Titre : Excelsior : journal illustré quotidien : informations, littérature, sciences, arts, sports, théâtre, élégances
Éditeur : [s. n.] (Paris)
Date d'édition : 1919-08-25
Contributeur : Lafitte, Pierre (1872-1938). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32771891w
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 25 août 1919 25 août 1919
Description : 1919/08/25 (A10,N3200). 1919/08/25 (A10,N3200).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4605493t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-228
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/07/2016
AU G. 2. G.
UNE VISITE AU SERVICE
DES DÉCORATIONS POSTHUMES
Douze cenr mille demandes ont été
adressées au maréchal Pétain, et
chaque jour deux mille dossiers
sont mis en chantier et soumis
aux opérations les plus
méticuleuses.
Nous avons eu -sou vent entre les mains
des lettres qui -sont la confession d"une
juste fi'erté 'et d'une déception bien digne
d',é.rr.oQuvojr. Toutes sont conçues à peu
près dans les mêmes termes : « Mon mari
— ou mon fils, ou notre frère — est tombé
au champ d'honneur, fac-e à l'ennemi.
Par sa conduite-et pour cette fin glorieuse
il a droit à une décoration, qui s'ajoute-
rait aux objets personnels qui nous sont
de chers souvenirs. Le diplôme et l'in-
signe témoigneraient qu'il a fait le sacri-
lice de sa vie pour la victoire de la France.
Mais sa récompense, il nous semble que
no.u's l'attendms en vain, et ruotr-e deuil
n'en devient que plus douloureux. »
Plus d'un million de flamHles françaises
g ont dans ce cas. Les unes se plaignent de
la lenteur des attributions, les autres se
taisent sans. se résigner. Nous avons voulu
voir, hier, ce qui motive cette attente, et
pour cela nous sommes allé faire une en-
quête au gr'a'nd quartier général, à Ghoan-
lijlly. Le service des décorations IPoslthu-
mes n'est pas à l'Hôtel du Grand Condé,
où il m'eût pas trouvé de locaux suffisants.
L'annexe est daJ.l's la magnifique propriété
dite la Maison carrée, domaine de verdure
qui appartint au prince de Joinville et à
:la duchesse, de Chartres.
300 secrétaires et 50 femmes
Si vaste que soit l'immeuble, nous dit-
on, il n'a pu contenir les montagnes de
dossiers et d'archives qui renferment les
plus belles pages de -la glo>ire française, et
iil mous a fal'lu installer des bureaux dans
des baraques Adrian. Nous avons eu jus-
qu'à 300 secrétaires hommes et_ une cin-
quantaine de femmes. Celles-e'â ont été
appelées les cornavines, du nom du chef
qui les dirige.
Nous avons vu tout ce monde à l'oeuvre,
cependant que notre guide continuait ses
explications :
— En vertu du décret du 1er octobre 1918,
complété par celui du 4 décembre, les
morts qui sont tombés sur le champ de
bataille peuvent être l'objet de propositions
pour la, Lésion d'honneur ou la médailLe
militaire. Jusqu'ici, nous avons enregistré
un million et deux cent mille demandes, et
'Je public ne soupçonne pas quelle somme
de travail cela représente pour nous.
» Notre personnel a été réduit par la dé-
mo'bilisation. Ceux qui restent fournissent
de longues journées de travail, et nous exa-
minons par jour une moyenne de-deux
mille dossiers. C'est un labeur méticuleux.
monotone, parce que, d'une part, il doit
porter sur de nombreux détails qui exi-
gent de grandes précisions, par conséquent
une attention soutenue, et que, de l'autre,
nous avons été obligés d'adopter une mé-
thode de travail qui n'est autre chose
qu'une véritable taylorisation administra-
tive.
La méthode Taylor
» Chaque jour, nous mettons 2.000 deman-
des en chantier. Il faut ouvrir des dossiers,
collationner des pièces, les examiner une
pa'r une. les faire souvent .compléter. par
iles dépôts, dresser des fiches, etc. Chacun
se charge d'une opération ou d'une série,
toujours la même. Telle employée gomme
toute la journée, telle autre- consulte le
ïichk>r, telle autre classe par catégories,
telle 'autre enfin établit les propositions.
Nous les examinons ensuite, nous y mettons
notre avis, et nous les soumettons au maré-
chal pour la décision. Après une journée de
travail, nous passons la soirée à donner des
signatures, et tout se fait ici, depuis la
réception, de la demande jusqu'à l'expédi-
tion des insignes. Une croix, une médaille,
cela tient peu dt, place, mais vous ne sau-
riez croire combien de papiers précèdent et
motivent l'une ou l'autre. Les pièces pas-
sent par une série de mains comme à l'usi-
nage, et chacune doit être calibrée, doit
s'ajuster, s'adapter avec une scrupuleuse
exactitude. De fait, c'est ici — et sans don-
ner au mot un sens péjoratif qui n'est pas
dans notre pensée — une véritable usine de
décorations, où le travail se fait en série,
les commandes étant remplacées par les
demandes, qui se multiplient. Et nous ne
nous occupons pas que des morts ! Il y a
aussi les vivants. Ceux qui ont eu la. cro.ix
de guerre veulent la médaille militaire ; les
me daines veulent la Légion d'honneur, et
combien de lettres contiennent tout le récit
délai.! Lé d'une action ou d'une campagne !
Et nous n'avons pas à nous occuper que des
militaires ! Il y a aussi les dames, les infir-
mières qui se sont dévouées dans les am-
bulances du front ou dans les hôpitaux de
l'intérieur, les Sœurs de charité laïques qui
ont fait, de jour et de nuit; un service péni-
ble dans les cantines dos gares, les gens du
Nord qui ont subi l'occupation avec hé-
roïsme et se sont dépensés pour alléger 'la
charge ou adoucir les épreuves de leurs
compatriotes, les habitants d' Al sac.e-L{}r-
raine qui nous ont aidés par leurs rensei-
gnements et leur patriotisme à reconquérir
OOiS provinces perdues.
Recherches méticuleuses
» Il nous faut lire toutes les lettres que
nous recevons, les classer, procéder à des
recherches, poursuivre des enquêtes, de-
mander les renseignements indispensables,
réclamer des pièces complémentaires, que
sais-je encore ! Vous voyez,'d'après l'océan
de papiers où il nous faut puiser, d'après
'le nombre de nos archives, que le travail
durera longtemps encore, si consciencieux
que puisse être l'effort 'de chacun. N
» Le tout n'est pas de décorer « à tour
de bras », et au petit bonheur, si j'ose
dire, mais, au contraire, de réserver les
récompenses à ceux qui les méritent réel-
lement, d'après leur conduite en temps de
guerre et leurs antécédents du temps de
paix. La croix ou la médaille n'est pas la
monnaie courante de la gloire qui appar-
tient à une collectivité : l'une ou l'autre
doit être la distinction individuelle de ce-
lui qui l'a héroïquement gagnée. L'intérêt
de tous ceux qui portent l'insigne, l'intérêt
des familles qui veulent l'ajouter au nom-
bre de leurs précieux et pieux souvenirs,
est que nous prenions toutes précautions
utiles pour qu'il ne soit pas démonétisé,
amoindri par des attributions hâtives. Le
maréchal tient à ne se prononcer qu'en
toute connaissance de cause et sur des avis
motivés. Ce sera beaucoup plus long, mais
qui donc pourrait nous demander d'aller
plus vite, étant donné le caractère du tra-
vail dont nous assumons la responsabl-
lité ? ».
— ROGER VALBELLE.
Le Vésuve
n 'est pas en éruption
ROME, 24 août. — Le bruit d'une érup-
tion du -Vésuve est sans fondement.
Il s'agit d'un incendie dans le bois do-
maniai de Montesomjma, qui a donné l'im-
pression d'une; éruption volcanique.
DERNIÈRE HEURE
A LA CONFERENCE
LE COMITÉ DE COORDINATION
POUR LE TRAITE AUTRICHIEN
SIÈGE JOUR ET NUIT
Un télégramme des « Cinq » in-
vite la Roumanie à tenir un compte
exact de ses réquisitions en ter-
ritoire hongrois.
Le Conseil suprême a décidé qu'un té-
légramme serait envoyé au gouvernement
roumain, demandant que la Roumanie
tienne un compte exact de toutes les réqui-
sitions et saisies actuellement opérées en
territoire hongrois par ses soins et que le
montant des réquisitions et saisies vienne
en déduction des sommes que la Hongrie
devra payer à la Roumanie en vertu du
traité à intervenir.
Le comité de coordination, qui avait siégé
une grande partie de la nuit dernière, s'est
réuni hier matin, et dans l'après-midi.
On sait qu'il s'occupe de la rédaction de la
réponse à faire par les puissances alliées et
associées aux contre-propositions autri-
chiennes. On continue à croire que le texte
des amendements à apporter au texte pri-
mitif pourra être discuté et adopté dans
sa séance d'aujourd'hui par le Conseil su-
prême. La lettre d'envoi qui doit accompa-
gner ce nouveau texte est déjà rédigée et
adoptée. '
Dans la Haute-Silésie
BALE, 24 août. — On télégraphie de BOT""
lin :
D'après les derniers communiqués, la si-
tuation militaire en Haute-Silésie apparaît
de plus en plus favorable. La plus grande
partie dû territoire révolté est fortement
occupée par les troupes gouvernementales
qui continuent leur oeuvre de nettoyage.
La reprise du travail dans les charbon-
nages continue et atteint maintenant 50 0/0.
La Deutsche Tageszeitung voit dans l'en-
voi en Haute-Si,lésie de représentants de
l'Entente, même avec une mission dé simple
documentation, « une atteinte à la souve-
raineté allemande M.
