Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-06-08
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 08 juin 1870 08 juin 1870
Description : 1870/06/08 (A5,N1511). 1870/06/08 (A5,N1511).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716939k
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
reproches firent sur le jeune homme Inle impressii «
telle, que, honteux et rej,('utant, il m; coute;!',
de cuisine et s'efforça de se le plonger dans la Po-l-
trine.
L'agent a réussi à l'en empêcher, mais en se faisant
au bras une blessure assez forte. La rsière et le fils se
sont alors réunis pour lui donner des soins, et le jeune
homme a promis de ne plus recommencer.
Un bien douloureux accident est arrivé, hier, dans
.m hôtel meublé de la rue Jean-Jacques Rousseau.
Une jeune fille nommée Louise Masson, âgée de
douze ans, à l'occasion de sa première communion,
était allée présenter ses hommages à son oncle,
M. X..., vers huit heures du soir, hier, dimanche.
Au moment de se retirer, en se précipitant comme
une petite folle au cou de sa tante, la pauvre enfant
renversa une bougie allumée qui se trouvait sur une
table et le feu prit à ses î'égers vêtements de gaze.
Immédiatement elle fut environnée de flammes et,
malgré les efforts réunis de son oncle et des garçons
de 1 hôtel accourus à ses cris, elle succomba une heure
après aux suites des brûlures qu'elle avait reçues.
Mme Masson qui, muette de stupeur, assistait à cette
sc leur. — R.
Une audacieuse friponne vient de se signaler par
une escroquerie que nous nous empressons de divul-
guer afin de mettre les négociants en garde contre une
nouyelle tentative du même genre.
Le tO mai dernier, dit la Gazette des Tribunaux,
une femme de trente-cinq ans environ, mise fort sim-
plement, se présenta chez Mlle B..., apprêteuse en
bonneterie, rue Saint-Germain-l'Auxerrois, et présenta
un billet à ordre, signé du nom d'une marchande de
lingerie de la rue Saint-Honoré. Cet effet de commerce,
dont le montant est de 1,000 francs, était endossé par
M. Boq...
Mme B... était absente, mais sa fille qui la rempla-
çait en ce moment, voyant la signature de M. Boq...,
. client de leur maison, n'hésita pas à' escompter le bil-
rlet et remit à l'inconnue 1,000 francs en espèces.
CeHe-ci remercia avec effusion, ajoutant qu'elle était
la nièce de M. Boq...
l Grande fut la déception de Mme B..., lorsque le jour
Môme, ayant reçu la visite de son client et lui deman-
, dant s'il avait reçu les fonds à temps, ce dernier lui
répondit qu'il n'avait fait aucune demande de ce
genre. En examinant le billet à ordre, il constata que
tea signature avait été grossièrement imitée. Quant au
^souscripteur, informations prises au domicile indiqué,
"ua reconnut qu'il était décédé depuis plus de deux
ans.
" Dimanche, aux courses du bois de Boulogne, la po..
7 lioe a miq la main sur un hardi pick-pocket qui, dans
; l'enceinte même du pesage, avait accaparé, avec une
i adresse extrême, sept ou huit montres et plusieurs
j porte-monnaie.
la Cette arrestation, opérée au moment où le prix
d'Ibos allait être couru, a produit un certain émoi.
Pendant que les agents conduisaient le voleur au
poste placé sous la tribune du Jockey-Club, un sport-
man battait des mains sans se douter que lui-même
ayait été dévalisé ; sa chaîne pendait sur son gilet,
ornais sa montre était passée de sa poche dans celle du
détrousseur émérite. Sa stupeur a été grande lorsqu'on
l'a fait apercevoir de sa mésaventure.
Après la course, le pick-pocket a été jeté dans un
fiacre et conduit à la Préfecture de police sous l'es-
corte de trois sergents de ville.
Les deux maladies dominantes à Paris, la variole et
la bronchite, sont en voie de décroissance. Du 29 mai
au 4 juin, le chiffre des décès causés par la première
est de 173 (il était la semaine précédente de 218). La
pneumonie compte 80 décès, et la bronchite 57.^Vien-
nent ensuite la rougeole, 22, et la scarlatine, 18.
Au total, 1,174 décès au lieu de 1,254, chiffre dp la
semaine précédente.
o. lit dans le Français :
Il y a quelques jours, les habitants de Vincennes et
de Saint-Mandé étaient mis en émoi par d'effroyables
détonations bien plus retentissantes que celles des ca-
nons anciens et nouveaux. C'étaient, paraît-il, les fa-
meuses bpmbes du complot que l'on essayait.
On sait qu'une commission d'officiers d'artillerie a
été désignée à cet effet.
L'effet produit est, assure-t-on, vraiment formi- '
dable.
Nos théâtres lyriques paraissent à court en ce mo-
ment de grandes chanteuses. Les directeurs, suivant
nous, se donnent beaucoup de mal pour chercher à
l'étranger ce qu'ils ont à Paris, sous la main.
Nom Il'CIII voulons pour preuve que Mme ÏJgalde,
dont k merveilleux talent n'a pas vieilli. Nous l'avons
entendue samedi soir, chez Ledoyen, à la suite d'un
banquet donné à la presse par M. Cohen, directeur de
L'Intérêt com>>icreial, en l'honneur du centième anni-
versaÍre de ce journal, et sa voix nous a. émerveillé
comme aux beiux jours où cette grande artiste chan-
tait Galalhée et Gd-Blas et ce rôle de Suzanne du Ma-
riaw dp. Figaro, où elle était si charmante et si spiri-
tuelle.
A côté de Mme Ugalde, Mme Perroni, des Italiens,
M. Melchissédec, de l'Opéra-Comique, et M. Dambé,
l'habik: violoniste de l'Opéra, se sont fait tour à tour
applaudir des convives de M. Cohen, qui ne se sont sé-
parés que très-avant dans la nnit, enchantés de cette
petite fête. —.
