Titre : Journal des débats politiques et littéraires
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-01-06
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb39294634r
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 janvier 1894 06 janvier 1894
Description : 1894/01/06 (Numéro Soir). 1894/01/06 (Numéro Soir).
Description : Note : édition du soir. Note : édition du soir.
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Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : Révolution - Empire (1789-1815)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : Restauration - Monarchie de Juillet (1814-1848)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : IIe République - Second Empire (1848-1870)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : IIIe République (1870-1914)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : d'une guerre à l'autre (1914-1945)
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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Place du Louvre, 1
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Départements. i8 ff. 36 fr. 'S!Z ff.
Alsace-Lorraine
Union postale. Si fr. 4& ff. 84 ff.
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SAMEN SOÏR 6 JANVIER
1S94
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R6clames. 4
Faits-diveM. <
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J$t!MAL DES DEBATS
DM ÏTTAT ~C t~ T TTT~R ATP~~
rVLiiiHt~o M Mi i~itJuK~
SOMMAIRE
BOH.ETtM BO JOUR. FRA.MCE: !7tteHOM-
eeHeyeH~tOtt. ETRANGER !7ncoH/ït(
au~OMdan.
Au Joup LE JouR Z~a cAotereaM.– Maurice Spronck.
LETTRE D'ANGLETERRE.
AcTUAUTËs Z.M cttKe REVUE MustCALE Adolphe JaUien.
BULLETIN
FRANCE
Une mouveMe reUg*om
H parait que l'anarchie est une reli-
gion M. Aurélien SchoUl'afnrme, et il
doit s'y connaître. Elle a son évangile,
ses martyrs et ses prêtres, c'est un culte
bien organisé.
parmi ses pontifes, tes uns sont des
mettants et tes autres dos distantes
il se peut qu'on rencontre, chez les pre-
miers, des hommes convaincus mais les
autres ne sont que des farceurs aima-
bles. Ses apôtres, qu'un zèle inégal tour-
mente, surgissent un peu partout quel-
ques-uns sont des lettrés et l'on rencon-
tre dans leur bande jusqu'à des capita-
listes. Une certaine jeunesse, qui se pré-
tend littéraire, fait de l'anarchie un pur
dandysme, et leur admiration du <' geste
!eargoût très vif pour les attitudes et les
opinions, rares transforment ces fils de
bons bourgeois, bons bourgeois eux-
mêmes, en révolutionnaires amateurs.
C'est, pour eux, affaire de mode, et cela
passera.
Cette nouvelle religion a pour évan-
gile un almanach l'almanach du P~e
Petn~. M. Raynal, qui rappelle Néron,
a mis résolument la main sur le livre sa-
cré il le fait saisir, il le supprime, et,
pendant que les anarchistes se lamen-
tent, les dénicheurs de plaquettes introu-
vables se réjouissent, quand ils ont la
bonne fortune d'en découvrir un exem-
plaire. On raconte que les bibliomanes
les achètent très cher et leur réservent,
dsïM leur bibliothèque, une place hono-
rabfe.
C'est une plaquette illustrée: on y
voit Ravachol, dans un vitrail de cathé-
drale, avec l'auréole des martyrs, et de
braves ouvriers qui prennent, sur les
bourgeois, d'héroïques revanches. Ici,
le justicier populaire écrase son ennemi
naturel a coups de bottes et fait jaillir
de ses poches un neuve d'or. Là, un
cannibale, très relativement civilisé, ré-
veillonne gaiement avec des boyaux de
capitaliste en guise de boudin.
Le texte vaut l'illustration, et, s'il ne
brille point par la délicatesse du style,
c'est que le Père Peinard s'adresse aux
mêmes clients que le P~'e DMeAe~e.
Pour être mieux compris et goûté, il
préfère généralement la langue verte à
l'autre. Pour lui, l'année bissextile est
<[ un truc mariole le travail s'appelle
« turbin a, et, quand on court, on. « joue
des flûtes
Si ses goûts littéraires ne sont pas
très purs, son patriotisme est moins pur
encore; pour tout dire, le seul mot <' pa-
PMttlEÏDH OU JOUMM. DES OÊB~
du samedi soir 6 janvier i894
REVUE MUSICALE
,<
Thé&tre de l'Opëra: G'M.'eMdotMM, opéra en
trois actes, de M. Catulle Mondes musique
de M. Emmanuel Cnabrior. Théâtre de
la Oalté SurcoMy, opéra-comique en trois
actes, de MM. Duru et Chivot musique de
M. Robert Blanquette. Nouveau-Théâ-
tre ~ÏM .Do~ar, opérette en trois actes,
do MM. Ch. ClairviUe et A. VaUin mu-
sique de M. A. Messager. Un morceau
peu connu de Berlioz.
Viens, quittons les sombres chimères,
CneiH&M les heures epMm&res
Du bonheur souriant.
La rougeur sur ton front se 16 va
Comme l'aurore sur la gTëve
.De l'Orient.
Ainsi chante, en serrant Gwendbtine
sur son cœur, le farouche Haratd, te
pirate danois vêtu de peaux de bêtes
marines, qui n'a jamais connu la pi-
He ni l'amour. Et l'on voit qu'on a af-
faire, avec ce barbare altéré de sang,
à un poète des plus rafnnes. C'est qu'il a
suffi à ce massacreur d'apercevoir la
dpuce et Monde nïïe du vieil Armel pour
sentir s'éveiller en lui les sentiments les
plus tendres, les délicatesses les plus
exquises c'est qu'aussitôt âpres avoir
vu Gwendoline, ce bandit qui n'a jamais
épargné femme, nlle ou vieillard, se
transforme en un soupirant timide qui
débite à la mutine enfant force galante-
ries musquées, avec métaphores des
plus hardies et figures des plus poéti-
ques. 0 merveilleuse puissance de l'a-
Reprcduction interdite.
trie a excite son dégoût et déchaîne son
indignation, car cette patrie tui apparaît
sous ta figure d'une mégère qui dévore
ses petits enfants.
Le Pcre Fema~ ne dédaigne pas les
proverbes; it les rajeunit et les corse par
d'originaux commentaires. « Pluie de
février, dit-il, c'est du fumier'); it ajoute
aussitôt: « En fait de fumier, y a rien
d'aussi bon quêtes carcasses de richards
et de ratichons mises a cuire six mois
dans le trou à purin. Ça dégottc tous les
engrais chimiques du monde.
On trouve aussi, dans ce livre sacré,
de bons conseils. Cetui-ci, par exempte,
à l'adresse desva-nu-pieds: Prenez des
soutiers neufs et partez au plus vite sans
payer le marchand. » De même pour les
biens de ta terre « Un coup qu'on aura
f. une purge aux richards, la récolte
n'entrera plus dans leurs granges.
Mais il faut savoir se borner.
Avec Ravachdl pour martyr, Vaillant
pour apôtre, t'atmanach du PerePc:Hsr~
pour évangile, et la ~auacAo~e en guise
de cantique, la nouvelle religion, que
M. Aurétien Schott découvre et satue,
nous apparaît, non point précisément
comme cette des opprimés et des es- 7
claves, mais comme la religion des es-
càrpeset des forçats.
ÉTRANGER
UM contMt &M Soudan
Nous avons reproduit ce matin, dans
ta dernière heure de notre édition blan-
che, des dépêches de source anglaise,
annonçant que, par suite d'une er-
reur, un conflit serait survenu dans
te hinterland de Sierra-Leonc entre
les colonnes, anglaise et française, opé-
rant l'une et l'autre contre les So-
fas de Samory, et que 26 soldats anglais
et plusieurs officiers y auraient trouvé
la mort. Le gouvernement français n'a
reçu encore aucune confirmation de
ces nouvelles, et, en tout cas, il
faut attendre des renseignements com-
plémentaires pour se faire une opi-
nion exacte; mais ce qui d'abord
nous laisse croire que les troupes
françaises stationnées près de la fron-
tière de Sierra-Leone n'en sont pas
responsables, c'est que les télégrammes
de source anglaise déclarent que la ren-
contre est due a une erreur. Les colo-
niaux de Sierra-Leone ne se serviraient
pas de cette expression si nous avions
quelque tort. en cette sanglante aven-
ture.
