Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-01-24
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 24 janvier 1873 24 janvier 1873
Description : 1873/01/24 (N2453). 1873/01/24 (N2453).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4713512m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2017
tout le teir ps nécessaire pour aller à l'école et
à l'église.. , . ,1
C'est pourquoi la commission a, jusqu à
treize ans, fixé à six heures le temps dit tra-
vail de l'enfant ; elle a fai fM¡Jnsi concorder ses
conclusions avec celles de la loi pour l'ins-
truction obligatoire, qui fixe à treize ans la
limite de l'obligation. La commission a fait
une œuvre qu'elle croit-utile en ..cherchant a
concilier tous les intérêts..
M. Cordier voudrait que Ici limite de treize
ans fût abaissée à douze pour le travail de la
journée entière. *
A douze ans," l'enfant de l'ouvrier a fait en
général sa première communion et satisfait
aux obligations scolaires. D'un autre côté,
l'industrie a besoin d'enfants travaillant à
journée entière, et il lui est impossible au-
jourd'hui de les remplacer, si l'article 3 de la
commission est adopté. Il faut aussi tenir
compte du supplément de salaire que le tra-
vail de la journée complète apporte dans les
familles. En résumé, il y a peu d'inf ?-
nients et beaucoup d'avantages à abaisser
d'une.-année la limite fixée par la commission.
- (Très-bien! très-bien!)
M. Joubert repousse l'amendement de M.
Cordier. Il ne croit pas-que la limite fixée
par la commission puisse être abaissée. Pour
sa part, il serait plutôt tenté de l'élever à
quatorze ans. L'industrie, ne souffrira pas
de cette mesure autant que M. Cordier l'a
dit. Et d'ailleurs les intérêts de l'enfance pas-
sent avant tout, et c'est à l'industrie à pren-
dre des mesures pour suppléer .à ce qui peut
lui manquer par suite de la loi nouvelle.
M. le comte de Melun, au nom de la mino-
rité de la commission, appuie l'amendement
de M. Cordier.
MM. Benoist d'Azy, Feray d'Essone et Bal-
san prennent successivement la parole.
M. Paulin Grillon demande que des règle-
ments d'administration publique déterminent
l'applicatiffh de la loi.
M. Tolain demande que la loi détermine
très-strictement les conditions du travail des
enfants, de façon que les agents chargés de
l'appliquer se sentent énergiquement soutenus
par elle. Des règlements d'administration pu-
blique n'auraient pas le même effet. On l'a
bien vu par l'application qui a été faite de la
loi de 1841.
L'Assemblée repousse un amendement de
M. Théophile Roussel sur l'art. 1er.
La séance est levée à cinq heures trente-cinq
minutes. -
DANS PARIS
LES MESSES A LA MÉMOIRE DE NAPOLÉON III
Des messes pour le repos de l'âme de l'empe-i
reur Napoléon III ont été célébrées hier ma-
tin à dix heures, dans un grand nombre d'é-
glises de Paris: à Saint-Germain-l'Auxerrois,
Saint-Augustin, la' Trinité, Sainte-Clotilde,
Saint-Etienne-du-Mont, Saint-Paul, Saint-
Vincent;de-Paul, Saint-Pierre-Montmartre et
Saint-Pierre-Montrouge.
A Sainte-Clotilde, nous avons remarqué,
au miiieu d'un groupe de militaires/ M. le
maréchal Mac-Mahon, commandant de l'ar-
mée C,.-, Versailles, portant le grand cordon
dp la Légion d'honneur et la maréchale Mac-
Mahon, M. et'Mme de Cambacérès;
MM. de Parieu, Duvergier, Plichon, Ma-
gne, de Talhouët, Buffet, Béhic, comfe Daru,
anciens ministres;
MM. de Ségur-d'Aguesseau, Royer et Da-
riste, anciens sénateurs, M. GentEmr, ancien
conseiller d'Etat, lVD/l. Camille Doucet et de
Monteur;
MM. Thoinnet de la Tutmélièré, de Féli-
gonde, Tailhaud,Vimal, général baron Reille,
vicomte Reille, comte de Cessac, Ed. Dalloz,
députés ou anciens députés.
Mmes la maréchale Randon, marquise de
Moustier, de Parieu, de Contesseinf Ed. Dal-
loz, et divers membres de leur famille.
UNE CORDE POUR DEUX PENDUS
Le hasard a des étrangetés qui dépasseront
toujours les plus folles inventions des roman-
ciers, dit la. Patrie.
La scène qui suit s'est passée hier dans un
hôtel garni du boulevard Saint-Germain.
Un pauvre bohème, sans ressources, rentre
chez lui à minuit, désespéré. Au moment o.ù
il passe devant le bureau, la concierge-pro-
priétaire sort furieuse et lui fait une scène
violente pour ses derniers loyers en retard. Le
malheureux nepeut résister à ce dernier coup,
il entre dans sa chambre, décidé à en finir par
le suicide.
Il jette les yeux autour de lui pour trouver
un instrument propice à l'accomplissement de
son projet. Il aperçoit un bout de corde pas-
sant par l'interstice supérieur de la porte com-
muniquant à la chambre voisine..Sans hési-
ter, il ijlit à cette corde un nœud coulant et
se la passe au cou.
La mort fut prompte. Mais ce qui est vrai-
ment inouï, c'est que le matin, pénétrant.
dans l'autre chambre, le garçon trouve un
jeune homme suspendu à une corde contre
l'autre côté de la porte. La corde avait été
fixée par celui-ci sur .le panneau, et, ouvrant
la porte de communication, il en avait laissé
passer un long bout de l'autre côté.
