Titre : Le Pays : journal des volontés de la France
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1853-10-03
Contributeur : Alletz, Édouard (1798-1850). Directeur de publication
Contributeur : La Guéronnière, Arthur de (1816-1875). Directeur de publication
Contributeur : Granier de Cassagnac, Adolphe (1806-1880). Directeur de publication
Contributeur : Cassagnac, Paul de (1842-1904). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328343740
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 03 octobre 1853 03 octobre 1853
Description : 1853/10/03 (A5,N276). 1853/10/03 (A5,N276).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k46519713
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-180
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/03/2017
LE PAYS
gpiïKlf AL Hi5 L'EMMEE.
3 Octobre 1853,,
TROIS IMS ; 12 FR. \
' iicitiivii i:
. * • «*
PiRts» rcsi>c nuBcamG-MoirmAaTKg, tv, \ r
• 8e Année. --- N° 276.
OR AS : 48 FR.
Les abo»B«mefita parlék de* i-r et 16 de chaque moi»,
1 'Ai fions kir.)
SOMMAIRE.
-- réfJ*M» Wr-4- *• s
E„i# concernant les. subsistance^
ftL. dû- Vofntng /»<>« surïavoyage&el'fcm-r
dans le Nordde la Fraftce. 1 -
«ti«a d'Orient : Extraits des journaux étran-
•®!îg rtorresponâanâes» dépêcha!.
- hican du prIX de l'hectolitre de froment pou^
'fprvir de régulateur, .
Jmcer t Angleterre, Toscane, Modène, _Parme,
t Ambardo-Vénêtie Etats-Romains , Espagne ,'
Egspté, Californie.
.ÎS» et départements 1 Nouvel àum
?J* rie : Exposition de produit^ au -mi t,èm dç
fe*;,»-
Jfcett^e H f& Prqpontide, par M. )té,"
JL«* hebdomadaire de la Bourse.
julletf" hetodojmadaire commercial et industrie^
«Mette* des chemins de fer.
rajiietoii 8 Revue dramatique, par M. Paul da
s.i\J¡t-VlCtor..; "
Paris 2 Octobre.
: » ; v ";i:;
Dans une circulaire récente, en date (ta.
i7 août 1853, adressée aux préfets, et dont
nous avons publié le texte à l'époque oùefte
a aro, M. le ministre de l'intérieur 'à dé-
paré que les renseignements fournis par
l'inspection générale constataient que la plu-
part des prisons départementales étaient
foin d'offrir les dispositions locales nécessai-
res pour l'exécution des prescriptions lé-
gales et réglementaires concernant la sépa-
ration des diverses catégories de détenus.
Sur 396 maisons d'arrêt, de justice et de
correction, il en est seulement 60, outre les
prisons cellulaires, qui réalisent, à cet égard,
le vœu de la loi ; dans 166, la séparation par
quartiers est incomplète, et, dans 74, elle
n'existe pas., 4a circulaire ministérielle
ajoute que les fêtards apportés par les admi-
aistratidns locales dans l'exécution des me-
iures'tt-cessaires pour approprier les pri-
sous à ces diverses prescriptions doivent être
imputés aux circulaires du 2 octobre 1836,
du 9 août 1841 et du 20 août 1849, qui re-
poussaient tout projet de réparation ou de
reconstruction 'non conforme aux règles du
lyslème, cellulaire. Le&. conditions dispen-
aieuses qu'entraine l'application de ce systè-
me,l'impossibilité absolue, pour le plps grand
nombre des départements, d'y pourvoir avec
leurs seules ressources, ont fait ajourner les
améliorations indispensables.
M. le ministre de l'intérieur déclare en
conséquence que le gouvernement renonce
à l'application de ce régime d'emprisonne-
ment pour s'en tenir à celai de la séparation
par quartiers. Mais en donnant ainsi aux
départements toute facilité de pourvoir par
des sacrifices limités aux besoins dè. ef, ser-
vice, le ministre déclare en même temps que
l'administration sera fondée à. exiger qu'il
soit immédiatement procédé partout aux
travaux nécessaires pour taire cesser une si-
tuation qui viole les lois et qui compromet
lés intérêts les plus graves.
Toutefois, l'administration se réservera
d'examiner si, dans un intérêt moral et dis-
ciplinaire, les plans nouveaux ne devront*
pas comprendre un certain nombre de
chambres destinées à isoler quelques déte-
nus à l'égard desquels les circonstances par-
ticulières peuvent nécessiter des mesures
exceptionnelles.
Tels sont, sur cette grave question, les
principes émis par M. le ministre de l'inté-
rieur. Nous souhaitons, quant à nous, que
le gouvernement suive cette pente qui le
porte vers une opinion définitive et arrê-
te dans cette matière de haute administra-
tion, et qu'il repousse en principe l'applica-
tion du régime Cellulaire, qui constitue une
p.$lne exorbitante au point de vue du carac-
français, et qui n'a produit jusqu'ici
que de bien tristes résultats.
Certainement, nous nous hâtons de le dire,
8 premier, le plus grand besoin de la société
de paralyser le crime par la terreur du
^ miment. L'efficacité des lois pénales, nous
? ^connaissons, s'affermit ou s'altère sui-
ant que le système pénitentiaire est l'ex-
pression plus ou moins intelligente d'une ré-
pression né.cess.aite...Mai.s la difficulté con-
-siste toujoùrs à mettre cette rép, ion en
harmonie avec le but du châtiment qui est
à la fois de retirer le coupable du sein, de la
société, de frapper d'épouvante ceux qui se-
raient tentés d'imiter son exemple et de le,
rendre, avec la fin de la peine, corrigé et re-
p,,fflt,,ant à la société ou à Dieu.
" Les anciennes prisons de l'Europe avaient
toutes été organisées pour l'intimidation, et
de plus elles tendaient en quelque sorte à
supprimer le coupable. Elles traitaient du-
rëmèht, cruellement le corps ; elles ne fai-
raient .rien pour l'amélioration de l'âme, et
en, réunissant les criminels dans une
sans distinction de crimina-
|ijé,; elles exposaient ceux qui débutaient
dans la carrière du crime au. contact de la
plus dangereux corruption. Aussi un nli-
nistre illustre, M. deàlartignaç, disait-il d'el-
les en 1829., alors qu'aucune amélioration
sérieuse n'avait encore été réalisée, qu'elles
punissaient saris corriger.
~ Depuis, ce moment, le système péniten-
tiaire a. été l'objet de nombreux projets, de
nombreux systèmes. *
Nous ne voulons point entreprendre bien
Certainement d'étudier ici ces systèmes et ces
projets dont la plupart sont restés inexécu-
tés. Nous prenons seulement la question au
point de maturité oît elle est parvenue en
France..,
En ce qui concerne les grands crimes-en-
tralnant la peine des travaux forcés, la sup-
pression des bagnes a été décrétée par l'Em-
pereur le 27 mars 1852. Elle a été réalisée
presque entièrement. Le bagne est remplacé
par la transportation à la colonie péniten-
tiaire de Cayenne, Cette mesure, qui est tou-
jours néanmoins dans la période.de l'expéri-
mentation, a donné lieu de la part du gou-
vernement à la présentation d'un projet de
loi au Corps législatif, qui n'a point encore
subi l'épreuve de la délibération, mais que
nous aurons l'occasion d'examiner sans
doute lorsque le moment sera venu . La dis-
cussion sur ce premier point serait donc
prématurée, r
" Aujourd'hui il s'agit seulement du systè-.
me cellulaire dans ses rapports d'application
avec les réclusionnaires des maisons cen-
trales et les condamnés destinés à subir leur
peine dans les prisons départementales.
Il résulte de la circulaire que nous avons
citée en commençant que M. le ministre de
l'intérieuj renonce, quant aux prisons dépar-
lementales; au régime cellulaire pour s'en
tenir à celui de la séparation par quartiers,
sauf à isoler quelques détenus à l'égard
desquels des circonstances particulières peu-
vent nécessiter des mesures exceptionnelles".*
Or il y a là un principe qui nous parait ex-
cellent et auquel nous donnons toute notre
approbation ; il est bien heureux que la sol-
licitude du gouvernement s'éclaire enflii de
plus en plus sur cette importation anglo-
américaine du régime cellulaire qui n'est en
rapport ni avec la sociabilité et la mobilité
de l'esprit français* ni avec les consolations
pleines de tendresse et de pardon de la reli-
gion catholique, ni par conséquent avec un
régime de répression et de jnoralisation
conçu au point de vue du caractère national.
Le système cellulaire, comme application,
est venu d'Amérique. Il a revêtu, dès le prin*
cipe, trois formes distinctes qui ont été:
1° l'emprisonnement cellulaire et solitaire de
jour et de nuit, mais sans travail, à moins '
que le détenu n?en ait demandé; on a dit
de cette méthode qu'elle ne réforme pas,
mais qu'elle tue ; 2o l'emprisonnement soli-
taire de jour et de nuit avec travail obliga-
toire; c'est une amélioretion par rapport au
précédent ; ao l'emprisonnement solitaire de
nuit, avec réunion et travail en commun
pendant le jour, mais avec l'obligation d'un
silence absolu et l'interdiction de communi-
cation entre les détenus sous la surveillance
des gardiens. t
Le projet de loi présenté aux chambres en
1840, et qui eut pour rapporteur M. de Toc-
quevÍlle, était basé sur ces principes. Il dé-
crétait, quant aux prévenus, rewprisonne..
ment solitaire de jour et 'de- nuit. Pour tes
condamnés, le même principe était reproduit
avec l'obligation du travail. Il n'y avait d'ëx-
teption que relativement aux condamnés à
plus. de douze ausdetravau- iforcés et aux con-
damnés à perpétuité. Ces deux espèces de con-
damnés, après avoir subi pendant douze ans
leur peine d'après le système de l'isolement,
devaient continuer ensuite à être séparés pen-
dant la nuit, mais ils devaient être employés
en commun pendant le jour -aux travaux
Iei pMis pénibjtea^ (Art. 33.) ! 1 ^ v'
ToutQfWSt. afin de tempérer pour tous les.
condamnés .la rigueur d'un isolement aussi
absolu et de pUiser -d'àns un adoucissement à
cette rigueur un mo^en "-d$ainëlioratibn, le
projet déparait que^ïes; ëÓnàà,1jinék'seraient
visités aussi souvent que possible par le di-
recteur tfe la prison, l'aumônier, le médecin,
rinstitaleur,, les membres de la commission
de surveillance*
11 ouvrait aussi, pouf les visites^ de gran-
des facilités aux membres des associations
charitables, à la famille du condamné et aux
autres personnes qui présenteraient des ga--
ranti¡es suffisantes et qui 'setàient autorisées.
