Titre : Journal des débats politiques et littéraires
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-01-04
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Description : 04 janvier 1894 04 janvier 1894
Description : 1894/01/04 (Numéro Soir). 1894/01/04 (Numéro Soir).
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Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : d'une guerre à l'autre (1914-1945)
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
JLe numéro 10 centrales 'PAJFM~ ~t D~~AT~TETMaEI~TTS Le nTUHLéï*o 10 centimes
tOS~MMEE
tOe'AfM~
JEUDI Sm 4 JANVIER
-i@Q4
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ET PUBLICITÉ
t7, me des Prêtres-Saint-Germ~m-l'Amen'ois, 17.
ADRESSE TÉLÉGRAPHIQ.UB
OÉB~TS-PARtS
TAMFS DE LA PUBMCITÉ
Amnonëes. S ~l'ë~a'
IMdames. 4
Faits-divers. <'
rff<
JEUDI SOIR 4 JANVIER >.
1894
OTsr s3'A.i:3or«rjsrE:
Place du LoMvre, 1
PRIX DE L'ABONNEMENT
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Cmion postale. ti&fr. SO WSff. 60 fh
~*
JMJMAL DES DEBATS
4
BAT TTÏ~TT~C 'CT t TTT~H AT1M?
FvLi i iH ~0 m i M i i JLiiAiK~o
SOMMAIRE
BULLETIN DU JOUR. FRANCE C'C~ ta
JpoKce. ETRANGER Le voyage du
2fa~Az6M.
L&.U JOUR LE JOUR Les jeMHM rCOMM.
Ed. Rod.
~jETTRE DU CANADA.
'ACTUALITÉS ZM attarc/t~ex.
t~E MOUVEMENT SOCIAL. J. Ch&iHey-
Bert.
BULLETIN
FRANCE j
€'est I& poUce 1
Lorsque Vaillant eut lancé sa bombe,
les socialistes, mesurant tout le tort que
pourrait leur faire ce nouvel attentat des
anarchistes, parurent désireux de ne pas
se compromettre en une aussi dange-
reuse compagnie, ~es plus timides bal-
butièrent quelques protestations, et les
plus audacieux osèrent à peine plaider
les circonstances atténuantes; mais la
nuit porta conseil. Sans doute, les Rava-
cholet les Vaillant sont des auxiliaires
compromettants; ils n'en forment pas
moins, avec leurs complices, l'avant-
garde du parti, et l'on ne fait pas
de révolution sans révolutionnaires,
hommes résolus, toujours prêts aux
opérations hardies et violentes. Ac-
cepter avec eux une solidarité trop
complète avait ses périls les renier
et rompre pour toujours, c'était s'af-
faiblir pour l'heure de l'action. Les
socialistes cherchèrent quelque moyen
de se tirer d'embarras, en tirant du
même coup les anarchistes d'une passe
difficile, et ce fut alors qu'ils poussèrent
le vieux cri des révolutionnaires de tous
les temps c'est la police 1
Au début, ils entrevoyaient seulement
la main de M. Lépine; ils la distinguent
très nettement aujourd'hui, Après l'avoir
dit, ils le prouvent. La Pe~ejR~pMM~MC
àppelleM. Floquet en témoignage et en-
registre sa déposition. Ce candidat
sénatorial aurait dit à quelques élec-
teurs que les agents postés dans la
tribune publique auraient disparu peu
de minutes avant l'explosion afin de
permettre à Vaillant de lancer plus
sûrement sa bombe. Le Parti ou-
M'!er, d'autre part, confirme ce propos et
!e précise. Prenant acte de la disparition
des agents, M. Floquet en aurait conclu
que les lois réclamées par les ministres
étaient bien inutiles puisque la police
laisse, avec préméditation, le champ li-
bre aux lanceurs de bombes, quand elle
ne les pousse pas au crime et ne favorise
point leur attentat. Ce matin, la Z~re
ParoJe commente les affirmations de ces
deux journaux et s'écrie, à son tour: c'est
la police! 1
Dans l'intervalle, M. Floquet a démenti
'les propos qu'on lui prête. Il se serait
borné à dire « Il y a d'ordinaire des
agents de la Sûreté dans la tribune pu-
blique il est regrettable qu'ils n'y soient
pas venus .le jour de l'attentat. M Cette
rectification, qui ne perdrait rien à être
plus catégorique et plus nette, ni le
.P
FEU!LLETOM DU JOURKAL DES DÉBUTS
dm jeudi soir 4 janvier 1894
MOUVEMENT SOOAL
L'afncacité des institutions dites « institutions
patronales une controverse sur retendue de
cette efficacité exemple des habitations ou-
vrières tes habitations ouvrières & Lyon; la
Soctete CM)He dation et développement de la Société ~résul-
tais proportion des logements offerts aux lo-
cataires possibles. Le patronat en tant que
procède d'éducation du peuple; alliance fé-
conde des procédés de la liberté et des procé-
dés du patronat exemple de ta ville de Lyon
Lyon, à un demi-siècle de distance éducation
politique etsopiatede la population lyonnaise;
'causes des progrès constatés. Les MM~t-
'p!o~e~ a Londres; une discussion a la Cham-
bre des Communes une délégation reçue par
M. Gladstone discours de M. Balfour les me-
sures agraires et leurs conséquences sur le ré-
'gime fiscal du pays; discours do M. Glad-
stone condamnation du dfOtt OMUne Société coopérative de production l'Im-
primerie nouvelle; histoire de sa fondation et
de son développement enseignements de cette
expérience.
Tout cela est excellent; tout cela est
louable, toùtceta est efficace. MaisTeM-
cacité en est nécessairement limitée. Si
on prétendait indiquer cette efficacité en
chiffres, j'aurais dit qu'elle ne soulage
pas même un pour cent (1 0/0) de la po-
pulation intéressée." n
Cette phrase d'un de mes derniers ar-
ticles consacré aux institutions patro-
nales et diverses OEuvres philanthropi-
Reprodncticn interdite.
rand ne la reproduisent et la Mre Pa~o~
l'ignore systématiquement, car elle dé-
truirait son argumentation.
Donc, c'est la police, et l'anarchie n'y
est pour rien. En revanche, les ministres
y sont pour beaucoup. Ils avaient besoin
de cette bombe pour rendre leur majo-
rité plus forte, pour pratiquer la réaction
à outrance, pour arracher à la Chambre
des lois qu'elle n'était point d'humeur à
leur accorder. Ils avaient tellement be-
soin de cette bombe qu'ils ont sacrifie,
sans l'ombre d'une hésitation, non seu-
lement la vie de nombreux députés,
ce qui, pour des gens aussi affolés, n'é-
tait rien, mais jusqu'à leurs propres
existences. Leur rage de réaction et leur
crainte d'un échec parlementaire les
rendirent héroïques. L'explosion pouvait
et même devait se produire devant leur
banquette, ils seraient les premières et
les plus assurées victimes eh bien 1
d'un cœur léger, ils en coururent la
chance.
« Je crois, conclut M. Drumont, que
l'opinion est à peu près fixée. Nous
sommes convaincus qu'elle l'est com-
plètement, qu'elle fait bonne justice des
anarchistes et de leurs complices de
ceux qui lancent les bombes et de ceux
qui tiennent en réserve pour ces crimi-
nels des trésors d'indulgence, qui leur
témoignent une compassion qu'ils refu-
sent à leurs innocentes victimes et les
défendent dans des plaidoiries qui don-
nent aux avocats un air de complices.
ÉTRANGER
Le voyage du M&ghxen
Tandis que l'Europe ne s'intéressait,
ces derniers mois, au Maroc, qu'à l'inci-
dent de Melilla, le Sultan pouvait, sans
presque attirer l'attention, entreprendre
dans le sud-est de son empire, et vers
la frontière oranaise, une tournée d'une
importance beaucoup plus considérable
assurément que la querelle de quelques
tribus maures de la côte avec l'Espagne.
Il est resté près de cinq mois en route,
de juillet à décembre, et a reçu la sou-
mission et l'hommage d'une multitude
de tribus; rentré dans sa capitale, à Me-
râkech, il y a quelques jours à peine,
comme nous l'apprenait hier notre cor-
respondant de Tanger, H y "va'jouir jus-
qu'au printemps de son incontestable
succès, non sans chercher, sans doute,
au moyen d'une diplomatie intérieure
toujours en éveil, à s'en créer de nou-
veaux pour l'année prochaine.
