Titre : Le Pays : journal des volontés de la France
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1855-10-18
Contributeur : Alletz, Édouard (1798-1850). Directeur de publication
Contributeur : La Guéronnière, Arthur de (1816-1875). Directeur de publication
Contributeur : Granier de Cassagnac, Adolphe (1806-1880). Directeur de publication
Contributeur : Cassagnac, Paul de (1842-1904). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328343740
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 18 octobre 1855 18 octobre 1855
Description : 1855/10/18 (A7,N291). 1855/10/18 (A7,N291).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-180
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/03/2017
la chute de Sébastopol, soit disposée à tendre des mains 1
suppliantes et à demander la paix. Il y a encore son or-
gueil indomptable à briser, et elle ne consentira à faire
les justes concessions réclamées par les puissances oc-
cidentales au nom de la civilisation menacée que quand
ses nombreuses armée», dont la renommée a si long-
temps épouvanté l'Europe, auront été balayées par la
mitraille française comme les dernières feuilles d'au-
tomne par le vent. Jusque-là il ne faut compter sur au-
cune concession.
L'empereur Alexandre a institué à Kieff une commis-
sion chargée d'examiner les prisonniers appartenant
aux légions étrangères qui servent sous les drapeaux
des puissances d'Occident. Le gouvernement russe re-
fusant de les considérer comme des prisonniers de
guerre et les faisant passer devant un conseil, tous les
Hongrois qui tomberont entre les mains des Russes se-
ront livrés à l'Autriche, basse et lâche prévenance pour
le cabinet de Vienne, qui ne se laissera pas prendre à
ces honteuses complaisances et rendra aux corps aux-
quels ils appartenaient les prisonniers que la déloyauté
russe lui aura livrés. Il ne pourrait agir autrement
sans blesser profondément ses alliés de décembre, et
il ne le fera pas.
- On ne connaît qu'imparfaitement les misères que la
garnison de Sébastopol-a endurées pendant le siége, et
Ilon a lieu de s'étonner que son moral n'ait pas été
plus tôt affaibli par des souffrances dont les médecins
préposés à la direction des hôpitaux ont pu sonder la
profondeur. Il a fallu que les soldats vissent tomber
autour d'eux les chefs qu'ils vénéraient, pour qu'ils
sentissent leur courage défaillir. Le professeur Gu-
blenck, médecin en chef de l'hôpital de Sébastopol,
fait, dans une lettre particulière, un tableau déchirant
des maux de toutes sortes qui décimaient l'armée. De-
puis le 13 juin, il y eut 3,000amputations; si l'on ajoute
à ces mutilations les ravages du choléra et-du typhus,
on se fera une idée de la situation de la garnison.
; ,Ce' fut pour le soldat russe un véritable jour de deuil
que celui où Nakhimoff tomba frappé d'une balle. Son
acfiyité était telle que, pendant neuf mois, il n'ôta pas
une Seule fois son uniforme. S'il avait peu de soins de
.Juisinême, il veillait avec la sollicitude d'un père sur
ses subordonnés ; il employait à des actes de bienfai-
sance non seulement son traitement, mais les sommes
considérables que l'empereur lui avait données à titre
de. récompense après le premier bombardement, et il
était souvent obligé de recourir à la bourse de ses aides •
j V . « i/IVUUUG i VVVTUIVU» uv lui IÇ/O la*"
fraichissements les plus coûteux, et il envoyait à Todt-
leben, qu'il aimait beaucoup, des fleurs fraîches cha-
que matin. Cette bonté, qui s'étendait à tout ce qui
l'entourait, électrisait ses matelots, qui se fussent faits
tailler en pièces pour lui.
Sa bravoure était"sans ostentation; il répondait à
ceux qui voulaient l'empêcher d'aller sur la plate-forme
du bastion où plus tard il reçut la mort : -Laissez-moi,
j'y respire plus librement.
Un poëte lui ayant adressé une pièce de vers, il se
- retourna vers les officiers de sa suite et leur dit :-J'au-
rais mieux aimé qu'il m'eût envoyé un tonneau de
choucroute pour mes matelots.
' Ces paroles ne contribuaient pas peu à le ,rendre po-
pulaire; mais on remarquait, et lui-même s'en était
aperçu, qu'à mesure que le siége se prolongeait, il
éprouvait une impression nerveuse qui s'élevait jus-
qu'à l'exaltation. Après les angoisses du second bom-
bardement, il déclara qu'il n'en supporterait pas un
autre : cependant il en vit encore trois. Mais il
était arrivé à un état de surexcitation qui touchait à
. l'aliénation et qu'on attribuait à l'usage immodéré des
* boissons alcooliques. Quoi qu'il en soit, sa mort fut
pour la garnison un coup de foudre, et son moral s'en
ressentit. Vous ne serez pas suspects d'être les admira-
teurs quand même des généraux ennemis, en publiant
ces détails intimes de la vie de l'amiral NakimotI. La
tache que la déloyale surprise de Sinope avait faite au
nom de cet, officier ne s'effacera jamais ; mais pourquoi
ne pas rendre justice aux qualités d'un homme sur le-
quel l'histoire, moins sentimentale que les contempo-
rains, portera un jugement sévère?
,Yj Pour extrait : le secrétaire de la rédaction, CH. BOUSQUET.
Crimée.
Le correspondant du Times lui mande de Sébas-
topol, à la date du 2 octobre :
" L'armée fàlt, en ce moment, des préparatifs en vue de
passer commodément l'hiver dans ses cantonnements. Elle
construit des baraques, concentre des vivres, des vêtements,
- desriel des lignes. : - •>
Dans ces travaux pacifiques, nous avons été favorisés par
le temps le plus agréable. Les journées sont chaudes; l'air est
d'une fraîcheur délicieuse et pure. La terre se couvre de
la: verdure et des fleurs de l'automne. D'innombrables planles
bulbeuses émaillent les steppes; parmi elles domine le col-
• chique automnal ; puis sur les flancs des collines retentis-
sent de fréquentes décharges de coups de fusil dirigés con-
tre-les milliers de cailles auxquelles notre armée fait en ce
moment une guerre acharnée.
La démolition des maisons continue dans Sébastopol;
mais les visites dans l'intérieur de la place ne sont pas aussi
exemptes de danger qu'antérieurement, vu que les Russes,
maintenant, envoient beaucoup de bombes et font jouer lé
canon dès qu'un groupe quelque peu considérable se mon-
tre dans les rues. Les Français, au moyen de deux mortiers
appartenant aux Russes et trouvés dans les ruines de l&ïa-
rab+loaïa, bombardent avec beaucoup de succès les casernes
qui sont dans la citadelle.
L'eûnemi, s'étant aperçu des préparatifs que faisaient
conjointement les Français et les Anglais pour faire sauter
le fort Alexandre et les ruines du fort Paul, a ouvert, ce
matln,; un feu très violent des forts du Nord. Ce feu a duré
toute la journée; et, par moment», c'était une véritable ca-
nonnade. Les mortiers des Français leur répondaient vigou-
lellseDlent, secondés par quelques canons sur la gauche.
Les Russes faisaient feu du fort Michadl, du petit Severnaya
et de la batterie de l'éperon de la rade ; leurs boulets ve-
naient tomber au milieu des maisons ruinées, mais sans ef-
fets meurtriers.
L'ennemi travaille k de nouvelles batteries sur la ligne
de collines inclinées au'sud du Belbeck.
Les ordres ont été donnés à la flotte française de se tenir
prête à recevoir 15,000 hommes. Il y a eu, dans ces derniers
temps, de fréquentes conférences entre les généraux.
A la même date, (2 octobre), le même jour-
nal a reçu dtl camp des alliés, sur la Tchernaïa,
une lettre dont nous reproduisons quelques pas-
sages :
Les Français occupent toujours leur position à Baïdar, sur
les hauteurs qui commandent les deux routes du nord: ils
font de temps en temps des descentes dans Koukouloussa et
Markoul d'un côté, et Ozembasch de l'autre. Ils construisent
à travers la vallée et sur les bauteurs des routes praticables
pour une armée.
Les Russes se sont complétemeat retirés de Markoul et de
Koukouloussa, et, excepté leurs postes avancés, ils se sont
retirés sur Fot-Sala, au confluent de plusieurs cours d'eau
qui se jettrnt dans le Belbeck. Ils ont élevé des batteries
pour commander le défilé de la rivière et les deux routes qui
partent de ce point.
Si les rapports sont exacts, les Russes ne se contenteraient
pas de défendre leurs positions fortifiées, ils se proposeraient
de repousser les divisions françaises des positions menaçan-
tes-qu'elles ont prises sur les hauteurs qui dominent la val-
lée de Baïdar.
Le Journal de Saint-Pétersbourg du 27 septem-
bre (9 octobre) publie le rapport suivant :
Le 17 (29) septembre, à la pointe du jour, l'ennemi, en
force considérable d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie,
sortit d'Eupateria se dirigeant sur Tégesch.
Nos détachements d'observation étaient ainsi disposés :
le lieutenant général de Korff, avec le régiment de lanciers
de S. A. I. la grande-duchesse Catherine Mikaïluvna et la
batterie légère d'artillerie à cheval n" 19 à Tupmaï et Orta-
Mamaï, et le général-major Terpélevsky avec le régiment de
lanciers de l'archiduc Léopold à TégebCh.
D'après l'instruction qui avait été donnée pour le cas d'at-
taque de l'ennemi en lorces supérieures, ces deux détache-
ments devaient se replier, le premier sur Karagourt et le
second sur Boz-Ogloul.
Le lieutenant-major Terpélevsky exécuta l'ordre, mais le
lieutenant-général de Korff, avant d'arriver à Karagourt,
ayant perdu de vue l'ennemi qui marchait à la poursuite du
général-major Terpélevsky, fit halte entre Kuuroulou-Kéné-
ghèz et Kanghyl, lit mettre pied à terre à ses hommes, enle-
ver les canons de leurs avant-trains, et ne disposa pas d'a-
vant-postes en ordre convenable et à la distance nécessaire
de sa position.
Il en résulta qu'une grande partie de la cavalerie enne-
——ï-—-i« o :. 0,000 KommM, lisant brusquement.
demi-tour a. droite, parut subitement sur le flanc droit et les
derrIèfés du lieutenant général ue Korn, qui n'eut plus le
temps, dès lors, ni de se ranger en bataille, ni de se prépa-
rer au combat.
Le régiment de lanciers fut contraint de s'éparpiller et de
se replier sur Karagourt en combattant. Six pièces de la bat-
terie à cheval ouvrirent le feu à l'apparition de l'ennemi ;
mais cela leur fit perdre le moment opportun, et elles fu-
rent cernées et prises. Deux autres pièces, qui n'avaient pas
tiré, purent être remises sur leurs avant-trains et emmenées
au galop. ,
- Notre perte consiste en 150 lanciers, un officier subalterne
et les six pièces avec une partie de leurs servants.