Il déclarait enfin que le travail et la lecture
ne pourraient être refusés aux condamnés,
si ce n'est à titre de punition temporaire.
. Ce projet n'a pas eu de suite ; il est resté à
l'état de rapport. Mais les idées qu'il expri"
mait en ont eu de très Importantes. Toutes
les prisons nouvelles, et particulièrement les
prisons de Mazas et de la Roquette, à Paris,
ont été construites suivant les formes qu'il
nécessitait. Une large expérience a dès lors
été faite.
Aujourd'hui c'est évidemment sur le fond
de ce système que la discussion s'établit,
particulièrement en ce qui concerne les pri-
sons départementales.
Nous avons dit plus haut notre sentiment
&ans démonstration. Mais ce n'est pas, fiems
le savons bien, par des sentiments que doi-
vent se décider les hommes d'Etat chargés
de procurer par la fermeté et par l'inflexible
rigueur d,es,peines la' répression des pas-
sions coupables'et dès. crimes. Nous nous
serions donc défiés Je nos entraînements
sur celte question, si nous n'en trouvions
aussi la consécration démontrée; par le tra-
vail d'un homme auquel sa situation clli-
ciellé d,iflhè ici une grande autorité, M. Léon
Vidal, inspecteur -général des prisons.
Ce fonctionnaire, dans. une brochure ré-
cemment publiée, écrire avec pp remarqua-r
bie talent, a traité à fond la question de
,,emprisonnement cellulaire. Il démontre
lue ce système est condamné par une foule
je raisons de premier ordre : en Angleterre, j
m Amérique comme en France, où ce sys-
tèine fonctionne,, dens 46 prisons construites
:ellulairement, il n'a produit aucun avan-
tage préventif ; la criminalité, les récidives,
)nt augmenté chaque année malgré son ap-
plication. En France, il y a eu 22,978 con-
damnés en 1852 ; il y eh a déjà 22,000 pour
L'année actuelle, tandis qu'en remontant
jusqu'à 1851, on n'en compte que 19,050 et
17,780 en 1841 .
L'isolement rend-il le condamné meilleur?
M. 'Vidal déclare que non. L'homme mé-
chant et isolé devient plus méchant encore
par l'irritation ou par la réflexion. De plus,
le mode de visites qu'on a voulu organiser
auprès de lui est impossible et insuffisant.
Il n'y a plus en outre de gradation dans
les peines. Elles deviennent toutes égales, le
temps seul les rend différentes.' Ce n'est pas
là ce que veut le Code pénal.
La santé du prisonnier est altérée, com-
promise ; il est conduit à la tolie ou au sui-
cide. A Mazas, il y a eu douze fois plus de
suicides que dans l'âncienne prison commu-
[le de la Force avec la même nature de po-
pulation.
La folie est aussi l'épidémie des prisons
cellulaires ; l'âme du prisonnier est sans for-
ce ; elle reçoit sans chaleur les instructions de
la religion en même temps qu'elle est-rebelle
,i tout enseignement, à tout apprentissage. ,
De plus, le corps s'use et se détériore bien
vite dans les cellules privées d'air où il est si'
difficile de réunir les conditions indispensa-
bles de la salubrité.
Enfin, la dépense que nécessiterait l'ins-
tallation complète du régime cellulaire ser-
rait exorbitante. La seule appropriation des
maisons centrales actuelles coûterait 50 mil-
lions, et la construction de 450 prîsons, mai-
sons d'arrêt, maisons de justice et de cor-
rection dans toute la France, peut être éva-
luée à plus de 125 millions, sans compter la
dépense des terrains.
Ainsi, dit M. Vidal, pa théorie de l'isole-
ment sacrifie tout, humanité, religion, léga-
lité, justice, santé, raison, existence des pri-
sonniers, à un seul désir moral, charitable
sans doute, la séparation des détenus, pour
empêcher la contagion de la corruption,
mais qui, malgré toute la noblesse du but,
n3 valait pas tant et de si importants Facri-,
fi ces. * *
Telles sont, dans leurs généralités, les rai-
sons principales développées par M. Vidal.
Il résume enfin sa pensée par l'assentiment
le plus complet qu'ifdonne au principe de la
mesure prise par M. le ministre de l'inté-
rieur : améliorer les prisons départementa-
les actuelles ; laissér à la sage et intelligente
appréciation du ministère public pour les
prévenus et de l'administration pour les con-
damnés le soin de disposer dans les maisons
d'arrêt, de justice et de correction,. le pla-
cement des détenus par catégories, confor-
mément aux exigences de la loi, de la mo-
rale, des convenances et de la sûreté publi-
que; enfin, conserver-l'isolement dans les
prisons comme exception, comme faveur
pour certains détenus qui la demanderaient
et la mériteraient ; cemme augmentation de
peine pour les incorrigibles, pour ceux qu'il
importe de punir par aggravation et d'éloi-
gner momentanément des autres prison-
niers. :
Ces conclusions ramènent à des termes
pratiques des théories qui s'' sont trop isolées,
à notre avis, des lois impérieuses de l'hu-
manité et de la nature humaine; mais il est
évident qu'elles ne font point obstacle aux
rigueurs nécessaires, de la discipline, à cette
surveillance incessante qui doit à la fois em-
pêcher de dangereux contacts entre les dé-
tenus et entourer la peine de cette gravité
redoutable et de celte intimidation qui font
la garantie et la puissance des lois pénales.
P. DUPLAN.
" Le Moniteur publiej^ux décrets, à la date
du le, octobre, dont l'importance, au point
de vue de la question des subsistances, n'a
pas besoin d'être relevée.
Par le premier de-ces décrets, le délai fixé'
au 31 décembre 1853 par le décret du 3 août
dernier, qui supprime temporairement la
surtaxe de navigation établie sur les impor
talions de grains et farines effectuées par tous
navires étrangers, et par le décret du 18"du
même mois, qui modifie les conditions d'im-
portation des 'grains et farines et autres 'den-
rées alimentaires, est prorogé jusqu'au 31
juillet 1854. ' '
Le' second décret dispose que l'exportation
des pommes de terre etxles légumes secs est
prohibée jusqu'au 31 juillet 1854. Ce décret
sera immédiatement imprimé et affiché dans
tous les départements frontières, pour y être
appliqué à compter du jour de ladite publi-
cation, conformément aux ordonnances roya-
les des 27 novembre 1816 et 18 ianvier 1817.
J. Baraton.
Nous lisons dans le Morning Post du
ler octobre : ¥ '
Le voyage de l'Empereur des Français avec sa
belle et populaire épouse dans les provinces de
son empire, pour y remplir une mission de paix
et de bienveillance, offre à ce pays si longtemps
tourmenté un spectaclé inaccoutumé. Jamais,
depuis l^époque'cù le seul nom. de Napoléon Ier
-excitait dans le cœur des Français cet en tl-iôn-
siasme chevaleresque qui, à son commande-
ment, accomplissait et tentait d'accomplir les
plus nobles exploits, aucun des souverains de
France n'a eu le désir ou l'occasion de voyager
au milieu de la foule de ses sujets, pour vdir j
leurs travaux, connaître leurs bésoiu,g , louer
leurs'heureux progrès, encourager et stimuler*
leur esprit public.
Tout cela est assez ordinaire en Angleterre.
Notre reine bien-aimée va partout parmi ses
sujets ; elle parcourt tous les points de son île,
certaine qu'à chaque pas elle sera accueillie par
les démonstrations du plus cordial dévouement.
Elle ne redoute ni sociétés secrètes, ni complots
meurtriers.
Mais qu'on voie de, pareils résultats de l'au-
tre côté du détroit, que la France, troublée, tour-
mentée, comme elle l'a été, par des rois faibles,
par des révolutions sanglantes, prenne la posi-
tion où elle est aujourd'hui, qu'elle fasse de pro-
vince en province la bienvenue à un Empereur,
qu'elle salue avec joie une épouse impériale ,
qu'elle s'attache par toutes sortes de moyens à
prouver sa confiance et son dévoûment pour les
personnages augustes qui occupent le trône,
c'est là ce que pouvaient seuls produire un in-
comparable talent, un admirable génie de gou-
vernement , ce que nul, il y a peu d'années,
n'eût osé prédire.
Les Français sont convaincus de l'habileté de
l'Empereur à gouverner, de son extrême inté-
grité, et, en outre, on acquiert chaque jour de
plus en plus la conviction qu'un intérêt tout pa-
ternel porté au bien-être social du peuple et à
ses moindres besoins, sera le trait éminemment
caractéristique du règne de Napoléon III.
L'Angleterre doit se féliciter, à la yue d'un tel
résultat, de la haute position qu'elle occupe par-
mi les peuples; elle peut assister avec plaisir au
■spectacle des progrès et de la prospérité des
royaumes; elle peut se complaire à les voir s'é-
lever dans tout ce qui constitue le progrès de la
société civile, sans en éprouver aucune jalousie.