Us étaient partis en gué rre contre les
Sofas de Samory auxquels, soit dit en
passant, it~ont vendu des armes perfec-
tionnées tant que t'Atmamy luttait contre
nous mais, contrairement à ce que di-
sent les dépêches deLondres, nous n'a-
vons jamais été avertis officiellement de
t'entrée en campagne de la colonne du
colonel Eltis nous avons appris sa for-
mation, sa mise en marche, par notre
consul à Sierra-Leone et le gouverne-
ment français s'est empressé de commu-
niquer au Soudan les quelques rensei-
gnements qu'il avait sur cette entre-
prise.
Le but que se proposait le colonel
Ellis était de châtier les Sofas de Samory
qui avaient envahi une partie du tern-
mour et de l'imagination de M. Ca-
tutteMendës! 1
L'action se passe au huitième siècle,
sur tes côtes de la Grande-Bretagne. Là
commande un chef saxon, le nerArmet,
à qui tous les pêcheurs, chasseurs et la-
boureurs de la contrée obéissent de leur
plein gré c'est un coin de terre bénie
où l'on ne redoute qu~unfléau !es terri-
bles incursions des pirates danois qui
mettent tout a feu et à sang. Mais nu!
danger pour l'heure et tes habitants de
ce petit paradis ne pensent qu'à jouir de
la vie et à travailler. Gwendoline, seule,
est agitée de sombres pressentiments
n'a-t-etle pas rêvé qu'un horrible pi-
rate aux cheveux roux t'entraînait sur la
mer? Mais ses compagnes la rassurent
Peureuse Les guetteurs aux paupières ouvertes
N'ont rien vu passer sur les tames vertes.
Sécurité trompeuse. A peine tes rieu-
ses jeunes filles ont-elles chanté ces
jolis vers, qu'éclatent des clameurs de
détresse. Les Saxons fuient épouvantés s
devant tes brigands de ta mer, qui tes
poursuivent en tançant de grands cris
L'épieuromptiescuirasses,
t-ëfercreveracier;
Nous sommes les grands ours voraces
Que ta. faim chasse du glacier!
Haraid, Harald le cruel, Haratd le
triomphant commande à cette hideuse
troupe et somme Armel de lui remettre
et moissons et trésors. Le yeitiard refuse,
ironique:
Tu n'auras donc que des tisons t..
Le bandit lève sa hache et va faire
tombercette tête rebelle lorsque Gwen-
doline se précipite et couvre Arme! de
son corps. Alors le chef barbare hésite
et. recule; ses yeux qui n'ont jamais
contemplé de femme expriment un ra-
vissement, une surprise inouïe, « Allez-
vous-en tous )), dit-ii d'une voix terrible.
toire de la colonie anglaise. Avait-H
chance de se trouver en contact avec une
colonne française? Non, de ce côté nous
avons quelques postes fortifies l'un à
Erimankono, près des postes anglais de
Falaba et de Kenières; un autre, plus au
Sud, dans la région des sources du
Niger; un troisième, àl'Est, dans teKissi;
mais ces postes sont gardés par de très
faibles garnisons qui ne sont pas consti-
tuéés de façon a former une colonne.
Quant a nos dernières rencontres avec
Samory, elles ont eu Heu plus au Nord,
entre le onzième et !e douzième degré
de latitude; le colonel Bonnier, com-,
mandant supérieur, par intérim au Sou-
dan, a enlevé, le mois dernier, Tenetou,
que Samory occupait, puis il s'est dirigé
sur Ségou-Sikoro ou it est arrivé il y a
quelques jours. Nous n'avions donc pas
de détachements en mouvement du
côté de la frontière anglaise, mais alors
comment s'expliquer te conflit qui a eu
lieu entre les troupes indigènes des deux
pays? 2
En l'absencede renseignements précis;
on peut faire l'hypothèse suivante: ta co-
lonne anglaise, précédée de ses auxiliai-
res, en est probabtementvcnue aux mains
avec dos indigènes soumis a notre auto-
rité elle a cru avoir affaire aux Sofas de
Samory et des coups de fusil ont été
échangés des deux côtés. Prévenues de
i l'incident, en butte elles-mêmes aux at-
taques des Sofas, les garnisons françai-
ses ont couru au secours de leurs indi-
gènes et te feu s'est engagé entre les ré-
guliers. On se sera aperçu de la méprise
à la discipline du feu, mais il y avait mal-
heureusement des morts et des blessés
sur le terrain.
Si c'est a une méprise de ce genre
qu'est due cette très regrettable afTaire, il
fautia déplorer, et d'autant plus que Sa-
mory est l'ennemi commun et qu'il ne
serait que sagesse d'agir de concert pour
se débarrasser d'un hôte très incom-
mode, qui ne connaît ni Anglais ni Fran-
çais, il te prouve bien,– malgré les
services que lui ont rendus tes traitants
deSierra-Leone.
En attendant, il faut envisager la ~i"
tuation de sang-froid, se garder de toute
exagération, faire la lumière avec la vo-
lonté très ferme, très arrêtée de sévir
vigoureusement contre tes coupables à
quelque nationalité qu'ils appartiennent.
AU JOUR LE JOUR
LA CHATELAtNE DE VtLLERBAU
Elle a bien les allures d'une simple hys-
térique, cette dame Impens, la jeune
châtelaine persécutée de Villereau~, dont
l'aiïaire vient de se dérouler devant le tri-
bunal d'Orléans; la cohérence dans les
idées ne paraît pas constituer précisément
le fond de son état d'âme en revanche,
l'imagination chez elle semble féconde..
Elle jure ses grands dieux qu'on l'a ma-
riée par contrainte, et que, une fois ma-
riée, elle a été victime d'outrages et de
violences abominables. Seulement, quand
on feuillette sa correspondance, on est
étonné des termes, plutôt tendres, dont
elle use à l'égard de son prétendu bour-
reau « Mon chéri.Mon petit futur mari.
« Et toi reste a, dit-il tendrement & la
jeune vierge. A peine sont-ils seuls qu'il
la saisit avec violence; mais elle le re-
pousse, très tranquille, et rit presque
en voyant de quel air penaud il se retire
à l'écart
Il n'a pas l'air méchant sa rudesse est câline
Comme celle d'un ours privé qui dodeline
De la tête en un coin.
<' Qui donc es-tu? lui demande-t-il.
Tu le vois bien une femme! Et le pau-
vre Haraldendemeureémerveillé. Gwen-
doline, « jolie, blonde, frôle, légère, en-
cline au rire avec des pitiés et des rêve-
ries"c'estainsi que la dépeintle poète,
a tôt fait d'amadouer ce naïf barbare;
elle le charme par son gentil babil, le
ravit par ses gracieux sourires, lui en-
seigne à filer la laine, a tresser des cou-
ronnes de Seurs. Finalement, elle lui
met la quenouille en main, bien, qu'il
résiste, et le force à filer, à chanter avec
elle:
Maître, obéis a. ta servante
Et répète avec moi ta parote et le son.
Ainsi fait-il, et, quand ses compagnons
le trouvent penché sur le rouet, quand
ils demeurent confondus de tant de fai-
blesse, il ne s'en émeut guère etdemande
amicalement au vieil Armel de lui oc-
troyer Gwendoline en légitime union. Le
chef saxon ne saurait refuser, d'autant
plus qu'il médite une prochaine ven-
geance, et la jeune fille, heureuse d'avoir
ainsi dompté l'orgueilleux pirate, con-
sentira, si lui-même obéit à son caprice
et redit sa joyeuse chanson:
« File, Rie, la belle blonde t
Tourne fuseau, tourne toujours.
"Il n'est rien dans te monde
Qui vaille les amours! »
Hélas t leurs amours ne seront pas de
longue durée. La cérémonie nuptiale a
lieu des le soir même,–le pirate Ha-
Ta petite iemme chérie qui t'adore. & Et
elle envoie des milliers de baisers; et elle
invite le ~~<7 ~M~Kr tK~rt à revenir bien
vite; et elle ne peut rien souhaiter de plus
heureuïàses anciennes amies de pension
qu'un mariage comme le sien. Nous na-
geons en plein j~ofMK/s~. M. Jmpens
avoue qu'il était fort content de recevoir
les lettres de sa fiancée ou de sa femme;
évidemment.
