Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-05-24
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 24 mai 1870 24 mai 1870
Description : 1870/05/24 (A5,N1496). 1870/05/24 (A5,N1496).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47169244
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN lïq
. ,>ï^
,6 cent. le numéro.
5 cent. le numéro.
; ABONNEMENTS. - Traigmols Six mois ITn an
Paris 5 fr. 9 fr. 18 fr.
1 1 Départements 6 1. 28
Administrateur: BOURDILLIAT. ,
5ms année — MARDI 24 MAI 1870, — N° 149d
Rédacteur en chef: A. DE BALATIIIER-BRAGELONNB
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, ..lIo691'090t
11, ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire. ~ ^ ,
PARIS, 23 MAI 1870.
LA MENDICITÉ A LYON
La série d'articles que fai
mendicité à Paris me vaut l'envoi d'une cu-
rieuse étude sur la mendicité à Lyon.
L'auteur de cette étude, M. Serrière-Du-
pré, a vu les choses de plus près encore que
M. Maxime Du Camp. En effet, il était com-
missaire dé police, par conséquent en rap-
port journalier avec ses sujets.
Aussi procècie-t-il avec méthode, comme
,un homme sûr de son fait, et, s'il lui arrive
de citer Mirabeau, Barrère et'Balzac, c'est
plutôt pour obéir à un goût littéraire que
par le besoin d'ét'ayer ses dires de leur auto-
rité.
La conclusion de son travail est faible : il
propose un système de bons sur une grancle
échelle qui ne serait qu'un expédient. Les
.moines du moyen âge donnaient plus de
soupes que les citoyens d'aujourd'hui, et il
, y avait plus de pauvres. Le remède n'est
pas là : il se trouvera dans une meilleure
éducation, dans de meilleures mœurs, dans
une distribution plus équitable de la ri-
chesse, dans tout un ensemble de progrès à
venir que je ne saurais discuter ici.
9 L'exposé du mal n'en est pas moins inté-
ressant et moins utile. Il faut connaître ce
qui est pour aviser à ce qui sera.
M. Serrière-Bupré1 divise les mendiants
de Lyon en quatre catégories :
Ceux qui font de la mendicité une indus
trie, une spéculation;
Ceux qui en vivent simplement et pour
lesquels demander l'aumône est une habitude,
un état;
Les enfants, déserteurs du domicile pater-
nel ou de l'atelier;
Enfin, les indigents proprement dits, qui
recourent a la charité publique parce qu'ils
y sont contraints, étant trop vieux ou trop
faibles pour travailler.
S'enrichir en mendiant et en faisant men-
Î~"er autrui moyennant salaire, quelle singu-
sre vocation!
Cette vocation est commune, suivant
. Serrière-Dupré,à un grand nombre d'I-
taliens et à . quelques Français des Basses-
Alpes et de la Haute-Garonne.
Ces industriels, dans la force de l'âge,
sont les maîtres de bandes de quatre ou cinq
enfants qu'ils nourrissent, et aux parents des-
quels ils paient 20 ou 30 francs pour la sai-
son.
Arrivés à Lyon, ils logent dans les fau-
bourgs. C'est de là qu'ils lancent leurs men-
diants sur la place, ayant soin de garder
leurs papiers pour les forcer à revenir, les
réclamer au besoin s'ils étaient arrêtés.
Les petits esclaves font quelquefois sem-
blant de vendre de la mercerie, des images,
des allumettes; quelquefois ils jouent de la
vielle-; le plus souvent ils se contentent de
tendre la main et d'implorer les passants sur
un mode plaintif.
Les maîtres, eux, sont les marchands sé-
rieux de marchandises impossibles : rasoirs,
couteaux, pierres à aiguiser; ils disent aussi
la bonne aventure et surveillent leurs tra-
vailleurs.. 7
Tous gagnent la1Pgemenvleur vi^y, même
économisent d'assez jolies somme,%,,
Un jour, en 1851 ou 1852, on arl êta l'un
d'eux. On le fouille. Son passeport est en
règle bien entendu; il a des lettres : la pre-
mière que l'on ouvre est du notaire de son
village. « Je suis chargé, -y lisait-on, — de
vous offrir huit cents francs de location de
votre auberge. »
Sur un autre, on découvre pour neuf mille 1
francs de valeurs dans un vieux portefeuille
tout usé.