Elle est elle-même progressive, marchant avec
le monde et marchant à sa tête. Ses intérêts s'i-
dentifient avec la paix du monde, et les autres,
nations, à mesure qu'elles atteignent à sa haú-
teur dans la liberté de leurs institutions, dans les
conditions constitutionnelles de leur gouverne-
ment, dans la prospérité de leur commerce, ont
un aussi puissant intérêt au maintien de la paix.
Parmi ces nations, la France est au premier
rang. Même aujourdJhui, sa puissance manufac-,
turière et commerciale acquiert partout un de-
gré d'énergie dont on n'avait jamais eu l'exemple
auparavant. Se? forces productives sont tn
pleine activité ; ses ouvriers travaillent et son
peuple vit en paix: A cet égard, le voyage de
l'Empereur est satisfaisant à double titre. L'in-
dustrie.croissante, les améliorations dans l'état
des populations, tout ce qui doit exciter la re-
connaissance envers un souverain éclairé et gé-
néreux, ce sont là des faits qui parlent puis-
samment en faveur de la stabilité du trône im-
pt;jal et qui expliquent le bonheur dont jouissent
ses sujet'c- " -
Cette haute .V^'On ne sera sans doute pas per-
due par rampSeur,?'comme il en est vive-
ment pénétré, il.se sentie T'61, el a\'Olr contribué
lui-même à cette situation eaiîu" heureuse-
Il ne peut que s'applaudir tntémvremen\
n'avoir pofnt à lever des 'tion^crits, $ C.xc^Rr
une ardeur guerrière, de n'être pas forcé p«?r
les circonstances d'enlever l'élite de la jeunes
française à ses travaux pour l'entraîner sur je
champ de bataille et faire évanouir cette
prospérité qui a jusqu'ici tant rehaussé l'éc!at
de son règne.. H fera beau pour iui de pouvoir,
avec un gouvernement ferme, mais ] ruuent,
élever la gloire commerciale au-dessus de la
gloire militaire de son pays, et de léguer à la
postérité le noble nom du bienfaiteur de la
France qui lui a donné sa prospérité et lui a
conservé iapaix.
Au temps où nous vivons, lorsque l'influence
des puissances de l'Occident est d'une si grande
importance pour le monde, ce fait que la France
prodigue les démonstrations de son noble dé-
voûment à son monarque, partout où il passe,
et quand ce prince jouit en tous lieux du specta-
cle des bienfaits de la paix, né peut qu'être sin-
cèrement agréable à tous les Anglais et à tous
'ceux qui sont intéressés à la parfaite union de
la France et de l'Angleterre pour la grande cause
de la paix de l'Europe et de là bonne foi des na-
tions.
Nous recevons par l'Allemagne des nou-
velles de ConsÍantinople à la date du 19 sep-
tembre; elles n'ajoutent que peu de chose
aux faits qae nous ont déjà annoncés, depuis
celle époque, diverses dépêches télégraphi-
ques. Au moment du départ du corn l it r, t ïen
encore n'avait transpiré dans ,le public sur
les résolutions définitives dé l'empereur de
Russie ; mais l'opinion générale était que
cette réponse serait négativer et ce qui%^^^S
- firmàit cette prévision, Vêtait ter^onMfetioS^^
des armement poursuivis aved une nouvelle
activité pair le gouvernement de la Portë-Ôf-
tomane.
On affirmait toutefois que l'union était loin
d'exister encore entre les membres du divan
au sujet de l'attitude définitive qu'il convien-
drait à la Turquie de prendre. Il circulait
des brmts vagues d'un remaniement minis-
lériel qui aurait pour résultat d?éloignef des
affaires les ministres qui représentent plus
directement le parti de la guerre *"-'- -fin dit
1; qu'un des principaux fonctionnaires du gou-
vernement turc paraît n'avoir pas été com-
plètement étranger aux manifestations par
lesquelles on espérait entraîner le sultan à
une déclaration positive de guerre à la Rus-
sie. Cette circonstance qui a, on s'en sou-
! vient, vivement affecté le sultan, est vive-
! ment exploitée contre le fonctionnaire dont,
i il s'agit ; elle pourrait être le principè d'une
i modification ministérielle favorable au parti
S d; la paix.
i On comprend que nous n'accueillions que
j sous toutes réserves ces bruits que nous
I trouvons dans nos correspondances.
! Les vaisseaux détachés de l'escadre et- ap-
| p-iés par les ambassadeurs de France et.
d'Angleterre étaient teajOCîi mouillés à'
Constantinople. On n'avare- aucune nouvelle
de'natûré àrindîtiaer que le. ,Ëléàt'e dë/lâ flotte
ffit prochainement attendu dans cette ville.
On se rappeiS j qu'un nouveau délai avait
été accordé à la Banque pour Commencer
ses opération!; ; mais on nous écrit que cette
institution si émi^^ment utile est exposée
à des intrigues de iout? nature et que des
efforts inouïs font tentés pour l'empêcher
de s'installer. autre côté, il ne faut pas
se dissimuler '.ans les circonstances ac-,
tuelies, au milieu des complications qui me- -
nacent la Turquie, il est difficile à un établis-. -
sement financier de s'y établir, d'y apporter
un capital considérable et d'y fonctionner
, sur des bases meneuses. Espérons que les .
fondateurs de la nouvelle banque viendront
à bout de vaincre tontes les difficultés de la
I situation; l'organisation du crédit est évi-
I demment une des conditions les plus to.nda •
i mentales de l'avenir de I.Vmpire ottoman.
I On assurait que les Russes ont réuni dp",
| forces considérables du .côté de là Circassse,,
pour tenir têie h l'irbnrfection du Caucase,
dont les succès auraient pl). fairn une utile
diversion en faveur de la Tarqtiie. Des en-
\ voyés de Schamvi ft-uent arrivés, dit-on,
S pour demander desTecoufs h la Porte.
1 Le choléra a éclaté a Odessa, et le gouver-
i nement turc a établi Tm ne quarantaine d'ob-
I servation de cinq jouis sqr toute* les pro-
I venances de oeU^ ville et delà rive gauche
J du Ddn uhe. „ ■
J. Augier.
On a <ïé£ nouvelles particulières de Con-
stanfinople du id- frégates a vapeur Taïf
et llachid établit ar.nvées dans le port, Vf'- _'
narit de Varna, où elles les bâtiments charges dt' transporter les 4!
troupes égyptiennes. Un brick de guerre tu-
nisien était également arrivé d avait à son biud un envoyé du bey de Tunis,
chargé d'une mission -particulière ancrés di!
divan. '
L'article suivant qne nous trouvons dans-
le Times du 1er oclobTe, définit la situation
de rAutnch:; et 'i'inlérèi spécial qu'elle a à
la solution pacifique des affaires d'Orient :
L'opinion a attribué au congrès militaire
d'Oilmûtz un caractère analogue à celui de la
conférence diplomatique de Vienne, et oh pense
que les têtes couronnées puissent terminer par
une entrevue personnel ie des 'difficultés politi-
ques à la conclusion (lesquelles on ne serait ja-
mais arrivé par,représentants. L'attention de'
l'Europe s'e::t pOifée d'une façon spéciale sur
l'empereur d'Autriche pour des motifs solides et
Hpparents. Si le czar parT'ent à détacher runf;
ces quatre puissances de l'eS)-:.èce d'alliance gé-
rié,,,zile qui s'est formée contre >?vU', c'est avec
l'Autriche qu'il semble aypir les plus belles
FEUILLETON DU PAYS, JOURNAL DE L'EMPIRE.
DU 3 OCTOBRE 1853.
REVUE DRAMATIQUE.
V Les SEPT MERVEILLES
ftenne /e^rie en tableaux, par MM.
- y»rié|é.rl- Les
Ws' vaudevi!!e en cinq actes,
î>ari«itf «1. ^ Bèaifroir et Lambert Thi-
tout. -
'ïlees*^onc sortre dè son œuf en-
%nt^n' inradieuse féerie, fille des mille
^ Qn T«rS ? des mille et/une nuits accou-
Plés
€°stttiïw USf f5 mao'^ens de la machine du
sa. nâi«;>Pei»ture ont été conviés à
et, disons.:.le tout d'abord, ils
6,1 ont f<^ un chef-d'œuvre, une fête, un
galt «s«t ûn banquet de raretés et
j0Va)lves1af' ^ Imagination Sur des plats
par i
ébloui fâlt !lies à genoux. On sort de là
^ais fi: ,n x 5 tête pleine de mirages...
« vou^ ràcont( r ces beaux rê-
^es etd-e hate vous de rnontrer tette lanterne magi-
que Couleur
de
^re» Une Fo¡'¡liniù a vu en songe une om-
perdre sa ia»°' femme, "et il l'aime à en
^ ^ et. 51\ couroniie. Or, cette fenJ-
!• là m- ^ a» ûmis elle ne dit pas
de ShaksPeHre, « Je hé
i I à &llis polnt nn" m.erveille» seigneur, je suis
; ! s'mPleii!iMir?8 ne|eune fille. » Tout au coiri-
traire, ellè .. J)l)ara^ au prince et' lui révèle
» i' eii'elle nV^t rIen moins que huitième nier-
r
veille du monde, et qu'elle ne pourra se ren-
dre à lui que lorsqu'il aura conquis les sept
autres. Il est jeune, ce prince Fortunio, il est
filleul de fée, il ne doute de rien, le voilà
parti en compagnie.de son cousin Broccoli,
un prince imbécile après lequel court et s'es-
soufle en pouffant d'amour la jeune Poupo-
netta, sa fiancée: vraies marionnettes de bouf-
fonnerie italienne que ces personnages; mais
ce sont des fées qui tiennent leurs fils et leur
tréteau monte et redescend du ciel à l'enfer.