AM. BL.
DÉPARTEMENTS ET COLONIES
Hier, vers une heure, dit le Gaul M, un incendie
s'est déclaré dans la forêt de Fontainebleau, à un ki-
lomètre de Barbizon, connu des artistes sous le nom
de Jean de Paris et la Roche brisée. Les promeneurs
ont donné l'alarme. On ne pouvait se procurer de
l'eau.
On se concerte et on se met à l'œuvre. On creuse,
on pioche, on coupe les arbres, on se livre à un tra-
vail surhumain.
Tous les pensionnaires du brave Siron, le conserva-
teur du musée de Barbizon, tous les Bizons de Barbizon,
comme on dit là-bas, ont mis habits bas et ont es-
sayé, avec un zèle merveilleux, de combattre le fléau.
Mais le feu se propage. Les tranchées ont beau se
succéder rapidement, au bout de dix minutes, l'incen-
die, excité par un vent sec, se renouvelle dans tous
les endroits où on le croit éteint.
A onze heures du soir, le plateau enflammé présen-
tait un spectacle effroyablement beau. A minuit, arri-
vaient cent hommes de la garnison de Fontainebleau.
On dit qu'il y a plus de 200 hectares de la forêt de
brûlés, sans compter 500 arbres coupés pour circons-
crire l'incendie.
Une nouvelle grève, et celle-ci d'un genre tout à.
fait imprévu. Les pompiers de Gravelines, qui ont des
difficultés avec le conseil municipal, se sont rendus à
la mairie et ont déposé sur la perron leurs effets d'é-
quipement et d'armement.
Le maire ayant refusé de les accepter, le capitaine
de la compagnie les a fait prendre et porter chez
lui.
— Oui, mais si un incendie éclate, qui l'éteindra ?
demandait-on à l'un d'eux.
— Eh bien! puisque les conseillers municipaux veu-
lent nous mettre au pain sec et à l'eau, qu'ils aillent
au feu, si ça leur plaît!
ÉTRANGER
Une dépêche de Constantinople, en date
d'aujourd'hui 6 juin, six heures du matin,
annonce qu'un incendie terrible a éclaté hier
dans l'après-midi; il n'a pu être localisé que
vers minuit. Il s'était étendu avec une rapi
dite effroyable, car le vent stfufflait très-fort.
L'ambassade d'Angleterre, les consulats d'A-
mérique et de Portugal, le théâtre Naoum, le
patriarcat arménien, plusieurs églises et mos-
quées, plusieurs milliers de maisons et de ma-
gasins, le plus riche quartier de Péra, ont été
complètement détruits. On compte plusieurs
morts et plusieurs blessés.
Le feu flambe encore en divers endroits. Les
pertes sont incalculables ; elles s'élèvent assu-
rément à plusieurs millions de livres.
Les fils électriques, reliant Péra au reste de
l'Europe, ont été cassés. Les communications
ont été rétablies ce matin jusqu'au point le
plus éloigné, grâce à l'excessive activité qu'a
déployé et l'administration télégraphique.
Beaucoup de familles sont sans asiles ; les rues
sont le théâtre de scènes navrantes.
On mande de Madrid que M. Bonell et son neveu,
qui de avaient été faits prisonniers par des brigands près
e Gibraltar, ont été mis en liberté et sont arrivés à
Gibraltar.
Les jonm?j]x allemands nous apportent le récit d'un
épo'jvaniable accident de chemin de fer arrivé le
13 mai sur le chemin de ter de Bucharest à Giurgewo
(Valachie). Un train de plaisir, composé d'une ving-
taine de voitures, a été coupé à la station Vidra par
un train de marchandises. Plus de cent personnes ont
été blessées, dont plusieurs inortellemeiitl-' douze per-
sonnes sont devenues folles de terreur.
Encore un accident de chemin de fer. Celui-ci s'est
produit en Suisse, sur la ligne de Genève-Annumak.
Un bloc du glacier de Monthoux, situé entre la Tui-
zearbre^ et la Cervette, est tombé sur la voie au mo-
ment où le train iio 65 passait.
Les trois derniers wagons ont été atteints par cette
masse et réduit en mille morceaux.
Trois voyageurs sont morts, et cinq autres plus ou
moins grièvement blessés. ,
Sans la prévoyance du mécanicien, qui força la va-
peur de sa machine, tout le train aurait pu être écrasé,
car iJ. vit le glacier sVbranler quelques secondes avant
d'arriver sur les lieux dd sinistre.
Le ténor Wachtel a adressé à divers journaux de
Londres la lettre suivante :
o Monsieur le rédacteur,
« Avant de quitter Londres, je me vois obligé de
donner l'explication suivante; afin d'éviter tout futur
malentendu.
« Durant la dernière représentation de Don Gio-
vanni, à Covent Garden, Mme Adelina Patti, mar-
quise de Caux, s'est crue insultée par moi, et, en con-
séquence, informa M. Gye qu'elle refuserait à l'avenir
de chanter avec moi.
« Quoique plus tard il ait été prouvé que la préten-
due insulte était le résultat d'un malentendu de Mme
Patti, comme elle l'a elle-même reconnu, j'ai cru ce-
pendant devoir à ma réputation d'artiste et aussi à
mon honneur personnel de demander à M. Gye de me
relever de mon engagement; ce qu'il a lait.
« Votre très-obéissant serviteur,
« THÉODOR WACHTEL,
« Chanteur de Sa Majesté le roi de Prusse. »
LES MERVEILLES DU PÉROU
Il y a de par le monde un pays qui, depuis trois
cents ans, a fait bâtir plus de châteaux en Espa-
gne, de vrais châteaux ceux-là, qu'on ne saurait
en imaginer.
