Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1872-06-24
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 24 juin 1872 24 juin 1872
Description : 1872/06/24 (A6,N2239). 1872/06/24 (A6,N2239).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47153114
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
ïîn.arrivant au bureau du mont-de-piété, elle y
ftvait trouvé beaucoup de inonde, s'était assise sur
tn banc, en attendant son tour de,passer au guichet,
•pôsant la timbale sur-ses genoux. Dans cet état d'im--
obilité, elle n'avait pu résister au sommeil; pen-
dant quelques minutes elle s'était endormie, et à son
S'éveil elle ne retrouvait plus la timbale.
,vtLâ pauvre femme, au désespoir, interrogeait aus-
sitôt toutes les personnes présentes ; une seule, une
femme, lui demanda si elle n'était pas venue accom-
pagnée d'un enfant de dix à onze ans. Sur une ré-
ponse négative, la femme reprit : « Eh bien, j'ai cru
que cet enfant était avec vous; aussi c'est sans me
méfier de lui que je lui ai vu prendre la timbale
sur vos genoux, ce qu'il a fait sans se gêner, et
comme une chose toute naturelle ; son coup fait,
il s'est esquivé, mais je ne sais comment ; ce
qu'il y. a de certain, c'est que je ne le vois plus
ici. ».
Ce récit achevé, les deux femmes restèrent long-
temps courbées sous la prostration d'un immense
désespoir; mais tout à coup la jeune femme se re-
dMsse, court au berceau de sa fille, la couvre de bai-
sers, puis, d'un bond, ouvre son armoire, la vide de
ce qu'elle y trouve de plus précieux, choisit sa meil-
leure paire de draps, sa plus belle robe, le paletot
des dimanches de son mari; du tout elle fait un pa-
quet, le jette entre les bras de sa vieille voisine, en
la priant de retourner au mont-de-piété, et, en reve-
. nm% de remettre l'ordonnance du médecin au phar-
macien. Huit jours après, la petite fille était guérie;
sa mère ne pensait plus à sa timbale, à sa plus belle
robe, et elle donnait tous ses soins à consoler sa
bonne voisine qui ne se consolait pas.
Pourquoi ce petit drame de famille, qui commence
par des larmes, est imprégné des meilleurs senti-
ments du cœur et se termine par un triomphe de
l'amour maternel, ne finit-il pas là? Ce qui 'nous
reste à dire est bien triste.
Le petit voleur de la timbale a été retrouvé ; arrêté
pour des vols postérieurs, il a fait l'aveu de celui-là.
Il a douze ans, il se nomme Isidore Depuis.
Interpellé par M. le président, qui lui demande
comment il se fait qu'à son âge il ait pris la réso-
lution de ne vivre que de vols, il répond : t! Je ne
vois presque jamais mon père qui ne vient que rare-
ment à la maison, et seulement pour se disputer
avec ma mère. Ma mère ne m'a jamais envoyé à
l'école; je ne sais ni lire ni écrire, et je n'ai pas fait
ma première communion. Depuis l'Age de huit ans,
ma mère me met à la porte le matin, en me disant
de courir la ville, de faire des commissions, des cor-
vées, tout ce que je voudrais, mais de ne pas reve-
nir à la maison sans argent. Quand je revenais sans
argent, je n'avais pas à manger, et souvent j'étais
battu; alors, petit à petit, j'ai fait connaissance avec
de petits garçons qui m'ont appris à voler, et quand
je revenais à la maison avec de l'argent, ma mère
m'embrassait et nous faisions un bon dîner avec du
vin, da café et tout. »
Rendre cet enfant à sa mère, qui n'a pas même
osé se présenter au tribunal pour le réclamer, ne se-
rait-ce pas achever de le perdre? Le tribunal l'a
pensé ainsi, en ordonnant qu'il sera enfermé dans
une maison de correction jusqu'à l'âge de dix-huit
ans.
Tout l'auditoire a été frappé de ce contraste de ces
deux familles d'ouvriers, l'une pratiquant toutes les
vertus, capable de tous les dévouements; l'autre cor-
rompue par tous les vices; d'un côté, une mère qui
sacrifie tout pour ses enfants; de l'autre, une ma-
râtre qui sacrifie ses enfants pour elle. Il y a long,
temps que l'humanité souffre de ces contrastes. Un
temps viendra-t-il où ils auront disparu? Nul ne sau-
rait le dire : mais combien, tous, nous aurions be-
soin de l'espérer! (Gazette des Tribunaux.)
18e CONSEIL DE GUERRE (séant à Paris)
Présidence du lieutenant-colonel Tinseau
Audience du 22 juin.
Intelligences avec l'ennemi. —
Trahison.
Hier, l'audience du, 18o conseil de guerre a été
absorbée tout entière par la plaidoirie de MI de
Cori, défenseur des accusés Poittevin et Viéville,
dans l'affaire des gardés nationaux de Pom-
miers, livrés aux Prussiens et fusillés.
Un incident survenu a fourni au défenseur un
effet oratoire qui a produit une vive émotion
dans l'auditoire : le suicide d'un des témoins,
qui, d'après l'avocat, se serait jeté à la Seine
pour se dérober aux remords de sa conscience.
JUGEMENT
Le 18e conseil, après une longue délibération,
a statué sûr le sort des accusés.
Ont été condamnés :
ARNOULD, à la peine de mort.
POITTEVIN, à la peine de mort.
LECLERE, à dix ans de travaux forcés,
BERTIN, à cinq ans de travaux fo^cés^
VIEVILLE a été acquitté.