On mande de Jersey, samedi au soir, au journal
le Sun, de Londres :
La plus vive agitation a régné dans toute l'Ile depuis
la publication de l'infâme libelle lancé contre Sa Ma-
jesté, et qui a paru dans un journal français appelé
l'Homme. Ce soir a eu lieu, aux Queen's Allembly Booms
Belmont, un des meetings les plus nombreux, les plus
enthousiastes et les plus unanimes qu'on ait jamais
vus. Plus de 2,000 des plus influents et des plus nota-
bles résidents anglais et natifs de l'Ile étaient présents
à cette assemblée. M. Lequesne, esquire, constable de
Saint'Heu ier, occupait le fauteuil. Les résolutions sui-
vantes ont été adoptées :
1G Ce meeting est d'opinion qu'il est juste que ce pays
ouvre en tout temps un sûr asile aux exilés poar cause de
politique et de religion, quels que soient leur pays, leurs
convictions ou leur croyance. Mais il croit qu'en reconnais-
sance de l'asile et de la protection qu'ils trouvent dans
l'empire britannique, il est du devoir de tous les réfugiés de
se soumettre aux lois, et qu'agir autrement, c'est un acte
du caractère le plus odieux et une coupable violation de
l'hospitalité.
2° Ce meeting apprend avec douleur que, pendant plus
d'un an, quelques réfugiés politiques ont hebdomadaire-
ment publié dans cette île un journal appelé l'Homme, qui
a pour but l'abolition du christianisme, la propagation du
socialisme et la destruction de tous les troues, y compris ce-
lui de la gracieuse souveraine dont nous sommes tiers et
glorieux d'être les sujets loyaux et dévoués.
3° Le présent meeting proteste de la manière la plus pé-
remptoire et la plus solennelle contre les doctrines soute-
nues par le journal socialiste sus-nommé. Ce journal ne s'est
pas borné à prêcher ouvertement l'inlidélité ; il demande de
plus le renversement de toute autorité constituée; il attaque
honteusement le grand et cordial allié à qui ses efforts pour
cimenter l'union de l'Angleterre et de la France ont donné
droit au respect et à l'attachement du peuple anglais ; il
exall* les assassins politiques, inculque le régicide, et in-
sulte bassement et audacieusement la reine de ce royaume.
Le meeting considère la publication d'un te! journal comme
étant le plus honteux outrage à la loi morale de l'hospita-
lité et aux sentiments de cette île chrétienne et fidèle. Le
meeting considère sa publication ici comme un malheur
pour rUe, et il demande instamment l'adoption de mesures
immédiates pour le supprimer.
4° Une copie des résolutions qui précèdent eera commu-
niquée a S. Exc. le sous-gouverneur par la députatioa com-
posée du constable de St-Helier, P. Hemery, esquire, et Dr
Jos. Dickson. .
Par suite de l'irritation des esprits, le gouverneur a
consenti à recevoir la députation demain dimanche, ce
qui est une circonstance tout à fait insolite.
La Patrie, qui, comme nous, reproduit d'après
le Sun les résolutions du meeting, ajoute ce qui
suit :
« A la suite de ces résolutions, le journal l'Homme a
» été brûlé séance tenante, et l'assemblée s'est ajournée
» au mardi suivant, pour le brûler publiquement de
» nouveau sur la place de Saint-Hilier, lieu ordinaire
» de l'exécution des malfaiteurs. »
Exposition universelle.
BEAUX-ARTS.
X.
PAYS-BAS : MM. Joseph Israels, — David Bles, — iierman ten
Kate,— Léonidas Verveer. — Johannes van liefland, — Cor-
nélis Sprenger, — Kockkoek,— Waessenbruch Hendricks,
— Kiers Coo^—Caliscb,— Lerees,—Meyer.
La vocation est au moins pour la moitié dans le suc-
cès de la vie. La première condition pour réussir, c'est
de se développer dans le sens de sa nature.
Je n'ai jamais mieux compris cette vérité qu'en étu",
diant la galerie de La Haye et surtout d'Amsterdam. Le
peuple hollandais, qui n'est pas beau, h'a jamais eu le
sentiment de l'idéalisation du type humain. On s'en
aperçoit chez ses peintres. Leurs Madones sont des bour-
geoises; leurs Christs des brasseurs de bierre, et leurs
apôtres des garçons bouchers.
Je comprends, sans toutefois l'approuver, le mot
superbe de Louis XIV à son ambassadeur qui lui ap-
portait, pour Versailles, des tableaux hollandais : « Otez-
moi de là tous ces magots! » Louis XIV avait trop le culte
de la beauté apollonienne, et avait trop le souci de sa
majesté de dieu du Belvédère, pour prendre goût à ces
vestes rondes et à ces trognes rougeaudes, et, d'autre
part, son éducation artistique n'était point assez avancée
pour qu'il lui fût possible de pénétrer dans les secrets
délicats du faire et de la manière de ces peintres, et de
goûter les charmes de leur couleur magique.
Aujourd'hui, comme autrefois, comme toujours,-les
Hollandais échouent dans la grande peinture et triom-
phent dans le genre; l'histoire est pour eux lettre close;
mais la nature leur fait tout bas des confidences inti-
mes ; ils ne savent point trop comment un héros peut
être fait, mais personne ne connaît mieux les habitu-
des, l'allure, la démarche et l'air de tête d'une cuisi-
nière :
Ne forçons pas notre talent! —
L'exposition hollandaise ne compte pas un très grand
nombre de toiles dans nos galeries; en revanche, elles
ont toutes une certaine valeur : le jury des Pays-Bas
s'est montré sévère pour ses nationaux, et ce n'est pas
moi qui l'en blâmerai ; il ne faut offrir à l'étranger que
ses meilleures productions.
L'exposition hollandaise nous donne un tableau d'his-
toire : Guillaume d'Orange s'oppogant pour la première
fois à l'exécution des décrets de t'Espagne. L'auteur, M.
Joseph Israels, ordonne bien une composition, mais ses
figures manquent de noblesse ; il n'a pas la dignité de
tenue et la hauteur d'atȔ.tude que l'on voudrait trou-
VOP rtana OO-B nommes qui sont Ici doctinoo d'un et
l'espoir d'un peuple.
La Hollande a quelques tableaux de genre distingués
le Directeur des Femmes, par M. David Bles, est très spi-
rituellement peint; il fait involontairement penser aux
vers de Boileau :
Qu'il paraît l)ien nourri ! quel vermillon ! quel teint!
Le printemps dans sa fleur sur son visage est peint ! '
On regarde avec intérêt la Fête champêtre et les Dis-
cussions politiques de M. Herman ten Kate, qui observe
finement et qui peint comme il observe.
Mais peur moi les meilleurs tableaux de l'école hol-
landaise, ce sont les différentes vues d'Amsterdam, de
Rotterdam, de' Leyde ou d'Utrecht. Pour qui n'a pas
voyagé-en Hollande, ces tableaux sont des révélations ;
et pour qui a vu leurs originaux, ce sont d'aimables et
gracieux souvenirs. Il suffit d'ouvrir une fenêtre sur
une rue de Hollande pour avoir devant les yeux le plus
harmonieux de tous les tableaux. Depuis le seuil de.la
porte jusqu'à la dernière tuile de la couverture, toute la
maison est peinte. Pas de ces tons violents et criards qui
blessent l'œil sous prétexte de l'attirer; mais une palette
calme et fondue, dont la tonalité neutre vous repose dou-
cement; sur ce fonds d'une diversité ménagée habilement,
la verdure un peu pâle des arbres se détache avec une
grâce mélancolique ; le ciel, un peu triste, laisse tom-
beriiur tout cela sa lumière de perle, tamisée à travers •
un prisme gris, estompant et amollissant les objets, que f
mille canaux reflètent dans le miroir glauque de leurs
eaux. Comment ne pas devenir coloriste en face de pa-
reilles scènes, au milieu de ces villes dont les places
publiques sont des musées? C'est la nature qui fait les
peintres, j
Nous ne serons donc pas surpris de trouver beaucoup \
de mérite et d'agrément dans la Vue de Rotterdam, à -j
demi-voilée de brouillards, par M. Léodinas Verveer ;
dans ce fouillis de places, d'arbres et de maisons, que
M. Johannes Van Liefland appelle Utrecht au commen-
cement du dix-septième siècle, ou dans la M(Àiàoit de j
Rembrandt, de M. Cornelis Sprenger. M. Sprenger est le !
Canaletto de la Hollande; ses architectures réunissent
toutes les conditions de pittoresque qui font les beaux I
tableaux. Son Hôtel-de-Ville de Nirnègue est une ex-
cellente toile. Les pierres rouges et blanches s'im- j
briquent par rangs alternatifs; les larges perrons
étagent leurs doubles rangs de marches ; les au-
vents font saillie sur la muraille,, les balcons se sus-
dendent aux fenêtres, portant les femmes, .comme les
corbeilles portent des fleurs; les frontons sculptés cou-
ronnent les portes d'un chapiteau triangulaire; des mé-
daillons chargés de figures s'encadrent dans la façade,
des crampons retiennent les murailles dans leurs grif-
fes de fer, les gables pynamident en pignons crénelés;
au bout de la rue une tour à huit pans, qui loge dans
sa cage aérienne un carillon sonore, arrête le regard et
ferme l'horizon; sur la place, que traverse un carrosse
de gala, la foule s'agite, diverse, ondoyante, parée.
Tout cela vit, miroite et fourmille. ,,
La Hollande a quelques jolis paysages, une Vue d'au-
tomne et un Bois en hiver, par M. Barend Cornélis
Kockkoek, une très jolie vue prise de Dordrecht; par M.
Wassenbruch : un chalet au bord de la mer, en briques
rouges et blanches, un peu froid de ton, comme il con-
vient sous le ciel du Nord. 'La vue de Harlem, prise
des Dunes, par M. Hendricks; il y a de l'espace, de l'air,
des pians qui reculent et des horizons qui fuî.,n t.
J'aime assez l'intérieur d'une maison hollandaise,
par M. Pierre Kiers ; M. Kiers intitule son tableau : Ef-
fet de lampe : me permettra-t-il de lui dire que sa lam- j
pe éclaire mal? On dirait un quartier de lune dans une :
lanterne de papier huilé; ce tfest pas une lampe so- i
laire ! Pourquoi les objets les plus éloignés de cette
lampe sont-ils précisément ceux qu'on distingue le
m'eux ? Cela ne fait pas honneur à la lampe de M.
Kiers. Comme tableau d'intérieur, c'est joli : on sent"
qu'on est dans une famille heureuse et chez de braves
gens : mais pourquoi tant de femmes et pas un seul
homme? Ces messieurs sont-ils donc au café ou au
cabaret ? il faut un loup dans la bergerie !
- Le Messager, par M. Moritz Calisch, est un tableau de
sentiment hollandais; une jeune fille lâche un pigeon
qui porte un poulet sous son aile. Cette jeune fille est '
beaucoup plus grasse qu'amoureuse ; si la réponse ne
lut plaît pas, elle mettra son messager à la crapaudine 1
Les Moines de l'ordre de Saint-François chantant un
TE DEUM, assez bon tableau de M. Johanne.s Rosboom;
il ne faut pas regarder à la loupe : c'est peint avfcc plus
de largeur qu'on n'en trouve d'ordinaire dans les ta-
bleaux hollandais. L'effet général est excellent. Nous
sommes dans le chœur de l'église, coupée au milieu
par de gigantesques orgues flamandes qui partagent le
temple en deux. Les capuces, les aubes, les chapes,
les surplis, sont rendus avec une grande puissance de
touche. Le moine à genoux qui sonne la cloche est
d'une justesse de mouvement frappante.