La propension naturelle qu'elle mani-
feste pour l'idylle n'exclut d'ailleurs pas,
en cette cervelle malade, la conception
des fantaisies plus pimentées. Elle accuse
sa mère d'avoir empoisonné son père,
quitte à se jeter plus tard à genoux pour
demander pardon de cette supposition dé-
sobligeante. Elle prétend qu'on a tenté de
l'empoisonner elle-même, sans pouvoir
spécifier ni où ni comment. Elle affirme
qu'elle a failli être transpercée d'un coup
de sabre, voire d'un coup de sabre ~e~c.
Elle inculpe son mari de liaisons inces-
tueuses, qu'elle aurait surprises dans la
salle de billard du château mais, le jour.
de l'audience, elle oublie complètement;
ce détail qu'elle avait réyélé à l'instruc-
tion, et il faut que le président sollicite sa:
mémoire infidèle. Son grand argument
consiste a invoquer, sans aujcuné 'espèce,
de preuve, sa coMM'c/MKWoM~.dë l'in-;
conduite maternelle.
Le mensonge pour le mensonge, pour le
plaisir d'attirer l'attention et de jouer un
rôle, ne semble pas un phénomène rare
chez certaines catégories de névrosées.
Récemment encore, vous vous souvenez
d'avoir lu dans les journaux l'histoire de
cette Adila Parenti, dont on s'inquiéta du-
rant quelques jours; elle avait inventé un
roman compliqué de suicide à deux, qui
lui aurait été proposé par son amant et au-
quel elle n'aurait échappé que par le plus
miraculeux concours d'incidents drama-
tiques. On véri6a; on ne trouva naturelle-
ment rien. Ici, dans l'affaire d'Orléans, on
auraitdonctortdese démesurément émou-
voir; mais ce qui corse l'aventure, c'est la
singubritÉ des comparses qui pivotent au-
tour de l'héroïne principale.
,Tout le monde a entendu dire par tout t
1~'monde ce que personne au monde n'a
feulement entrevu; personne, sauf le jardi-
ner, il est vrai. Mais le bon vieillard n'ap-
porte qu'un témoignage suspect et d'une
invraisemblance extravagante. Quant aux
autres, l'oncle de Pleumartin, le maire de
Villereau.les curés des environs, les gen-
darmes, les domestiques, les amis et les
a taies de la famille,oh croirait qu'Us se sont
donné le mot pour faire les bobèches et
provoquer l'hilarité du public. Il n'est pas
jusqu'à Impens dont les manières ne
soient parfois stupéfiantes. Que pensez-
vous de ce personnage qui, le surlende-
main de ses épousailles, pour remettre sa
jeuM femme des émotions de la première
heure, va faire en Italie son voyage de
noces, tout seul? Ces gens-la ont
assurément le crâne construit d'une façon
.toute spéciale. On nous avait annoncé un
mélodrame de d'Ennery; on nous joue
un vaudeville de Gandillot ou de Bisson.
Et l'on se demande alors comment le
parquet d'une ville, qui n'est pas particu-
lièrement éloignée de tout centre intellec-
tuel, a pu se laisser berner par les divaga-
tions d'une folle escortée d'une bande
d'individus pour le moins originaux ? Com-
raid n'est pas moins pressé que Zampa
le corsaire, et le vindicatif Armel re-
met a l'épousée un couteau pour qu'elle
tue Harald endormi dans ses bras. Pour
les autres Danois, Armel et ses fidèles
Saxons en auront facilement raison
Ce soir, ils seront ivres ) Nous, subtils,
Nous pourrons les frapper sans peine et sans pé-
rils.
Et de son air le plus affectueux/avec
des inflexions de voix très caressantes,
le vieillard souhaite hypocritement une
longue prospérité aux jeunes époux:
Enfants, je vous bénis avec mes bras tremblants.
Par les grands Dieux, seigneurs des cieux etince-
[tants,
Jurez de vous aimer jusqu'à la mort jatouIls jurent et tiendront leur serment.
Les voilà seuls, près du lit nuptial.
Gwendoline, épouvantée, supplie Ha-
rald de fuir; elle laisse presque échapper
le secret d'Armel, car elle aune éperdu-
ment,à. son tour, le barbare apprivoisé
mais celui-ci refuse d'écouter les con-
seils de la peur. Alors, elle se rassure
~lie-même; elle veut croire quête vieil-
lard échouera dans son projet abomina-
ble et se laisse doucement glisser entre
les bras d'Haratd, qui lui murmure à
l'oreille:
Laisse-moi respirer le miel de tes cheveux t
Viens sur mon cœur, ô jeune femme t
« Harald! Harald t crient désespéré-
ment les Danois enivrés qu'Armel et les
Saxons égorgent dans une salle basse. A
cescris.le héros s'arrache aux caresses de
Gwendoline: il essaye en vain dé lutter
et court sur Ja. grevé où ses vaisseaux
flambent dans un vaste incendie. Armel
lui assène un formidable coup de hache.
Harald, cependant, ne ûéchit pas; il se
redresse contre un arbre, entoure de ses
bras Gwendoline qui vient d'accourir et
s'est frappée au cœur; tous deux alors,
ment â-t-il eu l'idée de poursuivre hn-
méme, quand il était si simple d'inviter la
plaignante à procéder par voie de citation
directe? A quoi bon s'acharner a une ac-
cusation qui ne tient pas debout, ou qui se
réduit à deux soufflets appliqués par un
mari sur les joues d'une femme trop sen-
sible au prestige de l'uniforme? Le prési-
dent du tribunal, dans ce procès tragi-
comique, est le seul qui paraisse avoir
gardé son bon sens.
Quant à l'honorable procureur de la
République qui a prononcé le réquisitoire,
il a évidemment subi l'influence ambiante.
Certaines de ses phrases méritent une
mention. les venaient à Paris comme les grenouilles
vont à l'eau. )> Si ingénieux que soit cet
aperçu sur les migrations ethniques dans
la seconde moitié du dix-neuvième siècle,
il ne suffit pas à donner quelque sérieux a
cette affaire insignifiante, où plaignants,
accusés, témoins et magistrats eux-mêmes
semblent avoir vaguement perdu la tête,
et la notion du ridicule.
MAURICE SpRQNCK
LETTRE D'ANGLETERRE
Londres,le5 janvier.
Le gouvernement anglais ,et la Compagnie
sud-africaine
On ne peut guère conserver d'espoir, (
maintenant, sur le sort du capitaine Wilson 'n
et de ses soldats qui s'étaient lancés a la
poursuite de Lobengula et à qui la crue subite
des eaux de la rivière Shangani a brusque-
ment coupé la retraite. On dit qu'ils ont été
anéantis, sauf sept qui se seraient dirigés sur
Hai'tley Hill.
La Compagnie sud-africaine semble avoir
pris très philosophiquement son parti de la
perte du capitaine Wilson, car on ne voit pas
qu'elle ait la moindre intention de venger sa
mort et celle da ses compagnons. Elle a licen-
cié tics troupes et, comme le disait l'autre
jour M. Rhodes, le sort du capitaine Wilson,
quel qu'il soit, ne saurait rien changer à ta
situation.
En ce qui concerne M. Rhodes, il vient de
prononcer au Cap un discours qui mérite d'c-
tro signalé, car il renferme une note de déu
au gouvernement et au Parlement impérial.
« Si malheureusement il arrivait, a dit le
premier ministre de la colonie du Cap, par-
lant, sans aucun doute,comme directeur de ta
Compagnie sud-africaine, s'il arrivait que le
règlement a eNeçtuer par Je gouvernement
impérial, aujourd'hui que la guerreest. ter-
minée, ne répondit pas a l'attente de ceux qui
ont répandu leur sang pour lui, je combat-
trai ardemment et résolument pour le peuple
de ce pays et pour le peuple d'Angleterre dont
les enfants ont pris part aux dangers de la
campagne mais je lutterai sur le terrain con-
stitutionnel." n
Une autre version de ce même discours dit
que M. Rhodes a exprimé l'opinion que, le
gouvernement n'ayant qu'une très faible ma-
jorité à la Chambre des Communes, et ayant
contre lui, sur cette question, une petite sec-
tion de ses partisans, il n'était pas impossible
qu'on dictât aux Sud-Africains un règlement
qui ne fût pas équitable pour eux. C'est alors
que M.Rhodes jugerait de son devoir de com-
battre pour l'idéal des Sud-Africains.