Un troisième, - le cul-de-jatte de la Guillo-
tière, — est frappé d'un coup de couteau en
jouant aux carles avec deux aveugles et un
manchot. Il possédait une maison de trente
mille francs.
Le mendiant d'habitude a son domicile j
! réel dans la localité. Mais, .presque toujours,
il n'y est pas né. Il est venu, il y a quinze
ou vingt ans, de la Lorraine ou de l'Alsace.
Le pays lui a semblé bort; il s'y est établi.
Quelquefois il y fait souche.
Une remarque très-curieuse et très-juste
de M. Serrière-Dupré est celle-ci :
C'est que les femmes des marchands et
des ouvriers sont le plus souvent obligées de
se séparer de leurs enfants au berceau,
n'ayant pas le temps de leur donner leur
lait et leurs soins, tandis que les mendian-
tes, pareilles aux grandes dames et aux fem-
mes riches, peuvent nourrir leurs fils et
leurs filles, et goûler les meilleurs et les
plus pures joies de la maternité.
Il faut ajouter comme correctif que l'en-
fant à la mamelle est un appel vivant à la
charité, et qu'une misérable mère de Lyon
s'amusait à v laisser tomber le sien dans la
rue, afin que les passants fussent attirés par
ses cris et disposés à la générosité par ses-
pleurs.
Les mendiants à domicile, ou francs-bour-
geois, sont moins nombreux sur le Rhône
que sur la Seine. Cependant ils existent et
ils possèdent des cahiers d'adresses annotées
qui leur permettent d'exploiter les gens des
conditions les plus diverses, en faisant appel
à leurs sentiments patriotiques ou religieux.
« Un de ces mendiants, — raconte M.
Serrière, — s'était établi dans un logement
obscur de la rue de Jussieu. Il s'était pro-
curé, on n"pas su comment, l'expédition
de l'acte de décès d'un de ses homonymes,
dont le nom était précédé de la particule, et
il avait adopté cet homonyme pour un de
ses aïeux. L'histoire de ce personnage était
tracé en quelques lignes : Sa fortune avait
été engloutie dans la tourmente de 93, et il
avait été contraint lui-îiîéii-ee de passer vingt ans
d'exil sur la terre étrapgè7,e.
« Ce mendiant se fd*isait donc écrire : Au
comte de R...
« Lorsque ces deux premières lettres
étaient restées sans résultat, il én venait à
son moyen extrême : il àdressait à sa dupe
l'acte de décès de son aïeul, avec prière de
le lui faire rapporter en secret, et en prenant
la précaution de ne pas le demander sous
son nom, tant il tenait à garder l'incognito,
et ne pouvait se résigner à montrer son bla-
son dans la profonde détresse où le malheur
des temps l'avait plongé. Alors, il arrivait
de deux choses l'une : ou on lui rapportait'
son expédition, ou on ne la lui rapportait
pas. Si on la lui rapportait, on ne pouvait;
que fort rarement venir chez lui les mains
entièrement vides ; si on ne le faisait pas,
et qu'il fût obligé d'aller la chercher lui-
même, c'était bien le moins qu'il obtînt quel-
ques centimes pour "la peine.
« Il ne bornait pas ses opérations à l'en-
ceinte de Lyon : il voyageait de temps en
temps. Il est allé notamment à l'Exposition
de Londres en compagnie d'une jeune filla
de dix-sept ans qu'il enlevait à ses parents;
et les frais de la voiture, car il faut que rien
ne manque à son portrait, furent payés par
un vénérable prêtre de cette ville, qui croyait
envoyer un converti dans un couvent du
Nord...
« Lorsqu'il s'est ensuite proposé de reve-
nir de Londres, il a écrit au supérieur d'une
maison religieuse de France, vers laquelle,
lui disait-il, il se sentait invinciblement en-
traîné.
« Rentré à Lyon, il a continué ses missi-
ves au dehors. Lorsqu'il en recevait des ré-
ponses, et il en avait de bienveillantes do
gens vraiment distingués, il se servait de,
ces lettres comme de l'acte de décès dont il;
a été parlé : il les adressait, avec une nou-
velle supplique, aux personnes dont il n'é"
tait pas encore parvenu à ébrécher la bourse, ';
et il procédait ensuite comme à son ordi-
naire. !