Moulaï-Hassan, on le sait, depuis le
moment où le gouvernement français
avait revendiqué si platoniquement, hé-
las 1 nos droits imprescriptibles sur les
oasis du Sud-Oranais, s'était mis à y
nouer de lentes mais sûres intrigues;
il y avait envoyé des agents et en avait
reçu des ambassadeurs,encourageant ses
partisans et s'appliquant à nuire à tous
ceux qui favorisaient, de quelque façon
que ce fût, l'influence française.Mais, tan-
dis qu'il intriguait ainsi en dehors des
frontières de son empire, l'intérieur
même de cet empire étaitdans une situa-
tion assez précaire, et, sur la route même
que devaient suivre ses agents pour
passer au Gourara ou au Touât, son au-
torité était singulièrement mal assise.
ques de prévoyance et de bienfaisance,
m'a attire d'assez vertes critiques de
plusieurs correspondants. J'en ai été
ému j'ai cherché a vérifier, par des
exemples concrets, l'exactitude de mon
assertion. J'aurais été heureux de me
trouver en défaut et d'être forcé de me
donner tort j'ai le regret de dire que
les faits persistent à me donner raison.
Prenez les habitations ouvrières. Il y
a peu de questions qui aient passionné
autant d'hommes de mérite. A Paris, à
Lyon, à Marseille, au Havre (sans parler
de notre Mulhouse d'autrefois), en vingt
endroits, les hommes !esp!us considé-
rables et,–notez le détail, –souvent
les plus pratiques, se sont associés a cette
OEuvre d'hygiène et de moralité publi-
ques.
A Lyon, notamment, on a vu l'un des
citoyens les plus estimés pour son carac-
tère et pour ses talents, M. Mangini, s'at-
teler a la création de logements économi-
ques avec autant d'énergie que de bon-
heur. M. Mangini partait d'un principe
excellent et qu'on ne saurait trop vulga-.
riser, à savoir que, si t'en veut obtenir
des résultats pratiques et durables, il
faut traiter ce genre d'entreprises non pas
comme des OEuvres charitables, mais
comme des affaires et des placements/Et
il posait le problème de la façon suivante
Offrir aux petites gens des logements
salubres, commodes, agréables et à bon
marché, et, en même temps, assurer aux
capitaux investis un intérêt suffisant. Et
ce problème, il l'a résolu. Seulement,
qu'on ne s'y trompe pas, la solution n'exige
rien moins que la collaboration perma-
nente (et peut-être gratuite) d'un homme
d'affaires large dans les conceptions et
minutieux dans la surveillance et d'un
architecte aussi habile qu'économe. Cela
nese rencontre pas tous les jours.
M. Mangini, tui, était à ta fois et
l'homme d'affaires et Farchitecte. Il a su
Ils avaient a traverser ~es tribus des Be-
rabers, qui n'avaient qu'à de rares inter-
valles accepté les ordres du Sultan et
qui, riches et puissants, n'avaient pas
craint, il y a peu d'années encore, sous
la direction d'un chérif des Aït-Izdeg,
el Arbi-el-Derkaoui, d'assassiner les
caïds du Maghzen elles avaient failli
alors mettre le souverain de Fez à deux
doigts de sa perte. C'est contre elles
que Moulaï-Hassan résolut d'agir, cette
année.
Ses agents s'y prirent bien; ils surent
à tous montrer les Roumis prêts à enva-
hir le pays et prêchèrent la guerre
sainte, de telle sorte que de toutes parts,
des régtons les plus éloignées et les
moins soumises d'ordinaire, lui vinrent
des soldats. L'on se mit en marche vers
la mi-juillet a peine entrés chez les Be-
rabers, à la première résistance, un ter-
rible exemple fut fait le qças de Bou-
Denib qui avait tenté le combat fut bom-
bardé, détruit et ses habitants dispersés.
Cette leçon servit aux autres tribus, que
l'on avait eu soin d'ailleurs de travailler
auparavant les Aït-Izdeg envoyèrent à
Moulaï-Hassan des délégués pourobtenir
leur pardon des offenses.passées, lesquel-
les ne furent oubliées que moyennant une
somme d'un million; et le Sultan, en-
touré d'un prestige guerrier et religieux
à la fois, qui devait imposer aux popula-
tions fanatiques de ces régions, put les
traverser sans tirer un coup de fusil, se
rendre au Tafilalet, où il pria sur le tom-
beau de ses ancêtres, et rentrer enfin
triomphalement a MerS-kech par un
chemin non encore parcouru de ses sol-
dats.
Cette expédition a pour nous une im-
portance considérable, car le retentisse-
ment qu'elle a eu dans le Sahara et tout
le Sud-Oranais a été immense de toutes
parts, on est venu rendre hommage au
grand chef religieux de l'Occident, et
une certaine agitation s'est produite jus-
que dans les tribus jusqu'ici les plus
soumises à notre influence. Le gouver-
nement de l'Algérie est en de bonnes
mains, certes, et nous sommes assurés
que rien ne sera négligé pour que, mal-
gré le trouble de ces derniers mois, nos
bons rapports avec le Sud continuent
comme pa.r le passé:la écente mise en
adjudication du premier tronçon de ta
ligne de Djenien-bou-Rezg, comme l'é-
tablissement des postes Miribel et Mac-
Mahon au sud-ouest d'El-Goleah sont
pour nous prouver que l'on veille. Ii
était bon, pourtant, d'appeler à nouveau
l'attention du public sur cette question
en résumant ces événements dont notre
correspondant de Tanger, dans ses let-
tres, nous a entretenus au jour le jour
depuis six mois, avec une information si
ample et si précise.
AU JOUR LE JOUR
LESJEUNES REVUES
Un des écrivains les plus intelligents et
les plus distingués de la génération qui
monte, M. Charles Maurras, vient de com-
mencer, dans la ~?epMC bleue, une intéres-
sante étude sur les sujet n'est pas neuf, car, depuis quelques
grouper !es capitaux et en faire le plus
heureux emploi. En 1886, il fondait une
Société C!t)~e des ~o~enten~ ~co~o~~MCs
au capital de 200,000 francs; en 1888, il
portait le capital de cette Société a 1 mil-
lion en 1890, il l'élevait à 2 millions. Il
mettait à la disposition de la classe ou-
vrière, moyennant 200 francs environ,
des logements répondant au type désiré,
et, en même temps, il assurait un divi-
dende de 4 0/0 à ses actionnaires, sans
parler de 3 0/0 qu'il plaçait à la réserve
pour l'entretien des immeubles. On ne
peut mieux faire; on ne peut souhaiter
mieux (1).
Maintenant, savez-vous combien cette
Société si habilement conduite offre de
logements à bon marche? Elle en ou're
650, répartis dans 56 maisons, et loués
moyennant 130,000 fr. Et savez-vous
combien, a Lyon seulement, il y a des
locataires possibles d'appartements de
cette catégorie? Il y ena, d'après l'esti-
mation de M. Mangmi lui-même, 75;000.
Calculez la proportion 650 est à 75,000
comme :r est a 100 x ressort à moins de
1 0/0. C. Q. F. D.
Je ne tire pas, on peut m'en croire~
vanité de ma démonstration. Et je
sais bien qu'elle n'est pas décisive et ce
qu'on y peut répondre. La Société date
de sept années seulement; elle en esta
ses débuts; fondée a 200,000 francs en
1886, elle avait, dès 1890, décuplé son
capital, et M. Mangini lui-même prévoit
que ce capital peut être porté à 4,6 et 10
millions. Tout cela est vrai, tout cela
n'est pas convaincant. Lyon n'ira-t-il
pas plus vite à grandir et à se peu'
pler que M. Mangini à te rebâtir et
à l'assainir? Ces capitaux modérés, qui
se contentent de 4 0/0 dans une en-
(1) V. Compte rendu de !& Société d'économie
politique de Lyon, ann6& 1890-9H, p. 4N-4Tf4.
années, les jeunes revues sont en grande
faveur: je n'oserais pas affirmer qu'on les
lit beaucoup, mais on ne parle que d'elles.
