Titre : Excelsior : journal illustré quotidien : informations, littérature, sciences, arts, sports, théâtre, élégances
Éditeur : [s. n.] (Paris)
Date d'édition : 1917-10-26
Contributeur : Lafitte, Pierre (1872-1938). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32771891w
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 26 octobre 1917 26 octobre 1917
Description : 1917/10/26 (A8,N2537). 1917/10/26 (A8,N2537).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4606262w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-228
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/07/2016
LE MONDE
LES COURS
- LL. MM. le roi et la reine d'Angleterre
se sont rendus à Leconfield House Mayfair,
nouveau club qui vient d'être fondé pour les
officiers américains de terre et de mer.
CORPS DIPLOMATIQUE
— M. Isvolsky^ . ancien» ambassadeur de
Russie en France, est -arrivé à Paris, venant
de Biarritz. - '
MARIAGES
— En l'église Saint-Philippe. du Roule a été
célébré hier, dans l'intimité," le 'mariage du
comte Pierre de Geoffre de deChab ri gnac, sous-
jieutenant, piiôte aviateuj" à l'escadrille 116, à
Venise., fils du comte et de la ,oomtesse A. de
LES MARIES SORTANT '
DE SAINT-PHILIPPE DU Rouit
Geoffre de Chabrignac, tous deux décédés,
ave,c Mlle Yvonne de Marcé, fille de M. Victor
de Marcé, conseiller référendaire a la Cour des
comptes, et de Mme, née Warée.
— En la cathédrale de Saint-Patrick, à
New-York, a été célébré, avant-hier, le ma-
riage du marquis de Polignac, attaché à la
mission spéciale française aux Etats-Uni's,
;,vee Mrs Nina Floyd Crosby Enstis, fille de
. M. Walter Floyd Crosby. " '
Les témoins étaient: M. André Tardieu,
haut commissaire de la mission française ;
M. Maurice Gasenave, ancien ministre pléni-
potentiaire, membre de la mission financière,
:et le lieutenanit marquis de Créqui-Montfort
'dû Courtivron, membre de la mission mm.
taire.
DEUILS
— Les obsèques du professeur Dastre,
membre de l'Institut et de l'Académie de Mé-
decine, professeur à la Faculté des Sciences,
ont été célébrées, hier matin, à onze heures, à
œ'hôpital de la Charité, où le cercueil avait été
exposé dans la salle GOSiseJin.
LL. AA. RR.„le prince et -là princesse. Geor-
ges de Grèce avaient envoyé 'une couronne.
La famille.' était représentée' par -Mm-c. et
Mlle Dastre.
La section de médecine de l'Académie des
Sciences avait envoyé une délégation compo-
sée du docteur Laveran et de M M. Emile Pi-
card et Lacroix, secrétaires perpétuels ; M.
- Lucien Poincaré, vice-lecteur, était à la tête
idu Conseil de l'Université ; M. Appell, doyen,
'de la députation de la Faculté des Sciences ;
la Société de biologie avait également envoyé
une délégation.
Le président de la République était repré-
senté 'par le commandant Nazareth de sa maÍ-
son militaire. Le président du' Conseil et le
ministre de l'Instruction publique étaient ég'a-
le ment représentés.
Le cercueil a été transporté....,po'ur les obsè-
ques religieuses et l'inhumation, qui auront ,
lieu aujourd'hui, à Ermont (S.-et:.O.), dont le
regretté défunt a été maire.
— Un service a été célébré, hier, h onze
-heures, en l'église Saint-Honoré d'Eylau,
pour le repos de l'âme du marquis de Boitillé,
capitaine à l'état-major de là 138 division d'in-
fanterie, tombé 'au champ d'honneur.
Nous apprenons la mort :
Du général de brigade d'artillerie Palle, djd
cadre de réserve, grand officier de la Légion
d'honneur, qui a succombé'à Montmorency, à
l'âge de soixante-treize ans ;
Du général Crépey, commandant le dépôt
d'artillerie de la' 178 région, mort subitement
à Toulouse, âgé de cinquante-six ans. Il était '
revenu récemment du front ;
De Mlle" Eliane Millochau de Lagarde, qui
a succombé le 22 octobre, âgée de dix-huit
ans ;
De Mme Cayoliiie Valério, en religion Mère
Marie-Rachcl de Sion, décédée subitement en
Russie, alors qu'elle revenait en France.
Femme d'une grande intelligence et d'une-
haute culture, elle donnait, depuis deux ans,
avec un dévouement sans bornes, ses soins
aux blessés alliés à Bucarest, à Galatz, puis à
J cssv. Elle était la sœur de Mme Alfred Jous-
s"!in, femme du rédacteur en' chef du Monde
Illustré ,
BIENFAISANCE
— M. Franklin-Bouillon a fait remettre
au comité du " Secours national " une
somme de plus de 20.000 francs provenant
d'une vente, de bienfaisance que le ministre
des Missions et Propagandè à l'étranger avait
organisée à bord de l'Espagne en faveur de
Ç '.'Ís'sistance aux victimes de la guerre.
M.- .Franklin-Bouilkni a personnellement con-
tribué pour une part importante à ce dan,
ninsi que nos amis des Etats-Unis embarqués
ù bord deA'Espagne.
LA!T ^jFARiNEfl
CON'DENS , \' L ACTE E |
ST
trtVente fc. LA f?
Pharmaciens chez les M ARQUE |'i
Epiciers | XpREFERESH
BLOC-NOTES
IL y a quelque chose'qui m'étonne plus que
le renchérissement insensé de tout ce que
nous achetons : c'est la façon tranquille
dont ce renchérissement est accepté par tout le
monde.
Je me souviens ; et je compare.
Je me souviens d'août 1914 ; de ces in-
quiétantes journées où l'on vit la foule, en cer-
tains quartiers, se ruer sur des boutiques et
les saccager, à cause du prix excessif des
choses qu'on y vendait. Prix « excessifs » !
Le,s temps sont bien changés. Ces prix-là
semblent dérisoirement aimables — des prix de
vente au rabais ! — quand on les rapproche
de ceux que nous payons aujourd'hui ; et que
nous payons sans songer à saccager quoi que
ce soit ; sans penser même à nous plaindre.