Pour le même motif, le journal con-
damne la constitution d'une zone neutre;
Sur le front bolchevik
Les Polonais sur la ligne de la Berezina
VARSOVIE,. 24 août. — Sur le front de
Lithuani,e et de Ruthénie blanche, dans le
secteur Nord de ce front, sur la ligne
Hhiboie-Wârgany, les luttes continuent.
Nos troupes ont atteint 'et occupé 1a. ligne
de la rivière Berezina, die l'embouchure de
l'Usza jusqu'à la rivière Swi;s,loàz.
Après des batailles acharnées, nous avons
occupé 1 Osi,p'&w i,cze et repoussé l'ennemi
dans la direction dç Tairtaka.
Cronstadt va être évacué
REVAL, 24 août. — La Krasnaia Gaze t(i
annonce que le gouvernement des Soviets
a décidé de faire évacuer Cronstadt par la
population civile dans le plus bref délai.
Exécution d'un ancien général ukranien
CONSTANTINOPLE, 24 août. — La commis-
sion extraordinaire d'Odessa a fait fusiller
l e général Rogoz, a ncië n ministre de la
Guerre sous le gouvernement de l'hetman
Skoro'padaky, en Ukraine.
Le prince de Bülow
dénonce Bethmann-Hollweg
ZURICH, 24 août. —-On télégraphie de
Berlin :
Le prince de Biilow, ancien chancelier/ ex-
pose dans le Hamburger Frerndenblatt ses
idées sur les causes de la guerre. Pour lui,
la faute du gouvernement allemand est une
faute purement politique. Il nie .que la
guerre ait été inévitable dès le début de
l'ère Bethmann. C'est la politique atliem'ande
en Orient, c'est la mission du général Li-
man von Sanders qui ont fait de la Russie
1 ennemie de .l'Allemagne. Bülow reproche à
Bethmann de s'être livré les yeux fermés
au gouvernement de Vienne. « La bonne
volonté, écrit-il, qui est suffisante en mo-
rale, ne suffit pas en politique, car la poli-
tique est un art qu'il s'agit de posséder. »
Mesures de rigueur
contre les C. O. S. de Berlin
ZURICH, 24 août. — On télégraphie de
Berlin :
Le gouvernement s'est décidé, hier, à in-
tervenir à nouveau contre le conseil exé-
cutif berlinois. Depuis quelques emaines,
le conseil n'était composé que d'indépen-
dants et de communistes, les socialistes de
droite l'avaient quitté pour ne pas être,
disaient-ils, maltraités par ces derniers.
D'autre part, le conseil avait, de sa propre
initiative, et indépendamment de toute in-
fluence gouvernementale, prétendu orga-
niser d'après ses propres méthodes de nou-
velles élections au conseil des ouvriers. Le
gouvernement a fait occuper militairement
les locaux du conseil exécutif, arrêter quel-
ques-uns de ses membres et saisir une
grande partie des papiers. La Freiheit du
24 au matin 'proteste contre cette nouvelle
violence de Noske, et annonce que le ,conseil
tiendra désormais ses séances dans un au-
tre bureau.
Incident tragique à Berlin
BERNE, 24 août. - Le Journal de Midi
de Berlin donne des détails sur le tragique
incident qui .s'est déroulé à Berlih, dans la
Tiergartenstrasse, au cours de la nuit do
jeudi.
Le poste de garde d'un bataillon d'as-
saut ouvrit subitement le feu sur une au-
tomobile qui, dit-on, n'obéit pas assez
vite à l'ordre de s'arrêter. Une fille du
fondé de pouvoirs de la maison Bleichroe-
der et Cie a .été tuée ; une de ses sœurs,
ainsi qu'un docteur qui l'accompagnaient,
ont été grièvement blessés.
Le ministre de la Guerre
italien se retirerait
ROME, 24 août. — Le bruit court que
M. Albrieci, ministre de la Guerre, aurait
l'intention de. démissionner. Cette décision
serait motivée par des divergences d'opi-
nion entre le ministre et le président du
Conseil concernant l'attitude, à prendre à
'l'égard de la campagne de dénigrât ion que
certains journaux mènent contre l'armée.
Le Giornale del Popolo et la Gazzetta del
Popolo, qui publient cette information, ap-
prouvent ouvertement le - ministre - de ta.
Guerre....
NOS PROVINCES RETROUVÉES
LA FIN DU VOYAGE
DE M. POINCARE
EN ALSACE-LORRAINE
Le président de la République a
terminé- sa randonnée par une vi-
site à Sarreguemines, à Château-
Salins et aux champs de bataille
de 1870 et de 1914.
SARREGUEMINES, 24 août. — Le président
de la République et Mme Poincaré ont
quitté Metz, ce matin à 8 h. 50, au milieu
des acclamations de la foule, et pris le train
se rendant à Saint-Avold, Forbach et Sarre-
guemines.
Aux champs de bataille de 1870
La ligne du chemin de fer, à une 1
vingtaine de kilomètres de Sarreguemines,
traverse les fameux champs de bataille où
Frossard, le 6 août 1870, avec 20.000 hom-
mes. tenta d'arrêter une- armée de
70.000 Allemands. On aperçoit les collines
peu élevées, mais nombreuses, où se dérou-
,Ièrent ces tragiques événements, les unes
boisées, les autres ne présentant que des
champs s'étendant à perte de vue.
Le train présidentiel s'arrête quelques
minutes à Saint-Avold et à Forbach, oÙ la
population de la région avoisinant ces deux
villes est venue saluer à son passage le chef
de l'Etat. Des fleurs sont offertes à
l'lme Poincaré..
M. Poincaré se fait. présenter les nota-
bilités des deux villes et, en quelques mots
chaleureusement applaudis, félicite les ha-
bitants d'être restés aussi fortement atta-
chés à ,l'idée nationale.
Le train présidentiel repart pour Sarre-
guemines, où il entre en gare à 11 h. 15.
Le maire, M. Sigvald, et les autorités sa-
luent le président de la République et Mme
Poincaré à leur descente de leur wagon-
salon. Place de la Gare, un public très
nombreux les acclame. Un bataillon du
153" de ligne rend les honneurs.
La ville, que l'on aperçoit en contre-bas
du chemin de fer, le long de la Sarre, est
pavoisée de milliers de très grands dra-
peaux- ; des branchages de- sapin ornent
les. rues.. #
Devant la gare, de jeunes Lorraines of-
frent des fleurs à Mme Poincaré.
Le président décore de la Légion d'hon-
neur plusieurs officiers et l'abbé Braun,
curé de Remelging.
Le général Andlauer présente les offi-
ciers de la garnison à M. Poincaré;
Le président de la République et Mime
Poi.ncaré montent avec le maire dans un
landau découvert, attelé de deux chevaux.
D'autres voitures identiques sont réser-
vées à MM. Millerand et Mir-man, aux gé-
néraux de Maud'huy, Pénelon et AndLauer,
et les autres personnalités reriio ntent, en
automobile."'
La traversée de la. ville est triomphale ;
de nombreuses banderoles portent des ins-
criptions telles que : « Au grand Lor-
rain ! » , « Salut aux vainqueurs ! »
Les habitants des campagnes environnan-
tes sont venus très nombreux, si bien que
l'on a l'impression de traverser une grande
ville, tant la foule est dense sur le pas-
sage du président de la République. ^
Le si joli geste des Lorrains de faire
pleuvoir des fleurs sur le passage du cor-
tège présente ici quelque inconvénient lors-
que les bouquets tombent d'un deuxième
ou d'un troisième étage : c'est une véritable
aval.anche de roses, de dahlias, de margue-
rites que reçoivent en souriant le président
de la Républiue, tête nue, et Mme Poincaré.
Un groupe de trente jeunes Lorraines, no-
tamment, déclenche un tir de barrage du
haut des marches du palais de justice ; le
valet de pied ne 'cesse d'écarter les fleurs.
Le président de la République et Mme
Poincaré arrivent ainsi à l'hôtel de ville
au milieu des ovations ininterrompues ;
des fillettes leur remettent encore des
fleurs.
Dans la salle des fêtes, le maire présente
au président les notabilités de la ville, puis
il lui souhaite la bienvenue.
Le maire raconte la longue histoire fran-
çaise de la ville et affirme que ses conci-
toyens sont résolus à travailler dans l'or-
dre et la liberté à la restauration de la
France.
Le président remercie le maire de ses
paroles de bienvenue, puis il ajoute :
— Partout où nous sommes passés, nous
avons trouvé des traces profondes, inaltérées,
de la fidélité de la Lorraine. Pas un village où
nous nous soyons arrêtés, que dis-je, que nous
avons traversé, où nous n'ayons trouvé la
preuve de cette fidélité irrésistible, qui a triom-
pl ; de toutes les oppressions exercées par
l'Allemagne pendant quarante-huit ans, car je
ne sais que trop que c'est pendant les quatre
années de guerre que l'Allemagne s'est révélée
telle qu'elle était. Avant 1914, elle dissimulait
encore, elle joignait l'hypocrisie aux tentatives
d'intimidation ; elle essayait de vous circonve-
nir, plutôt qu'elle ne vous molesta'it ; mais de-
puis le jour où la guerre a été déclarée, ses
procédés se sont révélés tout autres, elle n'a
plus hésité à user de violence et de barbarie.
Le président dit ensuite qu'il a observé
partout la présence de trois groupes, sym-
boles de fidélité à la France : celui des Vé-
térans de 1870, celui des proscrits qui
avaient fui l'oppression ail (mande, et celui
enfin des jeunes Alsaciens qui avaient
réussi a s'échapper des lignes ennemies
pour venir servir tffl France.-
— Je retrouve dans la Lorraine délivrée, dit
M. Poincaré, en terminant, l'âme française aussi
pure, n'ayant subi aucune adultération sous le
joug étranger.
On applaudit longuement ; le président
se rend à la faïencerie qu'il visite, et assiste
ensuite à un. déjeuner à l'hôtel de ville.