A
« De pieuses dames, qui, sur une pre-
mière lettre, lui avaient porté une pièce de
cinq francs, sans avoir eu l'avantage de lui
parler, tant sa modestie aurait souffert à so
produire, le recommandèrent à un commis-,
saire de police.
« Le comte de R... fut emprisonné., - !
« Il sortit de prison, roturier. :-y
« Maintenant il est directeur d'une Coiïîi'
pagnie d'assurances. 1) .
La suite à après-demain.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
LVII
57
Le révérend Pattefron prit connaissance de
iia note que M. Burdett plaçait sous ses yeux.
, Elle pouvait, en substance, se résumer
- ainsi : -
s CI Le fou Walter Bruce et le fou Edward
^o&eries vivaient à Bedlam dans une intimité
v^arfiûte et tenaient entre eux de mystérieux
«oncix'iabules.
Or, quelquefois, ils prononçaient tout bas
Je nom de Betsy.
Betsy, on se le rappelle, s'était évadée.
Il était probable que Walter Bruce et Co-
keries Ignoraient encore la mort de Betsy. j
^Joir le numéro du S2 juin 18C9, «
Mais il était certain aussi que Betsy avait
eu en sa possession la fameuse déclaration du
lieutenant Percy.
Qu'était devenue cette pièce?
La rote disait encore qu'on avait fouillé le
logis de Betsy après sa mort et qu'on avait
rien retrouvé. »
Quand le révérend Patterson eut pris con-
naissance de ce document, il regarda M. Bur-
dett.
— Eh bien? fit-il.
— Eli bien, répondit le premier clerc de
M. James Colcram, voici ce qui peut fort bien
arriver, c'est que lad y Pembleton aille voir
lord William à Bedlam.
— Bon!
— Qu'elle s'entendo avec lui et que lord Wil-
liam,pour une somme quelconque, fasse régu-
lièrement abandon de tous ses droits.
— Et puis ?
— Alors lord William sortira de Bedlam et,
au lieu d'un adversaire, nous en aurons
deux.
— Diable! mais comment empêcher cela?
— J'ai trouvé le moyen.
— Ah!
— Un moyen excellent de séparer à jamais
lord William de lady Pembleton.
r— Que comptez-vous donc faire? :
»
— Ecoutez-moi bien, mon révérend, dit en-
core M. Burdett.
— Voyons ? fit le chef de la mission évan-
gélique.
— La captivité de lord William n'a point
ébranlé sa raison, comme on pourrait le
croire.
— Vraiment?
— Une main mystérieuse, que je soupçonne
être celle de cette dame ses prisons qui a favo.
risé l'évation de Betzy, lui fit avoir des nou-
velles de sa femme et de ses enfants.
Avec la perspective de les réunir, on peut
faire faire beaucoup de choses à lord William.
— Mais encore ?
— Il faudrait lui préparer une évasion. j
— Par exemple!
— Et le faire sortir de Bedlam.
— Bon ! après?
— Après, reprit M. BurJett, on lui mettra
quatre à cinq mille livres dans la main, on le
conduira à bord d'un navire en partance pour
l'Australie, à bord duquel il trouver sa femme
et ses enfants.
Alors, il faudra bien, acheva M. Burdett ? i
que lady Pembleton et sir Aréhibald son père j
s'exécutent vis-à-vis de nous. i
— Vous êtes un habile homme, monsieur
Burdett, dit le révérend Pattorsoa. , i
M. Burdett s'inclina modestement. '
— Cependant, j'ai une objection à vous re-
faire.
— Laquelle?
— Rien n'est plus facile que de faire ouvrir,
les portes de Bedlam à lord William.
— Bon !
— Alors pourquoi simuler une évasion ?
-r- Parce que, dit M. Burdett, le jour où en
dirait à lord William : On a reconnu que vouai
n'êtes pas fou, par conséquent vous êtes libre,',
ce jour-là il se méfierait, et Edward CoJœries:
plus que lui encore.
— Mais, une fois libre, consentira-t-iî à
partir ?
— Je m'en charge.
— Comment ferez-vous 1
— Je lui ferai signer une prétendue transac-
tion avec lady Pembleton.
— Qui n'en saura ri.en?
— Absolument rien.
— Et 11 partira pour l'Australie?
— Avec des lettres de crédit sur un banquier'
de Sydney.
— Fort bien.
— Par cett6 transaction imaginaire, pour^
suivit M. Burdett, lady Pembleton s'engagera
à payer une pension annuelle de cinq rcyiHô
livres.
JOURNAL QUOTIDIEN lïq
. ,>ï^
,6 cent. le numéro.
5 cent. le numéro.
; ABONNEMENTS. - Traigmols Six mois ITn an
Paris 5 fr. 9 fr. 18 fr.
1 1 Départements 6 1. 28
Administrateur: BOURDILLIAT. ,
5ms année — MARDI 24 MAI 1870, — N° 149d
Rédacteur en chef: A. DE BALATIIIER-BRAGELONNB
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, ..lIo691'090t
11, ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire. ~ ^ ,
PARIS, 23 MAI 1870.
LA MENDICITÉ A LYON
La série d'articles que fai
mendicité à Paris me vaut l'envoi d'une cu-
rieuse étude sur la mendicité à Lyon.
L'auteur de cette étude, M. Serrière-Du-
pré, a vu les choses de plus près encore que
M. Maxime Du Camp. En effet, il était com-
missaire dé police, par conséquent en rap-
port journalier avec ses sujets.
Aussi procècie-t-il avec méthode, comme
,un homme sûr de son fait, et, s'il lui arrive
de citer Mirabeau, Barrère et'Balzac, c'est
plutôt pour obéir à un goût littéraire que
par le besoin d'ét'ayer ses dires de leur auto-
rité.
La conclusion de son travail est faible : il
propose un système de bons sur une grancle
échelle qui ne serait qu'un expédient. Les
.moines du moyen âge donnaient plus de
soupes que les citoyens d'aujourd'hui, et il
, y avait plus de pauvres. Le remède n'est
pas là : il se trouvera dans une meilleure
éducation, dans de meilleures mœurs, dans
une distribution plus équitable de la ri-
chesse, dans tout un ensemble de progrès à
venir que je ne saurais discuter ici.
9 L'exposé du mal n'en est pas moins inté-
ressant et moins utile. Il faut connaître ce
qui est pour aviser à ce qui sera.
M. Serrière-Bupré1 divise les mendiants
de Lyon en quatre catégories :
Ceux qui font de la mendicité une indus
trie, une spéculation;
Ceux qui en vivent simplement et pour
lesquels demander l'aumône est une habitude,
un état;
Les enfants, déserteurs du domicile pater-
nel ou de l'atelier;
Enfin, les indigents proprement dits, qui
recourent a la charité publique parce qu'ils
y sont contraints, étant trop vieux ou trop
faibles pour travailler.
S'enrichir en mendiant et en faisant men-
Î~"er autrui moyennant salaire, quelle singu-
sre vocation!
Cette vocation est commune, suivant
. Serrière-Dupré,à un grand nombre d'I-
taliens et à . quelques Français des Basses-
Alpes et de la Haute-Garonne.
Ces industriels, dans la force de l'âge,
sont les maîtres de bandes de quatre ou cinq
enfants qu'ils nourrissent, et aux parents des-
quels ils paient 20 ou 30 francs pour la sai-
son.
Arrivés à Lyon, ils logent dans les fau-
bourgs. C'est de là qu'ils lancent leurs men-
diants sur la place, ayant soin de garder
leurs papiers pour les forcer à revenir, les
réclamer au besoin s'ils étaient arrêtés.
Les petits esclaves font quelquefois sem-
blant de vendre de la mercerie, des images,
des allumettes; quelquefois ils jouent de la
vielle-; le plus souvent ils se contentent de
tendre la main et d'implorer les passants sur
un mode plaintif.
Les maîtres, eux, sont les marchands sé-
rieux de marchandises impossibles : rasoirs,
couteaux, pierres à aiguiser; ils disent aussi
la bonne aventure et surveillent leurs tra-
vailleurs.. 7
Tous gagnent la1Pgemenvleur vi^y, même
économisent d'assez jolies somme,%,,
Un jour, en 1851 ou 1852, on arl êta l'un
d'eux. On le fouille. Son passeport est en
règle bien entendu; il a des lettres : la pre-
mière que l'on ouvre est du notaire de son
village. « Je suis chargé, -y lisait-on, — de
vous offrir huit cents francs de location de
votre auberge. »
Sur un autre, on découvre pour neuf mille 1
francs de valeurs dans un vieux portefeuille
tout usé.
Un troisième, - le cul-de-jatte de la Guillo-
tière, — est frappé d'un coup de couteau en
jouant aux carles avec deux aveugles et un
manchot. Il possédait une maison de trente
mille francs.
Le mendiant d'habitude a son domicile j
! réel dans la localité. Mais, .presque toujours,
il n'y est pas né. Il est venu, il y a quinze
ou vingt ans, de la Lorraine ou de l'Alsace.
Le pays lui a semblé bort; il s'y est établi.
Quelquefois il y fait souche.
Une remarque très-curieuse et très-juste
de M. Serrière-Dupré est celle-ci :
C'est que les femmes des marchands et
des ouvriers sont le plus souvent obligées de
se séparer de leurs enfants au berceau,
n'ayant pas le temps de leur donner leur
lait et leurs soins, tandis que les mendian-
tes, pareilles aux grandes dames et aux fem-
mes riches, peuvent nourrir leurs fils et
leurs filles, et goûler les meilleurs et les
plus pures joies de la maternité.
Il faut ajouter comme correctif que l'en-
fant à la mamelle est un appel vivant à la
charité, et qu'une misérable mère de Lyon
s'amusait à v laisser tomber le sien dans la
rue, afin que les passants fussent attirés par
ses cris et disposés à la générosité par ses-
pleurs.
Les mendiants à domicile, ou francs-bour-
geois, sont moins nombreux sur le Rhône
que sur la Seine. Cependant ils existent et
ils possèdent des cahiers d'adresses annotées
qui leur permettent d'exploiter les gens des
conditions les plus diverses, en faisant appel
à leurs sentiments patriotiques ou religieux.
« Un de ces mendiants, — raconte M.
Serrière, — s'était établi dans un logement
obscur de la rue de Jussieu. Il s'était pro-
curé, on n"pas su comment, l'expédition
de l'acte de décès d'un de ses homonymes,
dont le nom était précédé de la particule, et
il avait adopté cet homonyme pour un de
ses aïeux. L'histoire de ce personnage était
tracé en quelques lignes : Sa fortune avait
été engloutie dans la tourmente de 93, et il
avait été contraint lui-îiîéii-ee de passer vingt ans
d'exil sur la terre étrapgè7,e.
« Ce mendiant se fd*isait donc écrire : Au
comte de R...
« Lorsque ces deux premières lettres
étaient restées sans résultat, il én venait à
son moyen extrême : il àdressait à sa dupe
l'acte de décès de son aïeul, avec prière de
le lui faire rapporter en secret, et en prenant
la précaution de ne pas le demander sous
son nom, tant il tenait à garder l'incognito,
et ne pouvait se résigner à montrer son bla-
son dans la profonde détresse où le malheur
des temps l'avait plongé. Alors, il arrivait
de deux choses l'une : ou on lui rapportait'
son expédition, ou on ne la lui rapportait
pas. Si on la lui rapportait, on ne pouvait;
que fort rarement venir chez lui les mains
entièrement vides ; si on ne le faisait pas,
et qu'il fût obligé d'aller la chercher lui-
même, c'était bien le moins qu'il obtînt quel-
ques centimes pour "la peine.
« Il ne bornait pas ses opérations à l'en-
ceinte de Lyon : il voyageait de temps en
temps. Il est allé notamment à l'Exposition
de Londres en compagnie d'une jeune filla
de dix-sept ans qu'il enlevait à ses parents;
et les frais de la voiture, car il faut que rien
ne manque à son portrait, furent payés par
un vénérable prêtre de cette ville, qui croyait
envoyer un converti dans un couvent du
Nord...
« Lorsqu'il s'est ensuite proposé de reve-
nir de Londres, il a écrit au supérieur d'une
maison religieuse de France, vers laquelle,
lui disait-il, il se sentait invinciblement en-
traîné.
« Rentré à Lyon, il a continué ses missi-
ves au dehors. Lorsqu'il en recevait des ré-
ponses, et il en avait de bienveillantes do
gens vraiment distingués, il se servait de,
ces lettres comme de l'acte de décès dont il;
a été parlé : il les adressait, avec une nou-
velle supplique, aux personnes dont il n'é"
tait pas encore parvenu à ébrécher la bourse, ';
et il procédait ensuite comme à son ordi-
naire. !
A
« De pieuses dames, qui, sur une pre-
mière lettre, lui avaient porté une pièce de
cinq francs, sans avoir eu l'avantage de lui
parler, tant sa modestie aurait souffert à so
produire, le recommandèrent à un commis-,
saire de police.
« Le comte de R... fut emprisonné., - !
« Il sortit de prison, roturier. :-y
« Maintenant il est directeur d'une Coiïîi'
pagnie d'assurances. 1) .
La suite à après-demain.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
LVII
57
Le révérend Pattefron prit connaissance de
iia note que M. Burdett plaçait sous ses yeux.
, Elle pouvait, en substance, se résumer
- ainsi : -
s CI Le fou Walter Bruce et le fou Edward
^o&eries vivaient à Bedlam dans une intimité
v^arfiûte et tenaient entre eux de mystérieux
«oncix'iabules.
Or, quelquefois, ils prononçaient tout bas
Je nom de Betsy.
Betsy, on se le rappelle, s'était évadée.
Il était probable que Walter Bruce et Co-
keries Ignoraient encore la mort de Betsy. j
^Joir le numéro du S2 juin 18C9, «
Mais il était certain aussi que Betsy avait
eu en sa possession la fameuse déclaration du
lieutenant Percy.
Qu'était devenue cette pièce?
La rote disait encore qu'on avait fouillé le
logis de Betsy après sa mort et qu'on avait
rien retrouvé. »
Quand le révérend Patterson eut pris con-
naissance de ce document, il regarda M. Bur-
dett.
— Eh bien? fit-il.
— Eli bien, répondit le premier clerc de
M. James Colcram, voici ce qui peut fort bien
arriver, c'est que lad y Pembleton aille voir
lord William à Bedlam.
— Bon!
— Qu'elle s'entendo avec lui et que lord Wil-
liam,pour une somme quelconque, fasse régu-
lièrement abandon de tous ses droits.
— Et puis ?
— Alors lord William sortira de Bedlam et,
au lieu d'un adversaire, nous en aurons
deux.
— Diable! mais comment empêcher cela?
— J'ai trouvé le moyen.
— Ah!
— Un moyen excellent de séparer à jamais
lord William de lady Pembleton.
r— Que comptez-vous donc faire? :
»
— Ecoutez-moi bien, mon révérend, dit en-
core M. Burdett.
— Voyons ? fit le chef de la mission évan-
gélique.
— La captivité de lord William n'a point
ébranlé sa raison, comme on pourrait le
croire.
— Vraiment?
— Une main mystérieuse, que je soupçonne
être celle de cette dame ses prisons qui a favo.
risé l'évation de Betzy, lui fit avoir des nou-
velles de sa femme et de ses enfants.
Avec la perspective de les réunir, on peut
faire faire beaucoup de choses à lord William.
— Mais encore ?
— Il faudrait lui préparer une évasion. j
— Par exemple!
— Et le faire sortir de Bedlam.
— Bon ! après?
— Après, reprit M. BurJett, on lui mettra
quatre à cinq mille livres dans la main, on le
conduira à bord d'un navire en partance pour
l'Australie, à bord duquel il trouver sa femme
et ses enfants.
Alors, il faudra bien, acheva M. Burdett ? i
que lady Pembleton et sir Aréhibald son père j
s'exécutent vis-à-vis de nous. i
— Vous êtes un habile homme, monsieur
Burdett, dit le révérend Pattorsoa. , i
M. Burdett s'inclina modestement. '
— Cependant, j'ai une objection à vous re-
faire.
— Laquelle?
— Rien n'est plus facile que de faire ouvrir,
les portes de Bedlam à lord William.
— Bon !
— Alors pourquoi simuler une évasion ?
-r- Parce que, dit M. Burdett, le jour où en
dirait à lord William : On a reconnu que vouai
n'êtes pas fou, par conséquent vous êtes libre,',
ce jour-là il se méfierait, et Edward CoJœries:
plus que lui encore.
— Mais, une fois libre, consentira-t-iî à
partir ?
— Je m'en charge.
— Comment ferez-vous 1
— Je lui ferai signer une prétendue transac-
tion avec lady Pembleton.
— Qui n'en saura ri.en?
— Absolument rien.
— Et 11 partira pour l'Australie?
— Avec des lettres de crédit sur un banquier'
de Sydney.
— Fort bien.
— Par cett6 transaction imaginaire, pour^
suivit M. Burdett, lady Pembleton s'engagera
à payer une pension annuelle de cinq rcyiHô
livres.
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