La corde avait fait coup double et portait
nn pendu à chacun de ses bouts.
Le second suicidé avait laissé une lettre an-
nonçant qu'il était las de sa maîtresse, mais
qu'il n'avait pas le courage de la quitter et
préférait se tuer.
L'événement a fait sensation dans le quar-
tier.
Le fils d'un des artistes les plus populaires
de l'ancien théâtre de la <jeune, vient d'adresser au journal le Siècle la
lettre suivante, que nous croyons intéressant
de reproduire :
« Monsieur le rédacteur,
« La mort de Napoléon III est attribuée,
soit aux séances de' lithotritie trop rappro-
chées, soit aux effets funestes du chloroforme.
« La reconnaissance me fait un devoir de
rappeler dans cette circonstance que, grâce
à la merveilleuse précision de la méthode de
Civiale, un- de ses meilleurs élèves, le docteur
Rochon (du Rhône), est parvenu, sans em-
ployer le chloroforme, à pulvériser en déux
fois une pierre fort grosse dont mon père souf-
frait depuis douze ans. Les séances de broie-
ment étaient si bien supportées par le malade,
qu'il lui était possible, JtJ môme jour, d'aller et
de revenir à pied de la rue Saint-Marc au théâ-
tre du Gymnase, et de répéter dans la pièce
des Bons Villageois, de M. Sardou.
« Recevez, monsieur le rédacteur, mes ci-
vilités empressées,
« HUTIN, dit FRANCISQUE JEUNE FILS:
« S8, faubourg du Temple, à Paris.
« Je vous autorise à publier cette lettre si
bon vous semble. »
Une indisposition de Mlle Bloch a suspendu
les représentations du charmant opéra deDiaz 'Ia
j Coupe du roide Thulé,A lundila5,ereprésentation.
InsensibilisateurDuchesne. Guérison, extrac-
tion et pose de dents SWl$ douleur, 45, rue Làfayette.
TRIPLE EXÉCUTION A SATORY
! Les nommés FENOUILLAS (Jean, dit Phi-
• lippe), né le 12 octobre 1830, à Bordeaux, con-
damné à la peine de mort par le 5e conseil de
guerre de la lro division militaire, pour em-
! bauchage de militaires, assassinat de plusieurs
| otages et notamment de quatre frères de Pic-
i pus, arrestations illégales, avec menaces de
' mor-t et tortures corporelles, et pour incendie
| de maisons hélbitéas, de l'église et de la mai-
J rie de Bercy ;
DECAMP (Louis-Benoît), né le 14 décembre
1831, à Thomery (Seine-et-Marne), condamné
à la-peine de mort par le 5° conseil de guerre
de la lle division militaire, pour, étant à la
tête d'une bande dite des enfants perdus, avoir
pillé des maisons habitées, avoir arrêté et
détenu arbitrairement, avec menaces de mort,
deux concierges, dont l'un a été tué par les
fédérés, avoir incendié, rue de Lille, plu-
sieurs maisons habitées et le palais de la Lé-
gion-d'Honneur;
BÉNOT (Victor-Antoine), né à Paris, le
26 février 1839, condamné une première fois
à la peine de mort par jugement du 60 con-
seil de guerre- de la lro division militaire,
pour complicité d'assassinat commis, rue,
Haxo, su-r des prêtres et des gendarmes, et
qui avait.obtenu la commutation de sa peine
en celle des travaux forcés à perpétuité, con-
damné une seconde fois à la peine de mort
par jugement du 3° conseil de guerre de la
lre division militaire pour incèndie du Lou-
vre et des Tuileries, ont été. exécutés hier
matin, 22 janvier, à Satory.
Les trois condamnés; raconte le Temps,
étaient à la prison de la rue Saint-Pierre
.depuis quelque temps déjà, par suite de la 1
suppression de la prison de Noailles, où J
étaient autrefois détenus les condamnés à la !
peine capitale; de sorte que la formalité ha- !
bituelle du -transfèrement d'une prison à l'au- j
tre n'a pas eu lieu. ' j
Dès quatre heures et demie, tous trois ;
étaient enfermés dans les cellules du rez-de-
chaussée, 5, 6 et 8, où il leur fut permis, sur
leur demande, de boire et manger, ainsi que
d'écrire leurs dernières volontés et leur der-
nier adieu à leur famille. Bénot et Philippe
se sont montrés pleins de flegme et de sang-
froid; seul Décampa, fait preuve d'une grande !
exaltation,
Le cortége funèbre n'a quitté la rue Saint-
Pierre qu'à six heures et demie: M. le colonel
Gaillard et M. le capitaine d'état-major Du-
theil y assistaient.
Decamp, ancien artilleur, est d'une taille
au-dessus de la moyenne; ses compagnons
de supplice sont au contraire trapus et petits;
ils portent paletot noir et casquette; leur dé-
marche est assurée, celle de Philippe surtout.
Quant à Decamp, au sortir de la prison, son
exaltation ne fait que redoubler; on a toutes
les peines du monde à le faire monter, garrotté
qu'il est, dans la dernière voiture.
Enfin, l'on part.
' L'abbé Follet a pris place à côté de Fenoui-
las (Philiope).
Une pluie battante ne cesse de tomber de-
puis six heures ; néanmoins quelques curieux,
bravant les vents et les orages, s'acheminent
vers le plateau de Satory.