Voici d'abord le phare d'Alexandrie, traî-
nant après lui, comme une queue de comète,
tous les phares disséminés sur les mers : le
phare de Messine, le phare de Sestos, le
phare de Gênes, le phare d'Alger; que sais-
je encore ? Etoiles de la mei*, constellations
des flots, candélabre aux sept branches du
temple de Neptune. Miranda aidant, le prince
Fortunio s'empare du luminaire égyptien ;
l'armée des phares lui rend hommage, et
vous croiriez voir ce songe d'une nuit d'O-
rient raconté par la Bible, où Joseph vit les
astres rangés en cercle s'incliner devant lui.
De là, nous passons au mausolée de Mau-
sole, gardée par la reine Artémise, cette
veuve inconsolable, qui mangeait les cendres
de son mari pour lui conserver une épouse.
C'est la caricature du veuvage, que cette
reine pleureuse, et les historiens grecs eux-
mêmes ont peine à garder leur sérieux quand
ils parlent d'elle. Je rhs la figure volontiers
sous les traits d'une portière antique, logée
dans un coin de son mausolée, et du matin
au soir frottant tes marbres, époussetant les
urnes, tricotant des linceuls neufs pour le
cher défunt; et balayant le caveau avec un
balai de cyprès. De temps à autre elle ouvre
sa tabatière funéraire,' et aspire religieuse-
ment la poussière Conjugale ; alors de gran-
des larmes d'argent tombent â"verse de ses
yeux humides, et elle les recueille soigneu-
sement dans un grand mouchoir pour en dé-
corer les tentures de sa maison sépui.crale.
*
—MILiIIIWIBIHIIN iii ii nnr ru ni IIMWHHIIIII I''IIIIII IM, iiiiirnrffiTiin»wrnnrigiTiTrr
Décidément, elle r ieure trop, cette veuve At-
témise, elle bâtit un trop grand tombeau à son
petit roi,. Et puis je n'aime pas ces friandises
élégiaques cuisinées avec les restes de .son
mari; cela est d'un bourgeois lugubreetpré-
tentieux. « Après la mort de son mari, relatent
» les histoires, elle mêla ses cendres, à des
» parfums et les avala peu à peu comme si elle
» eùt voulu convertir le corps de son époux
» en sa propre substance. » Vous le voyez,
c'est bien cela, elle en faisait des confitures.
A ces causes, je sais bon gré aux auteurs
du sans-façon avec lequel"ils ont abordé cette
vieille E!égie, ils en ont fait une duègne, une
béate, une béguine, une donneuse d'eau !us-t
trale du temple de Vestà, mais le prince For-'
tunio n'a qu'à paraître pour ébranler celte
vertu tumulaire. A lui donc le tombeau de
Mausole, et ses locataires , lesquels ressusci-
tent tout exprès pour célébrer sa victoire. Ce
sont Philémon-et Baucis, M. et Mine Denis,
les veuves du Malabar, et tous les couples
fidèles de la fable èt de la chronique : spectres
de tourtereaux, fantômes de pigeons, re-
venants déplumés du colombier conjugal?
Tout cela toucoule, minaude, caquète, se
rengorge, se réchauffe au reflet de ses
vieilles amours, et vous représente quelque
chose comme la petite Provence de la lune
de miel. fi"
Maintenant, embarquons-nous pour Rho-
des, l'île des roses, dont Fortunio ét :Broc-
cbli vont conquérir le colosse. Le décor est
splendide : une mer agitée, brillàtite, innnie,
et au milieu le géant d'airain qui l'en.iambe.
èi'ôccoli est avalé en route par un gros pois-
son peu difficile sur la nourriture. Fortunio,
plus heureux, Aborde l'idole sur une nacelle,
et d'un coup de pistolet la précipite dans les
flots là7 tête la première. Voilà qui me passe,
.et je ne saurais vraiment croire, même en
pleine féerie, à ce grand colosse renversé par
une chevrotine. On ne va pas à la chasse aux
éléphants avec du petit -A t"l) ; e on ne fou-
~; .2~ ~c
droie pas les Titans avec un pétard, fl ne fal-
lut rien moins qu'un tremblement de terre
pour abattre ce géant de la sculpture anti-
que, et l'histoire rapporte que le revendeur
auquel les Sarrasins vendirent son cadavre
* équipa neuf cents chameaux pour emporter
ses ossements de bronze. On fit des marmi-
tes de cette statue sublime—entre les jambes
deslaquedie lés flottes passaient à pleines
voiles — et des poëlons, et des clous, et des
fers à cheval, et tous les vils ustensiles que la
tenaille d'un chaudronnier peut extraire du
corps aboli d'qn dieu. 0 misère des vieilles
^Idoles, des vieilles cloches et des vieux ca-
i. fi o n ! chants monnayés , foudres éteintes,
' métal sacré devenu ferraille !
De Rhodes montons avec Fortunio dans les
jardins aériens de Babylone, où l'Astarté
orientale l'attend de pied ferme à la tête de
son harem, rangé en bataille. C'est un oasis
aérien planté d'arbres à plumes qui semblent
sortis de graines magiques tombées du bec
de l'oiseau bleu. Là scintillent des yeux de
gazelle parmi des fleurs de lotus; là soufflent
des brises plus douces que des sorbets; l'eau
chante, la feuille soupire, le rossignol fait
la cour, à la rose, et les aimées aux yeux
peints et aux pieds garnis de bagues exécu-
tent leurs plus folles danses sur des tapis de
Perse. Certes, le sabbat est magnifique, et
ces danses étranges volantes, sur ce, fond
de pourpre et d'azur, ont de l'éclat et de la
magie. Je regrette seulement que l'ordonna-
teur de ces merveilles n'ait pas profité de ce
. beau nom de Babylone pour animer ces
grands bas-reliefs assyriens, qui viennent de
sortir de terre après trois mille ans.
. L'occasion était belle de faire défiler de-
vant nous cette procession de rois, de sa-
trapes, de guerriers, de mages et de-prêtres,
avec leurs mitres d'or, leurs robes-effémi-
nées, leurs barbes voluptueuses et vénéra-
ples, leurs allures d'idoles, leurs physiono-
mies stupides et sacrées, et lés chars, les
captifs, les monstres, les eunuques qui les
suivent en files infinies sur les murs de Mos-
soul et de Khorsabad. — Pourquoi la féeric,
qui va si souvent à la cui-ine, n'irait-elle pas
quelquefois au musée? Ne vaut-il pas mieux
animer un beau groupe que de faire danser
une pairè de pincettes; et n'est-ce pas un
triste rôle que de se faire le Pygmalion
d'une asperge, lorsque Galatée ne demande
pas mieux que de descendre de son piédes-
tal?
De l'Assyrie Il la Grèce il n'y a qu'un coup
d'aile pour le dragon qui 'nous porte. Nous
sommes dans !es ruines, du temple d'Olym-
pier, hantée pir les revenants- des douze
grands dieux de l'Olympe; c'est Daumier
lui-même qu'on a chargé de parodier en
chair et en loques ces divinités de marbre
et de pourpre, et à. Fénergic grotesque de
ces contrefaçons lamentables, vous auriez
deviné sans être--, prévenu que la griffe de
singe du ierriblt:. artiste avait passé par Ilt.
Oh! ce Daumier! il a le génie du laid, du
trivial et du sacrilège ; il aime à changer les
auréoles en perruques et les couronnes en
bonnets de coton. Il dessinerait des mous-
taches au charbon,sur les lèvres de la Vé-
nus de Milo, il planterait un brûle-gueu-
le de marin dans cette bouche du Nil an-
tique qui exhale le souffle et la majesté
des grandes eaux. Personne ne s'entend
comme lui à friper la tunique, a renfoncer le
casque, à éculer la sandale, à ébrécher le
vase étrusque, à rendre ridicules comme de
vieilles modes de l'an X les plus chastes pa-
rures et les plus augures voiles de la mu-e.
Ce qu'il a fait de ces douze grands dieux,
non, Scarron lui-même ne l'aurait pas osé.
Imaginez un Jupiter-Jupin affublé , d'une
carcasse de diadème; Neptune armé d'un pa-
rapluie; Bacchus sous la trogne d'un vieux
vigneron empaiilÔ dans les pampres frelatés
de la bouteille à douze; Apollon, dieu du
jour, clignotant sous un abat-iour et pinçant
d'une lyre, de Barbarie aux cordes criardes ;
M u -s coiffé d'un casque de pompier ; Mér-
cure étriqué dans une redingote suspecte,
garnie d'ailes dépenaillées et sordides ; Vé-
nus , enfin, N'éniis... la baigneuse de M.
Courbet, sortant d'e son baquet d'eau sale !
Je renonce à vous dire les grimaces dé ces
guenilles, les dérisions de ces ornements et
l'effrayante ironie de ces caricatures, si res-
semblantes encore, dans-leur abjection mê-
me aux types majestueux dont elles procè-
dent, qu'à leur aspect vous songez involon-
tairement à ce* que pourraient être lés sque-
lettes et les fêtes de mort des statues de
Phidias et de Praxiiè'e. - :■
Dernièrement, Henri Heine, dans une fan-
taisie sublime, nous racontait les malheurs
des Dieux en exil. Il nous montrait Jupiter
marchand de préaux de lapins dins unéile
de la mer de Glace, Bacchus cachant sa tête
voluptueuse sous le capuchon (run moine,
Mercure abrité dans la houpelandé jaune
clair d'un épicier hollandais, Mars bourreau,
Vénus lorette; que sais-je -encorë? Mais que
de respect, de compassion et de mystère
le poëte mettait dans le récit de ces divines
décadences ! Son Jupiter décrépit, assis de-
vant un feu de feuilles sèches, dans sa ta...;
ni ère de Lapon, entré son aigle plumé et
sa chèvre chauve , est aussi grandiose
que sur le trône de l'Olympe; son Mer-
cure négociant frétant une barque pour
une cargaison d'âmes, comme s'il s'agis-
sait d'une cargaison de fromages, vous
donne la sueur froide, et ce capucin hypo-
crite qui, dans les nuits de l'équinoxe, jette
aux vignes son froc et sa barbe, brandit un
thyrse, se couronne de lierre, redevient le
beau- Dyonisos, père de la joie, et triomphe
sur un char d'or attelé de panthères au mi-
lieu des Evohé et des'fureurs des Ménadès,
vous apparaît comme le démon d'un cau-
chemar céleste, épouvante et ravissement
i 1 de l'esprit..Ce n'est pas de la mythologie ,
gpiïKlf AL Hi5 L'EMMEE.