Cette sérénité du consommateur en face des
petits problèmes et des aventures de la « Vie 1
chère » est certainement un des côtés les plus
curieux de la physionomie morale de notre
Paris, en ce moment.
Je sais bien que ce qu'on appelle « la vie
chère » est pour une foule de gens une vie
facile, et non dénuée d'agrément... Il y a
trois jours, dans un des restaurants les plus
connus du Boulevard, c'est-à-dire de la région
qui s'étend de l'Opéra aux abords de la Ma-
deleine, unriche que je ne nommerai pas, en l'honneur
de deux jeunes officiers permissionnaires qui
méritaient qu'on les fêtât. L'industriel avait
tenu non seulement à honorer ses convives,
mais, comme il convient à un nouveau riche,
à s'honorer lui-même un peu... Et il avait
commandé un dîner de quinze couverts à
200 francs par tête, sans compter les musi-
ciens (un petit orchestre égayait la fête). Je
ne sais ce que fut le menu ; mais ce dont je
suis sûre, c'est que l'amphitryon paya cette
note avec joie ; — avec autant de joie que
semblait éprouver à payer la sienne, tout à
l'heure, une ménagère de l'avenue de Clichy
qui, arrêtée devant une poissonnerie, donnait
au marchand dix-sept francs pour une lan-
gouste. Etant très badaude, je m'amusai à
faire causer ce marchand, qui m'expliqua :
« C'est une famille d'ouvriers ; très braves
gens ; ils sont quatre, qui gagnent quinze francs
par jour dans une usine de guerre, et, de temps
en temps, s'offrent une pièce comme celle-ci. »
Car il y a des nouveaux riches à tous les
degrés de l'échelle sociale ; et rien n'est plus
naturel que de jeter un peu l'argent par les
fenêtres quand on le gagne trop facilement.
Mais, à côté de ces « profiteurs », n'est-il pas
admirable de voir avec quelle docilité s'ha-
bitue à tout payer trop cher la foule immense
de ceux que la guerre n'aura point enrichis,
ou que, même, elle aura appauvris un peu,
ou beaucoup, — ou ruinés ?
Donner 10 francs pour une paire de gants,
15 francs pour un gigot ou pour un resseme-
lage de bottines, 20 francs pour un peu d'eau
de Cplogne, 20 sous pour n'importe quoi qui
coûtait 5 sous il y a trois ans, et .qui J&Û?..
tera 30 la semaine prochaine, uoilà de quoi
'les; moins riches d'entre nous n'osent même'
plus s'étonner. On tend l'échiné... et on paye.
C'est notre .-Iaçon de « tenir )), à nous
autres, gens de l'Arrière. Je ne dis pas que
l'attitude soit héroïque ; mais peut-être, un
jour, reconnaîtra-t-on qu'elle avait son élé-
gance...
SONIA.'
Célébrité
La célébrité a beau être grande, elle-corn-
porto des revers. Paul Hervieu, dont on com-
mémore aujourd'hui l'anniversaire funèbre,
l'éprouva une fois -au moins eii,sa vie.
C'était quelque temps avant la guerre.
Un Français de passage à Bruxelles cau-
sait avec un des libraires les mieux acha-
landés de la ville.
M. Paul Hervieu, qui était également. dans
la capitale de la Belgique, apparut sur le
trottoir.
— Tenez, dit. le Parisien au libraire, en le
désignant, voici un de nos auteurs fameux
que vous devez connaître. Il se, vend bien,
n'est-ce pas ?
- Qui est-ce ? demanda le libraire.
— Paul Hervieu.
S'il se vend ? fit joyeusement le libraire,
je le crois bien. C'est lui qui a fait les
Deux Gosses, n'est-ce pas ?
Le Parisien rejoignit Paul Hervieu .et lui
raconta l'histoire. L'académicien ne la .trou-
va pas drôle.
Nom fâcheux, mais glorieux
Le village ïl'AUemant a clone été repris
aux Allemands.
Depuis longtemps ce nom fâcheux déso-
bligeait les habitants de ce joli village de
France. Lorsque les gars daient en bande it la fête, de quelque bourg
voisin, ils avaient coutume dCI chanter en
arrivant une sorte de mélopée dont voici
les paroles : -
•Non .pas Ahenumds, mais François
Ayant tonneaux de vin chez soi.
...........
'Non pas Allemands, mais François
Ayant pièces de blé à soi.
...........
Non pas AHema.inds, mais F.rainoois"
Ayaint fourche et fusU' chez soi.
.............
...Après avoir ainsi revendiqué très haut
leur qualité de Français,, les garçons d'AHe-
mant se mêlaient joyeusement aux garçons
des autres villages.
En 187-i, le maire d'Allen1'Rnt demanda
que la commune reçût un autre nom. Or,
c'est là une mesure qui exige des formali-
tés très compliquées. La chose n'aboutit
pas cette fois-la. Peut-être, au lendemain
de ' la Grande Guerre, Allemant obtiendra-
t-il satisfaction par consentement unanime
du monde entier.
EN LIAISON
Avant le communiqué du 24.
Le vieux baron Robert des Quinconces —
qu'on appelle sur les champs de courses le
vieux Boby -# écrit à sa sœur Gertrude la
chanoinesse. Le vieux Boby est, comme cha-
cun sait, membre de tous les cercles !'es mieux
cotés de Paris, et son autorité n'y fait auoun
doute. Voici sa lettre du 23 :
Hier, ma chère sœur, quand nous avons
repris le train de Paris, après les épreuves de
sélection de Chantilly. le coup d'œil était
vraiment lamentable. Il tombait une petite
pluie glaciale et sinistre. La forêt, pourrie par
l'automne, offrait aux yeux toutes les nuan-
ces de la décomposition. Quelques rares per-
sonnes, emmitouflées pour se protéger contre
le frç>id et l'eau, arpen latent tristement le
quai de la gare à Chantilly. La plupart, d'ail-
leurs, portaient encore des pardessus d'été,
car vous pensez bien que l'on ménage sa gar-
de-robe, en ce temps désastreux où tous les
vêtements ont à peu près augmenté du double
chez les tailleurs, et les hommes ne se hâtent
pas plus de sortir leurs paletots d'hiver que
les femmes ne se dépêchent de renoncer à
leurs tenues de demi-saison. La ruine univer-
selle se manifeste partout. /
" En réalité, un tel décor ainsi qu'une si
morne assemblée donnaient une idée de mort.