Mais, arrivés sur le ebamp de manœuvres
où doit avoir lieù le supplice, les piétons sont
obligés de renoncer à l'entreprise. On enfonce
jusqu'à la cheville dans une boue glissante
et l'on n'avance -point.
Le signal du feu n'a point été cette fois-ci,
comme dans les précédentes, donné par un
simple signe d'épée ; l'adjudant de service a
crié : Feu !
■ C'est, parait-il, la nouvelle théorie mili-
taire qui comporte cette légère modification.
Fenouillas n'a-rien dit.
Decamp a crié : « Je meurs assassiné 1 à
bas les faux témoins ! à bas les avocats ! à
basThiers! »
Bénot a crié : « Vive la République démo-
cratique et sociale 1 vive la Commune 1 vive
l'armée ! »
Ils sont morts tous les trois instantané-
ment. Il n'y a eu aucun accident. Les spec-
teurs étaient peu nombreux..
Nous apprenons que ces exécutions se-
ront probablement les dernières pour
faits relatifs à l'insurrection du 18 mars
1871.
VOYAGE
à travers la France
LA PETITE PRESSE
DANS LES DÉPARTEMENTS
TONNERRE : La lectrice. — La négo-
ciation secrète. — Triomphe diploma-
tique. — Le testament.
Ce fut sur lui que Louis XV et le prince :
'de Conti jetèrent les yeux pour en faire le
chaperon du chevalier. L'Ecossais était fin,;
instruit ; il possédait des connaissances mi*
néralogiques qui pou-vaient lui fournir le
prétexte d'une excursion scientifique. D'ail<
leurs, fils de la Grande-Bretagne, ce seul,
titre était une explication de tous se#
voyages.
Sous son costume de femme, il partit
avec l'Ecossais, et quelques semainès aprèr .
ilarrivait à Saint-Pétersbourg.
- Introduit auprès de l'impératrice de Rus-
sie sous son accoutrement féminin, l'heure.
terrible était arrivée pour le chevalier. Il
se trouvait acculé à ce moment suprême où ''
il lui fallait vaincre ou aller mourir dans
les mines de la Sibérie. -
Il était audacieux et intrépide, il com."; /
m en ça son siège. " î;
Avant qu'il ne parîvnt auprès d'Elisa;"
beth, cependant, de volontaires' indiscré-*,;
tions de la part du roi de France avaient !
fait pressentir à la souveraine le travestisse- ■';
ment du chevalier, car à Sa cour on savait
qu'on pouvait se fier sans trop se tromper à')
ses secrètes sympathies pour la France. "<
En effet, la czarine avait été fiancéa
toute jeune à Louis 'XV, et,. devenue co<;
quette et fort galante, elle se rappelait tou..",
jours tendrement son joli visage. Aussi:
malgré la rupture de son mariage et des j
relations diplomatiques avec le roi de France, -
elle avait conservé pour lui, en dépit dei
Bestucheff, un grand fond d'indulgence. Ii
On comptait aussi à la cour de. France
sur l'appui mystérieux du comte Woroi^J
zow, collègue de Bestueheff au ministère^]
mais qui, contrairement aux vues du prê-j
mier ministre, travaillait, au risque de sali
tête,' à établir une alliance entre .la Russie '
et la France. 1
La czarine ne se fâcha point du strata*.
gême. Au contraire, elle le trouva digne da]
l'esprit de son bien-aimé frère Louis XV,J
et elle en rit de très-bon cœur... f,
C'était donc partie à moitié gagnée pour,
le chevalier. y "1t -
Cependant elle ne pouvait croire à cette pef--',
fection de déguisement ni se persuader que!
! la jolie chevalière qu'elle avait devant elle;;
fût un beau chevalier-, En vain celui-ci pro-i
testa-t-il les yeux baissés de sa qualité mas-.<
culine: en vain Worouzow exhiba-t-il àj
l'appui de sa déclaration les lettres confi-^
dentielles de Versailles, Elisabeth fut in-{.
crédule. Elle y mit de l'entêtement. |j
Quoi qu'il en fut, pour éviter tous soup
çons et pour faciliter les entrevues n-éces-j
saires au succès de la négociation, afin d(&
pouvoir causer plus souvent et plus intime-]
ment des affaires relatives aux intérêts]
communs, pour d'autres motifs, encorej
peut-être auxquels elle pensait, mais qu'elle
n'exprimait pas, Elisabeth décida que ma-,
demoiselle de BeaumoM habiterait son palais;
et serait attachée à sa personne en , qualité'
de lectrice intime et particulière.
N° 139. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
LA TABATIERE
DE
MONSIEUR LUBIN
DEUXIÈME PARTIE
LXI
Les expiations (suite)
Le petit vieillard avait une expression de
gravité imposante qu'il ne lui avait jamais
vue.
Le comte sonna.
• Un domestique parut aussitôt.
— Un verre d'eau, lui demanda le comte.
Un instant après, il était servi.
Quand le domestique se fut retiré, M. 'Lu-
bin dit au comte :
— Comme il fallait éviter jusqu'à l'ombre
du danger et que d'ailleurs un poison violent
se procure difficilement, Antonin a rempli
cette petite fiole à la fontaine la plus voisine,
elle renferme donc une eau pure et parfaite-
ment inoffensive.
— Ah 1 fit le comte.
—U n'en est pas de même de ceci, reprit
M. Lubin, ça tue comme un coup de fou-
dre 1. to
Il tira de la ïaste poche de Son gilet sa ta-
batière d'or, enleva la miniature dont elle
était ornée et sous laquelle apparut un pa-
pier soigneusementplié, de la dimension d'une
pièce de vingt sous.