Ajoutez à ces châteaux des palais, des villes
tout entières qui sont sorties de terre comme
par enchantement.
Quel est donc ce pays ? C'est, avant l'Orient qui
nous a si longtemps ébloui par le faux éclat de
ses contes et de ses féeries, c'est le pays des mer-
veilles.
Ah ! que Bagdad semble mesquine et que la fa-
meuse grotte d'Ali-Baba semble pauvre à côté des
richesses proverbiales de cette magnifique contrée!
Le Pérou, car vous comprenez que c'est le pays
dont il s'agit, mesure une superficie de 16,000
myriamètres carrés. Depuis un siècle sa popula-
tion a plus que quadruplé. Toute cette contrée est
traversée par la chaîne des Andes qui varie d'élé-
vation et comprend un grand nombre de plateaux
| situés en moyenne à 4,000 mètres au-dessus du
! niveau de la mer.
i Puis les vallées splendides, arrosées par de
| nombreuses rivières, et une végétation des plus
( magnifiques.
Le Pérou se divise en treize départements et
soixante provinces qui, à leur tour, se subdivisent
en districts et paroisses. Les habitants aborigènes
à peau brune sont les plus nombreux dans les
provinces lointaines et dans les Cordillères, mais
très-rares sur le littoral, où, au contraire, habite
toute la population d'origine européenne.
Qui dit Pérou dit, je le répète, le pays des
merveilles. Les rois d'Espagne connaissaient les
I magnificences de cette contrée lointaine, et c'est
de là qu'ils tiraient en quantité l'or et l'argent.
Mais à côté de l'or et de l'argent, à côté des
splendeurs de la végétation, à côté des produits
du sol et de toutes ses richesses naturelles, il faut
parler d'une autre merveille tout aussi précieuse,
qui n'est pas connue depuis longtemps, maïs qui
dans le monde entier est réputée, grâce aux bien-
faits qu'elle a rendus à l'agriculture, — il s agit,
on doit le comprendre, du guano.
Le gnano est une matière jaune, exhalant une
odeur très-forte, qui rappelle assez celle du cas-
tor et de la valériane.
Sa provenance ne manque pas d'une certaine
originalité.
H paraîtrait que le guano est le résultat des
milliers d'oiseaux de mer qui viennent se reposer
sur les côtes pendant la nuit.
Chacun sait que, par sa composition qui a long-
temps dérouté nos sommités, il constitue le meil-
leur d-c tous les engrais.
Les Péruviens ou, pour mieux dire, les Incas,
au douzième siècle, en faisaient usage pour
amender leur terre.
La consommation du guano est tellement
grande que, dans la seule contrée de Charnay,
qui n'a pas plus de trois myriamètres de lon-
gueur, on en dépense une quantité colossale pour
fumer le sol.
Son apparition en France date du commence-
ment de ce siècle. Il en fut apporté par deux voya-
geurs qui le firent examiner par Fourcroy et Vo-
quelin. Cependant ce n'est qu en 1841 que le com-
merce anglais, devinant l'usage que l'on pouvait
faire de ce précieux engrais, et comprenant
toute sa valeur, commença à venir l'exploiter au
Pérou.
Les résultats ne furent pas longtemps attendus,
et bientôt chacun sentit quels bénéfices on devait
en tirer.
C'est aux iles Chinchas et aux îles Lobos et
Mocabi que le guano abonde.
Le journal officiel du Pérou a publié récemment
un rapport signale la présence de dépôts sur
douze nouveaux points au nord de Lima et sur
trenle au sud. L'importance de ces dépôts connus
mais non explorés ni mesurés, est estimée au
moins égale, sinon supérieure, à celle des gise-
ments exploités. 1
D'après le consul anglais Peacock, voici les
quantités de guano reconnues dans la seule pro-
vince de Taracapa.
Chipaiia(tones). ; ; ; ; 280,000
Punta de Lobos. • ï . ; . â,400,000
Huanillos. 1,912,505
Puebellon de Pico.. ; , . 2,865,006
PuertoNylès 1,292,500
Total. i . 7,920,000
Mais nous allons donner d'autres chiffres qui
feront mieux. comprendre la valeur réelle du
guano.
En 1850, la vente, dans le monde entier, était
approximativement de 100,000 tonnes, au prix de.
7 à 8 livres la tonne.
Dix ans plus tard, la vente atteignit 250,000
tonnes, à 12 liv.; enfin, en 1869, 5o0>000 tonnes
étaient vendues à 13 liv. j.
Or, il faut savoir que le guano vendu à 13 liv.,
ou 325 fr., laisse au gouvernement péruvien un.
produit net de 8 liv. S sh., — soit 206 fr. 25 i
Qu'on juge à présent de son importance.
Et la principale source des revenus de ce pays
n'est pas prête à être épuisée : l'ensemble des
existences reconnues dans les îles que nous avons ,
citées suffiraient aux exportations de vingt ans,
en prenant pour base la consommation ac-
tuelle.
Mais pour arriver à une vaste exploitation, pour
faire profiter et réellement toute l'agriculture de
ce produit sans pareil, les moyens de transport
existants sont insuffisants. Le gouvernement du ,
Pérou a compris que pour donner à cette entre- I
prise, dont les bienfaits sont immenses, les pro- :
portions qu'elle mérite, il fallait créer des lignes
de chemin de fer qui rendissent faciles et rapides
les communications avec tous les points du pays. ;
Et dans ce but-là, il a chargé la Société générale,
si universellement connue, d'organiser en France
une souscription, et, certes, les heureux résultats
ne sont pas difficiles à prévoir.
Aujourd'hui, comme autrefois, le Pérou reste
le pays des merveilles; seulement, à l'exploitation
L'HISTOIRE D'UN CADAVRE
NOUVELLE HISTORIQUE
PAR ÉLIE BERTHET
I
La malédiction de Séville
l
C'était à Séville, en 1823, alors qu'une divi-
sion de l'armée française occupait cette an-
cienne capitale de l'Andalousie.