La ville de Sarreguemines a offert au pré-
sident et à Mme Poincaré trois superbes
spécimens de son industrie locale : un ser-
vice de table, une pièce en peluche noire
et un petit coffre-fort.
A 14 heures, le président et Mme Poin-
caré repartent en automobile pour Dieuze.
Au milieu des délégations venues à Sarre-
guemines pour saluer lie président de la
République figurent une importante déléga-
tion du pays de la Sarre, ayant à sa tète
le conseil municipal de Sarrelouis, plu-
sieurs conseillers municipaux de Sarre-
bruck, un directeur d'usine privée, qui ont
tenu, à l'occasion, du voyage présidentiel en
Lorraine, à faire une visite de haute cour-
toisie au chef de l'Etat français.
Le président rentrera demain 'à Paris.
NOUVELLES BRÈVES
— M. Ignace, sous-secrétaire d'Etat à la Jus-
tice, a assisté, hier, à Auxonne, au concours des
sociétés-de gymnastique de la Côte d'Or.
— Un agent auxiliaire, René Vitry, vingt-cinq
tans, attaqué La nuit, à Nanterre, tire sur ses
agresseurs, et tue l'un d'eux, un Arabe du nom
de Azaoune Mohamed ben Aih&med.
— L'incendie des forêts de Feugero-lies, qui
avait redoublé, d'intensité dans la ndit, paraît cir-
conscrit. Les-dégâts sont considérables.
GRAVE ACCIDENT
UN TRAIN A DÉRAILLÉ HIER
SUR LA LIGNE DE BORDEAUX
PRÈS D'ARTIX
Il y a sept morts et de nombreux
blessés. Le préfet des Basses-
Alpes s'est rendu sur les lieux de
la catastrophe.
PAU, 24 août. — Le train n° 513, quit-
tant Pau à 4 heures 58, et :allant dans la
direction de Bordeaux, a déraillé, hier soir,
près de la gare d'Artix.
Plusieurs wagons ont été brisés et qua-
tre personnes ont été tuées sur le coup.
Le chiffre officiel des morts et des bles-
sés n'est p'as encore connu, beaucoup de
blessés ayant été dirigés, en automobile, sur
Pau, Dax et Orthez. Plus de 25 blessés
sont arrivés à Pau; trois sont morts à l'hô-
pital. Ce sont : Mlle Thérèse Landeau, de
Marseille; Jean Verges, soldat, âgé de
vingt-deux ans, et un homme âgé d'une
quarantaine d'années, et dont l'identité est
encore inconnue.
Parmi les blessés se trouvent Mme Fave,
MUas Lucienne et Marie-Louise Fave, dont
le père et la grand'mère ont été tués ;
Mmes Rioux et Mazou, dont les maris ont
trouvé la mort dans l'accident.
Le préfet des Basses-Alpes s'est rendu
sur les lieux de l'accident.
- La circulation des trains n'est pas in-
terrompue.
Amiens, Montdidier
et Péronne
citées à l'ordre de l'armée
Le président du Conseil, ministre de la
'Guerre, cite à l'ordre de l'armée les villes
ci-après :
LA VILLE D'AMIENS : a supporté du-
rant quatre ans avec un courage et une di-
gnité sans défaillance le bola menace de l'ennemi. Par sa fermeté de-
vant le péril, par la fière attitude de sa
population, alars même que les vicissitu-
des de la lutte avaient ramené la bataille
jusque dans ses faubourgs, a bien mérité
de la patrie.
LA VILLE DE MONTDIDIER : vaillante
cité, dont la guerre a fait une martyre.
Après avoir subi plus de deux années le
feu des canons ennemis, a connu tour à
tour les joies de la délivrance et l'horreur
d'une ocoxupation brutale. Position impor-
tante et âpre ment disputée, a subi une
destruction totale, payant de sa ruine la
victoire de la patrie.
LA VILLE DE PERONNE : cité qui, au
cours de cette guerre, s'est montrée digne
de son passé.
Tombée dès lés premières heures de la
campagne sous le joug de l'envahisseur,
délivrée en 1917, captive de nouveau en
1918, ayant vu la rage de l'ennemi détruire
sur son territoire ce que le canon avait
épargné, a mérité la reconnaissance du
pays par la noblesse de son attitude.
L'information
contre M. Ernest Judet
Le journal l'Eclair nous communique la
no'te suivante :
Les journaux publient l'information sui-
vante :
Le gouverneur de Paris vient de donner
l'ordre d'ouvrir une information pour in-
telligences avec l'ennemi contre M. Ernest'
Judet.
Nous ne savons rien de l'inculpation, mais
est-il besoin de dire que la société actuelle,
propriétaire du journal l'Eclair depuis le 1er
août dernier, n'a jamais eu de relation d'aucune
sorte avec M. Ernest Judet, qui, en décembre
1917, vendit son journal à M: René Wertheimer,
et partit aussitôt pour la Suisse.
Les dockers de Marseille
décident la grève générale
MARSEILLE, 24 août. — Les dockers, en-
sacheurs, charbonniers et emballeurs, réu-
nis en grand nombre, cet après-midi, à la
Bourse du Travail, ont voté, à l'unanimité,
la grève générale de la corporation.
La dernière commission paritaire avait
fixé la journée de huit heures à 16 francs,
et les heures supplémentaires il, 4 francs ;
l'assemblée a maintenu la décision votée
récemment : journée de huit heures et
20 francs, suppression des heures supplé-
mentaires.
Les dockers ont décidé de I1B reprendre
le travail qu'après satisfaction complète.
Le préfet des Bouches-du-Rhône a dé-
c.idé de convoquer à nouveau l,a commis-
'sio'n paritaire en.vue de solutionner défini-
tivement le conflit.
Les délégués- ouvriers, tout en mainte-
nant leurs revendications, ont déclaré ac-
ce'pte.r de faire partie de la commission.
Une automobile
broyée par un train
CIIAMBÉRY, 24 août.— Une limousine
appartenant à M. Charrin, directeur de la
succursale de la Banque de France à Mar-
seille, et conduite par le chauffeur Garrol,
âgé de quarante-six ans, père de sept en-
fants, a été broyée par l'express de Gre-
noble 2646. Le chauffeur a été tué sur le
coup. La barrière du passage à niveau avait
été laissée ouverte.
La police de Londres
contre les bandits modernes
LONDRES, 24 août. — Les vols à main
armée opérés par des bandes disposant
d'automobiles rapides, qui leur permettent
trop souvent d'échapper aux poursuites, se
sont multipliés ces temps derniers à Lon-
dres et dans l'a banlieue d'une façon inquié-
tante.
Pour y remédier, la police de Londres a
mis à l'étude la création d'un corps spé-
cial de (jolicemen motocyclistes. Bien qu'à
Scotland Yard on observe à cet égard une
discrétion compréhensible, il y a tout lieu
de croire 'que le public ne tardera pas à être
protégés contre ces attaques par des pa-
trouilles de police armées et disposant des
moyens les plus perfectionnés'de poursuite
et de défense.
Le service compétent a également décou-
vert les fils de l'organisation de ces bandi's
de haut vol qui, pour la plupart, font partie
de vastes associations, disposant non seule-
ment d'une quantité considérable de'voi-
tures rapîdes. mais encore d'un service
d'espionnage des mieux organisés,
Les Américains poursuivent
les bandits mexicains
WASHINGTON, 24 août. — Les troupes
américaines de la ,base de Marfa (Texas),
placées sous le commandement du major-
général Dickman, continuent la poursuite
des « hors la loi » dans le nord du Mexi-
que. Des cavaliers sont lancés à la pour-
suite des bandits qui ont exigé une ranço'n
pour la libération des lieutenants Paterson
et Davis.
Depuis jeudi, date à laquelle les soldats
américains ont franchi la frontière, ils ont
tué quatre « hors la loi » au cours d'une
rencontre. De plus, un des aviateurs char-
gés' d'opérer la liaison entre les troupes et
leur base de Marfa a tué un bandit mexi-
'cain.
Le gouvernement de Carranzà veut éviter
tout conflit
WASHINGTON, 24 août.— On a l'impres-
sion que le gouvernement du Mexique dé-
sire éviter tout conflit armé contre l,es
Etats-Unis, et qu'il n'enverra aucune
troupe contre les contingents américains
qui sont chargés de rechercher et de punir
Les partisans mexicains qui se sont em-
parés des deux aviateurs américains.
La ville de Fiume
veut pouvoir disposer
d'elle-même
ROME, 24 août. — On télégraphie de
Fiume :
Le Conseil national, bien décidé à dé-
fendre les droits de la ville jusqu'aux ex-
trêmes limites des possibilités humaines,
a rappelé son plénipotentiaire. M. Ossoinak
a quitté Paris, laissant pour le remplacer
MM. le docteur Antoni et le docteur Chio-
pris en qualité de simples experts auprès
de la délégation italienne.
Par cet acte, la ville de Fiume entend
se réserver toute,liberté d'action et demeu-
rer étrangère à toutes les délibérations la
concernant qui seront prises par la Confé7
rence.
La grève, déclare M. Nitti,
est un fléau destructeur
ROME, 24 août. — La presse commente
favorablement la circulaire adressée par
M. Nitti aux préfets, et dans laquelle il
souligne la nécessité de pousser le.pays à
l'économie et au travail. L'augmentation
de la production, dit la circulaire, est une
nécessité primordiale. L'Italie achètera,
cette année, pour 15 milliards fe plus qu elle
ne vendra. Dans ces conditions, la grève
devient un fléau destructeur comme l'in-
cendie. Toute abstention de travail est une
faute, toute indifférence de la part des in-
dustriels est un délit.
M. Nitti annonce que le gouvernement
devra augmenter le prix du pain s'il veut
éviter un déficit supérieur à celui de deux
milliards et demi qui fut, l'année dernière,
le résultat de la vente du pain ' un prix
inférieur à celui de son .prix de revient.