Puis il enleva ce papier, le déplia lente-
ment, jeta dans le verre d'eau une petite pin-
cée de poudre blanche qu'il contenait, et, ijion-.
trant ce verre à Pierre de peyras"; qui le re-
gardait faire :
— Monsieur de Peyras, lui dit-il, il faut
boire cela.
Pierre recula en frémissant.
— Boire cela ! moi ! balbutia-t-il.
— Y songez-vous, monsieur Lubin? s'écria
le comte à son tour.
■ — Oui, monsieur le comte, -il le faut, ré-
- pondit M. Lubin; car, à l'heure où je vous
parle, Pierre Talbot est reconduit par deux
agents dans sa prison, car avant un'mois il
paraîtra devant la cour d'assises, accusé d'a-
voir assassiné le comte de Fougeraie et de lui
avoir volé ensuite, une sommï de deux cent
mille francs, car alors il nommera son com-
plice,, et ce complice, monsieur le comte, le
voilà.
Et M. Lubin désignait du . doigt Pierre de
Peyras, qui, livide, l'œil hagard et halluciné,
tremblait de tous ses membres.
— Tout ce que je vous dis là, monsieur le
comte, ajouta M. Lubin, est déjà connu de la
_police, et quatre agents dirigés par le fameux
'Lombart, déjà connu de M. Pierre de
Peyras,.gardent toutes les issues de votre hô-
tel. C'est à vous à décider maintenant* si
vous voulez qu'un de Peyras aille porter sa
tête sur l'échafaud ou si vous préférez qu'il
expie ici son crime sans pr:1JH, sans scandale,
, 11 n'y a pas à hériter, monsieur, dit le
comte à son neveu, et j'espère qu'après tant
de souillures, de hontes et d'abaissements, il
vous reste au moins le courage de braver la
mort...
La contenance de Pierre de Peyras disait
assez le contraire.
Les traits affreusement contractés, tout le
corps agité -d'un tremblement nerveux, il
semblait comme hébété par la peur de la
mort.
— Monsieur; lui dit le comte au bout d'un
instant, je ne vous fais pas l'affront de croire
que vous hésitiez.
Main Pierre ne répondit pas.
Le regard fixé sur le liquide fatal, il trem-
blait si fort, qu'on entendait ses dents cla-
auer - l'une contre l'autre.
' — Non, murmura-t-il enfin d'une voix rau-
que, je ne veux pas... je ne veux pas.
— Il le faut, monsieur de Peyras, lui dit
M. Lubin avec un calme inflexible. *
— Comment, reprit-il en roulant autour de
lui des regards désespérés, est-ce que vous ne
pouvez pas me laisser partir? Je ne demande
rien, rien que la liberté, rien que la vie ; - je
quitterai la France, on n'entendra.plus parler
de moi, que vous faut-il de plus à tous deux?
— Vous avez à expier deux crimes, mon-
sieur de Peyras : le meurtre du comte deFou-
j geraie et l'odieuse violence que, vous- avez
| exercée sur la comtesse.
i — Eh bien, non, non, s'écia Pierre avec
! l'obstination de la peur, je ne boirai pas cela,
| je ne veux pas mourir.
i — Vous êtes dès à présent sous la main de
j la justice, répliqua l'inexorable M. Luh'in,
1 tous vos efforts pour vous soustraire à la mort
- seraient superflus, il faut,* vous y résigner^ et
tout ce que je puis faire pour vous est da,
vous laisser le choix entre l'échafaud et ceci.!
Pierre comprit qu'il n'y avait aucun espoir :
de fléchir son redoutable ennemi? |
— Eh bien ! soit, dit-il après un moment dej
réflexion, je choisis la mort que vous m'of-
frez; elle m'évite les angoisses de l'attente et \
la honte. T n
m- C'est bien, répondit „, M. Lubin.
— Seulement je veux mourir seul, sans t$-;
moins. „ v ,.
— Je comprends cela, nous allons sortir. ^
— Adieu, monsieur, lui dit le comte, rè- (
pantez-vous, priez, et, au lieu .de vous ré vol-
ter contre cette fin terrible, acceptez-la comme;
le juste châtiment de vos fautes et de
crimes.
Puis il se dirigea lentement vers la porte 2'-y
sortit avec M. Lubin.. -
En ce moment, par cette porte ouverte, passa y
comme une bouffée d'harmonie, un air a<&
valse pleih de grâce et d'entraînement. $
Et une vision du bal. avec son tourbillon
de femmes enivrées, éblouissantes de parure
et de beauté, traversa tout à coup 1 imagina^ .
tion de Pierre de Peyras. ^
Mourir! moi, quand je sens toutes le^.
ardeurs de la vie et de la passion bouillonner;
dans mes veines ! s'écria-t-iy"'en relevant 1|
tête, oh 1 non, ïTob 1
-Il jeta un regard sur la porte par , laquer
venaient de s'éloigner le/éomte de Peyras ej
M. Lubin. .. "
j — Ils doivent être là, murmura-t-il. ,,,
CONSTANT GUÉROULT
l ,J(Lcfsuite'4 dei^ftin. y ~
à l'église.. , . ,1
C'est pourquoi la commission a, jusqu à
treize ans, fixé à six heures le temps dit tra-
vail de l'enfant ; elle a fai fM¡Jnsi concorder ses
conclusions avec celles de la loi pour l'ins-
truction obligatoire, qui fixe à treize ans la
limite de l'obligation. La commission a fait
une œuvre qu'elle croit-utile en ..cherchant a
concilier tous les intérêts..