L'exécution aura lieu à Pommiers.
CHRONIQUE JUDICIAIRE
j La chambre criminelle de la cour de cassa-
tion a tenu vendredi une nouvelle audience.
J Elle a'd'abord rejeté le pourvoi de Sitbon et
! de Toledano, les deux condamnés à mort pour
assassinat de M. Grego, à Marseille.
— Le tribunal de Lyon a jugé le procès in-
tenté par les Frères de la doctrine chrétienne de
Caluire contre cette commune, les conseillers
municipaux 'et M. Challemel-Lacour, l'ex-préfet
de Lyon.
On sait que par suite de faits autorisés, par
arrêtés émanant du conseil municipal de Ca-
luire, qui ont causé de graves préjudices à leurs
élablissements et à leurs intérêts personnels,
les Frères de la doctrine chrétienne de cette
commune concluent contre leurs adversaires à
de graves dommages-intérêts.
Le tribunal de Lyon a fait droit à leur deman-
des et a condamné la municipalité de Caluire,
personnellement (M. Vassel avec les dix-sept si-
gnataires de son arrêté), les habitants en nom
collectif et M. Challemel-Lacour, tous solidaire-
ment c-omme responsables de complicité de dé-
lit, à 185,000 francs de dommages-intérêts en-
viron et aux dépens.
L'intervention au procès des 93 plus forts im-
posée a été admise. Le tribunal leur a accordé
un recours contre la commune, eu égard à leur
protestation contre les actes du conseil muni-
cipal.
Le recours contre le département a été écarté.
Quant au recours contre l'Etat, le tribunal s'est
déclaré incompétent.
— Etienne Sauvageot, impliqué £ans l'affaire
d'assassinat d'un sergent de ville y:¡ comparaître,
le 27 juin, devant les assises de la Seine, quoi-
que arrêté depuis huit jours à peine, C'est le
même assassinat pour lequel 'Bothrau, Doré et
Meyer ont été condamnés à la peine de mort.
TRIPLE EXÉCUTION. — Le 15, à 6 heures du ma-
tin, a eu lieu, sur la place du marché du village
de Rebeval, département d'Alger, l'exécution de
Mahi-Eddin et de ses deux coaccusés, condam-
nés pour assassinats commis à Rebeval pendant
l'insurrection.
Les Européens étaient venus jusque de Tizi-
Ouzou ; très-peu d'indigènes se trouvaient à Re-
beval. Les condamnés étant arrivés l'avant-veille
au soir, quinze cents Arabes environ s'étaient
rendus dans cette localité le vendredi; mais à
l'arrivée des troupes chargées de maintenir l'or-
dre, presque tous se sont éclipsés, et il n'est
guère resté que les familles des suppliciés.
— Blanqui ne subira pas sa peine dans la Nou-
velle-Calédonie, malgré la demande qu'il en avait
faite. Il sera envoyé au fort de Joux, près Pon-
tarlier. «
— La cour de cassation a rejeté 1q pourvoi de la
femme Guyard, condamnée à la peiné de mort pour
complicité dans l'assassinat de Mgr Surat, de l'ab-
bé Bécourt et autres otages, massacrés le 24 mai.
— La peine de mort prononcée contre Marguerite
Diblanc a été commuée à l'emprisonnement à per-
pétuité.
— La peine de mort du capitaine Henri a été '
commuée par la commission des grâces.
. V. C. 11-1 j
'' • 'i:
LES ACTIONS
DE LA '
COMPAGNIE DU SOLEIL
(Compagnie d'assurance contre l'incendie)
OFFERTES AU PUBLIC
PAR LE
MONITEUR DES TIRAGES FINANCIERS
Le Moniteur des tirages financiers , chargé de
placer des actions de la COMPAGNIE DU SOLEIL, les
offre au public au prix de :
3,816 francs l'action
Payables : comptant 1,000 fr.
— à la répartition.. 2,816 fr.
Ensemble 3,816 fr.
D'après des calculs soigneusement faits, s'ap-
puyant sur la moyenne des dividendes des der-
nières années, le produit de ces actions peut
être, dès à présent, évalué :
Comme revenu minimum à 7,62 p. :100
Comme revenu probable à 10, » p. 100
On sait que les Actions des grandes Compa-
gnies d'assurance contre l'incendie sont les
meilleures, les plus solides et les plus rares de
toutes les valeurs.
Les demandes seront reçues jusqu'au jeudis courant
ON SOUSCRIT :
A PARIS, au Moniteur des tir.ages financiers, 104,
rue Richelieu ;
A LYON, à la succursale du Moniteur des tirages
financiers, 5, rue, de l'Hôtel-de-Ville.
BULLETIN DRAMATIQUE ET ARTISTIQUE
L'Opéra-Comique a repris hier soir les. Dragons
de Villars.
Aux Folies-Dramatiques les Femmes qui font
des scènes, 3 actes de notre confrère Charles
Monselet, ont obtenu un très-vif et très-franc
succès. ,
Au théâtre du Chàtelet, en dépit des chaleurs,
les recettes de la Bouquetière des Innocents se
maintiennent toujours à un chiffre significatif;
les premières représentations de ce beau drame
ont.donné jusqu'à ce jour un total de 114,582 fr.
Ces chiffes promettent un long et durable
succès.
