quand une fluxion de poitrine,
brochant sur le reste, a emporté l'écrivain à
quarante-cinq ans, dans la pleine période or-
dinaire de la force, dans la maturité du ta-
lent., dans la certitude des convictions.
Chers lecteurs, vou^ devez un regret aux
hommes qui tombent ainsi :
Ne l'oubliez pas, ces hommes sont vos
meilleurs amis. Si par instants vous trouvez
la vie belle, c'est à eux que vous le devez.
Qui vous a appris à penser? Les philoso-
phes. Qui vous a permis de comparer et. de
juger? LHS historiens. Qui vous a amusés
et distraits? Les romanciers. Qui vous a fait
pleurer ou rire? Les auteurs dramatiques.
Qui vous a révélé les splendeurs de la na-
ture, la beauté de la famille? Les poëtes.
Le journaliste, — tour à tour philosophe,
historien, romancier, dramaturge, vaude-
villiste et poëte, — ne laisse pas d'œuvre
comme ses confrères.
Il écrit sous la loi du jour, comme le fai-
sait Alphonse Duchesne, tantôt vulgarisant
une connaissance, tantôt défendant une idée,
tantôt exaltant un sentiment généreux. Son
influence dépend de son aclivité. Ce soldat
dont l'arme est une plume, doit être prêt à
joule heure. Tant pis pour ses . membres
s'ils sont las! Tant pis pour son cerveau s'il
n'est pas en ébullition! — Au travail, pion-
nier, dont l'argent serait insuffisant à payer
reffort! Au travail! Le sentiment du devoir
accompli parfeaa ta solde. Et, quand tu
mourras à la tâche, tes compagnons vien-
dront dire au public que tu as bien mérité |
le lui!... j
Ils l'ont dit, en effet.
Voici l'oraison funèbre du Gaulois:
« Homme de lettres, dans le sens élevé
que les hommes du siècle dernier attribuaient
à cette dénomination, Alphonse Duchesne
avait longtemps reculé devant la nécessité de
faire ce qu'on appelle du métier.,
«Le sérieux de son esprit nuisit peut-être
à sa réputation, bien que son talent fût très-
apprécié de ses confrères en journalisme.
« Républicain, il avait su vivre dans des
milieux très-divers, sans pour cela faire au-
cun compromis avec sa dignité; et il s'était
acquis même parmi ses advi?rsaires politi-
ques de véritables amitiés.
«Aussi, parmi ceux qui l'accompaSnfâont
à son convoi, ne s'en trouvera-t-il aUl ",un qui
ne regrette sincèrement l'écrivain in(TéPen*
dant que nous nous honorions de coirn
pour ami. »
A. Ranc, dans la Cloche, promet de dire
ce qu'était son ami, de montrer chez lui les
qualités exquises de l'esprit et l'élévation
morale :•
« Aujourd'hui, je ne veux, je ne puis que
rendre un dernier temoignage à celui qui
passa, honnête, dans la vie. »
M. Francis Magnard, dans le Figaro, ter-
mine ainsi son article :
« Alphonse Duchesne, comme tous ceux
qui, vivant par la pensée, n'ont pas eu le
loisir de faire . fortune, laisse derrière lui
bien des larmes et bien des angoisses. Ses r
collaborateurs savent maintenant quel de."
voir il leur reste à remplir. »
La presse tout entière sera heureuse de -
prendre part à l'accomplissement de ce de- >
voir.
Hier, la Société des gens do lettres a dé-
cidé qu'elle honorerait la mémoire d'Al.. ¡ ¡
phonse Duchesne en se chargeant de son enr
Lerrement.
TONY RÉVILLON.
P. — Depuis un mois, paraît un nou-
veau journal littéraire. LE RIDEAU, journal -
de la yitle et des théâtres,, tient à justifier son
double Litre. Sa première page contient le
portrait et la biographie d'une figure con-
lempcraine; la seconde renferme les nou-
velles des boulevards; les deux autres sont
consacrées à l'art et aux artistes. Le rédac- '
teur en chef du Rideau, M. A. Saint-Léger,
et ses collaborateurs, parmi lesquels figure
un de nos amis de la Petite Presse, M. Amé-
dée Blondeau, se sont dit qu'il y avait une
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
LXXIX
79
Reportons-nous donc au moment où Milon
avait crié à Rocambole:
— Nous sommes pincés !
Rocambole s'était approché de la fenêtre et
,vait jeté un regard rapide dans la rue.
La rue était encombrée de policemen.
— Et pas une arme pour nous défendre! dit
£lilon, pris d'un accès de désespoir.
r~ Tu te trompes, dit Rocambole.
JVoiï le numéro du 12 juin 1869,
Il tira de sa poche deux révolvers et en
donna un à Milon.
— Mais il est probable, ajouta-t-il, que nous
ne nous en servirons pas.
— Nous nous laisserons prendre sans nous
défendre?
Et Milon, ahuri, regarda le maître.
Rocambole haussa les épaules.
— Imbécile 1 dit-il.
Milon était bouche béante.
Je n'ai point le temps de te donner des
explications, poursuivit le maître; cependant,
comme tu pourrais faire quelque bêtise,
écoute-moi vite, car les minutes valent des
heures en ce. moment.
— Parlez, dit Milon.
— Ce qui arrive, je l'avais prévu.
— Ah? dit MUon, et vous avez voulu ren-
trer tout de même!
— J'avais mes raisons pour cela.
— Enfin nous sommes pincés.
— Pas encore.
— Cependant...
r- Tais-toi, et écoute.
Milon attendit.
— Tu n'as donc rien vu en venant ici ?
— :Mais... je ne me rappelle pas... la rue
était déserte...
— Il Y avait un homme sous une porte, en
face de cette maison.
— Et cet homme?
— Il s'est glissé dans l'escalier quand nous
sommes entrés.
— Et c'est... un ami?
— Non, c'est un policeman. Tiens, il est là,
! derrière la porte.
— Alors il nous barrera le passag-e?'
— Non... Tu vas voir... Pose la pipe et fi-
lons 1
Et Rocambole ouvrit la porte et se plaça lle-
manière à être dans la pleine lumière de la
lampe qui se trouvait sur la cheminée.
Le policeman qui, en effet, allait ouvrir la
bouche pour appeler à son aide, et avait déjà
un révolver au poing, le policeman tres-
saillit.
Rocambole venait de lui faireun signe mys-
térieux, un signe qui consistait à tracer une
croix sur son front avec l'index df., la main
gauche.
Et le policeman,* muet, s'effaça. M
Alors Rocambole lui dit tout bas :
— Je suis l'homme gris.
Le policeman ne broncha pas.
Rocambole se tourna vers Milon stupéfait.
— Suis-moi, dit-il. '--
Milon sortit de la chambre à son tour.
Rocambole tira la porte, la referma sani
bruit, et laissa l'a clé dans la serrure.
* Puis il monta lestement l'escalier.
Milon le suivait.
Ils arrivèrent ainsi tout en haut.
Milon suivait toujours le maître et compra'-'-
nait que ce n'était pas le moment de le ques-
tionner.
En haut de l'escalier il y avait une porte
entrebâillée.
Cette porte donnai!: sur une chambre veuve
de tout meuble et de tout locataire et qui pre- "
nait jour sur les toits par une de ces fenêtres
qu'on appelle tabatières.
La fenêtre était ouverte.
— Sers-moi de marchepied, dit alors le mat-
trè. Après je te tendrai ma jambe.
Et il monta lestement sur les épaules de
Milon, atteignit la tabatière et grimpa sur le
loit.
Puis il laissa pendre sa jambe, et comaïe a"
t
JOURNAL QUOTIDIEN
6 cent. le numéro.
5 cent. le numéro.
ABDNNEMT .n-iTS. - Tantôt! S!xme!s tfnan'
Paris 5 fr. 9 fr, la tr.
. Départements 0 il 8.
Administrateur: BoURDILLIAT.
I üma année — MERCREDI 15 JUIN 1870 — N° 1513
Rédacteurm chef: A. DE BA.LA.THIER-BR.\GELONÎ(E
BUREAUX D'ABONNKMENT: 9, rnoftrauot
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 14 JUIN 1870
NORT D'ALPHONSE DUCHESNE
\ '• w , .
Je -Sois un adieu du cœur au ^eonfrëre
dent tout à l'heure je suivrai le convoi?
Dans quelques jours., le silence se sera
fait autour de son nom, qui était celui d'un
honnête homme et d'un écrivain de talent.
En effet, Alphonse Duchesne ne laisse pas
d'œuvre. Journaliste, critique, il monnayait
ses idées, combattant au jour le jour pour
ce qu'il croyait le bien et le beau, aux prises
avec une vie difficile, n'ayant jamais pu —
depuis 25 ans qu'il tenait une plume — trou- >
ver le loisir nécessaire pour s'isoler dans
une poursuite unique, se concentrer sur un
' même sujet, composer un livre...
Il était né en 1825, à Lisiecx. Enfant cé-
'lebre'de sa petite ville, il y publiait — à 19
; ans — un recueil de poésies : Chants d'un
} oiseau de passage. Puis, il venait à Paris,
1 comme les grands hommes de la province
ide Balzac, inquiet, curieux, désireux de
i prendre sa place sous ce soleil qui fait éclore
les réputations au contact des rivalités.
C'était un esprit sérieux, que l'étude ab-
•'< sorba d'abord tout entier. Même en produi-
sant,— lorsque la nécessité le força àjprodui-
; re, — il apprenait encore. Pour se délasser
: de son travail, pour se distraire des chagrins j
de la pauvreté, il faisait des vers, il aimait
' à passer quelques heures dans les cénacles
, et les milieux intelligents aujourd'hui dis-
! parus.
Lorsque j'arrivai à Paris, en 1857, Du-
| chesne collaborait à des Encyclopédies, à
: des Dictionnaires, à des Recueils spéciaux.
Je le rencontrais presque tous les jours,
montant la rue des Martyrs, une ser-
viette bourrée de papiers sous le bras. Il re-
venait de la Bibliothèque, un peu las, et il
allait dîner en famille à Montmartre. Quel- i
quefois, il s'arrêtait à la Brasserie, où il
rencontrait un groupe de bons compagnons : <
Pierre Dupont, ChampOeury, Gustave Ma- '
ITaieu, Courbet, Pernand Desnoyers, Casta-
gnary, ceux qu'on appelait les Réalistes.
Aux tables voisines de la leur, s'asseyaient
Vautres Jeunes gens, des romanciers, des
|jetatfés, des poëles : Théodore de Banville, :
ixène Boyer, Charles Monselct, Amé- \
d&rRolland, Charles Bataille, Henri Mur-
ger; Antoine Fauchery, Alfred Delvau...
j vien-s d'écrire quinze noms; sept seule-
ment parmi ceux qui les portaient peuvent
aujourd'hui parler des autres. La balance
est du côté de la mort.
Un matin de 185H, M. Francisque Sarcey,
— qui débarquait de Grenoble, avec le gros
sang et les emportements pourpres de la
province, — tomba sur la Brasserie des
Martyrs et ses habilués.
Se réunir pour boire de la bière, pour
parler art et poésie, n'étail-ce pas incompré-
hensible et monstrueux? Les Français, nés
pour l'action, ne doivent bctire que du
vin! ...
M. Sarcey fut presque éloquent; son ar-
ticle eut du succès. Qui donc y répondra?—
se demandait-on. 1
L'article avait pnru dans le Figaro ; le Fi-
garo reçut :1a réponse, une page de critique
élevée, entraînante, pleine de poésie et d'iro-
nie, qu'on aurait pu attribuer à Henri Heine.
Cette page n'élait pas signée. Après l'avoir
publiée, M. de Villemessant voulut en con-
naître l'auteur. On lui nomma Alphonse
Duchesne. Dès lors, ce dernier devint un
collaborateur assidu du Figaro.
C'est là qu'il a publié tour à tour de re-
marquables séries d'articles, les Lettres indé-
pendantes, la République des Lettres, n'inter-
rompant ses travaux de critique que pour
toucher par instants au pamphlet politique,
comme dans les Lettres de Junius en colla-
boration avec Delvau, et le Diable à Quatre
avec Ranc.
Je l'ai dit, dès le début, la vie avait été i
difficile pour Duchesne. !
A trente ans, il avait des chevéux blancs, I
lui contrastaient d'une façon singulière avec j
la jeunesse de sa figure aux traits réguliers,
au sourire railleur et fin.
Depuis longtemps, il était malade, se re-
levant avec vaillance dès qu'il lui était pos.
sible de se relever, retombant sans cesse....
A la fin du mois dernier, il se crut guéri;
11 écrivit un article qui devait servir de pré-
face à une nouvelle série. Cette série allait
commencer, quand une fluxion de poitrine,
brochant sur le reste, a emporté l'écrivain à
quarante-cinq ans, dans la pleine période or-
dinaire de la force, dans la maturité du ta-
lent., dans la certitude des convictions.
Chers lecteurs, vou^ devez un regret aux
hommes qui tombent ainsi :
Ne l'oubliez pas, ces hommes sont vos
meilleurs amis. Si par instants vous trouvez
la vie belle, c'est à eux que vous le devez.
Qui vous a appris à penser? Les philoso-
phes. Qui vous a permis de comparer et. de
juger? LHS historiens. Qui vous a amusés
et distraits? Les romanciers. Qui vous a fait
pleurer ou rire? Les auteurs dramatiques.
Qui vous a révélé les splendeurs de la na-
ture, la beauté de la famille? Les poëtes.
Le journaliste, — tour à tour philosophe,
historien, romancier, dramaturge, vaude-
villiste et poëte, — ne laisse pas d'œuvre
comme ses confrères.
Il écrit sous la loi du jour, comme le fai-
sait Alphonse Duchesne, tantôt vulgarisant
une connaissance, tantôt défendant une idée,
tantôt exaltant un sentiment généreux. Son
influence dépend de son aclivité. Ce soldat
dont l'arme est une plume, doit être prêt à
joule heure. Tant pis pour ses . membres
s'ils sont las! Tant pis pour son cerveau s'il
n'est pas en ébullition! — Au travail, pion-
nier, dont l'argent serait insuffisant à payer
reffort! Au travail! Le sentiment du devoir
accompli parfeaa ta solde. Et, quand tu
mourras à la tâche, tes compagnons vien-
dront dire au public que tu as bien mérité |
le lui!... j
Ils l'ont dit, en effet.
Voici l'oraison funèbre du Gaulois:
« Homme de lettres, dans le sens élevé
que les hommes du siècle dernier attribuaient
à cette dénomination, Alphonse Duchesne
avait longtemps reculé devant la nécessité de
faire ce qu'on appelle du métier.,
«Le sérieux de son esprit nuisit peut-être
à sa réputation, bien que son talent fût très-
apprécié de ses confrères en journalisme.
« Républicain, il avait su vivre dans des
milieux très-divers, sans pour cela faire au-
cun compromis avec sa dignité; et il s'était
acquis même parmi ses advi?rsaires politi-
ques de véritables amitiés.
«Aussi, parmi ceux qui l'accompaSnfâont
à son convoi, ne s'en trouvera-t-il aUl ",un qui
ne regrette sincèrement l'écrivain in(TéPen*
dant que nous nous honorions de coirn
pour ami. »
A. Ranc, dans la Cloche, promet de dire
ce qu'était son ami, de montrer chez lui les
qualités exquises de l'esprit et l'élévation
morale :•
« Aujourd'hui, je ne veux, je ne puis que
rendre un dernier temoignage à celui qui
passa, honnête, dans la vie. »
M. Francis Magnard, dans le Figaro, ter-
mine ainsi son article :
« Alphonse Duchesne, comme tous ceux
qui, vivant par la pensée, n'ont pas eu le
loisir de faire . fortune, laisse derrière lui
bien des larmes et bien des angoisses. Ses r
collaborateurs savent maintenant quel de."
voir il leur reste à remplir. »
La presse tout entière sera heureuse de -
prendre part à l'accomplissement de ce de- >
voir.
Hier, la Société des gens do lettres a dé-
cidé qu'elle honorerait la mémoire d'Al.. ¡ ¡
phonse Duchesne en se chargeant de son enr
Lerrement.
TONY RÉVILLON.
P. — Depuis un mois, paraît un nou-
veau journal littéraire. LE RIDEAU, journal -
de la yitle et des théâtres,, tient à justifier son
double Litre. Sa première page contient le
portrait et la biographie d'une figure con-
lempcraine; la seconde renferme les nou-
velles des boulevards; les deux autres sont
consacrées à l'art et aux artistes. Le rédac- '
teur en chef du Rideau, M. A. Saint-Léger,
et ses collaborateurs, parmi lesquels figure
un de nos amis de la Petite Presse, M. Amé-
dée Blondeau, se sont dit qu'il y avait une
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
LXXIX
79
Reportons-nous donc au moment où Milon
avait crié à Rocambole:
— Nous sommes pincés !
Rocambole s'était approché de la fenêtre et
,vait jeté un regard rapide dans la rue.
La rue était encombrée de policemen.
— Et pas une arme pour nous défendre! dit
£lilon, pris d'un accès de désespoir.
r~ Tu te trompes, dit Rocambole.
JVoiï le numéro du 12 juin 1869,
Il tira de sa poche deux révolvers et en
donna un à Milon.
— Mais il est probable, ajouta-t-il, que nous
ne nous en servirons pas.
— Nous nous laisserons prendre sans nous
défendre?
Et Milon, ahuri, regarda le maître.
Rocambole haussa les épaules.
— Imbécile 1 dit-il.
Milon était bouche béante.
Je n'ai point le temps de te donner des
explications, poursuivit le maître; cependant,
comme tu pourrais faire quelque bêtise,
écoute-moi vite, car les minutes valent des
heures en ce. moment.
— Parlez, dit Milon.
— Ce qui arrive, je l'avais prévu.
— Ah? dit MUon, et vous avez voulu ren-
trer tout de même!
— J'avais mes raisons pour cela.
— Enfin nous sommes pincés.
— Pas encore.
— Cependant...
r- Tais-toi, et écoute.
Milon attendit.
— Tu n'as donc rien vu en venant ici ?
— :Mais... je ne me rappelle pas... la rue
était déserte...
— Il Y avait un homme sous une porte, en
face de cette maison.
— Et cet homme?
— Il s'est glissé dans l'escalier quand nous
sommes entrés.
— Et c'est... un ami?
— Non, c'est un policeman. Tiens, il est là,
! derrière la porte.
— Alors il nous barrera le passag-e?'
— Non... Tu vas voir... Pose la pipe et fi-
lons 1
Et Rocambole ouvrit la porte et se plaça lle-
manière à être dans la pleine lumière de la
lampe qui se trouvait sur la cheminée.
Le policeman qui, en effet, allait ouvrir la
bouche pour appeler à son aide, et avait déjà
un révolver au poing, le policeman tres-
saillit.
Rocambole venait de lui faireun signe mys-
térieux, un signe qui consistait à tracer une
croix sur son front avec l'index df., la main
gauche.
Et le policeman,* muet, s'effaça. M
Alors Rocambole lui dit tout bas :
— Je suis l'homme gris.
Le policeman ne broncha pas.
Rocambole se tourna vers Milon stupéfait.
— Suis-moi, dit-il. '--
Milon sortit de la chambre à son tour.
Rocambole tira la porte, la referma sani
bruit, et laissa l'a clé dans la serrure.
* Puis il monta lestement l'escalier.
Milon le suivait.
Ils arrivèrent ainsi tout en haut.
Milon suivait toujours le maître et compra'-'-
nait que ce n'était pas le moment de le ques-
tionner.
En haut de l'escalier il y avait une porte
entrebâillée.
Cette porte donnai!: sur une chambre veuve
de tout meuble et de tout locataire et qui pre- "
nait jour sur les toits par une de ces fenêtres
qu'on appelle tabatières.
La fenêtre était ouverte.
— Sers-moi de marchepied, dit alors le mat-
trè. Après je te tendrai ma jambe.
Et il monta lestement sur les épaules de
Milon, atteignit la tabatière et grimpa sur le
loit.
Puis il laissa pendre sa jambe, et comaïe a"
t
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