Ce que dit M. Rhodes de la situation du
gouvernement est parfaitement exact, comme
aussi ce qu'il dit de l'hostilité d'une petite
fraction des partisans de M. Gladstone. Ce
qu'il ne dit pas et ce qui mérite d'être re-
levé, c'est que les membres de la Cham-
bre des Communes qui sont le plus op-
appelant la mort qui doit les réunir pour
l'éternité, chantent jusqu'à extinction de
souffle:
Envolons-nous tous deux sur des aites de[mes]
A tra.vers tes cieuxd'or, fuyoM.coupte emporté!
Us meurent enfin, ce qui paraît beau-
coup surprendre Armel, et le rideau
tombe on peut s'en aller.
Cepoëme, dont je me suis fait un plai-
sir de citer plusieurs vers, parce que les
compositeurs n'en ont pas toujours
d'auapi précieux à mettre en musique,
ea~)on ne peut plus simple et n'offrait pas
des situations très variées à l'inspiration
du musicien. Vous avez dû penser, che-
min faisant, n'est-ce pas? à la Senta du
FaM~eaM /aM~tM<°, à l'Hypermnestre et
au crue! Danaüs des Danaïdes, à lady
Henriette et à sir Lionel de jMa~s mais
vous avez dû remarquer aussi que ce M-
yret ne j'enferme que des scënes de co-
quètteruB et d~mbur entre Gwéndoline
etHara!m,Le~përe Armel joue un rôle
très secoadaire et t'entrée impétueuse
des Danois au premier acte, la ceremo-
nie du mariage au second sont presque
les seuls instants où tes deux principaux
personnages ne chantent pas leur ten-
dresse instinctive, leur amour naissant,
leur passion débordante. Et d'ailleurs, ]
c'est bien là ce que voulait le poète, le-
quel tient pour les livrets d'opéra très 1
simples,– ne croyez pas cependant qu'il
n'en pût pas combiner d'autres, et
nous a clairement dit ce qu'il avait dé-
sire dépeindre ici :«Gwendo!ine. L'éter- n
nel!e histoire de l'Homme puissant, hé- l
roîque, brutal,–Samson, Hercule, An- <
toine, vaincu par la femme enfant, in- 4
génue et perverse séductrice, Dalila,
Omphale, Cléopâtre; de la Femme i
prise à son tour dans le piège d'amour <
qu'elle a tendu et des Amants triom- ]
phant de toutes les haines, de toutes les <
posés & M. Rhodes, en dehors de M. L~
bouchère, sont des représentants irlandais.
"Et c'est ce qui est très curieux, car, si
M. Rhodes doit s'attendre & de l'opposi-
tion, ce n'est certainement pas de la part
des enfants de la Verte Erin. On n'a pas
oublié que, il y a quatre ou cinq ans (plus
ou moins, je n'ai pas la date sous la main),
il a donné au parti nationaliste irlandais
une somme de 250,000 fr. (10,000 liv. st.) pour
l'aider a conquérir le Aome rMdonc tient l'hostilité des Irlandais contre
M. Rhodes ? Leur a-t-il trop donné ? Ou pas
assez? Leur avait-il fait des promesses qu'il
n'a pas tenues? Mystère. Mais le fait est là,
et, tant qu'il n'aura pas été éclairci, on aura le
droit d'être surpris de l'attitude des nationa-
listes envers lui et de trouver qu'ils poussent
un peu loin, peut-être, l'indépendance du
cœur.
De son côté, M. Rhodes va un peu loin
aussi. D'aprèsles termes de la Charte accor-
dée a la Compagnie sud-africaine, si celle-ci
a des démêlés avec un chef ou une tribu indi-
gène, elle doit soumettre tout arrangement in*
tervenu au seopétaire d'Etat dont la décision
fera loi (art. et 8). Le gouvernement impé-
rial a donc absolument le droit d'imposer a
la Compagnie tel arrangement qui lui sem-
blera équitable. C'est indiscutable au point de
'vue du droit sh'ict et de l'interprétation de la
-Charte.
Au point do vue pratique, d'autre part, il
estNon mpins certain, que, dans certains cas,
il faut que .le gouvernement impérial semble
.ne pas avoir trop raison et use modérément
de ses pouvoirs. C'est a ce prix que l'Angle-
terre conserve ses colonies, et cite sait ce
qu'il lui en a coûté pour avoirvoulu, une fois,
user jusqu'au bout de ses droits. Il est peu
probable qu'elle commette, encore une fois, la
même faute, en Afrique et en ce moment,
moins qu'aUlours et qu'en tout autre mo-
ment.
MIELLES DE L'MRMGER
L'incident dû Sierra-Leoneet la presse
anglaise
Londres, le 6 janvier.
Les nouvelles de Sierra-Leone déf rayent ce
matin les polémiques des journaux anglais.
Le Times dit que ta mieux est do suspendra
tout jugement jusqu'à ce que des nouvelles
plus précises soient arrivées.
Le Datty Megrap/t exprime le même avis.
LoDa: rible nouvello doit ctrë envisagée avec calme.
Cette collision est évidemment le résultat
d'un malentendu déplorable.
Le Daily News dit qu'un malentendu s'est
évidemment produit. Une enquête sévère sera
ordonnée par les deux gouvernements et l'on
aura alors la version exacte do l'aNaire. La
difficulté qui entoure le règlement de conflits
de ce genre pour les deux gouvernements
paraît être l'incertittide de leurs Intérêts res-
pectifs dans l'hmterland de Sierra-Leone.
Le Den'ty Gt'ap/nc dit que la cause du con-
Hit n'est pas définie. H faut se rappeler toute-
fois, ajoute le journal anglais, que M. Mizon
et d'autres Français ont fait tous leurs elforts
pour amener leur gouvernement a faire nai-
tre une querelle avec l'Angleterre. Il en ré-
sulte que les duïerends sont en cours entre
les deux puissances dans l'Ouest africain,
mais ces différends ne semblent pas justifier
une effusion de sang. `
Allemagne
Les DentterM ~VoMuettM de MMMtcA annon-
cent de la manière la plus précise que les
Mémoires du prince do Bismarck sont déjà
prêts a paraître chez les frères Krooner, &
Stuttgart, successeurs du célèbre éditeur
Cotta.
fatalités, par l'Hymen, ou, mieux en-
core, Roméo et Juliette, par ta
Mort, qui est l'Hymen plus définitif,
!e seul qui ne soit point sujet aux trahi-
sons ni aux divorces a.
Mais cette simplicité du drame, ame-
nant quelque monotonie, est-elle propre
à soutenir un musicien, surtout un mu-
sicien de ta nature de M.Chabrier, tem-
pétueux, violent, excessif, & qui la tra-
duction des sentiments modérés con-
vient beaucoup moins que la peinture
de grandes scènes dramatiques ou de
tableaux populaires, d'une couleur très
vive ? H nous était apparu jusqu'à ce
jour, tantôt comme un compositeur plein
de beiïe humeur, mais contourné, dans
/o:~ tantôt comme un musicien gra-
cieux et légèrement ému, quand il le fat-
lait, mais souvent commun et trop
bruyant, dans le Roi ~s~ ~Mt il nous
avait enfin ravts par cette éblouissante
rapsodie d'jEspana mais ceux qui
n'avaient pu aller entendre 6'MMMà. Bruxelles, âpres fE~o: avant
7!o: MM7~?M!, se demandaient com-
ment il avait pu se tirer des nombreuses
scènes tendres et passionnées que lui
offrait le poème de M. Catulle Mendes.