M. Cordier voudrait que Ici limite de treize
ans fût abaissée à douze pour le travail de la
journée entière. *
A douze ans," l'enfant de l'ouvrier a fait en
général sa première communion et satisfait
aux obligations scolaires. D'un autre côté,
l'industrie a besoin d'enfants travaillant à
journée entière, et il lui est impossible au-
jourd'hui de les remplacer, si l'article 3 de la
commission est adopté. Il faut aussi tenir
compte du supplément de salaire que le tra-
vail de la journée complète apporte dans les
familles. En résumé, il y a peu d'inf ?-
nients et beaucoup d'avantages à abaisser
d'une.-année la limite fixée par la commission.
- (Très-bien! très-bien!)
M. Joubert repousse l'amendement de M.
Cordier. Il ne croit pas-que la limite fixée
par la commission puisse être abaissée. Pour
sa part, il serait plutôt tenté de l'élever à
quatorze ans. L'industrie, ne souffrira pas
de cette mesure autant que M. Cordier l'a
dit. Et d'ailleurs les intérêts de l'enfance pas-
sent avant tout, et c'est à l'industrie à pren-
dre des mesures pour suppléer .à ce qui peut
lui manquer par suite de la loi nouvelle.
M. le comte de Melun, au nom de la mino-
rité de la commission, appuie l'amendement
de M. Cordier.
MM. Benoist d'Azy, Feray d'Essone et Bal-
san prennent successivement la parole.
M. Paulin Grillon demande que des règle-
ments d'administration publique déterminent
l'applicatiffh de la loi.
M. Tolain demande que la loi détermine
très-strictement les conditions du travail des
enfants, de façon que les agents chargés de
l'appliquer se sentent énergiquement soutenus
par elle. Des règlements d'administration pu-
blique n'auraient pas le même effet. On l'a
bien vu par l'application qui a été faite de la
loi de 1841.
L'Assemblée repousse un amendement de
M. Théophile Roussel sur l'art. 1er.
La séance est levée à cinq heures trente-cinq
minutes. -
DANS PARIS
LES MESSES A LA MÉMOIRE DE NAPOLÉON III
Des messes pour le repos de l'âme de l'empe-i
reur Napoléon III ont été célébrées hier ma-
tin à dix heures, dans un grand nombre d'é-
glises de Paris: à Saint-Germain-l'Auxerrois,
Saint-Augustin, la' Trinité, Sainte-Clotilde,
Saint-Etienne-du-Mont, Saint-Paul, Saint-
Vincent;de-Paul, Saint-Pierre-Montmartre et
Saint-Pierre-Montrouge.
A Sainte-Clotilde, nous avons remarqué,
au miiieu d'un groupe de militaires/ M. le
maréchal Mac-Mahon, commandant de l'ar-
mée C,.-, Versailles, portant le grand cordon
dp la Légion d'honneur et la maréchale Mac-
Mahon, M. et'Mme de Cambacérès;
MM. de Parieu, Duvergier, Plichon, Ma-
gne, de Talhouët, Buffet, Béhic, comfe Daru,
anciens ministres;
MM. de Ségur-d'Aguesseau, Royer et Da-
riste, anciens sénateurs, M. GentEmr, ancien
conseiller d'Etat, lVD/l. Camille Doucet et de
Monteur;
MM. Thoinnet de la Tutmélièré, de Féli-
gonde, Tailhaud,Vimal, général baron Reille,
vicomte Reille, comte de Cessac, Ed. Dalloz,
députés ou anciens députés.
Mmes la maréchale Randon, marquise de
Moustier, de Parieu, de Contesseinf Ed. Dal-
loz, et divers membres de leur famille.
UNE CORDE POUR DEUX PENDUS
Le hasard a des étrangetés qui dépasseront
toujours les plus folles inventions des roman-
ciers, dit la. Patrie.
La scène qui suit s'est passée hier dans un
hôtel garni du boulevard Saint-Germain.
Un pauvre bohème, sans ressources, rentre
chez lui à minuit, désespéré. Au moment o.ù
il passe devant le bureau, la concierge-pro-
priétaire sort furieuse et lui fait une scène
violente pour ses derniers loyers en retard. Le
malheureux nepeut résister à ce dernier coup,
il entre dans sa chambre, décidé à en finir par
le suicide.
Il jette les yeux autour de lui pour trouver
un instrument propice à l'accomplissement de
son projet. Il aperçoit un bout de corde pas-
sant par l'interstice supérieur de la porte com-
muniquant à la chambre voisine..Sans hési-
ter, il ijlit à cette corde un nœud coulant et
se la passe au cou.
La mort fut prompte. Mais ce qui est vrai-
ment inouï, c'est que le matin, pénétrant.
dans l'autre chambre, le garçon trouve un
jeune homme suspendu à une corde contre
l'autre côté de la porte. La corde avait été
fixée par celui-ci sur .le panneau, et, ouvrant
la porte de communication, il en avait laissé
passer un long bout de l'autre côté.
La corde avait fait coup double et portait
nn pendu à chacun de ses bouts.
Le second suicidé avait laissé une lettre an-
nonçant qu'il était las de sa maîtresse, mais
qu'il n'avait pas le courage de la quitter et
préférait se tuer.
L'événement a fait sensation dans le quar-
tier.