Et c'est bien en effet à là mort du sport hip-
pique que nous assistons. Comment- voulez-
vous donc que l'on continue à nourrir des ch-e-
-Vctax~v -tttr ~ T>rix'* emmid aMl'avoine ?
* Je me 'demande comment on va même
nourrir les humains, si tout cela continue.
Hier, au Starter Club, plusieurs dîneurs mou-
raient de faim en quittant la table... "
Etc!...
Après le communiqué du 24.
Le vieux Boby reprend la plume et adresse
une nouvelle lettre à la chanoinesse :
" Je regrette, ma chère, sœur, que vous
soyez trop détachée des frivolités d'ici-bas
pour prêter aux toilettes la moindre attention.
En vérité, il est divertissant et charmant de
constater, en errant par les rues, la prodi-
gieuse variété des tenues d'hommes et de fem-
mes, en ce moment : costumes d'été, d'au-
tomne, d'hiver, uniformes de toutes 'sortes,
tout est mélangé, et tout cela grouille, joue
sous les brefs et ravissants soleils d'automne,
ou sous les brumes douces, plus exquises en-
core. Quelle poétique saison ! Que de pour-
pre et d'or répandus en tous lieux !
" Que d'or, surtout, et non plus au figuré,
mais au propre ! On dépense des fortunes. De
magnifiques et florissantes écuries de courses
augmentent chaque jouir en importance com-
me en qualité. Notre race de pur sang peut
toujours se mesurer victorieusement avec les
meilleures, et nous aurons;' l'an prochain,
une étonnante saison de sélection !
" J'ai dîné hier chez les aimables Rieux-Ma-
tuvuz. Le menu était extraordinaire. Les
chefs et cuisinières arrivent, par ces temps
de restrictions, à témoigner une ingéniosité
qui touche positivement au génie... "
Etc!...
Qu'était-il arrivé ?... Relisez donc le com-
muniqué du 24.
— MARCEL BOULFNGER.
La vie chère
Quand la fille de la princesse Datation
épousa le comte Blü-rnr, les privilégiés in-
vités à l'exposition du trousseau de la ma-
riée remarquèrent beaucoup un simple cha-
peau de paille d'Italie orné de plumes bl'm- :
che.s. signé Herbeau, la modiste en vogue.
On se chuchotait à l'oreille que cette- mer-
veille avait coûté dix-huit cents francs.
Or, ceci se passait à Paris en 1828, en une
époque de paix profonde, où l'argent avait
encore toute sa valeur.
Même au prix où nos grandes élégantes
paient aujourd'hui leurs chapeaux, on peut
dire que, du moins pour cet arti'cle essen-
tiel, la vie n'est pas devenue beaucoup plus
chère.
Les sirènes muettes
Maintenant que c'est officiel, on peut
bien l'avouer : les sirènes fixes qui ont été
expérimentées, la semaine dernière, comme
nouvel avertisseur d'incursion aérienne
n'avaient pas du tout réussi. Les journaux,
comme ils y avaient été invités par l'auto-
rité, avaient dit à leurs lecteurs :
— Ne vous inquiétez p tas si vous enten-
dez d'horribles mugissements' de sirènes :
ce sont des expériences.
Si les journaux n'avaient pas inséré ces
appels au calme, personne ne se fût aperçu
de rien,. ---
-Si bien qu'un Parisien grand dormeur,
après ces expériences, disait :
— Ces sirènes sont excellentes : on ne les
entend pas !
Mais, comme ce n'est pas là la qualité
maîtresse d'un avertisseur de danger — au
contraire — on va chercher autre chose.
'Nous croyons pouvoir affirmer que rien
ne vaut les clairons de ces braves pompiers.
Il est vrai que, pendant qu'ils parcourent
la ville pour avertir les habitants que des
bombes d'avions pourraient mettre le feu,
ils ne pourraient pas l'éteindre.
Tout cela est bien compliqué.
Entre frères d'armes
A la terrasse d'un café, boulevard'des Ita-
liens, deux civils et lin militaire qui porte
cinq galons d'or à soiT-k(,p,i sont assis il lia
même table.
Paisse un soldat en capote gris sale, très
usée, Il ébauche un salut...
— Eh ! mon petit ! crie le colonel. Par ici !
Le soldat s'approche, indécis et embar-
rassé, toujours la main (LU képi, l'air de s,e
demander ce qui. y a lui arriver.
— Comment, ,tu ne reconnais pas ton co-
lonel ? fait l '-Officicl'. Allons, baisse ta patte
'et viens t'asseoir là. C'est moi qui paie.
Et ln, colonel lait asseoir son soldat à côté .
de lui, lui fait apporter-Ja--coi!ssomniufion-
qu'il désire et le présente à ses deux com-
pagnons, disant : » * - ' ■ ■
— Les vojlà, mes hommes : aussi timides
en ville qu'ils sont a,udacicux là-bas. Pas
vra.i, mon ami ?
Une protestation
Aime Lanvin proteste contre le bruit que
l'on propage tendant à faire croire qu'elle
aurait cédé sa, maison à une firme de nou-
veautés, que l'on va même jusqu'à nommer.
Elle prie sa clic'Dttcle de se mettre en garde
contre cette' assertion et l'informe qu'elle
reste toujours seule propriétaire de L--a mai-
son de couture et de modes. Mme Lanvin
fait rechercher" les auteurs de teLles infor-
mations, qui seront rigoureusement pour-
suivis conformément à la loi.
LE PONT DES ARTS
M. René Bizet, dont on se rappelle, à la Revue
de Hollande ef, aillB, les contes d'une vigueur
surprenante et d'un très haut style, vient d'ache-
ver un roman d'aventures très pittoresque et mou-
vcmenh) qui se passe en Espagne : Y Aventure aux
uuitares.
__
LE VEILLEUR.
CARTES DE SUCRE, DE PAIN, ETC., ETC... par Henry Fournier Henry Fournier
Henry Fournier
— Il rejoint son régiment?...
— Non : nous allons dîner en Ville.
LES CONTES D'EXCELSIOR
LA GOUTTE AMÈRE
PAR
HORACE VAN OFFEL
Mort&el était un doux village entoure
de jardins. Comme c'était à un pas du
fort X..., dans la zone des « servitudes
militaires », il y avait un grand nombre
de maisons fragiles en bois. Mais la de-
meure du capitaine London était eu bri-
ques et haute de deux étages. On la re-
connaissait de loin à son toit français,
surmonté de girouettes, et à la belle fe-
nêtre vénitienne du salon, où l'on voyait
la statuette d'un petit matelot de bronze.
Pendant cinquante ans, le capitaine
London avait vépu debout dans la tem-
pête, tenant la barre de sa-barque' aven-
tureuse. Le capitaine .était m0n voisin,
.Par-dessus la haie de mon domaine, je
l'apercevais, arrosant ses plates-bandes,
ou taillant ses rosiers. Nous habitions si
près de l'église que nous entendions, le
dimanche, chanter les orgues de la
grand'messe. C'était très doux. Telle-
ment doux qu'il nous, arrivait de restet
immobiles et" de nous regarder en sou-
riant, sans rien dire.
London était très vieux. Lorsque
n'étonnais de son bel âge, il me réporn
dait :
— Je suis une vieille baleine, goudron.
née et salée à l'intérieur. Puis la mort
m'a oublié : je lui ai si souvent glissé en.
tre les doigts !
Avec son vaste front découvert, cou-
ronné de cheveux ébouriffés, sa barbe
hérissée, le capitaine faisait penser à un
de ces arbres tordus, poussés dans le vent,
et qui semblent porter, même en temps
calme, un ouragan dans leurs branches
échevelées. Un jour il m'invita à venir
prendre l'apéritif avec lui, à l'auberge de
la Vaclrc Pie.
Il demanda deux verres d'alsembitter,
une liqueur infernale, moitié fiel,' moiti4
vitriol.
— Ça gratte ! fis-je en faisant la gri..
mace.
— J'en ai bu d'autres, railla London.
Nous devînmes bons amis. Il m'apprit
à fumer la pipe, à jouer aux cartes et à
faire des nœuds de marin. Il me raconta
ses voyages.
C'était un homme de mer de l'ancien
temps. Du temps des voiliers fous, aux
ailes vertigineuses, rasant la vague on-
doyante, comme des hirondelles. Il avait
vu les Indes, les îles de corail d'Océanie,
où sont les -anthropophages, les côtes
inexplorées d'Afriqué, les pôles et l'Amé-
rique.
— J'ai quitté mon patron, narrait-il,
quand il a voulu me donner un steamer.
Suis-je un homme pour commander un
paquebot? Une grande, lourde boîte de
fer, qui coule au moindre choc? Pour lllJ-
viguer à Hong-Kong ou à Valparaiso, avec 111
billet a aller et retour » ? Autant eût valu
me faire conducteur d'omnibus.! Non!
Mais parlez-moi d'un trois-mâts barque
ayant l'étrave hardie. Tout chante là-de.
dans. Et les voiles et les cordages, les hu-
nes, les perroquets, les cacatois, les per-
roquets de fougue ! Les focs et les clin-
focs, les écoutes, les amures, les hau'
bans et les gal-haubans. Rien qu'à pro.,
| uoncer ces noms, il me semble que j'y
suis encore. Je pense aux moussons, air!
tornades, aux cyclones. J'entends la ra-
fale soudaine secouer toute une forêt rem-
plie d'oiseaux. •
» C'était la belle époque. Nous ne sui-
vions pas, alors, de routes tracées à
l'avance. Nous étions un peu explora-
teurs, un peu trafiquante un peu contre-
bandiers, voire un peu pirates, Et dans
les contrées neuves le commerce était
profitable. Chez les nègres nous échan.
i gions des perles de verre contre de
I l'ivoire et de la poudre d'or ; à Java, nou'
avions du thé, du riz et de l'opium pom
des étoffes ; dans le Labrador, des four,
rures pour des couteaux ; aux Indes,
des cachemires, du safran, des rubis et
des' plumes pour des cotonnades ; en
Amérique, du cacao et. du tabac pour du
fer. Vous n'avez pas idée de cela. Le
monde entier nous appartenait.
— Quel est, lui demandai-je, le plus
beau pays de la terre?
Celui où 1'011 est né, murmura-t-il.
Je ne donnerais pas une rose de mon jar-
din pour tous les trésors de l'Orient et
de l'Eldorado réunis !
Quand vint la gperre, j'allai voir Lon-
don avant de partir pour l'armée:
; Adieu, capitaine. Il faudra veillet
au grain. Ça va être dur à avaler.
J'en ai bu d'autres, dit-il encore.
. , , # a . « «; )
Deux mois après., je m'évadai d'An-
vers, où j'étais resté caché. Avant do
prendre l'âpre chemin de l'exil, je vou-
lus revoir notre village. J'arrivai à Mort.
sel à la tombée du soir.
Le funèbre pavillon de Prusse flottait
sur le réduit bombardé du fort X... Da
Mortsel il ne restait plus qu'un amas de
pierres et de poutres calcinées. La mai.
son de London avait brûlé jusqu'au ras
du sol. Les habitants étaient dispersés.
Pourtant, tout près des ruines de l'au,\
-berge de la Vache Pie, je rencontrai unif
bonne femme qui me reconnut :
— Qu'est devenu le capitaine?
— Il n'a pas voulu partir, monsieur
Alors on l'a retrouvé tout près de sa de";
meure, debout et roide, face à l'incendie.
Il était mort. Comme il n'y avait plus de
bois on l'a mis en terre sans cercueil et,
sur sa tombe, on a planté la grande croix
de l'église. Pauvre capitaine ! Huit jours
auparavant, il était encore ici, buvant sa
goutte amère.
— Nous en boirons d'autres, répon<
Horace VAN OFFEL.