Après avoir exprimé sa gratitude pour
l'aide fournie par les Alliés, le président
du Conseil fait remarquer qu'il est logique
que l'Amérique ne veuille plus accorder de
crédit aux nations qui n'entrent pas dans
la voie d'une réorganisation économique
sérieuse, et il termine en invoquant l'union
sacrée pour surmonter la crise.
La préparation militaire
à Strasbourg
STRASBOURG. 24 août.. — Ce matin a eu
lieu, à la mairie de Strasbourg, une impor-
tante réunion, au cours de laquelle a été
fondée l' « Union fédérale des sociétés
d'éducation physique et de préparation aIt
service militaire d'Alsace et de Lorrain1 ».
La présidence du nouveau groupement, a
été offerte à M. Lucien, Lattès, pr. 'ident
de la Fédération nationale des socii',• s de
préparation militaire de France.
A la suite de la réunion a eu lien, cet
après-midi, un grand concours ent 1 u les
sociétés d'éducation physique d'Alsace. De
nombreux prix et récompenses ont t é of-
ferts par le président de la République, les
ministres de la Guerre, de l'Intérieur de
l'Instruction publique, le préfet de la Sene.
etc., etc.
Un banquet, présidé par le colonel La-
grue, directeur de l'infanterie, représen-
tant le ministre de la Guerre, a eu lieu à
l'issue du concours. Des discours v ont été
prononcés par M. Lattès, les généraux Lîjtr-
vergne et Denery, par le colonel Lagrue,
et par M. Adolphe Chéron, président des
sociétés d'éducation et de préparation mi-
litaires.
Un record d'athlétisme
a été battu hie
STRASBOTJRG, 24 août (Dépêche particulière).
— Aujourd'hui, grande réunion athlétique orga-
nisée par. l'Association Sportive de Strasbourg
au bénéfice de'la Jeunesse Sportive de Reims.
Le temps était splendide. Après une belle dé-
monstration de gymnastique faite par des mo-
niteurs de l'Ecole de Joinville, les courses et
concours athlétiques donnèrent :ieu à des per-
formances remarquables. L'athlète strasbour-
geois Oscar Bougard battit le record du javelot,
en envoyant son arme à 45 m. 30, L'ancien re-
cord était de 44 m. 28. +
[S'agit-U là dit lancement du javelot, ancienne
manière ?]
Le tournoi d'escrime
d'Ostende
OSTEXDR, ?1 août. Le Grand Prix ïe la,
Victoire, épreuve internationale d'épée, réservée
aux équipes militaires interalliées, a été gagné
par l'Italie, devant la France et la Balgiqu.-.
Le Grand Prix des Etrangers (épreuve, indi-
viduelle) a donné les résultats suivants :
1. lieutenant l\IangglaroLti (Italien), 2. ex-xquo,
major Anspach (Belge), lieutenant Boin (Belge),
lieutenant Ducret (Français) ; 3. lieutenant Bns-
leta (I), 4. lieutenant Dubourdieu (F), 5. ex.-
lequo, Joe Bridge (F), lieutenant Ochs (B).
ABONNEMENTS DE SAISON
Afin d'éviter à nos lecteurs les inconvé-
nients qu'ils pourraient rencontrer pour se
procurer « Excelsior » dans certaines loca-
lités, nous avons créé des abonnements de
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sommes, prière de vouloir bien accompagner
toute demande du montant de l'abonnement.
HISTOIRE ABSOLUMENT APOCRYPTE
d'après des documents forgés
par ADRIEN VÉLY
ADRIEN VÉLY
Alors que le roi Louis XI résidait en son
château de Péronne, il avait confié la sécu-
rité de sa personne auguste à une forte armée,
composée de gens de toutes armes français et
d'archers écossais. C'était, pour des soldats ha-
bitués aux rudes combats de la guerre, une
mission qui leur laissait beaucoup de loisirs.
Aussi vivaient-ils dans une grande oisiveté.
Or, comme chacun sait, l'oisiveté est la mère
de tous les vices. Je n irai pas jusqu'à affir-
mer que les gardes du roi Louis XI en avaient
acquis la collection complète ; mais je n'éton-
nerai personne en disant qu'ils en possédaient
une agréable sélection. Le jeu, notamment, fai-
sait leurs délices. Ils jouaient aux dés, aux
osselets, à croix ou pile, et avec une combi-
naisQn de cartes qu'ils avaient apprise dans
leurs rencontres avec les lansquenets. Tout
leur argent passait ainsi de mains en mains,
sans qu'il en résultât autre chose que des dis-
putes.
Si, pourtant, en résulta-t-il autre chose.
Rien n'est contagieux comme le marnais
exemple. Les soldats ne tardèrent pas à en-
seigner leurs jeux aux gens de la ville et des
environs. Et ceux-ci, bientôt, les pratiquèrent
avec furie. Ils jouaient entre eux chaque fois que
l'occasion s'en présentait ; et ils se réunissaient
même pour jouer dans des locaux qu'ils avaient
spécialement aménagés pour cela. Il s'ensui-
vit dans toute la région de grands troubles et
des ruines funestes.
Le roi Louis XI, qui protégeait la vertu
chez les ^autres plus qu'il ne la professait lui-
même, s émut d'une telle situation qui offen-
sait la morale publique. Et il fit part à son
compère Olivier des réflexions qu'elle lui sùg-
gérait.
— Ces gens sont fous, Olivier, disait-il. Au
lieu de travailler pour gagner de l'argent ou
pour faire fructifier l'argent qu'ils auraient ga-
gné, ils risquent leurs dernières ressources dans
des parties de hasard, et cela sans aucun pro-
fit. Car tel qui gagne aujourd'hui, demain
perdra ; et c'est toujours la même somme qui
constitue le fonds commun.
— Voilà certains effets de la sottise hu-
maine, Sire, répondit Olivier.
— La sottise doit être châtiée, reprit le
roi. J'ai bien envie de publier que tous ceux
qui seront pris en train de jouer seront pen-
dus.
— Tous ceux qui n'auront point été pen-
dus se cacheront pour jouer, Sire. Aucune
peine au monde ne l'es fera renoncer à leur
passion. Quand le jeu' s'est implanté dans les
moelles de l'homme, rien ne saurait l'en ex-
tirper.
— Alors, dit le roi, je les veux faire pen-
dre tous.
— Assurément, ils ne joueront plus dans
ce cas, remarqua Olivier. Et ce sera peut-
être dommage.
— Que veux-tu dire, mon compère ? de-
manda Louis XI. Je devine chez toi quelque
pensée cachée.
— Je veux dire, Sire, que, le jeu étant un
mal que, personne ne peut faire disparaître,
mieux vaut alors en tirer parti.
— Et comment cela ?
— En prélevant un impôt sur les enjeux
et sur les gains. Cet impôt nous amènerait
beaucoup d'argent, qui permettrait à Votre
Majesté d'entreprendre et -d'exécuter toute
sorte de travaux utiles.
— Voilà qui est supérieurement raisonné !
s 5 écria le roi. Et tu es bien le plus madré com-
père qu'un monarque puisse avoir à son ser-
vice. Ton impôt est admirable, et je le veux
établir dès aujourd'hui.
Ainsi fut fait. Les habitants de Péronne et
des environs trouvèrent la rançon royalement
amère. Mais comme il leur avait été spécifié
que ceux qui ne la payeraient pas seraient
pendus haut et court, ils préférèrent continuer
à jouer moyennant un sacrifice, plutôt que de
faire connaissance avec le gibet. Et l'impôt fut
exactement versé.
Quand la première collecte en fut faite, les
notables de la ville vinrent l'apporter ès mains
du roi Louis XI. Et le plus âgé d'entre eux
s'adressa à lui en ces termes :
— Voici notre contribution, Sire. Elle se
monte à la somme de douze cent mille livres
en monnaie d'or. Votre Majesté a bien voulu
nous faire savoir qu'Elle l' en:pL ierait pour -,0-
tre commodité ou notre avantage. Or. Sire,
nous avons grand besoin d'une église pour le
faubourg des tanneurs. Et s'il piaisait à Votre
Majesté de la faire construire avec nos de-
niers, nous Lui en serions profondément et res-
pectuetisement reconnaissants.
— Je n'ai qu'une parole, dit le roi. L'église
sera construite.
Les notables s'en retournèrent , fort satis-
faits. Mais le visage du roi Louis XI ne
reflétait aucune satisfaction. Et il dit à son
compère Olivier, arec une grande colère da. i\S
la voix :
— Le diable les emporte, eux et l'eur église !
'— Je ne m'attendais pas, Sire, à voir mê-
ler le diable en cette affaire, repartit Olivier.
-— C'est que tu n'es pas un profond poli-
tique, Olivier. Tu es un serviteur zélé et quel-
quefois adroit ; mais tu n'es pas un profond
politique. J'avais promis à toute cette ca-
naille d'employer leur argent à des oeuvres
utiles. Mais promettre et tenir sont deux. Et
je ne considérais pas d'oeuvre plus utile que
de m'approprier leur tribut. J'ai bien envie de
ne pas faire construire cette maudite église.
— Votre parole est engagée, Sire.
— Nous la dégagerons, si telle est notre
volonté.
— Il s'agit d'une église, Sire ; et la colère
céleste pourrait frapper Votre Majesté.
— Tu as raison. Alors que le dia.ble t'em-
porte, toi et ton impôt !
— Grand merci, Sire. Mais il y aurait
peut-être mieux à imaginer que cela ?
— Et quoi donc ?...
— Votre Majesté n'a fixé aucun délai pour
la construction de l'église.
— Aucun.
— Adonques, que Votre Majesté place les
douze cent mille livres en loyer sûr. Qu'elle
en affecte chaque année les arrérages à l'édi-
fication du saint monument. Et quand l'église
sera terminée, Votre Majesté sera légitime
propriétaire de la somme tout entière.