Le fils d'un des artistes les plus populaires
de l'ancien théâtre de la <
lettre suivante, que nous croyons intéressant
de reproduire :
« Monsieur le rédacteur,
« La mort de Napoléon III est attribuée,
soit aux séances de' lithotritie trop rappro-
chées, soit aux effets funestes du chloroforme.
« La reconnaissance me fait un devoir de
rappeler dans cette circonstance que, grâce
à la merveilleuse précision de la méthode de
Civiale, un- de ses meilleurs élèves, le docteur
Rochon (du Rhône), est parvenu, sans em-
ployer le chloroforme, à pulvériser en déux
fois une pierre fort grosse dont mon père souf-
frait depuis douze ans. Les séances de broie-
ment étaient si bien supportées par le malade,
qu'il lui était possible, JtJ môme jour, d'aller et
de revenir à pied de la rue Saint-Marc au théâ-
tre du Gymnase, et de répéter dans la pièce
des Bons Villageois, de M. Sardou.
« Recevez, monsieur le rédacteur, mes ci-
vilités empressées,
« HUTIN, dit FRANCISQUE JEUNE FILS:
« S8, faubourg du Temple, à Paris.
« Je vous autorise à publier cette lettre si
bon vous semble. »
Une indisposition de Mlle Bloch a suspendu
les représentations du charmant opéra deDiaz 'Ia
j Coupe du roide Thulé,A lundila5,ereprésentation.
InsensibilisateurDuchesne. Guérison, extrac-
tion et pose de dents SWl$ douleur, 45, rue Làfayette.
TRIPLE EXÉCUTION A SATORY
! Les nommés FENOUILLAS (Jean, dit Phi-
• lippe), né le 12 octobre 1830, à Bordeaux, con-
damné à la peine de mort par le 5e conseil de
guerre de la lro division militaire, pour em-
! bauchage de militaires, assassinat de plusieurs
| otages et notamment de quatre frères de Pic-
i pus, arrestations illégales, avec menaces de
' mor-t et tortures corporelles, et pour incendie
| de maisons hélbitéas, de l'église et de la mai-
J rie de Bercy ;
DECAMP (Louis-Benoît), né le 14 décembre
1831, à Thomery (Seine-et-Marne), condamné
à la-peine de mort par le 5° conseil de guerre
de la lle division militaire, pour, étant à la
tête d'une bande dite des enfants perdus, avoir
pillé des maisons habitées, avoir arrêté et
détenu arbitrairement, avec menaces de mort,
deux concierges, dont l'un a été tué par les
fédérés, avoir incendié, rue de Lille, plu-
sieurs maisons habitées et le palais de la Lé-
gion-d'Honneur;
BÉNOT (Victor-Antoine), né à Paris, le
26 février 1839, condamné une première fois
à la peine de mort par jugement du 60 con-
seil de guerre- de la lro division militaire,
pour complicité d'assassinat commis, rue,
Haxo, su-r des prêtres et des gendarmes, et
qui avait.obtenu la commutation de sa peine
en celle des travaux forcés à perpétuité, con-
damné une seconde fois à la peine de mort
par jugement du 3° conseil de guerre de la
lre division militaire pour incèndie du Lou-
vre et des Tuileries, ont été. exécutés hier
matin, 22 janvier, à Satory.
Les trois condamnés; raconte le Temps,
étaient à la prison de la rue Saint-Pierre
.depuis quelque temps déjà, par suite de la 1
suppression de la prison de Noailles, où J
étaient autrefois détenus les condamnés à la !
peine capitale; de sorte que la formalité ha- !
bituelle du -transfèrement d'une prison à l'au- j
tre n'a pas eu lieu. ' j
Dès quatre heures et demie, tous trois ;
étaient enfermés dans les cellules du rez-de-
chaussée, 5, 6 et 8, où il leur fut permis, sur
leur demande, de boire et manger, ainsi que
d'écrire leurs dernières volontés et leur der-
nier adieu à leur famille. Bénot et Philippe
se sont montrés pleins de flegme et de sang-
froid; seul Décampa, fait preuve d'une grande !
exaltation,
Le cortége funèbre n'a quitté la rue Saint-
Pierre qu'à six heures et demie: M. le colonel
Gaillard et M. le capitaine d'état-major Du-
theil y assistaient.
Decamp, ancien artilleur, est d'une taille
au-dessus de la moyenne; ses compagnons
de supplice sont au contraire trapus et petits;
ils portent paletot noir et casquette; leur dé-
marche est assurée, celle de Philippe surtout.
Quant à Decamp, au sortir de la prison, son
exaltation ne fait que redoubler; on a toutes
les peines du monde à le faire monter, garrotté
qu'il est, dans la dernière voiture.
Enfin, l'on part.
' L'abbé Follet a pris place à côté de Fenoui-
las (Philiope).
Une pluie battante ne cesse de tomber de-
puis six heures ; néanmoins quelques curieux,
bravant les vents et les orages, s'acheminent
vers le plateau de Satory.
Mais, arrivés sur le ebamp de manœuvres
où doit avoir lieù le supplice, les piétons sont
obligés de renoncer à l'entreprise. On enfonce
jusqu'à la cheville dans une boue glissante
et l'on n'avance -point.
Le signal du feu n'a point été cette fois-ci,
comme dans les précédentes, donné par un
simple signe d'épée ; l'adjudant de service a
crié : Feu !
■ C'est, parait-il, la nouvelle théorie mili-
taire qui comporte cette légère modification.
Fenouillas n'a-rien dit.
Decamp a crié : « Je meurs assassiné 1 à
bas les faux témoins ! à bas les avocats ! à
basThiers! »
Bénot a crié : « Vive la République démo-
cratique et sociale 1 vive la Commune 1 vive
l'armée ! »
Ils sont morts tous les trois instantané-
ment. Il n'y a eu aucun accident. Les spec-
teurs étaient peu nombreux..
Nous apprenons que ces exécutions se-
ront probablement les dernières pour
faits relatifs à l'insurrection du 18 mars
1871.
VOYAGE
à travers la France
LA PETITE PRESSE
DANS LES DÉPARTEMENTS
TONNERRE : La lectrice. — La négo-
ciation secrète. — Triomphe diploma-
tique. — Le testament.
Ce fut sur lui que Louis XV et le prince :
'de Conti jetèrent les yeux pour en faire le
chaperon du chevalier. L'Ecossais était fin,;
instruit ; il possédait des connaissances mi*
néralogiques qui pou-vaient lui fournir le
prétexte d'une excursion scientifique. D'ail<
leurs, fils de la Grande-Bretagne, ce seul,
titre était une explication de tous se#
voyages.
Sous son costume de femme, il partit
avec l'Ecossais, et quelques semainès aprèr .
ilarrivait à Saint-Pétersbourg.
- Introduit auprès de l'impératrice de Rus-
sie sous son accoutrement féminin, l'heure.
terrible était arrivée pour le chevalier. Il
se trouvait acculé à ce moment suprême où ''
il lui fallait vaincre ou aller mourir dans
les mines de la Sibérie. -
Il était audacieux et intrépide, il com."; /
m en ça son siège. " î;
Avant qu'il ne parîvnt auprès d'Elisa;"
beth, cependant, de volontaires' indiscré-*,;
tions de la part du roi de France avaient !
fait pressentir à la souveraine le travestisse- ■';
ment du chevalier, car à Sa cour on savait
qu'on pouvait se fier sans trop se tromper à')
ses secrètes sympathies pour la France. "<
En effet, la czarine avait été fiancéa
toute jeune à Louis 'XV, et,. devenue co<;
quette et fort galante, elle se rappelait tou..",
jours tendrement son joli visage. Aussi:
malgré la rupture de son mariage et des j
relations diplomatiques avec le roi de France, -
elle avait conservé pour lui, en dépit dei
Bestucheff, un grand fond d'indulgence. Ii
On comptait aussi à la cour de. France
sur l'appui mystérieux du comte Woroi^J
zow, collègue de Bestueheff au ministère^]
mais qui, contrairement aux vues du prê-j
mier ministre, travaillait, au risque de sali
tête,' à établir une alliance entre .la Russie '
et la France. 1
La czarine ne se fâcha point du strata*.
gême. Au contraire, elle le trouva digne da]
l'esprit de son bien-aimé frère Louis XV,J
et elle en rit de très-bon cœur... f,
C'était donc partie à moitié gagnée pour,
le chevalier. y "1t -
Cependant elle ne pouvait croire à cette pef--',
fection de déguisement ni se persuader que!
! la jolie chevalière qu'elle avait devant elle;;
fût un beau chevalier-, En vain celui-ci pro-i
testa-t-il les yeux baissés de sa qualité mas-.<
culine: en vain Worouzow exhiba-t-il àj
l'appui de sa déclaration les lettres confi-^
dentielles de Versailles, Elisabeth fut in-{.
crédule. Elle y mit de l'entêtement. |j
Quoi qu'il en fut, pour éviter tous soup
çons et pour faciliter les entrevues n-éces-j
saires au succès de la négociation, afin d(&
pouvoir causer plus souvent et plus intime-]
ment des affaires relatives aux intérêts]
communs, pour d'autres motifs, encorej
peut-être auxquels elle pensait, mais qu'elle
n'exprimait pas, Elisabeth décida que ma-,
demoiselle de BeaumoM habiterait son palais;
et serait attachée à sa personne en , qualité'
de lectrice intime et particulière.
N° 139. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
LA TABATIERE
DE
MONSIEUR LUBIN
DEUXIÈME PARTIE
LXI
Les expiations (suite)
Le petit vieillard avait une expression de
gravité imposante qu'il ne lui avait jamais
vue.
Le comte sonna.
• Un domestique parut aussitôt.
— Un verre d'eau, lui demanda le comte.
Un instant après, il était servi.
Quand le domestique se fut retiré, M. 'Lu-
bin dit au comte :
— Comme il fallait éviter jusqu'à l'ombre
du danger et que d'ailleurs un poison violent
se procure difficilement, Antonin a rempli
cette petite fiole à la fontaine la plus voisine,
elle renferme donc une eau pure et parfaite-
ment inoffensive.
— Ah 1 fit le comte.
—U n'en est pas de même de ceci, reprit
M. Lubin, ça tue comme un coup de fou-
dre 1. to
Il tira de la ïaste poche de Son gilet sa ta-
batière d'or, enleva la miniature dont elle
était ornée et sous laquelle apparut un pa-
pier soigneusementplié, de la dimension d'une
pièce de vingt sous.
Puis il enleva ce papier, le déplia lente-
ment, jeta dans le verre d'eau une petite pin-
cée de poudre blanche qu'il contenait, et, ijion-.
trant ce verre à Pierre de peyras"; qui le re-
gardait faire :
— Monsieur de Peyras, lui dit-il, il faut
boire cela.
Pierre recula en frémissant.
— Boire cela ! moi ! balbutia-t-il.
— Y songez-vous, monsieur Lubin? s'écria
le comte à son tour.
■ — Oui, monsieur le comte, -il le faut, ré-
- pondit M. Lubin; car, à l'heure où je vous
parle, Pierre Talbot est reconduit par deux
agents dans sa prison, car avant un'mois il
paraîtra devant la cour d'assises, accusé d'a-
voir assassiné le comte de Fougeraie et de lui
avoir volé ensuite, une sommï de deux cent
mille francs, car alors il nommera son com-
plice,, et ce complice, monsieur le comte, le
voilà.
Et M. Lubin désignait du . doigt Pierre de
Peyras, qui, livide, l'œil hagard et halluciné,
tremblait de tous ses membres.
— Tout ce que je vous dis là, monsieur le
comte, ajouta M. Lubin, est déjà connu de la
_police, et quatre agents dirigés par le fameux
'Lombart, déjà connu de M. Pierre de
Peyras,.gardent toutes les issues de votre hô-
tel. C'est à vous à décider maintenant* si
vous voulez qu'un de Peyras aille porter sa
tête sur l'échafaud ou si vous préférez qu'il
expie ici son crime sans pr:1JH, sans scandale,
, 11 n'y a pas à hériter, monsieur, dit le
comte à son neveu, et j'espère qu'après tant
de souillures, de hontes et d'abaissements, il
vous reste au moins le courage de braver la
mort...
La contenance de Pierre de Peyras disait
assez le contraire.
Les traits affreusement contractés, tout le
corps agité -d'un tremblement nerveux, il
semblait comme hébété par la peur de la
mort.
— Monsieur; lui dit le comte au bout d'un
instant, je ne vous fais pas l'affront de croire
que vous hésitiez.
Main Pierre ne répondit pas.
Le regard fixé sur le liquide fatal, il trem-
blait si fort, qu'on entendait ses dents cla-
auer - l'une contre l'autre.
' — Non, murmura-t-il enfin d'une voix rau-
que, je ne veux pas... je ne veux pas.
— Il le faut, monsieur de Peyras, lui dit
M. Lubin avec un calme inflexible. *
— Comment, reprit-il en roulant autour de
lui des regards désespérés, est-ce que vous ne
pouvez pas me laisser partir? Je ne demande
rien, rien que la liberté, rien que la vie ; - je
quitterai la France, on n'entendra.plus parler
de moi, que vous faut-il de plus à tous deux?
— Vous avez à expier deux crimes, mon-
sieur de Peyras : le meurtre du comte deFou-
j geraie et l'odieuse violence que, vous- avez
| exercée sur la comtesse.
i — Eh bien, non, non, s'écia Pierre avec
! l'obstination de la peur, je ne boirai pas cela,
| je ne veux pas mourir.
i — Vous êtes dès à présent sous la main de
j la justice, répliqua l'inexorable M. Luh'in,
1 tous vos efforts pour vous soustraire à la mort
- seraient superflus, il faut,* vous y résigner^ et
tout ce que je puis faire pour vous est da,
vous laisser le choix entre l'échafaud et ceci.!
Pierre comprit qu'il n'y avait aucun espoir :
de fléchir son redoutable ennemi? |
— Eh bien ! soit, dit-il après un moment dej
réflexion, je choisis la mort que vous m'of-
frez; elle m'évite les angoisses de l'attente et \
la honte. T n
m- C'est bien, répondit „, M. Lubin.
— Seulement je veux mourir seul, sans t$-;
moins. „ v ,.
— Je comprends cela, nous allons sortir. ^
— Adieu, monsieur, lui dit le comte, rè- (
pantez-vous, priez, et, au lieu .de vous ré vol-
ter contre cette fin terrible, acceptez-la comme;
le juste châtiment de vos fautes et de
crimes.
Puis il se dirigea lentement vers la porte 2'-y
sortit avec M. Lubin.. -
En ce moment, par cette porte ouverte, passa y
comme une bouffée d'harmonie, un air a<&
valse pleih de grâce et d'entraînement. $
Et une vision du bal. avec son tourbillon
de femmes enivrées, éblouissantes de parure
et de beauté, traversa tout à coup 1 imagina^ .
tion de Pierre de Peyras. ^
Mourir! moi, quand je sens toutes le^.
ardeurs de la vie et de la passion bouillonner;
dans mes veines ! s'écria-t-iy"'en relevant 1|
tête, oh 1 non, ïTob 1
-Il jeta un regard sur la porte par , laquer
venaient de s'éloigner le/éomte de Peyras ej
M. Lubin. .. "
j — Ils doivent être là, murmura-t-il. ,,,
CONSTANT GUÉROULT
l ,J(Lcfsuite'4 dei^ftin. y ~
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 83.04%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 83.04%.
- Collections numériques similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"Arts de la marionnette Arts de la marionnette /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "Pam1" Bibliothèque Diplomatique Numérique Bibliothèque Diplomatique Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MAEDIGen0" La Grande Collecte La Grande Collecte /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "GCGen1"
- Auteurs similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"Arts de la marionnette Arts de la marionnette /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "Pam1" Bibliothèque Diplomatique Numérique Bibliothèque Diplomatique Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MAEDIGen0" La Grande Collecte La Grande Collecte /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "GCGen1"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 3/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k4713512m/f3.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k4713512m/f3.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k4713512m/f3.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k4713512m/f3.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k4713512m
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k4713512m
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k4713512m/f3.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest