Titre : Le Courrier français
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1842-05-14
Contributeur : Chatelain. Directeur de publication
Contributeur : Durrieu, Xavier (1814-1868). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32749956z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 14 mai 1842 14 mai 1842
Description : 1842/05/14 (N134). 1842/05/14 (N134).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4706028d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-166
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/10/2017
LE COURRIER FRANÇAIS.
I si \134.
r
EDITION DE PARIS.
Samedi 14 Mai.
Pie à Paris, RUE DE GRENELLE-SAINT-HONORÉ, N° 55 (Ilôtel des Fermes), et dans les départemens, chez les libraires, les directeurs des Postes, les directeurs des Messageries de la rue Notre-Dame-des-Victoires et des -
Laffitte" Caillard et (X — Prix de l'abonnement : 20 fr. pour trois mois , 40 fr. pour six mois , et 80 fr. pour l'année. — Les lettres et tout ce qui concerne le Journal doivent être envoyés , franc de port, au directeur du
nçais, à l'adresse ci dessus, où l'on reçoit tous les jours, de neuf à cinq heures , les Annonces et Avis à insérer. — Le prix d'insertion des Annonces est de 80 centimes la ligne.
également les Abonnemens et les Annonces pour le Courrier français, à l'Office de publicité de MM. CLARKn et LEWIS, n° 4, Crown Court, Threadneedle-Street, à Londres.
INTÉRIEUR.
PARIS, 13 Mai.
GUERRE DES TARIFS.
g guerre des tarifs se propage, au détriment de la France;
pagne, les Etats-Unis et l'Angleterre entrent décidément
1 cette voie d'exclusion.
osait que les cortès ont voté un tarif provisoire, qui abolit
prohibitions de l'ancien système ; mais interdit en quelque
sorte le commerce avec l'Espagne aux deux métropoles de
provinces méridionales, à Marseille et à Bordeaux. Le cabi-
de Madrid vient de présenter aux cortès un projet qui l'au-
se à régler, comme il l'entendra, les droits de douane, en
adant la sanction définitive du législateur. Quel usage le
lisière espagnol fera-t-il de ce blanc-seing? L'illusion n'est
permise à cet égard. L'ambassadeur d'Angleterre gouverne
pagne; il usera de son influence pour obtenir que la réduc-
des tarifs porte principalement sur les articles que l'Angle-
re fournit. L'Espagne deviendra une colonie anglaise ; elle
a, comme le Portugal, son traité de Methuen.
iâ conduite des Etats-Unis est encore plus odieuse. Nous
IDS rendu à l'Espagne des services, et nous lui en rendons
sore tous les jours. Mais les Etats-Unis nous doivent ce qu'ils
dans le monde politique, et ils n'existeraient pas à l'état de
lion sans les secours que nous leur avons généreusement prê-
par terre et par mer. Mais le gouvernement américain semble
oir perdu le sens moral depuis que le despotisme du général
rkson, passant comme un ouragan sur ce malheureux pays, y
laissé la démoralisation la plus complète. La banqueroute de-
nt l'état normal du commerce aux Etats-Unis. Les banques
tsuspendu leurs paiemens en espèces, et la plus riche de
utes, la banque de Philadelphie, s'est livrée à des manœu-
its qu'on ne sait comment qualifier; enfin quelques états ont
nonce à payer leurs dettes, et cependant le cabinet de Wa-
iiûgton vient de proposer un emprunt : comme si la bonne foi
ait pas la base première du crédit!
On sait que le congrès américain, sur la proposition du gou-
irnement, avait élevé tous les droits de douane à vingt pour
M (le la valeur des articles importés. C'était déjà une déclara-
is de guerre au commerce européen. Mais le nouveau tarif est
peine promulgué, que le gouvernement des Etats-Unis propose
congrès de l'élever jusqu'à le rendre prohibitif. Et cela se
seau moment où le cabinet de Washington cherchait à'nous
Presser à ses différends avec l'Angleterre sur le droit de vi-
et nous sollicitait de renouer une alliance à laquelle il pa-
S| que nous étions seuls disposés de bonne foi !
w nouveau tarif, dans sa seconde édition, frappe principa-
les produits français. Les vins supporteront un droit de
la 48 p. 0/0 ; les soieries, un droit de 32 p. 0/0 ; les draps ,
icasImlrs, les châles et autres tissus de laine, un droit de
'P-0/0. Ce n'est pas tout : dans le cas où la France ne lève-
ras la prohibition qui pèse sur les tabacs , prohibition pure-
int nominale, puisque la régie s'approvisionne de tabac amé-
3,111 nos marchandises supporteraient un droit additionnel de
M/0. Il n'y a pas de termes assez sévères pour qualifier
Apolitique qui ne sait réparer les fautes de son administra-
qu'en rançonnant les étrangers; et, entre tous les étrangers,
ceux qui avaient tendu une main secourable à cette jeune répu-
blique , les concitoyens de Lafayette, les Français !
Passons maintenant à l'Angleterre. Ici du moins le principe
de la liberté commerciale a gagné du terrain. On ne se montre
exclusif qu'à l'égard de la France ; encore lui fait-on entendre
que si elle veut traiter sur la base d'une large réciprocité, on
est disposé à réduire les tarifs en sa faveur.
L'état de nos relations avec le cabinet britannique ne doit pas
nous empêcher de rendre justice à la réforme qu'accomplit en
ce moment sir Robert Peel. Il a réduit, bien que dans une faible
proportion, les droits sur les blés, et il a le courage que l'on
n'a pas en France, malgré la cherté croissante de la viande, d'é-
tablir un droit de 25 fr. par tête sur les bestiaux dont l'impor-
tation était auparavant prohibée. Avec l'organisation de l'Angle-
terre, et en présence d'une aristocratie qui tire tous ses revenus
du sol, c'est là un acte bien honorable mais bien hardi. On n'a-
vait jamais vu , avant le duc de Wellington et sir Robert Peel,
les torys disputer aux whigs le mérite de réformer les abus qui
pesaient sur la nation.
Le mal dont souffre aujourd'hui la Grande-Bretagne, c'est le
défaut de débouchés extérieurs. Les forces de ce corps gigan-
tesque ne trouvent pas d'emploi. L'Angleterre a une surabon-
dance de bras et de capitaux. Il y a six mois, l'argent valait à
Londres plus de 6 p. 0/0 ; aujourd'hui l'on ne peut pas trouver
à placer des fonds à 2 p. 0/0 sur bonnes valeurs. La banque a
dans ses caisses plus de 200 millions en espèces. Et cela se passe
cendant que les ouvriers errent dans les rues sans travail, et
pue le gouvernement sollicite, par le ministère des évêques, la
qharité publique en leur faveur.
Nous avons insisté sur la situation que font à notre commerce
les mauvaises tendances de l'Espagne, des Etats-Unis et de l'An-
gleterre, parce qu'il est nécessaire que le gouvernement français
commence à s'en préoccuper. M. Guizot a institué à grand bruit
une commission qui devait considérer l'état de nos relations com-
merciales, et lui soumettre des projets de traités. Ces plans, qui
sont peut-être fort beaux sur le papier, iront s'enterrer dans les
cartons des affaires étrangères. Il faudrait agir davantage, dût-
on délibérer un peu moins.
De quelle nature doit être l'action du gouvernement ? Le Na-
tional pressait, il y a quelques jours, le cabinet français d'user
de représailles à l'égard de l'Angleterre ; le Commerce demande
aujourd'hui des représailles contre les Etats-Unis. Nous vou-
drions, pour notre part, que l'on envisageât la question de plus
haut; car il y a autre chose à faire que de combattre, à grands
coups de tarifs, les nations avec lesquelles nous échangeons nos
produits.
Le gouvernement doit avoir deux objets principaux en vue ,
s'il veut améliorer la position de la France : d'abord la réforme
des tarifs de douane dans l'intérêt des consommateurs, afin que
les classes laborieuses aient les subsistances à bon marché ; et
dans l'intérêt du trésor, dont notre système prohibitif diminue
le revenu naturel. Il faut que la douane rende 200 millions en
France ; il faut que la viande cesse d'être une consommation de
luxe et qu'elle entre dans la nourriture de l'ouvrier.
A côté de ces mesures, nous voudrions que l'on négociât pour
établir, par l'échange des rapports commerciaux, une vaste fé-
dération entre la France et les peuples voisins. Un traité a été
proposé par la Belgique ; d'où vient que l'on n'a pas repris les
négociations? Le gouvernement sarde a fait des ouvertures; qui
empêche M. Guizot de les accueillir? Au lieu de disputer avec
le régent d'Espagne sur un point d'étiquette, ne serait-il pas
plus utile de stipuler les intérêts de notre industrie ? Si l'Angle-
terre veut admettre nos vins, nos eaux-de-vie et nos soieries,
nous avons intérêt à signer le traité qui demeure en suspens de-
puis deux ans. En nous unissant aux Etats-Unis pour les ques-
tions politiques, nous tiendrons le cabinet de Londres en échec ;
en resserrant nos relations commerciales avec l'Angleterre, nous
rendrons les Etats-Unis plus traitables sur ce point. Prenons
davantage conseil de nos intérêts; nous reviendrons^ la politi-
que chevaleresque quand le monde sera moins :CT ste et prê-
tera l'oreille aux grandes idées. /i/?>} / /
° / / a /,///A/ /
~
Le National avait supposé que l'autorité judiciaire ne poursui-
vait pas l'enquête déjà commencée sur le déplorable événement
de Meudon. Si le National se trompait, il était bien facile de l'é-
clairer ; les rédacteurs de ce journal ne se seraient pas refusés
à rectifier des impressions dont l'erreur leur aurait été démon-
trée. En tout cas , l'administration avait ses journaux pour dé-
mentir une supposition qui était sans fondement. Mais, au lieu
de répondre au National, on a préféré le saisir. Le gouverne-
ment est ainsi fait chez nous, qu'il croirait s'abaisser en se diri-
geant dans sa conduite par les lumières du bon sens , et qu'un
procès lui paraît un expédient beaucoup plus simple qu'un avis
de quatre lignes inséré dans le Messager ou dans le Moniteur.
On ne nous persuadera jamais que l'honneur de M. le procu-
reur du roi exigeât cette satisfaction. Si le zèle que M. Desmor-
tiers apporte dans l'exercice de ses fonctions judiciaires est bien
réel, il n'a pas besoin de le faire constater par un arrêt de la
cour d'assises. En équité d'ailleurs, avant de venir devant le
jury, il faudrait avoir épuisé les voies de conciliation; et c'est
ce que M. le procureur du roi n'a pas même tenté. Le National
déclare aujourd'hui qu'il considère la susceptibilité de M. Des-
mortiers comme tenant à un sentiment honorable, et qu'il aurait
rectifié son article sur un simple avis du parquet. Le procès ne
tombe-t-il pas devant cette déclaration?
Une mesure aussi violente que l'est la saisie d'un journal ne
peut trouver son excuse que dans une nécessité d'ordre public.
Nous cherchons vainement à nous rendre compte des considé-
rations de ce genre qui auraient déterminé l'action intentée au
National. Loin de se livrer à quelque déclamation passionnée
contre le gouvernement, le National, dans cette question , pro-
voquait le gouvernement à exercer toute l'étendue des pouvoirs
dont la société l'a investi. Ce n'était pas à l'administration à lui
en savoir mauvais gré. Il y a plus que de la malveillance, il y a
de l'ingratitude dans le procès que l'on fait à ce journal.
Le ministère s'est plaint quelquefois de la vivacité qui pénètre
dans la polémique. Comment la discussion pourrait-elle ne pas
s'aigrir entre l'opposition et le pouvoir, lorsque le pouvoir ne
répond aux argumens que par des procès ? L'attitude des partis
se règle dans tout pays sur celle du gouvernement. Un minis-
tère conciliant et scrupuleux, quelle que soit sa couleur politi-
que, désarme nécessairement les opinions. Un ministère irasci-
ble par tempérament ou par calcul doit exaspérer ses adversai-
res. Et si le parti radical, dont la modération est aujourd'hui
remarquable, ne s'est pas jeté sur la pente où le gouvernement
le poussait, il en faut rendre grace aux mœurs de notre époque»
qui ne tolèrent d'autres violences que celles du pouvoir^/^^^
iBIflinillill> IH II IWMaiMllglBnilTlMMMWMIMlIMMa lit 'H rtilMIWlIWIill IJ II É*H W—I—1W1I lim 11 il Un I. Il |m ml*
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE.
ACE, satires et épîtres, traduction en vers et en prose de M. Goupy.
it H LPSY'lraduit de l'anglais, de James. — JUSTIN , L'ANDORRE ,
' Elle Berthet. — LE LORD BOHÉMIEN, de M. Alfred Dessessarts.
ji" de Julvecotlrt. — LA COUPE DE CORAIL, par M"e M. Waldor. —
^mes Lefebvre. — POÉSIES. — LE GRAND CHEMIN DE LA POSTÉ-
Cn!0us garde de vouloir ajouter un commentaire de plus aux nom-
IIDOL entaires ont élaborés à propos du poète Horace. On
Ktef[a}1 une bibliothèque entière avec les remarques et observations
ieSe, (livers scholiastes se sont crus obligés de faire sur les odes, les sa-
iirai, ,s Épures de l'ami de Mécène. Horace n'a pas manqué non plus
""bitn h'S ell prose et en vers, et il faut un certain courage et une vo-
ler abord Pour affronter l'indifférence que doit rencontrer au pre-
lit r une entreprise de ce genre. Il est peu de gens sur qui Horace
force d'il a peu près l'effet que lord Byrori décrit dans Childe-Harold.
?VOl-r eu les oreilles rebattues au collége de Mécénat a'avis ou
'tod 1™ jettis, on a presque pris Horace en grippe, et pour le relire on
Heimii sur la tète toutes les neiges du Soracte. Horace d'ailleurs
J vieillards : le sens et l'esprit de ses épîtres plaisent à
uven,ence * ^>e » et ses odes amoureuses réchauffent de tous les
tou, 3 ar e s de la jeunesse les cœurs qui commencent à s'éteindre.
"UUMB également sur la philosophie prêchée par Horace, et l'on
ii,L'e Ppète a célébré heureusement le bonheur de la médiocrité do-
Massin aince lendemain, le doux oubli procuré par le Falerne ou
^se ivr' s baisers inconstans mais toujours adorés de la volup-
!^ils QY le, de la capricieuse Glicère, de la légère Pyrrha, et les relus
^Hent ha fugitive Chloé! Ce facile arrangement de la vie , ces désirs
^etenn°hrés parce qu'ils sont toujours satisfaits, cet égoïsme tem-
Ils lu'nn par la pensée, exercent une grande séduction sur les es-
•C ar.nommés épicuriens, et qui craignent avant tout la douleur
% V1 est, pour ainsi dire, à tort, qu'on compte Horace parmi les
*ters In iUesJ lui, troubler sa tranquillité, en ameutant Rome contre
^non'-ii luttant seul contre tous , non; se créer des ennemis achar-
ïi'h vaut mieux boire et chanter avec ses amis sous les ombra-
le dans op Aussi. Horace a-t-il maintenu presque constamment la sa-
iipefmi,®.généralités des moeurs; il s'attaqua peu aux personnes; il
Ces i* de supposer que beaucoup des noms auxquels s'adres-
de Prunaades ne sont que des noms supposés. Enfin , il se hâta
cnoncer à cette besogne , que devait accomplir le bouillant
inférait manier la flatterie; il était maître expert dans cet art.
te la '10 guste, et l'aimable Virgile, en surent quelque chose, et en-
?'°ués Ï A e d'Horace était si doncc qu'ils ne se trouvaient jamais as-
, :!IlèIl1e' ç" poète ne les contentait pas. Le maître du monde se plaignait
Jlécûnl.p1 l'on en croit Suétone, Auguste écrivait à Horace : « Je suis
IItes, sachez le bien; vous ne parlez point de moi dans vos
IDit été mni ez"Vous d'être diffamé auprès de la postérité en paraissant
énîi ami,> Ainsi disait le prince au poète ; il sollicitait sa place
%ea,ii .,e8; noble lettre qui fait honneur à tous deux. Certes, un
Nessp enlendait si bien lui-même à louer méritait de l'être! Quelle
l'île et ell\ esprit dans ces quelques lignes ! que cette intimité est insi-
euse! Horace aurait-il pu résister à ce charme décevant?
î^fle B pour la littérature où ceux qui tiennent en main les des-
sur i. ers s'appuient avec une si gracieuse intimité sur l intelli-
la Poésie ; aussi font-ils éclore des hommes de génie ; aussi
deviennent-ils immortels comme eux et par eux. Auguste ne l'ignorait
pas. Horace et Virgile ne lui ont pas fait défaut.
Si on juge Horace au point de vue de l'histoire et personnellement, on le
blâme de b'etre laissé aller à la séduction d'Auguste et d'avoir accordé la
faveur de ses éloges au sanglant ordonnateur de tant de proscriptions.
On lui en veut de ne pas être resté fidèle aux mânes de Brutus et de Cas-
sius, après avoir combattu dans les champs de Philippes contre la tyrannie
d'Octave. On lui passe à la rigueur d'avoir abandonné son boucher. re-
lictâ non betiè parmulâ . quoique ce ne soit pas bien, ainsi qu'il le dit lui-
même ; mais tant de Draves gens s'étaient vus forcés de fuir ; cette re-
traite précipitée n'avait-elle pas entraîné C. Pompeius Varus lui-même ,
vaillant homme de guerre, qui courut ensuite s'exposer à de nouveaux
dangers ? Horace avait fait ses preuves du reste ; depuis qu'il avait quitté
les portiques de l'Académie, où il était allé chercher les leçons de la sa-
gesse, pour s'enrôler sous les drapeaux de Brutus, il avait vu plus d'une
fois la mort de près. Souvent il avait cru son dernier jour arrivé sous un
terrible chef tel que Brutus (Bruto militiœ duce). It était la§ de la guerre,
Mars ne lui convenait plus ; il invoqua Mercure qui l'emporta sur ses
ailes légères:
Sed me per hostes Mercuriut celer,
Denso paventem sustulit aere.
Horace croyait avoir acquis le droit de choisir ses dieux.
Les commentateurs ont voulu (que ne veulent pas les commentateurs!)
qu'Horace ait dans ces deux vers que nous venons de citer fait allusion
à Auguste, parce qu'il le compare dans la seconde ode, au fils de Maïa.
Il est très probable, comme l'a remarqué M. Dacier, qu'Horace se rappelle
poétiquement les combats décrits par Homère, dans lesquels un dieu
protecteur vient au secours des guerriers faiblissans, et les enve-
loppe dans un nuage, pour les empêcher de plier devant l'ennemi qui triom-
phe. Ce nuage sauve leur honneur. Horace plaisante trop gaiement et
trop ouvertement sur sa fuite pour qu'on puisse y imprimer une tache de
lâcheté. Beaucoup de braves gens avaient comme lui laissé leur bouclier,
et il n'y eut que Brutus qui, dans cette défaite, préférât tomber sur son
épée. Brutus était le dernier des Romains , Horace n'était que le premier
poète de son temps.
Horace, dans les Odes, a montré trop d'élévation de cœur et d esprit
pour qu'on ne respecte pas sa mémoire; l'auteur des belles strophes sur
la grande ame de Caton et sur le supplice de Régulus, celui qui a buriné
l'impassible figure de l'homme juste , debout sur les débris du monde,
n'était pas de ceux qui manquent de courage. C'est Horace qui a écrit :
Dulce et decorum est pro patrià morio
Il a dit encore que l'on doit craindre la honte plus que la mort :
Pejusque leteo flagitium timet.
Non certes, on ne saurait inculper la fermeté de son caractère ; mais,
poète avant tout, il n'était nas fait pour les combats. Il aimait les ombra-
ges, le murmure du ruisseau grondant autour des amphores mises a rafraî-
chir dans les ondes, les charmes de la paix, de l'amitié et des arts. Voilà
pourquoi dans ce vieux nwnde romain , tant troublé de discordes et qui
commençait à respirer sous Auguste, il se rattacha au chef de l'empire,
de même que son ami Virgile, qui, pour quelques arpens de terre con-
servés, chantait aussi lui les bienfaits d'Auguste : Deus nobit hœc olia
fecit... C'étaient les doux loisirs qu'ils célébraient à l'envi dans la per-
sonne du souverain. Horace en avait fini avec la bravoure du soldat !
Notre poète porta dans sa vie privée une certaine solidité que prouvent
Ises ouvrages. Nous avons déjà fait observer qu'il ne commençait guère
qu'à regret les hostilités, mais il ne les redoutait pas : « Ma plume ne
blessera jamais la première ame qui vive, s écnait-il dans une de ses sa-
tires; elle me protégera seulement ainsi qu'une épée dans le fourreau:
pourquoi l'en tirerais-je ; ne suis je pas à l'abri des larrons ?... Jupiter.
notre roi, notre père à tous, puisse cette arme oisive périr de rouille, et
nul ne me forcer à sortir de mon cher repos. Mais malheur à qui m'atta-
quera ! Il eût mieux fait de ne point me toucher (melius non tangere) ;
j'en ferai la risée de Rome. - N'est-ce pas là le langage des honnêtes gens.
Melius non tangere, telle est la devise que doivent adopter les écrivains
qui, exempts de fanfaronnades, conservent, sous des apparences d'insou-
ciance et d'abandon, toute la vigueur de leur ame, pour faire respecter à
l'occasion leur personne ou leur talent. Melius non tangere !
Une chose à signaler, c'est que le poète Horace, sous les préceptes littérai-
res duquel on a voulu ranger depuis les poètes ses successeurs, a été dans
son temps un novateur. Nul n'a mieux soutenu que lui la liberté de l'art.
Ecoutez le bien , critiques qui n'admirez que le passé : « Quiconque s'é-
lève au-dessus des autres et les efface blesse par son éclat ; il ne sera
aimé qu'après sa mort... Tout ce qui n'a pas fait son temps, tout ce qui
n'a, pas disparu de la terre n'obtient du vulgaire que dédain et haine ; et
pour les anciens son admiration va jusqu'à dire sans cesse que les muses
elles-mêmes ont dicté sur le Mont-Albain et les tables effroi du crime,
promulguées par les décemvirs, et les traités de nos rois avec les Gabions
et les Sabins, et les livres des pontifes et les vieux volumes d'oracles. Si
le temps seul fait les bons poèmes, comme seul il fait les bons vins, je
voudrais savoir combien il faut d'années pour leur donner tout ieur prix.
L'écrivain mort depuis cent ans doit il étre classé parmi les anciens et
parfaits ou parmi les nouveaux et méprisables ? Voyons : que la fixation
d'un terme prévienne toute contestation. Mettons que ce soit après cent
ans qu'on est ancien et louable. Celui dont la mort datera d'une année,
d'un mois de moins, où le placerons-nous? Sera-1 il ancien ou de ceux
que l'âge présent et le suivant mépriseront? Pour le court espace U'H»
mois ou même de toute une année on ne doit pas être moins honorable-
ment placé. — Tu l'accordes! Je pars de là, et de même qu'on arrache
peu à peu les crins d'un cheval, j'ôte un an, puis un autre, jusqu'à ce
que tombe l'échafaudage du critique qui a besoin d'annales pour évaluer
le mérite, et qui n'éprouve d'admiration que pour ce que Libitine a con. -
sacré. -
Il n'est certes pas possible de montrer plus d'esprit et de fine ironie
en défendant cette cause, qui se renouvelle sans cesse ; car le poète qui
cherche d'une main à saisir l'avenir est obligé de lutter de l'autre avec le
passé.
Le nouveau traducteur d'Horace , M. Goupy , a vécu pendant prés de
trente ans dans l'intimité de son poète, et il a voulu mettre enfin le publie
dans la confidence de ce commerce qui n'est jamais sans profit. Versifica-
teur expérimenté, prosateur élégant, il a rendu avec beaucoup de charme
et avec un grand soin les idées de son auteur. Nous avons cité çà et là
quelques fragmens de sa traduction en prose, car il a jugé avec raison
que les satires et les épîtres avaient besoin d'une exactitude que les vers
leur auraient refusée ; nous voulons maintenant, en prenant une des odes
faire apprécier la manière poétique du traducteur. Prenons l'ode à umue,ChloS'
qui a subi tant d'imitations :
Jeune Chloé, tu fuis quand tu me vois,
Comme le faon séparé de sa mère,
Son œil errant, son oreille légère
Ecoutent l'air, interrogent les bois -
Qu'un doux zéphir dans les feuilles frémisse
Qu'un vert lézard dans les buissons se glisse *
son genou tremble, il chancelle, et la neur
D un froid soudain fait tressaillir son coeur.,,
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EDITION DE PARIS.
Samedi 14 Mai.
Pie à Paris, RUE DE GRENELLE-SAINT-HONORÉ, N° 55 (Ilôtel des Fermes), et dans les départemens, chez les libraires, les directeurs des Postes, les directeurs des Messageries de la rue Notre-Dame-des-Victoires et des -
Laffitte" Caillard et (X — Prix de l'abonnement : 20 fr. pour trois mois , 40 fr. pour six mois , et 80 fr. pour l'année. — Les lettres et tout ce qui concerne le Journal doivent être envoyés , franc de port, au directeur du
nçais, à l'adresse ci dessus, où l'on reçoit tous les jours, de neuf à cinq heures , les Annonces et Avis à insérer. — Le prix d'insertion des Annonces est de 80 centimes la ligne.
également les Abonnemens et les Annonces pour le Courrier français, à l'Office de publicité de MM. CLARKn et LEWIS, n° 4, Crown Court, Threadneedle-Street, à Londres.
INTÉRIEUR.
PARIS, 13 Mai.
GUERRE DES TARIFS.
g guerre des tarifs se propage, au détriment de la France;
pagne, les Etats-Unis et l'Angleterre entrent décidément
1 cette voie d'exclusion.
osait que les cortès ont voté un tarif provisoire, qui abolit
prohibitions de l'ancien système ; mais interdit en quelque
sorte le commerce avec l'Espagne aux deux métropoles de
provinces méridionales, à Marseille et à Bordeaux. Le cabi-
de Madrid vient de présenter aux cortès un projet qui l'au-
se à régler, comme il l'entendra, les droits de douane, en
adant la sanction définitive du législateur. Quel usage le
lisière espagnol fera-t-il de ce blanc-seing? L'illusion n'est
permise à cet égard. L'ambassadeur d'Angleterre gouverne
pagne; il usera de son influence pour obtenir que la réduc-
des tarifs porte principalement sur les articles que l'Angle-
re fournit. L'Espagne deviendra une colonie anglaise ; elle
a, comme le Portugal, son traité de Methuen.
iâ conduite des Etats-Unis est encore plus odieuse. Nous
IDS rendu à l'Espagne des services, et nous lui en rendons
sore tous les jours. Mais les Etats-Unis nous doivent ce qu'ils
dans le monde politique, et ils n'existeraient pas à l'état de
lion sans les secours que nous leur avons généreusement prê-
par terre et par mer. Mais le gouvernement américain semble
oir perdu le sens moral depuis que le despotisme du général
rkson, passant comme un ouragan sur ce malheureux pays, y
laissé la démoralisation la plus complète. La banqueroute de-
nt l'état normal du commerce aux Etats-Unis. Les banques
tsuspendu leurs paiemens en espèces, et la plus riche de
utes, la banque de Philadelphie, s'est livrée à des manœu-
its qu'on ne sait comment qualifier; enfin quelques états ont
nonce à payer leurs dettes, et cependant le cabinet de Wa-
iiûgton vient de proposer un emprunt : comme si la bonne foi
ait pas la base première du crédit!
On sait que le congrès américain, sur la proposition du gou-
irnement, avait élevé tous les droits de douane à vingt pour
M (le la valeur des articles importés. C'était déjà une déclara-
is de guerre au commerce européen. Mais le nouveau tarif est
peine promulgué, que le gouvernement des Etats-Unis propose
congrès de l'élever jusqu'à le rendre prohibitif. Et cela se
seau moment où le cabinet de Washington cherchait à'nous
Presser à ses différends avec l'Angleterre sur le droit de vi-
et nous sollicitait de renouer une alliance à laquelle il pa-
S| que nous étions seuls disposés de bonne foi !
w nouveau tarif, dans sa seconde édition, frappe principa-
les produits français. Les vins supporteront un droit de
la 48 p. 0/0 ; les soieries, un droit de 32 p. 0/0 ; les draps ,
icasImlrs, les châles et autres tissus de laine, un droit de
'P-0/0. Ce n'est pas tout : dans le cas où la France ne lève-
ras la prohibition qui pèse sur les tabacs , prohibition pure-
int nominale, puisque la régie s'approvisionne de tabac amé-
3,111 nos marchandises supporteraient un droit additionnel de
M/0. Il n'y a pas de termes assez sévères pour qualifier
Apolitique qui ne sait réparer les fautes de son administra-
qu'en rançonnant les étrangers; et, entre tous les étrangers,
ceux qui avaient tendu une main secourable à cette jeune répu-
blique , les concitoyens de Lafayette, les Français !
Passons maintenant à l'Angleterre. Ici du moins le principe
de la liberté commerciale a gagné du terrain. On ne se montre
exclusif qu'à l'égard de la France ; encore lui fait-on entendre
que si elle veut traiter sur la base d'une large réciprocité, on
est disposé à réduire les tarifs en sa faveur.
L'état de nos relations avec le cabinet britannique ne doit pas
nous empêcher de rendre justice à la réforme qu'accomplit en
ce moment sir Robert Peel. Il a réduit, bien que dans une faible
proportion, les droits sur les blés, et il a le courage que l'on
n'a pas en France, malgré la cherté croissante de la viande, d'é-
tablir un droit de 25 fr. par tête sur les bestiaux dont l'impor-
tation était auparavant prohibée. Avec l'organisation de l'Angle-
terre, et en présence d'une aristocratie qui tire tous ses revenus
du sol, c'est là un acte bien honorable mais bien hardi. On n'a-
vait jamais vu , avant le duc de Wellington et sir Robert Peel,
les torys disputer aux whigs le mérite de réformer les abus qui
pesaient sur la nation.
Le mal dont souffre aujourd'hui la Grande-Bretagne, c'est le
défaut de débouchés extérieurs. Les forces de ce corps gigan-
tesque ne trouvent pas d'emploi. L'Angleterre a une surabon-
dance de bras et de capitaux. Il y a six mois, l'argent valait à
Londres plus de 6 p. 0/0 ; aujourd'hui l'on ne peut pas trouver
à placer des fonds à 2 p. 0/0 sur bonnes valeurs. La banque a
dans ses caisses plus de 200 millions en espèces. Et cela se passe
cendant que les ouvriers errent dans les rues sans travail, et
pue le gouvernement sollicite, par le ministère des évêques, la
qharité publique en leur faveur.
Nous avons insisté sur la situation que font à notre commerce
les mauvaises tendances de l'Espagne, des Etats-Unis et de l'An-
gleterre, parce qu'il est nécessaire que le gouvernement français
commence à s'en préoccuper. M. Guizot a institué à grand bruit
une commission qui devait considérer l'état de nos relations com-
merciales, et lui soumettre des projets de traités. Ces plans, qui
sont peut-être fort beaux sur le papier, iront s'enterrer dans les
cartons des affaires étrangères. Il faudrait agir davantage, dût-
on délibérer un peu moins.
De quelle nature doit être l'action du gouvernement ? Le Na-
tional pressait, il y a quelques jours, le cabinet français d'user
de représailles à l'égard de l'Angleterre ; le Commerce demande
aujourd'hui des représailles contre les Etats-Unis. Nous vou-
drions, pour notre part, que l'on envisageât la question de plus
haut; car il y a autre chose à faire que de combattre, à grands
coups de tarifs, les nations avec lesquelles nous échangeons nos
produits.
Le gouvernement doit avoir deux objets principaux en vue ,
s'il veut améliorer la position de la France : d'abord la réforme
des tarifs de douane dans l'intérêt des consommateurs, afin que
les classes laborieuses aient les subsistances à bon marché ; et
dans l'intérêt du trésor, dont notre système prohibitif diminue
le revenu naturel. Il faut que la douane rende 200 millions en
France ; il faut que la viande cesse d'être une consommation de
luxe et qu'elle entre dans la nourriture de l'ouvrier.
A côté de ces mesures, nous voudrions que l'on négociât pour
établir, par l'échange des rapports commerciaux, une vaste fé-
dération entre la France et les peuples voisins. Un traité a été
proposé par la Belgique ; d'où vient que l'on n'a pas repris les
négociations? Le gouvernement sarde a fait des ouvertures; qui
empêche M. Guizot de les accueillir? Au lieu de disputer avec
le régent d'Espagne sur un point d'étiquette, ne serait-il pas
plus utile de stipuler les intérêts de notre industrie ? Si l'Angle-
terre veut admettre nos vins, nos eaux-de-vie et nos soieries,
nous avons intérêt à signer le traité qui demeure en suspens de-
puis deux ans. En nous unissant aux Etats-Unis pour les ques-
tions politiques, nous tiendrons le cabinet de Londres en échec ;
en resserrant nos relations commerciales avec l'Angleterre, nous
rendrons les Etats-Unis plus traitables sur ce point. Prenons
davantage conseil de nos intérêts; nous reviendrons^ la politi-
que chevaleresque quand le monde sera moins :CT ste et prê-
tera l'oreille aux grandes idées. /i/?>} / /
° / / a /,///A/ /
~
Le National avait supposé que l'autorité judiciaire ne poursui-
vait pas l'enquête déjà commencée sur le déplorable événement
de Meudon. Si le National se trompait, il était bien facile de l'é-
clairer ; les rédacteurs de ce journal ne se seraient pas refusés
à rectifier des impressions dont l'erreur leur aurait été démon-
trée. En tout cas , l'administration avait ses journaux pour dé-
mentir une supposition qui était sans fondement. Mais, au lieu
de répondre au National, on a préféré le saisir. Le gouverne-
ment est ainsi fait chez nous, qu'il croirait s'abaisser en se diri-
geant dans sa conduite par les lumières du bon sens , et qu'un
procès lui paraît un expédient beaucoup plus simple qu'un avis
de quatre lignes inséré dans le Messager ou dans le Moniteur.
On ne nous persuadera jamais que l'honneur de M. le procu-
reur du roi exigeât cette satisfaction. Si le zèle que M. Desmor-
tiers apporte dans l'exercice de ses fonctions judiciaires est bien
réel, il n'a pas besoin de le faire constater par un arrêt de la
cour d'assises. En équité d'ailleurs, avant de venir devant le
jury, il faudrait avoir épuisé les voies de conciliation; et c'est
ce que M. le procureur du roi n'a pas même tenté. Le National
déclare aujourd'hui qu'il considère la susceptibilité de M. Des-
mortiers comme tenant à un sentiment honorable, et qu'il aurait
rectifié son article sur un simple avis du parquet. Le procès ne
tombe-t-il pas devant cette déclaration?
Une mesure aussi violente que l'est la saisie d'un journal ne
peut trouver son excuse que dans une nécessité d'ordre public.
Nous cherchons vainement à nous rendre compte des considé-
rations de ce genre qui auraient déterminé l'action intentée au
National. Loin de se livrer à quelque déclamation passionnée
contre le gouvernement, le National, dans cette question , pro-
voquait le gouvernement à exercer toute l'étendue des pouvoirs
dont la société l'a investi. Ce n'était pas à l'administration à lui
en savoir mauvais gré. Il y a plus que de la malveillance, il y a
de l'ingratitude dans le procès que l'on fait à ce journal.
Le ministère s'est plaint quelquefois de la vivacité qui pénètre
dans la polémique. Comment la discussion pourrait-elle ne pas
s'aigrir entre l'opposition et le pouvoir, lorsque le pouvoir ne
répond aux argumens que par des procès ? L'attitude des partis
se règle dans tout pays sur celle du gouvernement. Un minis-
tère conciliant et scrupuleux, quelle que soit sa couleur politi-
que, désarme nécessairement les opinions. Un ministère irasci-
ble par tempérament ou par calcul doit exaspérer ses adversai-
res. Et si le parti radical, dont la modération est aujourd'hui
remarquable, ne s'est pas jeté sur la pente où le gouvernement
le poussait, il en faut rendre grace aux mœurs de notre époque»
qui ne tolèrent d'autres violences que celles du pouvoir^/^^^
iBIflinillill> IH II IWMaiMllglBnilTlMMMWMIMlIMMa lit 'H rtilMIWlIWIill IJ II É*H W—I—1W1I lim 11 il Un I. Il |m ml*
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE.
ACE, satires et épîtres, traduction en vers et en prose de M. Goupy.
it H LPSY'lraduit de l'anglais, de James. — JUSTIN , L'ANDORRE ,
' Elle Berthet. — LE LORD BOHÉMIEN, de M. Alfred Dessessarts.
ji" de Julvecotlrt. — LA COUPE DE CORAIL, par M"e M. Waldor. —
^mes Lefebvre. — POÉSIES. — LE GRAND CHEMIN DE LA POSTÉ-
Cn!0us garde de vouloir ajouter un commentaire de plus aux nom-
IIDOL entaires ont élaborés à propos du poète Horace. On
Ktef[a}1 une bibliothèque entière avec les remarques et observations
ieSe, (livers scholiastes se sont crus obligés de faire sur les odes, les sa-
iirai, ,s Épures de l'ami de Mécène. Horace n'a pas manqué non plus
""bitn h'S ell prose et en vers, et il faut un certain courage et une vo-
ler abord Pour affronter l'indifférence que doit rencontrer au pre-
lit r une entreprise de ce genre. Il est peu de gens sur qui Horace
force d'il a peu près l'effet que lord Byrori décrit dans Childe-Harold.
?VOl-r eu les oreilles rebattues au collége de Mécénat a'avis ou
'tod 1™ jettis, on a presque pris Horace en grippe, et pour le relire on
Heimii sur la tète toutes les neiges du Soracte. Horace d'ailleurs
J vieillards : le sens et l'esprit de ses épîtres plaisent à
uven,ence * ^>e » et ses odes amoureuses réchauffent de tous les
tou, 3 ar e s de la jeunesse les cœurs qui commencent à s'éteindre.
"UUMB également sur la philosophie prêchée par Horace, et l'on
ii,L'e Ppète a célébré heureusement le bonheur de la médiocrité do-
Massin aince lendemain, le doux oubli procuré par le Falerne ou
^se ivr' s baisers inconstans mais toujours adorés de la volup-
!^ils QY le, de la capricieuse Glicère, de la légère Pyrrha, et les relus
^Hent ha fugitive Chloé! Ce facile arrangement de la vie , ces désirs
^etenn°hrés parce qu'ils sont toujours satisfaits, cet égoïsme tem-
Ils lu'nn par la pensée, exercent une grande séduction sur les es-
•C ar.nommés épicuriens, et qui craignent avant tout la douleur
% V1 est, pour ainsi dire, à tort, qu'on compte Horace parmi les
*ters In iUesJ lui, troubler sa tranquillité, en ameutant Rome contre
^non'-ii luttant seul contre tous , non; se créer des ennemis achar-
ïi'h vaut mieux boire et chanter avec ses amis sous les ombra-
le dans op Aussi. Horace a-t-il maintenu presque constamment la sa-
iipefmi,®.généralités des moeurs; il s'attaqua peu aux personnes; il
Ces i* de supposer que beaucoup des noms auxquels s'adres-
de Prunaades ne sont que des noms supposés. Enfin , il se hâta
cnoncer à cette besogne , que devait accomplir le bouillant
inférait manier la flatterie; il était maître expert dans cet art.
te la '10 guste, et l'aimable Virgile, en surent quelque chose, et en-
?'°ués Ï A e d'Horace était si doncc qu'ils ne se trouvaient jamais as-
, :!IlèIl1e' ç" poète ne les contentait pas. Le maître du monde se plaignait
Jlécûnl.p1 l'on en croit Suétone, Auguste écrivait à Horace : « Je suis
IItes, sachez le bien; vous ne parlez point de moi dans vos
IDit été mni ez"Vous d'être diffamé auprès de la postérité en paraissant
énîi ami,> Ainsi disait le prince au poète ; il sollicitait sa place
%ea,ii .,e8; noble lettre qui fait honneur à tous deux. Certes, un
Nessp enlendait si bien lui-même à louer méritait de l'être! Quelle
l'île et ell\ esprit dans ces quelques lignes ! que cette intimité est insi-
euse! Horace aurait-il pu résister à ce charme décevant?
î^fle B pour la littérature où ceux qui tiennent en main les des-
sur i. ers s'appuient avec une si gracieuse intimité sur l intelli-
la Poésie ; aussi font-ils éclore des hommes de génie ; aussi
deviennent-ils immortels comme eux et par eux. Auguste ne l'ignorait
pas. Horace et Virgile ne lui ont pas fait défaut.
Si on juge Horace au point de vue de l'histoire et personnellement, on le
blâme de b'etre laissé aller à la séduction d'Auguste et d'avoir accordé la
faveur de ses éloges au sanglant ordonnateur de tant de proscriptions.
On lui en veut de ne pas être resté fidèle aux mânes de Brutus et de Cas-
sius, après avoir combattu dans les champs de Philippes contre la tyrannie
d'Octave. On lui passe à la rigueur d'avoir abandonné son boucher. re-
lictâ non betiè parmulâ . quoique ce ne soit pas bien, ainsi qu'il le dit lui-
même ; mais tant de Draves gens s'étaient vus forcés de fuir ; cette re-
traite précipitée n'avait-elle pas entraîné C. Pompeius Varus lui-même ,
vaillant homme de guerre, qui courut ensuite s'exposer à de nouveaux
dangers ? Horace avait fait ses preuves du reste ; depuis qu'il avait quitté
les portiques de l'Académie, où il était allé chercher les leçons de la sa-
gesse, pour s'enrôler sous les drapeaux de Brutus, il avait vu plus d'une
fois la mort de près. Souvent il avait cru son dernier jour arrivé sous un
terrible chef tel que Brutus (Bruto militiœ duce). It était la§ de la guerre,
Mars ne lui convenait plus ; il invoqua Mercure qui l'emporta sur ses
ailes légères:
Sed me per hostes Mercuriut celer,
Denso paventem sustulit aere.
Horace croyait avoir acquis le droit de choisir ses dieux.
Les commentateurs ont voulu (que ne veulent pas les commentateurs!)
qu'Horace ait dans ces deux vers que nous venons de citer fait allusion
à Auguste, parce qu'il le compare dans la seconde ode, au fils de Maïa.
Il est très probable, comme l'a remarqué M. Dacier, qu'Horace se rappelle
poétiquement les combats décrits par Homère, dans lesquels un dieu
protecteur vient au secours des guerriers faiblissans, et les enve-
loppe dans un nuage, pour les empêcher de plier devant l'ennemi qui triom-
phe. Ce nuage sauve leur honneur. Horace plaisante trop gaiement et
trop ouvertement sur sa fuite pour qu'on puisse y imprimer une tache de
lâcheté. Beaucoup de braves gens avaient comme lui laissé leur bouclier,
et il n'y eut que Brutus qui, dans cette défaite, préférât tomber sur son
épée. Brutus était le dernier des Romains , Horace n'était que le premier
poète de son temps.
Horace, dans les Odes, a montré trop d'élévation de cœur et d esprit
pour qu'on ne respecte pas sa mémoire; l'auteur des belles strophes sur
la grande ame de Caton et sur le supplice de Régulus, celui qui a buriné
l'impassible figure de l'homme juste , debout sur les débris du monde,
n'était pas de ceux qui manquent de courage. C'est Horace qui a écrit :
Dulce et decorum est pro patrià morio
Il a dit encore que l'on doit craindre la honte plus que la mort :
Pejusque leteo flagitium timet.
Non certes, on ne saurait inculper la fermeté de son caractère ; mais,
poète avant tout, il n'était nas fait pour les combats. Il aimait les ombra-
ges, le murmure du ruisseau grondant autour des amphores mises a rafraî-
chir dans les ondes, les charmes de la paix, de l'amitié et des arts. Voilà
pourquoi dans ce vieux nwnde romain , tant troublé de discordes et qui
commençait à respirer sous Auguste, il se rattacha au chef de l'empire,
de même que son ami Virgile, qui, pour quelques arpens de terre con-
servés, chantait aussi lui les bienfaits d'Auguste : Deus nobit hœc olia
fecit... C'étaient les doux loisirs qu'ils célébraient à l'envi dans la per-
sonne du souverain. Horace en avait fini avec la bravoure du soldat !
Notre poète porta dans sa vie privée une certaine solidité que prouvent
Ises ouvrages. Nous avons déjà fait observer qu'il ne commençait guère
qu'à regret les hostilités, mais il ne les redoutait pas : « Ma plume ne
blessera jamais la première ame qui vive, s écnait-il dans une de ses sa-
tires; elle me protégera seulement ainsi qu'une épée dans le fourreau:
pourquoi l'en tirerais-je ; ne suis je pas à l'abri des larrons ?... Jupiter.
notre roi, notre père à tous, puisse cette arme oisive périr de rouille, et
nul ne me forcer à sortir de mon cher repos. Mais malheur à qui m'atta-
quera ! Il eût mieux fait de ne point me toucher (melius non tangere) ;
j'en ferai la risée de Rome. - N'est-ce pas là le langage des honnêtes gens.
Melius non tangere, telle est la devise que doivent adopter les écrivains
qui, exempts de fanfaronnades, conservent, sous des apparences d'insou-
ciance et d'abandon, toute la vigueur de leur ame, pour faire respecter à
l'occasion leur personne ou leur talent. Melius non tangere !
Une chose à signaler, c'est que le poète Horace, sous les préceptes littérai-
res duquel on a voulu ranger depuis les poètes ses successeurs, a été dans
son temps un novateur. Nul n'a mieux soutenu que lui la liberté de l'art.
Ecoutez le bien , critiques qui n'admirez que le passé : « Quiconque s'é-
lève au-dessus des autres et les efface blesse par son éclat ; il ne sera
aimé qu'après sa mort... Tout ce qui n'a pas fait son temps, tout ce qui
n'a, pas disparu de la terre n'obtient du vulgaire que dédain et haine ; et
pour les anciens son admiration va jusqu'à dire sans cesse que les muses
elles-mêmes ont dicté sur le Mont-Albain et les tables effroi du crime,
promulguées par les décemvirs, et les traités de nos rois avec les Gabions
et les Sabins, et les livres des pontifes et les vieux volumes d'oracles. Si
le temps seul fait les bons poèmes, comme seul il fait les bons vins, je
voudrais savoir combien il faut d'années pour leur donner tout ieur prix.
L'écrivain mort depuis cent ans doit il étre classé parmi les anciens et
parfaits ou parmi les nouveaux et méprisables ? Voyons : que la fixation
d'un terme prévienne toute contestation. Mettons que ce soit après cent
ans qu'on est ancien et louable. Celui dont la mort datera d'une année,
d'un mois de moins, où le placerons-nous? Sera-1 il ancien ou de ceux
que l'âge présent et le suivant mépriseront? Pour le court espace U'H»
mois ou même de toute une année on ne doit pas être moins honorable-
ment placé. — Tu l'accordes! Je pars de là, et de même qu'on arrache
peu à peu les crins d'un cheval, j'ôte un an, puis un autre, jusqu'à ce
que tombe l'échafaudage du critique qui a besoin d'annales pour évaluer
le mérite, et qui n'éprouve d'admiration que pour ce que Libitine a con. -
sacré. -
Il n'est certes pas possible de montrer plus d'esprit et de fine ironie
en défendant cette cause, qui se renouvelle sans cesse ; car le poète qui
cherche d'une main à saisir l'avenir est obligé de lutter de l'autre avec le
passé.
Le nouveau traducteur d'Horace , M. Goupy , a vécu pendant prés de
trente ans dans l'intimité de son poète, et il a voulu mettre enfin le publie
dans la confidence de ce commerce qui n'est jamais sans profit. Versifica-
teur expérimenté, prosateur élégant, il a rendu avec beaucoup de charme
et avec un grand soin les idées de son auteur. Nous avons cité çà et là
quelques fragmens de sa traduction en prose, car il a jugé avec raison
que les satires et les épîtres avaient besoin d'une exactitude que les vers
leur auraient refusée ; nous voulons maintenant, en prenant une des odes
faire apprécier la manière poétique du traducteur. Prenons l'ode à umue,ChloS'
qui a subi tant d'imitations :
Jeune Chloé, tu fuis quand tu me vois,
Comme le faon séparé de sa mère,
Son œil errant, son oreille légère
Ecoutent l'air, interrogent les bois -
Qu'un doux zéphir dans les feuilles frémisse
Qu'un vert lézard dans les buissons se glisse *
son genou tremble, il chancelle, et la neur
D un froid soudain fait tressaillir son coeur.,,
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