3 Octobre 1853,,
TROIS IMS ; 12 FR. \
' iicitiivii i:
. * • «*
PiRts» rcsi>c nuBcamG-MoirmAaTKg, tv, \ r
• 8e Année. --- N° 276.
OR AS : 48 FR.
Les abo»B«mefita parlék de* i-r et 16 de chaque moi»,
1 'Ai fions kir.)
SOMMAIRE.
-- réfJ*M» Wr-4- *• s
E„i# concernant les. subsistance^
ftL. dû- Vofntng /»<>« surïavoyage&el'fcm-r
dans le Nordde la Fraftce. 1 -
«ti«a d'Orient : Extraits des journaux étran-
•®!îg rtorresponâanâes» dépêcha!.
- hican du prIX de l'hectolitre de froment pou^
'fprvir de régulateur, .
Jmcer t Angleterre, Toscane, Modène, _Parme,
t Ambardo-Vénêtie Etats-Romains , Espagne ,'
Egspté, Californie.
.ÎS» et départements 1 Nouvel àum
?J* rie : Exposition de produit^ au -mi t,èm dç
fe*;,»-
Jfcett^e H f& Prqpontide, par M. )té,"
JL«* hebdomadaire de la Bourse.
julletf" hetodojmadaire commercial et industrie^
«Mette* des chemins de fer.
rajiietoii 8 Revue dramatique, par M. Paul da
s.i\J¡t-VlCtor..; "
Paris 2 Octobre.
: » ; v ";i:;
Dans une circulaire récente, en date (ta.
i7 août 1853, adressée aux préfets, et dont
nous avons publié le texte à l'époque oùefte
a aro, M. le ministre de l'intérieur 'à dé-
paré que les renseignements fournis par
l'inspection générale constataient que la plu-
part des prisons départementales étaient
foin d'offrir les dispositions locales nécessai-
res pour l'exécution des prescriptions lé-
gales et réglementaires concernant la sépa-
ration des diverses catégories de détenus.
Sur 396 maisons d'arrêt, de justice et de
correction, il en est seulement 60, outre les
prisons cellulaires, qui réalisent, à cet égard,
le vœu de la loi ; dans 166, la séparation par
quartiers est incomplète, et, dans 74, elle
n'existe pas., 4a circulaire ministérielle
ajoute que les fêtards apportés par les admi-
aistratidns locales dans l'exécution des me-
iures'tt-cessaires pour approprier les pri-
sous à ces diverses prescriptions doivent être
imputés aux circulaires du 2 octobre 1836,
du 9 août 1841 et du 20 août 1849, qui re-
poussaient tout projet de réparation ou de
reconstruction 'non conforme aux règles du
lyslème, cellulaire. Le&. conditions dispen-
aieuses qu'entraine l'application de ce systè-
me,l'impossibilité absolue, pour le plps grand
nombre des départements, d'y pourvoir avec
leurs seules ressources, ont fait ajourner les
améliorations indispensables.
M. le ministre de l'intérieur déclare en
conséquence que le gouvernement renonce
à l'application de ce régime d'emprisonne-
ment pour s'en tenir à celai de la séparation
par quartiers. Mais en donnant ainsi aux
départements toute facilité de pourvoir par
des sacrifices limités aux besoins dè. ef, ser-
vice, le ministre déclare en même temps que
l'administration sera fondée à. exiger qu'il
soit immédiatement procédé partout aux
travaux nécessaires pour taire cesser une si-
tuation qui viole les lois et qui compromet
lés intérêts les plus graves.
Toutefois, l'administration se réservera
d'examiner si, dans un intérêt moral et dis-
ciplinaire, les plans nouveaux ne devront*
pas comprendre un certain nombre de
chambres destinées à isoler quelques déte-
nus à l'égard desquels les circonstances par-
ticulières peuvent nécessiter des mesures
exceptionnelles.
Tels sont, sur cette grave question, les
principes émis par M. le ministre de l'inté-
rieur. Nous souhaitons, quant à nous, que
le gouvernement suive cette pente qui le
porte vers une opinion définitive et arrê-
te dans cette matière de haute administra-
tion, et qu'il repousse en principe l'applica-
tion du régime Cellulaire, qui constitue une
p.$lne exorbitante au point de vue du carac-
français, et qui n'a produit jusqu'ici
que de bien tristes résultats.
Certainement, nous nous hâtons de le dire,
8 premier, le plus grand besoin de la société
de paralyser le crime par la terreur du
^ miment. L'efficacité des lois pénales, nous
? ^connaissons, s'affermit ou s'altère sui-
ant que le système pénitentiaire est l'ex-
pression plus ou moins intelligente d'une ré-
pression né.cess.aite...Mai.s la difficulté con-
-siste toujoùrs à mettre cette rép, ion en
harmonie avec le but du châtiment qui est
à la fois de retirer le coupable du sein, de la
société, de frapper d'épouvante ceux qui se-
raient tentés d'imiter son exemple et de le,
rendre, avec la fin de la peine, corrigé et re-
p,,fflt,,ant à la société ou à Dieu.
" Les anciennes prisons de l'Europe avaient
toutes été organisées pour l'intimidation, et
de plus elles tendaient en quelque sorte à
supprimer le coupable. Elles traitaient du-
rëmèht, cruellement le corps ; elles ne fai-
raient .rien pour l'amélioration de l'âme, et
en, réunissant les criminels dans une
sans distinction de crimina-
|ijé,; elles exposaient ceux qui débutaient
dans la carrière du crime au. contact de la
plus dangereux corruption. Aussi un nli-
nistre illustre, M. deàlartignaç, disait-il d'el-
les en 1829., alors qu'aucune amélioration
sérieuse n'avait encore été réalisée, qu'elles
punissaient saris corriger.
~ Depuis, ce moment, le système péniten-
tiaire a. été l'objet de nombreux projets, de
nombreux systèmes. *
Nous ne voulons point entreprendre bien
Certainement d'étudier ici ces systèmes et ces
projets dont la plupart sont restés inexécu-
tés. Nous prenons seulement la question au
point de maturité oît elle est parvenue en
France..,
En ce qui concerne les grands crimes-en-
tralnant la peine des travaux forcés, la sup-
pression des bagnes a été décrétée par l'Em-
pereur le 27 mars 1852. Elle a été réalisée
presque entièrement. Le bagne est remplacé
par la transportation à la colonie péniten-
tiaire de Cayenne, Cette mesure, qui est tou-
jours néanmoins dans la période.de l'expéri-
mentation, a donné lieu de la part du gou-
vernement à la présentation d'un projet de
loi au Corps législatif, qui n'a point encore
subi l'épreuve de la délibération, mais que
nous aurons l'occasion d'examiner sans
doute lorsque le moment sera venu . La dis-
cussion sur ce premier point serait donc
prématurée, r
" Aujourd'hui il s'agit seulement du systè-.
me cellulaire dans ses rapports d'application
avec les réclusionnaires des maisons cen-
trales et les condamnés destinés à subir leur
peine dans les prisons départementales.
Il résulte de la circulaire que nous avons
citée en commençant que M. le ministre de
l'intérieuj renonce, quant aux prisons dépar-
lementales; au régime cellulaire pour s'en
tenir à celui de la séparation par quartiers,
sauf à isoler quelques détenus à l'égard
desquels des circonstances particulières peu-
vent nécessiter des mesures exceptionnelles".*
Or il y a là un principe qui nous parait ex-
cellent et auquel nous donnons toute notre
approbation ; il est bien heureux que la sol-
licitude du gouvernement s'éclaire enflii de
plus en plus sur cette importation anglo-
américaine du régime cellulaire qui n'est en
rapport ni avec la sociabilité et la mobilité
de l'esprit français* ni avec les consolations
pleines de tendresse et de pardon de la reli-
gion catholique, ni par conséquent avec un
régime de répression et de jnoralisation
conçu au point de vue du caractère national.
Le système cellulaire, comme application,
est venu d'Amérique. Il a revêtu, dès le prin*
cipe, trois formes distinctes qui ont été:
1° l'emprisonnement cellulaire et solitaire de
jour et de nuit, mais sans travail, à moins '
que le détenu n?en ait demandé; on a dit
de cette méthode qu'elle ne réforme pas,
mais qu'elle tue ; 2o l'emprisonnement soli-
taire de jour et de nuit avec travail obliga-
toire; c'est une amélioretion par rapport au
précédent ; ao l'emprisonnement solitaire de
nuit, avec réunion et travail en commun
pendant le jour, mais avec l'obligation d'un
silence absolu et l'interdiction de communi-
cation entre les détenus sous la surveillance
des gardiens. t
Le projet de loi présenté aux chambres en
1840, et qui eut pour rapporteur M. de Toc-
quevÍlle, était basé sur ces principes. Il dé-
crétait, quant aux prévenus, rewprisonne..
ment solitaire de jour et 'de- nuit. Pour tes
condamnés, le même principe était reproduit
avec l'obligation du travail. Il n'y avait d'ëx-
teption que relativement aux condamnés à
plus. de douze ausdetravau- iforcés et aux con-
damnés à perpétuité. Ces deux espèces de con-
damnés, après avoir subi pendant douze ans
leur peine d'après le système de l'isolement,
devaient continuer ensuite à être séparés pen-
dant la nuit, mais ils devaient être employés
en commun pendant le jour -aux travaux
Iei pMis pénibjtea^ (Art. 33.) ! 1 ^ v'
ToutQfWSt. afin de tempérer pour tous les.
condamnés .la rigueur d'un isolement aussi
absolu et de pUiser -d'àns un adoucissement à
cette rigueur un mo^en "-d$ainëlioratibn, le
projet déparait que^ïes; ëÓnàà,1jinék'seraient
visités aussi souvent que possible par le di-
recteur tfe la prison, l'aumônier, le médecin,
rinstitaleur,, les membres de la commission
de surveillance*
11 ouvrait aussi, pouf les visites^ de gran-
des facilités aux membres des associations
charitables, à la famille du condamné et aux
autres personnes qui présenteraient des ga--
ranti¡es suffisantes et qui 'setàient autorisées.
Il déclarait enfin que le travail et la lecture
ne pourraient être refusés aux condamnés,
si ce n'est à titre de punition temporaire.
. Ce projet n'a pas eu de suite ; il est resté à
l'état de rapport. Mais les idées qu'il expri"
mait en ont eu de très Importantes. Toutes
les prisons nouvelles, et particulièrement les
prisons de Mazas et de la Roquette, à Paris,
ont été construites suivant les formes qu'il
nécessitait. Une large expérience a dès lors
été faite.
Aujourd'hui c'est évidemment sur le fond
de ce système que la discussion s'établit,
particulièrement en ce qui concerne les pri-
sons départementales.
Nous avons dit plus haut notre sentiment
&ans démonstration. Mais ce n'est pas, fiems
le savons bien, par des sentiments que doi-
vent se décider les hommes d'Etat chargés
de procurer par la fermeté et par l'inflexible
rigueur d,es,peines la' répression des pas-
sions coupables'et dès. crimes. Nous nous
serions donc défiés Je nos entraînements
sur celte question, si nous n'en trouvions
aussi la consécration démontrée; par le tra-
vail d'un homme auquel sa situation clli-
ciellé d,iflhè ici une grande autorité, M. Léon
Vidal, inspecteur -général des prisons.
Ce fonctionnaire, dans. une brochure ré-
cemment publiée, écrire avec pp remarqua-r
bie talent, a traité à fond la question de
,,emprisonnement cellulaire. Il démontre
lue ce système est condamné par une foule
je raisons de premier ordre : en Angleterre, j
m Amérique comme en France, où ce sys-
tèine fonctionne,, dens 46 prisons construites
:ellulairement, il n'a produit aucun avan-
tage préventif ; la criminalité, les récidives,
)nt augmenté chaque année malgré son ap-
plication. En France, il y a eu 22,978 con-
damnés en 1852 ; il y eh a déjà 22,000 pour
L'année actuelle, tandis qu'en remontant
jusqu'à 1851, on n'en compte que 19,050 et
17,780 en 1841 .
L'isolement rend-il le condamné meilleur?
M. 'Vidal déclare que non. L'homme mé-
chant et isolé devient plus méchant encore
par l'irritation ou par la réflexion. De plus,
le mode de visites qu'on a voulu organiser
auprès de lui est impossible et insuffisant.
Il n'y a plus en outre de gradation dans
les peines. Elles deviennent toutes égales, le
temps seul les rend différentes.' Ce n'est pas
là ce que veut le Code pénal.
La santé du prisonnier est altérée, com-
promise ; il est conduit à la tolie ou au sui-
cide. A Mazas, il y a eu douze fois plus de
suicides que dans l'âncienne prison commu-
[le de la Force avec la même nature de po-
pulation.
La folie est aussi l'épidémie des prisons
cellulaires ; l'âme du prisonnier est sans for-
ce ; elle reçoit sans chaleur les instructions de
la religion en même temps qu'elle est-rebelle
,i tout enseignement, à tout apprentissage. ,
De plus, le corps s'use et se détériore bien
vite dans les cellules privées d'air où il est si'
difficile de réunir les conditions indispensa-
bles de la salubrité.
Enfin, la dépense que nécessiterait l'ins-
tallation complète du régime cellulaire ser-
rait exorbitante. La seule appropriation des
maisons centrales actuelles coûterait 50 mil-
lions, et la construction de 450 prîsons, mai-
sons d'arrêt, maisons de justice et de cor-
rection dans toute la France, peut être éva-
luée à plus de 125 millions, sans compter la
dépense des terrains.
Ainsi, dit M. Vidal, pa théorie de l'isole-
ment sacrifie tout, humanité, religion, léga-
lité, justice, santé, raison, existence des pri-
sonniers, à un seul désir moral, charitable
sans doute, la séparation des détenus, pour
empêcher la contagion de la corruption,
mais qui, malgré toute la noblesse du but,
n3 valait pas tant et de si importants Facri-,
fi ces. * *
Telles sont, dans leurs généralités, les rai-
sons principales développées par M. Vidal.
Il résume enfin sa pensée par l'assentiment
le plus complet qu'ifdonne au principe de la
mesure prise par M. le ministre de l'inté-
rieur : améliorer les prisons départementa-
les actuelles ; laissér à la sage et intelligente
appréciation du ministère public pour les
prévenus et de l'administration pour les con-
damnés le soin de disposer dans les maisons
d'arrêt, de justice et de correction,. le pla-
cement des détenus par catégories, confor-
mément aux exigences de la loi, de la mo-
rale, des convenances et de la sûreté publi-
que; enfin, conserver-l'isolement dans les
prisons comme exception, comme faveur
pour certains détenus qui la demanderaient
et la mériteraient ; cemme augmentation de
peine pour les incorrigibles, pour ceux qu'il
importe de punir par aggravation et d'éloi-
gner momentanément des autres prison-
niers. :
Ces conclusions ramènent à des termes
pratiques des théories qui s'' sont trop isolées,
à notre avis, des lois impérieuses de l'hu-
manité et de la nature humaine; mais il est
évident qu'elles ne font point obstacle aux
rigueurs nécessaires, de la discipline, à cette
surveillance incessante qui doit à la fois em-
pêcher de dangereux contacts entre les dé-
tenus et entourer la peine de cette gravité
redoutable et de celte intimidation qui font
la garantie et la puissance des lois pénales.
P. DUPLAN.
" Le Moniteur publiej^ux décrets, à la date
du le, octobre, dont l'importance, au point
de vue de la question des subsistances, n'a
pas besoin d'être relevée.
Par le premier de-ces décrets, le délai fixé'
au 31 décembre 1853 par le décret du 3 août
dernier, qui supprime temporairement la
surtaxe de navigation établie sur les impor
talions de grains et farines effectuées par tous
navires étrangers, et par le décret du 18"du
même mois, qui modifie les conditions d'im-
portation des 'grains et farines et autres 'den-
rées alimentaires, est prorogé jusqu'au 31
juillet 1854. ' '
Le' second décret dispose que l'exportation
des pommes de terre etxles légumes secs est
prohibée jusqu'au 31 juillet 1854. Ce décret
sera immédiatement imprimé et affiché dans
tous les départements frontières, pour y être
appliqué à compter du jour de ladite publi-
cation, conformément aux ordonnances roya-
les des 27 novembre 1816 et 18 ianvier 1817.
J. Baraton.
Nous lisons dans le Morning Post du
ler octobre : ¥ '
Le voyage de l'Empereur des Français avec sa
belle et populaire épouse dans les provinces de
son empire, pour y remplir une mission de paix
et de bienveillance, offre à ce pays si longtemps
tourmenté un spectaclé inaccoutumé. Jamais,
depuis l^époque'cù le seul nom. de Napoléon Ier
-excitait dans le cœur des Français cet en tl-iôn-
siasme chevaleresque qui, à son commande-
ment, accomplissait et tentait d'accomplir les
plus nobles exploits, aucun des souverains de
France n'a eu le désir ou l'occasion de voyager
au milieu de la foule de ses sujets, pour vdir j
leurs travaux, connaître leurs bésoiu,g , louer
leurs'heureux progrès, encourager et stimuler*
leur esprit public.
Tout cela est assez ordinaire en Angleterre.
Notre reine bien-aimée va partout parmi ses
sujets ; elle parcourt tous les points de son île,
certaine qu'à chaque pas elle sera accueillie par
les démonstrations du plus cordial dévouement.
Elle ne redoute ni sociétés secrètes, ni complots
meurtriers.
Mais qu'on voie de, pareils résultats de l'au-
tre côté du détroit, que la France, troublée, tour-
mentée, comme elle l'a été, par des rois faibles,
par des révolutions sanglantes, prenne la posi-
tion où elle est aujourd'hui, qu'elle fasse de pro-
vince en province la bienvenue à un Empereur,
qu'elle salue avec joie une épouse impériale ,
qu'elle s'attache par toutes sortes de moyens à
prouver sa confiance et son dévoûment pour les
personnages augustes qui occupent le trône,
c'est là ce que pouvaient seuls produire un in-
comparable talent, un admirable génie de gou-
vernement , ce que nul, il y a peu d'années,
n'eût osé prédire.
Les Français sont convaincus de l'habileté de
l'Empereur à gouverner, de son extrême inté-
grité, et, en outre, on acquiert chaque jour de
plus en plus la conviction qu'un intérêt tout pa-
ternel porté au bien-être social du peuple et à
ses moindres besoins, sera le trait éminemment
caractéristique du règne de Napoléon III.
L'Angleterre doit se féliciter, à la yue d'un tel
résultat, de la haute position qu'elle occupe par-
mi les peuples; elle peut assister avec plaisir au
■spectacle des progrès et de la prospérité des
royaumes; elle peut se complaire à les voir s'é-
lever dans tout ce qui constitue le progrès de la
société civile, sans en éprouver aucune jalousie.
Elle est elle-même progressive, marchant avec
le monde et marchant à sa tête. Ses intérêts s'i-
dentifient avec la paix du monde, et les autres,
nations, à mesure qu'elles atteignent à sa haú-
teur dans la liberté de leurs institutions, dans les
conditions constitutionnelles de leur gouverne-
ment, dans la prospérité de leur commerce, ont
un aussi puissant intérêt au maintien de la paix.
Parmi ces nations, la France est au premier
rang. Même aujourdJhui, sa puissance manufac-,
turière et commerciale acquiert partout un de-
gré d'énergie dont on n'avait jamais eu l'exemple
auparavant. Se? forces productives sont tn
pleine activité ; ses ouvriers travaillent et son
peuple vit en paix: A cet égard, le voyage de
l'Empereur est satisfaisant à double titre. L'in-
dustrie.croissante, les améliorations dans l'état
des populations, tout ce qui doit exciter la re-
connaissance envers un souverain éclairé et gé-
néreux, ce sont là des faits qui parlent puis-
samment en faveur de la stabilité du trône im-
pt;jal et qui expliquent le bonheur dont jouissent
ses sujet'c- " -
Cette haute .V^'On ne sera sans doute pas per-
due par rampSeur,?'comme il en est vive-
ment pénétré, il.se sentie T'61, el a\'Olr contribué
lui-même à cette situation eaiîu" heureuse-
Il ne peut que s'applaudir tntémvremen\
n'avoir pofnt à lever des 'tion^crits, $ C.xc^Rr
une ardeur guerrière, de n'être pas forcé p«?r
les circonstances d'enlever l'élite de la jeunes
française à ses travaux pour l'entraîner sur je
champ de bataille et faire évanouir cette
prospérité qui a jusqu'ici tant rehaussé l'éc!at
de son règne.. H fera beau pour iui de pouvoir,
avec un gouvernement ferme, mais ] ruuent,
élever la gloire commerciale au-dessus de la
gloire militaire de son pays, et de léguer à la
postérité le noble nom du bienfaiteur de la
France qui lui a donné sa prospérité et lui a
conservé iapaix.
Au temps où nous vivons, lorsque l'influence
des puissances de l'Occident est d'une si grande
importance pour le monde, ce fait que la France
prodigue les démonstrations de son noble dé-
voûment à son monarque, partout où il passe,
et quand ce prince jouit en tous lieux du specta-
cle des bienfaits de la paix, né peut qu'être sin-
cèrement agréable à tous les Anglais et à tous
'ceux qui sont intéressés à la parfaite union de
la France et de l'Angleterre pour la grande cause
de la paix de l'Europe et de là bonne foi des na-
tions.
Nous recevons par l'Allemagne des nou-
velles de ConsÍantinople à la date du 19 sep-
tembre; elles n'ajoutent que peu de chose
aux faits qae nous ont déjà annoncés, depuis
celle époque, diverses dépêches télégraphi-
ques. Au moment du départ du corn l it r, t ïen
encore n'avait transpiré dans ,le public sur
les résolutions définitives dé l'empereur de
Russie ; mais l'opinion générale était que
cette réponse serait négativer et ce qui%^^^S
- firmàit cette prévision, Vêtait ter^onMfetioS^^
des armement poursuivis aved une nouvelle
activité pair le gouvernement de la Portë-Ôf-
tomane.
On affirmait toutefois que l'union était loin
d'exister encore entre les membres du divan
au sujet de l'attitude définitive qu'il convien-
drait à la Turquie de prendre. Il circulait
des brmts vagues d'un remaniement minis-
lériel qui aurait pour résultat d?éloignef des
affaires les ministres qui représentent plus
directement le parti de la guerre *"-'- -fin dit
1; qu'un des principaux fonctionnaires du gou-
vernement turc paraît n'avoir pas été com-
plètement étranger aux manifestations par
lesquelles on espérait entraîner le sultan à
une déclaration positive de guerre à la Rus-
sie. Cette circonstance qui a, on s'en sou-
! vient, vivement affecté le sultan, est vive-
! ment exploitée contre le fonctionnaire dont,
i il s'agit ; elle pourrait être le principè d'une
i modification ministérielle favorable au parti
S d; la paix.
i On comprend que nous n'accueillions que
j sous toutes réserves ces bruits que nous
I trouvons dans nos correspondances.
! Les vaisseaux détachés de l'escadre et- ap-
| p-iés par les ambassadeurs de France et.
d'Angleterre étaient teajOCîi mouillés à'
Constantinople. On n'avare- aucune nouvelle
de'natûré àrindîtiaer que le. ,Ëléàt'e dë/lâ flotte
ffit prochainement attendu dans cette ville.
On se rappeiS j qu'un nouveau délai avait
été accordé à la Banque pour Commencer
ses opération!; ; mais on nous écrit que cette
institution si émi^^ment utile est exposée
à des intrigues de iout? nature et que des
efforts inouïs font tentés pour l'empêcher
de s'installer. autre côté, il ne faut pas
se dissimuler '.ans les circonstances ac-,
tuelies, au milieu des complications qui me- -
nacent la Turquie, il est difficile à un établis-. -
sement financier de s'y établir, d'y apporter
un capital considérable et d'y fonctionner
, sur des bases meneuses. Espérons que les .
fondateurs de la nouvelle banque viendront
à bout de vaincre tontes les difficultés de la
I situation; l'organisation du crédit est évi-
I demment une des conditions les plus to.nda •
i mentales de l'avenir de I.Vmpire ottoman.
I On assurait que les Russes ont réuni dp",
| forces considérables du .côté de là Circassse,,
pour tenir têie h l'irbnrfection du Caucase,
dont les succès auraient pl). fairn une utile
diversion en faveur de la Tarqtiie. Des en-
\ voyés de Schamvi ft-uent arrivés, dit-on,
S pour demander desTecoufs h la Porte.
1 Le choléra a éclaté a Odessa, et le gouver-
i nement turc a établi Tm ne quarantaine d'ob-
I servation de cinq jouis sqr toute* les pro-
I venances de oeU^ ville et delà rive gauche
J du Ddn uhe. „ ■
J. Augier.
On a <ïé£ nouvelles particulières de Con-
stanfinople du id- frégates a vapeur Taïf
et llachid établit ar.nvées dans le port, Vf'- _'
narit de Varna, où elles les bâtiments charges dt' transporter les 4!
troupes égyptiennes. Un brick de guerre tu-
nisien était également arrivé d
chargé d'une mission -particulière ancrés di!
divan. '
L'article suivant qne nous trouvons dans-
le Times du 1er oclobTe, définit la situation
de rAutnch:; et 'i'inlérèi spécial qu'elle a à
la solution pacifique des affaires d'Orient :
L'opinion a attribué au congrès militaire
d'Oilmûtz un caractère analogue à celui de la
conférence diplomatique de Vienne, et oh pense
que les têtes couronnées puissent terminer par
une entrevue personnel ie des 'difficultés politi-
ques à la conclusion (lesquelles on ne serait ja-
mais arrivé par,représentants. L'attention de'
l'Europe s'e::t pOifée d'une façon spéciale sur
l'empereur d'Autriche pour des motifs solides et
Hpparents. Si le czar parT'ent à détacher runf;
ces quatre puissances de l'eS)-:.èce d'alliance gé-
rié,,,zile qui s'est formée contre >?vU', c'est avec
l'Autriche qu'il semble aypir les plus belles
FEUILLETON DU PAYS, JOURNAL DE L'EMPIRE.
DU 3 OCTOBRE 1853.
REVUE DRAMATIQUE.
V Les SEPT MERVEILLES
ftenne /e^rie en tableaux, par MM.
- y»rié|é.rl- Les
Ws' vaudevi!!e en cinq actes,
î>ari«itf «1. ^ Bèaifroir et Lambert Thi-
tout. -
'ïlees*^onc sortre dè son œuf en-
%nt^n' inradieuse féerie, fille des mille
^ Qn T«rS ? des mille et/une nuits accou-
Plés
€°stttiïw USf f5 mao'^ens de la machine du
sa. nâi«;>Pei»ture ont été conviés à
et, disons.:.le tout d'abord, ils
6,1 ont f<^ un chef-d'œuvre, une fête, un
galt «s«t ûn banquet de raretés et
j0Va)lves1af' ^ Imagination Sur des plats
par i
ébloui fâlt !lies à genoux. On sort de là
^ais fi: ,n x 5 tête pleine de mirages...
« vou^ ràcont( r ces beaux rê-
^es etd-e hate vous de rnontrer tette lanterne magi-
que Couleur
de
^re» Une Fo¡'¡liniù a vu en songe une om-
perdre sa ia»°' femme, "et il l'aime à en
^ ^ et. 51\ couroniie. Or, cette fenJ-
!• là m- ^ a» ûmis elle ne dit pas
de ShaksPeHre, « Je hé
i I à &llis polnt nn" m.erveille» seigneur, je suis
; ! s'mPleii!iMir?8 ne|eune fille. » Tout au coiri-
traire, ellè .. J)l)ara^ au prince et' lui révèle
» i' eii'elle nV^t rIen moins que huitième nier-
r
veille du monde, et qu'elle ne pourra se ren-
dre à lui que lorsqu'il aura conquis les sept
autres. Il est jeune, ce prince Fortunio, il est
filleul de fée, il ne doute de rien, le voilà
parti en compagnie.de son cousin Broccoli,
un prince imbécile après lequel court et s'es-
soufle en pouffant d'amour la jeune Poupo-
netta, sa fiancée: vraies marionnettes de bouf-
fonnerie italienne que ces personnages; mais
ce sont des fées qui tiennent leurs fils et leur
tréteau monte et redescend du ciel à l'enfer.
Voici d'abord le phare d'Alexandrie, traî-
nant après lui, comme une queue de comète,
tous les phares disséminés sur les mers : le
phare de Messine, le phare de Sestos, le
phare de Gênes, le phare d'Alger; que sais-
je encore ? Etoiles de la mei*, constellations
des flots, candélabre aux sept branches du
temple de Neptune. Miranda aidant, le prince
Fortunio s'empare du luminaire égyptien ;
l'armée des phares lui rend hommage, et
vous croiriez voir ce songe d'une nuit d'O-
rient raconté par la Bible, où Joseph vit les
astres rangés en cercle s'incliner devant lui.
De là, nous passons au mausolée de Mau-
sole, gardée par la reine Artémise, cette
veuve inconsolable, qui mangeait les cendres
de son mari pour lui conserver une épouse.
C'est la caricature du veuvage, que cette
reine pleureuse, et les historiens grecs eux-
mêmes ont peine à garder leur sérieux quand
ils parlent d'elle. Je rhs la figure volontiers
sous les traits d'une portière antique, logée
dans un coin de son mausolée, et du matin
au soir frottant tes marbres, époussetant les
urnes, tricotant des linceuls neufs pour le
cher défunt; et balayant le caveau avec un
balai de cyprès. De temps à autre elle ouvre
sa tabatière funéraire,' et aspire religieuse-
ment la poussière Conjugale ; alors de gran-
des larmes d'argent tombent â"verse de ses
yeux humides, et elle les recueille soigneu-
sement dans un grand mouchoir pour en dé-
corer les tentures de sa maison sépui.crale.
*
—MILiIIIWIBIHIIN iii ii nnr ru ni IIMWHHIIIII I''IIIIII IM, iiiiirnrffiTiin»wrnnrigiTiTrr
Décidément, elle r ieure trop, cette veuve At-
témise, elle bâtit un trop grand tombeau à son
petit roi,. Et puis je n'aime pas ces friandises
élégiaques cuisinées avec les restes de .son
mari; cela est d'un bourgeois lugubreetpré-
tentieux. « Après la mort de son mari, relatent
» les histoires, elle mêla ses cendres, à des
» parfums et les avala peu à peu comme si elle
» eùt voulu convertir le corps de son époux
» en sa propre substance. » Vous le voyez,
c'est bien cela, elle en faisait des confitures.
A ces causes, je sais bon gré aux auteurs
du sans-façon avec lequel"ils ont abordé cette
vieille E!égie, ils en ont fait une duègne, une
béate, une béguine, une donneuse d'eau !us-t
trale du temple de Vestà, mais le prince For-'
tunio n'a qu'à paraître pour ébranler celte
vertu tumulaire. A lui donc le tombeau de
Mausole, et ses locataires , lesquels ressusci-
tent tout exprès pour célébrer sa victoire. Ce
sont Philémon-et Baucis, M. et Mine Denis,
les veuves du Malabar, et tous les couples
fidèles de la fable èt de la chronique : spectres
de tourtereaux, fantômes de pigeons, re-
venants déplumés du colombier conjugal?
Tout cela toucoule, minaude, caquète, se
rengorge, se réchauffe au reflet de ses
vieilles amours, et vous représente quelque
chose comme la petite Provence de la lune
de miel. fi"
Maintenant, embarquons-nous pour Rho-
des, l'île des roses, dont Fortunio ét :Broc-
cbli vont conquérir le colosse. Le décor est
splendide : une mer agitée, brillàtite, innnie,
et au milieu le géant d'airain qui l'en.iambe.
èi'ôccoli est avalé en route par un gros pois-
son peu difficile sur la nourriture. Fortunio,
plus heureux, Aborde l'idole sur une nacelle,
et d'un coup de pistolet la précipite dans les
flots là7 tête la première. Voilà qui me passe,
.et je ne saurais vraiment croire, même en
pleine féerie, à ce grand colosse renversé par
une chevrotine. On ne va pas à la chasse aux
éléphants avec du petit -A t"l) ; e on ne fou-
~; .2~ ~c
droie pas les Titans avec un pétard, fl ne fal-
lut rien moins qu'un tremblement de terre
pour abattre ce géant de la sculpture anti-
que, et l'histoire rapporte que le revendeur
auquel les Sarrasins vendirent son cadavre
* équipa neuf cents chameaux pour emporter
ses ossements de bronze. On fit des marmi-
tes de cette statue sublime—entre les jambes
deslaquedie lés flottes passaient à pleines
voiles — et des poëlons, et des clous, et des
fers à cheval, et tous les vils ustensiles que la
tenaille d'un chaudronnier peut extraire du
corps aboli d'qn dieu. 0 misère des vieilles
^Idoles, des vieilles cloches et des vieux ca-
i. fi o n ! chants monnayés , foudres éteintes,
' métal sacré devenu ferraille !
De Rhodes montons avec Fortunio dans les
jardins aériens de Babylone, où l'Astarté
orientale l'attend de pied ferme à la tête de
son harem, rangé en bataille. C'est un oasis
aérien planté d'arbres à plumes qui semblent
sortis de graines magiques tombées du bec
de l'oiseau bleu. Là scintillent des yeux de
gazelle parmi des fleurs de lotus; là soufflent
des brises plus douces que des sorbets; l'eau
chante, la feuille soupire, le rossignol fait
la cour, à la rose, et les aimées aux yeux
peints et aux pieds garnis de bagues exécu-
tent leurs plus folles danses sur des tapis de
Perse. Certes, le sabbat est magnifique, et
ces danses étranges volantes, sur ce, fond
de pourpre et d'azur, ont de l'éclat et de la
magie. Je regrette seulement que l'ordonna-
teur de ces merveilles n'ait pas profité de ce
. beau nom de Babylone pour animer ces
grands bas-reliefs assyriens, qui viennent de
sortir de terre après trois mille ans.
. L'occasion était belle de faire défiler de-
vant nous cette procession de rois, de sa-
trapes, de guerriers, de mages et de-prêtres,
avec leurs mitres d'or, leurs robes-effémi-
nées, leurs barbes voluptueuses et vénéra-
ples, leurs allures d'idoles, leurs physiono-
mies stupides et sacrées, et lés chars, les
captifs, les monstres, les eunuques qui les
suivent en files infinies sur les murs de Mos-
soul et de Khorsabad. — Pourquoi la féeric,
qui va si souvent à la cui-ine, n'irait-elle pas
quelquefois au musée? Ne vaut-il pas mieux
animer un beau groupe que de faire danser
une pairè de pincettes; et n'est-ce pas un
triste rôle que de se faire le Pygmalion
d'une asperge, lorsque Galatée ne demande
pas mieux que de descendre de son piédes-
tal?
De l'Assyrie Il la Grèce il n'y a qu'un coup
d'aile pour le dragon qui 'nous porte. Nous
sommes dans !es ruines, du temple d'Olym-
pier, hantée pir les revenants- des douze
grands dieux de l'Olympe; c'est Daumier
lui-même qu'on a chargé de parodier en
chair et en loques ces divinités de marbre
et de pourpre, et à. Fénergic grotesque de
ces contrefaçons lamentables, vous auriez
deviné sans être--, prévenu que la griffe de
singe du ierriblt:. artiste avait passé par Ilt.
Oh! ce Daumier! il a le génie du laid, du
trivial et du sacrilège ; il aime à changer les
auréoles en perruques et les couronnes en
bonnets de coton. Il dessinerait des mous-
taches au charbon,sur les lèvres de la Vé-
nus de Milo, il planterait un brûle-gueu-
le de marin dans cette bouche du Nil an-
tique qui exhale le souffle et la majesté
des grandes eaux. Personne ne s'entend
comme lui à friper la tunique, a renfoncer le
casque, à éculer la sandale, à ébrécher le
vase étrusque, à rendre ridicules comme de
vieilles modes de l'an X les plus chastes pa-
rures et les plus augures voiles de la mu-e.
Ce qu'il a fait de ces douze grands dieux,
non, Scarron lui-même ne l'aurait pas osé.
Imaginez un Jupiter-Jupin affublé , d'une
carcasse de diadème; Neptune armé d'un pa-
rapluie; Bacchus sous la trogne d'un vieux
vigneron empaiilÔ dans les pampres frelatés
de la bouteille à douze; Apollon, dieu du
jour, clignotant sous un abat-iour et pinçant
d'une lyre, de Barbarie aux cordes criardes ;
M u -s coiffé d'un casque de pompier ; Mér-
cure étriqué dans une redingote suspecte,
garnie d'ailes dépenaillées et sordides ; Vé-
nus , enfin, N'éniis... la baigneuse de M.
Courbet, sortant d'e son baquet d'eau sale !
Je renonce à vous dire les grimaces dé ces
guenilles, les dérisions de ces ornements et
l'effrayante ironie de ces caricatures, si res-
semblantes encore, dans-leur abjection mê-
me aux types majestueux dont elles procè-
dent, qu'à leur aspect vous songez involon-
tairement à ce* que pourraient être lés sque-
lettes et les fêtes de mort des statues de
Phidias et de Praxiiè'e. - :■
Dernièrement, Henri Heine, dans une fan-
taisie sublime, nous racontait les malheurs
des Dieux en exil. Il nous montrait Jupiter
marchand de préaux de lapins dins unéile
de la mer de Glace, Bacchus cachant sa tête
voluptueuse sous le capuchon (run moine,
Mercure abrité dans la houpelandé jaune
clair d'un épicier hollandais, Mars bourreau,
Vénus lorette; que sais-je -encorë? Mais que
de respect, de compassion et de mystère
le poëte mettait dans le récit de ces divines
décadences ! Son Jupiter décrépit, assis de-
vant un feu de feuilles sèches, dans sa ta...;
ni ère de Lapon, entré son aigle plumé et
sa chèvre chauve , est aussi grandiose
que sur le trône de l'Olympe; son Mer-
cure négociant frétant une barque pour
une cargaison d'âmes, comme s'il s'agis-
sait d'une cargaison de fromages, vous
donne la sueur froide, et ce capucin hypo-
crite qui, dans les nuits de l'équinoxe, jette
aux vignes son froc et sa barbe, brandit un
thyrse, se couronne de lierre, redevient le
beau- Dyonisos, père de la joie, et triomphe
sur un char d'or attelé de panthères au mi-
lieu des Evohé et des'fureurs des Ménadès,
vous apparaît comme le démon d'un cau-
chemar céleste, épouvante et ravissement
i 1 de l'esprit..Ce n'est pas de la mythologie ,
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