LES COURS
- LL. MM. le roi et la reine d'Angleterre
se sont rendus à Leconfield House Mayfair,
nouveau club qui vient d'être fondé pour les
officiers américains de terre et de mer.
CORPS DIPLOMATIQUE
— M. Isvolsky^ . ancien» ambassadeur de
Russie en France, est -arrivé à Paris, venant
de Biarritz. - '
MARIAGES
— En l'église Saint-Philippe. du Roule a été
célébré hier, dans l'intimité," le 'mariage du
comte Pierre de Geoffre de deChab ri gnac, sous-
jieutenant, piiôte aviateuj" à l'escadrille 116, à
Venise., fils du comte et de la ,oomtesse A. de
LES MARIES SORTANT '
DE SAINT-PHILIPPE DU Rouit
Geoffre de Chabrignac, tous deux décédés,
ave,c Mlle Yvonne de Marcé, fille de M. Victor
de Marcé, conseiller référendaire a la Cour des
comptes, et de Mme, née Warée.
— En la cathédrale de Saint-Patrick, à
New-York, a été célébré, avant-hier, le ma-
riage du marquis de Polignac, attaché à la
mission spéciale française aux Etats-Uni's,
;,vee Mrs Nina Floyd Crosby Enstis, fille de
. M. Walter Floyd Crosby. " '
Les témoins étaient: M. André Tardieu,
haut commissaire de la mission française ;
M. Maurice Gasenave, ancien ministre pléni-
potentiaire, membre de la mission financière,
:et le lieutenanit marquis de Créqui-Montfort
'dû Courtivron, membre de la mission mm.
taire.
DEUILS
— Les obsèques du professeur Dastre,
membre de l'Institut et de l'Académie de Mé-
decine, professeur à la Faculté des Sciences,
ont été célébrées, hier matin, à onze heures, à
œ'hôpital de la Charité, où le cercueil avait été
exposé dans la salle GOSiseJin.
LL. AA. RR.„le prince et -là princesse. Geor-
ges de Grèce avaient envoyé 'une couronne.
La famille.' était représentée' par -Mm-c. et
Mlle Dastre.
La section de médecine de l'Académie des
Sciences avait envoyé une délégation compo-
sée du docteur Laveran et de M M. Emile Pi-
card et Lacroix, secrétaires perpétuels ; M.
- Lucien Poincaré, vice-lecteur, était à la tête
idu Conseil de l'Université ; M. Appell, doyen,
'de la députation de la Faculté des Sciences ;
la Société de biologie avait également envoyé
une délégation.
Le président de la République était repré-
senté 'par le commandant Nazareth de sa maÍ-
son militaire. Le président du' Conseil et le
ministre de l'Instruction publique étaient ég'a-
le ment représentés.
Le cercueil a été transporté....,po'ur les obsè-
ques religieuses et l'inhumation, qui auront ,
lieu aujourd'hui, à Ermont (S.-et:.O.), dont le
regretté défunt a été maire.
— Un service a été célébré, hier, h onze
-heures, en l'église Saint-Honoré d'Eylau,
pour le repos de l'âme du marquis de Boitillé,
capitaine à l'état-major de là 138 division d'in-
fanterie, tombé 'au champ d'honneur.
Nous apprenons la mort :
Du général de brigade d'artillerie Palle, djd
cadre de réserve, grand officier de la Légion
d'honneur, qui a succombé'à Montmorency, à
l'âge de soixante-treize ans ;
Du général Crépey, commandant le dépôt
d'artillerie de la' 178 région, mort subitement
à Toulouse, âgé de cinquante-six ans. Il était '
revenu récemment du front ;
De Mlle" Eliane Millochau de Lagarde, qui
a succombé le 22 octobre, âgée de dix-huit
ans ;
De Mme Cayoliiie Valério, en religion Mère
Marie-Rachcl de Sion, décédée subitement en
Russie, alors qu'elle revenait en France.
Femme d'une grande intelligence et d'une-
haute culture, elle donnait, depuis deux ans,
avec un dévouement sans bornes, ses soins
aux blessés alliés à Bucarest, à Galatz, puis à
J cssv. Elle était la sœur de Mme Alfred Jous-
s"!in, femme du rédacteur en' chef du Monde
Illustré ,
BIENFAISANCE
— M. Franklin-Bouillon a fait remettre
au comité du " Secours national " une
somme de plus de 20.000 francs provenant
d'une vente, de bienfaisance que le ministre
des Missions et Propagandè à l'étranger avait
organisée à bord de l'Espagne en faveur de
Ç '.'Ís'sistance aux victimes de la guerre.
M.- .Franklin-Bouilkni a personnellement con-
tribué pour une part importante à ce dan,
ninsi que nos amis des Etats-Unis embarqués
ù bord deA'Espagne.
LA!T ^jFARiNEfl
CON'DENS , \' L ACTE E |
ST
trtVente fc. LA f?
Pharmaciens chez les M ARQUE |'i
Epiciers | XpREFERESH
BLOC-NOTES
IL y a quelque chose'qui m'étonne plus que
le renchérissement insensé de tout ce que
nous achetons : c'est la façon tranquille
dont ce renchérissement est accepté par tout le
monde.
Je me souviens ; et je compare.
Je me souviens d'août 1914 ; de ces in-
quiétantes journées où l'on vit la foule, en cer-
tains quartiers, se ruer sur des boutiques et
les saccager, à cause du prix excessif des
choses qu'on y vendait. Prix « excessifs » !
Le,s temps sont bien changés. Ces prix-là
semblent dérisoirement aimables — des prix de
vente au rabais ! — quand on les rapproche
de ceux que nous payons aujourd'hui ; et que
nous payons sans songer à saccager quoi que
ce soit ; sans penser même à nous plaindre.
Cette sérénité du consommateur en face des
petits problèmes et des aventures de la « Vie 1
chère » est certainement un des côtés les plus
curieux de la physionomie morale de notre
Paris, en ce moment.
Je sais bien que ce qu'on appelle « la vie
chère » est pour une foule de gens une vie
facile, et non dénuée d'agrément... Il y a
trois jours, dans un des restaurants les plus
connus du Boulevard, c'est-à-dire de la région
qui s'étend de l'Opéra aux abords de la Ma-
deleine, un
de deux jeunes officiers permissionnaires qui
méritaient qu'on les fêtât. L'industriel avait
tenu non seulement à honorer ses convives,
mais, comme il convient à un nouveau riche,
à s'honorer lui-même un peu... Et il avait
commandé un dîner de quinze couverts à
200 francs par tête, sans compter les musi-
ciens (un petit orchestre égayait la fête). Je
ne sais ce que fut le menu ; mais ce dont je
suis sûre, c'est que l'amphitryon paya cette
note avec joie ; — avec autant de joie que
semblait éprouver à payer la sienne, tout à
l'heure, une ménagère de l'avenue de Clichy
qui, arrêtée devant une poissonnerie, donnait
au marchand dix-sept francs pour une lan-
gouste. Etant très badaude, je m'amusai à
faire causer ce marchand, qui m'expliqua :
« C'est une famille d'ouvriers ; très braves
gens ; ils sont quatre, qui gagnent quinze francs
par jour dans une usine de guerre, et, de temps
en temps, s'offrent une pièce comme celle-ci. »
Car il y a des nouveaux riches à tous les
degrés de l'échelle sociale ; et rien n'est plus
naturel que de jeter un peu l'argent par les
fenêtres quand on le gagne trop facilement.
Mais, à côté de ces « profiteurs », n'est-il pas
admirable de voir avec quelle docilité s'ha-
bitue à tout payer trop cher la foule immense
de ceux que la guerre n'aura point enrichis,
ou que, même, elle aura appauvris un peu,
ou beaucoup, — ou ruinés ?
Donner 10 francs pour une paire de gants,
15 francs pour un gigot ou pour un resseme-
lage de bottines, 20 francs pour un peu d'eau
de Cplogne, 20 sous pour n'importe quoi qui
coûtait 5 sous il y a trois ans, et .qui J&Û?..
tera 30 la semaine prochaine, uoilà de quoi
'les; moins riches d'entre nous n'osent même'
plus s'étonner. On tend l'échiné... et on paye.
C'est notre .-Iaçon de « tenir )), à nous
autres, gens de l'Arrière. Je ne dis pas que
l'attitude soit héroïque ; mais peut-être, un
jour, reconnaîtra-t-on qu'elle avait son élé-
gance...
SONIA.'
Célébrité
La célébrité a beau être grande, elle-corn-
porto des revers. Paul Hervieu, dont on com-
mémore aujourd'hui l'anniversaire funèbre,
l'éprouva une fois -au moins eii,sa vie.
C'était quelque temps avant la guerre.
Un Français de passage à Bruxelles cau-
sait avec un des libraires les mieux acha-
landés de la ville.
M. Paul Hervieu, qui était également. dans
la capitale de la Belgique, apparut sur le
trottoir.
— Tenez, dit. le Parisien au libraire, en le
désignant, voici un de nos auteurs fameux
que vous devez connaître. Il se, vend bien,
n'est-ce pas ?
- Qui est-ce ? demanda le libraire.
— Paul Hervieu.
S'il se vend ? fit joyeusement le libraire,
je le crois bien. C'est lui qui a fait les
Deux Gosses, n'est-ce pas ?
Le Parisien rejoignit Paul Hervieu .et lui
raconta l'histoire. L'académicien ne la .trou-
va pas drôle.
Nom fâcheux, mais glorieux
Le village ïl'AUemant a clone été repris
aux Allemands.
Depuis longtemps ce nom fâcheux déso-
bligeait les habitants de ce joli village de
France. Lorsque les gars
voisin, ils avaient coutume dCI chanter en
arrivant une sorte de mélopée dont voici
les paroles : -
•Non .pas Ahenumds, mais François
Ayant tonneaux de vin chez soi.
...........
'Non pas Allemands, mais François
Ayant pièces de blé à soi.
...........
Non pas AHema.inds, mais F.rainoois"
Ayaint fourche et fusU' chez soi.
.............
...Après avoir ainsi revendiqué très haut
leur qualité de Français,, les garçons d'AHe-
mant se mêlaient joyeusement aux garçons
des autres villages.
En 187-i, le maire d'Allen1'Rnt demanda
que la commune reçût un autre nom. Or,
c'est là une mesure qui exige des formali-
tés très compliquées. La chose n'aboutit
pas cette fois-la. Peut-être, au lendemain
de ' la Grande Guerre, Allemant obtiendra-
t-il satisfaction par consentement unanime
du monde entier.
EN LIAISON
Avant le communiqué du 24.
Le vieux baron Robert des Quinconces —
qu'on appelle sur les champs de courses le
vieux Boby -# écrit à sa sœur Gertrude la
chanoinesse. Le vieux Boby est, comme cha-
cun sait, membre de tous les cercles !'es mieux
cotés de Paris, et son autorité n'y fait auoun
doute. Voici sa lettre du 23 :
Hier, ma chère sœur, quand nous avons
repris le train de Paris, après les épreuves de
sélection de Chantilly. le coup d'œil était
vraiment lamentable. Il tombait une petite
pluie glaciale et sinistre. La forêt, pourrie par
l'automne, offrait aux yeux toutes les nuan-
ces de la décomposition. Quelques rares per-
sonnes, emmitouflées pour se protéger contre
le frç>id et l'eau, arpen latent tristement le
quai de la gare à Chantilly. La plupart, d'ail-
leurs, portaient encore des pardessus d'été,
car vous pensez bien que l'on ménage sa gar-
de-robe, en ce temps désastreux où tous les
vêtements ont à peu près augmenté du double
chez les tailleurs, et les hommes ne se hâtent
pas plus de sortir leurs paletots d'hiver que
les femmes ne se dépêchent de renoncer à
leurs tenues de demi-saison. La ruine univer-
selle se manifeste partout. /
" En réalité, un tel décor ainsi qu'une si
morne assemblée donnaient une idée de mort.
Et c'est bien en effet à là mort du sport hip-
pique que nous assistons. Comment- voulez-
vous donc que l'on continue à nourrir des ch-e-
-Vctax~v -tttr ~ T>rix'* emmid aM
* Je me 'demande comment on va même
nourrir les humains, si tout cela continue.