Eh bien, il ne s'y montre en aucune fa-
çon différent de ce qu'il est d'habitude et
ne nous a nullement surpris. Sa phrase
mélodique acquiert toujours dans !tes
passages pathétiques une aisance, une
netteté qu'elle est loin d'avoir quand il
fait du sentiment ou du marivaudage
elle se contourne ators et se complique
de nombreuses recherches d'instrumen-
tation ou d'harmonie. H a donc traité les
divers épisodes, gracieux ou délicats,
qui constituent presque toute la pièce,
avec une incontestable habileté, dans un
sentiment parfois heureux, mais en ac-
cumulant trop les efîets d'orchestre, en
présentant de la façon la plus brillante
des idées qui ne sont pas d'une origina*
108'AMMEE
~06'AMMÈE
BiI:II'1 n¡:a; i. la
SAMEDI SO!R 6 JANVIER
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R6clames. 4
Faits-diveM. <
'f ~r~. *«tt*OB~)~. *'as
J$t!MAL DES DEBATS
DM ÏTTAT ~C t~ T TTT~R ATP~~
rVLiiiHt~o M Mi i~itJuK~
SOMMAIRE
BOH.ETtM BO JOUR. FRA.MCE: !7tteHOM-
eeHeyeH~tOtt. ETRANGER !7ncoH/ït(
au~OMdan.
Au Joup LE JouR Z~a cAo
LETTRE D'ANGLETERRE.
AcTUAUTËs Z.M cttKe
BULLETIN
FRANCE
Une mouveMe reUg*om
H parait que l'anarchie est une reli-
gion M. Aurélien SchoUl'afnrme, et il
doit s'y connaître. Elle a son évangile,
ses martyrs et ses prêtres, c'est un culte
bien organisé.
parmi ses pontifes, tes uns sont des
mettants et tes autres dos distantes
il se peut qu'on rencontre, chez les pre-
miers, des hommes convaincus mais les
autres ne sont que des farceurs aima-
bles. Ses apôtres, qu'un zèle inégal tour-
mente, surgissent un peu partout quel-
ques-uns sont des lettrés et l'on rencon-
tre dans leur bande jusqu'à des capita-
listes. Une certaine jeunesse, qui se pré-
tend littéraire, fait de l'anarchie un pur
dandysme, et leur admiration du <' geste
!eargoût très vif pour les attitudes et les
opinions, rares transforment ces fils de
bons bourgeois, bons bourgeois eux-
mêmes, en révolutionnaires amateurs.
C'est, pour eux, affaire de mode, et cela
passera.
Cette nouvelle religion a pour évan-
gile un almanach l'almanach du P~e
Petn~. M. Raynal, qui rappelle Néron,
a mis résolument la main sur le livre sa-
cré il le fait saisir, il le supprime, et,
pendant que les anarchistes se lamen-
tent, les dénicheurs de plaquettes introu-
vables se réjouissent, quand ils ont la
bonne fortune d'en découvrir un exem-
plaire. On raconte que les bibliomanes
les achètent très cher et leur réservent,
dsïM leur bibliothèque, une place hono-
rabfe.
C'est une plaquette illustrée: on y
voit Ravachol, dans un vitrail de cathé-
drale, avec l'auréole des martyrs, et de
braves ouvriers qui prennent, sur les
bourgeois, d'héroïques revanches. Ici,
le justicier populaire écrase son ennemi
naturel a coups de bottes et fait jaillir
de ses poches un neuve d'or. Là, un
cannibale, très relativement civilisé, ré-
veillonne gaiement avec des boyaux de
capitaliste en guise de boudin.
Le texte vaut l'illustration, et, s'il ne
brille point par la délicatesse du style,
c'est que le Père Peinard s'adresse aux
mêmes clients que le P~'e DMeAe~e.
Pour être mieux compris et goûté, il
préfère généralement la langue verte à
l'autre. Pour lui, l'année bissextile est
<[ un truc mariole le travail s'appelle
« turbin a, et, quand on court, on. « joue
des flûtes
Si ses goûts littéraires ne sont pas
très purs, son patriotisme est moins pur
encore; pour tout dire, le seul mot <' pa-
PMttlEÏDH OU JOUMM. DES OÊB~
du samedi soir 6 janvier i894
REVUE MUSICALE
,<
Thé&tre de l'Opëra: G'M.'eMdotMM, opéra en
trois actes, de M. Catulle Mondes musique
de M. Emmanuel Cnabrior. Théâtre de
la Oalté SurcoMy, opéra-comique en trois
actes, de MM. Duru et Chivot musique de
M. Robert Blanquette. Nouveau-Théâ-
tre ~ÏM .Do~ar, opérette en trois actes,
do MM. Ch. ClairviUe et A. VaUin mu-
sique de M. A. Messager. Un morceau
peu connu de Berlioz.
Viens, quittons les sombres chimères,
CneiH&M les heures epMm&res
Du bonheur souriant.
La rougeur sur ton front se 16 va
Comme l'aurore sur la gTëve
.De l'Orient.
Ainsi chante, en serrant Gwendbtine
sur son cœur, le farouche Haratd, te
pirate danois vêtu de peaux de bêtes
marines, qui n'a jamais connu la pi-
He ni l'amour. Et l'on voit qu'on a af-
faire, avec ce barbare altéré de sang,
à un poète des plus rafnnes. C'est qu'il a
suffi à ce massacreur d'apercevoir la
dpuce et Monde nïïe du vieil Armel pour
sentir s'éveiller en lui les sentiments les
plus tendres, les délicatesses les plus
exquises c'est qu'aussitôt âpres avoir
vu Gwendoline, ce bandit qui n'a jamais
épargné femme, nlle ou vieillard, se
transforme en un soupirant timide qui
débite à la mutine enfant force galante-
ries musquées, avec métaphores des
plus hardies et figures des plus poéti-
ques. 0 merveilleuse puissance de l'a-
Reprcduction interdite.
trie a excite son dégoût et déchaîne son
indignation, car cette patrie tui apparaît
sous ta figure d'une mégère qui dévore
ses petits enfants.
Le Pcre Fema~ ne dédaigne pas les
proverbes; it les rajeunit et les corse par
d'originaux commentaires. « Pluie de
février, dit-il, c'est du fumier'); it ajoute
aussitôt: « En fait de fumier, y a rien
d'aussi bon quêtes carcasses de richards
et de ratichons mises a cuire six mois
dans le trou à purin. Ça dégottc tous les
engrais chimiques du monde.
On trouve aussi, dans ce livre sacré,
de bons conseils. Cetui-ci, par exempte,
à l'adresse desva-nu-pieds: Prenez des
soutiers neufs et partez au plus vite sans
payer le marchand. » De même pour les
biens de ta terre « Un coup qu'on aura
f. une purge aux richards, la récolte
n'entrera plus dans leurs granges.
Mais il faut savoir se borner.
Avec Ravachdl pour martyr, Vaillant
pour apôtre, t'atmanach du PerePc:Hsr~
pour évangile, et la ~auacAo~e en guise
de cantique, la nouvelle religion, que
M. Aurétien Schott découvre et satue,
nous apparaît, non point précisément
comme cette des opprimés et des es- 7
claves, mais comme la religion des es-
càrpeset des forçats.
ÉTRANGER
UM contMt &M Soudan
Nous avons reproduit ce matin, dans
ta dernière heure de notre édition blan-
che, des dépêches de source anglaise,
annonçant que, par suite d'une er-
reur, un conflit serait survenu dans
te hinterland de Sierra-Leonc entre
les colonnes, anglaise et française, opé-
rant l'une et l'autre contre les So-
fas de Samory, et que 26 soldats anglais
et plusieurs officiers y auraient trouvé
la mort. Le gouvernement français n'a
reçu encore aucune confirmation de
ces nouvelles, et, en tout cas, il
faut attendre des renseignements com-
plémentaires pour se faire une opi-
nion exacte; mais ce qui d'abord
nous laisse croire que les troupes
françaises stationnées près de la fron-
tière de Sierra-Leone n'en sont pas
responsables, c'est que les télégrammes
de source anglaise déclarent que la ren-
contre est due a une erreur. Les colo-
niaux de Sierra-Leone ne se serviraient
pas de cette expression si nous avions
quelque tort. en cette sanglante aven-
ture.
Us étaient partis en gué rre contre les
Sofas de Samory auxquels, soit dit en
passant, it~ont vendu des armes perfec-
tionnées tant que t'Atmamy luttait contre
nous mais, contrairement à ce que di-
sent les dépêches deLondres, nous n'a-
vons jamais été avertis officiellement de
t'entrée en campagne de la colonne du
colonel Eltis nous avons appris sa for-
mation, sa mise en marche, par notre
consul à Sierra-Leone et le gouverne-
ment français s'est empressé de commu-
niquer au Soudan les quelques rensei-
gnements qu'il avait sur cette entre-
prise.
Le but que se proposait le colonel
Ellis était de châtier les Sofas de Samory
qui avaient envahi une partie du tern-
mour et de l'imagination de M. Ca-
tutteMendës! 1
L'action se passe au huitième siècle,
sur tes côtes de la Grande-Bretagne. Là
commande un chef saxon, le nerArmet,
à qui tous les pêcheurs, chasseurs et la-
boureurs de la contrée obéissent de leur
plein gré c'est un coin de terre bénie
où l'on ne redoute qu~unfléau !es terri-
bles incursions des pirates danois qui
mettent tout a feu et à sang. Mais nu!
danger pour l'heure et tes habitants de
ce petit paradis ne pensent qu'à jouir de
la vie et à travailler. Gwendoline, seule,
est agitée de sombres pressentiments
n'a-t-etle pas rêvé qu'un horrible pi-
rate aux cheveux roux t'entraînait sur la
mer? Mais ses compagnes la rassurent
Peureuse Les guetteurs aux paupières ouvertes
N'ont rien vu passer sur les tames vertes.
Sécurité trompeuse. A peine tes rieu-
ses jeunes filles ont-elles chanté ces
jolis vers, qu'éclatent des clameurs de
détresse. Les Saxons fuient épouvantés s
devant tes brigands de ta mer, qui tes
poursuivent en tançant de grands cris
L'épieuromptiescuirasses,
t-ëfercreveracier;
Nous sommes les grands ours voraces
Que ta. faim chasse du glacier!
Haraid, Harald le cruel, Haratd le
triomphant commande à cette hideuse
troupe et somme Armel de lui remettre
et moissons et trésors. Le yeitiard refuse,
ironique:
Tu n'auras donc que des tisons t..
Le bandit lève sa hache et va faire
tombercette tête rebelle lorsque Gwen-
doline se précipite et couvre Arme! de
son corps. Alors le chef barbare hésite
et. recule; ses yeux qui n'ont jamais
contemplé de femme expriment un ra-
vissement, une surprise inouïe, « Allez-
vous-en tous )), dit-ii d'une voix terrible.
toire de la colonie anglaise. Avait-H
chance de se trouver en contact avec une
colonne française? Non, de ce côté nous
avons quelques postes fortifies l'un à
Erimankono, près des postes anglais de
Falaba et de Kenières; un autre, plus au
Sud, dans la région des sources du
Niger; un troisième, àl'Est, dans teKissi;
mais ces postes sont gardés par de très
faibles garnisons qui ne sont pas consti-
tuéés de façon a former une colonne.
Quant a nos dernières rencontres avec
Samory, elles ont eu Heu plus au Nord,
entre le onzième et !e douzième degré
de latitude; le colonel Bonnier, com-,
mandant supérieur, par intérim au Sou-
dan, a enlevé, le mois dernier, Tenetou,
que Samory occupait, puis il s'est dirigé
sur Ségou-Sikoro ou it est arrivé il y a
quelques jours. Nous n'avions donc pas
de détachements en mouvement du
côté de la frontière anglaise, mais alors
comment s'expliquer te conflit qui a eu
lieu entre les troupes indigènes des deux
pays? 2
En l'absencede renseignements précis;
on peut faire l'hypothèse suivante: ta co-
lonne anglaise, précédée de ses auxiliai-
res, en est probabtementvcnue aux mains
avec dos indigènes soumis a notre auto-
rité elle a cru avoir affaire aux Sofas de
Samory et des coups de fusil ont été
échangés des deux côtés. Prévenues de
i l'incident, en butte elles-mêmes aux at-
taques des Sofas, les garnisons françai-
ses ont couru au secours de leurs indi-
gènes et te feu s'est engagé entre les ré-
guliers. On se sera aperçu de la méprise
à la discipline du feu, mais il y avait mal-
heureusement des morts et des blessés
sur le terrain.
Si c'est a une méprise de ce genre
qu'est due cette très regrettable afTaire, il
fautia déplorer, et d'autant plus que Sa-
mory est l'ennemi commun et qu'il ne
serait que sagesse d'agir de concert pour
se débarrasser d'un hôte très incom-
mode, qui ne connaît ni Anglais ni Fran-
çais, il te prouve bien,– malgré les
services que lui ont rendus tes traitants
deSierra-Leone.
En attendant, il faut envisager la ~i"
tuation de sang-froid, se garder de toute
exagération, faire la lumière avec la vo-
lonté très ferme, très arrêtée de sévir
vigoureusement contre tes coupables à
quelque nationalité qu'ils appartiennent.
AU JOUR LE JOUR
LA CHATELAtNE DE VtLLERBAU
Elle a bien les allures d'une simple hys-
térique, cette dame Impens, la jeune
châtelaine persécutée de Villereau~, dont
l'aiïaire vient de se dérouler devant le tri-
bunal d'Orléans; la cohérence dans les
idées ne paraît pas constituer précisément
le fond de son état d'âme en revanche,
l'imagination chez elle semble féconde..
Elle jure ses grands dieux qu'on l'a ma-
riée par contrainte, et que, une fois ma-
riée, elle a été victime d'outrages et de
violences abominables. Seulement, quand
on feuillette sa correspondance, on est
étonné des termes, plutôt tendres, dont
elle use à l'égard de son prétendu bour-
reau « Mon chéri.Mon petit futur mari.
« Et toi reste a, dit-il tendrement & la
jeune vierge. A peine sont-ils seuls qu'il
la saisit avec violence; mais elle le re-
pousse, très tranquille, et rit presque
en voyant de quel air penaud il se retire
à l'écart
Il n'a pas l'air méchant sa rudesse est câline
Comme celle d'un ours privé qui dodeline
De la tête en un coin.
<' Qui donc es-tu? lui demande-t-il.
Tu le vois bien une femme! Et le pau-
vre Haraldendemeureémerveillé. Gwen-
doline, « jolie, blonde, frôle, légère, en-
cline au rire avec des pitiés et des rêve-
ries"c'estainsi que la dépeintle poète,
a tôt fait d'amadouer ce naïf barbare;
elle le charme par son gentil babil, le
ravit par ses gracieux sourires, lui en-
seigne à filer la laine, a tresser des cou-
ronnes de Seurs. Finalement, elle lui
met la quenouille en main, bien, qu'il
résiste, et le force à filer, à chanter avec
elle:
Maître, obéis a. ta servante
Et répète avec moi ta parote et le son.
Ainsi fait-il, et, quand ses compagnons
le trouvent penché sur le rouet, quand
ils demeurent confondus de tant de fai-
blesse, il ne s'en émeut guère etdemande
amicalement au vieil Armel de lui oc-
troyer Gwendoline en légitime union. Le
chef saxon ne saurait refuser, d'autant
plus qu'il médite une prochaine ven-
geance, et la jeune fille, heureuse d'avoir
ainsi dompté l'orgueilleux pirate, con-
sentira, si lui-même obéit à son caprice
et redit sa joyeuse chanson:
« File, Rie, la belle blonde t
Tourne fuseau, tourne toujours.
"Il n'est rien dans te monde
Qui vaille les amours! »
Hélas t leurs amours ne seront pas de
longue durée. La cérémonie nuptiale a
lieu des le soir même,–le pirate Ha-
Ta petite iemme chérie qui t'adore. & Et
elle envoie des milliers de baisers; et elle
invite le ~~<7 ~M~Kr tK~rt à revenir bien
vite; et elle ne peut rien souhaiter de plus
heureuïàses anciennes amies de pension
qu'un mariage comme le sien. Nous na-
geons en plein j~ofMK/s~. M. Jmpens
avoue qu'il était fort content de recevoir
les lettres de sa fiancée ou de sa femme;
évidemment.
La propension naturelle qu'elle mani-
feste pour l'idylle n'exclut d'ailleurs pas,
en cette cervelle malade, la conception
des fantaisies plus pimentées. Elle accuse
sa mère d'avoir empoisonné son père,
quitte à se jeter plus tard à genoux pour
demander pardon de cette supposition dé-
sobligeante. Elle prétend qu'on a tenté de
l'empoisonner elle-même, sans pouvoir
spécifier ni où ni comment. Elle affirme
qu'elle a failli être transpercée d'un coup
de sabre, voire d'un coup de sabre ~e~c.
Elle inculpe son mari de liaisons inces-
tueuses, qu'elle aurait surprises dans la
salle de billard du château mais, le jour.
de l'audience, elle oublie complètement;
ce détail qu'elle avait réyélé à l'instruc-
tion, et il faut que le président sollicite sa:
mémoire infidèle. Son grand argument
consiste a invoquer, sans aujcuné 'espèce,
de preuve, sa coMM'c/MKWoM~.dë l'in-;
conduite maternelle.
Le mensonge pour le mensonge, pour le
plaisir d'attirer l'attention et de jouer un
rôle, ne semble pas un phénomène rare
chez certaines catégories de névrosées.
Récemment encore, vous vous souvenez
d'avoir lu dans les journaux l'histoire de
cette Adila Parenti, dont on s'inquiéta du-
rant quelques jours; elle avait inventé un
roman compliqué de suicide à deux, qui
lui aurait été proposé par son amant et au-
quel elle n'aurait échappé que par le plus
miraculeux concours d'incidents drama-
tiques. On véri6a; on ne trouva naturelle-
ment rien. Ici, dans l'affaire d'Orléans, on
auraitdonctortdese démesurément émou-
voir; mais ce qui corse l'aventure, c'est la
singubritÉ des comparses qui pivotent au-
tour de l'héroïne principale.
,Tout le monde a entendu dire par tout t
1~'monde ce que personne au monde n'a
feulement entrevu; personne, sauf le jardi-
ner, il est vrai. Mais le bon vieillard n'ap-
porte qu'un témoignage suspect et d'une
invraisemblance extravagante. Quant aux
autres, l'oncle de Pleumartin, le maire de
Villereau.les curés des environs, les gen-
darmes, les domestiques, les amis et les
a taies de la famille,oh croirait qu'Us se sont
donné le mot pour faire les bobèches et
provoquer l'hilarité du public. Il n'est pas
jusqu'à Impens dont les manières ne
soient parfois stupéfiantes. Que pensez-
vous de ce personnage qui, le surlende-
main de ses épousailles, pour remettre sa
jeuM femme des émotions de la première
heure, va faire en Italie son voyage de
noces, tout seul? Ces gens-la ont
assurément le crâne construit d'une façon
.toute spéciale. On nous avait annoncé un
mélodrame de d'Ennery; on nous joue
un vaudeville de Gandillot ou de Bisson.
Et l'on se demande alors comment le
parquet d'une ville, qui n'est pas particu-
lièrement éloignée de tout centre intellec-
tuel, a pu se laisser berner par les divaga-
tions d'une folle escortée d'une bande
d'individus pour le moins originaux ? Com-
raid n'est pas moins pressé que Zampa
le corsaire, et le vindicatif Armel re-
met a l'épousée un couteau pour qu'elle
tue Harald endormi dans ses bras. Pour
les autres Danois, Armel et ses fidèles
Saxons en auront facilement raison
Ce soir, ils seront ivres ) Nous, subtils,
Nous pourrons les frapper sans peine et sans pé-
rils.
Et de son air le plus affectueux/avec
des inflexions de voix très caressantes,
le vieillard souhaite hypocritement une
longue prospérité aux jeunes époux:
Enfants, je vous bénis avec mes bras tremblants.
Par les grands Dieux, seigneurs des cieux etince-
[tants,
Jurez de vous aimer jusqu'à la mort jatou
Les voilà seuls, près du lit nuptial.
Gwendoline, épouvantée, supplie Ha-
rald de fuir; elle laisse presque échapper
le secret d'Armel, car elle aune éperdu-
ment,à. son tour, le barbare apprivoisé
mais celui-ci refuse d'écouter les con-
seils de la peur. Alors, elle se rassure
~lie-même; elle veut croire quête vieil-
lard échouera dans son projet abomina-
ble et se laisse doucement glisser entre
les bras d'Haratd, qui lui murmure à
l'oreille:
Laisse-moi respirer le miel de tes cheveux t
Viens sur mon cœur, ô jeune femme t
« Harald! Harald t crient désespéré-
ment les Danois enivrés qu'Armel et les
Saxons égorgent dans une salle basse. A
cescris.le héros s'arrache aux caresses de
Gwendoline: il essaye en vain dé lutter
et court sur Ja. grevé où ses vaisseaux
flambent dans un vaste incendie. Armel
lui assène un formidable coup de hache.
Harald, cependant, ne ûéchit pas; il se
redresse contre un arbre, entoure de ses
bras Gwendoline qui vient d'accourir et
s'est frappée au cœur; tous deux alors,
ment â-t-il eu l'idée de poursuivre hn-
méme, quand il était si simple d'inviter la
plaignante à procéder par voie de citation
directe? A quoi bon s'acharner a une ac-
cusation qui ne tient pas debout, ou qui se
réduit à deux soufflets appliqués par un
mari sur les joues d'une femme trop sen-
sible au prestige de l'uniforme? Le prési-
dent du tribunal, dans ce procès tragi-
comique, est le seul qui paraisse avoir
gardé son bon sens.
Quant à l'honorable procureur de la
République qui a prononcé le réquisitoire,
il a évidemment subi l'influence ambiante.
Certaines de ses phrases méritent une
mention.
vont à l'eau. )> Si ingénieux que soit cet
aperçu sur les migrations ethniques dans
la seconde moitié du dix-neuvième siècle,
il ne suffit pas à donner quelque sérieux a
cette affaire insignifiante, où plaignants,
accusés, témoins et magistrats eux-mêmes
semblent avoir vaguement perdu la tête,
et la notion du ridicule.
MAURICE SpRQNCK
LETTRE D'ANGLETERRE
Londres,le5 janvier.
Le gouvernement anglais ,et la Compagnie
sud-africaine
On ne peut guère conserver d'espoir, (
maintenant, sur le sort du capitaine Wilson 'n
et de ses soldats qui s'étaient lancés a la
poursuite de Lobengula et à qui la crue subite
des eaux de la rivière Shangani a brusque-
ment coupé la retraite. On dit qu'ils ont été
anéantis, sauf sept qui se seraient dirigés sur
Hai'tley Hill.
La Compagnie sud-africaine semble avoir
pris très philosophiquement son parti de la
perte du capitaine Wilson, car on ne voit pas
qu'elle ait la moindre intention de venger sa
mort et celle da ses compagnons. Elle a licen-
cié tics troupes et, comme le disait l'autre
jour M. Rhodes, le sort du capitaine Wilson,
quel qu'il soit, ne saurait rien changer à ta
situation.
En ce qui concerne M. Rhodes, il vient de
prononcer au Cap un discours qui mérite d'c-
tro signalé, car il renferme une note de déu
au gouvernement et au Parlement impérial.
« Si malheureusement il arrivait, a dit le
premier ministre de la colonie du Cap, par-
lant, sans aucun doute,comme directeur de ta
Compagnie sud-africaine, s'il arrivait que le
règlement a eNeçtuer par Je gouvernement
impérial, aujourd'hui que la guerreest. ter-
minée, ne répondit pas a l'attente de ceux qui
ont répandu leur sang pour lui, je combat-
trai ardemment et résolument pour le peuple
de ce pays et pour le peuple d'Angleterre dont
les enfants ont pris part aux dangers de la
campagne mais je lutterai sur le terrain con-
stitutionnel." n
Une autre version de ce même discours dit
que M. Rhodes a exprimé l'opinion que, le
gouvernement n'ayant qu'une très faible ma-
jorité à la Chambre des Communes, et ayant
contre lui, sur cette question, une petite sec-
tion de ses partisans, il n'était pas impossible
qu'on dictât aux Sud-Africains un règlement
qui ne fût pas équitable pour eux. C'est alors
que M.Rhodes jugerait de son devoir de com-
battre pour l'idéal des Sud-Africains.
Ce que dit M. Rhodes de la situation du
gouvernement est parfaitement exact, comme
aussi ce qu'il dit de l'hostilité d'une petite
fraction des partisans de M. Gladstone. Ce
qu'il ne dit pas et ce qui mérite d'être re-
levé, c'est que les membres de la Cham-
bre des Communes qui sont le plus op-
appelant la mort qui doit les réunir pour
l'éternité, chantent jusqu'à extinction de
souffle:
Envolons-nous tous deux sur des aites de
A tra.vers tes cieuxd'or, fuyoM.coupte emporté!
Us meurent enfin, ce qui paraît beau-
coup surprendre Armel, et le rideau
tombe on peut s'en aller.
Cepoëme, dont je me suis fait un plai-
sir de citer plusieurs vers, parce que les
compositeurs n'en ont pas toujours
d'auapi précieux à mettre en musique,
ea~)on ne peut plus simple et n'offrait pas
des situations très variées à l'inspiration
du musicien. Vous avez dû penser, che-
min faisant, n'est-ce pas? à la Senta du
FaM~eaM /aM~tM<°, à l'Hypermnestre et
au crue! Danaüs des Danaïdes, à lady
Henriette et à sir Lionel de jMa~s mais
vous avez dû remarquer aussi que ce M-
yret ne j'enferme que des scënes de co-
quètteruB et d~mbur entre Gwéndoline
etHara!m,Le~përe Armel joue un rôle
très secoadaire et t'entrée impétueuse
des Danois au premier acte, la ceremo-
nie du mariage au second sont presque
les seuls instants où tes deux principaux
personnages ne chantent pas leur ten-
dresse instinctive, leur amour naissant,
leur passion débordante. Et d'ailleurs, ]
c'est bien là ce que voulait le poète, le-
quel tient pour les livrets d'opéra très 1
simples,– ne croyez pas cependant qu'il
n'en pût pas combiner d'autres, et
nous a clairement dit ce qu'il avait dé-
sire dépeindre ici :«Gwendo!ine. L'éter- n
nel!e histoire de l'Homme puissant, hé- l
roîque, brutal,–Samson, Hercule, An- <
toine, vaincu par la femme enfant, in- 4
génue et perverse séductrice, Dalila,
Omphale, Cléopâtre; de la Femme i
prise à son tour dans le piège d'amour <
qu'elle a tendu et des Amants triom- ]
phant de toutes les haines, de toutes les <
posés & M. Rhodes, en dehors de M. L~
bouchère, sont des représentants irlandais.
"Et c'est ce qui est très curieux, car, si
M. Rhodes doit s'attendre & de l'opposi-
tion, ce n'est certainement pas de la part
des enfants de la Verte Erin. On n'a pas
oublié que, il y a quatre ou cinq ans (plus
ou moins, je n'ai pas la date sous la main),
il a donné au parti nationaliste irlandais
une somme de 250,000 fr. (10,000 liv. st.) pour
l'aider a conquérir le Aome rM
M. Rhodes ? Leur a-t-il trop donné ? Ou pas
assez? Leur avait-il fait des promesses qu'il
n'a pas tenues? Mystère. Mais le fait est là,
et, tant qu'il n'aura pas été éclairci, on aura le
droit d'être surpris de l'attitude des nationa-
listes envers lui et de trouver qu'ils poussent
un peu loin, peut-être, l'indépendance du
cœur.
De son côté, M. Rhodes va un peu loin
aussi. D'aprèsles termes de la Charte accor-
dée a la Compagnie sud-africaine, si celle-ci
a des démêlés avec un chef ou une tribu indi-
gène, elle doit soumettre tout arrangement in*
tervenu au seopétaire d'Etat dont la décision
fera loi (art. et 8). Le gouvernement impé-
rial a donc absolument le droit d'imposer a
la Compagnie tel arrangement qui lui sem-
blera équitable. C'est indiscutable au point de
'vue du droit sh'ict et de l'interprétation de la
-Charte.
Au point do vue pratique, d'autre part, il
estNon mpins certain, que, dans certains cas,
il faut que .le gouvernement impérial semble
.ne pas avoir trop raison et use modérément
de ses pouvoirs. C'est a ce prix que l'Angle-
terre conserve ses colonies, et cite sait ce
qu'il lui en a coûté pour avoirvoulu, une fois,
user jusqu'au bout de ses droits. Il est peu
probable qu'elle commette, encore une fois, la
même faute, en Afrique et en ce moment,
moins qu'aUlours et qu'en tout autre mo-
ment.
MIELLES DE L'MRMGER
L'incident dû Sierra-Leoneet la presse
anglaise
Londres, le 6 janvier.
Les nouvelles de Sierra-Leone déf rayent ce
matin les polémiques des journaux anglais.
Le Times dit que ta mieux est do suspendra
tout jugement jusqu'à ce que des nouvelles
plus précises soient arrivées.
Le Datty Megrap/t exprime le même avis.
LoDa:
Cette collision est évidemment le résultat
d'un malentendu déplorable.
Le Daily News dit qu'un malentendu s'est
évidemment produit. Une enquête sévère sera
ordonnée par les deux gouvernements et l'on
aura alors la version exacte do l'aNaire. La
difficulté qui entoure le règlement de conflits
de ce genre pour les deux gouvernements
paraît être l'incertittide de leurs Intérêts res-
pectifs dans l'hmterland de Sierra-Leone.
Le Den'ty Gt'ap/nc dit que la cause du con-
Hit n'est pas définie. H faut se rappeler toute-
fois, ajoute le journal anglais, que M. Mizon
et d'autres Français ont fait tous leurs elforts
pour amener leur gouvernement a faire nai-
tre une querelle avec l'Angleterre. Il en ré-
sulte que les duïerends sont en cours entre
les deux puissances dans l'Ouest africain,
mais ces différends ne semblent pas justifier
une effusion de sang. `
Allemagne
Les DentterM ~VoMuettM de MMMtcA annon-
cent de la manière la plus précise que les
Mémoires du prince do Bismarck sont déjà
prêts a paraître chez les frères Krooner, &
Stuttgart, successeurs du célèbre éditeur
Cotta.
fatalités, par l'Hymen, ou, mieux en-
core, Roméo et Juliette, par ta
Mort, qui est l'Hymen plus définitif,
!e seul qui ne soit point sujet aux trahi-
sons ni aux divorces a.
Mais cette simplicité du drame, ame-
nant quelque monotonie, est-elle propre
à soutenir un musicien, surtout un mu-
sicien de ta nature de M.Chabrier, tem-
pétueux, violent, excessif, & qui la tra-
duction des sentiments modérés con-
vient beaucoup moins que la peinture
de grandes scènes dramatiques ou de
tableaux populaires, d'une couleur très
vive ? H nous était apparu jusqu'à ce
jour, tantôt comme un compositeur plein
de beiïe humeur, mais contourné, dans
/o:~ tantôt comme un musicien gra-
cieux et légèrement ému, quand il le fat-
lait, mais souvent commun et trop
bruyant, dans le Roi ~s~ ~Mt il nous
avait enfin ravts par cette éblouissante
rapsodie d'jEspana mais ceux qui
n'avaient pu aller entendre 6'MMM
7!o: MM7~?M!, se demandaient com-
ment il avait pu se tirer des nombreuses
scènes tendres et passionnées que lui
offrait le poème de M. Catulle Mendes.
Eh bien, il ne s'y montre en aucune fa-
çon différent de ce qu'il est d'habitude et
ne nous a nullement surpris. Sa phrase
mélodique acquiert toujours dans !tes
passages pathétiques une aisance, une
netteté qu'elle est loin d'avoir quand il
fait du sentiment ou du marivaudage
elle se contourne ators et se complique
de nombreuses recherches d'instrumen-
tation ou d'harmonie. H a donc traité les
divers épisodes, gracieux ou délicats,
qui constituent presque toute la pièce,
avec une incontestable habileté, dans un
sentiment parfois heureux, mais en ac-
cumulant trop les efîets d'orchestre, en
présentant de la façon la plus brillante
des idées qui ne sont pas d'une origina*
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