Il y a quelques jours, la population de Lou-
viers a assisté à un événement qui l'a vivement
impressionnée. Un nain avait traversé la ville à
cheval; a.nnonçant pour le soir une ascension sur
une corde roide, à douze mètres d'élévàtion. Le
spectacle devait avoir lieu sur la place de la fête;
aussi l'influence des curieux était énorme.
Sur les huit heures et demie, le nain com-
mença ses périlleux exercices; quoiqu'on lui
objectât que son système d'échafaudage n'était
pas bien solide, il persista et commença son
travail.
L'anxiété était grande, tout le monde pressen-
tait le malheur qui allait arriver; car, dès les
premiers pas du nain, la perche qui tenait la
corde à une extrémité commençait à osciller, et
bientôt, presque au bout de la traversée, le nain,
sentant la corde fléchir, ne put que crier: «Adieu,
mes amis ! » L'échafaudage s'écroulait en même
temps que le nain, et tombait violemment sur
le sol.
On ramassa le nain que l'on transporta dans
une maison voisine, et on eut un moment l'es- j
poir de le sauver; mais cet espoir fut vain, ilex2
pira au bout de quelques instants;
_ — ■■■•'■ ': t s
Voici le petit avis qu'on peut lire en ce mo'-*
ment sur les murs du quartier Notre-Dame-de-
Lorette, et jusque sur la maison de M. Thiers.
C'est écrit à la main; nous respectons l'ortho-'
graphe : ; ' j
« Mademoiselle Emma, artist, a perdue son'
« chien. On peu le lui rapporter toulle jour chez
«aile, n° > rue de la Tour-d'Auvergne, de'
<( o?ze heur du matin à quatre heur du soir.
« C est pa la peine de demander au concierge. '
« Au troisième la porte en fasse. »
: La'police a commencé du reste à gratter les
prospectus de cette commerçante pleine d'in-
telligence.
V. C.
LES
DÉPARTEMENTS MARTYRS
HISTOIRE ANECDOTIQUE
DE L'OCCUPATION ALLEMANDE
I. — SEINE.
Saint-Denis, Épinay, La Briche, La Cour-
neuve , Dugny , Drancy, Pierrefitte,
Stains, Villeneuve.
Le théâtre. — Un directeur qui ne l'est pas. — Une troupe de
circonstance. — Les programmes. — Vénus. — Un misé-
rable. — Le logement des actrices.
Bien qu'ils fussent les maitres absolus, les •
Prussiens s'amusaient peu à Saint-Denis. , ;
# Indépendamment des excursions dans les en- '
virons et de temps en temps dans Paris, les offi.;
ciers allemands n'avaiept guère d'autre distrac»-:
tion que la musique, où ils se réunissaient tous
les jours, à une heure, se faisant avec mille gri-
maces leurs compliments et se mettant mutuel-;
lement, avec toutes sortes de salamalecs, des
pensées ou des roses à la boutonnière.
Ils résolurent d'd.voir un théâtre.
Les officiers visitèrent la salle de spectacle de
Saint-Denis et la trouvèrent dans un piteux état.'
Mise en désordre pendant le siége, trouée à jour
par les obus, elle demandait d'immenses répara-;
tions. Mais les décors étaient bons. Ils s'en em- •
parèrent et les firent porter dans la salle de bal
du sieur Mérot, cours Benoist" qu'ils réquisition-;
nèrent à ce sujet.
Cela fait, ils écrivirent à M. Larochelle, direc-
teur du théâtre de Cluny, et qui, on le sait, ex-{
ploite en outre les salles des Gobelins, de Saint-
Marcel, de Montparnasse, de Grenelle, et la ban-
lieue de Paris. M". Larochelle, ayant le monopole
du théâtre de Saint-Denis, y avait laissé les dé-
cors dont ces messieurs avaient disposé. Ce fut
pour cela qu'ils le prièrent de venir reprendre le
cours de ses représentations, lui promettant nom-
breuse assistance et bonnes recettes.
Mais Larochelle, dont le patriotisme égale
l'esprit et le talent, répondit sans ambages qu'a-
vant d'être comédien il était Français et qu'aucun
des artistes de sa troupe n'était disposé à venir'
récréer les ennemis de sa patrie. Que si quelque1
directeur moins scrupuleux désirait exploiter le
théâtre de Saint-Denis, il renonçait de bon. coeur
à son privilége.
Ce directeur peu scrupuleux se rencontra.'
M. D.„, propriétaire du théâtricule Saint-Pierre,
à Paris, apprenant le refus de Larochelle, s'em-
pressa de briguer l'honneur de venir avec sa.
troupe récréer MM. les Prussiens.
Le 17 avril il débutait dans la salle Mérot,11
avec les décors de Larochelle. La troupe du théâ-
tre Saint-Pierre avait, pour la circonstance, été
renforcée de tout le rebut des cafés-concerto de
bas-étage et des bals de barrière, qu'on amenait
faire le rideau, c'est-à-dire faire exposition dg
chairs nues sous les lorgnettesvprussiennes.
Nous avons sous les yeux la 'collection des
programmes et nous y remarquons avec surprise
les noms de plusieurs artistes, qui en ce moment
N° 65 — Feuilleton de la PETITE PRESSE
Le Chiffonnier Philosophe
DEUXIÈME PARTIE
XIX
Voleuse !