On sait quelle étrange guerre nous faisions
à l'Espagne en ce temps-là. Quarante-cinq mille
Français, sous les ordres du duc d'Angoulême,
envahissaient la Péninsule, sous prétexte de
« délivrer » le roi Ferdinand VII de Bourbon,
qui était, disait-on, opprimé par ses sujets. En
réalité, Ferdinand, le plus dissimulé, le plus
ombrageux, le plus fanatique des rois espa-
gnols, se trouvait gêné par une constitution et
par des Cortès qui s'opposaient à ses velléités
despotiques. Nous allions donc, de par les au-
tres Courbons qui régnaient alors en France,
mettre à la raison les assemblées nationales
espagnoles, faire d'un roi constitutionnel un
roi « absolument absolu, » comme on disait, et
peut-être relever le sanglant tribunal de l'In-
quisition, renversé depuis longtemps par l'indi-
gnation publique.
Naturellement une pareille mission ne nous
rendait pas populaires chez un peuple aussi
fier, aussi jaloux de son indépendance que le
peuple espagnol. Cependant, l'armée française
avait pu traverser la plus grande partie du
royaume presque sans combat. Le roi, qui ne
se trouvait pas assez d'autorité pour rendre
heureux ses sujets, en avait eu assez néan-
moins pour empêcher toute résistance sérieuse,
pour comprimer tout élan national. Ainsi, les
troupes françaises s'étaient emparées sans ré-
sistance des villes dont la possession avait coû-
té tant de sang pendant les guerres du premier
empire ; et ce fut seulement plus tard, à la
prise de Cadix et du Trocadéro, qu'elles eurent
occasion de montrer leur valeur et leur science
militaire.
Les populations ne faisaient donc pas tou-
jours à l'armée « libératrice » l'accueil le plus
empressé. On la recevait d'un air contraint;
on protestait par l'iner'ie, par le silence con-
tre cette invasion qui blessait l'honneur et.les
intérêts de la nation. Le pays était profondé-
ment divisé, et ceux mêmes que nous devions
protéger n'osaient nous manifester leur bien-
veillance, de peur d'attirer sur eux des ven-
geances redoutables. Quand nous nous établis-
sions dans une ville, il semblait que la vie et
la gaieté s'en retirassent ausslOt. On s'enfer-
mait chez soi; on se tenait à l'écart, et, malgré
notre entrain savante, nous restions mornes,
isolés, d'autant plus défiants que nous avions
conscience de l'iniquité de notre mission en
Espagne.
Tel était notamment l'accueil que la belle
et joyeuse Séville avait fait à une division
française. Depuis plus d'un mois nos troupes
occupaient la patrie du Cid et d'Almaviva, et
elles n'avaient pas beaucoup à se louer de l'hos-
pitalité des Sévillans. Pas de fêtes publiques
et privées; pas de joyeuses réunions le soir où
l'on dansât le boléro et le fandango; pas de sé-
rénades sous les balcons; pas de belles seno-
ritas se promenant dans les jardins de l'Alca-
zar, délices des rois mores, avec leurs mantilles
de dentelle, une fleur rouge posée dans leurs
cheveux noirs; pas de courses de taureaux avec
leur brillant escadrille de toreros etd'espadns;
pas même une de ces nombreuses processions
où excelle le clergé séviilan. Une sourde hos-
tilité régnait autour des Français, les portes
demeuraient closes; les cœurs"étaient fermés
comme les bouches, et la plus grande partie
de la division reçut l'ordre de partir pour mar-
cher en avant, sans avoir connu les charmes
et la poésie des mœurs andalouses.
Mais si nous écoutons la conversation de
deux officiers de cavalerie, le soir qui précéda
le jour du départ, le lecteur aura une idée des
mécomptes éprouvés par les Français.
Cette conversation avait lieu dans la cour
ou patio d'une magnifique maison moresque, '
au centre de la ville. La cour était dallée en
marbre, et au centre un petit jet d'eau faisait
entendre son murmure monotone. Alentour,
de grandes arcades en marbre blanc formaient
une sorte de cloître; des citronniers, des bana-
niers et des damas dlJ noche, arbustes aux fleurs
d'or, tapissaient les piliers finement sculptés.
La nuit tombait, mais c'était une de ces belles
nuits d'Orient, tièdes, aux suaves parfums, et
dont les lueurs nacrées ont plus d'éclat que
certains beaux jours de nos climats du Nord.
Les deux Français, assis à une table sous
la galerie, avaient pourtant devant eux une
de ces lampes de cuivre appelées candil, fort
usitées en Andalousie ; mais elle semblait ser-
vir uniquement à rallumer les excellents ci-
gares de la Havane qu'ils fumaient tout en
causant.
Ces officiers portaient le pimpant unifor-
me et les épaulettes de lieutenant de lanciers.
Ils étaient jeunes l'un et l'autre. Camarades
de promotion h l'école militaire, ils faisaient
ensemble leurs premières armes sur le terri-
toire espagnol et s'aimaient comme deux frè-
res, malgré leurs caractères différents.
René de Blancménil, l'un d'eux, n'avait en-
core qu'une moustache naissante, et paraissait
le plus jeune, bien qu'il eût à peu près l'âge
de son compagnon. C'était un grand garçon
svelte, élancé, dont l'élégance n'excluait ni
l'agilité ni la vigueur. Aventureux, un peu.
romanesque, son tempérament emporté lui
avait valu déjà plus d'une querelle au régi-
ment. Mais ces défauts trouvaient leur contre-
poids dans son amitié pour l'autre officier,
Paul de S^int-Front. Celui-ci, de taille
moyenne, très-robuste et très-brun, se mon-
trait aussi calme, aussi prudent que René était
étourdi et fougueux. D'habitude il modérait
les écarts de son camarade, l'arrêtait dans Sill:
telle, que, honteux et rej,('utant, il m; coute;!',
de cuisine et s'efforça de se le plonger dans la Po-l-
trine.