Les uns les plaisantent, et Dieu sait de
quel ton elles répondent; d'autres, pru-
dents, les caressent, sans que leurs gracieu-
setés leur soient souvent d'un grand se-
cours. Des gens que l'avenir inquiète les
épient anxieusement, comme si vraiment
elles renfermaient l'âme des temps futurs;
en sorte que les opinions de leurs rédac-
teurs prennent une considérable impor-
tance. Ce sont des oracles, des jugements
sans appel. Etre un ~jeune », c'est devenu
une force, presque une position sociale.
Aussi le reste-t-on le plus possible. Cer-
tains le sont en cheveux blancs; et ceux
qui viennent derrière eux leur reprochent
âprement d'être de faux jeunes. Ils répli-
quent, cela se gâte, on se jette ses années
à la face, et le dernier mot est à ceux qui
en ont le moins.
Mais si l'on a déjà beaucoup parlé des
jeunes revues, on n'en a peut-être pas en-
core dit ce qu'il en faudrait dire et cela
n'est point étrange il y en a tant qu'il est
bien difficile de toutes les connaître.
M. Maurras, lui, se met à la besogne avec
'beaucoup d'ardeur il n'en ignore aucune;
il a collaboré à beaucoup d'entre elles il
procédera en pleine connaissance de cause
et avec méthode rité et de réputation où touchent les jeu-
nes revues, annonce-t-il, je voudrais sou-
ligner chez elles tout ce qui peut donner
un indice des sentiments et des idées des
nouveaux écrivains. Lourde tâche! Le
critique en a conscience, car il ajoute, non
sans un peu d'effroi et d'ironie sans doute un problème un peu vieux que
celui des tendances de la jeunesse. » Mais
il reprend bien vite courage en concluant
~Toutefois, il n'a tant vieilli que faute
d'avoir été convenablement résolu. »
Je ne voudrais point anticiper sur les
solutions que nous fait espérer cette phrase
pleine de promesses; et, pourtant, il en
est quelques-unes que je crois entrevoir
déjà
D'abord, on sera frappé, je crois, de l'ef-
frayante rapidité avec laquelle les idées
accomplissent leur parabole. Il fut un
~temps où. les grands courants littéraires et
'intellectuels avaient une certaine durée
!on a vécu plus de deux siècles sur le carté-
.sianisme, et, pendant toute cette longue
.période, l'esprit classique a régné pour
.ainsi dire sans conteste. Le romantisme,
qui est venu ensuite, s'est usé plus vite,
:mais, enfin, il a bien duré trois quarts de
~siècle/Ensuite, est arrivé le naturalisme
qui peut avoir vécu une dizaine d'années.
~Et âpres?
Ah! après, c'est le règne de l'incohé-
rence, et c'est aussi celui des <: jeunes re-
vues ». Elles se succèdent comme dans un
vertige ellesmeurentsansavoireuletemps
de naître, comme les marionnettes de la
chanson d'enfants trois p'tits tours et
puis s'en vont. Chacune correspond à un
soubresaut de la mode, apparaît pour don-
ner corps à une tendance qu'on croit voir
poindre, et s'eSbndre, faute de substance,
pour faire place à quelque chos& d'autre.
Celles qui parviennent à survivre se trans-
forment, en réalité, tout autant que si elles
changeaient leur titre. Ainsi, cette Revue
~~K~M/f,<: qui montre, nous dit M.
Maurras, le passé le plus long et le plus bril-
trëprise immobilière, seront-ils inépui-
sables ? M. Mangini laissera-t-il des
'héritiers de ses talents et de son auto-
rité ? Après lui, son œuvre ne languira-
t-elle pas? Vingt autres objections se
pressent au bout de ma plume non, en
vérité, ne comptez pas trop sur l'oeuvre
d'un homme. Et presque invariablement
les institutions altruistes sont l'œuvre
d'un homme, assiste d'une élite morale
qu'il a momentanément ralliée autour
de lui.
Maintenant, notez bien que ces OEuvres
individuelles, je n'en suis pas l'adver-
saire, je les admire, au contraire, je les
défends, je les loue et je souhaite les voir
se multiplier. Toutes ces réserves, je ne
les formule qu'à l'adresse de ceux qui y
voient un moyen exclusif de salut et
qui supposent que le patronat, pour l'ap-
'peler par son nom le plus général, est,
par excellence, l'instrument d'éducation
du peuple. Mais si l'on me concède que
l'instrument supérieur, l'instrument vé-
ritablement efficace d'éducation, est la
liberté, si l'on no réclame pour les OEu-
vres patronales que le rôle de très utiles
auxiliaires, j'accède bien volontiers à
'cette formule et ne trouve pas assez d'é-
loges pour ces OEuvres et pour leurs pro-
moteurs.
Et il me semble que sur ce terrain
Lyan offrirait encore un champ de dé-
monstration. Il y a soixante ans, Lyon
était une ville les plus troublées et les
plus divisées de France. La lutte de
classe y était à l'état aigu. L'insurrection
y fleurissait régulièrement. Le parti ré-
volutionnairey avait son état-major. H
avait fallu bâtir un mur fortiné et tou-
jours gardé pour séparer la Croix-Rousse
du reste de la ville. Les ouvriers profes-
saient une haine farouche pour les fabri-
cants. et ces fabricants, qui, il faut bien
le dire, et M. Aynard, dans son travail
de 1889, Fa dit en termes courageux,j
lant )). Pendant les dix annéesqu'a dure son
existence, elle a été successivement natu-
raliste, pessimiste, matérialiste, positi-
viste, socialiste, symboliste, que sais-je
encore? Elle a adoré, l'une après l'autre,
et quelquefois en même temps, les idoles
les moins conciliables. Elle a rompu des
lances,–avec parfois la virulence qui, de-
puis quelque temps, prête ses grâces aux
discussions littéraires, en faveur des
esthétiques les plus contradictoires. Et en-
fin, comme si la rapidité de ses évolutions
ne lui suffisait pas, elle a fini, ô dérision 1
par se proclamer cc/~h'~MC. M. Maurras
vous dira que je n'invente rien, et, si vous
ne m'en croyez pas sur parole, vous pou-
vez rechercher dans la collection de ce cu-
rieux périodique le Manifeste où ce mot
s'étalait sur les ruines de toutes les polé-
miques antérieures, sur le désastre de tou-
tes les adorations déçues.
Vous le voyez, la tâche que le jeune écri-
vain s'estassignéeesttout simplement énor-
me. L'histoire des « jeunes revues mais
c'est l'histoire de tout notre mouvement
d'idées, avec ses exagérations, ses folies,
ses outrances, ses soubresauts, ses revire-
ments, c'estl'histoirede nos engouements,
de nos caprices d'esprit, de nos toquades
de sentiment.de nos berlues d'intelligence,
de nos éclairs aussi, éclairs de lucidité, et,
de ci de là, coups de génie. On se repré-
sente à peine tout ce qui a tenu dans ces
petites feuilles. A certains égards, elles
sont aussi intéressantes que les grandes:
elles le sont davantage,pour l'observateur,
pour le spécialiste curieux de l'âme con-
temporaine, désireux delà connaître et de
la com'prendre.
Une de leurs dernières évolutions n'est
pas la moins significative elles se sont
mises à gagner de l'argent.