— Vive Dieu ! clama le roi ; je t'en réser-
verai une partie.
— Grand merci, Sire. Mais une telle pro-
messe est trop redoutable. Je courrais grand
danger d'être pendu d'ici là !
L'église fut construite. Et c'est ainsi que
s'inaugura une méthode financière que l'on
suit encore aujourd'hui.
Adrien VÉLY.
UNE VISITE AU SERVICE
DES DÉCORATIONS POSTHUMES
Douze cenr mille demandes ont été
adressées au maréchal Pétain, et
chaque jour deux mille dossiers
sont mis en chantier et soumis
aux opérations les plus
méticuleuses.
Nous avons eu -sou vent entre les mains
des lettres qui -sont la confession d"une
juste fi'erté 'et d'une déception bien digne
d',é.rr.oQuvojr. Toutes sont conçues à peu
près dans les mêmes termes : « Mon mari
— ou mon fils, ou notre frère — est tombé
au champ d'honneur, fac-e à l'ennemi.
Par sa conduite-et pour cette fin glorieuse
il a droit à une décoration, qui s'ajoute-
rait aux objets personnels qui nous sont
de chers souvenirs. Le diplôme et l'in-
signe témoigneraient qu'il a fait le sacri-
lice de sa vie pour la victoire de la France.
Mais sa récompense, il nous semble que
no.u's l'attendms en vain, et ruotr-e deuil
n'en devient que plus douloureux. »
Plus d'un million de flamHles françaises
g ont dans ce cas. Les unes se plaignent de
la lenteur des attributions, les autres se
taisent sans. se résigner. Nous avons voulu
voir, hier, ce qui motive cette attente, et
pour cela nous sommes allé faire une en-
quête au gr'a'nd quartier général, à Ghoan-
lijlly. Le service des décorations IPoslthu-
mes n'est pas à l'Hôtel du Grand Condé,
où il m'eût pas trouvé de locaux suffisants.
L'annexe est daJ.l's la magnifique propriété
dite la Maison carrée, domaine de verdure
qui appartint au prince de Joinville et à
:la duchesse, de Chartres.
300 secrétaires et 50 femmes
Si vaste que soit l'immeuble, nous dit-
on, il n'a pu contenir les montagnes de
dossiers et d'archives qui renferment les
plus belles pages de -la glo>ire française, et
iil mous a fal'lu installer des bureaux dans
des baraques Adrian. Nous avons eu jus-
qu'à 300 secrétaires hommes et_ une cin-
quantaine de femmes. Celles-e'â ont été
appelées les cornavines, du nom du chef
qui les dirige.
Nous avons vu tout ce monde à l'oeuvre,
cependant que notre guide continuait ses
explications :
— En vertu du décret du 1er octobre 1918,
complété par celui du 4 décembre, les
morts qui sont tombés sur le champ de
bataille peuvent être l'objet de propositions
pour la, Lésion d'honneur ou la médailLe
militaire. Jusqu'ici, nous avons enregistré
un million et deux cent mille demandes, et
'Je public ne soupçonne pas quelle somme
de travail cela représente pour nous.
» Notre personnel a été réduit par la dé-
mo'bilisation. Ceux qui restent fournissent
de longues journées de travail, et nous exa-
minons par jour une moyenne de-deux
mille dossiers. C'est un labeur méticuleux.
monotone, parce que, d'une part, il doit
porter sur de nombreux détails qui exi-
gent de grandes précisions, par conséquent
une attention soutenue, et que, de l'autre,
nous avons été obligés d'adopter une mé-
thode de travail qui n'est autre chose
qu'une véritable taylorisation administra-
tive.
La méthode Taylor
» Chaque jour, nous mettons 2.000 deman-
des en chantier. Il faut ouvrir des dossiers,
collationner des pièces, les examiner une
pa'r une. les faire souvent .compléter. par
iles dépôts, dresser des fiches, etc. Chacun
se charge d'une opération ou d'une série,
toujours la même. Telle employée gomme
toute la journée, telle autre- consulte le
ïichk>r, telle autre classe par catégories,
telle 'autre enfin établit les propositions.
Nous les examinons ensuite, nous y mettons
notre avis, et nous les soumettons au maré-
chal pour la décision. Après une journée de
travail, nous passons la soirée à donner des
signatures, et tout se fait ici, depuis la
réception, de la demande jusqu'à l'expédi-
tion des insignes. Une croix, une médaille,
cela tient peu dt, place, mais vous ne sau-
riez croire combien de papiers précèdent et
motivent l'une ou l'autre. Les pièces pas-
sent par une série de mains comme à l'usi-
nage, et chacune doit être calibrée, doit
s'ajuster, s'adapter avec une scrupuleuse
exactitude. De fait, c'est ici — et sans don-
ner au mot un sens péjoratif qui n'est pas
dans notre pensée — une véritable usine de
décorations, où le travail se fait en série,
les commandes étant remplacées par les
demandes, qui se multiplient. Et nous ne
nous occupons pas que des morts ! Il y a
aussi les vivants. Ceux qui ont eu la. cro.ix
de guerre veulent la médaille militaire ; les
me daines veulent la Légion d'honneur, et
combien de lettres contiennent tout le récit
délai.! Lé d'une action ou d'une campagne !
Et nous n'avons pas à nous occuper que des
militaires ! Il y a aussi les dames, les infir-
mières qui se sont dévouées dans les am-
bulances du front ou dans les hôpitaux de
l'intérieur, les Sœurs de charité laïques qui
ont fait, de jour et de nuit; un service péni-
ble dans les cantines dos gares, les gens du
Nord qui ont subi l'occupation avec hé-
roïsme et se sont dépensés pour alléger 'la
charge ou adoucir les épreuves de leurs
compatriotes, les habitants d' Al sac.e-L{}r-
raine qui nous ont aidés par leurs rensei-
gnements et leur patriotisme à reconquérir
OOiS provinces perdues.
Recherches méticuleuses
» Il nous faut lire toutes les lettres que
nous recevons, les classer, procéder à des
recherches, poursuivre des enquêtes, de-
mander les renseignements indispensables,
réclamer des pièces complémentaires, que
sais-je encore ! Vous voyez,'d'après l'océan
de papiers où il nous faut puiser, d'après
'le nombre de nos archives, que le travail
durera longtemps encore, si consciencieux
que puisse être l'effort 'de chacun. N
» Le tout n'est pas de décorer « à tour
de bras », et au petit bonheur, si j'ose
dire, mais, au contraire, de réserver les
récompenses à ceux qui les méritent réel-
lement, d'après leur conduite en temps de
guerre et leurs antécédents du temps de
paix. La croix ou la médaille n'est pas la
monnaie courante de la gloire qui appar-
tient à une collectivité : l'une ou l'autre
doit être la distinction individuelle de ce-
lui qui l'a héroïquement gagnée. L'intérêt
de tous ceux qui portent l'insigne, l'intérêt
des familles qui veulent l'ajouter au nom-
bre de leurs précieux et pieux souvenirs,
est que nous prenions toutes précautions
utiles pour qu'il ne soit pas démonétisé,
amoindri par des attributions hâtives. Le
maréchal tient à ne se prononcer qu'en
toute connaissance de cause et sur des avis
motivés. Ce sera beaucoup plus long, mais
qui donc pourrait nous demander d'aller
plus vite, étant donné le caractère du tra-
vail dont nous assumons la responsabl-
lité ? ».
— ROGER VALBELLE.
Le Vésuve
n 'est pas en éruption
ROME, 24 août. — Le bruit d'une érup-
tion du -Vésuve est sans fondement.
Il s'agit d'un incendie dans le bois do-
maniai de Montesomjma, qui a donné l'im-
pression d'une; éruption volcanique.
DERNIÈRE HEURE
A LA CONFERENCE
LE COMITÉ DE COORDINATION
POUR LE TRAITE AUTRICHIEN
SIÈGE JOUR ET NUIT
Un télégramme des « Cinq » in-
vite la Roumanie à tenir un compte
exact de ses réquisitions en ter-
ritoire hongrois.
Le Conseil suprême a décidé qu'un té-
légramme serait envoyé au gouvernement
roumain, demandant que la Roumanie
tienne un compte exact de toutes les réqui-
sitions et saisies actuellement opérées en
territoire hongrois par ses soins et que le
montant des réquisitions et saisies vienne
en déduction des sommes que la Hongrie
devra payer à la Roumanie en vertu du
traité à intervenir.
Le comité de coordination, qui avait siégé
une grande partie de la nuit dernière, s'est
réuni hier matin, et dans l'après-midi.
On sait qu'il s'occupe de la rédaction de la
réponse à faire par les puissances alliées et
associées aux contre-propositions autri-
chiennes. On continue à croire que le texte
des amendements à apporter au texte pri-
mitif pourra être discuté et adopté dans
sa séance d'aujourd'hui par le Conseil su-
prême. La lettre d'envoi qui doit accompa-
gner ce nouveau texte est déjà rédigée et
adoptée. '
Dans la Haute-Silésie
BALE, 24 août. — On télégraphie de BOT""
lin :
D'après les derniers communiqués, la si-
tuation militaire en Haute-Silésie apparaît
de plus en plus favorable. La plus grande
partie dû territoire révolté est fortement
occupée par les troupes gouvernementales
qui continuent leur oeuvre de nettoyage.
La reprise du travail dans les charbon-
nages continue et atteint maintenant 50 0/0.
La Deutsche Tageszeitung voit dans l'en-
voi en Haute-Si,lésie de représentants de
l'Entente, même avec une mission dé simple
documentation, « une atteinte à la souve-
raineté allemande M.
Pour le même motif, le journal con-
damne la constitution d'une zone neutre;
Sur le front bolchevik
Les Polonais sur la ligne de la Berezina
VARSOVIE,. 24 août. — Sur le front de
Lithuani,e et de Ruthénie blanche, dans le
secteur Nord de ce front, sur la ligne
Hhiboie-Wârgany, les luttes continuent.
Nos troupes ont atteint 'et occupé 1a. ligne
de la rivière Berezina, die l'embouchure de
l'Usza jusqu'à la rivière Swi;s,loàz.
Après des batailles acharnées, nous avons
occupé 1 Osi,p'&w i,cze et repoussé l'ennemi
dans la direction dç Tairtaka.
Cronstadt va être évacué
REVAL, 24 août. — La Krasnaia Gaze t(i
annonce que le gouvernement des Soviets
a décidé de faire évacuer Cronstadt par la
population civile dans le plus bref délai.
Exécution d'un ancien général ukranien
CONSTANTINOPLE, 24 août. — La commis-
sion extraordinaire d'Odessa a fait fusiller
l e général Rogoz, a ncië n ministre de la
Guerre sous le gouvernement de l'hetman
Skoro'padaky, en Ukraine.
Le prince de Bülow
dénonce Bethmann-Hollweg
ZURICH, 24 août. —-On télégraphie de
Berlin :
Le prince de Biilow, ancien chancelier/ ex-
pose dans le Hamburger Frerndenblatt ses
idées sur les causes de la guerre. Pour lui,
la faute du gouvernement allemand est une
faute purement politique. Il nie .que la
guerre ait été inévitable dès le début de
l'ère Bethmann. C'est la politique atliem'ande
en Orient, c'est la mission du général Li-
man von Sanders qui ont fait de la Russie
1 ennemie de .l'Allemagne. Bülow reproche à
Bethmann de s'être livré les yeux fermés
au gouvernement de Vienne. « La bonne
volonté, écrit-il, qui est suffisante en mo-
rale, ne suffit pas en politique, car la poli-
tique est un art qu'il s'agit de posséder. »
Mesures de rigueur
contre les C. O. S. de Berlin
ZURICH, 24 août. — On télégraphie de
Berlin :
Le gouvernement s'est décidé, hier, à in-
tervenir à nouveau contre le conseil exé-
cutif berlinois. Depuis quelques emaines,
le conseil n'était composé que d'indépen-
dants et de communistes, les socialistes de
droite l'avaient quitté pour ne pas être,
disaient-ils, maltraités par ces derniers.
D'autre part, le conseil avait, de sa propre
initiative, et indépendamment de toute in-
fluence gouvernementale, prétendu orga-
niser d'après ses propres méthodes de nou-
velles élections au conseil des ouvriers. Le
gouvernement a fait occuper militairement
les locaux du conseil exécutif, arrêter quel-
ques-uns de ses membres et saisir une
grande partie des papiers. La Freiheit du
24 au matin 'proteste contre cette nouvelle
violence de Noske, et annonce que le ,conseil
tiendra désormais ses séances dans un au-
tre bureau.
Incident tragique à Berlin
BERNE, 24 août. - Le Journal de Midi
de Berlin donne des détails sur le tragique
incident qui .s'est déroulé à Berlih, dans la
Tiergartenstrasse, au cours de la nuit do
jeudi.
Le poste de garde d'un bataillon d'as-
saut ouvrit subitement le feu sur une au-
tomobile qui, dit-on, n'obéit pas assez
vite à l'ordre de s'arrêter. Une fille du
fondé de pouvoirs de la maison Bleichroe-
der et Cie a .été tuée ; une de ses sœurs,
ainsi qu'un docteur qui l'accompagnaient,
ont été grièvement blessés.
Le ministre de la Guerre
italien se retirerait
ROME, 24 août. — Le bruit court que
M. Albrieci, ministre de la Guerre, aurait
l'intention de. démissionner. Cette décision
serait motivée par des divergences d'opi-
nion entre le ministre et le président du
Conseil concernant l'attitude, à prendre à
'l'égard de la campagne de dénigrât ion que
certains journaux mènent contre l'armée.
Le Giornale del Popolo et la Gazzetta del
Popolo, qui publient cette information, ap-
prouvent ouvertement le - ministre - de ta.
Guerre....
NOS PROVINCES RETROUVÉES
LA FIN DU VOYAGE
DE M. POINCARE
EN ALSACE-LORRAINE
Le président de la République a
terminé- sa randonnée par une vi-
site à Sarreguemines, à Château-
Salins et aux champs de bataille
de 1870 et de 1914.
SARREGUEMINES, 24 août. — Le président
de la République et Mme Poincaré ont
quitté Metz, ce matin à 8 h. 50, au milieu
des acclamations de la foule, et pris le train
se rendant à Saint-Avold, Forbach et Sarre-
guemines.
Aux champs de bataille de 1870
La ligne du chemin de fer, à une 1
vingtaine de kilomètres de Sarreguemines,
traverse les fameux champs de bataille où
Frossard, le 6 août 1870, avec 20.000 hom-
mes. tenta d'arrêter une- armée de
70.000 Allemands. On aperçoit les collines
peu élevées, mais nombreuses, où se dérou-
,Ièrent ces tragiques événements, les unes
boisées, les autres ne présentant que des
champs s'étendant à perte de vue.
Le train présidentiel s'arrête quelques
minutes à Saint-Avold et à Forbach, oÙ la
population de la région avoisinant ces deux
villes est venue saluer à son passage le chef
de l'Etat. Des fleurs sont offertes à
l'lme Poincaré..
M. Poincaré se fait. présenter les nota-
bilités des deux villes et, en quelques mots
chaleureusement applaudis, félicite les ha-
bitants d'être restés aussi fortement atta-
chés à ,l'idée nationale.
Le train présidentiel repart pour Sarre-
guemines, où il entre en gare à 11 h. 15.
Le maire, M. Sigvald, et les autorités sa-
luent le président de la République et Mme
Poincaré à leur descente de leur wagon-
salon. Place de la Gare, un public très
nombreux les acclame. Un bataillon du
153" de ligne rend les honneurs.
La ville, que l'on aperçoit en contre-bas
du chemin de fer, le long de la Sarre, est
pavoisée de milliers de très grands dra-
peaux- ; des branchages de- sapin ornent
les. rues.. #
Devant la gare, de jeunes Lorraines of-
frent des fleurs à Mme Poincaré.
Le président décore de la Légion d'hon-
neur plusieurs officiers et l'abbé Braun,
curé de Remelging.
Le général Andlauer présente les offi-
ciers de la garnison à M. Poincaré;
Le président de la République et Mime
Poi.ncaré montent avec le maire dans un
landau découvert, attelé de deux chevaux.
D'autres voitures identiques sont réser-
vées à MM. Millerand et Mir-man, aux gé-
néraux de Maud'huy, Pénelon et AndLauer,
et les autres personnalités reriio ntent, en
automobile."'
La traversée de la. ville est triomphale ;
de nombreuses banderoles portent des ins-
criptions telles que : « Au grand Lor-
rain ! » , « Salut aux vainqueurs ! »
Les habitants des campagnes environnan-
tes sont venus très nombreux, si bien que
l'on a l'impression de traverser une grande
ville, tant la foule est dense sur le pas-
sage du président de la République. ^
Le si joli geste des Lorrains de faire
pleuvoir des fleurs sur le passage du cor-
tège présente ici quelque inconvénient lors-
que les bouquets tombent d'un deuxième
ou d'un troisième étage : c'est une véritable
aval.anche de roses, de dahlias, de margue-
rites que reçoivent en souriant le président
de la Républiue, tête nue, et Mme Poincaré.
Un groupe de trente jeunes Lorraines, no-
tamment, déclenche un tir de barrage du
haut des marches du palais de justice ; le
valet de pied ne 'cesse d'écarter les fleurs.
Le président de la République et Mme
Poincaré arrivent ainsi à l'hôtel de ville
au milieu des ovations ininterrompues ;
des fillettes leur remettent encore des
fleurs.
Dans la salle des fêtes, le maire présente
au président les notabilités de la ville, puis
il lui souhaite la bienvenue.
Le maire raconte la longue histoire fran-
çaise de la ville et affirme que ses conci-
toyens sont résolus à travailler dans l'or-
dre et la liberté à la restauration de la
France.
Le président remercie le maire de ses
paroles de bienvenue, puis il ajoute :
— Partout où nous sommes passés, nous
avons trouvé des traces profondes, inaltérées,
de la fidélité de la Lorraine. Pas un village où
nous nous soyons arrêtés, que dis-je, que nous
avons traversé, où nous n'ayons trouvé la
preuve de cette fidélité irrésistible, qui a triom-
pl ; de toutes les oppressions exercées par
l'Allemagne pendant quarante-huit ans, car je
ne sais que trop que c'est pendant les quatre
années de guerre que l'Allemagne s'est révélée
telle qu'elle était. Avant 1914, elle dissimulait
encore, elle joignait l'hypocrisie aux tentatives
d'intimidation ; elle essayait de vous circonve-
nir, plutôt qu'elle ne vous molesta'it ; mais de-
puis le jour où la guerre a été déclarée, ses
procédés se sont révélés tout autres, elle n'a
plus hésité à user de violence et de barbarie.
Le président dit ensuite qu'il a observé
partout la présence de trois groupes, sym-
boles de fidélité à la France : celui des Vé-
térans de 1870, celui des proscrits qui
avaient fui l'oppression ail (mande, et celui
enfin des jeunes Alsaciens qui avaient
réussi a s'échapper des lignes ennemies
pour venir servir tffl France.-
— Je retrouve dans la Lorraine délivrée, dit
M. Poincaré, en terminant, l'âme française aussi
pure, n'ayant subi aucune adultération sous le
joug étranger.
On applaudit longuement ; le président
se rend à la faïencerie qu'il visite, et assiste
ensuite à un. déjeuner à l'hôtel de ville.
La ville de Sarreguemines a offert au pré-
sident et à Mme Poincaré trois superbes
spécimens de son industrie locale : un ser-
vice de table, une pièce en peluche noire
et un petit coffre-fort.
A 14 heures, le président et Mme Poin-
caré repartent en automobile pour Dieuze.
Au milieu des délégations venues à Sarre-
guemines pour saluer lie président de la
République figurent une importante déléga-
tion du pays de la Sarre, ayant à sa tète
le conseil municipal de Sarrelouis, plu-
sieurs conseillers municipaux de Sarre-
bruck, un directeur d'usine privée, qui ont
tenu, à l'occasion, du voyage présidentiel en
Lorraine, à faire une visite de haute cour-
toisie au chef de l'Etat français.
Le président rentrera demain 'à Paris.
NOUVELLES BRÈVES
— M. Ignace, sous-secrétaire d'Etat à la Jus-
tice, a assisté, hier, à Auxonne, au concours des
sociétés-de gymnastique de la Côte d'Or.
— Un agent auxiliaire, René Vitry, vingt-cinq
tans, attaqué La nuit, à Nanterre, tire sur ses
agresseurs, et tue l'un d'eux, un Arabe du nom
de Azaoune Mohamed ben Aih&med.
— L'incendie des forêts de Feugero-lies, qui
avait redoublé, d'intensité dans la ndit, paraît cir-
conscrit. Les-dégâts sont considérables.
GRAVE ACCIDENT
UN TRAIN A DÉRAILLÉ HIER
SUR LA LIGNE DE BORDEAUX
PRÈS D'ARTIX
Il y a sept morts et de nombreux
blessés. Le préfet des Basses-
Alpes s'est rendu sur les lieux de
la catastrophe.
PAU, 24 août. — Le train n° 513, quit-
tant Pau à 4 heures 58, et :allant dans la
direction de Bordeaux, a déraillé, hier soir,
près de la gare d'Artix.
Plusieurs wagons ont été brisés et qua-
tre personnes ont été tuées sur le coup.
Le chiffre officiel des morts et des bles-
sés n'est p'as encore connu, beaucoup de
blessés ayant été dirigés, en automobile, sur
Pau, Dax et Orthez. Plus de 25 blessés
sont arrivés à Pau; trois sont morts à l'hô-
pital. Ce sont : Mlle Thérèse Landeau, de
Marseille; Jean Verges, soldat, âgé de
vingt-deux ans, et un homme âgé d'une
quarantaine d'années, et dont l'identité est
encore inconnue.
Parmi les blessés se trouvent Mme Fave,
MUas Lucienne et Marie-Louise Fave, dont
le père et la grand'mère ont été tués ;
Mmes Rioux et Mazou, dont les maris ont
trouvé la mort dans l'accident.
Le préfet des Basses-Alpes s'est rendu
sur les lieux de l'accident.
- La circulation des trains n'est pas in-
terrompue.
Amiens, Montdidier
et Péronne
citées à l'ordre de l'armée
Le président du Conseil, ministre de la
'Guerre, cite à l'ordre de l'armée les villes
ci-après :
LA VILLE D'AMIENS : a supporté du-
rant quatre ans avec un courage et une di-
gnité sans défaillance le bo
vant le péril, par la fière attitude de sa
population, alars même que les vicissitu-
des de la lutte avaient ramené la bataille
jusque dans ses faubourgs, a bien mérité
de la patrie.
LA VILLE DE MONTDIDIER : vaillante
cité, dont la guerre a fait une martyre.
Après avoir subi plus de deux années le
feu des canons ennemis, a connu tour à
tour les joies de la délivrance et l'horreur
d'une ocoxupation brutale. Position impor-
tante et âpre ment disputée, a subi une
destruction totale, payant de sa ruine la
victoire de la patrie.
LA VILLE DE PERONNE : cité qui, au
cours de cette guerre, s'est montrée digne
de son passé.
Tombée dès lés premières heures de la
campagne sous le joug de l'envahisseur,
délivrée en 1917, captive de nouveau en
1918, ayant vu la rage de l'ennemi détruire
sur son territoire ce que le canon avait
épargné, a mérité la reconnaissance du
pays par la noblesse de son attitude.
L'information
contre M. Ernest Judet
Le journal l'Eclair nous communique la
no'te suivante :
Les journaux publient l'information sui-
vante :
Le gouverneur de Paris vient de donner
l'ordre d'ouvrir une information pour in-
telligences avec l'ennemi contre M. Ernest'
Judet.
Nous ne savons rien de l'inculpation, mais
est-il besoin de dire que la société actuelle,
propriétaire du journal l'Eclair depuis le 1er
août dernier, n'a jamais eu de relation d'aucune
sorte avec M. Ernest Judet, qui, en décembre
1917, vendit son journal à M: René Wertheimer,
et partit aussitôt pour la Suisse.
Les dockers de Marseille
décident la grève générale
MARSEILLE, 24 août. — Les dockers, en-
sacheurs, charbonniers et emballeurs, réu-
nis en grand nombre, cet après-midi, à la
Bourse du Travail, ont voté, à l'unanimité,
la grève générale de la corporation.
La dernière commission paritaire avait
fixé la journée de huit heures à 16 francs,
et les heures supplémentaires il, 4 francs ;
l'assemblée a maintenu la décision votée
récemment : journée de huit heures et
20 francs, suppression des heures supplé-
mentaires.
Les dockers ont décidé de I1B reprendre
le travail qu'après satisfaction complète.
Le préfet des Bouches-du-Rhône a dé-
c.idé de convoquer à nouveau l,a commis-
'sio'n paritaire en.vue de solutionner défini-
tivement le conflit.
Les délégués- ouvriers, tout en mainte-
nant leurs revendications, ont déclaré ac-
ce'pte.r de faire partie de la commission.
Une automobile
broyée par un train
CIIAMBÉRY, 24 août.— Une limousine
appartenant à M. Charrin, directeur de la
succursale de la Banque de France à Mar-
seille, et conduite par le chauffeur Garrol,
âgé de quarante-six ans, père de sept en-
fants, a été broyée par l'express de Gre-
noble 2646. Le chauffeur a été tué sur le
coup. La barrière du passage à niveau avait
été laissée ouverte.
La police de Londres
contre les bandits modernes
LONDRES, 24 août. — Les vols à main
armée opérés par des bandes disposant
d'automobiles rapides, qui leur permettent
trop souvent d'échapper aux poursuites, se
sont multipliés ces temps derniers à Lon-
dres et dans l'a banlieue d'une façon inquié-
tante.
Pour y remédier, la police de Londres a
mis à l'étude la création d'un corps spé-
cial de (jolicemen motocyclistes. Bien qu'à
Scotland Yard on observe à cet égard une
discrétion compréhensible, il y a tout lieu
de croire 'que le public ne tardera pas à être
protégés contre ces attaques par des pa-
trouilles de police armées et disposant des
moyens les plus perfectionnés'de poursuite
et de défense.
Le service compétent a également décou-
vert les fils de l'organisation de ces bandi's
de haut vol qui, pour la plupart, font partie
de vastes associations, disposant non seule-
ment d'une quantité considérable de'voi-
tures rapîdes. mais encore d'un service
d'espionnage des mieux organisés,
Les Américains poursuivent
les bandits mexicains
WASHINGTON, 24 août. — Les troupes
américaines de la ,base de Marfa (Texas),
placées sous le commandement du major-
général Dickman, continuent la poursuite
des « hors la loi » dans le nord du Mexi-
que. Des cavaliers sont lancés à la pour-
suite des bandits qui ont exigé une ranço'n
pour la libération des lieutenants Paterson
et Davis.
Depuis jeudi, date à laquelle les soldats
américains ont franchi la frontière, ils ont
tué quatre « hors la loi » au cours d'une
rencontre. De plus, un des aviateurs char-
gés' d'opérer la liaison entre les troupes et
leur base de Marfa a tué un bandit mexi-
'cain.
Le gouvernement de Carranzà veut éviter
tout conflit
WASHINGTON, 24 août.— On a l'impres-
sion que le gouvernement du Mexique dé-
sire éviter tout conflit armé contre l,es
Etats-Unis, et qu'il n'enverra aucune
troupe contre les contingents américains
qui sont chargés de rechercher et de punir
Les partisans mexicains qui se sont em-
parés des deux aviateurs américains.
La ville de Fiume
veut pouvoir disposer
d'elle-même
ROME, 24 août. — On télégraphie de
Fiume :
Le Conseil national, bien décidé à dé-
fendre les droits de la ville jusqu'aux ex-
trêmes limites des possibilités humaines,
a rappelé son plénipotentiaire. M. Ossoinak
a quitté Paris, laissant pour le remplacer
MM. le docteur Antoni et le docteur Chio-
pris en qualité de simples experts auprès
de la délégation italienne.
Par cet acte, la ville de Fiume entend
se réserver toute,liberté d'action et demeu-
rer étrangère à toutes les délibérations la
concernant qui seront prises par la Confé7
rence.
La grève, déclare M. Nitti,
est un fléau destructeur
ROME, 24 août. — La presse commente
favorablement la circulaire adressée par
M. Nitti aux préfets, et dans laquelle il
souligne la nécessité de pousser le.pays à
l'économie et au travail. L'augmentation
de la production, dit la circulaire, est une
nécessité primordiale. L'Italie achètera,
cette année, pour 15 milliards fe plus qu elle
ne vendra. Dans ces conditions, la grève
devient un fléau destructeur comme l'in-
cendie. Toute abstention de travail est une
faute, toute indifférence de la part des in-
dustriels est un délit.
M. Nitti annonce que le gouvernement
devra augmenter le prix du pain s'il veut
éviter un déficit supérieur à celui de deux
milliards et demi qui fut, l'année dernière,
le résultat de la vente du pain ' un prix
inférieur à celui de son .prix de revient.
Après avoir exprimé sa gratitude pour
l'aide fournie par les Alliés, le président
du Conseil fait remarquer qu'il est logique
que l'Amérique ne veuille plus accorder de
crédit aux nations qui n'entrent pas dans
la voie d'une réorganisation économique
sérieuse, et il termine en invoquant l'union
sacrée pour surmonter la crise.
La préparation militaire
à Strasbourg
STRASBOURG. 24 août.. — Ce matin a eu
lieu, à la mairie de Strasbourg, une impor-
tante réunion, au cours de laquelle a été
fondée l' « Union fédérale des sociétés
d'éducation physique et de préparation aIt
service militaire d'Alsace et de Lorrain1 ».
La présidence du nouveau groupement, a
été offerte à M. Lucien, Lattès, pr. 'ident
de la Fédération nationale des socii',• s de
préparation militaire de France.
A la suite de la réunion a eu lien, cet
après-midi, un grand concours ent 1 u les
sociétés d'éducation physique d'Alsace. De
nombreux prix et récompenses ont t é of-
ferts par le président de la République, les
ministres de la Guerre, de l'Intérieur de
l'Instruction publique, le préfet de la Sene.
etc., etc.
Un banquet, présidé par le colonel La-
grue, directeur de l'infanterie, représen-
tant le ministre de la Guerre, a eu lieu à
l'issue du concours. Des discours v ont été
prononcés par M. Lattès, les généraux Lîjtr-
vergne et Denery, par le colonel Lagrue,
et par M. Adolphe Chéron, président des
sociétés d'éducation et de préparation mi-
litaires.
Un record d'athlétisme
a été battu hie
STRASBOTJRG, 24 août (Dépêche particulière).
— Aujourd'hui, grande réunion athlétique orga-
nisée par. l'Association Sportive de Strasbourg
au bénéfice de'la Jeunesse Sportive de Reims.
Le temps était splendide. Après une belle dé-
monstration de gymnastique faite par des mo-
niteurs de l'Ecole de Joinville, les courses et
concours athlétiques donnèrent :ieu à des per-
formances remarquables. L'athlète strasbour-
geois Oscar Bougard battit le record du javelot,
en envoyant son arme à 45 m. 30, L'ancien re-
cord était de 44 m. 28. +
[S'agit-U là dit lancement du javelot, ancienne
manière ?]
Le tournoi d'escrime
d'Ostende
OSTEXDR, ?1 août. Le Grand Prix ïe la,
Victoire, épreuve internationale d'épée, réservée
aux équipes militaires interalliées, a été gagné
par l'Italie, devant la France et la Balgiqu.-.
Le Grand Prix des Etrangers (épreuve, indi-
viduelle) a donné les résultats suivants :
1. lieutenant l\IangglaroLti (Italien), 2. ex-xquo,
major Anspach (Belge), lieutenant Boin (Belge),
lieutenant Ducret (Français) ; 3. lieutenant Bns-
leta (I), 4. lieutenant Dubourdieu (F), 5. ex.-
lequo, Joe Bridge (F), lieutenant Ochs (B).
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sommes, prière de vouloir bien accompagner
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HISTOIRE ABSOLUMENT APOCRYPTE
d'après des documents forgés
par ADRIEN VÉLY
ADRIEN VÉLY
Alors que le roi Louis XI résidait en son
château de Péronne, il avait confié la sécu-
rité de sa personne auguste à une forte armée,
composée de gens de toutes armes français et
d'archers écossais. C'était, pour des soldats ha-
bitués aux rudes combats de la guerre, une
mission qui leur laissait beaucoup de loisirs.
Aussi vivaient-ils dans une grande oisiveté.
Or, comme chacun sait, l'oisiveté est la mère
de tous les vices. Je n irai pas jusqu'à affir-
mer que les gardes du roi Louis XI en avaient
acquis la collection complète ; mais je n'éton-
nerai personne en disant qu'ils en possédaient
une agréable sélection. Le jeu, notamment, fai-
sait leurs délices. Ils jouaient aux dés, aux
osselets, à croix ou pile, et avec une combi-
naisQn de cartes qu'ils avaient apprise dans
leurs rencontres avec les lansquenets. Tout
leur argent passait ainsi de mains en mains,
sans qu'il en résultât autre chose que des dis-
putes.
Si, pourtant, en résulta-t-il autre chose.
Rien n'est contagieux comme le marnais
exemple. Les soldats ne tardèrent pas à en-
seigner leurs jeux aux gens de la ville et des
environs. Et ceux-ci, bientôt, les pratiquèrent
avec furie. Ils jouaient entre eux chaque fois que
l'occasion s'en présentait ; et ils se réunissaient
même pour jouer dans des locaux qu'ils avaient
spécialement aménagés pour cela. Il s'ensui-
vit dans toute la région de grands troubles et
des ruines funestes.
Le roi Louis XI, qui protégeait la vertu
chez les ^autres plus qu'il ne la professait lui-
même, s émut d'une telle situation qui offen-
sait la morale publique. Et il fit part à son
compère Olivier des réflexions qu'elle lui sùg-
gérait.
— Ces gens sont fous, Olivier, disait-il. Au
lieu de travailler pour gagner de l'argent ou
pour faire fructifier l'argent qu'ils auraient ga-
gné, ils risquent leurs dernières ressources dans
des parties de hasard, et cela sans aucun pro-
fit. Car tel qui gagne aujourd'hui, demain
perdra ; et c'est toujours la même somme qui
constitue le fonds commun.
— Voilà certains effets de la sottise hu-
maine, Sire, répondit Olivier.
— La sottise doit être châtiée, reprit le
roi. J'ai bien envie de publier que tous ceux
qui seront pris en train de jouer seront pen-
dus.
— Tous ceux qui n'auront point été pen-
dus se cacheront pour jouer, Sire. Aucune
peine au monde ne l'es fera renoncer à leur
passion. Quand le jeu' s'est implanté dans les
moelles de l'homme, rien ne saurait l'en ex-
tirper.
— Alors, dit le roi, je les veux faire pen-
dre tous.
— Assurément, ils ne joueront plus dans
ce cas, remarqua Olivier. Et ce sera peut-
être dommage.
— Que veux-tu dire, mon compère ? de-
manda Louis XI. Je devine chez toi quelque
pensée cachée.
— Je veux dire, Sire, que, le jeu étant un
mal que, personne ne peut faire disparaître,
mieux vaut alors en tirer parti.
— Et comment cela ?
— En prélevant un impôt sur les enjeux
et sur les gains. Cet impôt nous amènerait
beaucoup d'argent, qui permettrait à Votre
Majesté d'entreprendre et -d'exécuter toute
sorte de travaux utiles.
— Voilà qui est supérieurement raisonné !
s 5 écria le roi. Et tu es bien le plus madré com-
père qu'un monarque puisse avoir à son ser-
vice. Ton impôt est admirable, et je le veux
établir dès aujourd'hui.
Ainsi fut fait. Les habitants de Péronne et
des environs trouvèrent la rançon royalement
amère. Mais comme il leur avait été spécifié
que ceux qui ne la payeraient pas seraient
pendus haut et court, ils préférèrent continuer
à jouer moyennant un sacrifice, plutôt que de
faire connaissance avec le gibet. Et l'impôt fut
exactement versé.
Quand la première collecte en fut faite, les
notables de la ville vinrent l'apporter ès mains
du roi Louis XI. Et le plus âgé d'entre eux
s'adressa à lui en ces termes :
— Voici notre contribution, Sire. Elle se
monte à la somme de douze cent mille livres
en monnaie d'or. Votre Majesté a bien voulu
nous faire savoir qu'Elle l' en:pL ierait pour -,0-
tre commodité ou notre avantage. Or. Sire,
nous avons grand besoin d'une église pour le
faubourg des tanneurs. Et s'il piaisait à Votre
Majesté de la faire construire avec nos de-
niers, nous Lui en serions profondément et res-
pectuetisement reconnaissants.
— Je n'ai qu'une parole, dit le roi. L'église
sera construite.
Les notables s'en retournèrent , fort satis-
faits. Mais le visage du roi Louis XI ne
reflétait aucune satisfaction. Et il dit à son
compère Olivier, arec une grande colère da. i\S
la voix :
— Le diable les emporte, eux et l'eur église !
'— Je ne m'attendais pas, Sire, à voir mê-
ler le diable en cette affaire, repartit Olivier.
-— C'est que tu n'es pas un profond poli-
tique, Olivier. Tu es un serviteur zélé et quel-
quefois adroit ; mais tu n'es pas un profond
politique. J'avais promis à toute cette ca-
naille d'employer leur argent à des oeuvres
utiles. Mais promettre et tenir sont deux. Et
je ne considérais pas d'oeuvre plus utile que
de m'approprier leur tribut. J'ai bien envie de
ne pas faire construire cette maudite église.
— Votre parole est engagée, Sire.
— Nous la dégagerons, si telle est notre
volonté.
— Il s'agit d'une église, Sire ; et la colère
céleste pourrait frapper Votre Majesté.
— Tu as raison. Alors que le dia.ble t'em-
porte, toi et ton impôt !
— Grand merci, Sire. Mais il y aurait
peut-être mieux à imaginer que cela ?
— Et quoi donc ?...
— Votre Majesté n'a fixé aucun délai pour
la construction de l'église.
— Aucun.
— Adonques, que Votre Majesté place les
douze cent mille livres en loyer sûr. Qu'elle
en affecte chaque année les arrérages à l'édi-
fication du saint monument. Et quand l'église
sera terminée, Votre Majesté sera légitime
propriétaire de la somme tout entière.
— Vive Dieu ! clama le roi ; je t'en réser-
verai une partie.
— Grand merci, Sire. Mais une telle pro-
messe est trop redoutable. Je courrais grand
danger d'être pendu d'ici là !
L'église fut construite. Et c'est ainsi que
s'inaugura une méthode financière que l'on
suit encore aujourd'hui.
Adrien VÉLY.
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