La Sainte-Cène, dans une église protestante, par le
même artiste, est d'une très heureuse composition,
austère. et sobre comme le culte protestant, et recom-
mandable surtout par une parfaite entente de la lu-
mière.,
Il' y a de la douleur et de l'émotion dans le Chactas
qui veille avec le père Aubry sur le dernier sommeil
d'Atala. Mais pourquoi M. Cool voit-il tout en rouge?
La Hollande a un excellent peintre de marine dans
M. Louis Meyer, ,que nos précédentes expositions ont
fait connaltre à la France, où il jouit d'autant de cou.
sidération et d'estime que dans son propre pays. Il ex-
pose cette année deux tableaux qui sont fort remar-
qués : Un Coup de vent sur la côte de Scheveningue, et
un Navire échouant sur les côtes d'Angleterre. Je ne sais
pas si M. Louis Meyer s'est jamais fait attacher, comme
Joseph Vernet, au mât d'un navire pour étudier la
lutte des vents et des flots...
LuGtanles ventos tempeslatesque sonoras.,.
mais, à coup s ûr, il a vu plus d'une fois la Baltique
soulevée et l'Océan furieux. Oui, c'est bien ainsi que les
souffles ennemis fouettent la vague cchevelée, arra-
chent au mât la voile trouée, et font tournoyer sur sa
quille la goélette éperdue. Il y a de la fougue et du
mouvement dans ces tableaux où passe la tempête. La
mer glauque a chez lui des transparences fluides plei-
nes de vérité. — Il serait injuste de ne pas citer l'y
demnt Amsterdam, joli tableau de M. Willem-Antonin
van I)pvpntp.r. etden\ hnnnps laites do M. Antoine Wal-
dorf ; une Eau calme qui repose, après les orages de
M. Louis Meyer, et une Vue de port en Hollande, d'un
aspect tranquille et doux.
LOUIS ENAULT.
Cour d'assises de Maine-et-Loire.
Présidence de M. Valleton, premier président.
Audience du 15 octobre,
AFFAIRE DES ARDOISIERS. — CINQUANTE-HUL^ ACCUSÉS.
Me CUBAIN, chargé de la défense de trois des accusés,
,a présenté quelques considérations générales. Il n'est
pas possible, a-t-il dit, de répondre d'une manière géné-
raIe et pour tous les accusés à cette question d'attentat
ayant eu pour but « le massaere, le pillage et la dévas-
tation. » C'est là une question pour la eolution de la-
quelle il faudrait que chacun des éléments qui la com-
posent se rencontrât également à la charge de chacun
des accusés. Il faut donc, pour rendre une saine justice,
établir des catégories.
Après avoir présenté la défense de chacun de pes
clients, Me Cubain ajoute : Ces hommes ont pu, pour la
plupart, être des fanatiques, des victimes d'illusions
détestables, mais ce ne sont pas des hommes profondé-
ment pervers ; ils ont subi des entraînements dont la
responsabilité doit retomber sur d'autres qui ne sont
pas sur ces banc".
M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL, après avoir rendu hom-
mage à la convenance et à la mesure que les défen-
seurs ont apportées dans l'accomplissement de leur tâ-
che, s'explique de nouveau sur la question d'excuse
résultant de ce que les sommations légales n'auraient
pas été faites. En présence d'émeutiers armés , l'auto-
rité, dit-il, n'a qu'un devoir à remplir, c'est de les re-
pousser immédiatement et sans perte de temps, autre-
ment ce serait enhardir les insurgés et leur fournir les
moyens de vaincre. Il ne faut pas confondre^ une atta-
que à main armée avec un simple attroupement sédi-
tieux.
M. le procureur général, modifiant ses premières ré-
quisitions, consent qu'en ce qui concerne"Bardou et
Chauvin, auxquels-il avait déjà concédé des tÍrcons.
tances atténuantes, le jury résolve négativement la
question de savoir s'ils ont été complices dct l'attentat.
S'expliquant nettement sur la question de pénalité,
l'organe du ministère public demande au jury, contre
tous les accusés, un verdict qui '[)t.rmette à ià C'.tUr de
graduer les peines depuis Je maximum de la transpor-
tation hors du territoire et dans une enceinte fortifiée
jusqu'au minimum de cinq années de détention, afin
de rendre ainsi à chacun une justice proportionnée à
sa participation dans le complot. Ajoutons, dit l'organe
du ministère public, que, M plus tard le repentir se
manifestait, tout deviendrait prétexte pour aloucir les
rigueurs du jury, et que, sous ce rapport, chaque ac-
cusé aurait son sort entre ses mains.
Me CUBAIN, terminant à son tour sa réplique : Ce que
nous devons tous désirer par-dessus tout, dit-il, c'est
l'apaisement de nos discordes civiles : or, ce résultat si
désirable est dans l'appréciation que le jury saura faire
du caractère et des actes de ces hommes.
Sur la demande qui est adressée aux accusés par M.
lé président, à savoir, s'ils ont quelque chose à exposer
pour leur défense, l'accusé Pasquier dit : J'ai dit une
parole de laquelle on a. bien tiré des conjectures.....
c'était pourtant bien simple, ce que je disais : « C'est
vrai, pourquoi effrayer les gens? »,En effet, ne sait-on
pas qu'après 1830 bien des gens se sont trouvés con-
tents, qui pourtant n'avaient pas pris part à l'affaire? Je
voulais dire par là que la veille des révolutions on a
toujours peur, et que e lendemain on est souvent con-
tent.
Quelques-uns des autres accusés essaient de se dis-
culper de plusieurs des griefs qui pèsent sur eux.
L'ACCUSÉ SARRAZIN déclare qu'il a un grand regret de
ce qu'il a fait.
L'audience est renvoyée au lendemain, huit heures
du matinyafln qu'il ne soit pas besoin de rc™,,.: k ,
audience de nuit. Uîlr une
^
Audience du 16 octobre.
M. LE PRÉSIDENT. Messieurs les jurés, avez-vm,.us,ÎUeU
ques questions a faire aux témoius?
Sur la demande du jury, quelques queStions
adressées à l'accusé Frouin. sont
M. le président résume ensuite les débats.
A onze heures, le jury entre en délibération j
cent quatre-vingt-quatre questions lui sont soumis' ^ 1
PAR VOIE TÉLÉGRAPHIQUE.
Angers, mardi 16 octobre, minuit
A l'ouverture de l'audience, M. le premier v Cslaem
a fait le résumé des débats.
Le jury est entré à midi dans la salle de ses das»,.ut3(;ra.
tions.
A s pt heures du soir, le chef du jury donne Wt^
du verdict.
Sont déclarés non coupables :
Joseph Martineau , IJoudebine, Mathurin BazillAUbe,
Laillié, Roméo, Boulitreau, Denis, Gâté, Auràv A,
et Teneu fils.
Sont déclarés coupables sans circonstances- mu
nuantes :
Secrétain, Attibert, Pasquier et Pierre Martineau
Les autres accusée sont déclarés coupables av,,
mission de circonstances atténuantes.
La cour délibère.
A onze heures du soir, elle rend son arrêt.
Secretain, Attibert et Pasquier sont condamnés k ;
déportation dans une enceinte fortifiée, hors du turJ»
toire de l'Empire.
Deehayes, Jean Bazille, Lapierre, Auray, Manceau
Pierre Martineau, Guérin, Eugène Frouin, Frac3
Frouiu, Chauvin et Fouin, sont condamnés à ladfS.;«*
tatioù simple. v
Hamar, Hubarln père, Lcmeunier, Maillard, pi€S<,:
Teneu père, Girard, Janvier, Trideau, Boilême Cachît
père, Girouard et Chereau, sont condamnés à dix ansT
détention.
Conet, Blet, Guy, Bredier, Leroy et Harrouin ' gont1
condamnés à cinq ans de prison.
Négrier, Bazille (Mathurin), Groussîn, Plumelet ' Gava
lan et Chebeau, à trois ans du prison.
AUiurat, Bardou, Sarrazin, Maingat, René Bazille 1 Fau.
veau et Richard à deux ans de prison.
Les accusés en entendant prononcer leur condamna
tion ne prononcent pas un seul mot.
Le plus grand calme n'a cessé de régner dans l'audi
toire.
Faits divers.
L'Empereur est parti de Sajnt-Cloud avec S. A. H le
duc de Brabant, hier à une heure, pour aller à Vincên
nés Après avoir vi&ité la chapelle et la salle d'armes-
Sa Majesté et Son Altesse Royale se sont rendues au no'
lygone, où l'on a exécuté devant elles divers exercices
de tir, tant avec les armes portatives qu'avec les mor
tiers et canons.
Les augustes visiteurs sont allés ensuite au fort de la
Faisanderie, et ont assisté aux travaux des élèves de
l'école de gymnastique. Ils étaient de retour à Saint.
Cloud à six heures et demie.
Le soir il y a eu spectacle# Saint-Cloud. Les arli$tes
du Palais-Royal ont joué les Premières armes dt RicAe.
lieu t t la Rue de la Lune.
— L'Empereur vient d'accorder une somme de 12 ,No
fr. pour prendre part aux souscriptions ouvertes dans
le Puy afin d'ériger sur le rocher Corneille une sta-
tue colossale de la Vierge qui, par ses dimensions
pourra faire pendant au saint Charles Borromée-de
l'île Majeure et aux anciens colosses du- forum de
Néron et de Dioclétien, dont il ne reste plus que des
fragments. L'Empereur a promis, en outre, de donner
une partie des canons de Sébastopol pour couler la
statue. -
— La reine d'Ang}eierre a nommé S. Exc. le comte
Vaillant,.maréchal de France, membre honoraire, et le
général Simpson membre ordinaire de la division mi.
litaire de lr0 classe des chevaliers grand' croix du très
honorable ordre du Bain; le major général Hugh-ilenrv
Rose, commissaire militaire près le quartier général de
l'armée française en Olient, membre ordinaire de ladivi-
sion militaire de 2e classe des chevaliers commandeurs
et le lieutenant-colonel Edouard Stopfort CbremoDtj
commissaire militaire de 5. M. à Paris ; le lieutenant-
colonel, l'honorable sir Georges-Geraid Foley, aide corn.
missaire de S. H. près le quartier général de l'armés
française en Orient, et le lieutenant-colonel John-Limon.
Arabin Slmmolli;, commissaire militaire de S. M. prè3 le
quartier général de t'armée turque en Asie, membres
ordinaires de la division de 3e classe t)u compagnie du
très honorable ordre.
— On écrit de Lisbonne, le 8 octobre : « La prise de
Sébastopol a eu ici d'autant plus de retentissement que
les journaux de toutes nuances avaient enregistré avec
soin et dès le début jusqu'au moindre incident de la
guerre, i/attention publique était donc vivement surex-
citée au moment où est arrivée la nouvelle de la vic-
toire. Cette nouvelle a eu le double effet de répondre
aux sympathies de la grande majorité des Portugais
pour les puissances occidentales, et de porter le décou-
ragement au milieu du parti miguéliste, réduit à cher-
cher dans le succès définitif de la Russie le triomphe
ici d'une cause que les faits et la raison condamnent
chaque jour davantage. Le marquis de Liste deSiry,
ministre de France, a lait aussitôt chanter, dans l'église
Saint Louis-des-Français, un Te Deum à la solennité
duquel la présence sur rade d'une escadre anglaise don-
nait plus d'éclat encore. Tout le personnel de la léga-
tion et du consulat de France, les ministres d'Angleterre
et de Sardaigne, accompagnés des secrétaires et atta-
chés, les commandants et les états-majors de la corvette
à vapeur le Newton, ainsi que ceux det'> vaisseaux M'
glais Saint-George et Neptune, assistaient en uniforme
à la cérémonie. L'église, dans laquelle s'était réunie
avec un empressement spontané toute la population
française de Lisbonne, était ornée des pavillons des
puissances alliées. »
— Par décrets impériaux du 13 octobre, ont été nomî
mes : M. Petit de Granville, agent de changé, courtier de
marchandises à Brest; M. Sevelinge, agent de change
à Lyon.
— Le Sultan, sur l'a proposition du marécbal Péjj'*
sier, a accordé la croix de commandeur du Médjidié a
M. Tanski, qui pendant plus d'une année a dirigé le ser-
vice des renseignements militaires au quartier générai
de l'armée française en Orient.
— On écrit d'Alep, le 25 .«eptembre : « Les nouvelle
du Kurdistan ne sont pas satisfaisantes. Le sandjaK ue
Mardin est dans une grande agitation. Cet état de cuose
remonte à un conflit sanglant qui a eu lieu dernieie-
au ton mesuré d'un gentilhomme de cour :
5,..." a Monsieur,
» J'apprends avec les plus vifs regrets, quelques
» années trop tard à mon sens, que vous avez été
» marié une première fois et même que vous avez
» eu un enfant ctè ce premier mariage.
» La comtesse de Lersant, qui vous a accordé la
» main de sa pupille, partage, monsieur, tous mes
» pénibles regrets.
» Vous êtes irréprochable au point de vue des
» lois ; je crois devoir vous en féliciter.
» L'êtes-vous également vis-à-vis de notre fa-
» mille? je vous en laisse juge.
» Votre fille du premier lit, Mlle Marcelle Duran-
» tais, que vous ramenez de Bretagne, a, m'assure-
» t-on, une fortune indépendante ; je m'en réjouis
» sincèrement. -
s Mais Mme Dnrantais, Gilbert et Léonie, ses en-
» fants, ne sauraient en aucune manière bénéficier
-» de l'aisance de cette.mineure. (Vous me pardon -
* nerez, monsieur, de parier presque en légiste, je
» n'use qu'à contre-cœur de ce style.)
» Par un motif de plus, monsieur, vous souffrirez
» donc que notre sollicitude redouble envers Mme
* JDurantais et ses enfants, car notre intérêt pour
* » eux s'accroît à un degré que votre délicatesse
» vous fera comprendre.
» J'ai l'honneur d'être, monsieur, votre obéissant
» serviteur.
» Le comte de LERSANT. J)
a P. S. Mme Durantais refuse de recevoir la pré-
? sente lettre des mains de Mme la comtesse de
» Lersant qui me supplie de l'anéantir. Ces dames
» en ignorent absolument le contenu. Elles s'imagi-
i nent sans doute que j'ai eu la maladresse de sor-
» tir des bornes des convenances envers le mari
» de notre meilleure amie. Mais moi qui ai scru-
» puleusement pesé chacune de mes moindres ex-
» pressions, j'ai hâte, monsieur, de vous faire con-
1) naître toute ma pensée, avec la franchise d'un
» militaire, avec la droiture d'un homme d'WMftieur.
«k
» Veuillez, de nouveau, agréer mes salutations.
» Comte de L. »
Emilien traduisait au fur et à mesure ces phrases
sèchement polies :
— « Quelques années trop tard » signifie que j'ai
abusé de leur confiance, que j'ai voulu ,à toute force
épouser la fortune et la dot de Clarisse.
« Je suis irréprochable devant les lois, » mais
devant les lois seulement ; on veut rompre avec
moi toutes relations, on brise les derniers liens de
famille avec une courtoisie mille fois plus cruelle
que des injures. Et, comme j'ai ruiné Clarisse, on
me reproche jusqu'aux biens que possède Marcelle.
Puis-je désormais trouver humiliant qu'on accable
ma femme de présents de tous genres ? mais sans
cela elle vivrait aux dépens de sa belle-fille. lU. le
comte est susceptible pour la pupille de Mme la
comtesse... Et moi, ai-je le droit d'être lier désor-
mais? je ne suis qu'un indigne trompeur ! J'ai dé-
guisé la vérité par mon silence ; ma délicatesse doit
me faire comprendre que je suis indélicat ! En
homme d'honneur, on me déclare que j'ai forfait à
l'honneur. Vos expressions sont pesées scrupuleu-
sement, M. le comte !... Mais la forme n'emporte pas
le fond, et je... »
Emilièn, même mentalement, ne put achever par
une menace, la voix de la conscience lui criait :
— Non! il ne m'accuse pas à tort! les apparences
me condamnent, et plus que les apparences!... Il a
le droit d'être sévère, je n'ai pas celui d'être in-
grat!... Ce n'est que trop vrai, mon Dieu ! je les ai
tous trompés!
Alors cette nature mobile et faible, tout à l'heure
follement irritée, tomba dans un découragement
profond.
La lettre qu'il froissait avec rage s'échappa de
ses mains, la rougeur lui monta au visage, des lar-
mes baignèrent ses yeux, des sanglots s'échap-
pèrent de sa poitrine.
Marcelle aussitôt courut à lui, [et ycmhrdssant
avec effu-sion, elle dit à Clarisse :
— Vous faites pleurer mon père, vous !... Vous
êtes une méchante !
Clarisse pourtant repoussait ses propres enfants
et, s'approchant de son mari, lui disait avec ten-
dresse :
— Je suis innocente du contenu de cette lettre.
Je t'aime, j'aime tes trois enfants ; courage, Emi,-
lien, mon ami !...
Emilien prit la main de Clarisse et la portant à
ses lèvres :
— Tu es un ange 1 tu pardonnes tou jours !
Puis il dit à Marcelle :
— Tu te trompes, ma filb4, elle est bonne, elle
m'aime bien, ce n'est pas elle qui m'a fait pleurer...
Embra»se-la !... Obéis donc!
Marcelle se rappela les ordres de Curentine, elle
obtit à son père; elle obéit, c'est-a-dirc quelle
reçut froidement un baiser, sans le rendre.
Mais elle dut essuyer à son front deux larmes
brûlantes de Clarisse sa marâtre.
Dès que les trois enfants eurent été emmenés
dans leur chambre, Emilien resté en tête-à-tête
avec sa jeune femme reconnut tous ses torts, mais
fit valoir éloquemment les circonstances qui les
atténuaient :
Ce n'était point par un calcul intéressé qu'il ayait
cru devoir cacher l'existence de Marcelle. Il voulait
d'abord tout déclarer avec une loyale franchise ;
mais à mesure que son amour avait grandi, la
- crainte d'essuyer un refus fit chanceler sa résolu-
tion; il renvoya de jour en jour un aveu, qu'il
n'osa plus faire, au moment où il vit ses vœux com-
blés par Clarisse, la comtesse et le comte de Ler-
salit.
— Il y allait du bonheur de, ma vie, dit Emilien
avec effusion ; je t'aimais comme je t'aime, comme
je t'aimerai toujours 1 Je tremblai de te perdre ; je
gardai le silence. Je fus coupable... Eh bien ! si tu
n'étais pas à moi, Clarisse, si l'on pouvait encore
me refuser ta main, et pourtant si, 'dans l'avenir,
j'apercevais les maux dont je souffre aujourd'hui,
non 1 je n'hésiterais pas à commettre la même
faute! Plus tu te montres généreuse et dévouée,
plus tu opposes de douceur à mes emportements,
de sagesse à ma folie, d'indulgence à mon injustice,
plus je t'aime et moins je pourrais me résigner à
vivre sans ton amour !
Clarisse était consolée, Clarisse était radieuse;
Emilien ajouta en lui tendant la lettre du comte de
Lersant :
— Il a le droit de m'écrire ainsi, j'en conviens !
mes réticences m'ont justement attiré cette leçon
sévère ; il a raison!... mais; si j'avais parié trop iôt,
ino!, serais-tu ma femme, Gtan-sd '! la mère enfants, mon amie, mon ange consol.j!fnr!... On
m'humilie froidement, et mi1 fierté subit la lilrlnre,
mais je suis à tes genoux, et je baise tes uldÍns, et
tu me pardonnes !
— Oui, Emilien, avec bonheur ! dit Clarisse de sa
voix la plus tendre ; mais combien de souffrances
tu te serais épargnées à toi-même en me disant
plus tôt la vérité? Je t'en aurais gardé te secret,
Emilien, et avec le concours d'ismène, j'aurais peut-
être détourné l'orage. Je me serais faite ta complice,
Emilien; j'aurais pris sur moi toute la faute , j'au-
rais dit que je savais tout avant notre mariage, et
qu'en te taisant tu cédais à mes conseils...
Emilien soupira, puis transporté de reconnais-
sance :
— 0 Clarisse! dit-il, je ne suis pas digne d'une
compagne telle que toi!
— Ne devais-tu pas être bien sur que ta fille se-
rait ma fille, poursuivit la jeune femme, que je
l'aimerais, parce que je t'aime, et qu'enfin je serais
heureuse de rendre à une orpheline les bienfaits
que d'autres m'ont prodigués à moi orpheline
comme elle !
— Tiens, Clarisse ! reprit Emilien, je voulais ré-
pondre en homme à SI. le comte de Lei-s«rit ; moi
aussi, j'aurais mesuré mes expressions, mais je
l'aurais blessé à mon tour. Je lui aurais fait sentir
qu'il ne doit sa position de fortune qu'à son ma-
riage et qu'il jouit des biens d'une famille élrafl*
! gère à la sienne, puisque tout ce qu'il possède pro'
j vient du marquis de Pontfipi,vé.
— 0 mon Dieu 1 s'écria Clarisse avec effroi, jure.
j moi de ne jamais dire rien de semblable!...
— Je te le jure, Clarisse ! Pour te donner la preu'
ve de mon repentir, je ferai le sacrifice de ma ,ve^
geance ! Je supporterai des outrages qui
rent le cœur, je garderai le silence. Tu répond
toi-même, et nia cause, j'en suis sûr, sera ilobl"
.. ment défendue!
I Clarisse détail s'ncquiife!- de celte missioll de:!'
cale avec une exquise délicatesse.
G. DE LA LANDELLE.
j (La suite à demain,)
Bulletin dramatique.
Au Théâtre-Lyrique, demain jeudi, Marie, oy
cosnique en 3 actes, admirablement interprété P8,
Achard, Leroy, Grignon, Girardot, Miles Pannetra,"" ,Ut,
geois, Girard, Vadé.
— Au Vaudeville, demain, M. Bouffé dans la Ù/l
de l'Avare, le grand succès de vogue.
— Aux Variétés, demain, le Théâtre des Zouavft'J$a
MM. Ch. fJérey, Lassague, Ambroise, Christi"'
Erreurs du bel due, avec Arnal et Numa.
'
— Aux Délassements-Comiques, titi ParapMe ard M"'.'el
cide, vaudeville en trois actes, de MM. Jules
Marquet, vient d'obtenir un immense sucjf Villbl,1
pièce, pétillante d'esprit, est interprétée par l-
Markais et Mlle Delphine, qui luttent de vene
train.
—A l'Hippodrome, demain, représentai
dinairr; composée des pièces militaires la (oig,
Siii,çir.ic ; exhibition des Aztecs pour la den
- Au Casino de Paris (ancien .d'Ossio > de'
main jeudi, Soirée parisienne, ,
t
suppliantes et à demander la paix. Il y a encore son or-
gueil indomptable à briser, et elle ne consentira à faire
les justes concessions réclamées par les puissances oc-
cidentales au nom de la civilisation menacée que quand
ses nombreuses armée», dont la renommée a si long-
temps épouvanté l'Europe, auront été balayées par la
mitraille française comme les dernières feuilles d'au-
tomne par le vent. Jusque-là il ne faut compter sur au-
cune concession.
L'empereur Alexandre a institué à Kieff une commis-
sion chargée d'examiner les prisonniers appartenant
aux légions étrangères qui servent sous les drapeaux
des puissances d'Occident. Le gouvernement russe re-
fusant de les considérer comme des prisonniers de
guerre et les faisant passer devant un conseil, tous les
Hongrois qui tomberont entre les mains des Russes se-
ront livrés à l'Autriche, basse et lâche prévenance pour
le cabinet de Vienne, qui ne se laissera pas prendre à
ces honteuses complaisances et rendra aux corps aux-
quels ils appartenaient les prisonniers que la déloyauté
russe lui aura livrés. Il ne pourrait agir autrement
sans blesser profondément ses alliés de décembre, et
il ne le fera pas.
- On ne connaît qu'imparfaitement les misères que la
garnison de Sébastopol-a endurées pendant le siége, et
Ilon a lieu de s'étonner que son moral n'ait pas été
plus tôt affaibli par des souffrances dont les médecins
préposés à la direction des hôpitaux ont pu sonder la
profondeur. Il a fallu que les soldats vissent tomber
autour d'eux les chefs qu'ils vénéraient, pour qu'ils
sentissent leur courage défaillir. Le professeur Gu-
blenck, médecin en chef de l'hôpital de Sébastopol,
fait, dans une lettre particulière, un tableau déchirant
des maux de toutes sortes qui décimaient l'armée. De-
puis le 13 juin, il y eut 3,000amputations; si l'on ajoute
à ces mutilations les ravages du choléra et-du typhus,
on se fera une idée de la situation de la garnison.
; ,Ce' fut pour le soldat russe un véritable jour de deuil
que celui où Nakhimoff tomba frappé d'une balle. Son
acfiyité était telle que, pendant neuf mois, il n'ôta pas
une Seule fois son uniforme. S'il avait peu de soins de
.Juisinême, il veillait avec la sollicitude d'un père sur
ses subordonnés ; il employait à des actes de bienfai-
sance non seulement son traitement, mais les sommes
considérables que l'empereur lui avait données à titre
de. récompense après le premier bombardement, et il
était souvent obligé de recourir à la bourse de ses aides •
j V . « i/IVUUUG i VVVTUIVU» uv lui IÇ/O la*"
fraichissements les plus coûteux, et il envoyait à Todt-
leben, qu'il aimait beaucoup, des fleurs fraîches cha-
que matin. Cette bonté, qui s'étendait à tout ce qui
l'entourait, électrisait ses matelots, qui se fussent faits
tailler en pièces pour lui.
Sa bravoure était"sans ostentation; il répondait à
ceux qui voulaient l'empêcher d'aller sur la plate-forme
du bastion où plus tard il reçut la mort : -Laissez-moi,
j'y respire plus librement.
Un poëte lui ayant adressé une pièce de vers, il se
- retourna vers les officiers de sa suite et leur dit :-J'au-
rais mieux aimé qu'il m'eût envoyé un tonneau de
choucroute pour mes matelots.
' Ces paroles ne contribuaient pas peu à le ,rendre po-
pulaire; mais on remarquait, et lui-même s'en était
aperçu, qu'à mesure que le siége se prolongeait, il
éprouvait une impression nerveuse qui s'élevait jus-
qu'à l'exaltation. Après les angoisses du second bom-
bardement, il déclara qu'il n'en supporterait pas un
autre : cependant il en vit encore trois. Mais il
était arrivé à un état de surexcitation qui touchait à
. l'aliénation et qu'on attribuait à l'usage immodéré des
* boissons alcooliques. Quoi qu'il en soit, sa mort fut
pour la garnison un coup de foudre, et son moral s'en
ressentit. Vous ne serez pas suspects d'être les admira-
teurs quand même des généraux ennemis, en publiant
ces détails intimes de la vie de l'amiral NakimotI. La
tache que la déloyale surprise de Sinope avait faite au
nom de cet, officier ne s'effacera jamais ; mais pourquoi
ne pas rendre justice aux qualités d'un homme sur le-
quel l'histoire, moins sentimentale que les contempo-
rains, portera un jugement sévère?
,Yj Pour extrait : le secrétaire de la rédaction, CH. BOUSQUET.
Crimée.
Le correspondant du Times lui mande de Sébas-
topol, à la date du 2 octobre :
" L'armée fàlt, en ce moment, des préparatifs en vue de
passer commodément l'hiver dans ses cantonnements. Elle
construit des baraques, concentre des vivres, des vêtements,
- des
Dans ces travaux pacifiques, nous avons été favorisés par
le temps le plus agréable. Les journées sont chaudes; l'air est
d'une fraîcheur délicieuse et pure. La terre se couvre de
la: verdure et des fleurs de l'automne. D'innombrables planles
bulbeuses émaillent les steppes; parmi elles domine le col-
• chique automnal ; puis sur les flancs des collines retentis-
sent de fréquentes décharges de coups de fusil dirigés con-
tre-les milliers de cailles auxquelles notre armée fait en ce
moment une guerre acharnée.
La démolition des maisons continue dans Sébastopol;
mais les visites dans l'intérieur de la place ne sont pas aussi
exemptes de danger qu'antérieurement, vu que les Russes,
maintenant, envoient beaucoup de bombes et font jouer lé
canon dès qu'un groupe quelque peu considérable se mon-
tre dans les rues. Les Français, au moyen de deux mortiers
appartenant aux Russes et trouvés dans les ruines de l&ïa-
rab+loaïa, bombardent avec beaucoup de succès les casernes
qui sont dans la citadelle.
L'eûnemi, s'étant aperçu des préparatifs que faisaient
conjointement les Français et les Anglais pour faire sauter
le fort Alexandre et les ruines du fort Paul, a ouvert, ce
matln,; un feu très violent des forts du Nord. Ce feu a duré
toute la journée; et, par moment», c'était une véritable ca-
nonnade. Les mortiers des Français leur répondaient vigou-
lellseDlent, secondés par quelques canons sur la gauche.
Les Russes faisaient feu du fort Michadl, du petit Severnaya
et de la batterie de l'éperon de la rade ; leurs boulets ve-
naient tomber au milieu des maisons ruinées, mais sans ef-
fets meurtriers.
L'ennemi travaille k de nouvelles batteries sur la ligne
de collines inclinées au'sud du Belbeck.
Les ordres ont été donnés à la flotte française de se tenir
prête à recevoir 15,000 hommes. Il y a eu, dans ces derniers
temps, de fréquentes conférences entre les généraux.
A la même date, (2 octobre), le même jour-
nal a reçu dtl camp des alliés, sur la Tchernaïa,
une lettre dont nous reproduisons quelques pas-
sages :
Les Français occupent toujours leur position à Baïdar, sur
les hauteurs qui commandent les deux routes du nord: ils
font de temps en temps des descentes dans Koukouloussa et
Markoul d'un côté, et Ozembasch de l'autre. Ils construisent
à travers la vallée et sur les bauteurs des routes praticables
pour une armée.
Les Russes se sont complétemeat retirés de Markoul et de
Koukouloussa, et, excepté leurs postes avancés, ils se sont
retirés sur Fot-Sala, au confluent de plusieurs cours d'eau
qui se jettrnt dans le Belbeck. Ils ont élevé des batteries
pour commander le défilé de la rivière et les deux routes qui
partent de ce point.
Si les rapports sont exacts, les Russes ne se contenteraient
pas de défendre leurs positions fortifiées, ils se proposeraient
de repousser les divisions françaises des positions menaçan-
tes-qu'elles ont prises sur les hauteurs qui dominent la val-
lée de Baïdar.
Le Journal de Saint-Pétersbourg du 27 septem-
bre (9 octobre) publie le rapport suivant :
Le 17 (29) septembre, à la pointe du jour, l'ennemi, en
force considérable d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie,
sortit d'Eupateria se dirigeant sur Tégesch.
Nos détachements d'observation étaient ainsi disposés :
le lieutenant général de Korff, avec le régiment de lanciers
de S. A. I. la grande-duchesse Catherine Mikaïluvna et la
batterie légère d'artillerie à cheval n" 19 à Tupmaï et Orta-
Mamaï, et le général-major Terpélevsky avec le régiment de
lanciers de l'archiduc Léopold à TégebCh.
D'après l'instruction qui avait été donnée pour le cas d'at-
taque de l'ennemi en lorces supérieures, ces deux détache-
ments devaient se replier, le premier sur Karagourt et le
second sur Boz-Ogloul.
Le lieutenant-major Terpélevsky exécuta l'ordre, mais le
lieutenant-général de Korff, avant d'arriver à Karagourt,
ayant perdu de vue l'ennemi qui marchait à la poursuite du
général-major Terpélevsky, fit halte entre Kuuroulou-Kéné-
ghèz et Kanghyl, lit mettre pied à terre à ses hommes, enle-
ver les canons de leurs avant-trains, et ne disposa pas d'a-
vant-postes en ordre convenable et à la distance nécessaire
de sa position.
Il en résulta qu'une grande partie de la cavalerie enne-
——ï-—-i« o :. 0,000 KommM, lisant brusquement.
demi-tour a. droite, parut subitement sur le flanc droit et les
derrIèfés du lieutenant général ue Korn, qui n'eut plus le
temps, dès lors, ni de se ranger en bataille, ni de se prépa-
rer au combat.
Le régiment de lanciers fut contraint de s'éparpiller et de
se replier sur Karagourt en combattant. Six pièces de la bat-
terie à cheval ouvrirent le feu à l'apparition de l'ennemi ;
mais cela leur fit perdre le moment opportun, et elles fu-
rent cernées et prises. Deux autres pièces, qui n'avaient pas
tiré, purent être remises sur leurs avant-trains et emmenées
au galop. ,
- Notre perte consiste en 150 lanciers, un officier subalterne
et les six pièces avec une partie de leurs servants.
On mande de Jersey, samedi au soir, au journal
le Sun, de Londres :
La plus vive agitation a régné dans toute l'Ile depuis
la publication de l'infâme libelle lancé contre Sa Ma-
jesté, et qui a paru dans un journal français appelé
l'Homme. Ce soir a eu lieu, aux Queen's Allembly Booms
Belmont, un des meetings les plus nombreux, les plus
enthousiastes et les plus unanimes qu'on ait jamais
vus. Plus de 2,000 des plus influents et des plus nota-
bles résidents anglais et natifs de l'Ile étaient présents
à cette assemblée. M. Lequesne, esquire, constable de
Saint'Heu ier, occupait le fauteuil. Les résolutions sui-
vantes ont été adoptées :
1G Ce meeting est d'opinion qu'il est juste que ce pays
ouvre en tout temps un sûr asile aux exilés poar cause de
politique et de religion, quels que soient leur pays, leurs
convictions ou leur croyance. Mais il croit qu'en reconnais-
sance de l'asile et de la protection qu'ils trouvent dans
l'empire britannique, il est du devoir de tous les réfugiés de
se soumettre aux lois, et qu'agir autrement, c'est un acte
du caractère le plus odieux et une coupable violation de
l'hospitalité.
2° Ce meeting apprend avec douleur que, pendant plus
d'un an, quelques réfugiés politiques ont hebdomadaire-
ment publié dans cette île un journal appelé l'Homme, qui
a pour but l'abolition du christianisme, la propagation du
socialisme et la destruction de tous les troues, y compris ce-
lui de la gracieuse souveraine dont nous sommes tiers et
glorieux d'être les sujets loyaux et dévoués.
3° Le présent meeting proteste de la manière la plus pé-
remptoire et la plus solennelle contre les doctrines soute-
nues par le journal socialiste sus-nommé. Ce journal ne s'est
pas borné à prêcher ouvertement l'inlidélité ; il demande de
plus le renversement de toute autorité constituée; il attaque
honteusement le grand et cordial allié à qui ses efforts pour
cimenter l'union de l'Angleterre et de la France ont donné
droit au respect et à l'attachement du peuple anglais ; il
exall* les assassins politiques, inculque le régicide, et in-
sulte bassement et audacieusement la reine de ce royaume.
Le meeting considère la publication d'un te! journal comme
étant le plus honteux outrage à la loi morale de l'hospita-
lité et aux sentiments de cette île chrétienne et fidèle. Le
meeting considère sa publication ici comme un malheur
pour rUe, et il demande instamment l'adoption de mesures
immédiates pour le supprimer.
4° Une copie des résolutions qui précèdent eera commu-
niquée a S. Exc. le sous-gouverneur par la députatioa com-
posée du constable de St-Helier, P. Hemery, esquire, et Dr
Jos. Dickson. .
Par suite de l'irritation des esprits, le gouverneur a
consenti à recevoir la députation demain dimanche, ce
qui est une circonstance tout à fait insolite.
La Patrie, qui, comme nous, reproduit d'après
le Sun les résolutions du meeting, ajoute ce qui
suit :
« A la suite de ces résolutions, le journal l'Homme a
» été brûlé séance tenante, et l'assemblée s'est ajournée
» au mardi suivant, pour le brûler publiquement de
» nouveau sur la place de Saint-Hilier, lieu ordinaire
» de l'exécution des malfaiteurs. »
Exposition universelle.
BEAUX-ARTS.
X.
PAYS-BAS : MM. Joseph Israels, — David Bles, — iierman ten
Kate,— Léonidas Verveer. — Johannes van liefland, — Cor-
nélis Sprenger, — Kockkoek,— Waessenbruch Hendricks,
— Kiers Coo^—Caliscb,— Lerees,—Meyer.
La vocation est au moins pour la moitié dans le suc-
cès de la vie. La première condition pour réussir, c'est
de se développer dans le sens de sa nature.
Je n'ai jamais mieux compris cette vérité qu'en étu",
diant la galerie de La Haye et surtout d'Amsterdam. Le
peuple hollandais, qui n'est pas beau, h'a jamais eu le
sentiment de l'idéalisation du type humain. On s'en
aperçoit chez ses peintres. Leurs Madones sont des bour-
geoises; leurs Christs des brasseurs de bierre, et leurs
apôtres des garçons bouchers.
Je comprends, sans toutefois l'approuver, le mot
superbe de Louis XIV à son ambassadeur qui lui ap-
portait, pour Versailles, des tableaux hollandais : « Otez-
moi de là tous ces magots! » Louis XIV avait trop le culte
de la beauté apollonienne, et avait trop le souci de sa
majesté de dieu du Belvédère, pour prendre goût à ces
vestes rondes et à ces trognes rougeaudes, et, d'autre
part, son éducation artistique n'était point assez avancée
pour qu'il lui fût possible de pénétrer dans les secrets
délicats du faire et de la manière de ces peintres, et de
goûter les charmes de leur couleur magique.
Aujourd'hui, comme autrefois, comme toujours,-les
Hollandais échouent dans la grande peinture et triom-
phent dans le genre; l'histoire est pour eux lettre close;
mais la nature leur fait tout bas des confidences inti-
mes ; ils ne savent point trop comment un héros peut
être fait, mais personne ne connaît mieux les habitu-
des, l'allure, la démarche et l'air de tête d'une cuisi-
nière :
Ne forçons pas notre talent! —
L'exposition hollandaise ne compte pas un très grand
nombre de toiles dans nos galeries; en revanche, elles
ont toutes une certaine valeur : le jury des Pays-Bas
s'est montré sévère pour ses nationaux, et ce n'est pas
moi qui l'en blâmerai ; il ne faut offrir à l'étranger que
ses meilleures productions.
L'exposition hollandaise nous donne un tableau d'his-
toire : Guillaume d'Orange s'oppogant pour la première
fois à l'exécution des décrets de t'Espagne. L'auteur, M.
Joseph Israels, ordonne bien une composition, mais ses
figures manquent de noblesse ; il n'a pas la dignité de
tenue et la hauteur d'atȔ.tude que l'on voudrait trou-
VOP rtana OO-B nommes qui sont Ici doctinoo d'un et
l'espoir d'un peuple.
La Hollande a quelques tableaux de genre distingués
le Directeur des Femmes, par M. David Bles, est très spi-
rituellement peint; il fait involontairement penser aux
vers de Boileau :
Qu'il paraît l)ien nourri ! quel vermillon ! quel teint!
Le printemps dans sa fleur sur son visage est peint ! '
On regarde avec intérêt la Fête champêtre et les Dis-
cussions politiques de M. Herman ten Kate, qui observe
finement et qui peint comme il observe.
Mais peur moi les meilleurs tableaux de l'école hol-
landaise, ce sont les différentes vues d'Amsterdam, de
Rotterdam, de' Leyde ou d'Utrecht. Pour qui n'a pas
voyagé-en Hollande, ces tableaux sont des révélations ;
et pour qui a vu leurs originaux, ce sont d'aimables et
gracieux souvenirs. Il suffit d'ouvrir une fenêtre sur
une rue de Hollande pour avoir devant les yeux le plus
harmonieux de tous les tableaux. Depuis le seuil de.la
porte jusqu'à la dernière tuile de la couverture, toute la
maison est peinte. Pas de ces tons violents et criards qui
blessent l'œil sous prétexte de l'attirer; mais une palette
calme et fondue, dont la tonalité neutre vous repose dou-
cement; sur ce fonds d'une diversité ménagée habilement,
la verdure un peu pâle des arbres se détache avec une
grâce mélancolique ; le ciel, un peu triste, laisse tom-
beriiur tout cela sa lumière de perle, tamisée à travers •
un prisme gris, estompant et amollissant les objets, que f
mille canaux reflètent dans le miroir glauque de leurs
eaux. Comment ne pas devenir coloriste en face de pa-
reilles scènes, au milieu de ces villes dont les places
publiques sont des musées? C'est la nature qui fait les
peintres, j
Nous ne serons donc pas surpris de trouver beaucoup \
de mérite et d'agrément dans la Vue de Rotterdam, à -j
demi-voilée de brouillards, par M. Léodinas Verveer ;
dans ce fouillis de places, d'arbres et de maisons, que
M. Johannes Van Liefland appelle Utrecht au commen-
cement du dix-septième siècle, ou dans la M(Àiàoit de j
Rembrandt, de M. Cornelis Sprenger. M. Sprenger est le !
Canaletto de la Hollande; ses architectures réunissent
toutes les conditions de pittoresque qui font les beaux I
tableaux. Son Hôtel-de-Ville de Nirnègue est une ex-
cellente toile. Les pierres rouges et blanches s'im- j
briquent par rangs alternatifs; les larges perrons
étagent leurs doubles rangs de marches ; les au-
vents font saillie sur la muraille,, les balcons se sus-
dendent aux fenêtres, portant les femmes, .comme les
corbeilles portent des fleurs; les frontons sculptés cou-
ronnent les portes d'un chapiteau triangulaire; des mé-
daillons chargés de figures s'encadrent dans la façade,
des crampons retiennent les murailles dans leurs grif-
fes de fer, les gables pynamident en pignons crénelés;
au bout de la rue une tour à huit pans, qui loge dans
sa cage aérienne un carillon sonore, arrête le regard et
ferme l'horizon; sur la place, que traverse un carrosse
de gala, la foule s'agite, diverse, ondoyante, parée.
Tout cela vit, miroite et fourmille. ,,
La Hollande a quelques jolis paysages, une Vue d'au-
tomne et un Bois en hiver, par M. Barend Cornélis
Kockkoek, une très jolie vue prise de Dordrecht; par M.
Wassenbruch : un chalet au bord de la mer, en briques
rouges et blanches, un peu froid de ton, comme il con-
vient sous le ciel du Nord. 'La vue de Harlem, prise
des Dunes, par M. Hendricks; il y a de l'espace, de l'air,
des pians qui reculent et des horizons qui fuî.,n t.
J'aime assez l'intérieur d'une maison hollandaise,
par M. Pierre Kiers ; M. Kiers intitule son tableau : Ef-
fet de lampe : me permettra-t-il de lui dire que sa lam- j
pe éclaire mal? On dirait un quartier de lune dans une :
lanterne de papier huilé; ce tfest pas une lampe so- i
laire ! Pourquoi les objets les plus éloignés de cette
lampe sont-ils précisément ceux qu'on distingue le
m'eux ? Cela ne fait pas honneur à la lampe de M.
Kiers. Comme tableau d'intérieur, c'est joli : on sent"
qu'on est dans une famille heureuse et chez de braves
gens : mais pourquoi tant de femmes et pas un seul
homme? Ces messieurs sont-ils donc au café ou au
cabaret ? il faut un loup dans la bergerie !
- Le Messager, par M. Moritz Calisch, est un tableau de
sentiment hollandais; une jeune fille lâche un pigeon
qui porte un poulet sous son aile. Cette jeune fille est '
beaucoup plus grasse qu'amoureuse ; si la réponse ne
lut plaît pas, elle mettra son messager à la crapaudine 1
Les Moines de l'ordre de Saint-François chantant un
TE DEUM, assez bon tableau de M. Johanne.s Rosboom;
il ne faut pas regarder à la loupe : c'est peint avfcc plus
de largeur qu'on n'en trouve d'ordinaire dans les ta-
bleaux hollandais. L'effet général est excellent. Nous
sommes dans le chœur de l'église, coupée au milieu
par de gigantesques orgues flamandes qui partagent le
temple en deux. Les capuces, les aubes, les chapes,
les surplis, sont rendus avec une grande puissance de
touche. Le moine à genoux qui sonne la cloche est
d'une justesse de mouvement frappante.
La Sainte-Cène, dans une église protestante, par le
même artiste, est d'une très heureuse composition,
austère. et sobre comme le culte protestant, et recom-
mandable surtout par une parfaite entente de la lu-
mière.,
Il' y a de la douleur et de l'émotion dans le Chactas
qui veille avec le père Aubry sur le dernier sommeil
d'Atala. Mais pourquoi M. Cool voit-il tout en rouge?
La Hollande a un excellent peintre de marine dans
M. Louis Meyer, ,que nos précédentes expositions ont
fait connaltre à la France, où il jouit d'autant de cou.
sidération et d'estime que dans son propre pays. Il ex-
pose cette année deux tableaux qui sont fort remar-
qués : Un Coup de vent sur la côte de Scheveningue, et
un Navire échouant sur les côtes d'Angleterre. Je ne sais
pas si M. Louis Meyer s'est jamais fait attacher, comme
Joseph Vernet, au mât d'un navire pour étudier la
lutte des vents et des flots...
LuGtanles ventos tempeslatesque sonoras.,.
mais, à coup s ûr, il a vu plus d'une fois la Baltique
soulevée et l'Océan furieux. Oui, c'est bien ainsi que les
souffles ennemis fouettent la vague cchevelée, arra-
chent au mât la voile trouée, et font tournoyer sur sa
quille la goélette éperdue. Il y a de la fougue et du
mouvement dans ces tableaux où passe la tempête. La
mer glauque a chez lui des transparences fluides plei-
nes de vérité. — Il serait injuste de ne pas citer l'y
demnt Amsterdam, joli tableau de M. Willem-Antonin
van I)pvpntp.r. etden\ hnnnps laites do M. Antoine Wal-
dorf ; une Eau calme qui repose, après les orages de
M. Louis Meyer, et une Vue de port en Hollande, d'un
aspect tranquille et doux.
LOUIS ENAULT.
Cour d'assises de Maine-et-Loire.
Présidence de M. Valleton, premier président.
Audience du 15 octobre,
AFFAIRE DES ARDOISIERS. — CINQUANTE-HUL^ ACCUSÉS.
Me CUBAIN, chargé de la défense de trois des accusés,
,a présenté quelques considérations générales. Il n'est
pas possible, a-t-il dit, de répondre d'une manière géné-
raIe et pour tous les accusés à cette question d'attentat
ayant eu pour but « le massaere, le pillage et la dévas-
tation. » C'est là une question pour la eolution de la-
quelle il faudrait que chacun des éléments qui la com-
posent se rencontrât également à la charge de chacun
des accusés. Il faut donc, pour rendre une saine justice,
établir des catégories.
Après avoir présenté la défense de chacun de pes
clients, Me Cubain ajoute : Ces hommes ont pu, pour la
plupart, être des fanatiques, des victimes d'illusions
détestables, mais ce ne sont pas des hommes profondé-
ment pervers ; ils ont subi des entraînements dont la
responsabilité doit retomber sur d'autres qui ne sont
pas sur ces banc".
M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL, après avoir rendu hom-
mage à la convenance et à la mesure que les défen-
seurs ont apportées dans l'accomplissement de leur tâ-
che, s'explique de nouveau sur la question d'excuse
résultant de ce que les sommations légales n'auraient
pas été faites. En présence d'émeutiers armés , l'auto-
rité, dit-il, n'a qu'un devoir à remplir, c'est de les re-
pousser immédiatement et sans perte de temps, autre-
ment ce serait enhardir les insurgés et leur fournir les
moyens de vaincre. Il ne faut pas confondre^ une atta-
que à main armée avec un simple attroupement sédi-
tieux.
M. le procureur général, modifiant ses premières ré-
quisitions, consent qu'en ce qui concerne"Bardou et
Chauvin, auxquels-il avait déjà concédé des tÍrcons.
tances atténuantes, le jury résolve négativement la
question de savoir s'ils ont été complices dct l'attentat.
S'expliquant nettement sur la question de pénalité,
l'organe du ministère public demande au jury, contre
tous les accusés, un verdict qui '[)t.rmette à ià C'.tUr de
graduer les peines depuis Je maximum de la transpor-
tation hors du territoire et dans une enceinte fortifiée
jusqu'au minimum de cinq années de détention, afin
de rendre ainsi à chacun une justice proportionnée à
sa participation dans le complot. Ajoutons, dit l'organe
du ministère public, que, M plus tard le repentir se
manifestait, tout deviendrait prétexte pour aloucir les
rigueurs du jury, et que, sous ce rapport, chaque ac-
cusé aurait son sort entre ses mains.
Me CUBAIN, terminant à son tour sa réplique : Ce que
nous devons tous désirer par-dessus tout, dit-il, c'est
l'apaisement de nos discordes civiles : or, ce résultat si
désirable est dans l'appréciation que le jury saura faire
du caractère et des actes de ces hommes.
Sur la demande qui est adressée aux accusés par M.
lé président, à savoir, s'ils ont quelque chose à exposer
pour leur défense, l'accusé Pasquier dit : J'ai dit une
parole de laquelle on a. bien tiré des conjectures.....
c'était pourtant bien simple, ce que je disais : « C'est
vrai, pourquoi effrayer les gens? »,En effet, ne sait-on
pas qu'après 1830 bien des gens se sont trouvés con-
tents, qui pourtant n'avaient pas pris part à l'affaire? Je
voulais dire par là que la veille des révolutions on a
toujours peur, et que e lendemain on est souvent con-
tent.
Quelques-uns des autres accusés essaient de se dis-
culper de plusieurs des griefs qui pèsent sur eux.
L'ACCUSÉ SARRAZIN déclare qu'il a un grand regret de
ce qu'il a fait.
L'audience est renvoyée au lendemain, huit heures
du matinyafln qu'il ne soit pas besoin de rc™,,.: k ,
audience de nuit. Uîlr une
^
Audience du 16 octobre.
M. LE PRÉSIDENT. Messieurs les jurés, avez-vm,.us,ÎUeU
ques questions a faire aux témoius?
Sur la demande du jury, quelques queStions
adressées à l'accusé Frouin. sont
M. le président résume ensuite les débats.
A onze heures, le jury entre en délibération j
cent quatre-vingt-quatre questions lui sont soumis' ^ 1
PAR VOIE TÉLÉGRAPHIQUE.
Angers, mardi 16 octobre, minuit
A l'ouverture de l'audience, M. le premier v Cslaem
a fait le résumé des débats.
Le jury est entré à midi dans la salle de ses das»,.ut3(;ra.
tions.
A s pt heures du soir, le chef du jury donne Wt^
du verdict.
Sont déclarés non coupables :
Joseph Martineau , IJoudebine, Mathurin BazillAUbe,
Laillié, Roméo, Boulitreau, Denis, Gâté, Auràv A,
et Teneu fils.
Sont déclarés coupables sans circonstances- mu
nuantes :
Secrétain, Attibert, Pasquier et Pierre Martineau
Les autres accusée sont déclarés coupables av,,
mission de circonstances atténuantes.
La cour délibère.
A onze heures du soir, elle rend son arrêt.
Secretain, Attibert et Pasquier sont condamnés k ;
déportation dans une enceinte fortifiée, hors du turJ»
toire de l'Empire.
Deehayes, Jean Bazille, Lapierre, Auray, Manceau
Pierre Martineau, Guérin, Eugène Frouin, Frac3
Frouiu, Chauvin et Fouin, sont condamnés à ladfS.;«*
tatioù simple. v
Hamar, Hubarln père, Lcmeunier, Maillard, pi€S<,:
Teneu père, Girard, Janvier, Trideau, Boilême Cachît
père, Girouard et Chereau, sont condamnés à dix ansT
détention.
Conet, Blet, Guy, Bredier, Leroy et Harrouin ' gont1
condamnés à cinq ans de prison.
Négrier, Bazille (Mathurin), Groussîn, Plumelet ' Gava
lan et Chebeau, à trois ans du prison.
AUiurat, Bardou, Sarrazin, Maingat, René Bazille 1 Fau.
veau et Richard à deux ans de prison.
Les accusés en entendant prononcer leur condamna
tion ne prononcent pas un seul mot.
Le plus grand calme n'a cessé de régner dans l'audi
toire.
Faits divers.
L'Empereur est parti de Sajnt-Cloud avec S. A. H le
duc de Brabant, hier à une heure, pour aller à Vincên
nés Après avoir vi&ité la chapelle et la salle d'armes-
Sa Majesté et Son Altesse Royale se sont rendues au no'
lygone, où l'on a exécuté devant elles divers exercices
de tir, tant avec les armes portatives qu'avec les mor
tiers et canons.
Les augustes visiteurs sont allés ensuite au fort de la
Faisanderie, et ont assisté aux travaux des élèves de
l'école de gymnastique. Ils étaient de retour à Saint.
Cloud à six heures et demie.
Le soir il y a eu spectacle# Saint-Cloud. Les arli$tes
du Palais-Royal ont joué les Premières armes dt RicAe.
lieu t t la Rue de la Lune.
— L'Empereur vient d'accorder une somme de 12 ,No
fr. pour prendre part aux souscriptions ouvertes dans
le Puy afin d'ériger sur le rocher Corneille une sta-
tue colossale de la Vierge qui, par ses dimensions
pourra faire pendant au saint Charles Borromée-de
l'île Majeure et aux anciens colosses du- forum de
Néron et de Dioclétien, dont il ne reste plus que des
fragments. L'Empereur a promis, en outre, de donner
une partie des canons de Sébastopol pour couler la
statue. -
— La reine d'Ang}eierre a nommé S. Exc. le comte
Vaillant,.maréchal de France, membre honoraire, et le
général Simpson membre ordinaire de la division mi.
litaire de lr0 classe des chevaliers grand' croix du très
honorable ordre du Bain; le major général Hugh-ilenrv
Rose, commissaire militaire près le quartier général de
l'armée française en Olient, membre ordinaire de ladivi-
sion militaire de 2e classe des chevaliers commandeurs
et le lieutenant-colonel Edouard Stopfort CbremoDtj
commissaire militaire de 5. M. à Paris ; le lieutenant-
colonel, l'honorable sir Georges-Geraid Foley, aide corn.
missaire de S. H. près le quartier général de l'armés
française en Orient, et le lieutenant-colonel John-Limon.
Arabin Slmmolli;, commissaire militaire de S. M. prè3 le
quartier général de t'armée turque en Asie, membres
ordinaires de la division de 3e classe t)u compagnie du
très honorable ordre.
— On écrit de Lisbonne, le 8 octobre : « La prise de
Sébastopol a eu ici d'autant plus de retentissement que
les journaux de toutes nuances avaient enregistré avec
soin et dès le début jusqu'au moindre incident de la
guerre, i/attention publique était donc vivement surex-
citée au moment où est arrivée la nouvelle de la vic-
toire. Cette nouvelle a eu le double effet de répondre
aux sympathies de la grande majorité des Portugais
pour les puissances occidentales, et de porter le décou-
ragement au milieu du parti miguéliste, réduit à cher-
cher dans le succès définitif de la Russie le triomphe
ici d'une cause que les faits et la raison condamnent
chaque jour davantage. Le marquis de Liste deSiry,
ministre de France, a lait aussitôt chanter, dans l'église
Saint Louis-des-Français, un Te Deum à la solennité
duquel la présence sur rade d'une escadre anglaise don-
nait plus d'éclat encore. Tout le personnel de la léga-
tion et du consulat de France, les ministres d'Angleterre
et de Sardaigne, accompagnés des secrétaires et atta-
chés, les commandants et les états-majors de la corvette
à vapeur le Newton, ainsi que ceux det'> vaisseaux M'
glais Saint-George et Neptune, assistaient en uniforme
à la cérémonie. L'église, dans laquelle s'était réunie
avec un empressement spontané toute la population
française de Lisbonne, était ornée des pavillons des
puissances alliées. »
— Par décrets impériaux du 13 octobre, ont été nomî
mes : M. Petit de Granville, agent de changé, courtier de
marchandises à Brest; M. Sevelinge, agent de change
à Lyon.
— Le Sultan, sur l'a proposition du marécbal Péjj'*
sier, a accordé la croix de commandeur du Médjidié a
M. Tanski, qui pendant plus d'une année a dirigé le ser-
vice des renseignements militaires au quartier générai
de l'armée française en Orient.
— On écrit d'Alep, le 25 .«eptembre : « Les nouvelle
du Kurdistan ne sont pas satisfaisantes. Le sandjaK ue
Mardin est dans une grande agitation. Cet état de cuose
remonte à un conflit sanglant qui a eu lieu dernieie-
au ton mesuré d'un gentilhomme de cour :
5,..." a Monsieur,
» J'apprends avec les plus vifs regrets, quelques
» années trop tard à mon sens, que vous avez été
» marié une première fois et même que vous avez
» eu un enfant ctè ce premier mariage.
» La comtesse de Lersant, qui vous a accordé la
» main de sa pupille, partage, monsieur, tous mes
» pénibles regrets.
» Vous êtes irréprochable au point de vue des
» lois ; je crois devoir vous en féliciter.
» L'êtes-vous également vis-à-vis de notre fa-
» mille? je vous en laisse juge.
» Votre fille du premier lit, Mlle Marcelle Duran-
» tais, que vous ramenez de Bretagne, a, m'assure-
» t-on, une fortune indépendante ; je m'en réjouis
» sincèrement. -
s Mais Mme Dnrantais, Gilbert et Léonie, ses en-
» fants, ne sauraient en aucune manière bénéficier
-» de l'aisance de cette.mineure. (Vous me pardon -
* nerez, monsieur, de parier presque en légiste, je
» n'use qu'à contre-cœur de ce style.)
» Par un motif de plus, monsieur, vous souffrirez
» donc que notre sollicitude redouble envers Mme
* JDurantais et ses enfants, car notre intérêt pour
* » eux s'accroît à un degré que votre délicatesse
» vous fera comprendre.
» J'ai l'honneur d'être, monsieur, votre obéissant
» serviteur.
» Le comte de LERSANT. J)
a P. S. Mme Durantais refuse de recevoir la pré-
? sente lettre des mains de Mme la comtesse de
» Lersant qui me supplie de l'anéantir. Ces dames
» en ignorent absolument le contenu. Elles s'imagi-
i nent sans doute que j'ai eu la maladresse de sor-
» tir des bornes des convenances envers le mari
» de notre meilleure amie. Mais moi qui ai scru-
» puleusement pesé chacune de mes moindres ex-
» pressions, j'ai hâte, monsieur, de vous faire con-
1) naître toute ma pensée, avec la franchise d'un
» militaire, avec la droiture d'un homme d'WMftieur.
«k
» Veuillez, de nouveau, agréer mes salutations.
» Comte de L. »
Emilien traduisait au fur et à mesure ces phrases
sèchement polies :
— « Quelques années trop tard » signifie que j'ai
abusé de leur confiance, que j'ai voulu ,à toute force
épouser la fortune et la dot de Clarisse.
« Je suis irréprochable devant les lois, » mais
devant les lois seulement ; on veut rompre avec
moi toutes relations, on brise les derniers liens de
famille avec une courtoisie mille fois plus cruelle
que des injures. Et, comme j'ai ruiné Clarisse, on
me reproche jusqu'aux biens que possède Marcelle.
Puis-je désormais trouver humiliant qu'on accable
ma femme de présents de tous genres ? mais sans
cela elle vivrait aux dépens de sa belle-fille. lU. le
comte est susceptible pour la pupille de Mme la
comtesse... Et moi, ai-je le droit d'être lier désor-
mais? je ne suis qu'un indigne trompeur ! J'ai dé-
guisé la vérité par mon silence ; ma délicatesse doit
me faire comprendre que je suis indélicat ! En
homme d'honneur, on me déclare que j'ai forfait à
l'honneur. Vos expressions sont pesées scrupuleu-
sement, M. le comte !... Mais la forme n'emporte pas
le fond, et je... »
Emilièn, même mentalement, ne put achever par
une menace, la voix de la conscience lui criait :
— Non! il ne m'accuse pas à tort! les apparences
me condamnent, et plus que les apparences!... Il a
le droit d'être sévère, je n'ai pas celui d'être in-
grat!... Ce n'est que trop vrai, mon Dieu ! je les ai
tous trompés!
Alors cette nature mobile et faible, tout à l'heure
follement irritée, tomba dans un découragement
profond.
La lettre qu'il froissait avec rage s'échappa de
ses mains, la rougeur lui monta au visage, des lar-
mes baignèrent ses yeux, des sanglots s'échap-
pèrent de sa poitrine.
Marcelle aussitôt courut à lui, [et ycmhrdssant
avec effu-sion, elle dit à Clarisse :
— Vous faites pleurer mon père, vous !... Vous
êtes une méchante !
Clarisse pourtant repoussait ses propres enfants
et, s'approchant de son mari, lui disait avec ten-
dresse :
— Je suis innocente du contenu de cette lettre.
Je t'aime, j'aime tes trois enfants ; courage, Emi,-
lien, mon ami !...
Emilien prit la main de Clarisse et la portant à
ses lèvres :
— Tu es un ange 1 tu pardonnes tou jours !
Puis il dit à Marcelle :
— Tu te trompes, ma filb4, elle est bonne, elle
m'aime bien, ce n'est pas elle qui m'a fait pleurer...
Embra»se-la !... Obéis donc!
Marcelle se rappela les ordres de Curentine, elle
obtit à son père; elle obéit, c'est-a-dirc quelle
reçut froidement un baiser, sans le rendre.
Mais elle dut essuyer à son front deux larmes
brûlantes de Clarisse sa marâtre.
Dès que les trois enfants eurent été emmenés
dans leur chambre, Emilien resté en tête-à-tête
avec sa jeune femme reconnut tous ses torts, mais
fit valoir éloquemment les circonstances qui les
atténuaient :
Ce n'était point par un calcul intéressé qu'il ayait
cru devoir cacher l'existence de Marcelle. Il voulait
d'abord tout déclarer avec une loyale franchise ;
mais à mesure que son amour avait grandi, la
- crainte d'essuyer un refus fit chanceler sa résolu-
tion; il renvoya de jour en jour un aveu, qu'il
n'osa plus faire, au moment où il vit ses vœux com-
blés par Clarisse, la comtesse et le comte de Ler-
salit.
— Il y allait du bonheur de, ma vie, dit Emilien
avec effusion ; je t'aimais comme je t'aime, comme
je t'aimerai toujours 1 Je tremblai de te perdre ; je
gardai le silence. Je fus coupable... Eh bien ! si tu
n'étais pas à moi, Clarisse, si l'on pouvait encore
me refuser ta main, et pourtant si, 'dans l'avenir,
j'apercevais les maux dont je souffre aujourd'hui,
non 1 je n'hésiterais pas à commettre la même
faute! Plus tu te montres généreuse et dévouée,
plus tu opposes de douceur à mes emportements,
de sagesse à ma folie, d'indulgence à mon injustice,
plus je t'aime et moins je pourrais me résigner à
vivre sans ton amour !
Clarisse était consolée, Clarisse était radieuse;
Emilien ajouta en lui tendant la lettre du comte de
Lersant :
— Il a le droit de m'écrire ainsi, j'en conviens !
mes réticences m'ont justement attiré cette leçon
sévère ; il a raison!... mais; si j'avais parié trop iôt,
ino!, serais-tu ma femme, Gtan-sd '! la mère
m'humilie froidement, et mi1 fierté subit la lilrlnre,
mais je suis à tes genoux, et je baise tes uldÍns, et
tu me pardonnes !
— Oui, Emilien, avec bonheur ! dit Clarisse de sa
voix la plus tendre ; mais combien de souffrances
tu te serais épargnées à toi-même en me disant
plus tôt la vérité? Je t'en aurais gardé te secret,
Emilien, et avec le concours d'ismène, j'aurais peut-
être détourné l'orage. Je me serais faite ta complice,
Emilien; j'aurais pris sur moi toute la faute , j'au-
rais dit que je savais tout avant notre mariage, et
qu'en te taisant tu cédais à mes conseils...
Emilien soupira, puis transporté de reconnais-
sance :
— 0 Clarisse! dit-il, je ne suis pas digne d'une
compagne telle que toi!
— Ne devais-tu pas être bien sur que ta fille se-
rait ma fille, poursuivit la jeune femme, que je
l'aimerais, parce que je t'aime, et qu'enfin je serais
heureuse de rendre à une orpheline les bienfaits
que d'autres m'ont prodigués à moi orpheline
comme elle !
— Tiens, Clarisse ! reprit Emilien, je voulais ré-
pondre en homme à SI. le comte de Lei-s«rit ; moi
aussi, j'aurais mesuré mes expressions, mais je
l'aurais blessé à mon tour. Je lui aurais fait sentir
qu'il ne doit sa position de fortune qu'à son ma-
riage et qu'il jouit des biens d'une famille élrafl*
! gère à la sienne, puisque tout ce qu'il possède pro'
j vient du marquis de Pontfipi,vé.
— 0 mon Dieu 1 s'écria Clarisse avec effroi, jure.
j moi de ne jamais dire rien de semblable!...
— Je te le jure, Clarisse ! Pour te donner la preu'
ve de mon repentir, je ferai le sacrifice de ma ,ve^
geance ! Je supporterai des outrages qui
rent le cœur, je garderai le silence. Tu répond
toi-même, et nia cause, j'en suis sûr, sera ilobl"
.. ment défendue!
I Clarisse détail s'ncquiife!- de celte missioll de:!'
cale avec une exquise délicatesse.
G. DE LA LANDELLE.
j (La suite à demain,)
Bulletin dramatique.
Au Théâtre-Lyrique, demain jeudi, Marie, oy
cosnique en 3 actes, admirablement interprété P8,
Achard, Leroy, Grignon, Girardot, Miles Pannetra,"" ,Ut,
geois, Girard, Vadé.
— Au Vaudeville, demain, M. Bouffé dans la Ù/l
de l'Avare, le grand succès de vogue.
— Aux Variétés, demain, le Théâtre des Zouavft'J$a
MM. Ch. fJérey, Lassague, Ambroise, Christi"'
Erreurs du bel due, avec Arnal et Numa.
'
— Aux Délassements-Comiques, titi ParapMe ard M"'.'el
cide, vaudeville en trois actes, de MM. Jules
Marquet, vient d'obtenir un immense sucjf Villbl,1
pièce, pétillante d'esprit, est interprétée par l-
Markais et Mlle Delphine, qui luttent de vene
train.
—A l'Hippodrome, demain, représentai
dinairr; composée des pièces militaires la (oig,
Siii,çir.ic ; exhibition des Aztecs pour la den
- Au Casino de Paris (ancien .d'Ossio > de'
main jeudi, Soirée parisienne, ,
t
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