Mon Dieu! oui. Si invraisemblable que
cela paraisse, cela est vrai. Et la faute,
ou le mérite, en est à la très grande ha-
bileté de quelques-uns de ceux qui les di-
rigent. Il n'y a pas bien longtemps, une
« jeune revue était, pour ceux qui la
faisaient, un outil sacrifié d'avance. On
savait qu'elle ne vivrait que quelques mois,
parfois quelques semaines, et l'on ne son-
geait ni à lui faire un sort, ni à lui en de-
mander un. Ce n'est plus le cas mainte-
nant. Les «jeunes revues » marchent, et,
si elles n'en sont pas encore à donner des
,dividendes comme ceux de,la Revue des
Deux MoH~y, elles en prennent le che-
min. Leurs fondateurs ont eu un trait de
génie ils ont compris que les écrits qu'ils
pouvaient grouper ne s'adressaient et ne
s'adresseraient de longtemps qu'à un pu-
blic limité, et qu'en conséquence il ne
fallait point se bercer de l'illusion de
forts tirages. Et .ils se sont mis à
exploiter la douce manie des collection-
neurs des papiers compliqués, des tirages
restreints, des caractères de choix, jus-
qu'à des illustrations, ils donnent tout cela
à leurs lecteurs, en plus de leurs <: proses »,
et ceux-ci s'en régalent. Et les «jeunes re-
vues ont leur place au soleil elles ont,
non plus seulement deux ou trois direc-
teurs et beaucoup de rédacteurs en chef,
mais leur administration, qui fonctionne
avec régularité, des abonnés, des annon-
ces, de l'influence, tout ce qu'il faut pour
aller loin. Et elles vont avoir un historio-
graphe, qui, s'il continue comme il a com-
mencé, sera fort intéressant. Eo. Roc.
prêtaient le flanc a plusieurs des accusa-
tions du socialisme, vivaient dans la
perpétuelle inquiétude des violences
possibles de la classe ouvrière. Un demi-
siècle s'est écoulé et, voici que Lyon,
tout en restant la plus laborieuse, est
devenue la plus paisible et la plus unie
de nos grandes cités. Sa population
donne chaque jour des preuves d'incon-
testable sagesse. En veut-on une au ha-
sard ? L'arrondissement peut-être le plus
avancé, tandis que Paris nomme M.Vail-
lant et M. Viviani, choisit comme député
un homme tel que M. Burdeau.
D'où peut venir une si profonde trans-
formation ? Pour moi, je suis disposé à
dire:posville de liberté et qui, en économique et
même en politique, a été, précisément
durant ce demi-siècle, l'un des centres
de ralliement des libéraux; Lyon, ville
d'initiative, .à ce point qu'elle en est pres-
que particulariste, et qui sait, par elle-
même, grâce à la coopération de ses ci-
toyens, constituer des services qu'ail-
leurs on a accoutumé de réclamer de
l'Etat Lyon, depuis cinquante ans, sous
la double influence et de la liberté et du
plus vaste patronage (assistance publi-
que, à laquelle ses meilleurs citoyens
consacrent gratuitement un temps con-
sidérable Sociétés d'épargne, qui don-
nent les plus heureux exemples de fé-
conde initiative (2);- Sociétés d'instruc-
tion populaire, écoles d'enseignement
professionnel, syndicats mixtes des di-
verses industries, Sociétés innombrables
de prévoyance et de bienfaisance); Lyon
a, dans ce demi-siècle, fait l'éducation de
sa population ouvrière.
Sans doute, la tâche n'est pas achevée. 1
Elle ne le serait que le jour où le patro- l
(2) Voyez, par exemple, un .EMa{ cote, par J. Perrier, président du conseil d'admi-
nistratton de !a. Cat~M ~pa~tte, rapport & la
Soete
< LETTRE DU CANADA
Montréal, le 19 décembre.
Une querelle pédagogique. La dynamite a
Montréal. La Révolution française et les
sulpiciens. Le thé&tre français au Ca-
nada.
Le Parlement provincial est en session,
mais la politique, a. proprement parler, ne
nous agite guère. M. Laurier et M. Thomp-
son couchent sur leurs positions. Pourtant
l'esprit de discorde souffle toujours sur les
Canadiens-Français. C'est une véritable
guerre civile.
Ses commencements ont été modestes. Une
simple querelle d'ordre pédagogique M.
Fréchette ne se contente pas d'avoir donné a.
la littérature de son pays son premier poète
lyrique. Je vais me brouiller avec les admi-
rateurs de Crëmazie, mais tant pis M. Fré-
chette, dis-je, s'est constitué le champion de
la langue française et il a morigéné, dans la
.Paprofesseurs des collèges religieux qui ensei-
gnent un français qui n'est ni du dix-neu-
vième, ni même du dix-septième siècle, mal-
gré l'opinion ilattouse qui met naturellement
sur les lèvres des Canadiens la langue de
Bossuet. On lui a riposté, et sur la question,
et surtout a côte de la question.
La polémique s'est envenimée. On en est
venu a menacer l'auteur de la ~~en~e d'Mtt
peMp!e des foudres ecclésiastiques. Notez
qu'il y a quelques mois une Revue libérale
était obligée, devant les censurer archiépis-
copales, de suspendre la publication d'un ro-
man.
Je vous donne en mille le titre de ce roman
Les r?'OM MotMgt~atfM Ce petit fait vous
donnera la mesure à la fois de la susceptibi-
lité et de la toute-puissance du clergé mont-
réalais. Bref, tout est en feu, et je vous as-
sure que le combat n'est pas prés. de finir,
faute de combattants.
Il s'en est fallu de bien peu que la dyna-
mite ne fût aussi de la partie. Un beau matin,
Montréal apprenait que cette statue de Nel-
son, qui fait si petite figure sur la place Jac-
ques-Cartier, en face de notre monumental
Hôtel de Ville, avait failli sauter. Ce qui ajou-
tait Ma stupéfaction générale, c'est que les
coupables, trois adolescents, appartenaient à
la meilleure société de la province. L'un d'eux
est le propre fils de M. Mercier. l'MMf-n ra-
mier de Québec. Un descend d'une fa-
mille annM~ par Louis XIV, et qui a fourni à
tu Nouvelle-France plusieurs de ses plus hé-
roïques serviteurs. Les conspirateurs avaient
pris un confident de trop, le fils d'un officier
de police, ce qui indique une certaine candeur
de leur part. Ils furent dénoncés, suivis pas à.
pas et arrêtés au moment même où, par un
soir de neige, ils allaient mettre leur projet &
exécution.
Il faut reconnaître que les autours de cette
nouvelle conspiration des Poudres assu-
maient une lourde responsabilité. Ce n'est pas
seulement le vieil amiral, si mutilé déjà de
son vivant, qu'ils pouvaient envoyer aux
étoiles, mais aussi dos passants inoffensifs et
les habitants des maisons voisines de la place
ou. de la rue Notre-Dame.
Cecit dit, on se trouve évidemment en pré-
sence de trois jeunes fous qui ont agi sous
l'inspiration d'une sorte de démence patrioti-
que. Du fond du cœur, il faut les plaindre
pour leur vie qu'ils ont peut-être a jamais
gâtée. Et, puisqu'on n'a pas étouffé a temps
une pareille affaire, tout le monde espère de
la justice qu'elle sera extrêmement miséricor-
dieuse.
Quitte à passer pour leur complice, je pro-
clame que ce Nelson est absolument insup-
portable. D'abord, au point de vue esthétique,
il est d'une contemplation pénible; ensuite,
nat aurait mis la classe ouvrière en état
de continuer son œuvre et de perpétuer
ses traditions. Et, quoi qu'on ait fait,
évidemment on n'est pas là encore. Mais
on en est plus près, ou, si vous voulez,
moins loin qu'ailleurs. Et ce demi-suc-
c&s, je n'hésite pas à l'attribuer à l'al-
liance, dans cette grande vil)e. des idées
de liberté, qui sont l'avenir, et d'auto-
rité, qui sont le passé.
Il s'est, la semaine dernière, a Lon-
dres, dit, avec pas mal d'inepties, des
choses excellentes sur la question des
« sans travail H ne paraît pas douteux,
à consulter les statistiques hebdomadai-
res du paupérisme et celles des soupes de
Noël, que le nombre des meurt-de-faim
est plus considérable cette année que les
années précédentes. Les grandes villes
regorgent de gens sans emploi et sans
ressources; les organisateurs d'assis-
tance et de charité sont encombrés. Les
autorités locales se déclarent impuis-
santes elles se tournent vers le gouver-
nement et lui demandent conseil et as-
sistance. Et c'est ainsi que, la même
semaine, il a été question des Mnem-
~oy~ a la Chambre des Communes, à
MansionHouse, où une commission spé-
ciale a entendu les doléances des inté-
ressés et émis des vœux en leur faveur,
et dans le cabinet de M. Gladstone, ou
une députation spéciale est venue plai-
der la thèse de l'intervention de l'Etat.
Personne n'a nié la recrudescence de
la misëre dans les grandes villes per-
sonne n'a affirmé qu'il n'y avait rien à
faire; mais personne n'y a proposé des
remèdes ou seulement un remède don-
nant satisfaction à l'opinion des gens
les moindrement sensés.