„ Un observateur profond aurait probablement j
démêlé qu'une préoccupation pénible se mélan- j
geait à la joie de Mlle Bernard et augmentait !
en raison même que s'approchait, pour elle, j
l'instant de -quitter le couvent. i
Mais ses amis étaient trop émus, et la supé- i
xieure trop détachée volontairement des scènes
précédentes, pour avoir remarqué cette anxiété j!
croissante. j
Aussi, en entendant la pauvre enfant s'accu- !
ser brusquement d'une culpabilité longtemps j
dissimulée, ils éprouvèrent d'abord une crainte j
affreuse, que la mère Sainte-Agnès formula i
ainsi, à mi-voix : j
— L'excès du bonheur aurait-il altéré sa rai- 1
son, ô mon Dieu ! j
— Non, je ne suis pas folle, reprit la jeune
fille, avec tout le désordre du remords com- !
f rimé et finissant par éclater. Je suis sacrilège...
e suis... voleuse ! j.
"A. : : I
t:Noir le numéro d'hier. J
Le philosop'he, Mme Paphos et' le transatlan-
tique ser regardèrent, atterrés.
- Par pitié, revenez à vous, mademoiselle,
supplia ce dernier, désarmé de tout son flegme,
les larmes aux yeux.
— C'est de la démence, ce ne peut être que
cela, murmurait Cambronne en' se frappant le
front.
— Un vol !... qu'elle rendait les aiguilles aux
voisins quand elle les trouvait dans l'escalier I
Allons donc, protesta, ronge d'indignation, la
vieille chiffonnière.
— J'ai volé, mon père! oui, j'ai volé, répéta
en sanglotant Elise. Et j'ai commis un sacri-
lège!... Mais c'était pour vous, monsieur Will-
comb !
— Pour moi ! s'exclama Georges.
— Expliquez-vous, mademoiselle, intervint
l'ombrageuse supérieure, qui commençait à
soupçonner sa pensionnaire de quelque infrac-
tion vraiment blâmable.
— Je vais tout dire, sainte mère, s'écria la
pupille du philosophe, en proie à une désolante
exaltation. J'ai trop longtemps hésité... Au reste,
ma position n'en est que plus terrible... puisque
j'avoue mon indignité... devant tous ceux dont
je tenais le plus à conserver l'affectueuse estime !
— Alors, parlez vite, je vous l'ordonne, arti-
cula rudement l'ex-syndic, devenu soudain d'une
sombre gravité. Si vous avez réellement forfait
à la probité, je vous renie comme j'ai renié ja-
dis Isidore... jusqu'à ce que vous ayez expié
comme lui.
— Ce n'est pas possible ! affirma quand même
l'Américain.
— Ma révérende mère, commença pénible-
ment l'élève du Gros-Caillou, vous souvenez-
vous de la soirée où j'ai remplace sœur Sainte-
Prisca, malade, dans la réparation devant la
sainte Vierge ?
— Certes. Eh bien ?
■7- J'étais seule dans notre chapelle, et, quoi
que je fisse pour .m'absorber en oraisons, mes
yeux revenaient toujours s'attacher sur cette
palme miraculeuse, que la statue révérée tient
dans sa main de marbre...
Malgré moi, mon esprit me retraçait les pro-
diges accomplis jadis par la vertu de cette pré-
cieuse relique de l'Etoile du marin ; les naviga-
teurs sauvés du naufrage, par la possession d'une
seule de ses parcelles; enfin, l'édifiante histoire
qu'une de nos institutrices m'avait racontée le
matin comme à la plus raisonnable de vos filles.
Et, en stimulant à ces pensées, le vent, au
dehors, tournait à la tempête, et les arbres du
jardin frémissaient... sans doute à la façon des
vagues !
Tout à coup, ma vue, ardemment fixée sur le
rameau sacré, distingua une de ses feuilles d'or,
qui tenait si peu à la tige, qu'elle tournoyait
comme suspendue par un fil de la vierge.
Alors... je me dis que, si elle tombait d'elle-
même, ce ne serait pas un si grand péché pour
moi de la ramasser... que si je la cueillais .. Et
ie murmurai des prières... impies à Notre-Dame,
la suppliant de détacher à mon intention cette
petite feuille!...
Mats le temps passait'... Bientôt on allait me '
relever de ma pieuse station... Et l'inestimable 1
fragment oscillait toujours... sans obéir à mas 1
vœux! J
Enfin, dans un suprême élan, -me relevant à
demi, je tendis vers lui mes mains jointes... et je !
crois que mon souffle frémissant rompit frîre i
attache car il tomba sur ma guimpe!
— Vous le gardâtes? demanda sévèrement
l'austère religieuse.
— J'ai fait pire encore, révérende mère ! Cette
feuille céleste dont les puissants de la terre ache-
taient autrefois les parcelles en ruinant leur
trésor... je l'ai... donnée !
— Et moi, je la restitue ! s'exclama une voix
joyeuse, au moment où la supérieure amoncelait
sur son front les nuages d'une indignation trea-
menaçante pour la coupable.
C'était le Transatlantique qui détendait ainsi
la situation. Depuis que le récit de la candide
amie de sœur Association avait prig forme, la
noire inquiétude empreinte, sur son visage se
transformait, par contre, en véritable rayonne-
ment.
Il Agitait triomphalement un splend.ide mé- ~
daillon, retenu à son cou par une fine chaînette
et caché jusque-là sur sa poitrine. *
Dans ce bijou, sous la transparence d'un cou-
vercle d'émeraude; on distinguait une petite ra-
mille d'or.
— Que signifie ? interrogea la mère Sainte-
Agnès fort intriguée, car c'était à elle spéciale-
ment que Willcomb montrait le joyau.
— J'ai reçu de ma dévouée protégée, dit-il,
huit jours avant mon départ pour la France, une
lettre contenant ce rien précieux... surtout pour
la foi du charbonnier. Dans un petit billet à
part, Mlle Bernard me priait de porter sur moï
cette feuille, comme le seul souvenir qu'élit
eut osé m'envoyer jusque-là. Elle ajoutait de
n'en pas faire mention, surtout dans ma ré-
ponse, qui passerait, selon le rogleme-ù, soua
les yeux de madame la supérieure. -
La suite à demain.)
. i, i., ~ ■
JULES CAUVAIN.
ftvait trouvé beaucoup de inonde, s'était assise sur
tn banc, en attendant son tour de,passer au guichet,
•pôsant la timbale sur-ses genoux. Dans cet état d'im--
obilité, elle n'avait pu résister au sommeil; pen-
dant quelques minutes elle s'était endormie, et à son
S'éveil elle ne retrouvait plus la timbale.
,vtLâ pauvre femme, au désespoir, interrogeait aus-
sitôt toutes les personnes présentes ; une seule, une
femme, lui demanda si elle n'était pas venue accom-
pagnée d'un enfant de dix à onze ans. Sur une ré-
ponse négative, la femme reprit : « Eh bien, j'ai cru
que cet enfant était avec vous; aussi c'est sans me
méfier de lui que je lui ai vu prendre la timbale
sur vos genoux, ce qu'il a fait sans se gêner, et
comme une chose toute naturelle ; son coup fait,
il s'est esquivé, mais je ne sais comment ; ce
qu'il y. a de certain, c'est que je ne le vois plus
ici. ».
Ce récit achevé, les deux femmes restèrent long-
temps courbées sous la prostration d'un immense
désespoir; mais tout à coup la jeune femme se re-
dMsse, court au berceau de sa fille, la couvre de bai-
sers, puis, d'un bond, ouvre son armoire, la vide de
ce qu'elle y trouve de plus précieux, choisit sa meil-
leure paire de draps, sa plus belle robe, le paletot
des dimanches de son mari; du tout elle fait un pa-
quet, le jette entre les bras de sa vieille voisine, en
la priant de retourner au mont-de-piété, et, en reve-
. nm% de remettre l'ordonnance du médecin au phar-
macien. Huit jours après, la petite fille était guérie;
sa mère ne pensait plus à sa timbale, à sa plus belle
robe, et elle donnait tous ses soins à consoler sa
bonne voisine qui ne se consolait pas.
Pourquoi ce petit drame de famille, qui commence
par des larmes, est imprégné des meilleurs senti-
ments du cœur et se termine par un triomphe de
l'amour maternel, ne finit-il pas là? Ce qui 'nous
reste à dire est bien triste.
Le petit voleur de la timbale a été retrouvé ; arrêté
pour des vols postérieurs, il a fait l'aveu de celui-là.
Il a douze ans, il se nomme Isidore Depuis.
Interpellé par M. le président, qui lui demande
comment il se fait qu'à son âge il ait pris la réso-
lution de ne vivre que de vols, il répond : t! Je ne
vois presque jamais mon père qui ne vient que rare-
ment à la maison, et seulement pour se disputer
avec ma mère. Ma mère ne m'a jamais envoyé à
l'école; je ne sais ni lire ni écrire, et je n'ai pas fait
ma première communion. Depuis l'Age de huit ans,
ma mère me met à la porte le matin, en me disant
de courir la ville, de faire des commissions, des cor-
vées, tout ce que je voudrais, mais de ne pas reve-
nir à la maison sans argent. Quand je revenais sans
argent, je n'avais pas à manger, et souvent j'étais
battu; alors, petit à petit, j'ai fait connaissance avec
de petits garçons qui m'ont appris à voler, et quand
je revenais à la maison avec de l'argent, ma mère
m'embrassait et nous faisions un bon dîner avec du
vin, da café et tout. »
Rendre cet enfant à sa mère, qui n'a pas même
osé se présenter au tribunal pour le réclamer, ne se-
rait-ce pas achever de le perdre? Le tribunal l'a
pensé ainsi, en ordonnant qu'il sera enfermé dans
une maison de correction jusqu'à l'âge de dix-huit
ans.
Tout l'auditoire a été frappé de ce contraste de ces
deux familles d'ouvriers, l'une pratiquant toutes les
vertus, capable de tous les dévouements; l'autre cor-
rompue par tous les vices; d'un côté, une mère qui
sacrifie tout pour ses enfants; de l'autre, une ma-
râtre qui sacrifie ses enfants pour elle. Il y a long,
temps que l'humanité souffre de ces contrastes. Un
temps viendra-t-il où ils auront disparu? Nul ne sau-
rait le dire : mais combien, tous, nous aurions be-
soin de l'espérer! (Gazette des Tribunaux.)
18e CONSEIL DE GUERRE (séant à Paris)
Présidence du lieutenant-colonel Tinseau
Audience du 22 juin.
Intelligences avec l'ennemi. —
Trahison.
Hier, l'audience du, 18o conseil de guerre a été
absorbée tout entière par la plaidoirie de MI de
Cori, défenseur des accusés Poittevin et Viéville,
dans l'affaire des gardés nationaux de Pom-
miers, livrés aux Prussiens et fusillés.
Un incident survenu a fourni au défenseur un
effet oratoire qui a produit une vive émotion
dans l'auditoire : le suicide d'un des témoins,
qui, d'après l'avocat, se serait jeté à la Seine
pour se dérober aux remords de sa conscience.
JUGEMENT
Le 18e conseil, après une longue délibération,
a statué sûr le sort des accusés.
Ont été condamnés :
ARNOULD, à la peine de mort.
POITTEVIN, à la peine de mort.
LECLERE, à dix ans de travaux forcés,
BERTIN, à cinq ans de travaux fo^cés^
VIEVILLE a été acquitté.
L'exécution aura lieu à Pommiers.
CHRONIQUE JUDICIAIRE
j La chambre criminelle de la cour de cassa-
tion a tenu vendredi une nouvelle audience.
J Elle a'd'abord rejeté le pourvoi de Sitbon et
! de Toledano, les deux condamnés à mort pour
assassinat de M. Grego, à Marseille.
— Le tribunal de Lyon a jugé le procès in-
tenté par les Frères de la doctrine chrétienne de
Caluire contre cette commune, les conseillers
municipaux 'et M. Challemel-Lacour, l'ex-préfet
de Lyon.
On sait que par suite de faits autorisés, par
arrêtés émanant du conseil municipal de Ca-
luire, qui ont causé de graves préjudices à leurs
élablissements et à leurs intérêts personnels,
les Frères de la doctrine chrétienne de cette
commune concluent contre leurs adversaires à
de graves dommages-intérêts.
Le tribunal de Lyon a fait droit à leur deman-
des et a condamné la municipalité de Caluire,
personnellement (M. Vassel avec les dix-sept si-
gnataires de son arrêté), les habitants en nom
collectif et M. Challemel-Lacour, tous solidaire-
ment c-omme responsables de complicité de dé-
lit, à 185,000 francs de dommages-intérêts en-
viron et aux dépens.
L'intervention au procès des 93 plus forts im-
posée a été admise. Le tribunal leur a accordé
un recours contre la commune, eu égard à leur
protestation contre les actes du conseil muni-
cipal.
Le recours contre le département a été écarté.
Quant au recours contre l'Etat, le tribunal s'est
déclaré incompétent.
— Etienne Sauvageot, impliqué £ans l'affaire
d'assassinat d'un sergent de ville y:¡ comparaître,
le 27 juin, devant les assises de la Seine, quoi-
que arrêté depuis huit jours à peine, C'est le
même assassinat pour lequel 'Bothrau, Doré et
Meyer ont été condamnés à la peine de mort.
TRIPLE EXÉCUTION. — Le 15, à 6 heures du ma-
tin, a eu lieu, sur la place du marché du village
de Rebeval, département d'Alger, l'exécution de
Mahi-Eddin et de ses deux coaccusés, condam-
nés pour assassinats commis à Rebeval pendant
l'insurrection.
Les Européens étaient venus jusque de Tizi-
Ouzou ; très-peu d'indigènes se trouvaient à Re-
beval. Les condamnés étant arrivés l'avant-veille
au soir, quinze cents Arabes environ s'étaient
rendus dans cette localité le vendredi; mais à
l'arrivée des troupes chargées de maintenir l'or-
dre, presque tous se sont éclipsés, et il n'est
guère resté que les familles des suppliciés.
— Blanqui ne subira pas sa peine dans la Nou-
velle-Calédonie, malgré la demande qu'il en avait
faite. Il sera envoyé au fort de Joux, près Pon-
tarlier. «
— La cour de cassation a rejeté 1q pourvoi de la
femme Guyard, condamnée à la peiné de mort pour
complicité dans l'assassinat de Mgr Surat, de l'ab-
bé Bécourt et autres otages, massacrés le 24 mai.
— La peine de mort prononcée contre Marguerite
Diblanc a été commuée à l'emprisonnement à per-
pétuité.
— La peine de mort du capitaine Henri a été '
commuée par la commission des grâces.
. V. C. 11-1 j
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LES ACTIONS
DE LA '
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OFFERTES AU PUBLIC
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Le Moniteur des tirages financiers , chargé de
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gnies d'assurance contre l'incendie sont les
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A LYON, à la succursale du Moniteur des tirages
financiers, 5, rue, de l'Hôtel-de-Ville.
BULLETIN DRAMATIQUE ET ARTISTIQUE
L'Opéra-Comique a repris hier soir les. Dragons
de Villars.
Aux Folies-Dramatiques les Femmes qui font
des scènes, 3 actes de notre confrère Charles
Monselet, ont obtenu un très-vif et très-franc
succès. ,
Au théâtre du Chàtelet, en dépit des chaleurs,
les recettes de la Bouquetière des Innocents se
maintiennent toujours à un chiffre significatif;
les premières représentations de ce beau drame
ont.donné jusqu'à ce jour un total de 114,582 fr.
Ces chiffes promettent un long et durable
succès.
Il y a quelques jours, la population de Lou-
viers a assisté à un événement qui l'a vivement
impressionnée. Un nain avait traversé la ville à
cheval; a.nnonçant pour le soir une ascension sur
une corde roide, à douze mètres d'élévàtion. Le
spectacle devait avoir lieu sur la place de la fête;
aussi l'influence des curieux était énorme.
Sur les huit heures et demie, le nain com-
mença ses périlleux exercices; quoiqu'on lui
objectât que son système d'échafaudage n'était
pas bien solide, il persista et commença son
travail.
L'anxiété était grande, tout le monde pressen-
tait le malheur qui allait arriver; car, dès les
premiers pas du nain, la perche qui tenait la
corde à une extrémité commençait à osciller, et
bientôt, presque au bout de la traversée, le nain,
sentant la corde fléchir, ne put que crier: «Adieu,
mes amis ! » L'échafaudage s'écroulait en même
temps que le nain, et tombait violemment sur
le sol.
On ramassa le nain que l'on transporta dans
une maison voisine, et on eut un moment l'es- j
poir de le sauver; mais cet espoir fut vain, ilex2
pira au bout de quelques instants;
_ — ■■■•'■ ': t s
Voici le petit avis qu'on peut lire en ce mo'-*
ment sur les murs du quartier Notre-Dame-de-
Lorette, et jusque sur la maison de M. Thiers.
C'est écrit à la main; nous respectons l'ortho-'
graphe : ; ' j
« Mademoiselle Emma, artist, a perdue son'
« chien. On peu le lui rapporter toulle jour chez
«aile, n° > rue de la Tour-d'Auvergne, de'
<( o?ze heur du matin à quatre heur du soir.
« C est pa la peine de demander au concierge. '
« Au troisième la porte en fasse. »
: La'police a commencé du reste à gratter les
prospectus de cette commerçante pleine d'in-
telligence.
V. C.
LES
DÉPARTEMENTS MARTYRS
HISTOIRE ANECDOTIQUE
DE L'OCCUPATION ALLEMANDE
I. — SEINE.
Saint-Denis, Épinay, La Briche, La Cour-
neuve , Dugny , Drancy, Pierrefitte,
Stains, Villeneuve.
Le théâtre. — Un directeur qui ne l'est pas. — Une troupe de
circonstance. — Les programmes. — Vénus. — Un misé-
rable. — Le logement des actrices.
Bien qu'ils fussent les maitres absolus, les •
Prussiens s'amusaient peu à Saint-Denis. , ;
# Indépendamment des excursions dans les en- '
virons et de temps en temps dans Paris, les offi.;
ciers allemands n'avaiept guère d'autre distrac»-:
tion que la musique, où ils se réunissaient tous
les jours, à une heure, se faisant avec mille gri-
maces leurs compliments et se mettant mutuel-;
lement, avec toutes sortes de salamalecs, des
pensées ou des roses à la boutonnière.
Ils résolurent d'd.voir un théâtre.
Les officiers visitèrent la salle de spectacle de
Saint-Denis et la trouvèrent dans un piteux état.'
Mise en désordre pendant le siége, trouée à jour
par les obus, elle demandait d'immenses répara-;
tions. Mais les décors étaient bons. Ils s'en em- •
parèrent et les firent porter dans la salle de bal
du sieur Mérot, cours Benoist" qu'ils réquisition-;
nèrent à ce sujet.
Cela fait, ils écrivirent à M. Larochelle, direc-
teur du théâtre de Cluny, et qui, on le sait, ex-{
ploite en outre les salles des Gobelins, de Saint-
Marcel, de Montparnasse, de Grenelle, et la ban-
lieue de Paris. M". Larochelle, ayant le monopole
du théâtre de Saint-Denis, y avait laissé les dé-
cors dont ces messieurs avaient disposé. Ce fut
pour cela qu'ils le prièrent de venir reprendre le
cours de ses représentations, lui promettant nom-
breuse assistance et bonnes recettes.
Mais Larochelle, dont le patriotisme égale
l'esprit et le talent, répondit sans ambages qu'a-
vant d'être comédien il était Français et qu'aucun
des artistes de sa troupe n'était disposé à venir'
récréer les ennemis de sa patrie. Que si quelque1
directeur moins scrupuleux désirait exploiter le
théâtre de Saint-Denis, il renonçait de bon. coeur
à son privilége.
Ce directeur peu scrupuleux se rencontra.'
M. D.„, propriétaire du théâtricule Saint-Pierre,
à Paris, apprenant le refus de Larochelle, s'em-
pressa de briguer l'honneur de venir avec sa.
troupe récréer MM. les Prussiens.
Le 17 avril il débutait dans la salle Mérot,11
avec les décors de Larochelle. La troupe du théâ-
tre Saint-Pierre avait, pour la circonstance, été
renforcée de tout le rebut des cafés-concerto de
bas-étage et des bals de barrière, qu'on amenait
faire le rideau, c'est-à-dire faire exposition dg
chairs nues sous les lorgnettesvprussiennes.
Nous avons sous les yeux la 'collection des
programmes et nous y remarquons avec surprise
les noms de plusieurs artistes, qui en ce moment
N° 65 — Feuilleton de la PETITE PRESSE
Le Chiffonnier Philosophe
DEUXIÈME PARTIE
XIX
Voleuse !
„ Un observateur profond aurait probablement j
démêlé qu'une préoccupation pénible se mélan- j
geait à la joie de Mlle Bernard et augmentait !
en raison même que s'approchait, pour elle, j
l'instant de -quitter le couvent. i
Mais ses amis étaient trop émus, et la supé- i
xieure trop détachée volontairement des scènes
précédentes, pour avoir remarqué cette anxiété j!
croissante. j
Aussi, en entendant la pauvre enfant s'accu- !
ser brusquement d'une culpabilité longtemps j
dissimulée, ils éprouvèrent d'abord une crainte j
affreuse, que la mère Sainte-Agnès formula i
ainsi, à mi-voix : j
— L'excès du bonheur aurait-il altéré sa rai- 1
son, ô mon Dieu ! j
— Non, je ne suis pas folle, reprit la jeune
fille, avec tout le désordre du remords com- !
f rimé et finissant par éclater. Je suis sacrilège...
e suis... voleuse ! j.
"A. : : I
t:Noir le numéro d'hier. J
Le philosop'he, Mme Paphos et' le transatlan-
tique ser regardèrent, atterrés.
- Par pitié, revenez à vous, mademoiselle,
supplia ce dernier, désarmé de tout son flegme,
les larmes aux yeux.
— C'est de la démence, ce ne peut être que
cela, murmurait Cambronne en' se frappant le
front.
— Un vol !... qu'elle rendait les aiguilles aux
voisins quand elle les trouvait dans l'escalier I
Allons donc, protesta, ronge d'indignation, la
vieille chiffonnière.
— J'ai volé, mon père! oui, j'ai volé, répéta
en sanglotant Elise. Et j'ai commis un sacri-
lège!... Mais c'était pour vous, monsieur Will-
comb !
— Pour moi ! s'exclama Georges.
— Expliquez-vous, mademoiselle, intervint
l'ombrageuse supérieure, qui commençait à
soupçonner sa pensionnaire de quelque infrac-
tion vraiment blâmable.
— Je vais tout dire, sainte mère, s'écria la
pupille du philosophe, en proie à une désolante
exaltation. J'ai trop longtemps hésité... Au reste,
ma position n'en est que plus terrible... puisque
j'avoue mon indignité... devant tous ceux dont
je tenais le plus à conserver l'affectueuse estime !
— Alors, parlez vite, je vous l'ordonne, arti-
cula rudement l'ex-syndic, devenu soudain d'une
sombre gravité. Si vous avez réellement forfait
à la probité, je vous renie comme j'ai renié ja-
dis Isidore... jusqu'à ce que vous ayez expié
comme lui.
— Ce n'est pas possible ! affirma quand même
l'Américain.
— Ma révérende mère, commença pénible-
ment l'élève du Gros-Caillou, vous souvenez-
vous de la soirée où j'ai remplace sœur Sainte-
Prisca, malade, dans la réparation devant la
sainte Vierge ?
— Certes. Eh bien ?
■7- J'étais seule dans notre chapelle, et, quoi
que je fisse pour .m'absorber en oraisons, mes
yeux revenaient toujours s'attacher sur cette
palme miraculeuse, que la statue révérée tient
dans sa main de marbre...
Malgré moi, mon esprit me retraçait les pro-
diges accomplis jadis par la vertu de cette pré-
cieuse relique de l'Etoile du marin ; les naviga-
teurs sauvés du naufrage, par la possession d'une
seule de ses parcelles; enfin, l'édifiante histoire
qu'une de nos institutrices m'avait racontée le
matin comme à la plus raisonnable de vos filles.
Et, en stimulant à ces pensées, le vent, au
dehors, tournait à la tempête, et les arbres du
jardin frémissaient... sans doute à la façon des
vagues !
Tout à coup, ma vue, ardemment fixée sur le
rameau sacré, distingua une de ses feuilles d'or,
qui tenait si peu à la tige, qu'elle tournoyait
comme suspendue par un fil de la vierge.
Alors... je me dis que, si elle tombait d'elle-
même, ce ne serait pas un si grand péché pour
moi de la ramasser... que si je la cueillais .. Et
ie murmurai des prières... impies à Notre-Dame,
la suppliant de détacher à mon intention cette
petite feuille!...
Mats le temps passait'... Bientôt on allait me '
relever de ma pieuse station... Et l'inestimable 1
fragment oscillait toujours... sans obéir à mas 1
vœux! J
Enfin, dans un suprême élan, -me relevant à
demi, je tendis vers lui mes mains jointes... et je !
crois que mon souffle frémissant rompit frîre i
attache car il tomba sur ma guimpe!
— Vous le gardâtes? demanda sévèrement
l'austère religieuse.
— J'ai fait pire encore, révérende mère ! Cette
feuille céleste dont les puissants de la terre ache-
taient autrefois les parcelles en ruinant leur
trésor... je l'ai... donnée !
— Et moi, je la restitue ! s'exclama une voix
joyeuse, au moment où la supérieure amoncelait
sur son front les nuages d'une indignation trea-
menaçante pour la coupable.
C'était le Transatlantique qui détendait ainsi
la situation. Depuis que le récit de la candide
amie de sœur Association avait prig forme, la
noire inquiétude empreinte, sur son visage se
transformait, par contre, en véritable rayonne-
ment.
Il Agitait triomphalement un splend.ide mé- ~
daillon, retenu à son cou par une fine chaînette
et caché jusque-là sur sa poitrine. *
Dans ce bijou, sous la transparence d'un cou-
vercle d'émeraude; on distinguait une petite ra-
mille d'or.
— Que signifie ? interrogea la mère Sainte-
Agnès fort intriguée, car c'était à elle spéciale-
ment que Willcomb montrait le joyau.
— J'ai reçu de ma dévouée protégée, dit-il,
huit jours avant mon départ pour la France, une
lettre contenant ce rien précieux... surtout pour
la foi du charbonnier. Dans un petit billet à
part, Mlle Bernard me priait de porter sur moï
cette feuille, comme le seul souvenir qu'élit
eut osé m'envoyer jusque-là. Elle ajoutait de
n'en pas faire mention, surtout dans ma ré-
ponse, qui passerait, selon le rogleme-ù, soua
les yeux de madame la supérieure. -
La suite à demain.)
. i, i., ~ ■
JULES CAUVAIN.
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