Hier, au Starter Club, plusieurs dîneurs mou-
raient de faim en quittant la table... "
Etc!...
Après le communiqué du 24.
Le vieux Boby reprend la plume et adresse
une nouvelle lettre à la chanoinesse :
" Je regrette, ma chère, sœur, que vous
soyez trop détachée des frivolités d'ici-bas
pour prêter aux toilettes la moindre attention.
En vérité, il est divertissant et charmant de
constater, en errant par les rues, la prodi-
gieuse variété des tenues d'hommes et de fem-
mes, en ce moment : costumes d'été, d'au-
tomne, d'hiver, uniformes de toutes 'sortes,
tout est mélangé, et tout cela grouille, joue
sous les brefs et ravissants soleils d'automne,
ou sous les brumes douces, plus exquises en-
core. Quelle poétique saison ! Que de pour-
pre et d'or répandus en tous lieux !
" Que d'or, surtout, et non plus au figuré,
mais au propre ! On dépense des fortunes. De
magnifiques et florissantes écuries de courses
augmentent chaque jouir en importance com-
me en qualité. Notre race de pur sang peut
toujours se mesurer victorieusement avec les
meilleures, et nous aurons;' l'an prochain,
une étonnante saison de sélection !
" J'ai dîné hier chez les aimables Rieux-Ma-
tuvuz. Le menu était extraordinaire. Les
chefs et cuisinières arrivent, par ces temps
de restrictions, à témoigner une ingéniosité
qui touche positivement au génie... "
Etc!...
Qu'était-il arrivé ?... Relisez donc le com-
muniqué du 24.
— MARCEL BOULFNGER.
La vie chère
Quand la fille de la princesse Datation
épousa le comte Blü-rnr, les privilégiés in-
vités à l'exposition du trousseau de la ma-
riée remarquèrent beaucoup un simple cha-
peau de paille d'Italie orné de plumes bl'm- :
che.s. signé Herbeau, la modiste en vogue.
On se chuchotait à l'oreille que cette- mer-
veille avait coûté dix-huit cents francs.
Or, ceci se passait à Paris en 1828, en une
époque de paix profonde, où l'argent avait
encore toute sa valeur.
Même au prix où nos grandes élégantes
paient aujourd'hui leurs chapeaux, on peut
dire que, du moins pour cet arti'cle essen-
tiel, la vie n'est pas devenue beaucoup plus
chère.
Les sirènes muettes
Maintenant que c'est officiel, on peut
bien l'avouer : les sirènes fixes qui ont été
expérimentées, la semaine dernière, comme
nouvel avertisseur d'incursion aérienne
n'avaient pas du tout réussi. Les journaux,
comme ils y avaient été invités par l'auto-
rité, avaient dit à leurs lecteurs :
— Ne vous inquiétez p tas si vous enten-
dez d'horribles mugissements' de sirènes :
ce sont des expériences.
Si les journaux n'avaient pas inséré ces
appels au calme, personne ne se fût aperçu
de rien,. ---
-Si bien qu'un Parisien grand dormeur,
après ces expériences, disait :
— Ces sirènes sont excellentes : on ne les
entend pas !
Mais, comme ce n'est pas là la qualité
maîtresse d'un avertisseur de danger — au
contraire — on va chercher autre chose.
'Nous croyons pouvoir affirmer que rien
ne vaut les clairons de ces braves pompiers.
Il est vrai que, pendant qu'ils parcourent
la ville pour avertir les habitants que des
bombes d'avions pourraient mettre le feu,
ils ne pourraient pas l'éteindre.
Tout cela est bien compliqué.
Entre frères d'armes
A la terrasse d'un café, boulevard'des Ita-
liens, deux civils et lin militaire qui porte
cinq galons d'or à soiT-k(,p,i sont assis il lia
même table.
Paisse un soldat en capote gris sale, très
usée, Il ébauche un salut...
— Eh ! mon petit ! crie le colonel. Par ici !
Le soldat s'approche, indécis et embar-
rassé, toujours la main (LU képi, l'air de s,e
demander ce qui. y a lui arriver.
— Comment, ,tu ne reconnais pas ton co-
lonel ? fait l '-Officicl'. Allons, baisse ta patte
'et viens t'asseoir là. C'est moi qui paie.
Et ln, colonel lait asseoir son soldat à côté .
de lui, lui fait apporter-Ja--coi!ssomniufion-
qu'il désire et le présente à ses deux com-
pagnons, disant : » * - ' ■ ■
— Les vojlà, mes hommes : aussi timides
en ville qu'ils sont a,udacicux là-bas. Pas
vra.i, mon ami ?
Une protestation
Aime Lanvin proteste contre le bruit que
l'on propage tendant à faire croire qu'elle
aurait cédé sa, maison à une firme de nou-
veautés, que l'on va même jusqu'à nommer.
Elle prie sa clic'Dttcle de se mettre en garde
contre cette' assertion et l'informe qu'elle
reste toujours seule propriétaire de L--a mai-
son de couture et de modes. Mme Lanvin
fait rechercher" les auteurs de teLles infor-
mations, qui seront rigoureusement pour-
suivis conformément à la loi.
LE PONT DES ARTS
M. René Bizet, dont on se rappelle, à la Revue
de Hollande ef, aillB, les contes d'une vigueur
surprenante et d'un très haut style, vient d'ache-
ver un roman d'aventures très pittoresque et mou-
vcmenh) qui se passe en Espagne : Y Aventure aux
uuitares.
__
LE VEILLEUR.
CARTES DE SUCRE, DE PAIN, ETC., ETC... par Henry Fournier Henry Fournier
Henry Fournier
— Il rejoint son régiment?...
— Non : nous allons dîner en Ville.
LES CONTES D'EXCELSIOR
LA GOUTTE AMÈRE
PAR
HORACE VAN OFFEL
Mort&el était un doux village entoure
de jardins. Comme c'était à un pas du
fort X..., dans la zone des « servitudes
militaires », il y avait un grand nombre
de maisons fragiles en bois. Mais la de-
meure du capitaine London était eu bri-
ques et haute de deux étages. On la re-
connaissait de loin à son toit français,
surmonté de girouettes, et à la belle fe-
nêtre vénitienne du salon, où l'on voyait
la statuette d'un petit matelot de bronze.