L'agent a réussi à l'en empêcher, mais en se faisant
au bras une blessure assez forte. La rsière et le fils se
sont alors réunis pour lui donner des soins, et le jeune
homme a promis de ne plus recommencer.
Un bien douloureux accident est arrivé, hier, dans
.m hôtel meublé de la rue Jean-Jacques Rousseau.
Une jeune fille nommée Louise Masson, âgée de
douze ans, à l'occasion de sa première communion,
était allée présenter ses hommages à son oncle,
M. X..., vers huit heures du soir, hier, dimanche.
Au moment de se retirer, en se précipitant comme
une petite folle au cou de sa tante, la pauvre enfant
renversa une bougie allumée qui se trouvait sur une
table et le feu prit à ses î'égers vêtements de gaze.
Immédiatement elle fut environnée de flammes et,
malgré les efforts réunis de son oncle et des garçons
de 1 hôtel accourus à ses cris, elle succomba une heure
après aux suites des brûlures qu'elle avait reçues.
Mme Masson qui, muette de stupeur, assistait à cette
sc
Une audacieuse friponne vient de se signaler par
une escroquerie que nous nous empressons de divul-
guer afin de mettre les négociants en garde contre une
nouyelle tentative du même genre.
Le tO mai dernier, dit la Gazette des Tribunaux,
une femme de trente-cinq ans environ, mise fort sim-
plement, se présenta chez Mlle B..., apprêteuse en
bonneterie, rue Saint-Germain-l'Auxerrois, et présenta
un billet à ordre, signé du nom d'une marchande de
lingerie de la rue Saint-Honoré. Cet effet de commerce,
dont le montant est de 1,000 francs, était endossé par
M. Boq...
Mme B... était absente, mais sa fille qui la rempla-
çait en ce moment, voyant la signature de M. Boq...,
. client de leur maison, n'hésita pas à' escompter le bil-
rlet et remit à l'inconnue 1,000 francs en espèces.
CeHe-ci remercia avec effusion, ajoutant qu'elle était
la nièce de M. Boq...
l Grande fut la déception de Mme B..., lorsque le jour
Môme, ayant reçu la visite de son client et lui deman-
, dant s'il avait reçu les fonds à temps, ce dernier lui
répondit qu'il n'avait fait aucune demande de ce
genre. En examinant le billet à ordre, il constata que
tea signature avait été grossièrement imitée. Quant au
^souscripteur, informations prises au domicile indiqué,
"ua reconnut qu'il était décédé depuis plus de deux
ans.
" Dimanche, aux courses du bois de Boulogne, la po..
7 lioe a miq la main sur un hardi pick-pocket qui, dans
; l'enceinte même du pesage, avait accaparé, avec une
i adresse extrême, sept ou huit montres et plusieurs
j porte-monnaie.
la Cette arrestation, opérée au moment où le prix
d'Ibos allait être couru, a produit un certain émoi.
Pendant que les agents conduisaient le voleur au
poste placé sous la tribune du Jockey-Club, un sport-
man battait des mains sans se douter que lui-même
ayait été dévalisé ; sa chaîne pendait sur son gilet,
ornais sa montre était passée de sa poche dans celle du
détrousseur émérite. Sa stupeur a été grande lorsqu'on
l'a fait apercevoir de sa mésaventure.
Après la course, le pick-pocket a été jeté dans un
fiacre et conduit à la Préfecture de police sous l'es-
corte de trois sergents de ville.
Les deux maladies dominantes à Paris, la variole et
la bronchite, sont en voie de décroissance. Du 29 mai
au 4 juin, le chiffre des décès causés par la première
est de 173 (il était la semaine précédente de 218). La
pneumonie compte 80 décès, et la bronchite 57.^Vien-
nent ensuite la rougeole, 22, et la scarlatine, 18.
Au total, 1,174 décès au lieu de 1,254, chiffre dp la
semaine précédente.
o. lit dans le Français :
Il y a quelques jours, les habitants de Vincennes et
de Saint-Mandé étaient mis en émoi par d'effroyables
détonations bien plus retentissantes que celles des ca-
nons anciens et nouveaux. C'étaient, paraît-il, les fa-
meuses bpmbes du complot que l'on essayait.
On sait qu'une commission d'officiers d'artillerie a
été désignée à cet effet.
L'effet produit est, assure-t-on, vraiment formi- '
dable.
Nos théâtres lyriques paraissent à court en ce mo-
ment de grandes chanteuses. Les directeurs, suivant
nous, se donnent beaucoup de mal pour chercher à
l'étranger ce qu'ils ont à Paris, sous la main.
Nom Il'CIII voulons pour preuve que Mme ÏJgalde,
dont k merveilleux talent n'a pas vieilli. Nous l'avons
entendue samedi soir, chez Ledoyen, à la suite d'un
banquet donné à la presse par M. Cohen, directeur de
L'Intérêt com>>icreial, en l'honneur du centième anni-
versaÍre de ce journal, et sa voix nous a. émerveillé
comme aux beiux jours où cette grande artiste chan-
tait Galalhée et Gd-Blas et ce rôle de Suzanne du Ma-
riaw dp. Figaro, où elle était si charmante et si spiri-
tuelle.
A côté de Mme Ugalde, Mme Perroni, des Italiens,
M. Melchissédec, de l'Opéra-Comique, et M. Dambé,
l'habik: violoniste de l'Opéra, se sont fait tour à tour
applaudir des convives de M. Cohen, qui ne se sont sé-
parés que très-avant dans la nnit, enchantés de cette
petite fête. —.
AM. BL.
DÉPARTEMENTS ET COLONIES
Hier, vers une heure, dit le Gaul M, un incendie
s'est déclaré dans la forêt de Fontainebleau, à un ki-
lomètre de Barbizon, connu des artistes sous le nom
de Jean de Paris et la Roche brisée. Les promeneurs
ont donné l'alarme. On ne pouvait se procurer de
l'eau.
On se concerte et on se met à l'œuvre. On creuse,
on pioche, on coupe les arbres, on se livre à un tra-
vail surhumain.
Tous les pensionnaires du brave Siron, le conserva-
teur du musée de Barbizon, tous les Bizons de Barbizon,
comme on dit là-bas, ont mis habits bas et ont es-
sayé, avec un zèle merveilleux, de combattre le fléau.
Mais le feu se propage. Les tranchées ont beau se
succéder rapidement, au bout de dix minutes, l'incen-
die, excité par un vent sec, se renouvelle dans tous
les endroits où on le croit éteint.
A onze heures du soir, le plateau enflammé présen-
tait un spectacle effroyablement beau. A minuit, arri-
vaient cent hommes de la garnison de Fontainebleau.
On dit qu'il y a plus de 200 hectares de la forêt de
brûlés, sans compter 500 arbres coupés pour circons-
crire l'incendie.
Une nouvelle grève, et celle-ci d'un genre tout à.
fait imprévu. Les pompiers de Gravelines, qui ont des
difficultés avec le conseil municipal, se sont rendus à
la mairie et ont déposé sur la perron leurs effets d'é-
quipement et d'armement.
Le maire ayant refusé de les accepter, le capitaine
de la compagnie les a fait prendre et porter chez
lui.
— Oui, mais si un incendie éclate, qui l'éteindra ?
demandait-on à l'un d'eux.
— Eh bien! puisque les conseillers municipaux veu-
lent nous mettre au pain sec et à l'eau, qu'ils aillent
au feu, si ça leur plaît!
ÉTRANGER
Une dépêche de Constantinople, en date
d'aujourd'hui 6 juin, six heures du matin,
annonce qu'un incendie terrible a éclaté hier
dans l'après-midi; il n'a pu être localisé que
vers minuit. Il s'était étendu avec une rapi
dite effroyable, car le vent stfufflait très-fort.
L'ambassade d'Angleterre, les consulats d'A-
mérique et de Portugal, le théâtre Naoum, le
patriarcat arménien, plusieurs églises et mos-
quées, plusieurs milliers de maisons et de ma-
gasins, le plus riche quartier de Péra, ont été
complètement détruits. On compte plusieurs
morts et plusieurs blessés.
Le feu flambe encore en divers endroits. Les
pertes sont incalculables ; elles s'élèvent assu-
rément à plusieurs millions de livres.
Les fils électriques, reliant Péra au reste de
l'Europe, ont été cassés. Les communications
ont été rétablies ce matin jusqu'au point le
plus éloigné, grâce à l'excessive activité qu'a
déployé et l'administration télégraphique.
Beaucoup de familles sont sans asiles ; les rues
sont le théâtre de scènes navrantes.
On mande de Madrid que M. Bonell et son neveu,
qui de avaient été faits prisonniers par des brigands près
e Gibraltar, ont été mis en liberté et sont arrivés à
Gibraltar.
Les jonm?j]x allemands nous apportent le récit d'un
épo'jvaniable accident de chemin de fer arrivé le
13 mai sur le chemin de ter de Bucharest à Giurgewo
(Valachie). Un train de plaisir, composé d'une ving-
taine de voitures, a été coupé à la station Vidra par
un train de marchandises. Plus de cent personnes ont
été blessées, dont plusieurs inortellemeiitl-' douze per-
sonnes sont devenues folles de terreur.
Encore un accident de chemin de fer. Celui-ci s'est
produit en Suisse, sur la ligne de Genève-Annumak.
Un bloc du glacier de Monthoux, situé entre la Tui-
zearbre^ et la Cervette, est tombé sur la voie au mo-
ment où le train iio 65 passait.
Les trois derniers wagons ont été atteints par cette
masse et réduit en mille morceaux.
Trois voyageurs sont morts, et cinq autres plus ou
moins grièvement blessés. ,
Sans la prévoyance du mécanicien, qui força la va-
peur de sa machine, tout le train aurait pu être écrasé,
car iJ. vit le glacier sVbranler quelques secondes avant
d'arriver sur les lieux dd sinistre.
Le ténor Wachtel a adressé à divers journaux de
Londres la lettre suivante :
o Monsieur le rédacteur,
« Avant de quitter Londres, je me vois obligé de
donner l'explication suivante; afin d'éviter tout futur
malentendu.
« Durant la dernière représentation de Don Gio-
vanni, à Covent Garden, Mme Adelina Patti, mar-
quise de Caux, s'est crue insultée par moi, et, en con-
séquence, informa M. Gye qu'elle refuserait à l'avenir
de chanter avec moi.
« Quoique plus tard il ait été prouvé que la préten-
due insulte était le résultat d'un malentendu de Mme
Patti, comme elle l'a elle-même reconnu, j'ai cru ce-
pendant devoir à ma réputation d'artiste et aussi à
mon honneur personnel de demander à M. Gye de me
relever de mon engagement; ce qu'il a lait.
« Votre très-obéissant serviteur,
« THÉODOR WACHTEL,
« Chanteur de Sa Majesté le roi de Prusse. »
LES MERVEILLES DU PÉROU
Il y a de par le monde un pays qui, depuis trois
cents ans, a fait bâtir plus de châteaux en Espa-
gne, de vrais châteaux ceux-là, qu'on ne saurait
en imaginer.
Ajoutez à ces châteaux des palais, des villes
tout entières qui sont sorties de terre comme
par enchantement.
Quel est donc ce pays ? C'est, avant l'Orient qui
nous a si longtemps ébloui par le faux éclat de
ses contes et de ses féeries, c'est le pays des mer-
veilles.
Ah ! que Bagdad semble mesquine et que la fa-
meuse grotte d'Ali-Baba semble pauvre à côté des
richesses proverbiales de cette magnifique contrée!
Le Pérou, car vous comprenez que c'est le pays
dont il s'agit, mesure une superficie de 16,000
myriamètres carrés. Depuis un siècle sa popula-
tion a plus que quadruplé. Toute cette contrée est
traversée par la chaîne des Andes qui varie d'élé-
vation et comprend un grand nombre de plateaux
| situés en moyenne à 4,000 mètres au-dessus du
! niveau de la mer.
i Puis les vallées splendides, arrosées par de
| nombreuses rivières, et une végétation des plus
( magnifiques.
Le Pérou se divise en treize départements et
soixante provinces qui, à leur tour, se subdivisent
en districts et paroisses. Les habitants aborigènes
à peau brune sont les plus nombreux dans les
provinces lointaines et dans les Cordillères, mais
très-rares sur le littoral, où, au contraire, habite
toute la population d'origine européenne.
Qui dit Pérou dit, je le répète, le pays des
merveilles. Les rois d'Espagne connaissaient les
I magnificences de cette contrée lointaine, et c'est
de là qu'ils tiraient en quantité l'or et l'argent.
Mais à côté de l'or et de l'argent, à côté des
splendeurs de la végétation, à côté des produits
du sol et de toutes ses richesses naturelles, il faut
parler d'une autre merveille tout aussi précieuse,
qui n'est pas connue depuis longtemps, maïs qui
dans le monde entier est réputée, grâce aux bien-
faits qu'elle a rendus à l'agriculture, — il s agit,
on doit le comprendre, du guano.
Le gnano est une matière jaune, exhalant une
odeur très-forte, qui rappelle assez celle du cas-
tor et de la valériane.
Sa provenance ne manque pas d'une certaine
originalité.
H paraîtrait que le guano est le résultat des
milliers d'oiseaux de mer qui viennent se reposer
sur les côtes pendant la nuit.
Chacun sait que, par sa composition qui a long-
temps dérouté nos sommités, il constitue le meil-
leur d-c tous les engrais.
Les Péruviens ou, pour mieux dire, les Incas,
au douzième siècle, en faisaient usage pour
amender leur terre.
La consommation du guano est tellement
grande que, dans la seule contrée de Charnay,
qui n'a pas plus de trois myriamètres de lon-
gueur, on en dépense une quantité colossale pour
fumer le sol.
Son apparition en France date du commence-
ment de ce siècle. Il en fut apporté par deux voya-
geurs qui le firent examiner par Fourcroy et Vo-
quelin. Cependant ce n'est qu en 1841 que le com-
merce anglais, devinant l'usage que l'on pouvait
faire de ce précieux engrais, et comprenant
toute sa valeur, commença à venir l'exploiter au
Pérou.
Les résultats ne furent pas longtemps attendus,
et bientôt chacun sentit quels bénéfices on devait
en tirer.
C'est aux iles Chinchas et aux îles Lobos et
Mocabi que le guano abonde.
Le journal officiel du Pérou a publié récemment
un rapport signale la présence de dépôts sur
douze nouveaux points au nord de Lima et sur
trenle au sud. L'importance de ces dépôts connus
mais non explorés ni mesurés, est estimée au
moins égale, sinon supérieure, à celle des gise-
ments exploités. 1
D'après le consul anglais Peacock, voici les
quantités de guano reconnues dans la seule pro-
vince de Taracapa.
Chipaiia(tones). ; ; ; ; 280,000
Punta de Lobos. • ï . ; . â,400,000
Huanillos. 1,912,505
Puebellon de Pico.. ; , . 2,865,006
PuertoNylès 1,292,500
Total. i . 7,920,000
Mais nous allons donner d'autres chiffres qui
feront mieux. comprendre la valeur réelle du
guano.
En 1850, la vente, dans le monde entier, était
approximativement de 100,000 tonnes, au prix de.
7 à 8 livres la tonne.
Dix ans plus tard, la vente atteignit 250,000
tonnes, à 12 liv.; enfin, en 1869, 5o0>000 tonnes
étaient vendues à 13 liv. j.
Or, il faut savoir que le guano vendu à 13 liv.,
ou 325 fr., laisse au gouvernement péruvien un.
produit net de 8 liv. S sh., — soit 206 fr. 25 i
Qu'on juge à présent de son importance.
Et la principale source des revenus de ce pays
n'est pas prête à être épuisée : l'ensemble des
existences reconnues dans les îles que nous avons ,
citées suffiraient aux exportations de vingt ans,
en prenant pour base la consommation ac-
tuelle.
Mais pour arriver à une vaste exploitation, pour
faire profiter et réellement toute l'agriculture de
ce produit sans pareil, les moyens de transport
existants sont insuffisants. Le gouvernement du ,
Pérou a compris que pour donner à cette entre- I
prise, dont les bienfaits sont immenses, les pro- :
portions qu'elle mérite, il fallait créer des lignes
de chemin de fer qui rendissent faciles et rapides
les communications avec tous les points du pays. ;
Et dans ce but-là, il a chargé la Société générale,
si universellement connue, d'organiser en France
une souscription, et, certes, les heureux résultats
ne sont pas difficiles à prévoir.
Aujourd'hui, comme autrefois, le Pérou reste
le pays des merveilles; seulement, à l'exploitation
L'HISTOIRE D'UN CADAVRE
NOUVELLE HISTORIQUE
PAR ÉLIE BERTHET
I
La malédiction de Séville
l
C'était à Séville, en 1823, alors qu'une divi-
sion de l'armée française occupait cette an-
cienne capitale de l'Andalousie.
On sait quelle étrange guerre nous faisions
à l'Espagne en ce temps-là. Quarante-cinq mille
Français, sous les ordres du duc d'Angoulême,
envahissaient la Péninsule, sous prétexte de
« délivrer » le roi Ferdinand VII de Bourbon,
qui était, disait-on, opprimé par ses sujets. En
réalité, Ferdinand, le plus dissimulé, le plus
ombrageux, le plus fanatique des rois espa-
gnols, se trouvait gêné par une constitution et
par des Cortès qui s'opposaient à ses velléités
despotiques. Nous allions donc, de par les au-
tres Courbons qui régnaient alors en France,
mettre à la raison les assemblées nationales
espagnoles, faire d'un roi constitutionnel un
roi « absolument absolu, » comme on disait, et
peut-être relever le sanglant tribunal de l'In-
quisition, renversé depuis longtemps par l'indi-
gnation publique.
Naturellement une pareille mission ne nous
rendait pas populaires chez un peuple aussi
fier, aussi jaloux de son indépendance que le
peuple espagnol. Cependant, l'armée française
avait pu traverser la plus grande partie du
royaume presque sans combat. Le roi, qui ne
se trouvait pas assez d'autorité pour rendre
heureux ses sujets, en avait eu assez néan-
moins pour empêcher toute résistance sérieuse,
pour comprimer tout élan national. Ainsi, les
troupes françaises s'étaient emparées sans ré-
sistance des villes dont la possession avait coû-
té tant de sang pendant les guerres du premier
empire ; et ce fut seulement plus tard, à la
prise de Cadix et du Trocadéro, qu'elles eurent
occasion de montrer leur valeur et leur science
militaire.
Les populations ne faisaient donc pas tou-
jours à l'armée « libératrice » l'accueil le plus
empressé. On la recevait d'un air contraint;
on protestait par l'iner'ie, par le silence con-
tre cette invasion qui blessait l'honneur et.les
intérêts de la nation. Le pays était profondé-
ment divisé, et ceux mêmes que nous devions
protéger n'osaient nous manifester leur bien-
veillance, de peur d'attirer sur eux des ven-
geances redoutables. Quand nous nous établis-
sions dans une ville, il semblait que la vie et
la gaieté s'en retirassent ausslOt. On s'enfer-
mait chez soi; on se tenait à l'écart, et, malgré
notre entrain savante, nous restions mornes,
isolés, d'autant plus défiants que nous avions
conscience de l'iniquité de notre mission en
Espagne.
Tel était notamment l'accueil que la belle
et joyeuse Séville avait fait à une division
française. Depuis plus d'un mois nos troupes
occupaient la patrie du Cid et d'Almaviva, et
elles n'avaient pas beaucoup à se louer de l'hos-
pitalité des Sévillans. Pas de fêtes publiques
et privées; pas de joyeuses réunions le soir où
l'on dansât le boléro et le fandango; pas de sé-
rénades sous les balcons; pas de belles seno-
ritas se promenant dans les jardins de l'Alca-
zar, délices des rois mores, avec leurs mantilles
de dentelle, une fleur rouge posée dans leurs
cheveux noirs; pas de courses de taureaux avec
leur brillant escadrille de toreros etd'espadns;
pas même une de ces nombreuses processions
où excelle le clergé séviilan. Une sourde hos-
tilité régnait autour des Français, les portes
demeuraient closes; les cœurs"étaient fermés
comme les bouches, et la plus grande partie
de la division reçut l'ordre de partir pour mar-
cher en avant, sans avoir connu les charmes
et la poésie des mœurs andalouses.
Mais si nous écoutons la conversation de
deux officiers de cavalerie, le soir qui précéda
le jour du départ, le lecteur aura une idée des
mécomptes éprouvés par les Français.
Cette conversation avait lieu dans la cour
ou patio d'une magnifique maison moresque, '
au centre de la ville. La cour était dallée en
marbre, et au centre un petit jet d'eau faisait
entendre son murmure monotone. Alentour,
de grandes arcades en marbre blanc formaient
une sorte de cloître; des citronniers, des bana-
niers et des damas dlJ noche, arbustes aux fleurs
d'or, tapissaient les piliers finement sculptés.
La nuit tombait, mais c'était une de ces belles
nuits d'Orient, tièdes, aux suaves parfums, et
dont les lueurs nacrées ont plus d'éclat que
certains beaux jours de nos climats du Nord.
Les deux Français, assis à une table sous
la galerie, avaient pourtant devant eux une
de ces lampes de cuivre appelées candil, fort
usitées en Andalousie ; mais elle semblait ser-
vir uniquement à rallumer les excellents ci-
gares de la Havane qu'ils fumaient tout en
causant.
Ces officiers portaient le pimpant unifor-
me et les épaulettes de lieutenant de lanciers.
Ils étaient jeunes l'un et l'autre. Camarades
de promotion h l'école militaire, ils faisaient
ensemble leurs premières armes sur le terri-
toire espagnol et s'aimaient comme deux frè-
res, malgré leurs caractères différents.
René de Blancménil, l'un d'eux, n'avait en-
core qu'une moustache naissante, et paraissait
le plus jeune, bien qu'il eût à peu près l'âge
de son compagnon. C'était un grand garçon
svelte, élancé, dont l'élégance n'excluait ni
l'agilité ni la vigueur. Aventureux, un peu.
romanesque, son tempérament emporté lui
avait valu déjà plus d'une querelle au régi-
ment. Mais ces défauts trouvaient leur contre-
poids dans son amitié pour l'autre officier,
Paul de S^int-Front. Celui-ci, de taille
moyenne, très-robuste et très-brun, se mon-
trait aussi calme, aussi prudent que René était
étourdi et fougueux. D'habitude il modérait
les écarts de son camarade, l'arrêtait dans Sill:
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