Des remèdes, pourtant, M. Keir Har-
die, dans la Chambre des Communes, en
a proposé à la douzaine.
La réduction, par exemple, à huit
tOS~MMEE
tOe'AfM~
JEUDI Sm 4 JANVIER
-i@Q4
DIRECTION, ADMINISTRATION
ET PUBLICITÉ
t7, me des Prêtres-Saint-Germ~m-l'Amen'ois, 17.
ADRESSE TÉLÉGRAPHIQ.UB
OÉB~TS-PARtS
TAMFS DE LA PUBMCITÉ
Amnonëes. S ~l'ë~a'
IMdames. 4
Faits-divers. <'
rff<
JEUDI SOIR 4 JANVIER >.
1894
OTsr s3'A.i:3or«rjsrE:
Place du LoMvre, 1
PRIX DE L'ABONNEMENT
POUR DEUX ÉDITIONS
3mo~ 6me~ M
Pans.
Départements. *8 fr. 36 fr. '9Z fr.
Alsace-Lorraine
lOnion postale. Si fr. 4e ff. 64t &,
POUR CNE ËDITION SEULEMENT
raris.
Départements. iOfr. fr." eOfr. fr. 40tC<
Alsace-Lorraine fr- i
Cmion postale. ti&fr. SO WSff. 60 fh
~*
JMJMAL DES DEBATS
4
BAT TTÏ~TT~C 'CT t TTT~H AT1M?
FvLi i iH ~0 m i M i i JLiiAiK~o
SOMMAIRE
BULLETIN DU JOUR. FRANCE C'C~ ta
JpoKce. ETRANGER Le voyage du
2fa~Az6M.
L&.U JOUR LE JOUR Les jeMHM rCOMM.
Ed. Rod.
~jETTRE DU CANADA.
'ACTUALITÉS ZM attarc/t~ex.
t~E MOUVEMENT SOCIAL. J. Ch&iHey-
Bert.
BULLETIN
FRANCE j
€'est I& poUce 1
Lorsque Vaillant eut lancé sa bombe,
les socialistes, mesurant tout le tort que
pourrait leur faire ce nouvel attentat des
anarchistes, parurent désireux de ne pas
se compromettre en une aussi dange-
reuse compagnie, ~es plus timides bal-
butièrent quelques protestations, et les
plus audacieux osèrent à peine plaider
les circonstances atténuantes; mais la
nuit porta conseil. Sans doute, les Rava-
cholet les Vaillant sont des auxiliaires
compromettants; ils n'en forment pas
moins, avec leurs complices, l'avant-
garde du parti, et l'on ne fait pas
de révolution sans révolutionnaires,
hommes résolus, toujours prêts aux
opérations hardies et violentes. Ac-
cepter avec eux une solidarité trop
complète avait ses périls les renier
et rompre pour toujours, c'était s'af-
faiblir pour l'heure de l'action. Les
socialistes cherchèrent quelque moyen
de se tirer d'embarras, en tirant du
même coup les anarchistes d'une passe
difficile, et ce fut alors qu'ils poussèrent
le vieux cri des révolutionnaires de tous
les temps c'est la police 1
Au début, ils entrevoyaient seulement
la main de M. Lépine; ils la distinguent
très nettement aujourd'hui, Après l'avoir
dit, ils le prouvent. La Pe~ejR~pMM~MC
àppelleM. Floquet en témoignage et en-
registre sa déposition. Ce candidat
sénatorial aurait dit à quelques élec-
teurs que les agents postés dans la
tribune publique auraient disparu peu
de minutes avant l'explosion afin de
permettre à Vaillant de lancer plus
sûrement sa bombe. Le Parti ou-
M'!er, d'autre part, confirme ce propos et
!e précise. Prenant acte de la disparition
des agents, M. Floquet en aurait conclu
que les lois réclamées par les ministres
étaient bien inutiles puisque la police
laisse, avec préméditation, le champ li-
bre aux lanceurs de bombes, quand elle
ne les pousse pas au crime et ne favorise
point leur attentat. Ce matin, la Z~re
ParoJe commente les affirmations de ces
deux journaux et s'écrie, à son tour: c'est
la police! 1
Dans l'intervalle, M. Floquet a démenti
'les propos qu'on lui prête. Il se serait
borné à dire « Il y a d'ordinaire des
agents de la Sûreté dans la tribune pu-
blique il est regrettable qu'ils n'y soient
pas venus .le jour de l'attentat. M Cette
rectification, qui ne perdrait rien à être
plus catégorique et plus nette, ni le
.P
FEU!LLETOM DU JOURKAL DES DÉBUTS
dm jeudi soir 4 janvier 1894
MOUVEMENT SOOAL
L'afncacité des institutions dites « institutions
patronales une controverse sur retendue de
cette efficacité exemple des habitations ou-
vrières tes habitations ouvrières & Lyon; la
Soctete CM)He dation et développement de la Société ~résul-
tais proportion des logements offerts aux lo-
cataires possibles. Le patronat en tant que
procède d'éducation du peuple; alliance fé-
conde des procédés de la liberté et des procé-
dés du patronat exemple de ta ville de Lyon
Lyon, à un demi-siècle de distance éducation
politique etsopiatede la population lyonnaise;
'causes des progrès constatés. Les MM~t-
'p!o~e~ a Londres; une discussion a la Cham-
bre des Communes une délégation reçue par
M. Gladstone discours de M. Balfour les me-
sures agraires et leurs conséquences sur le ré-
'gime fiscal du pays; discours do M. Glad-
stone condamnation du dfOtt OM
primerie nouvelle; histoire de sa fondation et
de son développement enseignements de cette
expérience.
Tout cela est excellent; tout cela est
louable, toùtceta est efficace. MaisTeM-
cacité en est nécessairement limitée. Si
on prétendait indiquer cette efficacité en
chiffres, j'aurais dit qu'elle ne soulage
pas même un pour cent (1 0/0) de la po-
pulation intéressée." n
Cette phrase d'un de mes derniers ar-
ticles consacré aux institutions patro-
nales et diverses OEuvres philanthropi-
Reprodncticn interdite.
rand ne la reproduisent et la Mre Pa~o~
l'ignore systématiquement, car elle dé-
truirait son argumentation.
Donc, c'est la police, et l'anarchie n'y
est pour rien. En revanche, les ministres
y sont pour beaucoup. Ils avaient besoin
de cette bombe pour rendre leur majo-
rité plus forte, pour pratiquer la réaction
à outrance, pour arracher à la Chambre
des lois qu'elle n'était point d'humeur à
leur accorder. Ils avaient tellement be-
soin de cette bombe qu'ils ont sacrifie,
sans l'ombre d'une hésitation, non seu-
lement la vie de nombreux députés,
ce qui, pour des gens aussi affolés, n'é-
tait rien, mais jusqu'à leurs propres
existences. Leur rage de réaction et leur
crainte d'un échec parlementaire les
rendirent héroïques. L'explosion pouvait
et même devait se produire devant leur
banquette, ils seraient les premières et
les plus assurées victimes eh bien 1
d'un cœur léger, ils en coururent la
chance.
« Je crois, conclut M. Drumont, que
l'opinion est à peu près fixée. Nous
sommes convaincus qu'elle l'est com-
plètement, qu'elle fait bonne justice des
anarchistes et de leurs complices de
ceux qui lancent les bombes et de ceux
qui tiennent en réserve pour ces crimi-
nels des trésors d'indulgence, qui leur
témoignent une compassion qu'ils refu-
sent à leurs innocentes victimes et les
défendent dans des plaidoiries qui don-
nent aux avocats un air de complices.
ÉTRANGER
Le voyage du M&ghxen
Tandis que l'Europe ne s'intéressait,
ces derniers mois, au Maroc, qu'à l'inci-
dent de Melilla, le Sultan pouvait, sans
presque attirer l'attention, entreprendre
dans le sud-est de son empire, et vers
la frontière oranaise, une tournée d'une
importance beaucoup plus considérable
assurément que la querelle de quelques
tribus maures de la côte avec l'Espagne.
Il est resté près de cinq mois en route,
de juillet à décembre, et a reçu la sou-
mission et l'hommage d'une multitude
de tribus; rentré dans sa capitale, à Me-
râkech, il y a quelques jours à peine,
comme nous l'apprenait hier notre cor-
respondant de Tanger, H y "va'jouir jus-
qu'au printemps de son incontestable
succès, non sans chercher, sans doute,
au moyen d'une diplomatie intérieure
toujours en éveil, à s'en créer de nou-
veaux pour l'année prochaine.
Moulaï-Hassan, on le sait, depuis le
moment où le gouvernement français
avait revendiqué si platoniquement, hé-
las 1 nos droits imprescriptibles sur les
oasis du Sud-Oranais, s'était mis à y
nouer de lentes mais sûres intrigues;
il y avait envoyé des agents et en avait
reçu des ambassadeurs,encourageant ses
partisans et s'appliquant à nuire à tous
ceux qui favorisaient, de quelque façon
que ce fût, l'influence française.Mais, tan-
dis qu'il intriguait ainsi en dehors des
frontières de son empire, l'intérieur
même de cet empire étaitdans une situa-
tion assez précaire, et, sur la route même
que devaient suivre ses agents pour
passer au Gourara ou au Touât, son au-
torité était singulièrement mal assise.
ques de prévoyance et de bienfaisance,
m'a attire d'assez vertes critiques de
plusieurs correspondants. J'en ai été
ému j'ai cherché a vérifier, par des
exemples concrets, l'exactitude de mon
assertion. J'aurais été heureux de me
trouver en défaut et d'être forcé de me
donner tort j'ai le regret de dire que
les faits persistent à me donner raison.
Prenez les habitations ouvrières. Il y
a peu de questions qui aient passionné
autant d'hommes de mérite. A Paris, à
Lyon, à Marseille, au Havre (sans parler
de notre Mulhouse d'autrefois), en vingt
endroits, les hommes !esp!us considé-
rables et,–notez le détail, –souvent
les plus pratiques, se sont associés a cette
OEuvre d'hygiène et de moralité publi-
ques.
A Lyon, notamment, on a vu l'un des
citoyens les plus estimés pour son carac-
tère et pour ses talents, M. Mangini, s'at-
teler a la création de logements économi-
ques avec autant d'énergie que de bon-
heur. M. Mangini partait d'un principe
excellent et qu'on ne saurait trop vulga-.
riser, à savoir que, si t'en veut obtenir
des résultats pratiques et durables, il
faut traiter ce genre d'entreprises non pas
comme des OEuvres charitables, mais
comme des affaires et des placements/Et
il posait le problème de la façon suivante
Offrir aux petites gens des logements
salubres, commodes, agréables et à bon
marché, et, en même temps, assurer aux
capitaux investis un intérêt suffisant. Et
ce problème, il l'a résolu. Seulement,
qu'on ne s'y trompe pas, la solution n'exige
rien moins que la collaboration perma-
nente (et peut-être gratuite) d'un homme
d'affaires large dans les conceptions et
minutieux dans la surveillance et d'un
architecte aussi habile qu'économe. Cela
nese rencontre pas tous les jours.
M. Mangini, tui, était à ta fois et
l'homme d'affaires et Farchitecte. Il a su
Ils avaient a traverser ~es tribus des Be-
rabers, qui n'avaient qu'à de rares inter-
valles accepté les ordres du Sultan et
qui, riches et puissants, n'avaient pas
craint, il y a peu d'années encore, sous
la direction d'un chérif des Aït-Izdeg,
el Arbi-el-Derkaoui, d'assassiner les
caïds du Maghzen elles avaient failli
alors mettre le souverain de Fez à deux
doigts de sa perte. C'est contre elles
que Moulaï-Hassan résolut d'agir, cette
année.
Ses agents s'y prirent bien; ils surent
à tous montrer les Roumis prêts à enva-
hir le pays et prêchèrent la guerre
sainte, de telle sorte que de toutes parts,
des régtons les plus éloignées et les
moins soumises d'ordinaire, lui vinrent
des soldats. L'on se mit en marche vers
la mi-juillet a peine entrés chez les Be-
rabers, à la première résistance, un ter-
rible exemple fut fait le qças de Bou-
Denib qui avait tenté le combat fut bom-
bardé, détruit et ses habitants dispersés.
Cette leçon servit aux autres tribus, que
l'on avait eu soin d'ailleurs de travailler
auparavant les Aït-Izdeg envoyèrent à
Moulaï-Hassan des délégués pourobtenir
leur pardon des offenses.passées, lesquel-
les ne furent oubliées que moyennant une
somme d'un million; et le Sultan, en-
touré d'un prestige guerrier et religieux
à la fois, qui devait imposer aux popula-
tions fanatiques de ces régions, put les
traverser sans tirer un coup de fusil, se
rendre au Tafilalet, où il pria sur le tom-
beau de ses ancêtres, et rentrer enfin
triomphalement a MerS-kech par un
chemin non encore parcouru de ses sol-
dats.
Cette expédition a pour nous une im-
portance considérable, car le retentisse-
ment qu'elle a eu dans le Sahara et tout
le Sud-Oranais a été immense de toutes
parts, on est venu rendre hommage au
grand chef religieux de l'Occident, et
une certaine agitation s'est produite jus-
que dans les tribus jusqu'ici les plus
soumises à notre influence. Le gouver-
nement de l'Algérie est en de bonnes
mains, certes, et nous sommes assurés
que rien ne sera négligé pour que, mal-
gré le trouble de ces derniers mois, nos
bons rapports avec le Sud continuent
comme pa.r le passé:la écente mise en
adjudication du premier tronçon de ta
ligne de Djenien-bou-Rezg, comme l'é-
tablissement des postes Miribel et Mac-
Mahon au sud-ouest d'El-Goleah sont
pour nous prouver que l'on veille. Ii
était bon, pourtant, d'appeler à nouveau
l'attention du public sur cette question
en résumant ces événements dont notre
correspondant de Tanger, dans ses let-
tres, nous a entretenus au jour le jour
depuis six mois, avec une information si
ample et si précise.
AU JOUR LE JOUR
LESJEUNES REVUES
Un des écrivains les plus intelligents et
les plus distingués de la génération qui
monte, M. Charles Maurras, vient de com-
mencer, dans la ~?epMC bleue, une intéres-
sante étude sur les
grouper !es capitaux et en faire le plus
heureux emploi. En 1886, il fondait une
Société C!t)~e des ~o~enten~ ~co~o~~MCs
au capital de 200,000 francs; en 1888, il
portait le capital de cette Société a 1 mil-
lion en 1890, il l'élevait à 2 millions. Il
mettait à la disposition de la classe ou-
vrière, moyennant 200 francs environ,
des logements répondant au type désiré,
et, en même temps, il assurait un divi-
dende de 4 0/0 à ses actionnaires, sans
parler de 3 0/0 qu'il plaçait à la réserve
pour l'entretien des immeubles. On ne
peut mieux faire; on ne peut souhaiter
mieux (1).
Maintenant, savez-vous combien cette
Société si habilement conduite offre de
logements à bon marche? Elle en ou're
650, répartis dans 56 maisons, et loués
moyennant 130,000 fr. Et savez-vous
combien, a Lyon seulement, il y a des
locataires possibles d'appartements de
cette catégorie? Il y ena, d'après l'esti-
mation de M. Mangmi lui-même, 75;000.
Calculez la proportion 650 est à 75,000
comme :r est a 100 x ressort à moins de
1 0/0. C. Q. F. D.
Je ne tire pas, on peut m'en croire~
vanité de ma démonstration. Et je
sais bien qu'elle n'est pas décisive et ce
qu'on y peut répondre. La Société date
de sept années seulement; elle en esta
ses débuts; fondée a 200,000 francs en
1886, elle avait, dès 1890, décuplé son
capital, et M. Mangini lui-même prévoit
que ce capital peut être porté à 4,6 et 10
millions. Tout cela est vrai, tout cela
n'est pas convaincant. Lyon n'ira-t-il
pas plus vite à grandir et à se peu'
pler que M. Mangini à te rebâtir et
à l'assainir? Ces capitaux modérés, qui
se contentent de 4 0/0 dans une en-
(1) V. Compte rendu de !& Société d'économie
politique de Lyon, ann6& 1890-9H, p. 4N-4Tf4.
années, les jeunes revues sont en grande
faveur: je n'oserais pas affirmer qu'on les
lit beaucoup, mais on ne parle que d'elles.
Les uns les plaisantent, et Dieu sait de
quel ton elles répondent; d'autres, pru-
dents, les caressent, sans que leurs gracieu-
setés leur soient souvent d'un grand se-
cours. Des gens que l'avenir inquiète les
épient anxieusement, comme si vraiment
elles renfermaient l'âme des temps futurs;
en sorte que les opinions de leurs rédac-
teurs prennent une considérable impor-
tance. Ce sont des oracles, des jugements
sans appel. Etre un ~jeune », c'est devenu
une force, presque une position sociale.
Aussi le reste-t-on le plus possible. Cer-
tains le sont en cheveux blancs; et ceux
qui viennent derrière eux leur reprochent
âprement d'être de faux jeunes. Ils répli-
quent, cela se gâte, on se jette ses années
à la face, et le dernier mot est à ceux qui
en ont le moins.
Mais si l'on a déjà beaucoup parlé des
jeunes revues, on n'en a peut-être pas en-
core dit ce qu'il en faudrait dire et cela
n'est point étrange il y en a tant qu'il est
bien difficile de toutes les connaître.
M. Maurras, lui, se met à la besogne avec
'beaucoup d'ardeur il n'en ignore aucune;
il a collaboré à beaucoup d'entre elles il
procédera en pleine connaissance de cause
et avec méthode
nes revues, annonce-t-il, je voudrais sou-
ligner chez elles tout ce qui peut donner
un indice des sentiments et des idées des
nouveaux écrivains. Lourde tâche! Le
critique en a conscience, car il ajoute, non
sans un peu d'effroi et d'ironie
celui des tendances de la jeunesse. » Mais
il reprend bien vite courage en concluant
~Toutefois, il n'a tant vieilli que faute
d'avoir été convenablement résolu. »
Je ne voudrais point anticiper sur les
solutions que nous fait espérer cette phrase
pleine de promesses; et, pourtant, il en
est quelques-unes que je crois entrevoir
déjà
D'abord, on sera frappé, je crois, de l'ef-
frayante rapidité avec laquelle les idées
accomplissent leur parabole. Il fut un
~temps où. les grands courants littéraires et
'intellectuels avaient une certaine durée
!on a vécu plus de deux siècles sur le carté-
.sianisme, et, pendant toute cette longue
.période, l'esprit classique a régné pour
.ainsi dire sans conteste. Le romantisme,
qui est venu ensuite, s'est usé plus vite,
:mais, enfin, il a bien duré trois quarts de
~siècle/Ensuite, est arrivé le naturalisme
qui peut avoir vécu une dizaine d'années.
~Et âpres?
Ah! après, c'est le règne de l'incohé-
rence, et c'est aussi celui des <: jeunes re-
vues ». Elles se succèdent comme dans un
vertige ellesmeurentsansavoireuletemps
de naître, comme les marionnettes de la
chanson d'enfants trois p'tits tours et
puis s'en vont. Chacune correspond à un
soubresaut de la mode, apparaît pour don-
ner corps à une tendance qu'on croit voir
poindre, et s'eSbndre, faute de substance,
pour faire place à quelque chos& d'autre.
Celles qui parviennent à survivre se trans-
forment, en réalité, tout autant que si elles
changeaient leur titre. Ainsi, cette Revue
~~K~M/f,<: qui montre, nous dit M.
Maurras, le passé le plus long et le plus bril-
trëprise immobilière, seront-ils inépui-
sables ? M. Mangini laissera-t-il des
'héritiers de ses talents et de son auto-
rité ? Après lui, son œuvre ne languira-
t-elle pas? Vingt autres objections se
pressent au bout de ma plume non, en
vérité, ne comptez pas trop sur l'oeuvre
d'un homme. Et presque invariablement
les institutions altruistes sont l'œuvre
d'un homme, assiste d'une élite morale
qu'il a momentanément ralliée autour
de lui.
Maintenant, notez bien que ces OEuvres
individuelles, je n'en suis pas l'adver-
saire, je les admire, au contraire, je les
défends, je les loue et je souhaite les voir
se multiplier. Toutes ces réserves, je ne
les formule qu'à l'adresse de ceux qui y
voient un moyen exclusif de salut et
qui supposent que le patronat, pour l'ap-
'peler par son nom le plus général, est,
par excellence, l'instrument d'éducation
du peuple. Mais si l'on me concède que
l'instrument supérieur, l'instrument vé-
ritablement efficace d'éducation, est la
liberté, si l'on no réclame pour les OEu-
vres patronales que le rôle de très utiles
auxiliaires, j'accède bien volontiers à
'cette formule et ne trouve pas assez d'é-
loges pour ces OEuvres et pour leurs pro-
moteurs.
Et il me semble que sur ce terrain
Lyan offrirait encore un champ de dé-
monstration. Il y a soixante ans, Lyon
était une ville les plus troublées et les
plus divisées de France. La lutte de
classe y était à l'état aigu. L'insurrection
y fleurissait régulièrement. Le parti ré-
volutionnairey avait son état-major. H
avait fallu bâtir un mur fortiné et tou-
jours gardé pour séparer la Croix-Rousse
du reste de la ville. Les ouvriers profes-
saient une haine farouche pour les fabri-
cants. et ces fabricants, qui, il faut bien
le dire, et M. Aynard, dans son travail
de 1889, Fa dit en termes courageux,j
lant )). Pendant les dix annéesqu'a dure son
existence, elle a été successivement natu-
raliste, pessimiste, matérialiste, positi-
viste, socialiste, symboliste, que sais-je
encore? Elle a adoré, l'une après l'autre,
et quelquefois en même temps, les idoles
les moins conciliables. Elle a rompu des
lances,–avec parfois la virulence qui, de-
puis quelque temps, prête ses grâces aux
discussions littéraires, en faveur des
esthétiques les plus contradictoires. Et en-
fin, comme si la rapidité de ses évolutions
ne lui suffisait pas, elle a fini, ô dérision 1
par se proclamer cc/~h'~MC. M. Maurras
vous dira que je n'invente rien, et, si vous
ne m'en croyez pas sur parole, vous pou-
vez rechercher dans la collection de ce cu-
rieux périodique le Manifeste où ce mot
s'étalait sur les ruines de toutes les polé-
miques antérieures, sur le désastre de tou-
tes les adorations déçues.
Vous le voyez, la tâche que le jeune écri-
vain s'estassignéeesttout simplement énor-
me. L'histoire des « jeunes revues mais
c'est l'histoire de tout notre mouvement
d'idées, avec ses exagérations, ses folies,
ses outrances, ses soubresauts, ses revire-
ments, c'estl'histoirede nos engouements,
de nos caprices d'esprit, de nos toquades
de sentiment.de nos berlues d'intelligence,
de nos éclairs aussi, éclairs de lucidité, et,
de ci de là, coups de génie. On se repré-
sente à peine tout ce qui a tenu dans ces
petites feuilles. A certains égards, elles
sont aussi intéressantes que les grandes:
elles le sont davantage,pour l'observateur,
pour le spécialiste curieux de l'âme con-
temporaine, désireux delà connaître et de
la com'prendre.
Une de leurs dernières évolutions n'est
pas la moins significative elles se sont
mises à gagner de l'argent.
Mon Dieu! oui. Si invraisemblable que
cela paraisse, cela est vrai. Et la faute,
ou le mérite, en est à la très grande ha-
bileté de quelques-uns de ceux qui les di-
rigent. Il n'y a pas bien longtemps, une
« jeune revue était, pour ceux qui la
faisaient, un outil sacrifié d'avance. On
savait qu'elle ne vivrait que quelques mois,
parfois quelques semaines, et l'on ne son-
geait ni à lui faire un sort, ni à lui en de-
mander un. Ce n'est plus le cas mainte-
nant. Les «jeunes revues » marchent, et,
si elles n'en sont pas encore à donner des
,dividendes comme ceux de,la Revue des
Deux MoH~y, elles en prennent le che-
min. Leurs fondateurs ont eu un trait de
génie ils ont compris que les écrits qu'ils
pouvaient grouper ne s'adressaient et ne
s'adresseraient de longtemps qu'à un pu-
blic limité, et qu'en conséquence il ne
fallait point se bercer de l'illusion de
forts tirages. Et .ils se sont mis à
exploiter la douce manie des collection-
neurs des papiers compliqués, des tirages
restreints, des caractères de choix, jus-
qu'à des illustrations, ils donnent tout cela
à leurs lecteurs, en plus de leurs <: proses »,
et ceux-ci s'en régalent. Et les «jeunes re-
vues ont leur place au soleil elles ont,
non plus seulement deux ou trois direc-
teurs et beaucoup de rédacteurs en chef,
mais leur administration, qui fonctionne
avec régularité, des abonnés, des annon-
ces, de l'influence, tout ce qu'il faut pour
aller loin. Et elles vont avoir un historio-
graphe, qui, s'il continue comme il a com-
mencé, sera fort intéressant. Eo. Roc.
prêtaient le flanc a plusieurs des accusa-
tions du socialisme, vivaient dans la
perpétuelle inquiétude des violences
possibles de la classe ouvrière. Un demi-
siècle s'est écoulé et, voici que Lyon,
tout en restant la plus laborieuse, est
devenue la plus paisible et la plus unie
de nos grandes cités. Sa population
donne chaque jour des preuves d'incon-
testable sagesse. En veut-on une au ha-
sard ? L'arrondissement peut-être le plus
avancé, tandis que Paris nomme M.Vail-
lant et M. Viviani, choisit comme député
un homme tel que M. Burdeau.
D'où peut venir une si profonde trans-
formation ? Pour moi, je suis disposé à
dire:pos
même en politique, a été, précisément
durant ce demi-siècle, l'un des centres
de ralliement des libéraux; Lyon, ville
d'initiative, .à ce point qu'elle en est pres-
que particulariste, et qui sait, par elle-
même, grâce à la coopération de ses ci-
toyens, constituer des services qu'ail-
leurs on a accoutumé de réclamer de
l'Etat Lyon, depuis cinquante ans, sous
la double influence et de la liberté et du
plus vaste patronage (assistance publi-
que, à laquelle ses meilleurs citoyens
consacrent gratuitement un temps con-
sidérable Sociétés d'épargne, qui don-
nent les plus heureux exemples de fé-
conde initiative (2);- Sociétés d'instruc-
tion populaire, écoles d'enseignement
professionnel, syndicats mixtes des di-
verses industries, Sociétés innombrables
de prévoyance et de bienfaisance); Lyon
a, dans ce demi-siècle, fait l'éducation de
sa population ouvrière.
Sans doute, la tâche n'est pas achevée. 1
Elle ne le serait que le jour où le patro- l
(2) Voyez, par exemple, un .EMa{ cote, par J. Perrier, président du conseil d'admi-
nistratton de !a. Cat~M ~pa~tte, rapport & la
Soete
< LETTRE DU CANADA
Montréal, le 19 décembre.
Une querelle pédagogique. La dynamite a
Montréal. La Révolution française et les
sulpiciens. Le thé&tre français au Ca-
nada.
Le Parlement provincial est en session,
mais la politique, a. proprement parler, ne
nous agite guère. M. Laurier et M. Thomp-
son couchent sur leurs positions. Pourtant
l'esprit de discorde souffle toujours sur les
Canadiens-Français. C'est une véritable
guerre civile.
Ses commencements ont été modestes. Une
simple querelle d'ordre pédagogique M.
Fréchette ne se contente pas d'avoir donné a.
la littérature de son pays son premier poète
lyrique. Je vais me brouiller avec les admi-
rateurs de Crëmazie, mais tant pis M. Fré-
chette, dis-je, s'est constitué le champion de
la langue française et il a morigéné, dans la
.Pa
gnent un français qui n'est ni du dix-neu-
vième, ni même du dix-septième siècle, mal-
gré l'opinion ilattouse qui met naturellement
sur les lèvres des Canadiens la langue de
Bossuet. On lui a riposté, et sur la question,
et surtout a côte de la question.
La polémique s'est envenimée. On en est
venu a menacer l'auteur de la ~~en~e d'Mtt
peMp!e des foudres ecclésiastiques. Notez
qu'il y a quelques mois une Revue libérale
était obligée, devant les censurer archiépis-
copales, de suspendre la publication d'un ro-
man.
Je vous donne en mille le titre de ce roman
Les r?'OM MotMgt~atfM Ce petit fait vous
donnera la mesure à la fois de la susceptibi-
lité et de la toute-puissance du clergé mont-
réalais. Bref, tout est en feu, et je vous as-
sure que le combat n'est pas prés. de finir,
faute de combattants.
Il s'en est fallu de bien peu que la dyna-
mite ne fût aussi de la partie. Un beau matin,
Montréal apprenait que cette statue de Nel-
son, qui fait si petite figure sur la place Jac-
ques-Cartier, en face de notre monumental
Hôtel de Ville, avait failli sauter. Ce qui ajou-
tait Ma stupéfaction générale, c'est que les
coupables, trois adolescents, appartenaient à
la meilleure société de la province. L'un d'eux
est le propre fils de M. Mercier. l'MMf-n ra-
mier de Québec. Un descend d'une fa-
mille annM~ par Louis XIV, et qui a fourni à
tu Nouvelle-France plusieurs de ses plus hé-
roïques serviteurs. Les conspirateurs avaient
pris un confident de trop, le fils d'un officier
de police, ce qui indique une certaine candeur
de leur part. Ils furent dénoncés, suivis pas à.
pas et arrêtés au moment même où, par un
soir de neige, ils allaient mettre leur projet &
exécution.
Il faut reconnaître que les autours de cette
nouvelle conspiration des Poudres assu-
maient une lourde responsabilité. Ce n'est pas
seulement le vieil amiral, si mutilé déjà de
son vivant, qu'ils pouvaient envoyer aux
étoiles, mais aussi dos passants inoffensifs et
les habitants des maisons voisines de la place
ou. de la rue Notre-Dame.
Cecit dit, on se trouve évidemment en pré-
sence de trois jeunes fous qui ont agi sous
l'inspiration d'une sorte de démence patrioti-
que. Du fond du cœur, il faut les plaindre
pour leur vie qu'ils ont peut-être a jamais
gâtée. Et, puisqu'on n'a pas étouffé a temps
une pareille affaire, tout le monde espère de
la justice qu'elle sera extrêmement miséricor-
dieuse.
Quitte à passer pour leur complice, je pro-
clame que ce Nelson est absolument insup-
portable. D'abord, au point de vue esthétique,
il est d'une contemplation pénible; ensuite,
nat aurait mis la classe ouvrière en état
de continuer son œuvre et de perpétuer
ses traditions. Et, quoi qu'on ait fait,
évidemment on n'est pas là encore. Mais
on en est plus près, ou, si vous voulez,
moins loin qu'ailleurs. Et ce demi-suc-
c&s, je n'hésite pas à l'attribuer à l'al-
liance, dans cette grande vil)e. des idées
de liberté, qui sont l'avenir, et d'auto-
rité, qui sont le passé.
Il s'est, la semaine dernière, a Lon-
dres, dit, avec pas mal d'inepties, des
choses excellentes sur la question des
« sans travail H ne paraît pas douteux,
à consulter les statistiques hebdomadai-
res du paupérisme et celles des soupes de
Noël, que le nombre des meurt-de-faim
est plus considérable cette année que les
années précédentes. Les grandes villes
regorgent de gens sans emploi et sans
ressources; les organisateurs d'assis-
tance et de charité sont encombrés. Les
autorités locales se déclarent impuis-
santes elles se tournent vers le gouver-
nement et lui demandent conseil et as-
sistance. Et c'est ainsi que, la même
semaine, il a été question des Mnem-
~oy~ a la Chambre des Communes, à
MansionHouse, où une commission spé-
ciale a entendu les doléances des inté-
ressés et émis des vœux en leur faveur,
et dans le cabinet de M. Gladstone, ou
une députation spéciale est venue plai-
der la thèse de l'intervention de l'Etat.
Personne n'a nié la recrudescence de
la misëre dans les grandes villes per-
sonne n'a affirmé qu'il n'y avait rien à
faire; mais personne n'y a proposé des
remèdes ou seulement un remède don-
nant satisfaction à l'opinion des gens
les moindrement sensés.
Des remèdes, pourtant, M. Keir Har-
die, dans la Chambre des Communes, en
a proposé à la douzaine.
La réduction, par exemple, à huit
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