Pendant cinquante ans, le capitaine
London avait vépu debout dans la tem-
pête, tenant la barre de sa-barque' aven-
tureuse. Le capitaine .était m0n voisin,
.Par-dessus la haie de mon domaine, je
l'apercevais, arrosant ses plates-bandes,
ou taillant ses rosiers. Nous habitions si
près de l'église que nous entendions, le
dimanche, chanter les orgues de la
grand'messe. C'était très doux. Telle-
ment doux qu'il nous, arrivait de restet
immobiles et" de nous regarder en sou-
riant, sans rien dire.
London était très vieux. Lorsque
n'étonnais de son bel âge, il me réporn
dait :
— Je suis une vieille baleine, goudron.
née et salée à l'intérieur. Puis la mort
m'a oublié : je lui ai si souvent glissé en.
tre les doigts !
Avec son vaste front découvert, cou-
ronné de cheveux ébouriffés, sa barbe
hérissée, le capitaine faisait penser à un
de ces arbres tordus, poussés dans le vent,
et qui semblent porter, même en temps
calme, un ouragan dans leurs branches
échevelées. Un jour il m'invita à venir
prendre l'apéritif avec lui, à l'auberge de
la Vaclrc Pie.
Il demanda deux verres d'alsembitter,
une liqueur infernale, moitié fiel,' moiti4
vitriol.
— Ça gratte ! fis-je en faisant la gri..
mace.
— J'en ai bu d'autres, railla London.
Nous devînmes bons amis. Il m'apprit
à fumer la pipe, à jouer aux cartes et à
faire des nœuds de marin. Il me raconta
ses voyages.
C'était un homme de mer de l'ancien
temps. Du temps des voiliers fous, aux
ailes vertigineuses, rasant la vague on-
doyante, comme des hirondelles. Il avait
vu les Indes, les îles de corail d'Océanie,
où sont les -anthropophages, les côtes
inexplorées d'Afriqué, les pôles et l'Amé-
rique.
— J'ai quitté mon patron, narrait-il,
quand il a voulu me donner un steamer.
Suis-je un homme pour commander un
paquebot? Une grande, lourde boîte de
fer, qui coule au moindre choc? Pour lllJ-
viguer
billet a aller et retour » ? Autant eût valu
me faire conducteur d'omnibus.! Non!
Mais parlez-moi d'un trois-mâts barque
ayant l'étrave hardie. Tout chante là-de.
dans. Et les voiles et les cordages, les hu-
nes, les perroquets, les cacatois, les per-
roquets de fougue ! Les focs et les clin-
focs, les écoutes, les amures, les hau'
bans et les gal-haubans. Rien qu'à pro.,
| uoncer ces noms, il me semble que j'y
suis encore. Je pense aux moussons, air!
tornades, aux cyclones. J'entends la ra-
fale soudaine secouer toute une forêt rem-
plie d'oiseaux. •
» C'était la belle époque. Nous ne sui-
vions pas, alors, de routes tracées à
l'avance. Nous étions un peu explora-
teurs, un peu trafiquante un peu contre-
bandiers, voire un peu pirates, Et dans
les contrées neuves le commerce était
profitable. Chez les nègres nous échan.
i gions des perles de verre contre de
I l'ivoire et de la poudre d'or ; à Java, nou'
avions du thé, du riz et de l'opium pom
des étoffes ; dans le Labrador, des four,
rures pour des couteaux ; aux Indes,
des cachemires, du safran, des rubis et
des' plumes pour des cotonnades ; en
Amérique, du cacao et. du tabac pour du
fer. Vous n'avez pas idée de cela. Le
monde entier nous appartenait.
— Quel est, lui demandai-je, le plus
beau pays de la terre?
Celui où 1'011 est né, murmura-t-il.
Je ne donnerais pas une rose de mon jar-
din pour tous les trésors de l'Orient et
de l'Eldorado réunis !
Quand vint la gperre, j'allai voir Lon-
don avant de partir pour l'armée:
; Adieu, capitaine. Il faudra veillet
au grain. Ça va être dur à avaler.
J'en ai bu d'autres, dit-il encore.
. , , # a . « «; )
Deux mois après., je m'évadai d'An-
vers, où j'étais resté caché. Avant do
prendre l'âpre chemin de l'exil, je vou-
lus revoir notre village. J'arrivai à Mort.
sel à la tombée du soir.
Le funèbre pavillon de Prusse flottait
sur le réduit bombardé du fort X... Da
Mortsel il ne restait plus qu'un amas de
pierres et de poutres calcinées. La mai.
son de London avait brûlé jusqu'au ras
du sol. Les habitants étaient dispersés.
Pourtant, tout près des ruines de l'au,\
-berge de la Vache Pie, je rencontrai unif
bonne femme qui me reconnut :
— Qu'est devenu le capitaine?
— Il n'a pas voulu partir, monsieur
Alors on l'a retrouvé tout près de sa de";
meure, debout et roide, face à l'incendie.
Il était mort. Comme il n'y avait plus de
bois on l'a mis en terre sans cercueil et,
sur sa tombe, on a planté la grande croix
de l'église. Pauvre capitaine ! Huit jours
auparavant, il était encore ici, buvant sa
goutte amère.
— Nous en boirons d'autres, répon<
Horace VAN OFFEL.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 76.3%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 76.3%.

×
GallicaPix est une expérimentation d'indexation hybride de différentes collections de Gallica à contenu iconographique. Les illustrations y sont indexées selon les modalités habituelles de Gallica mais aussi selon des critères (type d'illustration, objets détectés dans l'illustration, couleurs, etc.) obtenus par l'application de techniques d'intelligence artificielle. Obtenir plus d'information sur GallicaPix
- Auteurs similaires Lafitte Pierre Lafitte Pierre /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Lafitte Pierre" or dc.contributor adj "Lafitte Pierre")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 4/6
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k4606262w/f4.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k4606262w/f4.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k4606262w/f4.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k4606262w/f4.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k4606262w
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k4606262w
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k4606262w/f4.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest